Memoire Olivier Juliard Final

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Dédicace

À notre papa BIANGUE AMBADIANG Olivier, à notre sœur NKOMIDIO


Octavie, à l’Abbé Alphonse BELLA et à notre catéchiste MAKON
Florent tous décédé(es).

i
REMERCIEMENTS
Nous rendons grâce à Dieu qui nous a créés avec le grand privilège d’être à son image
comme sa ressemblance, et qui ne cesse de veiller à ce que nous demeurions comme tels, plaçant
à notre rencontre, les éléments et les personnes pour notre inter-réalisation. Pour cette raison,
nos sincères remerciements vont aussi à l’endroit du/de :

Docteur André Valéry NDONGO qui, malgré ses multiples charges, nous a gratifié de
sa disponibilité pour la direction de ce mémoire, en nous inculquant ainsi le désir et la rigueur
des recherches scientifiques à qui je souhaite d’ailleurs un prompt rétablissement ;

Tous les professeurs et la secrétaire de la Faculté de Théologie de l’Université


Catholique d’Afrique Centrale pour leurs enseignements et conseils ;

Nos très chers parents BIANGUE Olivier (décédé) et MBALLA Berbetoih, qui sont ce
locus par qui, Dieu a voulu nous communiquer son image et sa ressemblance ; et toute la famille
BIAGNE, mes frères et sœurs ;

La Fraternité des Témoins de l’Emmanuel, ma famille religieuse, particulièrement les


frères de la maison St Paul de Leboudi, aussi bien pour leur soutien moral que spirituel ;

A msgr Max Désiré BEKITE, aux Abbés Calvin SIANGA, Louis Roi NGUEKAM,
Privat NDEME MODO, Rodrigue FOZI, Ulrich YIEMENI, Richard YIAG MBOG, Vincent
De Paul TEUMA, Christ BOPDA, BANDOLO Thierry ; aux pères Théophile MBOPDA scj,
Armel MBASSI sac, Achille ANDAKA oc, Arnaud MBIDA ocd, aux mamans Marceline
NGAH, Annette BANEBA et à nos amis Prosper NSOGA, « Amis d’enfance » nous disons
merci pour les soutiens multiformes

Tous nos camarades de classe ; Tous ceux qui, de loin ou de près, ont consciemment ou
inconsciemment accepté d’être des instruments de Dieu en nous aidant à la réalisation de ce
travail.

À tous, nous exprimons sincèrement notre gratitude.

ii
iii
INTRODUCTION GÉNÉRALE

Les sources scripturaires et le magistère attribuent à l’homme l’origine du péché dit «


originel » qui, en plus de perturber l’harmonie des rapports entre Dieu et l’homme dont la
rupture de communion entre ceux-ci en est l’expression ; entraînant ipso facto la fatalité de la
mort comme conséquence immédiate, Gn 3, 1-24. Pour nous libérer de l’esclavage du péché, le
Christ, par obéissance à son Père, a pleinement assumé notre nature humaine au point de s’offrir
en offrande parfaite à son Père pour le salut de l’humanité. Raison pour laquelle Saint Paul
affirme : « vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés au nom du
Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de notre Dieu », 1 Co 6, 11.

Ainsi, en professant la foi en Jésus-Christ et en recevant la vie nouvelle qui émane de


lui par le baptême, nous sommes épurés de l’empreinte du péché originel en nous. Bien que le
baptême lave l’homme non seulement de la marque du péché originel, mais aussi de tous ses
péchés, l’on constate que le chrétien ne cesse de pécher, c’est-à-dire de se détourner du
Seigneur, la communion permanente et indispensable avec lui. Conscient que l’homme né de
nouveau en Christ serait toujours susceptible de sombrer dans le péché (qu’il soit grave ou
véniel), le Christ a pris le soin d’instituer un second baptême par les larmes cette fois1, le
sacrement de la réconciliation, afin que tous les pécheurs puissent redécouvrir la grâce
baptismale et rétablir la communion perdue avec Dieu et son Église. Vu sous cet angle, le
sacrement de la réconciliation se présente comme « la seconde planche [de salut] après le
naufrage qu’est la perte de la grâce »2 en ce sens qu’il offre au pénitent une nouvelle possibilité
de conversion et de réhabilitation de la grâce qui le justifie.

Or, le problème demeure : que ce soit avec « l’eau du baptême [ou encore] les larmes
de la pénitence »3, l’homme baptisé et réconcilié avec Dieu ne cesse de pécher. Pourtant, le
Christ lui-même, dans certaine rémission adresse cette recommandation au pénitent : « Va,
désormais ne pèche plus » comme ce fut le cas avec la femme adultère (Jn 8, 11). D’où notre
questionnement : comment comprendre que l’homme puisse continuer de pécher après le
baptême et la pénitence ? Le sacrement de la réconciliation serait-il inefficace face à la
résistance du péché en l’homme ? Devrait-il par un procédé magico-religieux soustraire
l’homme de l’offense à Dieu, à ses semblables et à lui-même ou alors est-il une œuvre

1
CLEMENT D’ALEXANDRIE, Quel riche sera sauvé ?, XLII, 14, Sources chrétiennes, Paris, Cerf, p.35.
2
AMBROISE, Les Lettres de S. AMBROISE, Evêque de Milan, De l’oratoire, Paris, Lettres, 12, 41.
3
TERTULLIEN, Œuvres de Tertullien, Tome, 2, De paenitentia, Paris, Louis Vivès, 1852, p.s197.

1
mécanique consistant simplement à supprimer le péché autant de fois que le besoin se fera
ressentir ? Peut-on se passer du sacrement de la réconciliation ? Ces interrogations soulèvent
l’aporie fondamentale suivante : quelle est la nécessité d’entrer au confessionnal si l’on
continue de pécher ? C’est cette préoccupation en effet, qui a motivé et orienté le choix de notre
thème à savoir : Répétitivité du péché et crise du sacrement de la réconciliation : quelles
solutions ? À la lumière de Reconciliatio et Penitentia. Pour y apporter des solutions, nous
envisageons de faire l’usage de la méthode analytico-critique suivant une ossature tripartite.

De fait, le premier chapitre nous permettra de parcourir la question du péché en


l’Homme par le fait du mauvais usage de sa liberté dès les origines ainsi que son désir de
ressembler à Dieu ; pour mieux percevoir son lien avec le sacrement de réconciliation, afin de
poser les jalons de la nécessité et de l’efficacité dudit sacrement contre le péché dans toutes ses
formes possibles. Le deuxième chapitre établira l’appréciation du magistère face à la crise du
sacrement de réconciliation et les effets du péché ; pour ce faire nous commenceront par faire
une lecture évolutive du sacrement avec les deux conciles majeurs qui en ont traité la question,
jusqu’au document magistérielle source de notre travail. Le troisième chapitre enfin, relèvera
la question de la perpétuité des actes peccamineux de l’homme malgré les grâces des sacrements
du baptême et la pénitence, et proposera des pistes de résolution à ce phénomène, ainsi que des
orientations pastorales pouvant aider les chrétiens et les pasteurs à redécouvrir la splendeur de
ce sacrement.

2
CHAP I : DESCRIPTION EXPERIMENTALE DE LA REPETITIVITE DU PÉCHÉ
ET DE LA CRISE DU SACREMENT DE RECONCILIATION

Comment comprendre la réalité du péché en l’homme ? À cette question, plusieurs


théories s’élaborent et arrivent à des conclusions telles que : soit l’homme s’exalte au point de
faire de lui-même un absolu, soit il se rabaisse au point de sombrer dans le désespoir bref en
l’absence de Dieu dans la vie de l’homme, un vide se fera toujours ressentir. Elle plonge ceux
qui s’y consacrent dans un mystère inconnu et infiniment complexe. C’est du dévouement au
décryptage de l’homme que surgit le discours chrétien basé sur Gn 1, 26 qui « constitue la base
immuable de toute anthropologie chrétienne »4. Cependant, la ressemblance de l’homme à Dieu
étant « un concept théologique avant de devenir un concept anthropologique [parce qu’elle]
énonce d’abord quelque chose sur Dieu qui se crée son image et entre avec elle en un rapport
particulier, avant d’affirmer quelque chose sur l’homme »5, comment s’inscrit-elle dans les
préoccupations anthropologiques en général et dans l’anthropologie chrétienne en particulier ?
Pour saisir la pertinence de notre question, nous allons procéder à une analyse nous permettant
de comprendre en quoi consiste le fait d’être créé à l’image et « comme la ressemblance de
Dieu ». C’est le premier point. Le deuxième point de ce chapitre se penchera sur la conséquence
du mauvais usage de la liberté et la manière dont la raison humaine use de celle-ci pour
ressembler à Dieu. Le troisième point traitera la question de la nécessité, l’efficacité et les effets
du sacrement de réconciliation ouvrant à l’avènement de Jésus Christ qui vient restaurer la
ressemblance perdue.

I.1. L’IMPACT DE LA RAISON HUMAINE FACE A LA LIBERTE DE L’HOMME


DE RESSEMBLER A DIEU

I.1.1. Ressemblance à Dieu : Appel à la communion

Au sujet de la liberté, plusieurs théories s’élaborent. Nous constatons avec Marie Odile
Boulnois que la liberté est abordée soit pour répondre au problème de l’origine du mal et en
disculper Dieu, soit pour réfuter les doctrines fatalistes qui soumettent les choix de l’homme à
un destin et entraînent de ce fait la mise en cause de Dieu en tant que Créateur, soit encore pour
évaluer la part de l’autonomie humaine face à la préscience et à la prédestination divine6. Ces

4
JEAN PAUL II, Lettre apostolique Mulieris dignitatem, Montréal, Paulines, 1993, n° 7.
5
MOLTMANN Jürgen, Dieu dans la création. Traité écologique de la création, Paris, Cerf, 1988, p. 283.
6
BOULNOIS Marie Odile, « Liberté, origine du mal et préscience divine selon Cyrille d’Alexandrie », in Revue
des Etudes Augustiniennes et patristiques, (1Vol. 46 /2000), p. 61.

3
trois axes nous permettent de constater la complexité de la compréhension de la liberté, mais
ouvrent la compréhension selon laquelle la liberté est essentiellement humaine. On peut se
demander au fond, qu’est-ce que la liberté ? Pourquoi sommes-nous libres ?

Répondre à ces questions nous permettra de saisir l’engagement de l’homme dans cette
question anthropologico-chrétienne de la ressemblance. En effet, s’appuyant sur les données
scripturaires, nous constatons que l’homme est libre depuis le commencement car libre est aussi
Dieu, à la ressemblance de qui il a été fait. En ce sens, « la liberté est une perfection ontologique
de la personne »7, comme le constate Jacques Dupuis. La liberté, liée essentiellement à l’homme
dès la création, donne d’établir une distinction que Karl Rahner fait entre deux libertés qui ne
sont pas naturellement deux choses pouvant être séparées, mais deux moments qui constituent
l’unicité de la liberté transcendantale, une liberté issue de l’acte même de la création de
l’homme par Dieu. Il s’agit d’ « une liberté source et [d’] une liberté dérivée, [d’] une liberté
origine et [d’] une liberté que l’on pourrait dire en incarnation concrète et mondaine »8. Pour
dire mieux, la liberté de l’homme dérive directement de celle de Dieu. Dérivant donc de Dieu
lui-même, cette liberté ne peut qu’être en vue de la ressemblance de l’homme à Dieu. D’où son
caractère essentiellement fonctionnel. Pris dans son sens originel, la liberté « ne nous est pas
donnée pour elle-même, ni pour n’importe quoi, mais pour que nous nous réalisions […] en
répondant à notre vocation »9. Pour cela, elle est un pouvoir qui sert de moyen et non de fin.
Elle vise ce pouvoir à la réalisation de soi pour répondre à sa vocation, et conduire à son
achèvement sa destinée. Ainsi, comme le substantif « ressemblance » sert de modèle, la liberté
se doit d’être un moyen par lequel l’homme doit être semblable à son Créateur.

Dans la mesure où la ressemblance de l’homme à Dieu évoque, en premier lieu, l’appel


à la communion, « la liberté véritable de l’homme est cependant durablement une ; elle est en
tant que telle une caractéristique transcendantale du sujet un, […] une liberté qui vise le sujet
un et total dans une unité de l’accomplissement existentiel total entendu comme un »10. Par
ailleurs, cette compréhension de la liberté originelle de l’homme Gn 1, 26-27, parce qu’issue
de la liberté originale de Dieu, vient d’une part battre en brèche les conceptions selon lesquelles
l’homme doit conquérir ou gagner à tout prix sa liberté. Et d’autre part, elle établit une claire
distinction entre la liberté et le libre arbitre. L’essence fondamentale de cette liberté ne tient pas
uniquement dans le sens où il serait possible de faire ou de ne pas faire ceci ou cela en fonction

7
DUPUIS Jacques, Homme de Dieu. Dieu des hommes. Introduction à la christologie, Paris, Cerf, 1995, p. 201.
8
RAHNER Karl, Traité fondamental de la foi. Etudes sur le concept du christianisme, Paris, Cerf, 2011, p. 52.
9
MOUROUX Jean, Sens chrétien de l’homme, Paris, Aubier, 1958, p. 135.
10
RAHNER Karl, Traité fondamental de la foi. Etudes sur le concept du christianisme, p. 53.

