Bains d Eau de Mer Bains Chaud 1835 (2)

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Observations pratiques

sur les bains d'eau de


mer et sur les bains
chauds (2e éd.) par A.
P. Buchan,... ; ouvrage
[...]
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Buchan, Alexander Peter. Observations pratiques sur les bains d'eau de mer et sur les bains chauds (2e éd.) par A. P. Buchan,... ; ouvrage traduit de l'anglais, par M. Rouxel,....
1835.

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OBSERVATIONS
PRATIQUES

SUR LES BAINS D'EAU DE MER

ET

SUR LES BAINS CHAUDS.


DE L IMPRIMERIE DE PÏLLET AlKE,
rua de» Grands-Augtistins, n. 7.
vnM]<a\!h:\!yL
OUVERT PENDANT SIX MOIS pE L'ANKKF, DE MAI EN NOVEMBRE

Grand salon de Réumon et de Danse : Appartemensmeubles ayant vue sur Grandeterrasse duRez-de-chaussée ,
Salon de musiquepour les Dames | la.
mer et sur le Port. Terrasse à "balcon du premier cta<5e ,
Salon de Lecture j Restaurantet Glacier
Petiteterrassedubaùmentdunrilieu.
OBSERVATIONS
PRATIQUES

SUR LES BAINS D'EAU DE MER


ET

iVl LES BAE3WS CHAUD S;


PAR. A.-P. BUCHAET,
DOCTEUR EN MÉDECIHE , MEMBRE DO COLLEGE ROYAL DES MEDECINS
DE LONDRES;

KJuvtaeie- fcocduit Do ï auqlaii


:

PAR ROUXEL,
MÉDECIN DE L'HOPITAL CIVIL ET MILITAIRE DE BOULOGNE,
INSPECTEUR DES KAINS DE MER,
MEMBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES.

^/-gco-nae ecuàoit.
.

*'—^A PARIS,
CHEZ J.-B. BAILLIERE, LIBRAIRE,
RUE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, N° 13.

I85S.
DES BAINS EN GÉNÉRAL,

ET DE LA 2e ÉDITION

DE X.A TRADUCTIONDE X.'OUVRAG£ DE BCCHAKT.

L'usage des bains est devenu, de nos jours,


une nécessité qui prend sa source dans l'expé-
rience de toutes les nations et de tous les siècles*
C'est aussi pour les bains de mer une affaire de
mode, d'agrément, et du moins ces motifs, fri-
voles en apparence, se trouvent dans ce cas en
harmonie parfaite avec les règles de l'hygiène et
les préceptes les plus salutaires de la santé.
Les anciens faisaient le plus grand usage des
bains, et tous leurs ouvrages attestent que la
médecine grecque et latine en recommandait
l'application dans un grand nombre de mala-
dies. Elle avait surtout une entière confiance
dans les bains froids, qui prirent à Rome une
vogue extraordinaire, à dater de l'instant où
Auguste, les ayant employés afin de combattre
2
une affection catarrhale très-grave, se trouva
radicalement guéri. Il arriva alors ce qui ar-
rive souvent dans les cours, lorsque l'esprit de
flatterie tend tous ses efforts vers l'imitation
du maître. On vit les sénateurs, les grands de
l'empire, se faire un devoir de lutter à qui res-
terait le plus long-tems dans sa baignoire, psi-
rosolia. Il en résulta des accidens très-fàcheux,
et Marcellus, neveu d'Auguste, ayant succombé
à l'usage imprudent de ce remède, il fut rem-
placé par les bains chauds.
Cependant les bains froids reprirent faveur;
et, d'après Celse, ce fut Asclépiade, dont il était
l'élève, qui commença à les ordonner avec une
hardiesse qui fut couronnée de nombreux suc-
cès. Rome, au rapport de Pline, ne connut point
d'autre médecine pendant six cents ans, et la
civilisation le luxe, contribuèrent encore à les
,
mettre en crédit.
Les premiers thermes publics furent élevés
par Agrippa ; les Romains en firent leurs délices,
et bientôt l'Italie se couvrit de monumens de ce
genre, aussi utiles que somptueux, et dont les
ruines attestent encore quelle importance on
attachait aux bains comme moyen hygiénique.
Les restes des thermes d'Agrippa, de Néron, de
Titus, de Caracalla, nous prouvent la magnifi-'
3
çenqe que les Romains mettaient dans les cons-
tructions de ces édifices. C'est dans ces restes
qu'on a découvert l'Hercule Farnèse et le Lao-
coon, ces deux chefs-d'oeuvre de la sculpture
antique.
Au surplus, Rome, ainsi qu'Athènes, en at-
tachant un aussi grand prix à l'usage des bains,
comme remède et comme moyen de propreté,
ne faisaient que suivre l'exemple de tems plus
anciens, car il serait impossible, en remontant
à l'antiquité la plus reculée, de n'y pas retrou->
ver cet usage. Moïse en faisait une recomman-
dation expresse aux Israélites ; Homère raconte
comment Circé délassa Ulysse de ses fatigues en
lui prescrivantun bain dans un vase immense et
d'un métal éclatant; enfin, chez toutes les na-
tions de l'Orient, prendre des bains est une
ordonnance consignée dans les lois civiles et re-«
ligieuses. Mahomet, dans son Coran, prescrit
avec force, les ablutions, et règle à la fois le
nombre de ces ablutions et les circonstances dans
lesquelles elles doivent avoir lieu.
Il parait au surplus certain que, pour la Grèce
et l'Italie, les Lacédémoniens furent les premiers
qui employèrent les bains froids. Les moeurs
austères des Spartiates, leur vigueur, leur forcé
dans la guerre et dans tous les exercices du corps,
sont déjà une puissante recommandation pour
ces bains.
Chez les modernes, l'usage du bain froid,
pris dans les fleuves et dans les rivières, ne de-
vint à peu près général qu'à dater du retour des
premières croisades. Cet usage s'était conservé
parmi les Orientaux et les Arabes ; ces derniers
le transportèrent en Espagne du tems du règne
des rois maures, et nos soldats, en revenant de
la Palestine, le mirent à la mode dans nos con-
trées.
Toutefois, ce n'est que de nos jours que l'em-
ploi des bains froids de fontaine ou de rivière a
été remplacé par celui des bains de mer. Pen-
dant long-tems ces bains ne furent pris que par
des individus appartenant à la classe du peuple,
dans le voisinage des côtes, et par des jeunes
gens. Buchan, dont nous offrons au public une
seconde édition en langue française, les avait
prescrits et mis en usage en Angleterre, dans les
rangs les plus élevés de la société; mais il s'é-
coula encore plusieurs années avant que cet
usage devint général en France, après la publi-
cation que nous avons faite de la première édi-
tion de son ouvrage, traduit par nous en 1812.
Cette traduction, mentionnée dans VEncyclo-
pédiç médicale, commença à fixer l'attention.
a
sur l'emploi des bains de mer dans la médecine,
et des circonstances favorables, la paix, le séjour
des Anglais en France, l'ouverture d'établisse-
mens à Dieppe et à Boulogne, fixèrent définiti-
vement l'usage des bains parmi nous.
Ce serait faire de l'érudition inutile que de
rapporter ici l'opinion des médecins anciens et
modernes sur l'utilité des bains froids, princi-
palement des bains de mer. C'est un des agens
les plus étendus, les plus puissans qui existent,
et dont l'application prudente et continue a pro-
duit et produit encore chaque jour des effets
merveilleux dans une foule d'affections et de
maladies. Les valétudinaires, les personnes fai-
bles, épuisées par les travaux, les fatigues, le ré-
gime dévorant et l'atmosphère vicié des grandes
villes, viennent retroxxver, dans les flots de la
mer, en respirant l'air pur de nos côtes, les
forces, le repos et la santé.
Quelques esprits légers ont souvent répété
que c'était la curiosité, le besoin de changer de
lieu, le désir de s'amuser, qui conduisaient les
baigneurs dans nos villes maritimes : c'est là
une erreur palpable ! L'expérience médicale ré-
fute avec force cette opinion, et la constance
des malades à employer le moyen hygiénique
fourni par les bains de mer, est une preuve des
è
effets bienfaisàns qu'on en retiré,' et de sort
efficacité. J'ai connu, entre autres, un des hom-
mes les plus distingués de notre époque, poète
élégant et historien renommé, dont la santé,
affaiblie par les veilles, fut raffermie, rétablie
par l'usage des bains de mer. C'est dans la belle
saison, et à Boulogne, qu'il a composé une
partie de son bel ouvrage sur les Croisades.
Je suis loin de nier ensuite que les distrac-
tions , les amusemens qu'on rencontre dans les
établissemens de bains ne contribuent pas à y
attirer les voyageurs , et n'exercent pas une fa-
vorable influence sur leur santé. Le physique et
le moral se tiennent et se prêtent de mutuels se-
cours. Le changement de situation et de lieu, la
vue d'objets variés, le spectacle animé et pitto-
resque des côtes, en interrompant la routine
d'une existence casanière et monotone, portent
à l'ame et aux sens une vie nouvelle qui se com-
munique au corps en rendant à tous les organes
la forcé et l'activité. Sous ce rapport, la ville de
Boulogne présente des avantages que nulle autre
ville maritime rie saurait lui disputer.
La beauté de ses sites, la pureté de l'air qui y
règne, l'élégancede ses constructions, et en par-
ticulier de son établissement de bains; les souve-
nirs historiques qui se pressent multipliés sur son
sol, le grand nombre d'étrangers^ d'hommes de
haut rang, d'artistes célèbres qui s'y réunissent,'
sa proximité de Paris et de Londres, en font une
résidence d'élection qui offre à la fois tous les"
avantages d'une capitale et d'une province. Aux
salons des bains de mer créés par M. Versial, et
que M. Mancel continue à tenir de manière à
satisfaire les goûts les plus difficiles, à l'ordre
dans le service des voitures, sur une côte uni-
forme, échauffée par les rayons du soleil, il faut
ajouter la facilité, si cela est nécessaire, de
prendre des bains de mer chauds ou tièdes dans
l'établissement de M. Mesureur. L'autorité sage
et prévoyante a pourvu d'ailleurs à toutes les
mesures de sûreté que les bains pris à la mer
pourraient exiger.
Maintenant, un mot sur l'ouvrage de Buchan
et sur la seconde édition que je publie.
A l'époque où je fis la traduction de cet ou-
vrage, la médecine française n'avait aucun traité
sur les bains de mer. Il avait paru seulement,"
quarante ans auparavant, un mémoire très-in-
complet et manquant d'expérience sur ce sujet* 1

Depuis, le docteur Morgue, dans son journal,'


le docteur Assegond, dans son Manueldes Bains
de mer, et plusieurs médecins allemands, ont
donné plus d'étendue à ce genre de travail mé-
8
idical.Je dois relever une erreur qui se trouve
dans l'introduction du Manuel de M. Assegond,
où il dit, sur des renseignemens faux et intéres-
sés qui lui ont été donnés à Dieppe : « Et Bou-
wlogne, malgré l'incommodité de sa plage,
J> etc.... »
Or, il est reconnu que la plage de Boulogne
est excellente pour les bains et bien au dessus de
celle de Dieppe, quant à la facilité et à l'agré-
ment qu'elle offre aux baigneurs.
Il m'a paru que l'ouvrage de Buchan, en son
entier, augmenté des observations qu'une lon-
gue pratique m'a permis de faire ; était toujours
d'une très-grande utilité. Il manque mainte-
nant dans le commerce de la librairie ; chaque
jour il est demandé de toutes parts, et c'est ce qui
m'a engagé à livrer à la publicité une seconde
édition de ma traduction.
Buchan a suivi dans son ouvrage une marche
tout-à-fait philosophique. C'est après avoir ras-
semblé un grand nombre d'observations, fait
une multitude d'expériences, suivi les malades
dans les lieux où l'on prend les bains de mer,
qu'il s'est prononcé. Aidé de toutes les connais-
sances d'une longue pratique, de tous les avan-
tages d'un tact et d'un coup-d'oeil sûrs, il a fait
un travail qu'on peut regarder comme complet.
9
J'y ai seulement ajouté quelques nouveaux exem-
ples de l'efficacité d'un remède dont la nécessité
ne saurait désormais être contestée.
Le travail du médecin anglais sur les bains
chauds d'eau douce n'offre pas moins d'intérêt.
Dans certaines maladies, ils conviennent parfai-
tement ; pris à une température modérée, ils ne
sont jamais nuisibles, tandis que, dans certaines
circonstances, les bains de mer froids pourraient
être dangereux.
J'aurais pu faire une description architectu-
rale de l'établissement de Boulogne, et des voi-
tures élégantes qui transportent les baigneurs
dans les flots ; mais cela m'a paru peu convena-
ble dans un ouvrage de médecine.
Le but de toute mon existence a été de servir
l'humanité, et si le traité que je publie de nou-
veau peut fournir au talent des praticiens éclai-
rés les moyens de calmer les douleurs de leurs
malades, d'opérer quelques guérisons, je serai
trop payé de mes soins.
PREFACE

DE L'AUTEUR.

Dans l'état social, lorsqu'on est à l'abri de toute


espèce de crainte sur les moyens de se procurer sa
subsistance, que l'esprit n'est point occupé à pour-
voir à des besoins réels, on se crée des besoins ima-
ginaires et l'idée qu'on a d'être malade, est l'i-
,
dée généralement prédominante. On peut regarder
comme un raffinement du luxe de ce siècle, l'atten-
tion inquiète qu'on porte à son bien-être personnel.
La recherche de la santé, dont l'importance est si
universellement reconnue, sert d'excuse aux riches
pour la fréquence de leurs voyages, qui n'ont réel-
lement d'autre motif que l'espoir de trouver, dans
quelque nouvelle situation, des objets propres à ex-
citer leur attention et à remplir le vide de l'ame, qui
est la maladie principale des personnes oisives : car,
telle est la condition présente de l'homme, que celui
qui n'est pas obligé de travailler pour gagner sa vie,
est obligé de le faire pour pouvoir en jouir.
Cette tendance qu'on a à imiter les personnes d'un
rang au dessus du sien, qui influence la conduite
12
d'une si grande partie du genre humain, a répandu
généralement, parmi les habitans de l'Angleterre, la
mode de se retirer pendant quelque tems à la cam-
pagne, le long des côtes, tant pour changer que
pour suspendre leurs habitudes ordinaires; et quoi-
que ce goût de la dissipation, suite inévitable du
rassemblement d'un grand nombre de personnes oi-
sives, qui, sous le prétexte d'améliorer leur santé,
fréquentent les endroits où l'on prend les bains, pa-
raisse, aux yeux de la classe industrieuse, en plu-
sieurs circonstances, n'être qu'un prétexte pour se
livrer aux plaisirs, cependant cette émigration pério-
dique des habitans des grandes villes, et spécialement
de la métropole, dans les campagnes, présente quel-
ques argumens en faveur de son utilité.
Il est reconnu que les émanations continuelles des
corps des animaux sont nuisibles à tous ceux de la
même espèce. Des hommes réunis en grand nombre,
et très-rapprochés, donnent naissance à des maladies
non-seulement fatales à eux-mêmes, mais contagieu-
ses et destructives pour les autres. Les personnes
versées dans la pratique de la médecine savent qu'un
long séjour dans un hôpital change l'habitude du
corps et l'expose à gagner certaines maladies. Une
résidence permanente dans une ville fort peuplée
produit les mêmes effets, quoiqu'à un moindre de-
gré. La constitution de la plus grande partie des
habitans des villes peut être considérée comme fai-
ble, irritable, et très-susceptible d'être attaquée de
maladies. La respiration d'un air pur à la campagne,
est peut-être le seul moyen de prévenir cette dispo-
sition malfaisante.
Un changement momentané de situation est aussi
très-utile, en interrompant le cours ordinaire des
pensées, dans lesquelles l'esprit, constamment tendu
vers le même objet, et accoutumé à une routine
monotone, peut s'affaiblir, devenir la source de
maux d'estomac et donner lieu à un état de langueur.
Les amusemens qu'on rencontre dans les endroits où
l'on se rend pour prendre les bains , et auxquels les
personnes de toute classe sont imperceptiblement
engagées à participer, contribuent puissamment aux
mêmes effets salutaires. Un convalescent se trouvera
mieux en résidant dans un endroit où il aura quel-
quefois l'occasion de se livrer à quelques amusemens
innocens, que dans un autre, où il serait reclus et
abandonné à ses rêveries mélancoliques ; en suppo-
sant même que la pureté de l'air et les autres avan-
tages naturels soient les mêmes.
L'absence de chez soi peut aussi quelquefois faire
profiter des avis de Sénèque : Observandi seprotinïis,
en passant en revue sa propre conduite, et en corri-
geant les mauvaises habitudes qui, étant pour ainsi
dire mêlées avec sa manière habituelle de vivre, ne
s'aperçoivent point, et dont on ne se corrige consé-
quemment pas. L'usage de se lever et de se coucher
de bonne heure, qu'on contracte à la campagne,
produit aussi des effets très-salutaires.
La mode maintenant, parmi les personnes mala-
des ou celles qui croient l'être, est de se rendre suç
,
14
les .côte$ de la mer. Il n'existe effectivement pas de
situation plus avantageuse pour procurer le bien-
être des personnes qui sont réellement ou croient
être valétudinaires. L'aspect du grand Océan, tou-
jours varié dans son ensemble, élève et récrée rame;
tandis que la fraîcheur vivifiante de l'air de la mer,
gui se joue le long des côtes, dissipe cette langueur
de l'esprit et cette lassitude des membres, qui ne sont
que trop fréquentes chez les personnes qui sont
obligées de passer les plus grandes chaleurs de l'été
dans les villes très-peuplées, où l'action des rayons
solaires est considérablement augmentée par la ré-^
flexion des murs et des pavés brûlans. Les avantages
gue le citadin retire de son séjour sur les côtes, peu-
vent être regardés comme analogues à ceux qu'on
éprouve à son retour dans son pays natal, après avoir
résidé long-tems sous la zone torride.
On trouve quelques observations intéressantes sur
les effets-salutaires des bains de mer et de l'air de la
mer, répandues çà et là dans les ouvrages de méde-
cine ; et leur utilité dans quelques maladies a été dé-
montrée dans des traités particuliers. Mais quoiqu'pn
soit porté à croire que leur usage, devenu si géné-
ral, ait dû exciter l'attention, et qu'à une époque où
toutes les eaux des sources qui contiennent quelques
vertus salutaires, ou réputées telles, ont été l'objet de
jtraités particuliers, contenant leur analyse et la des-
cription de leurs effets, je ne connais cependant au-
cun traité ex professa où l'on décrive d'une manière
satisfaisante les effets des bains de mer, ou qui donne
13
des conseils sur la conduite générale que doivent tenir
les personnes qui vont sur les côtes prendre ces
bains pour raison de santé.
S'imaginer qu'on puisse sans distinction se plonger
dans la mer avec avantage, et même impunément,
pour le plus léger dérangement de santé, serait une
opinion qui mettrait les bains de mer en parallèle
avec les remèdes qu'on dit posséder la vertu de guérir
toutes sortes de maux. Car, quoique les charlatans
cherchent à persuader aux, personnes crédules que
l'usage de leurs spécifiques rendra infailliblement la
santé, quelle que soit la cause qui ait pu la déranger,
et que leur manière d'opérer est tout-à-fait innocente,
il n'y a pas en médecine d'axiome plus vrai, que tous
les remèdes qui peuvent faire beaucoup de bien,
peuvent aussi faire beaucoup de mal. C'est pourquoi
on ne peut presque pas révoquer en doute qu'un
moyen d'améliorer sa santé, aussi généralement em-?
ployé maintenant cpie le sont les bains de mer, doit
fréquemment l'être mal à propos. Quelques avis clairs
et méthodiques, pour diriger la conduite des per-
sonnes qui font usage du bain, ne seront pas, je l'es-
père, regardés comme une augmentation superflue à
la masse actuelle des ouvrages qui ont pour objet la
conservation de la santé de l'homme.
On prend les bains de mer, soit pour fortifier sa
santé, soit pour guérir certaines maladies.Én traitant
des bains, j'ai essayé de suivre les deux points de vue
sous lesquels on peut les considérer. J'indique aux
personnes qui se baignent pour leur plaisir, la çon*
1(!
duite qu'elles doivent tenir pour éviter lés accidens
qui ne manqueraient pas d'arriver si elles se plon-
geaient à toute heure et sans précautions dans l'eau.
Je n'ai, je crois, oublié aucun des cas dans lesquels
l'usage interne ou externe de l'eau de mer a été re-
connu, d'après l'expérience, comme remède utile.
J'ai aussi essayé d'indiquer les maladies dans lesquelles
il a été reconnu que les bains de mer sont nuisibles.
Le nombre des observations sera cependant borné
aux limites que doit avoir tout ouvrage de médecine
destiné à l'usage du public : on trouvera qu'elles sont
plutôt trop concises que trop longues; que j'insiste
plus sur les précautions à prendre contre l'usage im-
prudent des bains froids, que je n'engage à en adopter
la pratique dans les cas douteux. Parmi les personnes
qui se rendent sur les côtes, l'usage ne prévaut que
trop de se jeter indistinctement dans l'eau, et il me
paraît qu'on doit faire son possible pour arrêter cet
abus.
On doit naturellement présumer que les meilleurs
avis, sur les propriétés des bains, doivent s'obtenir,
quand on en a besoin, des médecins praticiens qui
résident dans les places où l'on se rend pour les pren-
dre. Mais les personnes qui y vont pour quelque mala-
die légère qu'elles ont l'espoir de guérir par l'usage du
bain, ou par le changement d'air, ne considèrent pas
toujours qu'il leur est nécessaire d'en référer à l'opi-
nion des médecins ; et quand elles pensent que des
avis sur la propriété des bains, leur fréquence ou le
teins où Ion doit les prendre, leur sont nécessaires,
Vi
j'ai généralement observé que les hommes qiii cou-^
duisent les baignoires sont les oracles auxquels elles
s'adressent. Je pourrais dire avec Horace:

.....
Corruptus jiidex.
Maie verùm examinât bmnis
.
Satyra II, lib. 2.