4
d’un choix arbitraire, mais plutôt « comme tout, une liberté ordonnée à ce qui est définitif, et
une liberté qui se réalise en un oui ou en un non absolu et libre face à ce ce-vers-quoi et à ce
ce-à partir-de-quoi de la transcendance que nous nommons « Dieu » »11. La liberté se distingue
du libre arbitre qui se comprend, selon Jacques Dupuis, comme étant la faculté de choisir,
signifiant par-là « la modalité concrète par laquelle la personne humaine exerce sa liberté »12.
Elle est également le signe de son imperfection actuelle. Différenciée ainsi du libre arbitre, la
liberté se comprend non pas comme faculté de pouvoir faire ceci ou cela, mais faculté de décider
de soi-même et de se faire soi-même entendue dans le sens où l’homme entre en communion
avec le créateur. Là même, le libre arbitre ne sera plus « un pouvoir de choisir également le
bien ou le mal, [mais] il est un pouvoir de choisir le bien par élan de nature ; et un pouvoir de
choisir le mal, par défaillance et arrachement à son élan naturel. Il est donc essentiellement un
pouvoir orienté »13.

L’ignorance de l’essence même de la liberté comme fonction a conduit à l’exaltation de


la liberté au point d’en faire un absolu, qui serait la source des valeurs. À cause de cela, « on a
attribué à la conscience individuelle des prérogatives d’instance suprême du jugement moral,
qui détermine d’une manière catégorique et infaillible le bien et le mal »14 ; désormais, c’est à
la conscience que revient la décision de ce qui est bien pour ressembler à Dieu. Et du coup,
toute vérité sur Dieu « serait considérée comme une création de la liberté »15. Cette dernière
s’est transformée en une fin que l’homme doit conquérir, alors qu’en réalité, l’homme est
essentiellement libre tel que voulu par Dieu. Ainsi, au lieu d’user de la liberté comme moyen
pour répondre à sa vocation, l’homme cherche plutôt à gagner celle-ci en éliminant toute idée
contraire à la sienne. Liberté et obéissance deviennent antonymes et plutôt liberté et
désobéissance/opposition sont synonymes. Pour cela, non seulement il faut déclarer la non
nécessité de Dieu, mais aussi et surtout la mort de Dieu pour lui substituer le Moi-sujet soutenu
solidement dans le cogito ergo sum de René Descartes. Ainsi se comprend « le cri nietzschéen
de Dieu est mort [qui] marque définitivement l’autonomie et la primauté de l’homme et en
même temps la non dépendance du monde par rapport à Dieu »16. Cela a constitué le
changement de paradigme pour l’homme : au lieu d’être fondamentalement désir de ressembler

11
Ibidem, p. 117.
12
DUPUIS Jacques, Homme de Dieu. Dieu des hommes. Introduction à la christologie, p. 202.
13
MOUROUX Jean, Sens chrétien de l’homme, p. 133-134.
14
JEAN PAUL II, Lettre Encyclique Veritatis Splendor, Cameroun, Yaoundé-Mvog Ada, Ed. Don Bosco, 2006,
n° 32.
15
Ibidem, n° 35.
16
MANDEY AGBAKA Michel, Les présupposés christologiques et anthropologiques d’Eberhard Jungel et
leurs résonnances dans la pensée et le vécu Africains, Roma, Libreria Sole, 2020, p. 7.

5
à Dieu, « l’homme est fondamentalement désir d’être Dieu »17. Et c’est peut-être Dieu qui doit
lui ressembler. Ce qui se manifeste ici, c’est l’arbitraire d’un vouloir qui met son Moi propre
au centre de tout et utilise toutes les autres choses comme de simples moyens pour son Moi
propre. Il s’agit là dans le langage augustinien, de l’orgueil qui établit le Moi propre en principe
de toutes choses et se met ainsi à la place de Dieu. Cette situation ne peut que conduire à des
impasses, car ce qui est bon pour l’un ne l’est pas nécessairement pour l’autre. C’est toute la
maxime kantienne qui tombe en désuétude. Que doit faire l’homme dans cet amalgame
d’impasses ? Ici encore se comprend la pertinence de notre sujet pour rentrer vers la liberté
originale pour une ressemblance parfaite à Dieu. Et l’appel de Edward Schillebeeckx soutient
notre propos quand il dit que l’approche théologique de « l’homme comme liberté située [est à]
considérer dans son intersubjectivité avec Dieu et insérer dans cette subjectivité, son dialogue
avec le monde »18. Il faut comprendre que la création évoque déjà la condition de créature qui
signifie la relation fondamentale de l’homme à Dieu ; c’est une dépendance totale de l’homme
à Dieu. La personne est faite pour s’achever en communiant à l’Absolu. Dans le cas contraire,
c’est la perte de l’homme. D’où la question du mal.

I.1.2 Liberté par l’obéissance à l’image du Christ comme moyen de communion

Le Christ est le modèle par excellence de l’exercice de la liberté en ce sens qu’il exprime
par son obéissance à son père le projet de celui-ci pour l’humanité. Dieu « a librement créé
l’homme pour le faire participer à sa vie. C’est pourquoi, de tout temps et en tout lieu, il se fait
proche de l’homme, il l’aide à le chercher, à le connaître »19. Cette affirmation du catéchisme
de l’Eglise Catholique, nous rend conscients de la tâche que doit accomplir l’homme, tâche qui
aboutit à la communion avec Dieu. Pour comprendre comment Jésus a conduit à son
accomplissement la volonté du Père, et réalisé par-là même la manière pour l’homme de
ressembler à Dieu, il faut s’inscrire dans le registre de l’obéissance. Cependant, l’évocation de
l’obéissance ne compromettrait-elle pas la compréhension de la liberté du Fils, et directement
aussi celle de l’homme ? Dans quel sens pouvons-nous affirmer que l’obéissance constitue le
socle de l’exercice de la liberté ? C’est pour cela que nous consacrons ce point de notre travail
à découvrir et à démontrer comment la christologie de l’accomplissement ne peut se
comprendre sans la centralité de l’obéissance durant tout le moment que constitue l’Incarnation.

17
SARTRE Jean Paul, L’être et le néant. Essai d’ontologie phénoménologique, Paris, Gallimard, 1943, p. 654.
18
SCHILLEBEECKX Edward, Dieu et l’homme. Approches théologiques 2, Paris, Edition du Cep, 1965, p.
193.
19
CATECHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE, Paris, Mame-Plon, 1992, n° 1.

6
D’entrée de jeu, l’obéissance ne peut se vérifier que par la mise à « l’épreuve, puisque
pour une personne, obéir c’est se donner à ce qui la dépasse et en même temps la réalise »20.
Dans ce double perspectif de la vérification-réalisation, l’obéissance serait le qualificatif de la
confiance que Dieu aurait mis en Jésus et qui s’exprime d’ailleurs lors du baptême en ces mots
: Celui-ci est mon fils en qui j’ai mis toute ma faveur (Mt 3, 17) et qu’il faut écouter. Dans le
sens de la réalisation, l’obéissance est la réponse de confiance à l’égard du Créateur.
Effectivement, il s’agit de s’habiller de l’humilité afin de reconnaître sa place, de devenir ce
que l’on est et ce que l’on doit être. C’est en outre, ce « deviens ce que tu es »21 du pape Jean
Paul II, qui a échappé à Adam et Eve ainsi qu’à la raison humaine et, qui a versé dans le désir
égoïste et cupide de l’homme. Jésus, lui, est devenu ce qu’il est en obéissant au Père. Il n’a pas
succombé à la tentation d’être égal à Dieu, bien qu’il soit, de par sa préexistence, et à la
différence d’Adam, de condition divine. Dans la partie précédente nous avons observé que le
manque de confiance est la racine même du péché ; et maintenant, l’obéissance vient remédier
à cet échec en régénérant la confiance perdue de l’homme. Le Christ nous révèle ce que
l’homme peut devenir quand il s’abandonne sans réserve à Dieu, comme il le fit lui-même.
Plusieurs enjeux découlent donc de la compréhension de l’obéissance du Christ dans ce
processus salvifique contenu dans le mystère de l’Incarnation. En générant cette attitude de
confiance, l’obéissance devient un connecteur de la filiation. Elle dispose le Christ à ne pas
vouloir s’égaler à Dieu, mais à prendre conscience de sa différence avec Dieu. L’obéissance est
donc la manifestation la plus concrète de la kénose. Elle est le moyen par lequel « le fils de
Dieu assume la situation finie et limitée des créatures et la fait participé à la vie trinitaire et à
l’amour infini »22 qui constituent le salut pour toute l’humanité. Grâce à ce socle, tout comme
cette étoile qui a guidé les mages vers Jésus à Bethleem, Jésus Christ peut avoir le mérite d’être
Fils digne du Père. Etienne Vetö, faisant une démarche analytico-démonstrative allant de Jésus-
Christ à la communion trinitaire, affirme que « s’il y a un moment où la figure de Dieu se fait
plus paternelle c’est donc lorsqu’il est question de l’obéissance […] c’est le moment où Jésus
commence à pouvoir entretenir une relation personnelle d’obéissance à Dieu que celui-ci peut
être nommé Père »23. C’est encore cette obéissance qui va lui redonner la gloire auprès du Père.
Jésus ne s’est pas fait égal de Dieu, pas même au sens où il se serait déclaré lui-même Fils de

20
CATECHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE, Paris, Mame-Plon, 1992, n° 1.
21
Ibidem.
22
LINZENGUE Eloi Jean, Jésus Christ à l’épreuve du monde. Comprendre et vivre la foi chrétienne, Yaoundé,
Masseu, 2014, p. 219.
23
VETO Etienne, Du Christ à la trinité. Penser les mystères du Christ après Thomas d’Aquin et Balthazar, Paris
Cerf, 2012, p.230.

7
Dieu. Il s’est au contraire différencié de Dieu en se subordonnant au Père, afin de servir par
toute son action le règne du Père. L’abaissement du Christ jusqu’à la mort, qui constitue, avec
son élévation dans la gloire, le point central de l’hymne aux Philippiens, Ph 2, 6-11, « doit être
considéré comme la disposition d’esprit à adopter pour tout chrétien vis-à-vis de tous, puisqu’il
mène à la vraie liberté »24. Grâce à cette obéissance de Jésus, l’appel adressé à tous les hommes,
appel fondé sur la ressemblance, atteint le caractère le plus profond de l’unité entre le Père et
le Fils au point d’en constituer le paradigme. En elle ou tout simplement grâce à elle, la volonté
du Fils et celle du Père ne s’opposent pas, mais se rejoignent pour créer une autonomie
transcendantale correspondant à la liberté transcendantale et originelle. En ce sens, l’obéissance
est moins soumission que ressemblance ; et quand bien même le Christ utilise l’expression, «
ma volonté », il ne désigne pas seulement sa faculté humaine de vouloir, ni uniquement le
vouloir divin en face de lui, mais une volonté déjà unifiée, un vouloir voulu pour notre salut.
Jésus Christ « est à la fois obéissant en tout au Père et uni en tout à Lui. En Dieu il n’y a pas de
domination du supérieur sur l’inférieur : l’obéissance est identique à la liberté, le don total de
soi est identique à la pleine possession de soi »25.

L’obéissance est donc ce connecteur logique et identitaire entre deux libertés, qui nous
permet de constater que plus une chose est liée à nous, moins elle est autonome et moins encore
on peut établir sa différence avec nous. Elle est, selon Jancythe Tremblay, cette coïncidence
asymptotique « qui consiste dans la rencontre de deux immanences et de deux transcendances,
celle de l’humanité et celle de Dieu […] d’une part, l’essence de l’esprit humain, sa liberté et
son historicité, et d’autre part Dieu se rendant immanent à l’immanence humaine »26.
L’obéissance revêt donc deux éléments majeurs, à savoir, assimilation et appropriation. Ces
deux éléments font en sorte qu’il n’y ait plus des devoirs en tant que tel ; car en eux, volonté et
obligation ne font qu’un. C’est là la compréhension de la liberté totalement orientée vers la
ressemblance de l’homme à Dieu. Pour cela, l’homme qui veut se comprendre lui-même
jusqu’au fond ne doit pas se contenter pour son être propre de critères, mais il doit s’approcher
du Christ, « entrer dans le Christ avec tout son être, il doit s’approprier et assimiler toute la
réalité de l’Incarnation et de la Rédemption pour se retrouver lui-même »27. En Jésus Christ,

24
WEIDEMANN Hans-Ulrich, « Celui qui était dans la condition de Dieu », in Communio : Revue Catholique
Internationale, XL, 6 n° 242, novembre-décembre 2015, p. 360.
25
VON SCHONBORN Christoph, L’icône du Christ. Fondement théologiques élaborés entre le I er et le II ème
Concile de Nicée (325-787), Suisse, Editions Universitaires Fribourg, 1976, p. 53.
26
TREMBLAY Jancythe, Finitude et devenir : fondements philosophiques du concept de révélation chex Karl
Rahner, Montréal, Edition Fides, 1992, p. 465.
27
JEAN PAUL II, Op. Cit., n° 8.