Il serait en effet difficile de supposer qu'une per-


sonne dont le revenu tient au nombre dé ses prati-
ques , eût la franchise de dire à quelques-unes
qu'elles n'ont pas besoin de ses services. Dans le cas
où il pourrait exister des doutes sérieux sur l'utilité
des bains, le médecin qui habite l'endroit où on les
prend est, sans contredit, la seule personne qui doive
les résoudre.
Quoique je n'aie jamais résidé long-tems de suite
sur les côtes, on ne peut cependant pas considérer
cet ouvrage comme le résultat d'une simple théorie,
ou d'observations faites au hasard. C'est le résultat
d'observations faites pendant l'espace de seize ans,
que je me suis transporté, chaque année, dans les
endroits où il se rend ordinairement beaucoup de
monde pour prendre les bains de mer : je n'ai, pen-
dant tout ce tems, négligé aucune occasion d'acqué-
rir des connaissances de ceux qui étaient à même de
me les procurer, d'après leur propre expérience ; et
j'ai essayé d'y ajouter tous les faits que j'ai pu recueil-
lir dans les auteurs qui ont écrit sur cette matière.
Je n'ai point fait ces voyages comme médecin, mais
comme un valétudinaire qui cherche à se relever de
48
la langueur et de la débilité qui sont la suite d'un
séjour continuel dans une grande ville, où jetais
très-occupé de l'exercice d'une profession dans la-
quelle on éprouve sans cesse des inquiétudes.
Comme les valétudinaires sont toujours disposés à
parler de leur maladie, je me suis introduit dans tou-
tes leurs sociétés, et j'y ai recueilli plusieurs obser-
vations intéressantes sur les bons et les mauvais effets
des bains de mer, que je n'aurais pu me procurer par
le seul exercice de ma profession.
Je ne nierai cependant pas ici que les convalescen-
ces réitérées que j'ai éprouvées, m'ont engagé à faire
le voyage des côtes pour plusieurs indispositions
anomales auxquelles les habitans des villes très-peu-
plées sont exposés. Si on trouve que mon opinion a
été influencée par des préjugés, je crois devoir mé-
riter de l'indulgence; car c'est souvent le cas, chez
un médecin, de chercher à introduire l'usage d'un
remède dont il a éprouvé lui-même l'efficacité.
De toutes les côtes où l'on se rend pour prendre
les bains de mer, je n'en ai vu aucune qui réunisse
autant d'avantages, sous le rapport de la commodité
et de la salubrité, que l'île de Thanet. Le terrain
élevé de cette presqu'île est formé d'un lit de craie.
Il s'avance dans l'Océan germanique, au dessus du
niveau duquel il est considérablementélevé, et forme
la pointe la plus à l'est de toute l'Angleterre. Plus des
deux tiers de la circonférence de l'île de Thanet sont
baignés par la mer, de manière que le vent s'y fai-
sant sentir sur presque tous les points, peut être, à
19
juste titre, regardé comme un air marin. L'air de cette
péninsule se trouve, en grande partie, purifié par la
puissance absorbante des immenses lits de matière
calcaire qui la composent, de ces vapeurs qui, dans
tous les pays, se répandent quelquefois dans l'atmos-
phère et la vicient; et l'air y est, en général, impré-
gné des parfums agréables des diverses plantes aro-
matiques auxquelles la légèreté du sol permet de
croître partout. On ne voit nulle part d'eaux stagnan-
tes, et les eaux de pluie y sont si promptement ab-
sorbées que les valétudinaires les plus délicats y sont
,
rarement privés du plaisir de la promenade, même
après les pluies les plus fortes.
Le manque total d'arbres, car il est rare qu'ils
prospèrent le long des côtes, rend la chaleur presque
insupportable pendant les mois d'été. La situation nord
d'une grande partie des côtes de l'île de Thanet, fait
qu'une grande partie du strand est ombragée pendant
la partie du jour où les rayons du soleil ont le plus de
force. C'est là que les valétudinaires auxquels la res-
piration d'un air imprégné des vapeurs qui s'élèvent
de la mer a été jugée nécessaire, trouveront une pro-
menade salutaire. Les personnes même les plus déli-
cates n'ont rien à craindre de l'effet de leurs prome-
nades sur le bord de la mer, quoiqu'elles soient ex-
posées à avoir les pieds mouillés; car il est prouvé que
lorsque les pieds sont mouillés d'eau salée, il n'y a
aucun danger qu'il s'ensuive une affection catarrhale,
comme cela serait à craindre s'ils étaient mouillés
d'eau douce, Les vents du sud-ouest qui régnent
20
pendant la majeure partie de l'automne, agitent la
mer, et empêchent souvent de se baigner sur plu-
sieurs parties des côtes d'Angleterre ; niais ils ne pro-
duisent point d'effet semblable dans cette île, puis-
qu'ils viennent de terre. La facilité de se baigner à
toute heure du jour, et presque à toutes les périodes
de la marée, doit entrer pour beaucoup dans le choix
que doivent faire les personnes qui se rendent sur
les côtes pour y prendre les bains d'eau de mer, d'un
endroit pour se baigner.
L'usage des bains chauds, comme moyen conser-
vateur de la santé , qui était tombé en oubli, se réta-
blit fort heureusement dans ce pays. J'ai entrepris de
démontrer les cas qui exigent l'usage de cette prati-
que, aussi agréable que salutaire, qu'on employait
autrefois pour se délasser et recouvrer ses forces.
Les préjugés contre les bains chauds paraissent, en
grande partie, avoir pris naissance dans l'application
,
à certains états du corps vivant, d'expressions qui ne
conviennent qu'aux matières mortes. Les termes fami-
liers de toniques, de relâchans, dont on qualifie les
effets des bains chauds sur les corps animés, n'ont
véritablement aucune signification. J'avoue que je suis
redevable de ces idées au docteur Darwin *, dans les
ouvrages ingénieux duquel j'ai souvent puisé , ainsi
que dans l'excellent traité du docteur Currie **, sur

* Zoonomia; or ihe Laws of organic life. In-8°. London


1801.
** Médical reports on thé offerts ofwate.r, by Jnraes Currie.
M. D. F, R. S.
21
l'usage externe de l'eau. Ce petit ouvrage, dont j'ai
tant différé la publication, afin de le soigner davan-
tage et de le rendre plus digne de l'attention du pu-
blic, et que mes occupations m'ont empêché de revoir
plus tôt, tend à répandre, parmi les personnes qui ne
voudraient pas lire un ouvrage purement médical, les
opinions philosophiques de ces médecins vraiment
éclairés sur l'objet important de la santé et de la vie.
AVIS
SUE LA DEUXIÈME ÉDITION ANGLAISE.

En publiant cette nouvelle édition, le but de l'auteur


est de faire connaître aux personnes dont la santé a souf-
fert des altérations, et qui se rendent sur les côtes afin
de les faire cesser, les maladies dans lesquelles on peut
retirer des avantages de l'usage des bains de mer. Jus-
qu'à ce jour les indications n'ont pas été très-précises,
et l'on n'a pas surtout établi les circonstances qui pour-
raient rendre les bains de mer nuisibles à la santé. L'au-
teur se flatte d'avoir rempli ce but, et ce qui le porte à
le penser, c'est la manière franche et désintéressée avec
laquelle on a accueilli et répété ses observations dans les
instructions qui ont été publiées sur les bains de mer.
Une nouvelle édition de cet ouvrage était générale-
ment désirée ; l'auteur a fait tous ses efforts pour l'en-
richir d'une foule d'observations pratiques qu'il a été à
même de faire depuis qu'il a publié son ouvrage. Ses
soins ont eu surtout pour objet de déterminer les cas de
scrophules, dans lesquels les bains de mer sont réelle-
ment avantageux, et jusqu'à quel point on peut compter
sur leurs effets, en les considérant comme l'un des re-
mèdes les plus efficaces pour les combattre.
OBSERVATIONS
PRATIQUES

SUR LES BAINS D'EAU DE MER

ET

'Sun mms mMimB CHAUDS.

CHAPITRE PREMIER.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES BAINS FROIDS.

Les annales les plus anciennes de la médecine


font mention de l'emploi des bains froids comme
moyen propre à rétablir la santé, lorsqu'elle est
dérangée.
Melampus, médecin grec, qui vivait 170 ans?
avant l'expédition des Argonautes, guérit les
filles de Pretus, roi d'Argos, d'une maladie qui
avait résisté à tous les autres modes de traite-
ment , par l'usage intérieur du carbonate de fer
et des bains froids d'eau de fontaine.
Soit qu'on ait douté de la guérison obtenue
par le médecin grec, ou que les bains n'aient pas
été suivis de succès leur usage, comme moyen
,
JiïOpre à conserver et à fortifier la santé, ou à la
rétablir lorsqu'elle est dérangée, a été, comme
tous les remèdes actifs, soumis au caprice de
l'opinion publique.
L'histoire nous apprend qu'Auguste, ayant
obtenu la guérison d'une affection catarrhale
invétérée par l'usage des bains froids, tous les
sénateurs se disputèrent à fenvi à qui resterait
le plus long tems dans la psirosolia * où on les
,
voyait tremblans de froid, pour faire leur cour
à l'empereur. Lorsque Marcellus, son neveu,
succomba à l'usage imprudent de ce remède, ces
sortes de bains tombèrent en discrédit, et les
voluptueux Romains, sous le règne des succes-
seurs d'Auguste, portèrent l'abus des bains de
vapeurs et des bains chauds au plus haut degré,
et en firent l'objet du luxe le plus effréné.
Galien traite de pratique inhumaine et digne
des peuples barbares l'usage de baigner les pe-
,
tits enfans dans l'eau froide ** ; tandis que d'au—
* Espèce de baignoire en usage chez les Romains.
-
** Galien ne blâme pas d'une manière aussi exclusive que semble
l'indiquer Buchan l'usage des bains froids chez les enfans ; il con-
seille seulement l'usage des bains frais, pris à la température des
appartenons dans lesquels ils sont élevés ; il permet même de les
23
très auteurs, et même des nations entières, con-
sidèrent l'usage des bains froids, chez les enfans
les plus jeunes, comme l'un des meilleurs moyens
de conserver et de fortifier leur santé.
Vers le milieu du siècle dernier, sir John Flo-
wer Fuller, et autres médecins, mirent les bains
froids en grande réputation et en répandirent
l'usage.
De nos jours, les bains de mer ont remplacé
généralement les bains de rivière. Je ferai tous
mes efforts pour apprécier, dans cet ouvrage,
les effets généraux produits sur le corps vivant
par son immersion dans l'eau à un degré de tem-
pérature beaucoup au dessous de la chaleur du
sang, et je tâcherai de déterminer les conditions
de la santé et les particularités de la constitution
où les bains froids peuvent être utiles ou nui-
sibles.

baigner dans les étangs et les rivières pendant les ehaleurs de l'été ;
mais il blâme l'usage qu'avaient les Germains de plonger leurs
enfans nouveau-nés, au milieu de l'hiver, dans les fleuves glacés,
en supposant mal à propos que cela éprouverait leur vigueur, et
les accoutumerait, dès les premiers jours de leur existeace, au
froid rigoureux du climat qu'ils devaient constamment habiter.
( Galenus, de tuenda sanitate, lib. 1, t. 1, e'dit. Sasili, 1549. )
Dès les tems qu'on appelle héroïques, et peut-être dès l'origine
du monde, cette pratique a été celle de tous les peuples agrestes
qui, éloignés des douceuts d'une vie tranquille, livrés aux durs
exercices de la chasse et de la guerre, n'estimaient que la force
du corps et la vigueur du tempérament. {Note du traducteur.)
26
k'automïie est la saison de l'année que l'ori
choisit généralement, en Angleterre, comme la
plus convenable pour prendre des bains de
mer *. Il est connu que la terre peut recevoir un
plus grand degré de chaleur et la conserver plus
long-items que l'eau ; et la terre, pendant un
long espace de tems après le solstice, continue
de céder aux eaux de l'Océan contiguës aux ri-
vages , une portion de la chaleur qui s'y est ac-
cumulée sous, l'influence du soleil d'été; C'est par
cette raison que l'on trouve la mer plus chaude
quelques semaines après le milieu de l'été, qu'on
ne la trouve à une égalé distance de tems avant
cette: période de l'année. La chaleur de l'atmos-
phère est en même tems diminuée par les vents
d'ouest qui régnent généralement, et qui sont
refroidis en traversant une grande étendue de
l'Océan. On trouvera rarement, pendant le mois
d'août, la température de la mer au dessous de
6o° du thermomètre de Fahreinheit ( iA de Réau-
mur); tandis que M. Eirwan a reconnu que celle
de l'atmosphère s'élèvera, terme moyen, un peu
au dessus de 65° de F. (i5 R.). La chaleur du
* On peut commencer à prendre les bains de mer, lorsqu'on en
fait usage pour combattre certaines maladies ou pour fortifier sa
santé, dès le 20 juin, et les continuer jusqu'à la fin de septembre
et même jusqu'à la mi-octobre, lorsque la saison est favorable.
(Note du traducteur.)
fluide dans lequel? nous nous baignons n'étant!
que de peu de degrés inférieure à celle du- milieu
dans lequel nous sommes accoutumés à vivre,
la mer, à cette époque de l'année, peut être
plutôt considérée comme un bain tempéré, que
comme un bain froid.
Quoique l'homme, et en général les premières
classes des êtres animés, aient la faculté de
maintenir en eux un degré de chaleur supérieur
à celui du milieu dans lequel ils; existent, ife
sont cependant susceptibles d'être affectés par fe
températurede l'air ambiant, et par les différent:
tes substances avec lesquelles ils sont occasion
neilement en contact. Les effets dé ces: impres-
sions externes constituent les sensations du froide
et du chaud, que l'on conçoit bien en général,
quoiqu'on ne puisse pas aisément les défruir^
Si nous prenons la chaleur du corps humain à
g8:° F. (3i R.), terme auquel on la porte, et que
nous supposions le milieu qui l'entoure à la-
même température qu'il se trouvé lui-même ,1e-
contact de toute substance dont la température;
est au dessus de g8° F. (3i R.) produira une
sensation de chaleur, tandis que tout ce qui est
d'une température inférieure Oeeasionerà la sen-
sation du froid. Nos sensations présentes sont
presque à chaque instant influencées par les hn-
28
pressions précédentes. Par exemple, après avoir
tenu pendant quelque tems Une main dans l'eau
froide, si les deux mains sont plongées dans ce
fluide, à sa température ordinaire, l'eau paraî-
tra plus froide à la main qui a été préalablement
échauffée qu'à l'autre. On est en général très-
sensible au froid dans la soirée d'une journée
très-chaude, quoique l'air, dans le fait, conti-
nue d'être plus chaud qu'il ne l'est habituelle-
ment. Sous le climat de la Grande-Rretagne ,
nos corps sont continuellement entourés d'une
atmosphère dont la température est bien infé-
rieure à la leur , qui soutire continuellement
une partie de la chaleur fournie par le principe
vital. C'est cette soustraction de chaleur que
nous cherchons à diminuer par l'usage des vête-
mens, qui consistent en général en des tissus
poreux qui, en empêchant l'accès de portions
nouvelles d'un air plus froid, nous tiennent
constamment entourés d'une atmosphère d'une
température presque égale à celle de notre pro-
pre corps.
Les diverses substances nous font éprouver
des sensations bien différentes selon la facilité
,
avec laquelle elles transmettent ou conduisent
la chaleur ; ce que l'on a trouvé être générale-
ment proportionné à leurs densités respectives. A
29
température égale, une pièce dé métal est plus
froide au toucher qu'une pièce de bois : l'eau et
l'air nous feront éprouver les mêmes différences.
L'espèce de révolution qu'on éprouve lors-
qu'on se plonge dans la mer, ne doit pas être
entièrement attribuée à un changement de tem-
pérature d'environ 3o° de F. (i4 R-), qui est la
différence moyenne entre la chaleur du corps et
celle de la mer ; mais l'on doit encore l'attribuer
à la rapidité avec laquelle la chaleur est soutirée
du corps lorsqu'on se plonge dans un milieu
aussi dense que l'eau : soustraction qui se fait
avec une bien plus grande vitesse que si l'on
exposait simplement le corps à l'air commun.
Ainsi, en me conformant à l'expression la plus
généralement reçue, je continuerai de regarder
,
les bains d'eau de mer comme des bains froids.
L'immersion dans l'eau de mer détermine di-
verses impressions qui sont plutôt pénibles qu'a-
gréables et dont l'ensemble est ordinairement
,
désigné sous le nom de choc.
Lorsque cette secousse violente est assez affai-
blie pour qu'on puisse analyser ces sensations,
on observe, outre un sentiment général de froid,
un certain degré de pesanteur et de resserrement
de la poitrine, accompagné de soupirs, d'une
respiration convulsive et de palpitations consi-
30
dérables du coeur» Après être resté quelque tems
plongé dans l'eau jusqu'au cou, ces phénomènes
diminuent progressivement ; mais si la partie du
corps, jusqu'à la région épigastrique, est hors
4e feau, la respiration convulsive dure plus
iong-tems. La durée de ces symptômes dépend,
m général, beaucoup de la susceptibilité indi-
viduelle et de l'habitude qu'on a d'user des bains
froids.-Chez les personnes d'une constitution dé-
licate et irritable, ces impressions désagréables
icontinuent bien plus lông-tems que chez celles
d'une constitution forte et robuste. Dans tous les
«cas, ces sensations sont graduellement dimi-
.auées par l'habitude, jusqu'à ce qu'à la fin,
comme on l'observe chez les guides, dans les
endroits où l'on prend les bains, l'immersion
dans l'eau, en y restant même plusieurs heures
de suite, cesse de produire aucun changement
dans les fonctions vitales *.
Lorsque la personne qui se baigne reste dans
un état de repos, la température delà mer étant
de 58 à 6o° de F. (12 à i3 de R.), la sensation
du froid diminue par degrés, et le corps semble1

reprendre sa chaleur ordinaire. Ce retour des

"* On voit tous les ans des guides-baigneusesenceintes, ou nour-


rices, rester sept à huit heures chaque jour dans la mer, sans que
leur santé en soit nullement altérée. {Note du traducteur.)
sensations naturelles dépend de la réaction du
système ; c'est un effort que fait le principe vital
pour résister à une plus .grande soustraction de
chaleur ; car il est à peine nécessaire d'observer
qu'une masse de matière inanimée, d'un égal
volume, se refroidirait graduellement, jusqu'à
ce qu'elle fut à la même température que le mi-
lieu qui l'entoure. Mais si elle reste long-tems
dans la mer, le froid se fait sentir de nouveau,
surtout aux extrémités, qui se rident et devien-
nent pâles. Les bagues s'échappent des doigts,
toute la peau se contracte, et trouvant, dans les
petites bules qu'on voit à la naissance des poils,
une résistance partielle, elle prend cette appa-
rence rugueuse et mamelonée qui lui a fait don~
ner le nom de peau ansérine. Si l'on explore
alors la température du corps à l'aide d'un ther-
momètre placé sous la langue, on peut se con-
vaincre quelle va graduellement en décroissant,
quoique d'un manière inégale , à cause du déga-
gement de calorique produit par l'expiration. Si
l'on reste encore plus long-tems immergé, l'éner-
gie vitale se trouvera à la fin épuisée par les efforts
qu'elle aura faits pour maintenir la température
naturelle du corps et la mort s'ensuivra, à une
,
période que l'expérience n'a point encore déter-
minée mais probablemement avec un degré de
,
S2
vitesse proportionné au froid du fluide qui en-
toure le corps.
La respiration convulsive qu'on éprouve en se
plongeant dans un bain froid, est attribuée or-
dinairement à l'augmentation de pression sur la
surface extérieure du corps, qu'on suppose em-
pêcher la libre dilatation de la poitrine. L'obser-
vation prouve que cet effet n'a point de rapport
à la pesanteur de l'eau comme fluide plus dense
que l'air, puisqu'un semblable effet ne se mani-
feste point lorsqu'on entre dans un bain dont la
température est égale ou supérieure à celle du
corps humain , comme à fiath, par exemple ;
tandis qu'au contraire, si l'on verse de l'eau
froide sur la tête, ou que l'on prenne des dou-
ches on éprouve le même effet que si l'on se
,
plongeait dans la mer.
De là l'action sympathique établie entre les
vaisseaux des poumons et ceux de la peau, de
manière que, lorsque la chaleur de la surface du
corps est considérablement diminuée, les pre-
miers participent à la torpeur momentanée qui
saisit les seconds. La circulation du sang à tra-
vers ces vaisseaux se fait avec difficulté; et les
efforts de la respiration volontaire sont employés
à vaincre ces obstacles à la libre circulation du
sang.
55
La respiration ^involontaire se fait princi-
palement par l'action du diaphragme, large
muscle membraneux situé à la partie inférieure
du thorax, qui sépare la cavité de la poitrine
de l'abdomen. Par un effort volontaire nous
essayons, au moyen de ce muscle, d'augmenter
la capacité de la poitrine; après quoi il se con-
tracte de nouveau avec violence : de là la respi-
ration irrégulière et involontaire lorsqu'on entre
dans un bain froid. La contraction et le relâ-
chement naturel et alternatif de ce muscle pa-
raissent être troublés, et ses mouvemens devenir
convulsifs ; ce qui est dû au milieu froid qui est
en contact avec la circonférence du thorax où il
a son insertion ; la respiration convulsive de—
vient plus violente lorsque la surface de l'eau,
est presque au niveau du creux de l'estomac : si
le corps est plongé dans l'eau jusqu'à la hauteur
du menton, cette affection éprouvera bientôt
une grande diminution ; et après que l'agitation
causée par la première immersion sera entière-
ment dissipée, l'action de la respiration sous
l'eau deviendra nécessairement plus lente.
Nous ne devons compter les effets des bains
d'eau de mer sur la constitution, qu'autant,
comme nous venons de le prouver, qu'ils sont
liés avec l'état d'inactivité de la circulation du
SA