8
sont assimilées, sa propre liberté et celle du Père. Pour cette raison, il n’hésite pas à affirmer :
« Je suis dans le Père et le Père est en Moi. […] Si vous gardez mes commandements, vous
connaitrez que je suis en Mon Père et vous en Moi et Moi en vous » Jn14, 10-20. L’obéissance
christique a conduit à l’accomplissement de la volonté du Père qui est celle du salut de tout le
genre humain. De même que le Christ a préféré notre bien à son bien propre, et notre vie à la
sienne, l’obéissance de l’homme doit consister à estimer les autres supérieurs et préférer les
intérêts des autres aux siens. C’est-à-dire que, sans toutefois « perdre sa finalité première au
service du bien commun, l’obéissance devient ainsi matrice de perfection chrétienne, voie
royale vers la charité parfaite »28. La ressemblance à Dieu réside dans l’« être-pour ».
Cependant, pour y arriver, il faut une relation personnelle ou individuelle avec Jésus Christ, car
hors de cette dynamique commence le péché.

I.2. LE PECHE : CONSEQUENCE DU MAUVAIS USAGE DE LA LIBERTE

La liberté est ce qui caractérise l’amour de Dieu pour l’homme ; elle permet à l’homme
dans ses rapports avec Dieu et son semblable de se sentir épanoui et de faire l’expérience d’une
rencontre profonde avec ceux-ci. Malheureusement, c’est de cette liberté que nait toutes les
envies l’éloignant de son créateur entrainant alors l’échec de l’usage de la liberté ; et cet échec
ne laissant pas l’homme sans conséquence. Comment comprendre cette expérience ?

I.2.1. Le péché originel : l’échec de la liberté dans la recherche de ressembler à Dieu

Le point précédant nous a permis de saisir l’orientation ontologique de la liberté vers le


bien qu’est la ressemblance parfaite à Dieu. Cependant, au lieu d’embrasser le bien ultime qui
consiste dans la participation à la vie divine par Jésus-Christ, « les personnes humaines peuvent
s’en détourner pour jouir de biens transitoires ou même purement imaginaires. Le péché est
précisément cet échec de la liberté, ce refus de l’invitation divine à la communion »29. Cette
constatation nous place d’une part, du côté de l’existence de deux penchants : le bien et le mal
; et d’autre part, du côté de « la relation de l’homme avec Dieu, où se prend le sens du terme
péché qui est une rupture d’alliance ou une désobéissance à la Loi qui l’exprime »30. Qu’est-ce
qui serait à l’origine de pencher vers le mal et détourner la fonction première de la liberté ?

28
DONNEAUD Henry, « Liberté et obéissance dans les communautés nouvelles », in Communio : Revue
Catholique Internationale, XLII, 6 n° 254, novembre-décembre 2017, p. 39.
29
COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE, Communion et service : la personne humaine créée
à l’image de Dieu, Roma, Libreria Editrice Vaticana, 2004, n° 44.
30
MALDAME Jean-Michel, Le péché Originel. Foi chrétienne, mythe et méthaphysique, Paris Cerf, 2008, p.
119.

9
Trouver donc l’origine ou la cause de cet échec peut possiblement constituer la clé
essentielle pour la compréhension de la ressemblance à Dieu, car il s’agit de ramener l’homme
à sa vraie vocation. Réfléchir sur l’origine de l’échec de la liberté, nous situe dans le grand
débat théologico-anthropologique inauguré par saint Augustin par l’expression du péché dit
originel. Ce dernier, selon Augustin, repris par Bobyn Horner, « est un acte posé par une volonté
libre […] Il constitue réellement le péché, même si c’est par voie de participation seulement,
en tant que nous sommes Adam »31. Dans cette notion du péché, la distinction du « péché
originel ou originé qui affecte l’humanité dans son ensemble (peccatum originatum) et du péché
des origines ou originant (peccatum originans), c’est-à-dire le péché d’Adam »32, nous permet
d’établir une différence entre l’acte volontaire (péché originel originant, le péché d’Adam) qui
se perpétue inévitablement dans une volonté affaiblie (péché originel originé, le péché originel
en nous les fils d’Adam). Ceci nous donne de comprendre d’une part, que le péché originel ne
signifie pas, au sens chrétien, l’acte libre et personnel des premiers hommes. Sinon, on
comprendrait d’abord qu’« il existe une destinée qui ne dépend pas de l’homme, celui-ci est
sans pouvoir ; la confusion où se trouve l’individu jeté dans un ensemble qui le dépasse ; l’échec
moral personnel »33. Et d’autre part, la théologie du péché originel donne lieu à la théorie des
deux penchants en l’homme, car le péché originel se comprend plutôt comme l’origine
historique de la situation de la liberté humaine, situation déterminée par la faute qui ne peut
qu’être surmontée par un recours incessant vers le but (communion en Dieu) de l’histoire de la
création et non son début (Adam). En fait, « quand le premier homme a péché, il s’est comporté
comme tout pécheur, il a suivi librement son penchant mauvais en se laissant séduire par Satan
»34. Ainsi, le péché prendrait sa source dans la volonté perverse, de la part de l’homme, de
décider de lui-même ce qui est bien ou mal pour lui, indépendamment de ce que Dieu veut. Le
péché originel n’est pas un péché personnel, mais un état de péché contracté avec la nature
reçue d’Adam. Il est une mauvaise disposition dans une personne affectée par le mal. C’est une
privation de la justice originelle qui est celle d’être à la ressemblance de Dieu. Cette justice
consistait dans l’état d’harmonie, de subordination très parfaite de l’esprit humain à Dieu. À la
différence du péché originel, pécher, pour saint Augustin, n’est pas subir quelque chose mais
plutôt faire quelque chose.

31
ROBYN Horner, « Problème du mal et péché des origines », in Revue des Sciences Religieuses, n° 1, 2001, p.
64.
32
GROSSI Vittorino, SESBOUE Bernard, LADARIA Luis et alii, Histoire des dogmes : L’homme et son salut,
Paris, Mame-Descée, 2016, p. 149.
33
DREWERMANN Eugen, La peur et la faute. Psychanalyse et morale, Tom 1, Paris Cerf, 1992, p.8-9.
34
BAUDRY Gérard-Henry, Le péché originel, Paris, Beauchesne, 2000 p. 296.

10
Nous comprenons que le péché primordial n’est pas originant, mais une chose nous reste
certaine : Une double relation explique la condition concrète de la personne humaine qui naît
dans l’état de déchéance originelle, tout en restant insérée dans l’ordre surnaturel ; et « l’entrée
dans le monde de la corruption et des passions est le point de départ de l’aliénation de la liberté
»35. Et là, notre inquiétude demeure : qu’est-ce qui est à l’origine de la volonté perverse ? Disons
que « l’homme est faillible (il peut défaillir) parce qu’il est un être fini, et cependant, cette
finitude n’est pas le péché. Le péché commence avec l’attitude que l’homme prend à l’égard de
sa propre finitude »36. Quelle attitude prend-il face à sa finitude ? Vite, on répondrait avec saint
Augustin, qu’il s’agit de l’orgueil humain. Pécher c’est désobéir à la loi qui unit. En ce sens, «
la présentation du péché comme désobéissance a un corollaire : le péché est fruit d’une décision
libre et il est commis sous la responsabilité de l’homme »37. Traitant la question de la liberté,
nous avons remarqué que l’homme s’est tenu en position d’orgueil et de désobéissance à l’égard
de son Créateur. Dans le langage de Wolfhart Pannenberg, le « se vouloir-soi-même » de
l’homme ne s’accomplit que dans une forme d’auto-affirmation sans limites. Ce qui nous donne
de dire que la racine même de l’échec de la liberté dans le processus de la communion avec
Dieu, c’est bien le manque de foi en le Créateur. Faisant une étude approfondie de la chute
d’Adam et Eve, Bernard Lauret fait parler Eugen Drewermann qui constate que la perte de la
ressemblance s’est effectuée quand l’homme « a perdu confiance en Dieu et qu’il s’est fourvoyé
en cherchant ailleurs le remède à son angoisse, dans la violence et la tentation à dominer le
monde »38. Certainement que le manque de confiance peut se dire théologiquement en termes
de manque de foi en Dieu. Dans un sens général, « si le manque de foi en tant que phénomène
anthropologique universel doit entrer dans la description théologique du péché en tant que
réalité universellement répandue parmi les hommes, alors il faut admettre qu’il y a une
indétermination du fondement de la confiance d’un côté, de la capacité à vivre cette confiance
de l’autre côté »39. Le manque de foi ou de confiance peut s’accomplir dans l’angoisse obsédée
par le désir de son propre pouvoir-être et occasionne par le fait même le manque de
reconnaissance envers Dieu Créateur, dont l’orgueil serait en quelque sorte la manifestation
extérieure. Etant donné que la liberté, en son essence originaire, est ordonnée à un tout totalisant
et originaire de l’accomplissement de l’existence, et que donc elle n’est définitivement réalisée

35
BOULNOIS Marie Odile, Op. Cit., p.72.
36
BOURGEOIS Henri, SESBOUE Bernard, et alii, Histoire des dogmes. Les signes du salut, Paris Mame-
Desclée, 2016, p.172.
37
MALDAME Jean-Michel, Le péché Originel. Foi chrétienne, mythe et métaphysique, p.122.
38
LAURET Bernard, « Eugen Drewermann, théologien de l’angoisse », in ESPRIT, n° 194, Aout-septembre
1993, p. 87.
39
PANNENBERG Wolfhart, Théologie systématique, Paris Cerf, 2011, p.350.

11
que lorsqu’elle s’est engagée activement, au travers de l’agir vécu, dans le dépouillement
absolu, la possibilité du péché est un existential qui, de façon insurmontable, adhère à la vie
terrestre de l’homme dans son entièreté. Et par ce fait, en vue de surmonter l’échec de la liberté,
la grâce se déploie en la personne de Jésus-Christ capable de redonner à l’homme sa confiance
première en Dieu Créateur. Si le Dieu de la rédemption révélé en Jésus-Christ est le même que
le Créateur de l’homme, « alors son acte de salut doit être compris comme expression de son
attachement à sa création, et l’envoi d’un homme nouveau, eschatologique, doit donc être
considéré en lien avec la création de l’être humain, au commencement. C’est à cela que
correspond l’idée d’un accomplissement de l’histoire du salut dans le Christ »40. Il est donc
indispensable de connaître Jésus-Christ, Image à partir de laquelle l’homme fut créé, et modèle
pour l’homme qui cherche essentiellement comment répondre à sa vocation de ressembler à
Dieu.

I.2.2. Le péché : préalable du sacrement de réconciliation

Le péché et le sacrement de la réconciliation sont deux réalités de la vie chrétienne qui


actualisent sans cesse le mystère de la rédemption dans l’Église militante. Tandis que le péché
marque la rupture entre l’homme et Dieu et entraîne sa mort, le sacrement de la réconciliation
le justifie et restaure par Jésus-Christ la communion perdue avec Dieu. Dès lors, le sacrement
de la réconciliation se présente comme ouverture à la vie, puisqu’il « nous fait goûter à la
générosité débordante de Dieu. Il y révèle toujours à nouveau son désir pour notre vie : nous
(r)ouvrir un avenir, continuer le chemin avec nous, nous réintroduire dans une communauté de
frères et sœurs aimants et solidaires »41. Le sacrement de la réconciliation présuppose qu’il y a
des péchés à pardonner. Ces péchés ont besoin d’être reconnus, d’être regrettés pour obtenir le
pardon. C’est ce que le philosophe et mathématicien français Blaise Pascal a voulu exprimer en
affirmant qu’il existe deux types de personnes : « les saints, qui savent qu’ils sont pécheurs, et
les pécheurs, qui croient être des saints ».42 Voilà pourquoi nous voulons ressortir la nature du
péché ainsi que son impact sur l’individu et la communauté humaine.

Le péché est « une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite ; il est un
manquement à l’amour véritable, envers Dieu et envers le prochain à cause d’un attachement

40
PANNENBERG Wolfhart, Théologie systématique, P. 412-413.
41
RAYA-BARBIAN Annick, « Catéchèse et Sacrements (V) : Pénitence et Réconciliation », in Catéfil, n° 13,
Avril 2015, p.1.
42
PASCAL Blaise, Pensées, n° 562, Paris, Gallimard, 2007, p.112.