sang dans les poumons. Ceci réfute l'opinion vul-


gaire, que les bains froids sont dangereux dans
tous les cas de crachement de sang. Ce préjugé
provient de quelque idée vague que le froid,
appliqué à la surface du corps, refoule le sang à
l'intérieur. La médecine ne possède peut-être
pas de remède plus efficace contre les hémorra-
gies internes, que l'immersion des extrémités,
et quelquefois de tout le corps dans l'eau froide.
Lorsqu'on a fait pendant quelque tems usage
des bains froids, la connexion intime qui existe
entre la température de la surface du corps et
l'action des organes de la respiration diminue
graduellement; on s'y accoutume, et à la fin
l'usage des bains interrompt à peine le mode
habituel de la respiration.
Pendant l'immersion dans le bain froid, le
pouls éprouve différens changemens, selon les
individus. Chez tous ceux qui m'ont fourni l'oc-
casion de faire des observations, il était d'abord
accéléré. Dans les expériences qu'a faites le doc-
teur Currie *, il a trouvé que le nombre des pul-
sations, chez les personnes soumises à ses ob-
servations, diminuait irrégulièrement de dix à
quinze pulsations par minute; que le pouls était
* Médical reports on ihe effccls ofwaler, by James Currie,
JM. D.F. K. S.
en même tems élevé, régulier et petit. D'au-
tres * observateurs ont trouvé que le pouls était
considérablement accéléré dans le bain froid.
Dans l'été de 1800, je fis plusieurs expé--
riences sur moi-même, qui coïncident parfaite-
ment avec la dernière observation. Le matin,
avant de me baigner, mon pouls battait, terme
moyen, soixante-douze fois par minute. Pen-
dant que j'étais dans l'eau ) je ne pouvais sentir
les battemens de l'artère au poignet ; mais les
pulsations du coeur, comme je m'en assurai à
l'aide d'une montre à secondes, s'élevaient à
plus de cent par minute, et même à cent vingt ;
et après être resté dans un bain à 6o° F. (±4 R-)
de température pendant plus d'une heure, la
vitesse du pouls ne diminuait point, quoiqu'à la
fin, lorsque je commençais à sentir le froid, les
pulsations du coeur devinssent plus faibles.
Dans d'autres personnes chez lesquelles j'ai
eu l'occasion de faire de semblables observa-
tions le pouls devint évidemment plus lent
,
après qu'elles eurent resté un semblable espace
de tems dans l'eau. Ces variations dépendent
probablement de la vigueur relative des diffé-
rentes constitutions. Dans les constitutions irri-
* Sam. Byam-AthUl, de Usu aquce frigidoe externo. Edim,
ms.
36
tables, le coeur s'efforce, par là fréquence de ses
contractions, de chasser le sang dans les vais-
seaux de la surface resserrés par le froid ; tandis
que cette résistance, dans les constitutions plus
robustes rend les mouvemens des organes cir-
,
culatoires plus forts et plus réguliers. Une heure
après le bain , on trouve que le pouls a repris sa
vitesse ordinaire. J'ai quelquefois observé que
les battemens étaient plus lents que dans l'état
de santé, jusqu'à ce qu'on eût introduit quel-
que chose de chaud dans l'estomac. Si quelque
légère irrégularité a accéléré la circulation, le
bain lui rend ordinairement son mouvement
habituel.
Lorsqu'on est exposé à l'air en sortant du bain,
la sensation du froid paraît augmenter pendant
quelque tems, et est ordinairement accompagnée
de frisson. J'ai plusieurs fois, dans ce cas, intro-
duit un thermomètre sous la langue, et j'ai pensé
qu'il descendait plus que lorsque le corps était
plongé dans l'eau. Etant presque toujours le su-
jet de mes propres expériences, j'ai trouvé diffi-
cile pendant cet état d'agitation, d'observer
,
avec quelque degré de soin ; et après quelques
tentatives, l'instrument fut brisé par le claque-
ment involontaire de mes dents. Ce décroisse-
ment ultérieur de la chaleur est très-probable-
5*
ment dû à l'évaporation de l'eau qui adhère à là -
surface du corps. Il est bien prouvé que lorsque
tout solide passe à l'état fluide, ou tout fluide a
l'état de vapeurs , il y a absorption ou dispari-
tion d'une certaine quantité de chaleur. L'eau ne
peut par aucun moyen s'échauffer, dans un vais-
seau ouvert, au dessus du degré de l'eau bouil-
lante, 212° F. (80 R. ), parce que la chaleur
surabondante est employée à convertir l'eau en
vapeurs. Dans le cas présent, la chaleur néces-
saire pour vaporiser l'eau est tirée du corps vi-
vant. Si la surface du corps est exposée nue à un
courant d'air qui rende l'évaporation plus rapide,
la sensation du froid est encore augmentée. De là
ceux qui, en sortant du bain, s'habillent en plein
air, pensent souvent que l'air est plus froid que
l'eau, quoique dans le fait cela ne soit pas.
Le frisson, qui est une espèce de petite con-
vulsion doit être attribué à la torpeur et à la
,
débilité momentanée produite par le froid. Les
personnes faibles sont plus sujettes aux mouve-
mens convulsifs ; et nous trouvons que la débilité
qui précède une attaque de fièvre est accompa-
gnée de frissons, et que leur durée est propor-
tionnée à la vigueur du sujet ; car, comme on
l'a déjà observé, les êtres animés ont la faculté
de se maintenir à une égale température, à pro-
38
portion de la plus grande complication et per-
fection de leur organisation. Il n'existe peut-être
pas de meilleure preuve d'une constitution vi-
goureuse, que le pouvoir de résister jusqu'à un
certain degré aux impressions extérieures du
froid et du chaud.
•Après être sorti du bain et avoir passé ses ha-
bits, on éprouve une chaleur brûlante qui se
répand sur toute la surface du corps. Cette cha-
leur qui a été avec raison considérée comme
,
une preuve de l'utilité des bains froids, est rela-
tive aux tempéramens des différens individus.
Cette sensation d'augmentation de chaleur
(car la chaleur du corps n'est point réellement
augmentée) doit être rapportée aux lois géné-
rales de la vie animale : l'influence de toute im-
pression extérieure sur les corps vivans étant
suspendue pendant quelque tems, doit agir avec
une plus grande énergie lorsque son action est
renouvelée. Lorsqu'on entre dans une maison,
après avoir manié de la neige ou s'être exposé à
un air très-froid, les mains et la face s'échauf-
fent considérablement ; elles paraissent aussi s'é-
chauffer si on les trempe dans de l'eau dont la
,
température est un peu au dessus du degré de
congélation. Lorsqu'on marche ou qu'on va à
cheval, la face tournée en sens contraire d'un
30
vent piquant de nord-est, et qu'on se retourné
du côté opposé, elle devient immédiatement plus
chaude ; ce qui est dû à la cessation subite dç
l'impression qu'elle vient de recevoir. La lumière
du jour paraît plus brillante qu'à l'ordinaire i
lorsqu'on est resté pendant quelque tems dans
une chambre obscure. Qu'une personne qui a été
privée pendant long-tems de nourriture avale
une tasse de bouillon chaud, il produira des ef-
fets semblables à l'ivresse. Ce principe peut être
appuyé par une variété d'exemples ; mais je n'en
citerai qu'un seul, qui est très-concluant. Lors-r
qu'en hiver on est exposé en plein air, les mains
sont froides et engourdies, malgré les gants qui
les abritent. Si l'on en ôte un, qu'on expose la
main pendant quelques minutes à l'air froid, et
qu'on remette le gant, cette main est bientôt
brûlante, et on sent qu'elle devient beaucoup
plus chaude que l'autre. A la première vue, cet
effet surprendra toujours les personnes qui ne
connaissent pas la cause qui le produit.
Le corps humain est continuellementinfluencé
par l'air atmosphérique, milieu dans lequel tout
existe. Sa température varie dans les différentes
saisons de l'année; et lorsqu'd est au dessus de
6o° F. (i3 de R.), degré auquel nous ne sommes
pas accoutumés, excepté dans les grandes cha--
40
fëurs de l'été, il agit comme un stimulant général
sur la fibre vivante, augmente la transpiration,
et accélère l'action des différens organes qui rem-
plissent les fonctions de la vitalité. Cette aug-
mentation d'action est suivie de faiblesse, ou, ce
qui est la même chose, de lassitude. L'expres-
sion proverbiale d'être épuisé par la chaleur, est
philosophiquement très-juste. En entrant dans
un bain froid, ce stimulus est momentanément
suspendu; l'action trop rapide des puissances
vitales est diminuée; et en retournant au milieu
de l'air avec lequel nous sommes habituellement
en contact, l'énergie de toutes les puissances
vitales augmentée produit une forte chaleur sur
toute la surface du corps ; on ne se sent plus fa-
tigué; et tout le système, pour nous servir d'une
expression vulgaire, semble être renforcé.
Si, en sortant du bain, on ne ressent point un
sentiment de chaleur à la surface de la peau, on
ne doit point en continuer l'usage. L'absence de
cette sensation est une preuve que l'eau était trop
froide, ou que l'immersion a été trop long-tems
continuée relativement à la vigueur de la cons-
titution, et que les puissances qui chassent le
sang n'ont point une énergie suffisante pour sur-
monter la torpeur momentanée des vaisseaux
superficiels. La céphalalgie, les indigestions
il
et l'engourdissement des extrémités seront une
suite certaine de l'usage des bains, si les per-
sonnes chez lesquelles ce symptôme salutaire ne
se manifeste pas continuent à en faire usage;
leur constitution étant trop faible, soit naturel-
lement ou par suite de maladie, pour tirer avan-
tage de ce remède. D'après cela, nous pouvons
expliquer comment le bain de mer est salutaire
à un grand nombre de personnes; comment un
bain d'une température plus froide, pris dans
une eau de source, incommode ; enfin, comment
les bains d'eaux thermales de fiuxton, dans le
Derbyshire, sont avantageux aux personnes dé-
licates et aux convalescens faibles, qui ne pour-
raient pas supporter le trop grand froid des bains
pris à la mer.
On doit encore observer que l'augmentation
d'énergie des puissances vitales provenant de
l'absence momentanée d'un stimulant habituel,
tel que la chaleur, est suivie d'une vigueur per-
manente, bien différente de l'excitement mo-
mentané provenant de l'augmentation d'un sti-
mulant tel que celui produit par les liqueurs
spiritueuses qu'on introduit dans l'estomac, qui,
quoiqu'elles semblent augmenter momentané-
ment les forces, sont toujours suivies d'un état
de faiblesse proportionné à cette augmentation
42
apparente de forces ; et si l'usage en est fré^
quemment répété, il causera la mort.
Après avoir ainsi essayé d'expliquer les con-
séquences immédiates de l'immersion dans l'eau
d'une température-beaucoup moins élevée que
n'est celle du corps humain, je vais maintenant
m'occuper à décrire quelques-uns des effets plus
éloignés qu'on doit attendre de l'usage des bains
froids.
On dit que le rhume est une maladie particu-
lière au climat de l'Angleterre ; l'inconstance de
notre climat paraît confirmer cette observation.
Les affections catarrhales sont beaucoup plus
fréquentes dans les saisons de l'année où les va-
riations de la température sont les plus mar-
quées. Les rhumes se contractent plutôt en au-
tomne et au printems qu'en hiver ou en été :
bref, leurprédomination paraît en rapport avec
les variations du thermomètre, comme les ta-
bles suivantes, tirées de l'ouvrage vraiment phi-
losophique de M. Eirwan, le confirment.
Les variations les plus ordinaires de la tem-
pérature, pour chaque mois, dans l'espace de
vingt-quatre heures , sont : en
Janvier 6° Mai 14° Septembre.... 18°
Février 8 Juin 12 Octobre 14
Mars
Avril.
20
18
Juillet
Août
10
15
Novembre.
Décembre.
...
...
9
6
m
De là, observe-t-il, l'origine des rhumes au
printems et en automne.
Pour éviter ces inçonvéniens, il est important
d'étendre autant que possible l'échelle dans la-
quelle le porps humain peut s'accommoder, sans
en souffrir, aux variations du chaud et du froid.
Plus la température qu'on s'accoutume à sup-
porter impunément est basse, plus on est certain
de conserver sa santé- A cet égard, les facultés
du corps vivant sont fortement influencées par
l'habitude. «L'habitude de l'uniformité, comme
))
l'observe très-bien M. Hunter, dans l'appli-
)>
cation du chaud et du froid au corps animal,
» le rend très-sensible aux plus légères variations
w
atmosphériques; tandis que, si l'on est habi-
)>
tué à ces variations, le corps devient pro^-
» portionnellement beaucoup moins susceptible
» d'éprouver de semblables sensations. Ceci est
» prouvé tous les jours, dans les tems froids,
» par les personnes qui sont habituées à s'habil-
« 1er chaudement. Pour peu qu'elles s'exposent
» à l'air froid, quoique l'effet produit sur la
» peau n'équivaille peut-être pas à la centième
» partie d'un degré, elles éprouvent de suite
)> une sensation de froid, même à travers des
» habits très-épais : celles, au contraire* qui
» ont l'habitude de se couvrir peu, supportent
M
» des variations de quelques degrés sans y être
» sensibles. Les pieds et les mains nous en don-
» nent la preuve; ils excitent la sensation du
»
froid lorsqu'on les applique sur quelque partie
» du corps, sans qu'auparavant
l'on ait ressenti
» aucune impression de froid dans ces parties *. »
Il est d'observation que, dans les voyages au
Groenland, les maladies sont à peine connues
parmi les équipages ; on dit même que les plaies
et les ulcères s'y guérissent presque spontané-
ment. Les différens phénomènes qui se présen-
tent dans le passage d'un climat froid à un climat
chaud, sont trop généralement connus pour qu'il
soit nécessaire que j'entre dans aucun détail.
Le raffinement qu'ont mis les modernes dans la
construction des maisons, en mettant de doubles
portes et de doubles fenêtres, exclut presque en-
tièrement l'air extérieur ; les tapis épais que nous
étendons sur les planchers de nos chambres, et
la chaleur qu'y donnent les étuves et les chemi-
nées étroites, sont directement en opposition à
la doctrine que je m'efforce de répandre. Mais
les maladies sont-elles moins fréquentes? les ca-
tarrhes et la consomption sont-ils moins funestes ?
C'est en vain que les personnes délicates accu-
Observations on animais with, respect io the power of
*
producing hcat, by John Hunter.
4JJ
mulent les moyens de défense contre les vicissi-
tudes de la température extérieure ; les per-
sonnes qui ne marchent que sur des tapis, et qui
prennent les plus grandes précautions pour
se mettre à l'abri de l'air, sont beaucoup plus
exposées à être malades par l'impression du froid,
que le laborieux paysan ou le marin exposé tous
les jours à la fureur des orages et des tempêtes.
L'usage habituel du bain froid, en accoutumant
le corps à de plus grandes variations de tempé-
rature, tend à diminuer les passages subits du
froid au chaud et du chaud au froid, qu'il est
impossible d'éviter entièrement dans l'usage ha-
bituel de la vie. J'ai observé sur moi-même et
sur d'autres, dans plusieurs circonstances , que
les personnes qui ont de la disposition aux affec-
tions catarrhales, y sont moins exposées l'hiver
suivant, si elles ont fait usage des bains d'eau de
mer pendant quelques semaines de l'automne.
Un effet général du bain froid, est de produire
indubitablement un certain degré de vigueur,
c'est-à-dire, cet état du système vivant qui le
rend moins susceptible d'être affecté par les im-
pressions désagréables.
Comme nous avons des raisons de croire que
la source de la chaleur animale est dans les pou-
mons , de même la surface extérieure du corps
46
nous paraît être l'organe qui régularise la tem-
pérature de tout le système. La circulation est
plus vive par l'exercice ; une plus grande quan-
tité de sang traverse les poumons dans un tems
donné ; la respiration est accélérée, et il se dé-
veloppe une plus grande quantité de calorique ;
mais l'exercice augmente en même tems la trans-
piration cutanée : cette matière, étant transfor-
mée en vapeur aussitôt qu'elle sort, tend, d'a-
près le principe que nous avons développé pré-
cédemment,, à enlever ou à rendre insensible une
grande partie de l'augmentation de chaleur pro-
duite par l'exercice. Pour modifier la tempéra-
ture du corps humain dans les climats chauds,
la sécrétion de la matière transpirable est consi-
dérablement augmentée. Il est nécessaire de
prendre abondamment des boissons délayantes
pour remplacer ces pertes rapides. Parce moyen,
là chaleur du corps humain lorsqu'il est en
,
santé, ne peut, dans telle situation que ce soit,
excéder 980 F. (32 de R. ) ; toute augmenta-
tion de chaleur au dessus de ce point indique un
état maladif : par exemple, on trouve quelque-
fois dans la fièvre, que la chaleur du corps,
,
mesurée avec un thermomètre, excède ce degré;
mais en même tems la peau devient aride et
sèche f et aussitôt que l'air produit une libre
m
transpiration, ou qu'elle s'établit spontanément,
ce qui est fréquemment la crise naturelle de la
maladie, on s'aperçoit que la chaleur diminue.
On doit observer que la matière de la trans-
piration ne passe point à travers les pores de la
peau en quantité proportionnelle au degré de
relâchement qu'a produit la chaleur, comme l'on
pourrait supposer que l'eau transsude à travers
lès pores du cuir. La transpiration doit être con-
sidérée comme une fonction active comme
,
toute autre sécrétion du corps vivant. Cette
transpiration se fait par les vaisseaux exhaïans,
qui communiquent avec les pores de la peau.
L'action de ces vaisseaux peut être augmentée
par la chaleur, ou diminuée par le froid, de là
même manière que l'action de toute autre partie
du corps animal.
Lorsque les fluides exhalés sont dissous par
l'ail" aussitôt qu'ils passent à travers les pores dé
la peau, c'est la transpiration insensible; c'est
particulièrement ce qui arrivé lorsque l'atmos-
phère est chàûdë et sèche. Lorsque l'air est hu-
mide de manière à dissoudre les fluides plus
,
difficilement, ou lorsque la transpiration, aug-
mentée par un exercice violent, se trouve trop
abondante pour que l'air puisse la dissoudre,
elle se fait apercevoir sur la peau en forme dé
48
gouttes, et on l'appelle transpiration sensible ou
sueur. Le même effet se manifeste lorsqu'on est
au lit, ou lorsqu'on est couvert d'une soie ren-
due imperméable par un vernis qui empêche de
nouvelles portions d'air de venir frapper la
peau ; de manière qu'on peut dire que la trans-
piration se fait en raison composée de l'activité
des vaisseaux exhalans et de la puissance dissol-
vante de l'air atmosphérique. L'apparition de la
sueur ne doit point être considérée comme une
preuve certaine de l'augmentation de la quan-
tité de la matière de la transpiration, mais seu-
lement comme une preuve que la matière trans-
pirable est trop abondante relativement à la
puissance dissolvante de l'air.
La quantité de matière transpirable qui sort
par la peau dans ce pays, dans l'espace de vingt-
quatre heures, s'élève à environ cinquante on-
ces. Lorsqu'on réfléchit que la matière qui sort
chaque jour par la voie de la transpiration sur-
passe de plus de moitié toutes les autres sécré-
tions du corps humain prises ensemble, on juge
combien il est nécessaire de maintenir dans l'é-
tat sain un organe chargé d'une fonction aussi
importante dans l'économie animale.
L'état sain de la peau, comme de tout autre
organe du corps vivant, consiste dans la puis-
49
sànce de remplir ses fonctions avec régularité,
et de résister à l'influence de tout stimulant ex-
traordinaire. Si le corps est constamment envi-
ronné d'un milieu d'une température élevée,
soit qu'on vive dans un climat chaud, ou qu'on
porte des habits qui soient mauvais conducteurs
du calorique, la transpiration insensible sera
suspendue par la plus légère diminution dans
cette température. En accoutumant les vaisseaux
cutanés au passage subit du chaud au froid, la
disposition à être affecté par les plus légers
changemens est diminuée, et la transpiration
devient régulière et abondante. L'exposition ha-
bituelle à l'air froid rend les organes de la respi-
ration plus vigoureux. J'ai connu plusieurs
exemples de personnes qui ne manquaient ja-
mais de gagner un rhume lorsqu'elles exposaient
leurs pieds à la plus légère humidité ; elles ont
pris l'habitude de s'essuyer régulièrement les
pieds, chaque matin, avec une serviette trempée
dans l'eau froide, ou, ce qui est préférable, dans
de l'eau dans laquelle on a fait dissoudre du sel
commun, et elles ont surmonté cette délicatesse
de constitution. En continuant la même prati-
que , j'ai reconnu que la grande sécheresse des
pieds qui est généralement un symptôme de;
,
faible santé, cesse entièrement,
4
so
Une transpiration libre et régulière est, en
général, accompagnée d'une bonne santé et de
bonnes digestions. Les pauvres manouvriers de
la campagne nous en fournissent l'exemple ; ils
travaillent tout le jour en plein air, acquièrent
un très-bon appétit, qui leur fait trouver excel-
lens les alimens les plus grossiers. C'est un fait
connu, que l'usage des bains froids, l'exposition
à l'air libre, auxquels on s'accoutume pendant
qu'on séjourne sur la côte, produisent le même
effet.
Plus la température dans laquelle l'organe de
la transpiration est accoutumé à remplir ses
fonctions, est basse, moins il y a de danger de
voir son action libre interrompue par l'incons-
tance de notre climat, et plus le danger des ma-
ladies provenant de la suppression de la trans-
piration est diminué. J'ai été quelquefois porté à
croire que la prédilection qu'ont les habitans de
la Grande-Bretagne pour les bains d'eau de mer
et les bains froids, dont on use plus habituelle-
ment dans ce pays que dans toute autre contrée
de l'Europe, vient d'un instinct naturel, indé-
pendant du raisonnement, qui leur indique la
nécessité de s'accoutumer aux vicissitudes d'une
température variable.
Une transpiration fibre est trop souvent con-
fondue avec la sueur. La première est cependant
toujours considérée comme une preuve d'une
santé vigoureuse, tandis que la dernière est gé-
néralement regardée comme un symptôme de fai-
blesse. On observe généralement que les person-
nes faibles ont le plus de dispositions à la sueur.
L'augmentation extraordinaire de cette sécré-
tion, comme de toute autre, tend à affaiblir; et si
l'on fait assez d'exercice pour exciter la sueur, elle
sera suivie d'un égal degré de fatigue. Les effets
débilitans d'une sueur excessive produite par des
vêtemens chauds, sont suffisamment prouvés
par l'air malade et la maigreur des jockeis qui
emploient ce procédé pour réduire leur poids *.
Une grande partie des effets nuisibles des climats
chauds peut être attribuée à la même cause. On
regarde comme une partie salutaire de J'habifle-
ment les tissus en laine portés sur la peau par les
personnes qui sont forcées de faire beaucoup
d'exercice, ou qui vivent dans les climats chauds.
La mode qui prévaut maintenant, d'entretenir
constamment le corps dans un bain de transpi-
ration, en entourant la peau de flanelle dans
toutes les saisons de l'année, a-t-elle amélioré la

* Les jockeis qui conduisent les chevaux dans les courses, si


fréquentes en Angleterre, doivent être d'un poids proportionné à
l'âge et à la taille du cheval. {Note du traducteur. )
&2

Santé des habitans de ce pays ? C'est une ques-


tion qui n'est point encore entièrement résolue.
La flanelle, portée immédiatement sur la peau,
augmente la sécrétion de la sueur et débilite.
L'irritation continuelle des pointes nombreuses
qui tapissent la surface inégale de ce tissu, fait
éprouver un état de malaise lorsqu'on commence
à s'en servir, dont on ne cesse de s'apercevoir
que lorsque la peau a perdu une partie de sa
sensibilité ; et elle tend, comme toute autre irri-
tation permanente, à accélérer les approches de
la vieillesse. Les personnes accoutumées à être
vêtues trop chaudement sont aussi éloignées
d'une santé florissante, que l'est l'état faible et
languissant d'une plante des serres chaudes, de
la vigueur des chênes des forêts. Leur air pâle et
maladif nous donne une preuve presque suffi-
sante des effets des vêtemens chauds. Le lord
Bacon dit : vestes nimioe f sive in ledis, sive
portatoe, corpus solvunt *.
La sensation d'augmentation de chaleur et de
bien être qu'on éprouve lorsqu'on met, pour la
première fois, de la flanelle en contact immédiat
avec la peau, est une source d'erreurs, eu égard
aux effets ultérieurs. Tout nouveau stimulant est

* Ilistoria vitce et mortis.


S3
agréable, pour un tems, au corps vivant. Une
personne qui n'est pas habituée à faire usage de
liqueurs fermentées, pense qu'elle se réchauffe
et se donne des forces en avalant un verre de
liqueur spiritueuse : mais combien ii arrive sou-
vent que ces sensations trompeuses engagent dé
malheureuses victimes à répéter l'usage de ces
boissons jusqu'à ce qu'il s'ensuive une débilité
à laquelle on ne peut remédier, et qu'elles de-
viennent de vraies brutes! Les personnes qui
sont dans l'habitude de prendre des purgatifs
s'aperçoivent bientôt que les intestins ne peu-
vent faire leurs fonctions sans eux; mais ce
n'est pas un motif de dire que ces personnes se
portent mieux que d'autres, ni de recomman-
der l'usage journalier des pilules aloétiques
pour conserver la santé. L'usage habituel des
vêtemens de flanelle, en accoutumant les vais-
seaux exhalans à remplir leurs fonctions à une
certaine élévation de température, diminue leur
énergie naturelle, et les rend plus susceptibles
d'être engourdis par la plus légère diminution
de leur chaleur habituelle ; de là la source des
rhumes, des rhumatismes et d'autres maladies
qui proviennent du dérangement de la transpi-
ration , que l'on croit faussement pouvoir éviter
en portant des vêtemens plus chauds. Le doc-
34
leur Cheyne, qui connaissait parfaitement les
maladies des personnes faibles et délicates, af-
firme « qu'une trop grande quantité d'habits
» débilite le corps, abat les forces, et que l'usage
» de porter la flanelle est presque aussi dahge-
« reux que le diabètes. »
Comme il y a dissentiment parmi les méde-
cins les plus respectables sur l'avantage et les
inconvéniens des vêtemens de laine, j'ai, depuis
la première édition de mon ouvrage, dans le-
quel je me suis prononcé contre l'utilité de l'em-
ploi de la flanelle, porté une attention toute
particulière sur les effets qui m'ont paru résulter
des vêtemens de laine, portés immédiatement sur
là peau. Les personnes qui sont dans l'habitude
d'entretenir la peau dans un état continuel de
transpiration , en portant des vêtemens de fla-
nelle pendant l'été, sont susceptibles, à la plus
légère variation de la température, d'être atta-
qués de rhumatismes partiels, et quoique la fla-
nelle soit fréquemment recommandée comme lé
meilleur moyen dé prévenir les rhumatismes,
mes observations me portent à conclure tout le
contraire, et je puis avec vérité affirmer, qu'en
conseillant à quelques personnes de quitter leurs
vêtemens de flanelle, particulièrement pendant
les chaleurs de l'été, leur susceptibilité aux af-
sa
îectïons rhumatismales ont diminuent leur santé
s'est généralement améliorée.
Oh sait qu'il s'évapore éôntinueUemént par
les pores de là péàû une quantité considérable
de matière sécrétée, "sous forme dé transpiration ;
cette matière est d'une nature si destructive^"
qu'elle produit, chez les personnes exposées à
son influence, les maladies les pins graves. Si
cette sécrétion se trouve abondante et concen-
trée dans Un petit espace, son effet est prompte^
ment fatal, comme la catastrophe terrible de la.
prison de Calcutta nous en fournit ûh exemple,
où, sûr cent quarante-cinq malheureux qui y
furent enfermés vingt-deux seulement étaient
,
en vie, dix heures après leur emprisonnement, et
parmi ceux qui survécurent, il n'y en eût pas un
seul qui échappât à une fièvre putride de là plus
mauvaise espèce. Le tissu poreux de la flanelle
recevant et accumulant cette matière, et une
certaine portion pouvant rester constamment en
contact immédiat avec la peau, à moins qu'on
ne change plus souvent qu'on lie le fait habi-
tuellement cette partie du vêtement, on conçoit
facilement combien cette matière délétère peut
être nuisible.
Les observations suivantes, puisées dans les
ouvragés "d'un voyageur respectable, fortifient
86
l'opinion que nous venons d'émettre; et comme
«lies ont été faites par un homme étranger à f'art
de guérir, elles sont entièrement exemptes des
préjugés de profession, et n'en ont, pour cette
raison, que plus de poids. Les fièvres conta-
gieuses qui enlèvent un grand nombre d'indi-
,
vidus sont très - communes dans les provinces
,
du nord de la Chine, quoique le climat y soit
tempéré ; dans les provinces du midi, elles n'y
sont ni aussi répandues, ni aussi meurtrières
qu'on pourrait le croire, ce qui est dû, je pense,
en grande partie à l'usage généralement répandu
parmi la masse du peuple, de porter sur la peau
des tissus de substances végétales, qui sont beau-
coup plus propres, et conséquemment plus sains
que les vêtemens faits de matières animales ; d'où
l'on peut conclure qu'il est préférable de porter
sur la peau des vêtemens en lin ou en coton, que
des vêtemens en soie ou en laine ; ceux-ci ne
doivent être portés que par des personnes habi-
tuées à la plus grande propreté. (BARROWS, Tra-
vels in China. )
Toutes les espèces de contagions se communi-
quent bien plus facilement par les vêtemens faits
de matières animales que par ceux faits de ma-
,
tières végétales.
Depuis que l'usage du linge en toile s'est ré-
pandu, les espèces de maladies cutanées les plus
terribles ont été beaucoup plus rares. La lèpre
était autrefois très-commune, et l'on avait même
été obligé d'établir des hôpitaux dans le voisi-
nage des grandes villes, pour y séquestrer les
lépreux ; c'est à l'usage généralement répandu
du linge que l'on doit en partie attribuer la dis-
parition de cette affreuse maladie.
Par un étrange renversement d'idées, on pa-
raît , depuis un certain nombre d'années, revenir
à ces vêtemens sales et nuisibles. Si la flanelle
est utile pour mettre les personnes valétudinaires
à l'abri des vicissitudes de la température, elle
tend nécessairement à rendre valétudinaires les
personnes bien portantes.
Sachant que mon opinion sur l'utilité de vête-
mens de flanelle portés immédiatement sur la
peau, est en opposition avec la pratique actuelle
et l'opinion de plusieurs de mes confrères, je
tâcherai d'appuyer la doctrine que je professe
sur ce sujet d'autorités respectables qui ne cher-
chent que la vérité ; le docteur Gregory est la
première que j e citerai.
La mollesse et le luxe de l'éducation moderne
sont destructifs de cette vigueur naturelle et
de cette flexibilité de constitution que l'homme
apporte en naissant; malgré cette variété d'u-
88
sages absurdes et contraires à là nature répan-
dus chez les nations sauvages, elles sont beau-
coup moins exposées aux maladies que nous,
parce que la vigueur de leur constitution les
rend capables de supporter tous lès excès.
Lés femmes de l'isthme de l'Amérique sont
plongés dans l'eau froide, avec leurs enfans,
immédiatement après leur délivrance, sans qu'il
en résulte le moindre inconvénient. Toute cette
classe dé maladies provenant de rhumes, où
d'une suppression subite de transpiration, ne se
rencontrent que chez les nations civilisées. Un
Indien, à la guerre ou à la chasse, comme jadis
le faisait un Romain, se plonge tout en sueur
dans une rivière, sans crainte et sans danger.
Une éducation aussi mâle que celle que rece-
vaient ces peuples, nous rendrait capables de
nous exposer sans lé moindre 'inconvénient à
toutes lés transitions de température. Plus nous
prenons dé précautions pour éviter les rhumes 1,

en employant tous les moyens que le luxe mo-


derne nous'à suggérée et "plus nous y sommes
,
sujets. Afin de les braver, rendons-nous assez
forts pour résister à l'influence des variations de
la température.
Nous trouvons là preuve dé ce que nous avan-
çons dans la constitution, vigoureuse dés enfans
auxquels on fait prendre tous lés joùrl dès Mini
froids; et ceux qui j frës-peû vêtus., s'exposent
dans toutes les saisons de l'année à l'influencé
de l'âir atmosphérique ^ nous en donnent une
preuve plus forte encore. Là nature n'a rendu
aucun pays trop froid pour ses propres habitans.
Dans les climats froids , l'exercice et même la
fatigue habituelle est non-sèûlémënt une loi dé
nécessité que commande leur situation, mais
une habitude de leur choix, leurs âmûsémens
naturels étant tous des exercices dé forcé.
La mollesse et lé relâchement dés moeurs mo-
dernes nous ont privés dé notre défense natu-
relle contre les maladies les plus répandues dans
notre climat, et nous ont rëùdus sujets à tous les
inconvéniens dés climats chauds, particulière-
ment à cette débilïTté et à "cette sensibilité mor-
bide du système nerveux qui est là source de là
plupart de nos maladies, et qui nous privé en
même tems dùéôûra'gèét dé là résolution néces-
saires pour lés supporter.
Le docteur Wenë-Wrignt, qui à écrit vers le
milieu dû derhiër siècle, époque à laquelle l'u-
sage des vêtemens eu làihè, portés immédiate-
ment sur la pëâu^ commença à se répandre, en
blâme l'usage.
« Je iié sais par quelle fatalité, dit ce ïhédé-
60
)>
cin, un si grand nombre de personnes pensent
» que les vêtemens en laine sont très-avanta-
« geux; mais ce dont je suis certain, c'est que si
» une personne retire de l'avantage de ce vête-
» ment, il sera nuisible à deux autres. Il n'y a
» personne à qui l'usage de la flanelle soit plus
« nuisible qu'à ceux à qui on la prescrit, qui
w sont
généralement des personnes faibles, usées,
» étiques ; et l'on peut assurer que s'il y a quel-
» ques individus qui en retirent de l'avantage,
» ils sont en bien petit nombre. On attribue sou-
i> vent
à la flanelle des effets qui sont dus à d'au-
« très causes inconnues, qui auraient guéri beau-
)> coup
plus vite et beaucoup mieux si on n'avait
» jamais fait usage de ce vêtement.
» L'effet le plus certain et le plus constant des
))
vêtemens en flanelle, est de rendre la trans-
», piration plus facile et plus abondante. Tout le
M
monde sait qu'une transpiration modérée est
)) avantageuse
à la santé, et que rien n'est plus
w
pernicieux qu'une transpiration excessive. »
On peut juger, d'après ce que nous venons de
dire, combien là flanelle est pernicieuse à ceux
qui transpirent trop, comme les personnes fai-
bles, auxquelles on prescrit généralement l'u-
sage des vêtemens en flanelle. Je ferai observer,
d'après Sanctorius, que la transpiration insen-
6i
sible est plus que le double de toutes les éva-
cuations sensibles, les urines et les matières
fécales, etc.
Il n'y a personne qui ne se persuade éprouver
de l'affaiblissement à la suite d'un purgatif vio-
lent, et on connaît le danger du diabètes, lors-
que la sécrétion de l'urine est très-augmentée ;
mais l'on fait peu attention à une augmenta-
tion de transpiration, parce qu'elle est insensible,
et l'on est disposé à attribuer, par la même rai-
son , le mal qu'elle occasione à une toute autre
cause.
Une dame de Sheffield, atteinte de consomp-
tion , met, d'après le conseil de son médecin, une
chemise en flanelle ; quoiqu'elle fut alors en état
d'aller et venir dans la maison, elle fut forcée,
deux jours après, de garderie lit (d'où elle ne
sortit plus), sans qu'aucune cause connue l'eût
réduite en cet état, sinon le vêtement de fla-
nelle.
Si les faits que je viens de citer sont assez con-
cluans pour convaincre quelques personnes de la
nécessité où elles se trouvent de quitter, dans
l'intérêt de leur santé, leurs vêtemens de flanelle,
je leur conseille de ne le faire que dans la saison
chaude, et de faire en même tems usage de bains
froids, ou de la brosse à frictionner. On prévien-
62
dra, par là, les inconvéniens auxquels on serait
exposé si l'on négligeait ces précautions.
ïl y a environ dix ans, je me décidai à porter
un gilet de flanelle la
sur peau, pour un rhume
opiniâtre dont j'étais atteint, et je crus en être
soulagé ; mais après avoir porté ce vêtement pen-
dant un ou deux ans, je m'aperçus que ma santé
en était altérée ; il me rendit si délicat, que je ne
pouvais plus supporter le moindre froid, et j'ai
connu, par expérience, lorsque j'ai cessé de me
couvrir le corps de flanelle, combien ce vête-
ment m'affaiblissait, ce que j'avais fortement
soupçonné; c'était pour cette raison que je pris
plusieurs fois la résolution de m'en débarrasser,
mais je fus arrêté par la crainte de m'exposer à
des inconvéniens que je voulais éviter ; je me dé-
cidai enfin, il y a deux ans, dans la saison chaude,
à le quitter, et il n'en résulta aucun inconvé-
nient; ma santé, au contraire, s'améliora; j'eus
soin de faire usage de bains de mer froids, qui
me fortifièrent.
Je me trouve heureux, dans un sujet où les
opinions varient tant, de pouvoir citer celle du
docteur Trotter, à l'appui de celle que ma pro-
pre expérience m'a mis à même d'adopter. Ce
docteur ayant été pendant plusieurs années
,
médecin de la Marine, doit nécessairement avoir
63
acquis une très-grande expérience sur les effets
produits sur le corps vivant par les variations
subites et extrêmes de la température. Il s'ex-
prime en ces termes :
«
L'usage de la flanelle sur la peau est devenu
« une pratique
générale dans la phthisie; aussi-
» tôt qu'une personne a
de la disposition à cette
»
maladie, on lui recommande de suite de s'en-
))
velopper avec cette espèce de vêtement; mais.
)> cet usage ne doit être suivi qu'avec quelques
»
modifications. On doit, dans cette maladie,
» conserver le corps à une température égale et
)>
agréable ; mais on ne doit jamais garder la
» flanelle en contact avec le corps
humain aussi
» long-tems que nous le voyons faire journel-
»
lement *. Les personnes qui les portent plu-
» sieurs jours sans en
changer, en éprouvent
» bientôt des effets nuisibles ; le corps se trouve
» renfermé dans une espèce de bain d'air impur,
)>
qui devrait être exhalé au lieu d'être retenu.
» On doit fafre de fréquentes ablutions sur toute
» la surface du corps pendant tout le tems qu'on
» se sert
de la flanelle.
» Si les personnes faibles et les valétudinaires
» se sont servies avec avantage de ce moyen, ce

* On ne doit coucher qu'une seule nuit dans ces vêtemens,


64
» n'est pas une raison pour que celles qui sont
)>
jeunes et bien portantes aient recours à une
» manière aussi efféminée de s'habiller ; la mode,
» cependant, en est devenue si générale, que
» son usage nous menace de perdre la force et
» la vigueur qui ont toujours distingué notre
» nation. La moitié des jeunes gens qui portent
» de la flanelle ou
d'autres tissus en laine sur la
» peau, ne les changent pas plus souvent que
» ceux dont j'ai parlé tout à l'heure.
» Après avoir été
très-affaibli parles maladies
» des Indes
occidentales, je pris le parti de por-
» ter de la flanelle sur la peau ; mais je trouve
» maintenant
qu'il est plus avantageux, dans les
» tems froids de la porter sur la chemise ; et je
,
» crois que depuis cette époque, et depuis que
)>
j'ai contracté l'habitude de l'ablution générale,
» je suis moins exposé aux attaques de catarrhes
» dans les tems variables.
» Quoique j'aie beaucoup vanté, dans un
)> tems, l'usage de la flanelle sur la peau, je
» suis maintenant plus disposé à conseiller de
))
la porter sur la chemise, et à recommander
» des ablutions
journalières sur tout le corps,
» pour l'accoutumer aux différentes températu-
» res. »
Ce médecin observe, dans un autre endroit,
es
« que l'usage de la flanelle portée sur la peau
» été vanté par
plusieurs observateurs dans le
» traitement des maladies de l'estomac, à raison
)>
de la "sympathie que l'on dit exister entre cet
» organe et la peau ; mais je crois que l'on peut
» retirer de
meilleurs effets de l'usage journalier
» des ablutions sur
la surface du corps. L'un de
» ces moyens
tend à adoucir la peau et à la ren-
» dre trop délicate, tandis que l'autre tend à la
» fortifier contre les rigueurs et les changemens
» des saisons, et, en
la maintenant nette et
» perméable, à exciter la sortie de la transpira-
» tion. Ceux qui
voudront essayer avec courage
» et persévérance de se laver tout le corps cha-
)> que matin, seront bientôt convaincus de l'u-
» tilité d'en continuer
l'usage pendant toute leur
» vie. »
L'usagé des anciens, de se vêtir entièrement
de tissus de laine, est souvent cité comme une
preuve de la santé et de la force qu'on doit ac-
quérir en portant de la flanelle sur la peau.
Mais il n'y a point d'analogie entre la manière
serrée et étroite de s'habiller, qui met l'habit en
contact immédiat avec toutes les parties du
corps, et les vêtemens larges et ouverts des
Grecs et des Romains, qui laissaient à l'air un
libre accès vers toutes les parties du corps, et
5
66
chez lesquels l'usage habituel et alternatif des
bains chauds et des bains froids accoutumait le
corps aux grandes et subites vicissitudes de la
température extérieure.
Je n'ai fait ces remarques sur l'usage, ou plu-
tôt sur l'abus des tissus de laine portés en contact
immédiat sur la peau, que parce que j'ai connu
plusieurs personnes qui ont été évidemment dé-
bilitées et qui ont éprouvé différentes incommo-
dités en en faisant usage, sans qu'elles en aient
soupçonné la cause réelle ; et je sais, d'après ma
propre expérience, que l'on peut Sans danger,
dans beaucoup de circonstances, quitter les ha-
bits de laine pendant qu'on fait usage des bains
de mer en prenant cependant des précautions.
,
On peut d'abord porter le gilet de flanelle sur la
chemise, et y substituer un gilet de coton dans
la Saison chaude ; on préviendra, par ce moyen,
le chatouillement qu'occasione la rudesse de la
flanelle, tandis qu'on conservera le corps dans
sa température habituelle. Il ne faut pas croire
que je prétende condamner indistinctement l'u-
sage de la flanelle, soit comme remède dans les
maladies soit comme vêtement utile aux per-
,
sonnes d'une constitution affaiblie. On doit en
général s'habiller assez pour exclure la sensation
actuelle du froid. Mais que les personnes jeunes,
«7
et celles qui jouissent d'une bonne santé, se
gardent bien de contracter des habitudes aussi
efféminées ; qu'elles cherchent plutôt à s'habituer
à supporter impunément les vicissitudes des sai-
sons : plus elles s'entoureront de moyens artifi-
ciels pour s'en mettre à l'abri, moins elles seront
capables d'y résister. Que les vêtemens de flanelle
portés sur la peau soient réservés aux malades et
aux vieillards, lorsque la torpeur des vaisseaux
cutanés, venant à augmenter , rend salutaire
l'augmentation de la chaleur. Il faut se rappeler
ce judicieux précepte de Celse, cavendum ne
in secundd valetudine adversoe proesidia eonsu-
mantur.
Rien ne tend plus à maintenir la peau dans un
état sain, et à provoquer une transpiration aisée,
que l'usage habituel des frictions. Il est étonnant
que les frictions cutanées, dont les bons effets
sont si évidens pour la conservation de la santé
des autres animaux, et dont les différentes appli-
cations forment une partie si intéressante du
régime hygiénique des anciens, aient été entiè-
rement mises en oubli dans ces tems modernes.
L'excitement occasionel des surfaces cutanées au
moyen des frictions, diffère beaucoup de l'irri-
tation continuelle de la flanelle. Outre que son
emploi exige que le corps soit tenu pendant
68
quelque tems exposé à l'air libre, le corps s'ac-
coutume aux chàngemens momentanés de la
température extérieure ; avantage dont nous
avons déj à parlé plusieurs fois. On déplace par
ce moyen la matière grossière de la transpiration
qui ^lorsqu'on la laisse accumuler sur la surface
de la peau, forme ces espèces d'irrégularités qui
s'élèvent comme de petites écailles. Une friction
journalière tend encore à faciliter la décharge
cutanée, et à maintenir dans un état de santé et
d'activité tous les vaisseaux exhalans répandus
sur la surface du corps. J'ai vu différens exem-
ples où l'emploi de ces moyens simples, qu'on
trouve agréables lorsqu'on en a usé pendant
quelque tems, a changé entièrement la rudesse
habituelle de la peau qui, d'une apparence
,
rugueuse et pustuleuse , est devenue polie ,
douce et moelleuse, avec une amélioration gé-
nérale dans la santé. Le sentiment de chaleur qui
doit survenir après l'immersion dans l'eau froide,
sera considérablement augmenté par l'activité
que donnent aux vaisseaux exhalans les frictions
journalières. D'après ces exemples, on ne devra
point omettre l'usage des frictions pendant qu'on
fera usage des bains de mer, surtout si on les
prend dans le dessein de rétablir une santé dé-
labrée.
69
Les onctions sur la surface de la peau, avéd
des huiles odoriférantes, étaient généralement
associées à l'usage des bains chez les anciens. Le
lord Bacon, dans son Histoire de la vie et de la
mort, regrette que cet usage se soit perdu; il
pense que son rétablissement contribuerait à la
conservation de la santé et à la prolongation de
la vie, en prévenant ce qu'il appelle les effets
dangereux de l'air extérieur sur les esprits ani-
maux : il entend probablement par cette dernière
expression, que ces onctions maintiendraient la
transpiration à un degré convenable. L'expé-
rience des tems modernes est peut-être insuffi-
sante pour qu'on puisse décider dans quels cas
cette pratique sera la plus salutaire. On a assuré
dernièrement que des frictions huileuses faites
sur la peau, ont guéri de la peste. Leur usage
dans cette maladie étant suivi de sueurs copieu-
ses , nous devons en conclure qu'elles n'empê-
chent point la transpiration. Les nageurs qui
désirent rester long-tems dans l'eau, pourraient
faire usage d'onctions huileuses qui, en lubré-
fiant la surface du corps, les feraient glisser plus
doucement à travers le liquide élément. D'après
les expériences que j'ai faites sur moi-même, j'ai
reconnu que l'huile, peut s'appliquer sur toute la
surface du corps, dans toutes les saisons de
l'année, sans aucun danger. Elle parait augmen-
ter la chaleur générale du système, et elle peut
être utile pour prévenir les effets désagréables
des vents d'est sur les constitutions délicates, en
prévenant l'évaporation trop prompte de l'humi-
dité qui se trouve sur la surface du corps.
On n'a considéré jusqu'à présent les effets des
bains de mer que comme dépendant seulement
de la différence qu'il y a entre la température du
corps vivant et celle de l'eau dans laquelle il est
plongé ; mais je pense que le bain pris dans l'eau
salée fait une impression sur la peau, à laquelle
on n'a cependant pas encore assez fait attention.
Le docteur Currie, il est vrai, a observé « que
» les effets stimulans de l'eau de mer sur les vais-
» seaux de la peau préviennent l'action débili-
» tante du froid ; que les personnes qui se sont
» plongées dans l'eau salée conservent plus long-
» tems le brillant des yeux et la rougeur des
» joues , que celles qui se baignent dans l'eau
» douce d'une égale température, et que l'on s'a-
» perçoit qu'il y a une plus forte réaction vitale
» lorsqu'elles en sortent. » Les pêcheurs qui, par
état, sont très-exposés aux inclémences des sai-
sons, disent ordinairement qu'ils souffrent beau-
coup moins lorsqu'ils sont mouillés par l'eau de
la mer, que lorsqu'ils le sont par l'eau de la
71
pluie. Les personnes de la constitution la plus
délicate observent que dans ce pays, de même
que dans des climats chauds, elles sont moins
susceptibles de s'enrhumer, lorsqu'elles sont
mouillées d'eau salée que lorsqu'elles sont
,
mouillées d'eau douce. Ceci peut être expliqué
par l'évaporation comparativement plus lente de
l'eau imprégnée de sel, d'où il résulte que la
chaleur du corps est soutirée plus graduelle-
ment. Mais cela dépend peut-être encore plus
particulièrement des. effets stimulons des parti-
cules salines déposées sur la peau par l'évapora-
tion de l'eau.
On peut aisément se convaincre qu'il se forme
une incrustation saline à la peau, après l'usage
des bains d'eau de mer, en appliquant la langue
sur quelque partie du corps, même quelques
jours après avoir cessé de prendre des bains.
L'effet que produit sur toute la peau la simple
action mécanique des particules salines qui y
adhèrent, augmente jusqu'à un certain point
l'action des vaisseaux cutanés. Les effets qui ré-
sultent de l'expositionlong-tems continuée delà
surface du corps à l'action de l'eau de mer, sont
bien prouvés par les passages suivans de la nar-
ration que donne le capitaine Bligh, qui par-
courut miraculeusement treize cents lieues de
l'Océan Pacifique, dans un bateau non ponté.
« Comme je ne voyais aucun espoir de faire
» sécher nos habits, je recommandais à mes
» hommes de passer leurs vêtemens dans l'eau
)>
de mer; par ce moyen, ils se procuraient un
» degré de chaleur qu'ils ne pouvaient obtenir
» lorsqu'ils étaient mouillés d'eau de pluie, et ils