12
pervers à certains biens »43. Refus de vivre comme fils de Dieu selon le Pape François,44 le
péché est une parole, un acte ou un désir qui, intégrant l’intention, le moyen et la fin de son
auteur, transgresse la loi éternelle tout en corrompant la nature humaine. Pris simplement, nous
pouvons définir le péché comme ce que Dieu pardonne. Et comme tel, il est identifiable et
classifiable en deux catégories : le péché mortel et le péché véniel 1 Jn 5, 16, qui indiquent les
niveaux de brisure des relations de l’homme avec Dieu et avec ses semblables. Tous les péchés
ne se valent donc pas même s’ils produisent tous le même effet.

En effet, « tout péché qui a pour objet une matière grave, et qui est commis en pleine
conscience et de propos délibéré »45 est dit mortel. Il engage toute la responsabilité morale de
l’homme : la pleine connaissance et le consentement délibéré de l’acte mauvais. Le péché véniel
par contre, est une transgression de la loi éternelle ou une offense à Dieu sans pour autant
entraîner la rupture de communion avec lui, par défaut de matière grave ou de pleine
connaissance et de consentement délibéré de l’acte posé. Il se présente comme « une affection
désordonnée de l’âme pour des biens créés (…) [et] il empêche le progrès de l’âme dans
l’exercice des vertus et la pratique du bien moral »46. Cependant, qu’il soit mortel ou véniel, le
péché représente un pesant fardeau aussi bien pour l’individu que pour toute la communauté
humaine ; d’où la nécessité de toujours faire l’expérience du sacrement de réconciliation afin
d’obtenir par son efficacité et ses effets, la grâce sacramentelle.

I.3. LA NÉCESSITE, L’EFFICACITÉ ET LES EFFETS DU SACREMENT DE LA


RÉCONCILIATION

De manière générale, nous disons d’une chose qu’elle est nécessaire lorsqu’elle échappe
aux carcans de la contingence de l’existence humaine, et quand son efficience atteste sa valeur.
En conformité avec cette logique populaire, nous envisageons dans cette section de notre travail
de ressortir les éléments qui rendent le sacrement de la réconciliation incontournable dans la
pratique de l’Église et dans la vie du chrétien.

I.3.1. La nécessité du sacrement de la réconciliation

Le sacrement de la réconciliation est nécessaire au salut pour ceux qui, après le baptême,
ont commis un péché grave. Il se présente comme la voie ordinaire pour obtenir le pardon et la

43
CATECHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE, Paris, Mame-Plon, 1992, n° 1849.
44
PAPE FRANÇOIS, Message de Carême, Libreria Editrice Vaticana, Rome le 04 octobre 2018.
45
CATECHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE, n° 1857.
46
Idem., n° 1863.

13
rémission des péchés graves commis après le baptême. En sens contraire, il faut dire que si tous
ceux qui avaient reçu la rémission de leurs péchés au baptême arrêtaient de pécher et
demeuraient purs47, le sacrement de la réconciliation ne serait d’aucune utilité pour les fils de
Dieu Rm 1, 4. Mais puisque la racine du péché est dans le cœur de l’homme48, celui-ci ne
pourrait s’en passer non seulement du fait de son institution divine (nécessité de précepte) mais
aussi en raison de son but (nécessité de moyen) qui est le pardon des péchés. Il serait donc
insensé, voire présomptueux pour tout baptisé de s’imaginer vivre sans avoir recours au
sacrement de la réconciliation ; ou encore de croire en la rémission de ses péchés sans avoir à
se montrer à un prêtre comme le stipulait les tenants de la Réforme. En effet, pour l’homme qui
commet le péché en pensée, en parole, par action et par omission, « reconnaître les
fléchissements d’hier est un acte de loyauté et de courage qui nous aide à renforcer notre foi,
qui nous fait percevoir les tentations et les difficultés d’aujourd’hui et nous prépare à les
affronter ».49 C’est pourquoi l’Église recommande la pratique fréquente de ce sacrement, même
pour celui qui n’a pas gravement offensé Dieu, afin que la vie du Christ soit de plus en plus
manifeste en lui.

I.3.2. L’efficacité et les effets du sacrement de la réconciliation

S’interroger sur l’efficacité et les effets du sacrement de la réconciliation, c’est répondre


implicitement à la question du « pourquoi » du sacrement de la réconciliation après le baptême.
À ce propos, l’Église enseigne qu’il nous a été offert gratuitement par le Christ pour nous
réconcilier avec Dieu, c’est-à-dire nous rétablir dans la grâce de Dieu et nous unir à lui dans
une souveraine amitié50. Autrement dit, le sacrement de la réconciliation vise la restauration ou
le renouvellement de la sainteté baptismale perdue avec le péché. Régénération par les larmes,
il « apporte une véritable résurrection spirituelle, une restitution de la dignité et des biens de la
vie des enfants de Dieu dont le plus précieux est l’amitié avec Dieu » (Id). Par ailleurs, la
réconciliation avec Dieu est vectrice de multiples autres réconciliations, notamment avec le
pécheur lui-même, avec ses semblables, avec l’Église et même avec la création. Dans ce sillage,
le Saint Pape Jean-Paul II affirme : Le pénitent pardonné se réconcilie avec lui-même dans la
profondeur de son être, où il récupère la propre vérité intérieure ; il se réconcilie avec les
frères que de quelque manière il a offensés et blessés ; il se réconcilie avec l’Église ; il se

47
VACANDARD, La Pénitence publique dans l’Eglise primitive, Paris, Librairie Blound, 1908, p. 10.
48
CATECHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE, n° 1853.
49
JEAN PAUL II, Lettre apostolique sur la préparation du jubilé de l’an 2000, Tertio Millenio Adveniente,
Liberia Editrice Vaticana, n° 23.
50
CATECHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE, n°1468.

14
réconcilie avec la création tout entière.51 En d’autres termes, le sacrement de la réconciliation
opère en nous une double restauration. Sur le plan individuel, il rétablit au premier plan notre
équilibre spirituel et humain. Tandis que sur le plan communautaire, il régule, pacifie et
harmonise nos divers rapports avec l’Église, nos semblables et le cosmos. Si donc le sacrement
de la réconciliation produit l’effet escompté, c’est-à-dire qu’il nous gratifie des grâces de
lumière et de force pour combattre le péché, pour résister aux tentations, avancer dans la vertu,
développer le véritable esprit de Jésus-Christ et accéder à la pleine liberté des fils de Dieu,
comment comprendre que l’homme puisse toujours sinon la plupart du temps manifester un
désintérêt au sacrement d’où l’essai de compréhension du magistère.

51
JEAN PAUL II, Exhortation apostolique sur la réconciliation et la pénitence dans la mission de l’Eglise
aujourd’hui Reconciliatio et Penitencia, Paris, Cerf, 1984, n° 31.

15
CHAPITRE II : LE MAGISTERE FACE A LA CRISE

Le sacrement de la réconciliation est un corollaire du péché, qui a toujours été considéré


comme une véritable épine pour les relations de l’homme avec Dieu, avec ses semblables et
avec lui-même. Il opère le passage du vieil homme (chargé du poids de ses fautes) à l’homme
nouveau (pardonné par le Christ) et restaure également l’alliance entre Dieu et l’homme
corrompue par le péché. Le sacrement de la réconciliation accorde la rémission des péchés post
baptismaux à l’homme qui fait son mea culpa et exprime profondément son désir de se
convertir. Cependant, Quelle discipline lui a-t-on donnée au cours de l’histoire de l’Église et
quelles en sont les limites connu entrainant la crise du sacrement ? C’est précisément à ces
questions que nous voulons apporter des réponses dans cette deuxième partie de notre travail à
l’aide d’un plan tripartite. D’abord sa systématisation par le Magistère de l’Église, ensuite les
causes de la crise du sacrement selon l’Exhortation apostolique Reconciliatio et Paenitentia, et
enfin nous essayerons de comprendre le rôle de l’Eglise dans la restauration de la relation de
l’homme avec Dieu, avec ses semblables et envers lui-même, bref du pardon dans le monde.

II.1. LE SACREMENT DE LA RECONCILIATION AVEC LE CONCILE DE


TRENTE ET VATICAN II

II.1.1. Le Concile de Trente et le sacrement de la réconciliation

D’emblée, il faut dire que la réforme du sacrement de la réconciliation opérée par le


Concile de Trente intervient après celle du quatrième Concile de Latran. Ce dernier, en plus de
l’introduire dans le droit canonique, recommandait que tout fidèle confesse personnellement et
fidèlement tous ses péchés au moins une fois par an à son curé52. Il traitait également de
l’idonéité du prêtre, de son aptitude à préserver le sceau sacramentel ainsi que des sanctions
qu’il encourt si jamais ledit sceau était brisé. Mais c’est le concile de Trente qui fixera de
manière formelle la discipline du sacrement de la réconciliation lors de sa quatrième session,
en lui consacrant neuf chapitres assortis de quinze canons. C’est lui qui fera de Jn 20, 21-23 le
fondement de ce sacrement53. Il épousera la doctrine thomiste de ce sacrement54 et s’appliquera
à redéfinir sa nature, son lien ainsi que sa spécificité par rapport au baptême. À ce propos, il

52
SAINT AUGUSTIN, Œuvres complète de Saint Augustin, Traduite pour la première fois sous la direction de
M. Poujoulat et M. l’abbé Raulx, Bar-le-Duc, 1864-1872, sermon 232, pour la semaine de Pâques. 3. Exhortation
à la vraie Pénitence.
53
CONCILE ŒCUMENIQUE LATRAN IV, Chapitre 21, n°812-814.
54
SAINT THOMAS D’AQUIN, Somme théologique, I, questions 84-90.

16
affirme que le sacrement de réconciliation est nécessaire au salut pour ceux qui sont tombés
après le baptême tout comme le baptême est indispensable à ceux qui n’ont pas encore été
régénérés55. De plus, comme l’affirme Ambroise KINHOUN,

Ce même Concile a approfondi la théologie de ce sacrement en identifiant ses


actes essentiels appelés ʽʽquasi-matièreʼʼ : la contrition, la confession et la
satisfaction. Le ministre du sacrement est l’évêque ou le prêtre [qui agit en
qualité de juge], et sa forme officielle est la formule : ʽʽego te absolvo/et moi,
je t’absous…ʼʼ Pour la modalité de la célébration, il fut recommandé ʽʽla
confession secrète sacramentelle à un seul prêtre.ʼʼ Quant à la fréquence du
sacrement, il fut retenu qu’il peut être reçu ʽʽnon pas une seule fois, mais toutes
les foisʼʼ qu’un pénitent en ressent le besoin. ʽʽCertains péchés, des plus atroces
et des plus gravesʼʼ, en raison de leurs ʽʽcauses délictueusesʼʼ, sont considérés
comme des ʽʽcas réservésʼʼ, et pour lesquels, il faut un recours à l’évêque et aux
prêtres choisis à cet effet, à moins que le pénitent ne soit en ʽʽarticle de mortʼʼ56.

À bien observer ces dispositions, on retrouve dans les actes du Concile de Trente toutes
les composantes essentielles du sacrement de la réconciliation dans sa structure et sa pratique
actuelle. Cette rénovation du sacrement de la réconciliation sera poursuivie par le Concile
Vatican II, qui se préoccupera d’avantage de la révision du rite et des formules de la pénitence.

II.1.2. Le Concile Vatican II et le sacrement de la réconciliation

En observant tout l’intérêt consacré au sacrement de la réconciliation dans le Code de


Droit Canonique des canons 959 à 997 et dans le Catéchisme de l’Église catholique des numéros
1420 à 1498, nous pouvons dire que le Concile Vatican II a fait une synthèse de la doctrine de
l’Église sur le sacrement de la réconciliation depuis son institution par le Christ jusqu’à sa
convocation, tout en lui apportant des ajustements. Ceux-ci portent sur la révision du rite et des
formules de la pénitence, de manière « à exprimer plus clairement la nature et l’effet du
sacrement » (VATICAN II, Constitution Sacrosanctum Concilium, no 72). Avec le Concile
Vatican II, la formule de l’absolution est révisée et le prêtre se présente comme un médecin
plutôt qu’un juge comme c’était le cas avec le Concile de Trente. La confession (aveu) qui était
autrefois, selon la gravité et la nature de la faute, publique ou privée est devenue strictement
privée ; tandis que la pénitence est faite après l’absolution, afin de manifester au pénitent
l’amour et la miséricorde de Dieu dont il a grandement besoin plutôt que sa colère. Ce concile

55
CONCILE OECUMENIQUE DE TRENTE, 14ème session, Chapitre 2, n°1672.
56
KINHOUN Ambroise et autres, Guérir par les sacrements, Cotonou, Les éditions IDS, 2016, p. 38.

17
établira aussi trois formes de la célébration du sacrement de la réconciliation : individuelle,
ensuite communautaire avec absolution individuelle et enfin communautaire avec absolution
communautaire, qui selon Jean Joncheray est peu fréquente dans l’Église57.

Cette partie de notre travail nous a permis de voir que le sacrement de la réconciliation
trouve son fondement en Jn 20, 21-23 bien que sa pratique fût déjà apparente dans l’ancien
testament ; mais plus encore, elle nous a donné d’observer combien le magistère à partir de
Trente jusqu’à Vatican II a œuvré pour permettre au pénitent d’avoir le désir permanent de
recourir à ce sacrement, en reprécisant sa doctrine, redéfinissant son rite et ses formules, afin
que le sacrement de la réconciliation soit convenablement compris et promptement reçu par
tous, et pour éviter tout abus lié à sa pratique. Ainsi, l’historicité du sacrement de la
réconciliation ayant été retracée, il nous reste maintenant à parcourir de fond en comble les
causes de la crise à partir de l’Exhortation Réconciliation et Pénitence.

II.2. LES CAUSES DE LA CRISE DU SACREMENT DE RECONCILIATION SELON


RECONCILATIO ET PAENITENTIA

D’un chrétien à un autre, les causes de la crise du sacrement de la réconciliation sont


multiples et diverses. Nous pouvons citer entre autres l’indisponibilité des prêtres, le blocage
de la langue, l’anxiété du prêtre quant à l’expérience de ce sacrement, etc. Mais nous avons
voulu dans cette articulation ressortir les causes le plus importantes au sein et en dehors de
l’Église relevées entre les lignes du document magistériel.

II.2.1. Les causes ad intra ecclesia

Le relâchement de la discipline de l’Église au sujet du sacrement de la réconciliation


nous semble être l’un des facteurs majeurs de la crise du sacrement de la réconciliation ; le pape
Jean Paul II justement invite les garants de l’Eglise a toujours se souvenir du Christ dans
l’administration de ce sacrement car c’est lui qui doit être au-devant ; il rappelle que la
réconciliation, réalisée dans son humanité nous la sentons dans l’efficacité des mystères sacrés
célébrés par son Eglise, pour laquelle il s’est livré lui-même et qu’il a établie comme signe et
en même temps instrument de salut58. Ce relâchement est probablement manifeste selon le pape,

57
JONCHERAY Jean, « La pratique ecclésiale du sacrement de pénitence dans son contexte social », in Louis-
Marie CHAUVET et Paul DE CLERCK (dir), le sacrement du pardon entre hier et demain, Paris, Desclée,
1993, p. 19-29.
58
JEAN PAUL II Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n° 33.

18
par la pensée et la vie ecclésiale présentant beaucoup de limite ; entre autres, la tendance à
remplacer des attitudes excessives du passé par d’autres excès : au lieu de voir le péché partout,
on ne le distingue plus nulle part ; au lieu de trop mettre l’accent sur la peur des peines éternelles,
on prêche un amour de Dieu qui exclurait toute peine méritée par le péché…59. Le pape évoque
aussi la « confusion » créée dans la conscience des fidèles par les divergences d’opinions et
d’enseignements théologiques sur le sacrement et dont l’impact se fait ressentir dans les
prédications, la catéchèse, et la direction spirituelle sur des questions graves et délicates de la
morale chrétienne, dont la conséquence directe est l’amoindrissement du sens du péché en
l’homme. Ceci peut aussi s’expliqué par le passage de la pratique obligatoire du sacrement de
la réconciliation au pur acte de la volonté du chrétien et du lien étroit entre la pénitence et
l’eucharistie. En effet, de l’antiquité au Moyen-Âge, la confession était pour tout chrétien
l’unique porte qui donnait accès à l’assemblée dominicale et à la table eucharistique. Bien que
l’on n’avait pas l’assurance que le nombre de chrétiens correspondait forcément au nombre de
pénitents, cette obligation avait comme visée de maintenir les élus du Royaume en état de grâce,
afin de leur permettre de participer consciencieusement au jour du Seigneur et de recevoir
dignement les saintes espèces60. Mais, puisque la foi se propose et ne saurait s’imposer au
risque de friser le fanatisme, nous remarquons que la crise a pris corps dans l’Église à partir du
moment où ce sacrement a été laissé à la seule appréciation du chrétien qui, en âme et
conscience, doit en ressentir la nécessité.

Par ailleurs, le pape Jean Paul II relève ce qu’il appelle les défauts dans la pratique de
la Pénitence sacramentelle. Pour lui : la tendance à obscurcir le sens ecclésial du péché et de la
conversion, en les réduisant à des réalités seulement individuelles ou, inversement, la tendance
à supprimer la valeur personnelle du bien et du mal pour en considérer exclusivement la
dimension communautaire… enlève au sacrement son plein sens et son efficacité éducative.61

Restant sur la question de la pratique, la disparition constante et croissante des


confessionnaux dans nos églises paroissiales constitue l’une des causes les plus importantes de
la crise du sacrement de la réconciliation. Depuis la réforme opérée par le Concile Vatican II
qui autorisait la confession en tête-en-tête62, les confessionnaux qui autrefois étaient de
véritables pendules chrétiennes (dans la mesure où leur seule présence interpellait vivement les

59
JEAN PAUL II Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n° 104.
60
PIN Emile, Pratique religieuse et classes sociales dans une paroisse urbaine, Saint-Pothin à Lyon, Paris,
1956, p.8.
61
JEAN PAUL II Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n° 104.
62
KINHOUN Ambroise et autres, Guérir par les sacrements, p. 45.

19
chrétiens) sont devenus aujourd’hui des vestiges du passé, alors qu’ils sont censés être le lieu
où se vit le retour à la communion entre le fils perdu et le père à l’instar de l’enfant prodigue ;
c’est en ce lieu que Dieu guette le retour du fils, l’embrasse à son arrivée et prépare la table
pour le banquet des retrouvailles.63 Ceux-ci sont de moins en moins sollicités par les
confesseurs et les pénitents, alors qu’ils ont comme avantages : la préservation de l’anonymat
entre le pénitent et le confesseur, l’assurance de la confiance réciproque ainsi que la garantie
du caractère privé et individuel de la confession. Par conséquent, un chrétien qui trouve
humiliant et gênant d’avouer ses péchés à un prêtre au risque de perdre sa considération ou qui
craint que ceux-ci soient dévoilés au grand public, se donnerait moins ou pas du tout la peine
d’aller se confesser.

Un autre facteur non négligeable de la crise du sacrement de la réconciliation est la


lassitude des prêtres. À ce propos, il faut reconnaître que le sacrement de la réconciliation ne
représente pas uniquement une contrainte pour les seuls chrétiens, il l’est d’autant plus encore
pour les confesseurs. Incapables de passer de longues heures à subir des récits de vie monotone
et parfois dans des conditions inconfortables ou encore de recevoir en confession des
habitudinaires qui regrettent les mêmes fautes sans pour autant manifester des signes de
conversion véritable, les confesseurs cèdent quelques fois à la tentation de se soustraire à ce
devoir d’Église ou encore de l’abréger indûment. De ces attitudes découlent le manque de
disponibilité des confesseurs ou encore la standardisation de la pénitence : une dizaine de
chapelet ou la trilogie « un Notre Père, un Je vous salue Marie et une gloire au Père » dans la
plupart des cas. Une fois que le chrétien en prend conscience après de multiples efforts pour
accéder à ce sacrement, il est fort probable qu’il tombe lui aussi sous le joug d’une telle lassitude
et ne ressente plus la nécessité de se confesser. L’Eglise ne peut oublier qu’à l’origine de son
don et de sa mission se trouve l’initiative, remplie d’amour compatissant et de miséricorde, du
Dieu qui est Amour.64 Toutefois, l’Église et ses pasteurs ne peuvent être considérés comme les
seuls agents de la crise du sacrement de la réconciliation ; le monde et le chrétien auraient
également leur part de responsabilité dans ce phénomène criard.

II.2.2. Les causes ad extra ecclesia

Depuis l’illuminisme de la raison humaine avec l’Aufklärung, le monde est marqué par
une diminution radicale, voire par la perte du sens du péché et même sa suppression progressive

63
JEAN PAUL II Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n° 20.
64
Idem., n° 41.

20
dans l’existence quotidienne qui selon le pape trouve ses racines dans la conscience de
l’Homme et qui en même temps en est son baromètre. L’homme contemporain, affecté par le
matérialisme ambiant, est plus porté à la culture du plaisir, de la jouissance, de l’estime positive
de soi. Cet état d’esprit illusoire requiert l’abolition de toutes les réalités moralisantes telles que
le diable, l’enfer, le paradis, etc. susceptibles de susciter en l’homme des sentiments de
culpabilité, de crainte, de remise en question, le terme évoqué dans le document est le
« sécularisme » pouvant être défini comme un mouvement d’idées et de mœurs qui impose un
humanisme qui fait abstraction de Dieu….65. De fait, l’homme d’aujourd’hui est plus ouvert
aux plaisirs de la vie présente (vivre l’instant présent sans se soucier du lendemain) à l’instar
du fils prodigue. Par une telle attitude, nous actons le départ de la maison paternelle vers
l’aventure, le gaspillage66. En revanche, l’Homme devient plus méfiant envers les propos tenus
sur le péché. Le péché étant en terrain conquis désormais (puisque bon nombre de personnes
ont cessé de le combattre), la conséquence directe est que le sacrement de la réconciliation
devient inutile dans la mesure où ce qui devrait être considéré comme une aberration fait
dorénavant partie du quotidien de l’homme. Alors qu’en réalité, se réconcilier avec Dieu
suppose et inclut que l’on se détache avec lucidité et détermination du péché ou l’on est tombé67.

En outre, les réalités que nous propose la société contemporaine ne sont pas en reste à
cause des équivoques ou l’on tombe en accueillant certains résultats des sciences humaines qui
ont pour objectifs de déconstruire la question du péché en l’homme ; on peut à partir des
éléments mis en exergue par le pape entre autres, les affirmations de la psychologie dont la
teneur est de ne pas culpabiliser ou de ne pas mettre un frein à la liberté, porte à ne jamais
reconnaitre aucun manquement suite à une extrapolation indue des critères de la sociologique68
bref l’idée principale est de faire croire à l’homme qu’il n’y est pour rien et qu’il serait une
victime de la société. Nous avons également ce que le pape Jean Paul II appelle l’anthropologie
culturelle dont la visée est de limité la responsabilité de l’homme dans le péché au point de ne
pas lui reconnaitre la capacité de commettre certains actes sous le prisme de l’influence du
milieu mais aussi des conditions historiques dont il serait victime ; Plus proche de nous (au
Cameroun), nous avons la conscience historique du sacrement de la réconciliation en rapport
avec la colonisation. Bon nombre de nos parents se montrent hostiles au sacrement de la
réconciliation, pour la simple raison que celui-ci aurait servi de courroie de transmission des

65
JEAN PAUL II Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n° 101.
66
Idem., n° 20.
67
Idem., n° 61.
68
Idem. , n° 103.

21
informations entre les premiers missionnaires et les colons allemands comme français. En effet,
au temps du « Maquis » affirment-ils, le sacrement de la réconciliation était à la solde des
colonisateurs, dans la mesure où toutes les fautes avouées aux missionnaires leur étaient
retransmises pour leur permettre de mieux asseoir leur hégémonie et de déstabiliser les groupes
de résistance en faveur de l’indépendance. Les traces du passé étant encore vives dans la
mémoire de ceux qui ont connu cette époque, ceux-ci ont toujours du mal à croire au sceau
sacramentel et préfèrent ne pas avoir recours à ce sacrement. Enfin la question de
l’enseignement donné aux jeunes par les médias et dans l’éducation familiale semble être l’un
des facteurs important de la crise du sacrement de la réconciliation. En effet, certains jeunes
chrétiens ne fréquenteraient pas le sacrement de la réconciliation parce que victimes soit des
contres valeurs exaltées par les médias ou encore les choix de vie les contraignant de façon
permanente à poser des actes peu louables en vue de la réussite sociale quelque fois encourager
par la mauvaise éducation familiale. Par exemple, un étudiant qui triche sans arrêt pour réussir
aux examens ou encore un individu qui fait du vol son métier de prédilection. Ceux-ci
trouveraient inutile de se confesser pour des fautes auxquelles ils ne sont pas prêts à renoncer.69
D’autres chrétiens par contre, ne s’adonnent pas au sacrement de la réconciliation tout
simplement à cause de leur état de vie qui les exclut canoniquement des bienfaits de ce
sacrement (le concubinage par exemple). Dans ce même sillage, on compte malheureusement
des chrétiens qui appartiennent à des cercles occultes dont les valeurs rament à contre-courant
des valeurs chrétiennes. Et puisque nul ne peut avoir deux maîtres à la fois Mt 6, 24, ceux-ci
s’éloignent du sacrement de la réconciliation qui nécessite l’aveu de ses fautes et un changement
radical de vie.