furent moins exposés aux rhumes et aux affec-
» tions rhumatismales. »
Il ajoute : « Je recommande la méthode que
•» nous avons suivie, qui consiste
à tremper les
i>
habits dans l'eau de mer, et à les tordre lors-
» qu'ils sont imbibés d'eau de pluie. C'était là
» notre seule ressource, et nous en tirâmes le plus
)>
grand parti ; car cela a plus d'analogie qu'on
» ne croit avec un changement d'habits secs. »
Il continue : « La pluie du matin ayant cessé,
w nous avons trempé nos habits dans l'eau de
» mer, et après les avoir tordus, nous nous som-
» mes trouvés très-rafraîchis. »
Dans la narration que fait le capitaine Ingel-
field, de la perte du vaisseau le Centaure, il
rapporte que les vêtemens de ses gens étant con-
tinuellement mouillés d'eau salée, leurs corps
furent entamés dans quelques parties. Or, si
l'application continuelle de l'eau imprégnée de
sel à la surface du corps produit un effet assez
73
considérable pour qu'il en résulte une ulcéra-
tion, on peut en conclure, avec certitude, que
l'immersion fréquente dans la mer, durant une
période de tems plus limitée, produira peut-
être jusqu'à un certain degré un excifement salu-
taire à la surface de la peau.
Un état pâle , débile et flasque de la peau,
accompagne ordinairement une santé faible.
L'irritation que produisent les sels déposés à la
surface de cet organe, paraît, dans cette circons-
tance , avoir de la tendance à en changer l'état.
Il est d'observation que le bain de mer a la pro-
priété de donner de la force et du ressort à la
surface du corps ; et je pense que dans tous les
,
cas où, après avoir fait usage du bain, il se ma-
nifeste une efflorescence cutanée, son usage ul-
térieur sera toujours trouvé salutaire.
L'état opposé à la constitution dont nous ve-
nons de faire mention, est ce qu'on peut nom-
mer tempérament irritable ou inflammatoire.
C'est le tempérament dominant chez les ha-
bitans du nord de l'Europe. Les personnes de
ce tempéramentjouissent de la santé la plus vi-
goureuse; mais leur grande susceptibilité aux
impressions extérieures les rend en même tems
très-exposées à l'action des causes occasionelles
des maladies. La facilité avec laquelle les en-
74
fans bien portans sont affectés par les stimulant
extérieurs, donne une idée de ce haut degré d'ir-
ritabilité de leur constitution. S'ils présentent
tout à coup au feu leurs extréniités, après les avoir
exposées au froid, il s'ensuit souvent une inflam-
mation qu'on nomme engelure. A mesure qu'on
avance en âge, l'irritabilité de la constitution
diminue, ej.pn y est moins exposé, ainsi qu'aux
autres afl/eç^ions purement inflammatoires.
Si on se transporte dans les climats chauds
,
on trouve que les hommes les mieux portans et
les plus vigoureux, sont les plus exposés à être
atteints et à périr delà fièvre jaune et des autres
maladies indigènes dans ces contrées. Après
quelques années de résidence, ils deviennent
moins susceptibles des impressions delà chaleur
ou de la contagion, le tempérament s'accoutu-
mant graduellement, ou s'acclimatant, comme
on dit : mais, à proportion que l'on devient
moins susceptible de contracter des maladies,
on perd son ancienne vigueur et on partage la
langueur et la délibité des anciens habitans.
Nous pouvons rapprocher de cette observation,
un fait bien curieux, et qui mérite toute l'at-
tention du médecin , c'est que non-seulement
les Européens, à leur retour aux Indes occiden-
tales après avoir fait un voyage en Europe,
,
deviennent de nouveau susceptibles d'être at-
teints des maladies particulières au pays ; mais
même les créoles et les nègres, après avoir de-
meuré quelque tems en Europe, deviennent
susceptibles, à leur retour dans les colonies de
,
contracter les maladies auxquelles ils n'étaient
pas exposés auparavant r ou auxquelles ils étaient
beaucoup moins exposés que les Européens.
L'usage des baips de mer en expogapj: le corps
?
pendant quelque tems, dans un milieu d'une tein-
pérature plus basse que pelle à laquelle il est ac~
coutume, et l'air pur que l'on respire sur cefi
élément, semblent en quelque niaiiière rendras
au corps vivant une partie de cette irritabilité
dont il a été privé précédemment, soit par la,
chaleur, soit par l'air vicié soit enfin par la
,
manière de vivre si énervante des grandes villes.
Un fait qui confirme pleinement notre ppi-?
nion sur l'utilité des bains de mer est le pa§r-
,
sage d'un état faible et langoureux à une santé
vigoureuse et fleurie, qui se fait quelquefois
avec tant de rapidité , pendant le court espace
de tems qu'on prend les bains de mer adminis-
trés à propos, qu'il est souvent difficile de re-r
connaître les personnes qui quelques semaines
auparavant étaient venues, maigres et conva-r
lescentes, chercher la santé sur les côtes.
76

CHAPITRE II.

DE L'HEURE A LAQUELLE ON DOIT PRENDRE LES VAINS.

C'est une opinion généralement répandue


parmi les personnes qui vont sur les côtes, soit
pour leur plaisir, soit pour le rétablissement de
leur santé, qu'on ne peut se baigner trop ma-
tin. Cette opinion fut sans doute originellement
fondée sur l'observation. La fonction de la di-
gestion exige un degré uniforme de chaleur;
une sensation de pesanteur et de plénitude dans
la région de l'estomac, accompagnée ordinaire-
ment de rots et d'autres symptômes d'indiges-
tion , sont les suites ordinaires des bains pris à
une température plus basse que celle du corps
vivant, peu de tems après un bon repas. Tandis
que l'énergie vitale est occupée à produire cette
réaction, ou sentiment de chaleur, d'où dépen-
dent tous les bons effets du bain, la digestion
éprouve une interruption momentanée ; et
comme ce trouble de la digestion ne peut avoir
lieu le matin, on en a conclu que le tems le plus
,77
convenablepour se baigner, était le matin avant
le déjeuner.
Quoiqu'il n'y ait aucun doute sur le danger
qu'il y a de se plonger dans l'eau froide lorsque
l'estomac est chargé d'alimens, il ne s'ensuitpas
pour cela; qu'on doive, dans toutes les circons-
tances , se baigner le matin au sortir du lit. .
J'ai été fréquemment surpris de voir des>con-
valescens des deux sexes, faibles et délicats, pa-
raissant sortir de leur lit, et avant que les fonc-
tions vitales eussent repris leur énergie, debout,
pâles et tremblans, sur le rivage ou dans une
chambre de bains, glacés par le courant d'àir
qui se précipitait des portes et fenêtres opposées,,
attendre avec un degré apparent d'horreur leur
tour pour entrer dans l'eau. On ne peut retirer
aucun avantage d'un bain pris dans cet état.
Les personnes qui jouissent d'une faible santé
devraient se contenter d'une petite promenade
au grand air avant le déjeuner; elles ne de-
vraient même pas la continuer lorsqu'elles se
sentent fatiguées. Le tems de se baigner doit
être remis jusqu'à midi, ou au moins à quelques
heures après ledéjeuner, quand on présume
que la disgestion est terminée : il serait bon de
faire, avant d'entrer dans l'eau, un exercice
propre à procurer une sensation générale de
78
fchaleur sur tout le corps; On n'entend nulle-
ment par ces observations s'opposer à l'usage
salutaire de se lever de bonne heure ; aucun
principe pour la conservation de la santé n'étant
plus universellement vrai, que chaque moment
passé dans le lit, après le sommeil naturel, tend
à débiliter.
Le tems de se baigner doit toujours être ré-
glé jusqu'à un certain point, par l'heure de la
,
rnarée. Dans la plupart des endroits où on se
baigne, On peut, à l'aide des machines , se bai-
gner à toute heure du jour. Dans différentes si-
tuations de la marée, on trouvera que la tempé-
rature de l'eau varie considérablement. J'ai fré-
quemment vérifié avec le thermomètre ce fait,
que j'ai découvert par hasard ; j'ai trouvé que la
température de la mer, aux marées de deux et
trois heures de l'après-midi, était de 10 à 12°
F. (5 à 6 R. ) plus chaude qu'elle ne l'était le
même jour à basse mer, à huit heures du matin.
Ce phénomène peut s'expliquer de la manière
suivante. La marée se retirant de bonne heure,
laisse à découvert, pendant plusieurs heures,
le sable qui, étant alors exposé aux rayons du so-
leil acquiert un degré considérable de chaleur,
,
A mesure que la marée monte, les particules
ijui constituent le premier lit des vagues minces
79
qui s'avancent successivement, deviennnent en
contact avec le sable échauffé $ en absorbent
la chaleur qui s'élève à leur surface; et ^ comme
elles sont plus légères, elles continuent d'avan-
cer les premières jusqu'à ce qu'elles atteignent
le niveau de la haute marée ; alors le bord de la
mer sera nécessairementplus chaud que l'Océan,
de toute la chaleur qu'il aura acquis en roulant sur
la grande plage de sable échauffé : par la même
raison, on observe que la chaleur des rivières
augmente graduellement du matin au soir en été.
Ces variations de température de la mer ne
peuvent avoir lieu que pendant le beau tems.
L'agitation causée par une tempête mêle les eaux
profondes, sur lesquelles l'influence du soleil n'a
eu aucun effet, avec celles de la surface ; d'où il
s'ensuit que la température générale de la mer
est diminuée. Dans un tems plus chaud, sur un
rivage sablonneux, cette différence sera beau-
coup plus sensible, le sable recevant et cédant
plus aisément la chaleur que les lits de gravier
ou de roches. Il est très-essentiel que les valétu-
dinaires sachent qu'en choisissant une situation
convenable, et se baignant à marée montante,
vers midi ou à une ou deux heures, ils peuvent
se procurer un bain de 10 à 12° F. (5 à 6 R.)
plus chaud que quelques heures auparavant,
80
De semblables précautions sont inutiles aux
personnes vigoureuses et robustes. Un homme
jouissant d'une bonne santé ne court aucun
danger en se baignant de bonne heure le matin,
pourvu qu'il n'ait pas commis d'intempérance la
veille. S'il s'est laissé entraîner par hasard dans
quelque irrégularité de régime, il ne doit se
mettre au bain qu'à midi, heure à laquelle on
peut supposer que le système vital est remis des
suites de l'intempérance.
Une promenade d'une heure avant de se
mettre dans le bain, sera salutaire et avanta-
geuse , afin d'éviter que l'entrée dans l'eau soit
précédée d'une sensation de froid. La tempéra-
ture de la mer varie aussi considérablement,
suivant les différentes saisons de l'année; c'est
dans les mois de juillet et d'août qu'elle est la
plus élevée. Le docteur Jean Hunter a observé
que la température de la mer ne s'élève, terme
moyen , dans ce pays, pendant ces mois, qu'à
63° F. (i4 R-)> quoiqu'il l'ait observée s'élever
jusqu'à 71° F. (18 R.). La chaleur, comme les
autres fluides, tend constamment à se mettre en
équilibre. Tout ce qui augmente l'expansion de
l'air, accroît sa capacité pour le calorique, qui
s'insinue là où il trouve le moins de résistance ;
les fluides d'où il sort se refroidissent propor-
81
tionnellement. De là on a observé que, pendant
l'abaissement du baromètre, qui se fait remar-
quer avant la pluie et l'orage, la température de
la mer est considérablement diminuée.
C'était autrefois l'usage de se baigner le soir ;
nous pouvons observer que les jeunes gens en
général, et ceux qui se mettent dans l'eau pour
leur plaisir, choisissent d'eux-mêmes la fin du
jour. On se fait rarement du mal lorsqu'on suit
l'instinct de la nature. Le délassement et la sen-
sation de fraîcheur, qui sont les conséquences
immédiates de l'immersion dans l'eau froide,
après qu'on a été légèrement fatigué, et le pro-
fond sommeil qu'on goûte la nuit suivante
y
sont des preuves convaincantes que le bain froid
est une pratique salutaire pour les jeunes gens et
les personnes qui jouissent d'une bonne santé.
Mais pour les personnes qui ont l'habitude de
beaucoup manger, de dîner tard, de prendre
ensuite du vin, et pour celles qui ont éprouvé
de grandes fatigues dans le jour, il serait très-
imprudent d'essayer à prendre les bains le soir.
Le conseil de se baigner dans l'eau froide
y
pour se procurer un bon sommeil, remonte jus-
qu'au tems d'Horace :
Ter uncti
Transnanto Tibcrim, somno quibus opus est alto.
Salyrq II,
6
( Ce passage nous apprend que les anciens
avaient l'habitude de s'oindre la surface du
corps avant de se baigner. La tendance au som-
meil paraît être un effet de l'épuisement du sys-
tème, à la suite de l'effort qu'il a fait pour
maintenir la température naturelle du corps
lorsqu'il était plongé dans un milieu plus froid.
Dans le cas d'irritabilité nerveuse accompagnée
d'insomnie, l'immersion dans l'eau froide , con-
tinuée pendant plusieurs heures de suite, a été
conseillée et employée par Pomme *.
On a avancé que l'immersion, long-tems con-
tinuée dans un bain froid, a guéri la manie, et
qu'on l'a employée même avec succès dans quel-
ques cas d'hydrophobie. Dans tous les cas où on
l'a employée avec succès, un profond et long
sommeil à été le premier symptôme du retour à
la santé. Dans des maladies d'une nature aussi
sérieuse, on ne doit essayer de semblables
moyens que sous la surveillance d'un homme de
l'art.
J'ai fréquemment observé que le bain pris le
matin est souvent suivi d'une transpiration co-
pieuse durant la nuit suivante. Un effet sem-
blable est souvent la suite de l'usage qu'ont

* Traité des Affections vaporeuses des deux sexes. Un vol.


}n-4°. Paris, 1782. Page 181.
83
quelques parens, de permettre à leurs enfans
de se mettre au lit au sortir d'un bain pris le
matin. La débilité qui suit la transpiration pro-
duite par la chaleur du lit, doit empêcher les
effets fortifians qu'on attend de l'usage des bains
froids.
84

CHAPITRE III.

DE LA MANIERE DE SE BAIGNER.

Il y a, sur l'état particulier où doit se trouver


le corps pour qu'on puisse avec sûreté et pru-
dence l'immerger immédiatement dans le bain
froid, des préjugés erronés, peut-être plus gé-
néralement répandus que sur tout autre article
concernant l'usage des bains ; il en est de même
de beaucoup d'autres opinions sur la conduite à
tenir dans l'état de santé et dans le traitement des
maladies. On les considère maintenant comme
des préjugés populaires qui paraissent tirer leur
origine de doctrines médicales généralement re-
çues dans des tems reculés, mais qu'on a décou-
vert depuis venir d'une théorie erronée, ou être
fondées sur de fausses vues des lois qui gouver-
nent l'économie animale.
On a des exemples des effets dangereux, et
même fatals, produits par l'eau froide prise à
l'intérieur, ou par l'immersion dans ce liquide,
après avoir été échauffé ou fatigué par un exer-
8S
cice violent; d'où il a semblé qu'on pourrait
conclure que la chaleur qu'éprouvait précédem-
ment le corps était la cause réelle du mal ; et de
là l'aphorisme, en apparence sanctionné par
l'expérience, qu'on ne doit jamais s'immerger
dans l'eau froide, ni en boire, pendant que la
chaleur du système est élevée, par quelque cause
que ce soit, au dessus de son degré habituel."
Cette erreur pourrait bien ne pas faire de mal ;
mais on en a déduit une doctrine fausse et per-
nicieuse c'est-à-dire que les personnes qui sont
,
échauffées par l'exercice peuvent, après s'être
refroidies, prendre impunément un bain froid.
Le corps vivant, refroidi après s'être échauffé
par l'exercice, est dans une situation plus éloi-
gnée qu'on ne pense de l'état dans lequel il est
prudent de se mettre dans le bain froid. La fai-
blesse et la débilité se manifestent alors promp-
tement, et l'énergie vitale est incapable de ré-
sister à l'augmentation des effets affaiblissans du
bain froid, qui, au lieu de procurer cette douce
chaleur, compagne de la santé, produit plutôt
un engourdissement dangereux, et peut-être
mortel. Si l'on se baigne dans cet état du sys-
tème c'est comme si l'on s'immergeait le corps
,
dans un bain froid, pendant l'accès d'une fièvre
intermittente. On sait que l'on peut arrêter les
86
progrès de cette maladie par des aspersions d'eau
froide faites à propos dans le paroxysme en
chaud ; mais si on essayait la même pratique
dans le paroxysme en froid, la mort s'ensuivrait
peut-être à l'instant même.
Quoiqu'il y ait beaucoup de danger à entrer
dans une eau d'une température aussi basse que
l'est celle de la mer, lorsque le corps a été épuisé
par la fatigue, il ne s'ensuit pas pour cela qu'on
ne doive point se baigner pendant que dure la
chaleur produite par un exercice modéré. Les
effets du bain, dans ces différens états du corps,
ont été si bien décrits par le docteur Currie,
que je vais donner son opinion, en employant
ses propres expressions. La fidélité et la justesse
des observations de ce médecin me justifieront
de le citer si souvent.
« Rien n'est plus salutaire, selon moi, qu'un
» bain froid pris après avoir fait un léger exer-
» çice, de bon matin, avant que la transpiration
» ait dissipé la chaleur et que la fatigue ait dé-
» bilité la puissance vitale. Cela est si vrai, que
» j'ai, pendant plusieurs années, constamment
;>
recommandé à quelques personnes de prendre
)>
de l'exercice avant de se mettre dans un bain
» froid, pour augmenter l'action du système vas-
» culaire, la chaleur, et conserver une force de
87
» réaction dans le saisissement qu'on éprouvé
» en s'immergéant; ce qui n'arrive pas toujours
» sans cette précaution. L'opinion populaire,
»
qu'il est plus sain d'entrer dans l'eau lorsqu'on
» est
très-refroidi, est fondée sur des notions
» fausses, et produit quelquefois
des suites fâ-
» cheuses. C'est ainsi que des personnes qui ont
» chaud, et qui commencent à suer, pensent
» souvent qu'il est nécessaire d'attendre, près
» du bain, qu'elles soient entièrement refroi-
» dies; ensuite, en se plongeant dans l'eau,
)>
elles ressentent un frisson qui est alarmant et
» dangereux. Dans de semblables cas, on attri-
» bue le malaise qu'on éprouve à ce qu'on est
» entré dans l'eau ayant chaud; tandis qu'au
» contraire, c'est parce qu'on y est entré ayant
» trop froid. »
Quoiqu'il soit très-sain de se mettre dans un
bain froid après avoir pris de l'exercice de grand
matin, rien n'est plus dangereux que cette pra-
tique , après un exercice qui a procuré une sueur
abondante, et qui s'est terminée par la langueur
et la fatigue ; parce que, dansée cas, comme on
l'a déjà répété plus d'une fois, la chaleur est non-
seulement absorbée rapidement, mais le système
perd plus aisément celle qui lui reste *.
* L'usage des bains froids a été dans quelques cas avantageux,
88
Plusieurs des circonstances qui précèdent iné-
vitablement le mode actuel de se baigner, sem-
blent faites pour mettre le système dans un état
inverse de ce qu'on vient de dire qu'il devrait
être avant d'entrer dans le bain. Les voitures *
dont on se sert pour conduire les baigneurs dans
tandis que dans des cas semblables, et dans des circonstances qui
paraissaient être absolument les mêmes, ils n'ont produit aucun
effet salutaire et ont même été quelquefois très-nuisibles. On croit
alors que les bains de mer froids sont contraires à sa constitution
et qu'on doit en abandonner l'usage ; on renonce alors aux avan-
tages qu'on en aurait retirés, si on les eût pris avec les précautions
convenables.
Souvent cette différence dans les effets des bains de mer froids,
provient de l'état où se trouve le corps, sous le rapport de la
température et de l'exercice auquel il s'est livré. En effet, si le
corps a été exposé à un exercice violent, suivi de lassitude, de dé-
bilité et de diminution dans sa température, son immersion dans
l'eau froide produira nécessairement des effets bien différens de
ceux qu'on doit en attendre lorsque le corps est plein de vigueur
et de santé, et qu'il a conservé sa chaleur naturelle.
Il est inutile d'ajouter que les conséquences de l'inattention que
l'on portera à déterminer l'état où doit être le corps avant de l'im-
merger dans l'eau froide, sont d'autant plus fâcheuses, que le
sujet est d'une constitution faible et délicate.
On peut admettre comme règle générale, que lorsqu'on a pris
un exercice modéré, ou augmenté la température du corps, de
manière à ce qu'on ait un peu chaud , et qu'on éprouve une sen-
sation de bien-être,%n.-,est alors dans une disposition favorable
pour éprouver les effets les plus salutaires des bains de mer. {Note
du traducteur.)
*C'est une espèce de chariot couvert, dans lequel il y a des
banquettes en velours ou autres tissus; cette voiture sert à trans-
porter les baigneurs dans l'endroit du rivage où ils se jettent dans
la mer. {Note du traducteur. )
89
la nier sont fréquemment composées en toile de
canevas, au moins le parasol qu'on emploie pour
s'abriter et se couvrir : elles sont nécessairement
exposées à toutes les intempéries de l'air, et se
trouvent quelquefois tellement pénétrées par la
pluie, qu'il faut plusieurs jours pour les sécher.
En général, elles sont si humides, et tellement
remplies d'exhalaisons produites par l'humidité
des tapisseries qui en garnissent l'intérieur, que
leur évaporation continuelle produit une fraî-
cheur que j'ai fréquemment reconnue, à l'aide
du thermomètre, être de 3 à 5° F. au dessous de
la température de l'air libre.
Il n'y a pas constamment un nombre suffisant
de ces voitures pour conduire successivement et
sans interruption les baigneurs ; et, comme ils
n'ont le droit d'entrer dans la baignoire que
suivant l'ordre dans lequel leurs noms sont ins-
crits un grand nombre doit nécessairement être
,
obligé d'attendre. Ce tems se passe, en général,
à attendre dans une baraque, que la privation
des rayons solaires l'exhalation de l'humidité
,
produite par différentes causes, et un courant
d'air perpétuel, rendent froide. La crainte que
plusieurs personnes timides ont de se mettre
dans la mer, se trouve encore augmentée par
l'espèce de tristesse qui accompagne cette légère
90
contrariété qu'on éprouve en ne pouvant y en-
trer au moment où l'on y était disposé. Toutes
ces circonstances tendent à affaiblir l'énergie vi-
tale, et conséquemment à diminuer les avantages
qu'on attend de l'usage du bain. Il est peut-être
impossible de faire disparaître entièrement ces
inconvéniens ; on doit cependant les faire con-
naître , afin d'engager les personnes les plus dé-
licates surtout les valétudinaires, à user de pré-
,
cautions et à ne pas attribuer aux bains les suites
,
fâcheuses que cette mauvaise manière de les
prendre produit, et en même tems les mettre à
même de multiplier toutes les recherches possi-
bles pour les éviter.
En continuant un degré d'exercice convena-
ble on conservera la chaleur du corps jusqu'au
,
moment où l'on entrera dans la voiture de trans-
port : si l'on ôte trop tôt ses habits, et qu'il s'é-
coule un certain espace de tems avant qu'on se
plonge dans l'eau, le corps se glace en restant
exposé à l'air. Il faut se déshabiller le plus promp-
tement possible, s'envelopper immédiatement
le corps d'une large robe de flanelle, qu'on ne
quittera qu'à l'instant de se plonger dans l'eau.
Par ce moyen, le saisissement de l'immersion
sera diminué, et l'on éprouvera cette chaleur
salutaire qui doit généralement survenir après
91
le bain. Une foule d'exemples prouvent qu'on
peut passer sans danger, le corps étant actuelle-
ment échauffé, d'un milieu chaud à un milieu
froid, pourvu qu'il ne soit pas épuisé par la fa-
tigue ou la transpiration. Dans ce pays nous
,
avons l'habitude, en hiver, de passer chaque jour
impunément de chambres très-chaudes (à 6o° F-,
et au dessus) à l'air libre au point de congélation,
et même au dessous; ce qui fait une différence
de température de plus de 3o°. Si c'était ici le
cas de faire de semblables recherches , il serait
facile de prouver que les toux et les rhumes, que.
l'on suppose provenir du passage subit d'un
théâtre ou d'une salle de danse, échauffés par
un grand nombre de personnes, à l'air extérieur ?
doivent être attribués aux effets directs de la
température, ou à ce qu'on expose le corps,
affaibli par les sueurs, la fatigue et l'air impur
qu'on a respiré, à l'action du froid.
« La jeunesse romaine s'exerçait avec une
» très-grande ardeur au Champ-dè-Mars. La
» natation formait une grande partie de ces exer-

» cices, et ils se terminaient ordinairement par


» des courses à pied. Les jeunes concurrens,
» dans ces exercices, dirigeaient leurs courses

» vers les bords du fleuve, et se jetaient à corps


» perdu dans le courant de l'eau. Quelquefois la
92
» lutte ne finissait pas qu'on n'eût passé le fleuve
)>
deux fois à la nage. On doit penser qu'ils
» étaient accoutumés à s'immerger dans l'eau
» dans le feu de leurs exercices, lorsqu'ils éprou-
« vaient une très-grande chaleur, et non après
» que le corps était refroidi par d'abondantes
» transpirations, ou épuisé par de longues fati-
» gues *. »
Les exemples les plus surprenans, et presque
incroyables, du passage d'une grande chaleur à
un froid extrême, que le corps humain peut sup-
porter sans en être incommodé, sont fournis par
les nations septentrionales de l'Europe. La cha-
leur des bains de vapeurs des Russes s'élève à
120° F. (43 R. ) ; et les Russes, en sortant de ces
bains, se plongent dans la rivière voisine, après
avoir cassé la glace, ou se roulent dans la neige.
Plus le climat est froid, plus les habitans parais-
sent se plaire dans ces transitions d'un extrême
de température à l'autre.
Acerbi, dans ses Voyages, fait la narration
suivante de la manière dont on prend les bains
en Finlande :
« Presque tous les paysans finlandais ont un -

» petit local bâti pour y prendre les bains; il

* Docteur Currie, ouvrage cité.


» consiste seulement dans une petite chambre,'
w
dans l'intérieur de laquelle on a placé un cer-
» tain nombre de pierres qu'on fait chauffer au
)>
feu jusqu'à ce qu'elles soient rouges. On jette
» de l'eau sur ces pierres ainsi échauffées, jus-
w
qu'à ce que toutes les personnes qui sont dans
» cette chambre soient enveloppées d'un épais
)) nuage
de vapeurs. Dans l'intérieur de cette
» chambre se trouve un second étage, pour l'ad-
» mission d'un plus grand nombre de personnes
w
dans ce petit espace : la vapeur et la chaleur
«étant naturellement disposées à s'élever, ce
»
second étage est beaucoup plus chaud que
» l'autre. Les
hommes et les femmes se baignent
» ensemble sans être couverts d'aucune espèce
» d'habillemens. Si cependant un étranger ouvre
» la porte et
surprend les baigneurs, les femmes
» sont très-agitées à sa vue ; car, outre sa per-
» sonne,
il introduit, en ouvrant la porte, une
»
grande quantité de lumière qui fait apercevoir
» à la
fois leur position et leurs formes. Sans de
» pareils
incidens, ils resteraient presque dans
)>une obscurité entière, n'y ayant d'autres fe-
)>
nôtres qu'un petit trou, et d'autre lumière que
» celle qui entre par quelque ouverture du toit,
» ou par les crevasses entre les pièces de bois
» dont le bâtiment est construit..Je me suis sou-
94
)i Vent amusé à surprendre ainsi lès baigneurs,
w et àï essayé à me glisser deux ou trois frôis
» dans leur compagnie ; niais là chaleur y était
» si excessive, que je ne pouvais y respirer ; et
je crois fermement que, dans l'espacé d'une
«
» minute, j'y aurais été suffoqué. J'y entrais
» quelquefois, pour un instant, pour y placer
» nion thermomètre dans un endroit convenà-
)>
blé, et je sortais de suite, et revenais, dix bu
» quinze minutes après,
prendre l'instrument
)> pour
vérifier le degré de chaleur. Mon éton-
)> nëment
était extrême, et à peine pouvais-je
croire sens, lorsque je voyais que les
» en mes
» personnes qui étaient dans la même chambre
» y restaient l'espace d'une demi-heure, qûel-
« quefoiS même'd'une heure, le thermomètre de
)>
Celsius étant à 70 ou 7^° (167 F. ou 8° au

» dessus de la chaleur de l'eau bouillante). Le


« thermomètre en contact avec ces vapeurs de-
» venait quelquefois si chaud, que je pouvais à
» peine le tenir dans la main.
» Pendant tout le tems que les Finlandais res-
» tent dans leurs étiives, ils se frottent et se fusti-
gent toutes les parties du corps avec des verges
»
formées de petits brins de bouleau. Ëri dix mi-
»
» nutes ils deviennent aussi rouges que le sang,
,
» et sont d'un aspect épouvantable. Pendant l'hi-
9S

w vèr, ils sortent fréquemment de leurs bains tout


» nus pour se rouler dans la neige, la tëmpéra-
» ture de l'air étant à 20°, et même à 3o au des-
» sous de zéro. Ils sortent quelquefois tous nus,
» et vont en plein air faire la conversation entre
» eux, ou avec d'autres personnes de leur voisi-
w nage.
S'il arrive que des voyageurs passent
» pendant que les paysans d'un hameau sont
» dans leurs bains, et qu'on ait besoin d'eux, ils
» quittent le bain et aident à atteler Où à dételer,
» vont chercher de la nourriture pour les che-
» vaux, ou toute autre chose, sans aucune espèce
» de vêtement, tandis que le voyageur, entouré
)>
de fourrures, tremble de froid. Il n'y à rien de
» plus étonnant que les extrêmes que l'homme
» est capable d'endurer par la puissance de l'ha-
» bitude.
)> Les paysans
finlandais passent ainsi, dans le
» même moment, d'une atmosphèredont la tem-
» pérature s'élève à 70°, à un froid de 3o° ; ce qui
» fait une différence de 100 degrés : c'est comme
» si l'on passait de l'eàu bouillante dans l'eau
» glacée ; et ce qu'il y a de plus étonnant, c'est
» qu'ils n'en éprouvent pas la moindre ittcom-
» modité ; tandis que d'autres peuplés sont sen-
« siblement affectés par une variation de seule-
» ment 5 degrés, et courent risque d'être affli-
96
» gés de rhumatismes par le plus léger courant
» d'air. »
La capacité qu'a l'homme de soutenir ces gran-
des transitions de température, nous prouve la
force de sa constitution et les ressources de sa
structure ; aucun animal ne pouvant exister dans
des extrêmes de température aussi excessives
,
que celle où l'homme peut vivre et se bien por-
ter ; on ne doit cependant pas recommander d'i-
miter ceux qui s'exposent à ces grandes et subites
variations de température *.

* L'effroi qu'on éprouve en entrant pour la première fois dans


l'eau, retarde le moment de l'immersion ; cette espèce de crainte
est extrêmement nuisible et contraire au succès des bains froids ;
indépendamment de l'hésitation et du délai qu'elle occasione, une
aversion forte n'est pas sans effet sur le bien qu'on doit attendre
de l'usage des bains de mer.
Lorsqu'on veut prendre un bain, on doit entrer promptement
dans la mer, s'immerger sans balancer, et éloigner toute espèce
de crainte, qui, comme une autre émotion, se fortifie lorsqu'on
ne la repousse pas, et devient habituelle, pénible et extrêmement
fatigante.
C'est à l'expérience à déterminer le tems que l'on doit rester
dans le bain froid ; si on s'immerge une seule fois dans la mer,
que le tems qu'on y reste n'excède pas deux ou trois minutes, et
si l'on y reste une autre fois plongé pendant dix ou douze minu-
tes , comme cela se pratique ordinairement, et que pendant ce
tems, on plonge dans l'eau et expose alternativement une partie
du corps à l'air, on éprouvera alors des effets bien différens. Dans
le premier cas, on ressentira une sensation agréable de chaleur,
qui serrudiera sur tout le corps ; l'accroissement de la force mus-
culaire et le bien-être qu'on éprouvera, seront une preuve cer-
,
taine des avantages qu'où doit retirer des bains d^ rqer froids, et
97
Là fixation de l'espace de teins qu'on doit
rester dans l'eau, comme aussi la question de
savoir si l'on doit se contenter de plonger une
seule fois, ou répéter successivement l'immer-
sion ont plus d'influence sur l'utilité ultérieure
,
des bains, qu'on ne pourrait le supposer d'après
un léger examen. Tandis qu'une augmentation
de chaleur, de vigueur et de ton est le résultat
,

de leur utilité. Dans le deuxième cas, les frissons qu'on éprouve,


la contraction de la peau, la diminution de la vigueur et de la-
puissance musculaire, une lassitude générale, un mal de tête et
un abattement d'esprit, accompagné d'une variété de sensations-
pénibles, que l'exercice que l'on prend pendant le reste du jour
ne peut dissiper, sont une preuve bien certaine qu'on est resté trop
long-tems dans l'eau, et qu'on s'est mal baigné.
Les bons effets qu'on retire des bains de mer dépendent de
l'exposition subite du corps dans un milieu plus froid que celui
dans lequel on se trouve, d'où s'ensuit une soustraction de calo-
rique et. une réaction ou un effort des forces vitales pour rendre
au corps le degré de chaleur qu'il a perdu.
98
constant d'une seule immersion, j'ai eu souvent
l'occasion de remarquer que la même personne,
en retournant plusieurs fois dans l'eau, est de-
venue à Ja fin si faible, que c'était avec bien de
la peine qu'elle pouvait regagner le chariot cou-
vert dont il a été question page 70 ; et elle con-
tinuait d'être affectée de maux de tête, de fris-
sons et de lassitudes pendant le reste du jour.
En quittant le bain, j'ai souvent remarqué et
fait remarquer à d'autres, que, si un membre,
tel qu'une cuisse, une jambe, où tout le corps,
sont plongés de rechef dans l'eau, on éprouve
une plus grande sensation de froid que la pre-
mière fois qu'on s'est plongé dans la mer. Il y a
plusieurs raisons de croire que, lorsqu'on passe
subitement dans un milieu plus dense et plus
froid, il se fait un effort dans l'économie ani-
male pour produire la chaleur ou pour résister
à l'action du froid. La continuation de cette
action pendant quelque tems, après qu'on a
quitté le bain, fait qu'on éprouve, dans la se-
conde immersion, une plus forte sensation de
froid que dans la première. Sans prétendre con-
naître la vraie cause de cet effort, il s'accorde
assez avec les lois de l'économie animale, aussi
bien qu'avec les faits , pour que nous supposions
que sa répétition fréquente, comme toute autre
99
action énergique du système, doit être suivie de
faiblesse.
Si l'on reste pendant quelque tems complète-
ment immergé dans l'eau, on n'éprouvera point
ces effets débilitans. Le docteur Currie, dans
l'intéressante narration qu'il fait des effets d'un
naufrage sur quelques marins qui furent jetés
sur un banc de sable , à l'embouchure de la ri-
vière Mersey, nous donne un exemple frappant
des suites bien différentes qui résultent d'une
immersion long-tems continuée dans l'eau, ou
d'une exposition alternative dans l'eau et à l'air.
Ces marins restèrent pendant vingt-trois heures,
dans le mois de décembre, accrochés à la car-
casse d'un vaisseau. La portion du débris du na-
vire à laquelle ils s'étaient attachés, ayant une
direction inclinée, les hommes de l'équipage qui
étaient placés dans la partie la plus élevée du
vaisseau étaient hors de l'eau, mais ils étaient de
tems en tems couverts par les lames et exposés à
un vent perçant, tandis que les autres étaient
presque constamment immergés dans l'eau. Les
deux maîtres qui se trouvaient placés dans la
partie supérieure, hommes vigoureux, dans la
force de l'âge, et accoutumés aux fatigues,
moururent dans la nuit; tandis que les autres
hommes de l'équipage, parmi lesquels se trou-*
100
vait un nègre, furent tous sauvés, excepté un,
et se rétablirent parfaitement.
L'exemple des guides, qui, dans la plupart
des endroits où l'on prend des bains, restent
souvent pendant plusieurs heures de suite dans
l'eau sans en éprouver aucune incommodité ma-
jeure , prouve que les personnes bien portantes
peuvent rester impunément immergées dans
l'eau à la température de la mer, pendant un
tems considérable.
C'est pourquoi ceux qui prennent des bains
pour raison de santé, doivent se pénétrer qu'il
est plus sûr de rester pendant quelque tems
complètement immergé dans l'eau, que de s'y
plonger à plusieurs reprises. En effet, j'ai sou-
vent remarqué que la réaction est beaucoup plus
puissante, et la chaleur à la surface du corps
beaucoup plus vive, après être resté sous l'eau
environ une minute, que lorsque, l'immersion
n'est qu'instantanée. La répétition des immer-
sions et leur continuité, doivent être réglées
,
d'après la constitution particulière et l'état de
santé des différens individus. Leur durée et leur
fréquence doivent être augmentées à proportion
de la force que la pratique du bain procurera au
corps, et que les effets du passage d'un milieu
dans un autre seront affaiblis par l'habitude,
101
On conseille ordinairement de plonger la tête
la première, quand les circonstances le permet-
tent, comme la meilleure manière de prendre
les bains. Il est difficile de découvrir le principe
sur lequel cette méthode est fondée, ou les effets
qu'on suppose en être la suite. Ce n'est certai-
nement pas là le mode qu'indique la nature.
Une personne qui a envie de se baigner, pour
raison de propreté ou pour son plaisir, dont
l'esprit est affranchi de tout préjugé, en arrivant
au bord de la mer ou d'une rivière , se désha-
billera et marchera tranquillement dans l'eau
jusqu'à ce qu'elle se trouve à une profondeur
convenable. Quelle est doncla raison qui pour-
rait engager ceux qui se baignent, pour aug-
menter leurs forces ou recouvrer leur santé, à
faire cet effort violent, qui n'est pas naturel ? Il
est vraiment difficile d'en rendre compte. Ce-
pendant je suis porté à croire que plusieurs es-
pèces de maux de tête attribués aux bains, doi-
vent vraiment leur origine à ce mode d'immersion
précipitée.
Il ne serait point étonnant qu'une personne
se plaignît de maux de tête après être restée une
demi-minute les jambes en l'air, n'étant pas ac-
coutumée à cette position. L'action de se plonger
j^,|eté lajpremière dans la mer y ressemble beau-
^
102
ébup. Les efforts qu'on est obligé de faire pour
retenir son haleine, dans cette manière de se
baigner, tendent aussi à accumuler une trop
grande quantité de sang dans la tête.
J'ai plus d'une fois entendu, particulièrement
des personnes du sexe, témoigner beaucoup de
répugnance, et même d'horreur, à la seule idée
d'être ainsi jeté tout à coup dans l'eau par les
guides la tête la première. Il est probable que
,
quelques individus employés au service des bai-
gneurs , mus peut-être par quelques fausses idées
de donner plus de prix à leurs services, en occa-
sionant quelquefois cette espèce de peur à ceux
qui les emploient, ont établi et continué cette
pratique ; mais leur vrai devoir et leur utilité ne
doit consister qu'à prendre soin qu'aucun acci-
dent n'arrive aux personnes timides ou impru-
dentes en descendant ou en montant dans la
,
machine à baigner, ou pendant le tems qu'elles
restent dans l'eau.
Lorsqu'on se baigne, il est nécessaire de met-
tre la tête et tout le corps sous l'eau le plus vite
possible ; mais il n'est pas d'une nécessité absolue
de mettre la tête la première. Le baigneur doit,
étant soutenu par le guide, s'il est timide, des-
cendre promptement l'escalier de la machine,
s'abaisser ou se courber, jusqu'à ce que tout son
103
corps j y compris la tête, se trouve Couvert d'eâù.'
Plus on le fera promptement, moins la respira-
tion sera convulsive ; ce qui est toujours fatigant
et désagréable lorsque la moitié du corps est sous
l'eau, et que l'autre reste exposée à l'air. Pour
les raisons que nous avons déjà données, lés per-
sonnes les plus faibles se trouveront mieux si
elles sortent de l'eau immédiatement après y être
restées un tems convenable, que si elles persis-
taient à répéter les immersions de la partie supé-
rieure du corps.
Quoique durant la saison des bains l'air soit
un milieu plus chaud que la mer, une personne
qui sort du bain ne peut être considérée comme
rendue à la température dans laquelle elle est
habituée de vivre, jusqu'à ce qu'elle ait repris
ses habillemens ; c'est pourquoi, moins on met-
tra de tems à passer ses habits, surtout à couvrir
la partie supérieure du corps, plus le retour de
la chaleur sera prompt et rapide. Le tems de
s'habiller, toujours long à cause du mouvement
de la machine à baigner, fait que même les plus
vigoureux éprouvent toujours un fort frisson
qui, chez les personnes plus délicates, approche
d'un état de convulsion.
Il y a un moyen facile d'éviter une grande
partie de ces sensations désagréables, c'est de
104
s'envelopper tout le corps d'une ample couver-
ture de laine, immédiatement à la sortie de l'eau. „
Enveloppé ainsi, on peut être tranquille jusqu'à
ce que la machine soit entièrement sortie de
l'eau; on peut alors s'habiller à son aise. La fla-
nelle absorbe promptement toute l'humidité su-
perflue qui reste adhérente à la surface de la
peau, et rend inutile l'ennuyeux procédé de s'es-
suyer, tandis qu'en même tems elle prévient
complètement toute perte de chaleur par l'éva-
poration ou par le contact successif de nouvelles
portions d'air froid. On ressent alors un senti-
ment de chaleur, accompagné d'une démangeai-
son de la peau dont j'ai entendu les personnes,
même les mieux portantes, se plaindre, comme
étant insupportable ; mais les personnes les plus
faibles, en adoptant ces moyens simples, peu-
vent être certaines qu'elles se trouveront plus
à leur aise après le bain, qu'elles ne l'auraient
été si elles eussent suivi l'usage ordinaire.
Il est moins nécessaire qu'on ne le pense com-
munément de bien sécher la surface du corps
,
après avoir quitté le bain ; la nécessité de re-
prendre promptement ses vêtemens est incom-
patible avec l'ennuyeuse habitude de s'essuyer,
et est d'une bien plus grande importance. L'uti-
lité qu'on doit attendre de la cristallisation des
10S
particules salines sur la surface cutanée, et la
certitude qu'on a de pouvoir rester mouillé d'eau
de mer sans aucun danger, comme nous l'avons
déjà fait remarquer, prouve qu'on peut se dis-
penser de s'essuyer le corps après le bain.
Il est convenable, après s'êtrebaigné, de pren-
dre un léger exercice ; mais les personnes conva-
lescentes et faibles doivent se garder de pousser
trop loin cet exercice, surtout si elles sont expo-
sées aux rayons du soleil, qui pourraient pro-
duire une transpiration et un degré de lassitude
sensible.
Si l'on s'est mis dans le bain étant dans un état
de santé qui ne permettait pas d'en faire usage,
ou qu'on y soit resté trop long-tems ; que la sen-
sation de froid et les frissons continuent au point
de devenir douloureux ou alarmans, on doit,
sans délai, se mettre dans un lit chaud, et s'ap-
pliquer sur le creux de l'estomac une vessie rem-
plie d'eau chaude. On doit se rappeler que ce
dernier moyen est le plus efficace pour rendre la
chaleur au corps vivant, dans tous les cas où le
hasard ou la nécessité l'a exposé à un froid long
et intense : excepté ces circonstances, l'usage de
se mettre au lit après le bain est toujours nui-
sible.
Il y a des personnes qui ne reprennent pas
466
leur température habituelle lorsqu'elles ont pris
un bain le matin ; et dont les pulsations du pouls
ne reprennent leur rythme ordinaire qu'après
le déjeuner. L'effet que produit le thé chaud
(avec lequel on déjeune en Angleterre) dans
l'estomac, est parfaitement analogue avec ce
qu'on vient de dire sur l'application de l'eàu à
l'extérieur. Si ceux qui se baignent vers midi se
sentent un frisson à la sortie du bain, ils éprou-
veront le même bien-être en prenant une tasse
de bouillon, de chocolat, ou d'infusion chaude
d'écorces de citron, de gingembre et de cannelle :
on trouvera que chacune de ces infusions est tout
aussi efficace qu'un cordial déguisé sous forme de
potion médicinale.
Il paraîtrait superflu de se récrier contre l'u-
sage de s'entasser en grand nombre dans la même
baignoire, si je n'avais entendu des dames se
plaindre (car cet usage parmi le beau sexe vient
de l'idée qu'il a que la société l'encourage) qu'en
pareille situation elles se sentaient oppressées au
point d'éprouver des vapeurs. Tout le monde a
dû éprouver les sensations désagréables qui ar-
rivent lorsqu'on est resté en grand nombre, pen-
dant plusieurs heures, dans un petit apparte-
ment, particulièrement en été, quand l'air n'est
pas renouvelé par l'action du feu. Mais l'air doit
107
être proportionnériïent plus corrompu par cinq
où six personnes entassées les unes sur les autres,
pour peut-être plus d'une heure, dans là petite
capacité d'une baignoire dont la construction
empêche totalement le renouvellement de l'air,
si nécessaire à la conservation de la vie.
L'usage du bain doit être généralement réglé
d'après la force de la constitution. On pense qu'il
suffit, aux personnes bien portantes, de se bai-
gner de deux jours l'un. Les bains journaliers'
produisent fréquemment un état de lassitude, ac-
compagné de dépérissement manifeste du Corps ;
mais s'il n'existe aucune autre circonstance, on
s'aperçoit que ces symptômes affaiblissans dispa-
raissent en en cessant l'usage, et qu'ils sont suivis
d'une augmentation de vigueur *.
Il n'est pas rare, après s'être baigné, d'être
attaqué de quelques légers maux de tête; ces
douleurs, qui suivent le bain, paraissent être de
deux espèces, qu'on peut attribuer à différentes
causes.
Dans l'une, on ressent une sorte de pesanteur
de tête, accompagnée quelquefois de sùupirs et
d'un gonflement apparent des yeux. On doit ob-