Ces causes entrainent de fait, les conséquences, non seulement dans le vécu des
chrétiens mais surtout dans le bienêtre social ; qui ont un impact considérable sur plusieurs
dimensions de la vie humaine et dont seule l’Eglise, source de réconciliation et lieu
d’expérience des mystères du Christ en a la capacité par le biais de ce qu’on peut dénommé le
« train de la grâce » conférer par les sacrements ; Saint Paul dira que : « là où le péché a abondé
la grâce a surabondé » Rm 6, 20. L’Eglise se veut alors le lieu par excellence sur lequel tout
chrétien désireux et amoureux de la réconciliation devrait s’y abreuver, en ce sens qu’elle
n’incarne pas simplement la réconciliation mais elle la restaure aussi en l’homme.

69
ROUSTANG François, « Le troisième homme », in Christus, n°52, tome 13, octobre 1996, p. 562.

22
II.3. MYSTERE DE L’EGLISE : SOURCE DU SACREMENT DE
RECONCILIATION SELON RECONCILATION ET PAENITENTIA

II.3.1. Le péché comme cause ultime de toute division dans le monde

Le péché est un acte personnel dont la responsabilité est strictement imputée à l’auteur.
Mais il comporte aussi des répercussions sociales que l’on appelle en théologie « péché social
». Autrement dit, le péché social est « la conséquence des péchés individuels »70. Le Saint Pape
Jean Paul II en donne une triple signification : le péché social est cooperatio in malo dans la
solidarité humaine71 ; il est agression contre le prochain dans la violation de ses droits
fondamentaux, ainsi que l’expression des situations, rapports et comportements collectifs non-
conformes au dessein de Dieu72. Au regard de ce triptyque, nous pouvons affirmer que tous les
troubles sociaux qui asservissent les hommes et conditionnent négativement leur liberté, ne sont
en réalité que « le fruit de l’accumulation et de la concentration de nombreux péchés personnels
».73 Le péché peut être posé par un individu et les conséquences se répercutent sur les autres.

Par ailleurs, ces déséquilibres sociaux sont orchestrés aujourd’hui par des « structures
de péché »74. Ces dernières « tendent souvent à se figer et à se durcir en mécanismes
relativement indépendants de la volonté humaine, paralysant par là ou pervertissant le
développement social et engendrant l’injustice »75. Il faut donc se fier à l’évidence que le péché
affecte directement ou indirectement toute l’humanité en raison de notre origine commune en
Dieu Gn 1, 27, et de notre appartenance au corps mystique du Christ. Au cas contraire, pourquoi
serions-nous encore frappés par la désobéissance de nos premiers parents ? Ainsi, celui qui «
pèche blesse l’honneur de Dieu et son amour, sa propre dignité d’homme appelé à être fils de
Dieu et le bien-être spirituel de l’Église »76. Se présentant comme une gangrène à la fois pour
l’âme et la société, le péché a besoin d’être éclairé par la lumière du sacrement de la
réconciliation, qui régénère l’homme et instaure la paix durable77 dans la société.

70
KINHOUN Ambroise et autres, Guérir par les sacrements, p.86.
71
JEAN PAUL II Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n° 15.
72
Idem., n° 16.
73
Ibidem.
74
JEAN PAUL II, Lettre apostolique sur le sens chrétien de la souffrance, « Salvifici Doloris », Paris, Liberia
Éditrice Vaticana, 2012. , n° 27.
75
CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction sur la liberté humaine et la libération,
Libertatis conscientia, Paris, Liberia Editrice Vaticana, 2012, n° 77.
76
CATECHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE, n° 1487.
77
JEAN PAUL II Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n° 31.

23
II.3.2. Sens de la réconciliation de l’Eglise au monde

L’Eglise dans sa mission d’accompagné l’Homme au salut par les sacrements, ouvre au
monde une certaine stabilité et rassure un certain ordre social car ce salut commence ou encore
est censé commencer sur la terre. La question du péché au-delà de l’individu comme nous
l’avons dit plus haut a pour conséquence un mal être social ; face à nos contemporains si
sensible à ce que démontrent les témoignages de vie, l’Eglise est appelée à donner l’exemple
de la réconciliation d’abord en son sein ; et à cette fin, nous devons tous œuvrer pour pacifier
les esprits, modérer les tensions, surmonter les divisions, soigner les blessures éventuellement
provoquées entre frères lorsque s’accentuent les divergences de choix78. Le sacrement incarné
par l’Eglise connait alors un dépassement qui peut s’expliqué par l’irréductibilité et
l’impartialité de la grâce ; on connait alors une Eglise réconciliée avec elle-même capable de
réconcilier ses fils et filles, mais plus encore de s’ouvrir à une réconciliation avec le monde au
travers d’un véritable dialogue œcuménique et interreligieux ; avec pour base la recherche d’une
unité qui, pour être le fruit et l’expression d’une véritable réconciliation, n’entend se fonder ni
sur les dissimulations des points qui divisent ni sur les compromis d’autant plus faciles qu’ils
sont superficiels et fragiles79. On ne saurait alors envisagé un monde réconcilié sans une vraie
conversion de tous, une dynamique de pardon réciproque, du dialogue théologique, des
relations fraternelles, de la prière et de la pleine docilité à l’action de l’Esprit Saint qui est aussi
Esprit de réconciliation ; nous rappelle Jean Paul II. Ce déploiement de l’Eglise dans sa
contribution à la réconciliation du monde trouve selon le Saint Père son plein accomplissement
dans la fidélité à l’annonce de l’Evangile il dira : A tous l’Eglise se sent le devoir de répéter
avec saint Paul : « Laisser-vous réconcilier avec Dieu »80. C’est l’Evangile qui est vérité, du
moment où l’Eglise promeut une réconciliation dans la vérité et si l’unique condition pour la
réconciliation et l’unité est la vérité ; cela ne peut passer que par l’annonce de cet Evangile.

Après un tel diagnostic, il y’a lieu de faire un arrêt nous permettant d’envisager des
perspectives, non seulement pour encourager les chrétiens à se confesser mais aussi aider
l’Eglise à demeurer au cœur de la vie spirituelle de ses membres ; un peu avant cette étape nous
essayerons de comprendre l’homme de façon pratique après qu’il se soit confesser ; afin d’avoir
des éléments pour faire des propositions favorisant la sortie de cette crise.

78
JEAN PAUL II Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n° 39.
79
Ibidem.
80
Idem., n° 40.

24
CHAPITRE III : QUELQUES PROPOSITIONS ET ORIENTATIONS
PASTORALES FACE A LA CRISE DU SACREMENT DE RECONCILIATION
Partant de la considération et des bienfaits du sacrement de la réconciliation pour le chrétien
que l’Église a tant exaltés durant des siècles, l’on se serait attendu à ce que sa pratique soit
monnaie courante dans la vie de tous les fidèles du Christ. Or, il est alarmant de constater que
ce sacrement tombe de plus en plus dans la désuétude ; a en croire Guillaume Cuchet, « dans
l’Église, la confession a été la chute libre sans parachute. Cette chute n’a été rencontrée nulle
part ailleurs, ni pour l’Eucharistie ni pour la foi »81. Cette désuétude est tellement flagrante
qu’en dehors de la veille des grandes fêtes religieuses (Noël et Pâques) qui mobilisent un
nombre important de chrétiens pour le sacrement de la réconciliation (en raison de la
recommandation qui leur est faite de se confesser avant la célébration des mystères y afférents),
une telle sollicitation pour ce sacrement n’est pas perceptible les autres jours de l’année civile
comme liturgique. Comment venir à bout de cette crise ? Quelles orientations mettre en place
pour une meilleure assimilation et un meilleur vécu de ce sacrement ? Pour répondre à ces
questions, nous essayerons de comprendre le point culminant de la répétitivité du péché qui
justifie l’expérience du combat spirituel soutenu par la grâce agissante de Dieu. Ensuite, nous
proposerons des pistes de résolution à cette crise. Enfin, nous offrirons aux pasteurs et aux
chrétiens des voies et moyens susceptibles de redorer le blason de ce sacrement.

III.1. L’APRÈS RÉCONCILIATION : LA PERPÉTUITÉ DES ACTES PECAMINEUX


EN L’HOMME

D’après le Pape Pie XII, « la confession fréquente augmente la vraie connaissance de soi,
favorise l’humilité chrétienne, tend à déraciner les mauvaises habitudes, combat la négligence
spirituelle et la tiédeur, purifie la conscience, fortifie la volonté, se prête à la direction spirituelle
et par l’effet propre du sacrement augmente la grâce. »82. Serait-ce là de vaines paroles puisque
la réalité concrète semble tout autre ? A cette question, nous répondrons à partir du point qui
nous donne de comprendre la finitude de l’homme et est en même temps l’étape du combat
entre le péché et l’homme qui est soutenu par la grâce de Dieu ; j’ai nommé la concupiscence.

81
CUCHET Guillaume, « La crise du sacrement de pénitence dans le catholicisme français des années 1960-
1970 », in Revue de l’histoire des religions, 3, Paris, Armand Colin, 2015, p. 399.
82
Pie XII, Lettre Encyclique, Mystici corporis, Paris, Liberia Editrice Vaticana, 2012, n° 87.

25
III.1.1. La concupiscence : pour le combat spirituel

Trois moments nous permettent d’expliquer la permanence ou la répétitivité du péché


en l’homme : l’idée que nous nous faisons du sacrement de la réconciliation, la nature de
l’homme et l’engagement personnel de celui-ci dans le combat spirituel.

Premièrement, il est important de prendre ses distances vis-à-vis d’une certaine


idéologie du sacrement de la réconciliation, qui voudrait que celui-ci s’emploie à supprimer les
péchés de l’homme à la façon d’une baguette magique. Le sacrement de la réconciliation n’est
ni une pratique magico-religieuse ni un exercice mécanique. C’est un véritable acte religieux
qui vise la conversion du cœur et la perfection morale du chrétien. L’on devrait donc se donner
au sacrement de la réconciliation pour pécher de moins en moins voire ne plus pécher du tout,
et non simplement pour demander à Dieu de passer l’éponge sur nos actes d’infidélité.

Deuxièmement, il faut garder en mémoire que la vie nouvelle reçue dans l’initiation
chrétienne n’a pas supprimé la fragilité et la faiblesse de la nature humaine, ni l’inclinaison au
péché que la tradition appelle la concupiscence, qui demeure dans les baptisés pour qu’ils
fassent leurs preuves dans le combat de la vie chrétienne aidés par la grâce du Christ83. Cette
concupiscence est une brèche qu’exploite insidieusement le malin pour nous séduire et nous
conduire au péché. Sans être un péché en elle-même, la concupiscence, comme l’atteste David
Gilbert, « dérègle les facultés morales de l’homme et incline ce dernier à commettre le péché
»84. C’est pourquoi Saint Paul l’identifie à la révolte de la chair contre l’esprit Rm 7, 19. On
pourrait croire que le combat est perdu d’avance : il n’en est rien ! Si la concupiscence demeure
en l’homme après le baptême, c’est uniquement pour vérifier sa capacité de résistance, sa force
intérieure ainsi que son degré d’attachement à Dieu. Elle est un moyen voulu par Dieu pour
nous engager dans le combat spirituel, dans la lutte contre le mal et l’instauration du règne de
Dieu.

Naturellement, on pourrait se demander si Dieu n’avait pas prévu éprouver l’homme dès
la création. Mais l’Écriture Sainte nous donne de le dédouaner. En effet, le livre de la Genèse
nous enseigne que Dieu a créé toute chose bonne Gn 1, 25, avec une préférence particulière
pour l’Homme qu’il fit à son image et à sa ressemblance Gn 1, 27 ; de plus, le livre des psaumes
rajoute qu’il le créa un peu moindre qu’un dieu Ps 8, 6 pour marquer la frontière, la différence

83
CATECHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE, n° 1426.
84
GILBERT David, Péché, Baptême et Concupiscence, dans
https://www.eleves.ens.fr/aumônerie/en_ligne/cendres04/seneve005.html, consulté le 25.04.2024.

26
entre l’homme et lui, ainsi que la fragilité de l’homme. Voilà pourquoi dans le Jardin d’Éden,
il lui donne un code de conduite Gn 2, 16-17, pour préserver la dignité de sa créature et pour
que la limite qui les sépare ne soit pas franchie. Dans cette optique, nous pouvons dire que la
concupiscence se présente comme la matérialisation du seuil qui existe entre Dieu et l’homme,
et qui peut être pour ce dernier objet de chute ou de relèvement. Ainsi chaque fois que l’homme
conforme sa volonté et sa liberté à celles de Dieu, il progresse dans la vertu, dans l’intimité avec
Dieu. En revanche, lorsqu’il essaie de voler de ses propres ailes, il s’expose à la transgression
et à la rupture avec Dieu.