*Les personnes bien portantes peuventprendre un bain chaque


jour, si elles ne restent que peu de tems immergées dans la mer.
{Note du traducteur. )
108

server que le cerveau est, proportionnellement


au reste du corps, beaucoup plus volumineux
chez l'homme que chez les autres animaux ; de
manière qu'il n'y a pas moins de la sixième par-
tie de toute la masse du sang qui circule cons-
tamment dans cet organe. Non-seulement l'en-
veloppe des vaisseaux qui se ramifient dans le
cerveau est plus mince, mais comme elle existe
au milieu d'une masse tendre et pulpeuse, elle
est privée du soutien que donnent aux autres
veines et altères du corps les parties qui les en-
vironnent. L'épaisseur de la substance du cer-
veau tend aussi à empêcher que les vaisseaux
situés dans les parties les plus intérieures soient
influencés par les variations de la température
extérieure aussi aisément que ceux qui sont ré-
pandus sur la surface du corps. De là il résulte
que, pendant que les vaisseaux sanguins de la
surface du corps, en général, sont resserrés par
la température du bain, une plus grande por-
tion du fluide vital se porte vers le cerveau, et
donne lieu à ce qu'on appelle, en terme tech-
nique congestion. Peu de tems après, il se réta-
,
blit dans son équilibre ordinaire, et ce sentiment
de pesanteur se dissipe.
Quelquefois, cependant, l'enveloppe des vais-
seaux sanguins*cède à l'augmentation de l'impé-
169
tuosité de la circulation ; et il s'en est quelquefois
suivi des paralysies et même des apoplexies fa-
,
tales, au moment même où l'on entrait dans le
bain froid. Les personnes qui éprouvent habi-
tuellement des maux de tête, doivent bien faire
attention aux dangers auxquels elles s'exposent
en prenant des bains froids. Si d?autres circons-
tances , relatives à l'état de leur santé, les enga-
gent à en faire usage, elles ne doivent, pour au-
cune raison, négliger de se faire tirer un peu de
sang en se faisant appliquer les ventouses ; moyen
le plus efficace qu'on puisse employer pour pré-
venir ces accidens. Si les pesanteurs de tête con-
tinuent encore après le bain, il faut en cesser
,
l'usage.
La seconde espèce de maux de tête attaque
principalement les personnes les plus faibles et
les plus délicates particulièrement celles du
,
sexe; et quelquefois même les plus robustes,
quand elles ont eu l'imprudence de rester trop
long-tems dons l'eau. Le siège du mal est ordi-
nairement à la partie postérieure de la tête, qui
semble être glacée. Cette douleur paraît analo-
gue aux maux de tète, qui sont un symptôme or-
dinaire des affections hystériques, ou qui accom-
pagnent les frissons de la fièvre d'accès, et à ceux
qu'on éprouve après l'ivresse, et qui paraissent
410
être le résultat d'un engourdissement général du
système, produit par un trop grand degré de
froid du bain, relativement à la vigueur de la
constitution. On peut, en général, y remédier
par tout ce qui tend à exciter graduellement
l'action de l'estomac, comme quelques gouttes
d'alcohol de lavande, ou de teinture martiale,
prises chaque jour dans une tasse d'eau chaude.
On peut généralement prévenir cette douleur en
se couvrant la tête d'un épais bonnet de laine,
immédiatement après le bain. Cette dernière
espèce de céphalalgie ne doit pas, comme celle
que nous venons de décrire, empêcher de faire
usage du bain ; car, à proportion que le système
prendra de la vigueur, on s'apercevra d'une di-
minution graduelle de cette céphalalgie.
Pour prévenir ces différentes espèces de cépha-
lalgies;, il est également nécessaire de se mouiller
toute la tête aussitôt qu'on entre dans le bain. Si
l'on désire retirer du bain des effets salutaires,
on ne doit jamais entrer dans l'eau ayant la tête
enveloppée. Le docteur Cullen, dans ses leçons,
rapportait ordinairement l'histoire d'une dame
qui, après le bain, était constamment tourmen-
tée de maux de tête violens, de pesanteurs et
autres symptômes qui approchaient de l'apo-
plexie quoiqu'à tous autres égards l'usage des
,
111
bains froids lui fût d'une utilité reconnue. Après
examen, il s'aperçut qu'elle avait l'habitude de
ne pas se mouiller la tête. Lorsqu'elle eut ensuite
occasion de faire de nouveau usage du bain, le
docteur lui conseilla de se mouiller la tête, et de
l'immerger avec tout le reste du corps. Cet avis
fut suivi, et elle continua de se baigner non-seu-
lement sans éprouver aucune espèce d'incommo-
dité mais même avec avantage. J'ai vu plusieurs
,
exemples de personnes qui furent entièrement
exemptes des céphalalgies qu'elles éprouvaient
après le bain, lorsqu'elles eurent cessé l'usage de
serre-têtes en taffetas gommé. Une personne
nous a donné un exemple frappant de l'intime
connexion qui existe entre Cette indisposition et
l'exposition de la surface extérieure de la tête à
l'action de l'eau ; si elle s'enveloppait les oreilles
avec un serre-tête, elle ressentait une céphalal-
gie, qu'elle n'éprouvait point lorsqu'elle les
laissait à découvert. La mode actuelle a heureu-
sement banni l'usage de la pommade et de la
poudre, qui obligeaient à se servir de serre-têtes
imperméables, qui, dans ce cas, devenaient
nécessaires, et qu'on n'a plus de raisons de por-
ter maintenant. On ne doit pas craindre de s'en-
rhumer pour s'être mouillé les cheveux ; au con-
traire la fraîcheur qui en résulte doit être regar-j
,
112
dée comme une prévoyance de la nature contre
les inconvéniens qui pourraient arriver si la tête
n'était pas rafraîchie comme les autres parties du
corps par l'immersion momentanée dans le bain
froid.
La gaîté, l'augmentation de l'appétit qu'on
éprouve, en général, dans les voyages sur les
côtes de la mer, et l'exemption de toute occupa-
tion sérieuse, sont des motifs puissans pour se
livrer aux plaisirs de la table. Il serait inutile de
vouloir prescrire un régime strict pendant qu'on
prend les bains ; mais le but de ces observations
ne serait pas rempli, si j'oubliais de faire remar-
quer le danger que l'on court en faisant des ex-
cès dans le boire ou le manger. Le danger de se
baigner le matin, après avoir fait quelques excès
la veille , équivaut presque au danger de se
mettre dans l'eau pendant que le corps se rafraî-
chit à la suite d'un violent exercice, ainsi que
nous l'avons déjà observé. La faiblesse et l'en-
gourdissement général du système, qui suivent
l'usage immodéré des liqueurs fortes, ne peuvent
manquer d'augmenter par l'immersion du corps
dans l'eau froide. Se plonger dans la mer au mi-
lieu d'un paroxysme occasioné par l'ivresse, se-
rait moins dangereux que de se baigner dans le
moment où le corps fait effort pour revenir à son
113
état ordinaire, à la suite des excès qu'on a faits.
On ne peut guère espérer que les personnes qui
vont prendre les bains se privent de faire, de tems
en tems, quelques excès , et n'outrepassent ja-
mais les bornes de la modération : mais, après
quelques écarts des règles de la tempérance, la
prudence commande de discontinuer pendant
quelques jours l'usage des bains. Mes observa-
tions personnelles me portent à conclure qu'il ne
se passe pas d'année qu'il n'y ait des victimes,
pour avoir négligé de prendre les précautions
nécessaires.
La danse est, en grande partie, l'amusement
général des endroits où l'on prend les bains de
mer. Sans insister sur les dangers que courent les
femmes délicates en s'exposant, au milieu de la
nuit, au serein, dans l'état de transpiration qui
suit toujours un exercice aussi violent que celui
de la danse, dans des endroits où l'air est toujours
échauffé et corrompu par le concours d'un grand
nombre de personnes et de lumières, je dois
faire observer qu'il est impossible que la force
vitale soit assez rétablie par un sommeil court
et interrompu, pour rendre l'usage du bain froid
salutaire et prudent le jour suivant.
Le même argument tend à prouver le danger
qu'il y aurait à se baigner après un voyage long
8
114
et fatigant. Les exemples suivans, qui sont à ma
connaissance, suffisent pour prouver combien
il est dangereux de se baigner après que le corps
a été exposé à l'influence combinée de la fa-
tigue et des excès en boisson. Un homme engagé
dans une partie de chasse, ayant prolongé cet
exercice jusqu'au soir sans prendre aucuns ra-
fraîchissemens, épuisé par la faim et la fatigue,
Soupa légèrement , et, sans outre - passer la
quantité ordinaire de sa boisson, se trouva dans
un état d'ivresse dû, en grande partie, à l'absti-
nence qu'il venait de faire. Le lendemain matin,
Croyant faire cesser les effets et l'engourdissement
qui Suivent ordinairement ces excès, il Se déter-
mina à prendre un bain. Au moment où il sor-
tit dé l'eaù, il lui sembla, pour me servir de sa
propre expression, que sa tète était prête à faire
explosion. Ce ne fut qu'avec les plus grandes
difficultés qu'il put regagner la baignoire. Un
mal de tête intense, accompagné d'engourdiSse-
mens douloureux dans tous les membres, et
d'un dégoût total pour toute espèce de nourri-
ture, dura toute la journée; ce ne fut qu'après
plusieurs semaines qu'il fut débarrassé de cette
espèce de stupeur et que sa santé se rétablit. Si
cette personne eût été plus avancée en âge, une
fnort subite, occasionée par la rupture de quel-
lis
que vaisseau sanguin dû cerveau, aurait proba-
blement été la suite de son imprudence.
Il est encore nécessaire d'apporter de plus am-
ples modifications relativement au degré de cha-
leur requis dans l'usage des bains pour lés appro-
prier aux différens états de santé chez les per-
sonnes mal portantes. Je n'ai jamais vu qu'on ait
cherché à obtenir une température moyenne
entre celle de la mer et celle du corps humain ,
qui est de g8° F. Selon moi, on ne peut assigner
aucune raison solide qui empêche dé diminuer
graduellement la température de l'eau, de ma-
nière à accoutumer les personnes délicates à sup-
porter un plus grand degré de froid. On pour-
rait , par exemple, diminuer la chaleur de l'eau
de 5°, de deux jours l'un, commençant à 9Ù 0, et
finissant à 65, et diminuer le tems de l'immer-
sion à proportion de la diminution de chaleur.
On s'apercevrait alors à peiné de la transition de
ce dernierdegré de chaleur à celui de la mer. En
s'y baignant après avoir passé par ces gradations,
on obtiendrait des avantages au lieu des incom-
modités qui suivraient l'immersion dans la mer à
sa température ordinaire, sans avoir pris les
précautions nécessaires.
Un bain tant soit peu plus chaud que l'eau de
mer , deviendrait probablement salutaire aux
116
enfans. On pourrait en outre, par ce moyen, les
engager peu. à peu à se plaire dans l'eau ; tandis
que, suivant la manière actuelle de les baigner,
ils semblent entrer en convulsion par la peur
qu'ils ont au moment où l'on va, malgré eux, les
plonger dans la mer. On peut à peine supposer
que la faiblesse de leur organisation puisse leur
permettre de souffrir impunément la répétition
fréquente de semblables agitations du. corps et de
l'ame.
La sensation occasionée parles douches prouve
au moins, selon moi, qu'elle est beaucoup plus
pénible et désagréable que la secousse qu'on
éprouve en se plongeant dans la mer. Ceux à qui
la mer présente un objet de terreur, ou que les
mauvais tems empêchent de faire usage de ces
sortes de bains, retirent, sans contredit, un
avantage égal en se mettant dans un bain moins
froid, dans des établissemensparticuliers et com-
modes, tels que ceux de Brighton.
J'ai connu quelques personnes délicates qui
ont obtenu un avantage réel en se frottant jour-
nellement toute la surface du corps avec une
éponge trempée dans l'eau de mer. On peut
remplacer avec avantage l'usage des bains d'eau
de mer, en se frottant la peau, jusqu'à ce qu'on
ressente une chaleur agréable, avec un linge
117
d'une toile un peu épaisse, trempé préalable-
ment dans l'eau salée et laissé exposé aux rayons
du soleil. Il y a tout lieu d'espérer que par l'une
ou l'autre de ces deux dernières méthodes, l'a-
vantage que nous avons dit qu'on retirerait de
l'adhérence des particules salines à la surface de
la peau, sera beaucoup plus grand *.

* Voici, en peu de mots, les règles desquelles on ne devra pas


s'écarter, si l'on veut prendre avantageusement les bains de mer
froids.
1° Les personnes d'une constitution faible et délicate, auront
l'attention de ne pas se baigner le matin à la mer, et les personnes
fortes choisiront, autant que possible, un autre moment.
2° On ne prendra un bain de mer froid que lorsque la chaleur
du corps aura été augmentée, soit par l'exercice, ou par quelque
boisson chaude.
3° Lorsque le corps aura été exposé pendant quelque tems à un
exercice forcé et à la fatigue, ou lorsqu'après avoir éprouvé une
forte transpiration, on ressentira de la lassitude, de la faiblesse,
et un frisson, on évitera soigneusement de se mettre dans un bain
froid.
4° Lorsque le corps sera dans un état convenable de chaleur, on
se déshabillera le plus vite qu'on le pourra, et on se plongera im-
médiatement dans l'eau.
5° Pour retirer le plus grand avantage possible des bains de mer
froids, on doit rester très-peu de tems dans l'eau, pas plus d'une
minute ou deux, et pendant ce tems le corps doit être entièrement
immergé.
6° En sortant du bain on s'essuiera avec du linge, et on s'habil-
lera immédiatement après.
7" Après le bain on prendra un léger exercice, pour rappeler la
chaleur du corps, avec l'attention de ne pas le continuer trop long*
tems.
118
' S« Si on a pris le bain le matin, on déjeunera après avoir pris
un léger exercice ; si on s'est baigné l'après-midi, qu'on se sente
faible et qu'on éprouve un frisson partiel ou général, on prendra
un bouillon ou une soupe chaude pour se réchauffer. (IVote du tra-
ducteur.)
119

CHAPITRE IV.

DES MALADIES DANS LESQUELLES LES BAINS D'EAU DE MER


SONT UTILES.