Troisièmement, comme le disait Saint Augustin, Dieu qui nous a créés sans nous ne
nous sauvera pas sans nous85. L’homme aurait donc sa part de responsabilité dans sa quête de
sainteté, dans son engagement vers la conversion. Pour manifester cela, Jésus lui-même a pris
l’habitude d’exhorter le pénitent à demeurer en état de sainteté après chaque rémission en ces
termes : « va, et désormais ne pèche plus » Jn 8, 11. De fait, la concupiscence n’aura sur
l’homme aucune emprise tant qu’il ne lui prêtera pas son consentement, et aussi longtemps qu’il
lui résistera avec force et vigueur par la grâce du Christ. Conscient que ce combat acharné et
incessant contre les tendances de la chair est une périlleuse aventure pour l’homme, le Seigneur
lui accorde les armes nécessaires pour en sortir victorieux. Ces armes sont : la vérité, la justice,
la foi, la Parole de Dieu Ep 6, 14-18. Autrement dit, l’homme doit sans cesse combattre pour
s’attacher au bien ; et ce n’est qu’au prix de grands efforts, avec la grâce de Dieu, qu’il parvient
à réaliser son unité intérieure. Dans cette lutte, il jouit des grâces du sacrement de la
réconciliation, dont le but est de le soutenir et de lui procurer des énergies nouvelles pour
affronter l’adversité et éviter le péché. Ainsi, l’homme qui succombe à toutes sortes de
tentations et se livre fréquemment au péché se présente, non plus comme une victime du malin
mais comme son collaborateur, celui-ci ayant librement rompu avec les engagements pris lors
de son baptême ; malgré cela, la grâce de Dieu elle demeure l’amour de Dieu pour l’homme ne
change pas à l’instar du père avec l’enfant prodige, cette grâce trouve tout son sens dans le
mystère de l’incarnation.

III.1.2. La grâce de Dieu agissante

Dans la mesure où la création de l’homme « implique qu’il soit destiné à la communion


avec le Dieu éternel, alors l’Incarnation de Dieu en Jésus de Nazareth peut valoir comme

85
Augustin, Confessions, tradution J. de Mondadon, Paris, De flore, 1947, p. 263.

27
accomplissement de cette destination »86. En d’autres termes, c’est par l’Incarnation du Christ
que nous connaissons, non seulement Dieu de façon immédiatement possible, mais également,
nous nous connaissons nous-mêmes ; parce que Jésus Christ est « vrai Dieu et vrai homme,
consubstantiel au Père selon la divinité et consubstantiel à nous selon l’humanité »87.
L’Incarnation inaugure non pas, d’une manière fixe et déterminée, l’événement de l’entrée
personnelle et de l’engagement décisif de Dieu dans l’histoire de l’homme, mais constitue plutôt
un moment qui engage un processus du devenir. Quelle serait donc la grâce de l’incarnation
pour l’homme ? Comme le dit Yves Congar, une Incarnation en soi, en dehors de ce qu’elle est
pour l’homme, n’existe pas ; Dieu « veut rayonner au bénéfice de créatures qu’il appelle
librement à l’existence et diffuser en elles un reflet de sa propre vie »88. L’Incarnation ne relève
donc pas du mystère nécessaire de Dieu car à sa gloire, les hommes ne peuvent rien ajouter ni
enlever ; mais elle relève de son mystère libre, de ce qu’il décide de faire et d’être librement
pour sa créature, à savoir : Dieu et Père, pour que la créature soit son peuple et ses fils par Jésus-
Christ unique médiateur pour les hommes. C’est cette relation qui traduit parfaitement l’attitude
filiale, faite de soumission et d’amour, donnant de comprendre le Christ en qui « se réalise en
même temps par cet auto accomplissement de l’être-fils, la distinction de la créature à une
véritable autonomie en communion avec Dieu »89. Dans cette perspective de la filiation du Fils
et de la paternité du Père, la Commission Théologique Internationale affirme que « puisque la
parfaite image de Dieu est le Christ lui-même, l’homme doit lui être conforme pour devenir fils
du Père par la puissance du Saint-Esprit »90. En effet, devenir à la ressemblance de Dieu
requiert, de la part de l’homme, une participation et une transformation active à l’image du
Christ qui manifeste son identité par ses actions historiques qui vont jusqu’à la glorification.
Dans le devenir à la ressemblance de Dieu, il s’agit donc d’une construction « de l’ascension
pas à pas de l’escalier de l’obéissance et d’une croissance dans l’abandon vis-à-vis du Père »91.
Ainsi, l’authentique humanité du Christ permet de sauvegarder, à la fois, le déroulement réel
de son existence et la possibilité d’une véritable médiation pour ressembler à Dieu. Cependant,
dans ce cheminement vers la ressemblance le péché nous dénature et nous attriste, seule la grâce
obtenue par le Christ demeure la source de restauration. Par son union hypostatique, la grâce

86
PANNENBERG Wolfhart, Théologie systématique, Paris, Cerf, 2011, p. 311.
87
SESBOÜÉ Bernard, Traité de l’Incarnation : Étude du développement du dogme christologique, Paris,
Médiasèvres, 1989, p. 128.
88
CONGAR Yves, Jésus-Christ, Paris, Cerf, 1969, p. 56.
89
PANNENBERG Wolfhart, Théologie systématique, Paris, Cerf, 2011, p. 411.
90
COMMISSION THÉOLOGIQUE INTERNATIONALE, Communion et service : la personne humaine créée
à l’image de Dieu, Roma, Libreria Editrice Vaticana, 2004, n° 12.
91
VETÖ Étienne, Du Christ à la trinité. Penser les mystères du Christ après Thomas d’Aquin et Balthasar,
Paris, Cerf, 2012, p. 240.

28
du Christ se veut trinitaire en ce sens que ses dimensions humaine et divine sont pleinement
assumées par le Père et l’Esprit Saint ; il est alors l’unique médiateur entre Dieu et les hommes.
De ce fait, l’ensemble des médiations (de la création au salut en passant par la rédemption) que
revêt l’Incarnation permet de comprendre l’image de Dieu comme archétype selon lequel
l’humanité entière fut créée, et auquel les croyants se conforment pour parvenir à la
réconciliation avec Dieu et lui ressembler parfaitement. Par l’Incarnation, l’homme découvre
comment prier, adorer, être obéissant, bref la puissance de la grâce qui lui donne de combattre
le péché et aussi de savoir se relever quand il est pris par le piège du péché.

III.2. LES PISTES DE RESOLUTION DE LA CRISE DU SACREMENT DE


RECONCILIATION

Après s’être appesanti de fond en comble su le problème de la crise du sacrement de la


réconciliation ; née du relâchement de la discipline de l’Église au sujet de ce sacrement, de la
disparition des confessionnaux, de la perte du sens du péché, de la lassitude des prêtres etc. I Il
y’a lieu cependant de constaté que : le témoignage de vie des pasteurs, la valorisation des lieux
spirituels pour l’administration de ce sacrement et une catéchèse inculturée pourraient insuffler
un dynamisme nouveau à l’Église et l’aider à sortir de cette crise. C’est pourquoi, dans son
action pastorale, elle invitera les confesseurs à donner le ton aux chrétiens par leur régularité au
sacrement de la réconciliation et mettra toutes les ressources dont elle dispose au service de la
sensibilisation des chrétiens sur le sacrement de la réconciliation d’une part, et d’autre part
développera pour le pénitent des astuces afin lui faire comprendre la grandeur de ce sacrement
pour son bien spirituel et corporel.

III.2.1. Pour le pasteur

Le sacrement de la réconciliation met en relation deux personnes : Dieu (représenté par


le prêtre) qui ouvre ses bras à l’homme pour le couvrir de son amour et l’homme qui vient à
Dieu regretter sa mauvaise conduite et implorer son pardon. Cependant, l’homme ne s’ouvre
naturellement à un autre que dans la mesure où il existe entre eux un sentiment de confiance. Il
nous semble que le témoignage de vie des pasteurs est susceptible de faire naître chez le chrétien
ce sentiment de confiance. Ainsi, le chrétien éprouverait de l’enthousiasme à aller se confesser
chez un prêtre qui fait montre d’une éthique de vie saine, idéale et d’une maturité spirituelle,
puisqu’il recherche en premier lieu une personne capable de l’aider à se perfectionner dans ses
choix de vie, à progresser spirituellement. C’est pourquoi le Pape Paul VI ne cessait de rappeler

29
: « les hommes ont plus besoin de témoins que de maîtres. Et lorsqu’ils suivent des maîtres,
c’est parce que ces derniers sont devenus des témoins »92. Tel est l’effort primordial que doit
accomplir tout pasteur.

Par ailleurs, il serait certes difficile aujourd’hui de revenir à l’usage traditionnel des
confessionnaux, vu qu’ils sont presque ou totalement ignorés dans la construction des nouvelles
églises. Mais l’Église pourrait tout de même préconiser l’emploi des lieux spirituels pour le
sacrement de la réconciliation. Ces lieux doivent obéir à trois critères fondamentaux : D’abord
un critère purement humain, c’est-à-dire, un lieu discret (mais non secret) qui met à l’aise les
pénitents et favorise l’aveu. Ensuite un critère spirituel, c’est-à-dire un local qui contraste avec
les bureaux administratifs et dispose aux mieux à la prière. Enfin un critère pastoral, c’est-à-
dire que le local de confession en soi doit exprimer symboliquement la miséricorde divine à
travers par exemple la présence d’un crucifix ou d’un tableau représentant le fils prodigue…93

Ces critères ont pour but de rappeler au confesseur et au pénitent qu’il ne s’agit pas
d’une rencontre commune entre deux individus, mais d’une rencontre entre un père et son fils,
entre Dieu et son peuple puisqu’ils sont tous deux sous l’instance du divin. S’il faille utiliser un
autre lieu, la liberté devra être laissée au pénitent de choisir entre une chaise ou un prie-Dieu,
un espace ouvert ou fermé, se mettre en face du confesseur ou pas, afin qu’il soit à son aise.
Ainsi, de la même manière que l’Église doit se battre pour développer des stratégies capables
de conduire les chrétiens à la confession, de même les chrétiens doivent se donner des
motivations personnelles pour aller au sacrement de la réconciliation.

III.2.2. Pour le pénitent

La première chose qui puisse amener un chrétien à se confesser est le sentiment de


culpabilité. Il faudrait qu’il ressente sa conscience affligée, pour désirer se repentir. Or, il se
trouve qu’à cause de notre société immergée dans le postmodernisme, bon nombre de chrétiens
qui courtisent les mondanités ont du mal à reconnaître leur condition pécheresse, non pas
forcément parce qu’ils ont anesthésié leur conscience, mais beaucoup plus parce que ce qui était
tenu autrefois pour péché, la société actuelle tend à le légitimer. L’Église devrait donc, à travers
une bonne formation catéchétique, aider le chrétien à identifier et à distinguer clairement le

92
PAUL VI, Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, Paris, Liberia Editrice Vaticana, 2012, n°41.
93
CHAUVET Louis-Marie, « Quels lieux pour les confessions individuelle ? », cité par Ambroise KINHOUN et
autres

30
péché au milieu des fourberies idéologiques de ce monde, pour qu’il puisse au mieux et avec
une conscience droite l’éviter ou encore le confesser quand il faillit.

Outre cette identification du péché, le chrétien doit impérativement changer sa vision


du prêtre quand il s’agit du sacrement de la réconciliation. En effet, certains chrétiens font ce
qu’on pourrait appeler le « tri du confesseur » à partir de deux principaux critères : soit ils
évitent les prêtres dont les tares remettent en question leur vie spirituelle, soit ils évitent ceux
qui les connaissent et en face de qui ils n’aimeraient pas salir leur image. L’Église doit amener
de tels chrétiens à comprendre que le prêtre n’est qu’un instrument dont Dieu se sert pour
manifester sa sollicitude paternelle et son amour à son peuple. Dans l’exercice de son office, il
est un alter christus et non simplement l’homme qu’il côtoie tous les jours. Par analogie à Saint
Augustin qui déclarait : « pour vous en effet, je suis l’évêque ; avec vous je suis chrétien »94,
nous pouvons dire que le prêtre est un homme au milieu des hommes, mais aussi l’oint de Dieu
pour ces mêmes hommes He 5, 1-2. Ainsi, peu importe ses bassesses humaines (sans toutefois
légitimer cet état de cause), il est un vecteur de grâces et de bénédictions pour chaque homme.
Ce serait donc se priver volontairement des merveilles du sacrement de la réconciliation que de
croire que tel ou tel autre prêtre ne puisse absoudre nos péchés. Toutefois, comment amener les
chrétiens à mieux concevoir et à mieux vivre le sacrement de la réconciliation ?

III.3. QUELQUES ORIENTATIONS PASTORALES POUR UN MEILLEUR VECU


DU SACREMENT DE LA RECONCILIATION AUJOURD’HUI

Construire un édifice est une tâche difficile mais l’entretenir l’est encore plus. De même,
amener les chrétiens à se confesser et les inviter à garder cette habitude sont deux tâches moins
aisées l’une comme l’autre. Dans cette perspective, nous voulons dans cette articulation
proposer aux pasteurs, quelques astuces pastorales susceptibles de maintenir vif le sacrement
de la réconciliation dans la mémoire et la vie des chrétiens.

III.3.1. L’urgence d’une nouvelle catéchèse

L’exhortation qui fait l’objet de notre travail propose la catéchèse comme le premier
moyen a employé et invite les uns et les autres acteurs de cette mission à ne pas s’éloigner de
ce qui est fondamental à savoir ce qui est pastoral ne s’oppose pas à ce qui est doctrinal, et
l’action pastorale ne peut faire abstraction du contenu doctrinal, bien plus, elle tire de lui sa

94
AUGUSTIN, Sermon 340, 1 : PL 38, 1483, cité par Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Église,
Lumen Gentium, n° 32.

31
substance et sa valeur réelle.95 Jusqu’à nos jours, plusieurs chrétiens continuent de percevoir le
sacrement de la réconciliation comme un tribunal, où le prêtre serait le juge intransigeant qui
apprécierait leur conduite ou même comme un exercice mécanique sans progression véritable
dans leur vie et donc vain ; des pasteurs de l’Eglise on attend avant tout une catéchèse sur la
réconciliation qui se fonde sur l’enseignement biblique spécialement celui du nouveau
testament, touchant la nécessité de reconstituer l’alliance avec Dieu dans le Christ rédempteur96.
Dans ce sillage, la catéchèse aujourd’hui doit pouvoir puiser dans les ressources de la culture
pour amener les chrétiens à mieux saisir ce sacrement. En effet, dans nos cultures, la
réconciliation avec l’Absolu ou entre les hommes exigent la présence d’un intermédiaire, la
reconnaissance des faits et un sacrifice pour réparer le tort commis. Il en est de même avec le
sacrement de la réconciliation, à la seule différence qu’il n’exige pas de sacrifice, le Christ
s’étant offert une fois pour toutes pour nos péchés. L’homme étant attaché à sa culture, nous
pensons qu’en exploitant les schèmes de son milieu de vie, de sa tradition, il comprendra mieux
la valeur de ce sacrement et s’y prêtera.

De plus, la catéchèse doit également mettre l’accent sur la valeur graduelle et


progressive du sacrement de la réconciliation pour la vie spirituelle de chaque chrétien, afin
d’apporter des réponses à ceux qui, a priori, ne perçoivent pas les changements qu’il opère dans
leur vie. Elle doit amener ces derniers à comprendre que, de la même manière qu’un individu
en plongeant dans l’eau ne ressort pas au même point de sa chute, de même avec le sacrement
de la réconciliation, le chrétien opère un pas de plus dans sa relation personnelle avec Dieu,
l’Église et ses semblables. C’est d’ailleurs pourquoi le rite prévoit un espace pour l’acte de
contrition, à partir duquel le pénitent s’engage, avec le secours de la grâce, à parfaire sa
conduite. Toutefois, la théorie ne pouvant se passer de la pratique, cette catéchèse doit pouvoir
se frayer un chemin dans l’existence concrète pour être plus significative, ceci à partir de la
pénitence ; au-delà de la catéchèse sur la réconciliation, le pape Jean Paul II invite les pasteurs
à une catéchèse sur la pénitence qui elle aussi devrait avoir pour source le message biblique ;
pour lui le désir de la pénitence est le préalable de la réconciliation ; de ce fait, il ne saurait y
avoir de réconciliation sans ces attitudes primordiales de la conversion, et la catéchèse doit les
expliquer par des concepts et des termes adaptés aux différents âges, aux diverses conditions
culturelles, morales et sociales.97 Tel que nous l’avons illustré par les exemples plus haut ; une

95
JEAN PAUL II, Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n°132.
96
Idem., n° 133.
97
Idem., n° 141.

32
bonne catéchèse montrera comment le repentir, tout comme la conversion, loin d’être un
sentiment superficiel, est un vrai retournement de l’âme98.

III.3.2. Astuces pastorales

Trois astuces pastorales d’après nous en observant le document, pourraient avoir un


impact considérable sur les chrétiens, au point de les conduire à fréquenter régulièrement le
sacrement de la réconciliation.

La première (que l’on pourrait injustement juger de pharisaïque) serait que les prêtres-
confesseurs soient en tête de file quand il s’agit du sacrement de la réconciliation. Les chrétiens
ont tendance à croire que c’est un sacrement qui les concerne particulièrement et que le clergé
en est exempt. En se confessant donc au su et au vu des chrétiens lors des confessions zonales
par exemple à l’approche des fêtes de Noël ou de Pâques comme il est de coutume dans nos
diocèses, cela pourrait constituer une forte interpellation pour les chrétiens et gagner quelques
âmes pour la pratique de ce sacrement.

La deuxième serait, dans la mesure du possible, d’orienter leurs dirigés spirituels à la


confession au terme de chaque rencontre. Les prêtres reçoivent bon nombre de personnes qui
leur exposent leurs problèmes et auxquels ils essaient au mieux d’apporter des solutions
humaine et spirituelle, mais tous n’ont pas toujours le réflexe d’inviter leurs dirigés à se refaire
spirituellement par le biais du sacrement de la réconciliation. Celui qui se présente à un prêtre
exprime implicitement son désir de se convertir, de grandir dans la foi et la confession répond
à ce critère, le principe étant que plus on est chrétien plus on devrait se confesser.

La troisième enfin, serait d’insérer dans le plan pastoral de chaque paroisse, une vaste
campagne de sensibilisation répétitive au sujet du sacrement de la réconciliation. Il est
intéressant d’observer les préparatifs des grandes fêtes et temps forts de l’Église (organisation
des conférences, retraite et recollection, production des livrets de prière et objets de piété, etc.)
; nous pensons que si de tels moyens étaient mis en place pour le sacrement de la réconciliation,
les pasteurs amèneraient davantage les chrétiens à se confesser de manière régulière. Le pape
Jean Paul II d’ailleurs le reconnait, ce ministère du prêtre est sans aucun doute le plus difficile
et le plus délicat, le plus fatigant et les plus exigeant, mais aussi l’un des plus beaux et des plus
consolant.99

98
JEAN PAUL II, Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n° 133.
99
Idem., n° 170.

33
CONCLUSION GÉNÉRALE

Nous avons vu tout au long de notre travail que le sacrement de la réconciliation, à


l’instar des six autres sacrements qui constituent le septénaire sacramentel, est une source de
grâces pour tout chrétien qui professe la foi de l’Église catholique. Dans cette optique, « ceux
qui s’approchent du sacrement de la pénitence y reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon
de l’offense qu’ils lui ont faite et du même coup sont réconciliés avec l’Église que leur péché a
blessée et qui, par la charité, l’exemple, les prières travaillent à leur conversion ».100 Fort du
constat de sa décrépitude à l’ère contemporaine, nous avons voulu orienter nos investigations
vers le problème de la répétitivité du péché et de la crise du sacrement de la réconciliation à la
lumière de l’exhortation apostolique Reconciliatio et Penitentia du pape Jean Paul II, auquel
nous nous sommes attelé à apporter des réponses en trois chapitres.

Le premier nous a permis de retracer les origines du péché en essayant de comprendre


celui-ci ; quand on sait que le sacrement de la réconciliation trouve tout son sens à cause du
péché. Avec le deuxième chapitre, nous avons pu constater que le sacrement de la réconciliation
est indispensable à l’Église et au chrétien eu regard de l’importance que lui porte le magistère ;
qui s’est attelé à lui conférer un fondement biblique Jn 20, 21-23, en développant
successivement sa discipline, sa doctrine, son rite et ses formules. Toutefois, même s’il accorde
à l’homme le pardon de ses péchés et restaure l’alliance avec Dieu, il ne l’exclut pas de toute
rechute, du fait de la fragilité de sa nature entrainant la crise dont nous verrons les causes en
nous appuyant sur le document magistériel Reconcilatio et Penitencia. Le troisième chapitre, a
fait ressortir la question de la concupiscence et de la grâce dans le désir de l’homme à combattre
le péché. Les questions de la crise et de la répétitivité du péché trouveraient alors leurs solutions
dans le témoignage de vie des pasteurs, la valorisation des lieux spirituels pour l’administration
de ce sacrement ainsi qu’une catéchèse urgente sur la pénitence « inculturée » etc.

En définitive, à la question principale de notre travail : quelle est la nécessité d’entrer


au confessionnal si l’on continue de pécher ? Nous répondons : le but du sacrement de la
réconciliation n’est pas de nous empêcher de pécher, puisque du fait de la fragilité de sa nature
l’homme est susceptible de faillir, mais d’aider les fidèles qui sont tombés dans le péché après
le baptême à redécouvrir la grâce baptismale et à se réconcilier avec Dieu pour avoir part au

100
JEAN PAUL II, Exhortation apostolique Reconcilatio et Penitencia, n° 174.

34
salut. Il permet à ces derniers de faire de petits pas vers la sainteté et d’aller de petites victoires
en petites victoires jusqu’à la victoire ultime.

35
BIBLIOGRAPHIE

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39
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GÉNÉRALE ................................................................................................. i

CHAP I : DESCRIPTION EXPERIMENTALE DE LA REPETITIVITE DU PÉCHÉ ET DE


LA CRISE DU SACREMENT DE RECONCILIATION ......................................................... 3

I.1. L’IMPACT DE LA RAISON HUMAINE FACE A LA LIBERTE DE L’HOMME DE


RESSEMBLER A DIEU ........................................................................................................ 3

I.1.1. Ressemblance à Dieu : Appel à la communion ......................................................... 3

I.1.2 Liberté par l’obéissance à l’image du Christ comme moyen de communion ............ 6

I.2. LE PECHE : CONSEQUENCE DU MAUVAIS USAGE DE LA LIBERTE ................ 9

I.2.1. Le péché originel : l’échec de la liberté dans la recherche de ressembler à Dieu ..... 9

I.2.2. Le péché : préalable du sacrement de réconciliation ............................................... 12

I.3. LA NÉCESSITE, L’EFFICACITÉ ET LES EFFETS DU SACREMENT DE LA


RÉCONCILIATION ............................................................................................................ 13

I.3.1. La nécessité du sacrement de la réconciliation ........................................................ 13

I.3.2. L’efficacité et les effets du sacrement de la réconciliation...................................... 14

CHAPITRE II : LE MAGISTERE FACE A LA CRISE ......................................................... 16

II.1. LE SACREMENT DE LA RECONCILIATION AVEC LE CONCILE DE TRENTE


ET VATICAN II ................................................................................................................... 16

II.1.1. Le Concile de Trente et le sacrement de la réconciliation ..................................... 16

II.1.2. Le Concile Vatican II et le sacrement de la réconciliation.................................... 17

II.2. LES CAUSES DE LA CRISE DU SACREMENT DE RECONCILIATION SELON


RECONCILATIO ET PAENITENTIA................................................................................ 18

II.2.1. Les causes ad intra ecclesia .................................................................................... 18

II.2.2. Les causes ad extra ecclesia ................................................................................... 20

II.3. MYSTERE DE L’EGLISE : SOURCE DU SACREMENT DE RECONCILIATION


SELON RECONCILATION ET PAENITENTIA ............................................................... 23

II.3.1. Le péché comme cause ultime de toute division dans le monde ........................... 23

II.3.2. Sens de la réconciliation de l’Eglise au monde ..................................................... 24

40
III.1. L’APRÈS RÉCONCILIATION : LA PERPÉTUITÉ DES ACTES PECAMINEUX
EN L’HOMME ..................................................................................................................... 25

III.1.1. La concupiscence : pour le combat spirituel ......................................................... 26

III.1.2. La grâce de Dieu agissante ................................................................................... 27

III.2. LES PISTES DE RESOLUTION DE LA CRISE DU SACREMENT DE


RECONCILIATION ............................................................................................................ 29

III.2.1. Pour le pasteur ....................................................................................................... 29

III.2.2. Pour le pénitent ..................................................................................................... 30

III.3. QUELQUES ORIENTATIONS PASTORALES POUR UN MEILLEUR VECU DU


SACREMENT DE LA RECONCILIATION AUJOURD’HUI .......................................... 31

III.3.1. L’urgence d’une nouvelle catéchèse ..................................................................... 31

III.3.2. Astuces pastorales ................................................................................................. 33

CONCLUSION GÉNÉRALE .................................................................................................. 34

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 36

41

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