Des deux grandes classes en lesquelles on di-


vise les maladies qui attaquent l'espèce humaine,
on peut considérer les bains d'eau de mer comme
beaucoup plus généralement applicables, comme
remède, à celles nommées chroniques, qu'à celles
aiguës. Le docteur Currie, de Liverpool, vient
de rendre un grand service à l'humanité en dé-
crivant les effets médicinaux de l'application de
l'eau froide pour arrêter les progrès des fièvres
malignes, et en déterminant les lois suivant les-
quelles l'usage de ce remède, également sain et
efficace, doit être réglé. Mon intention, mainte-
nant, n'étant nullement d'intervenir en aucune
manière dans la pratique de l'art médical, qui
ne peut être dirigée avec avantage que par ceux
seulement qui voient souvent les malades je me
,
bornerai à déterminer les constitutions particu-
lières et à indiquer les états de santé délabrée
,
120
dans lesquels les effets des bains d'eau de mer ont
été prouvés salutaires par l'expérience.
On a reconnu que les bains d'eau de mer
étaient généralement très-utiles dans les mala-
dies provenant de la diminution d'énergie des
puissances vitales, marquée par des symptômes
de langueur et de débilité. Cet état du système
peut être le résultat de la faiblesse et de la déli-
catesse originelle de la fibre primitive, entrete-
nues par une manière de vivre efféminée, par un
régime habituellement trop irritant, ou par l'ef-
fet d'un trop grand exercice du corps ou de la
pensée. Pour plus de clarté, j'indiquerai celles
des maladies des deux classes (aiguës ou chro-
niques) dans lesquelles on doit espérer des ré-
sultats précieux de l'emploi des bains d'eau de
mer.
De toutes les maladies qui proviennent d'un
état de faiblesse, et qu'on apporte en naissant,
on doit considérer le vice scrofuleux comme l'af-
fection dominante dans ce pays. Les enfans at-
teints de cette maladie se reconnaissent à la
beauté de leur peau ; ils sont blonds, d'une com-
plexion délicate, ont la lèvre supérieure grosse,
et la cloison des narines épaisse. Ce vice se mani-
feste, dans la première jeunesse, par le gonfle-
ment des glandes du cou, qui suppurent quel-
121
quefois. Quand la suppuration se déclare, on ne
les guérit qu'avec difficulté. Lorsque les glandes
à travers lesquelles passent les vaisseaux absor-
bans des intestins deviennent le siège de cette
maladie, il en résulte une maigreur qui augmente
graduellement ; et quoique le malade mange sou-
vent avec voracité jusqu'au dernier moment, la
maladie ne s'en termine pas moins d'une manière
fatale. A l'âge de puberté, les personnes de cette
constitution ont les yeux languissans; elles sont
exposées à des tumeurs blanches, à des maladies
des os, et à la consomption pulmonaire. Il n'y a
aucun doute que les enfans nés de parens d'une
constitution scrofuleuse, ne soient plus exposés
que les autres à éprouver tous les symptômes de
cette maladie. Mais de nombreux exemples nous
prouvent suffisamment que cette affection vient
souvent à la suite du régime végétal, joint, au
manque d'air pur et d'un exercice convenable ;
qu'on la rencontre parmi les enfans des mar-
chands, des artisans, spécialement parmi ceux
qui habitent les caves humides et privées d'air
des grandes villes.
Le siège de cette maladie parait être dans les
vaisseaux lymphatiques et dans les glandes, qui,
chez les personnes d'une constitution scrofuleuse,
semblent être d'une organisation tellement déli-
122
Cate, que le degré de froid qu'on ressent quel-
quefois dans ce pays les engourdit et les rend
incapables de remplir leurs fonctions. Si un scro-
fuleux passe dans un pays plus chaud, les symp-
tômes de sa maladie disparaissent généralement
et se manifestent de nouveau lorsqu'il retourne
dans un pays froid. Les personnes nées aux Indes
ou en Afrique, qui habitent l'Angleterre, sont
très-exposées aux affections scrofuleuses ; et même
les animaux des régions plus chaudes, que l'on
apporte dans ce pays, éprouvent fréquemment
des affections semblables. Il n'est pas rare de voir
des tumeurs scrofuleuses situées sous le bec des
perroquets. J'ai eu occasion d'ouvrir le cadavre
de différens singes morts très-probablement de
cette maladie, et tous offraient des engorgemens
manifestes dans les glandes du poumon et des
intestins.
Je rapporte ces faits afin de prouver que les
affections scrofuleuses sont liées avec une cer-
taine délicatesse de constitution qui, quoique
compatible avec une bonne santé, dans un climat
chaud, ne peut supporter les vicissitudes de ce-
lui-ci sans éprouver quelque dérangement dans
ses fonctions.
Quelques auteurs pensent que les scrofules
proviennent d'une acrimonie particulière des
ISS
humeurs ; d'autres attribuent leur origine à unÇ
matière acide contenue dans l'estomac et dans
le canal alimentaire qui coagule le chile, et qui
ensuite obstrue et désorganise les glandes lym-
phatiques. Rien ne prouve qu'il existe une sem-
blable matière dans les humeurs du corps vi-
vant ; les acides qui se développent dans l'esto-
mac sont une suite d'indigestions , et on doit les
considérer plutôt comme effet que comme cause
de scrofules ; cette maladie peut se développer
chez les enfans que l'on tient enfermés de ma-
nière à les priver d'air et d'exercice, à altérer
leurs fonctions digestives, et à faire passer leurs
alimens à une fermentation acide. La privation
d'un air convenable et d'exercice donne heu à
cette maladie chez les jeunes animaux auxquels
on ne peut supposer une disposition héréditaire
à une semblable affection. J'ai vu, dans une col-
lection de lapins apprivoisés et élevés dans un
endroit clos, un grand nombre de ces animaux
atteints d'ulcères scrofuleux de la plus mau-
vaise espèce, qui devenaient si dangereux, que
le propriétaire m'assura qu'il était impossible de
continuer à les propager pendant un certain
laps de tems, sans les renouveler, en introdui-
sant parmi eux des individus sauvages de la
même espèce. D'après ces principes, les scro-
124
fuies sont produits par un état particulier de
l'organisation qui nous donne l'espoir bien
fondé de faire disparaître cette maladie, par un
changement total dans la manière de vivre. On
y parviendra, en vivant dans un air pur et sec,
en usant d'alimens de facile digestion, pris en
quantité telle, que la digestion puisse s'en faire
aisément, et surtout en prenant autant d'exer-
cice en plein air, que les forces de la constitu-
tion peuvent le permettre. En persistant long-
tems dans l'emploi de ces moyens, sans avoir
égard au tems qu'il fait, on s'accoutumera gra-
duellement ( même les personnes de la constitu-
tion la plus délicate ) à supporter impunément
les vicissitudes de la température d'un climat
aussi variable que le nôtre.
On peut juger, d'après ces observations, com-
bien il est peu convenable de placer dans des
écoles, les enfans qu'on envoie sur les côtes de
la mer, dans l'intention d'éloigner d'eux quel-
ques vices de cette nature. On doit au contraire,
non-seulement leur permettre, mais les encou-
rager à rester presque toute la journée au grand
air; et en même tems leur esprit doit être libre
et entièrement exempt de toute espèce de gêne
et d'application.
Le docteur Hamilton de Lyn, a observé que
,
12o
le vice scrofuleux se trouvant très-répandu dans
le voisinage de ce port de mer, il ne peut croire
que l'eau et l'air de la mer soient des spécifiques
aussi infaillibles qu'on le dit contre cette ma-
ladie*.
Quoique la médecine ait quelques remèdes
spécifiques contre les maladies provenant de
certains virus, je ne pense pas que nous puis-
sions dans la véritable acception du mot, ap-
,
peler spécifiques les moyens qu'on peut employer
pour changer ou modifier un état particulier de
la constitution. On doit attribuerla fréquence des
maladies scrofuleuses que l'on observe à Lyn, à
l'humidité qui règne dans cette ville, et à sa si-
tuation dans un endroit bas, circonstances tou-
jours favorables au développement de cette ma-
ladie.
Si les enfans scrofuleux nés dans son voisi-
nage sont envoyés à Mulvern, ou dans tout
autre endroit où l'air soit pur, ils recouvrent
presque toujours la santé. L'air et l'eau de ces
lieux ne devront cependant pas être considérés
comme spécifiques des scrofules. Ce qu'il y a
de certain, c'est que le changement d'air amène
la guérison d'après les observations que jai été
,
*See Observations, on scrofulous affections, by Richard.
Hamilton, D. M. London, 1791.
126
à mênife de recueillir, de tumeurs scrofuleuses
&issotites d'ulcères scrofuleux guéris après un
j
séjour dans un lieu bien choisi sur la côte, et
après avoir pris les bains de mer, je puis assu-
rer que des scrofuleux habitant une grande
ville qui iront respirer l'air pur de la mer, et qui
feront en même tems usage des bains, prendront
les meilleurs moyens de donner à leur constitu-
tion dette force et cette vigueur nécessaire pour
Vaincre cette espèce d'action morbide du système
lymphatique.
Lorsque les scrofuleux vont prendre les bains
de mér, il arrive souvent que leurs ulcères
s^agrandissént et paraissent s'aggraver, quel-
que tems après leur arrivée sur la côte, et cet
état de leurs ulcères est probablement l'effet
d'une activité nouvelle des vaisseaux sanguins
,
qui change l'inflammation faible et languissante
particulière aux ulcères scrofuleux, en une in-
flammation active et salutaire, qui produit une
suppuration, qui déterge la surface et les bords
de la plaie ; lorsque la nature a complété ce tra-
vail l'ulcère, quoi qu'il se soit agrandi, se net-
,
toie et guérit généralement bien.
Les différens symptômes de la maladie scrofu-
leuse peuvent nécessiter quelques modifications
dans le mode de prendre les bains de mer,
12?
Lorsque les tttnieùrs Sont situées au côu, outre
les bains et l'eau de mer prise à l'intérieur, pour
l'usage desquels on trouvera des règles particu-
lières sous différens titres, il résultera toujours
un bon effet de tenir habituellement les glandes
couvertes d'un linge humecté d'eau de mer.
Quand la lèvre supérieure et les narines sont
très-gonfléeS, il faut les bassiner fréquemment
avec l'eau de nier.
Si l'affection scrofuleuse se manifeste par une
ulcération superficielle sur le cuir chevelu, on
doit le raser et le laver fréquemment avec une
épongé trempée dans l'eau de mer tiède. Les en-
fans atteints d'écrouelles ont souvent une très-
belle chevelure : quoiqu'on la regarde comme
un ornement, les parens qui consultent le bon-
heur de leurs enfans ne doivent point la laisser
trop longue ; car on observe que les enfans qui
ont de fort longs cheveux sont, en général, pâles
et livides.
Cette maladie se manifeste quelquefois par le
gonflement et la rougeur des paupières, accom-
pagnés de petits ulcères. Dans ce cas, l'efficacité
du bain sera augmentée si on tient les yeux ou-
verts tandis qu'on est sous l'eau. On éprouve
d'abord quelques difficultés ; mais, avec de là
persévérance, la pratique en devient facile,
128
Dans ce qu'on appelle vulgairement tumeurs
blanches des articulations, ou dans le gonflement
des os accompagné d'ulcères qui, lorsqu'il se
,
manifeste aux doigts ou aux orteils, prend le
nom de spina ventosa, la partie affectée doit
être constamment enveloppée de compresses
mouillées d'eau de mer, qu'il faut, aussitôt
qu'elles sont sèches, humecter au moyen d'une
éponge sans les ôter. Dans les tumeurs blanches,
on a trouvé que l'application de l'eau de mer au
moyen d'une pompe était avantageuse. L'utilité
de ce mode de l'employer a été supposée dépen-
dre de l'excitement, et de l'espèce de vibration
interne produite dans la tumeur par le choc du
jet d'eau.
Dans les affections scrofuleuses des articula-
tions l'amputation du membre ne produit ordi-
,
nairement aucun effet avantageux : la maladie se
développant presque toujours, peu de tems après
l'opération, dans une autre partie du corps ;
tandis que si les ulcères continuent à suppurer,
ou que l'articulation devienne roide, ankilosée,
le malade peut encore vivre pendant un certain
nombre d'années. J'ai dernièrement vu un jeune
homme de douze ans auquel on avait fait l'am-
putation de la cuisse pour le guérir d'une tumeur
blanche au genou ; l'amputation parut être faite
129
avec le plus grand succès,maïs en moins de trois
mois les vertèbres du dos devinrent malades et
occasionèrent la mort de ce jeune homme.
Lorsque les os sont tellement affectés par la
carie, que les ulcères ne peuvent se guérir sans
exfoliation, cette marche lente de la nature peut
être accélérée par des bains généraux et partiels
d'eau de mer.
Le docteur Russel a observé que la suppura-
tion des ulcères scrofuleux est augmentée les
jours où le malade se baigne, et diminuée lors-
qu'il prend l'eau de mer à l'intérieur comme
purgatif.
Lorsque les glandes mésentériques , à traverâ
lesquelles passent les vaisseaux absorbans des
intestins, deviennent le siège de l'affection scro-
fuleuse on le reconnaît à la tuméfaction de l'ab-
,
domen qui est dur au toucher ; à un appétit
,
généralement vorace, accompagné d'un grand
dépérissement qu'on nomme atrophie ou ma-
rasme. On doit rarement conseiller le bain dans
ce cas. On retirera plus d'avantages de l'usage
intérieur de l'eau de mer ; mais, lorsque la ma-
ladie est avancée, il est rare qu'on puisse la
guérir.
Les parens remarquent ordinairement un ac-
croissement d'appétit chez leurs enfans comme
9
130
une preuve d'amélioration dans leur santé. S'ils
S'aperçoivent que cet appétit insatiable est suivi
d'un plus grand développement de l'abdomen,
ils doivent alors se tenir sur leurs gardes.
J'ai été à même d'observer dernièrement
plusieurs cas de cette maladie, dont lés suites
fâcheuses ont été prévenues par un régime sé-
vère. Il faut, pour le faire observer, une réso-
lution ferme des parens, de résister aux plaintes
de leurs enfans, qui crient la faim. La conserva-
tion: dé ce qu'ils ont de plus cher dépend de
l'observation stricte du régime.
Le meilleur moyen de réussir à leur faire ob-
server le régime, est de le rendre simple et uni-
ferme. Il consisté en alimens qui ne soient pas
propres à exciter l'appétit ; dans l'espace de peu
de jours, la cessation des plaintes et dés lamen-
tations des enfans atteints de cette espèce d'af-
fection scrofuleuse encouragera les parens ju-
dicieux à persévérer. Dans cette maladie, les
purgatifs ne procurent qu'un soulagement mo-
mentané; on ne peut espérer de guérison qu'en
retranchant une partie des alimens que les ma-
lades désirent prendre.
Il n'est pas ici hors de propos de rapporter que
j'ai Vît dernièrement un cas, et j'en connais plu-
tfféufs autres, où des ulcères scrofuleux d'une
15Î
étendue considérable guérirent par l'usagé jour-
nalier dé deux cuillerées à soupe de suc récem-
ment exprimé du siutn hodiflorwn, mêlé avec
une égale quantité de lait. Ce remède ne produit
aûcùni effet sensible sur la constitution du sujet
qui en fait usage; il entretient seulement la li-
berté du ventre*.
Je cite l'opinion d'un homme respectable et
bon observateur, le docteur Mackensie, sur l'u-
tilité d'accoutumer les enfans dès leur premier
,
âge, à faire usage des bains de mer.
« Lé meilleur moyen de prévenir le ràchi-
» tisnlè,
les maladies scrofuleuses et les hernies,
»
maladies auxquelles sont sujets lès ênfàns dans
)> cette île, serait d'introduire l'usage de leur
j)
ploriger tout le corps chaque niatin dàns; l'èàù
w
froide, de les bien sécher, et de les habiller
)V immédiatement après leur sortie de l'eau. Ori

)> ne devrait cependant commencer cette pra-


i> tique que
quelques mois après leur naissance ;
» avant ce tems, la transition de la chaleur
w
du milieu dans lequel vivait le fétus, à l'ex-
)>
trême rigidité d'un bain d'eau froide, serait
)> trop prompte. »
Si Tenfant, en sortant du bain a chaud et A
,

* Ces faits ont besoin d'être vérifiés. ( Note du traducteur- )


132
l'air vif, cette immersion ne présente aucun
danger ; mais s'il reste frileux et pâle pendant
une grande partie de la journée, on devra sus-
pendre l'usage des bains pendant quelque tems,
et on en essaiera de nouveau l'usage lorsque les
enfans seront plus forts *.

* Si les bornes que je me suis prescrites me le permettaient, je


rapporterais un grand nombre d'observations, de guérisons de
maladies scrofuleuses, d'engorgemens des glandes du cou, du
mésentère (carreau), jusqu'alors rebelles, de vices de conformation
du tronc et des membres, opérées par les bains de mer , les dou-
ches , continués pendant plus ou moins long-tems.
Nous voyons, chaque année, de jeunes personnes faibles lym-
,
pathiques, parvenues à l'époque de la révolution de l'âge, éprou-
vant un commencement de déviation de la colonne épinière,
venir prendre les bains et respirer l'air de la mer. Lorsqu'elles y
mettent de la persévérance, qu'elles les prennent avec précaution
et que ces moyens sont secondés par un régime et des médica-
mens convenables, il est rare qu'elles n'obtiennent pas une gué-
rison radicale, si toutefois on les administre dans une période peu
avancée de la maladie. Lorsque les déviations sent considérables,
anciennes, les bains de mer sont alors insuffisans et ne peuvent
qu'aider les moyens mécaniques qu'on emploie avec tant de suc-
cès depuis quelques années, en développant et augmentant la
force musculaire et l'énergie de tous les organes, en activant la
circulation du sang. A mesure que les parties déviées reviennent
à leur état normal, on prévient le retour des déviations, et on
consolide leur guérison obtenue dans les établissemens orthopé-
diques.
Je pourrais rapporter des observations constatant la guérison de
plusieurs individus atteints d'un commencement de luxation spon-
tanée du fémur, dépendant du vice scrofuleux, et guéris par
l'usage, long-tems continué, des bains de mer, des douches,
secondés par un bon régime, le repos et les remèdes convenables.
( Note du traducteur. )
133
On suppose généralement que la maladie qu'on
appelle rachitis a commencé à se manifester en
Angleterre au commencement du seizième siècle.
Elle est maintenant sur son déclin. Il n'y a pas
à présent un aussi grand nombre d'enfans rachi-
tiques qu'il y en avait il y a vingt ans. Il serait
déplacé de rechercher ici les causes de l'appari-
tion de cette maladie et de son déclin ; mais,
lorsqu'il en paraît quelque symptôme, le bain de
mer a été considéré comme le ^meilleur moyen
d'éloigner la disposition qu'on peut avoir à cette
maladie *.
Les enfans sujets aux convulsions^retirent or-
dinairement beaucoup d'avantages de l'emploi
des bains d'eau de mer ou des bains froids. Dans
le premier période de la vie, les convulsions
viennent souvent à la suite d'une accumulation
de matières muqueuses dans les intestins, qui est
ordinairement accompagnée de vers. Avant de
commencer l'usage du bain, on doit nettoyer les
intestins des enfans en leur administrant soit un
purgatif mercuriel, soit l'eau de mer. L'expé-
rience du docteur Currie, sur l'utilité des bains
* Le rachitisme, qui a la plus grande affinité avec les scrofules,
qui présente les mêmes altérations dans le système lymphatique ,
est combattu souvent avec succès par les bains de mer , le régime
diététique et hygiénique auquel on soumet les scrofuleux. (Note
du traducteur. ) '
m
froids dans les maladies cqnvulsives, Ta porté à
conclure que ce remède agit avec beaucoup plus
d'efficacité lorsque le malade est plongé dans
l'eau froide au fort du paroxysme.
Lorsque la coqueluche est dégénérée en mala-
die chronique accompagnée de dépérissement du
corps, et d'une exacerbation de fièvre chaque
soir, on se guérit fréquemment en allant habiter
lejs bords de la mer ; et, lorsque le rhume cessé,
a
«on peut recourir avec avantage aux bains.
Les bains d'eau de mer guérissent l'épilepsie
lorsqu'elle paraît avant la puberté.
L'affection convujsive nommée danse de Saint-
fflpit a été guérie par les bains de mer combinés
avec l'usage intérieur de l'eau de mer. Plusieurs
observations de traitemens heureux de cette ma-
ladie par les moyens que nous venons d'indi-
quer sont rapportés dans YOEconomia naturoe in
morbis glandularum, du docteur Russel, et dans
le Traité des Maladies nerveuses, du docteur
Whytt, qui recommande les bains de mer comme
un excellentremède dans les affections nerveuses
en général.
Les bains d'eau de mer calment ordinaire-
ment les accès des affections hystériques; et les
personnes qui y sont sujettes supportent le choc
de l'immersion dans l'eau froide beaucoup mieux
133
que la susceptibilité apparente de leur sy&tgmé
ne semblerait le permettre. Le meilleur remède
pour cette espèce d'insensibilité produite par k.
respiration des vapeurs du charbon de bois, est
l'eau froide jetée subitement sur la face et le cou.'
Les bains d'eau de mer ont long-temsjoui d'une
grande célébrité pour la guérison de cette espèce
de maladie convulsive qu'on nomme hydrophor
bie. Mais l'expérience n'a pas déterminé d'une
manière assez décisive son efficacité, soit pour
prévenir, soit pour guérir cette affreuse maladie,
pour justifier l'omission du seul moyen préser-
vatif qu'on puisse employer, savoir l'excision
immédiate de la partie mordue, dans tous les cas
où cette opération est praticable..
Un grand nombre d'espèces de cette classe
nombreuse de maladies connues sous le nom
d'affections nerveuses se guérissent ou sont di-
,
minuées par les bains de mer.
Les palpitations du coeur, les indigestions,
les affections hypocondriaques ou l'abattement
de l'esprit, peuvent être considérées comme un
symptôme de débilité générale du système ner-
veux. Un symptôme fréquent et destructif, qui
accompagne ces maladies, est la privation du
sommeil, que le bain de mer rappelle générale-
ment.
136
Les céphalalgies nerveuses qu'on peut, en gé-
néral considérer comme un symptôme d'indi-
,
gestion, sont fréquemment guéries par le bain *.
On rapporte plusieurs cas de constipation opi-
niâtre du bas-ventre, qui avaient résisté à l'ac-
tion des remèdes internes les plus puissans qui
,
ont été guéris par une forte aspersion d'eau
froide sur le bas-ventre. L'engourdissement des
intestins parut cesser et leur action naturelle
,
être excitée par les sympathies particulières qui
existent entre les surfaces internes et externes du
corps. .J'ai vu plusieurs personnes qui avaient
observé qu'indépendamment de l'usage de l'eau
à l'intérieur, probablement pour un motif sem-
blable l'action de leurs intestins était plus régu-
,
lière pendant qu'elles faisaient usage du bain,
qu'en tout autre tems.
Les personnes d'une constitution délicate, qui
habitentles grandes villes, sont sujettes aune es-
pèce particulière de mal de gorge, qui est carac-
térisé par le relâchement de la luette et par le
gonflement des glandes situées dans l'intérieur
de la gorge. La rougeur de la face, une grande
indolence et une aversion pour tout exercice du

* J'ai recueilli plusieurs observations de guérisons de céphalal-


gies nerveuses, de différentes espèces de névralgies obtenues par
l'usage des bains de mer. ( Note du traducteur. )
137
corps, accompagnent ordinairement cette ma-
ladie. J'ai souvent remarqué qu'elle était pro-
duite par des inquiétudes d'esprit. Lorsque cette
maladie arrive aux personnes du sexe, elle est
quelquefois accompagnée d'une perte totale de
la voix, aphonie, qui se manifeste souvent tout
à coup. Plusieurs cas de cette maladie, qui sont
venus à ma connaissance, ont toujours été gué-
ris par une courte résidence sur les côtes et l'u-
sage des bains. En retournant à la ville, et repre-
nant leurs habitudes ordinaires, ces personnes
sont souvent sujettes aux rechutes. Speed, dans
son Commentarium de aqud marina, rapporte
deux cas de cette maladie guéris par l'usage
des bains de mer; et Floyer, dans son Histoire
des bains froids, en cite plusieurs exemples.
On prend quelquefois cette maladie pour une
affection vénérienne de la gorge ; et si le prati-
cien, imbu de cette idée, s'obstine à continuer
l'usage des spécifiques, il en peut résulter les
suites les plus sérieuses, et même les plus fatales,
puisque cette constitution, qui dispose à ces af-
fections de la gorge, est incapable de supporter
l'action du mercure. Plusieurs cas de pareils
traitemens erronés se sont terminés de la ma-
nière la plus funeste. J'avoue avec peine en avoir
vu un cas semblable, à une époque où la ma-
138
ladie était trop avancée pour qu'on pût y remé-
dier.
Un état maladif particulier du système, dans
lequel on retire communément un avantage mar-
qué des bains de mer, a été si bien décrit par le
docteur Saunders que je prendrai la liberté
,
d'employer ses propres expressions *.
« Il y a une espèce de fièvre lente et irrégu-
)>
lière, ou plutôt àefebricida, dans laquelle j'ai
w souvent retiré de grands avantages de l'emploi
)>
des bains froids. Cette maladie attaque or-
» dinairement les personnes
d'une constitution
» saine, mais qui mènent une vie sédentaire, qui
» ont en même tems
des occupations qui, en
» captivant
fortement leur attention, exigent un
)>
grand exercice de la pensée, et occasionent
» une espèce de malaise. Ces personnes ont cons-
» tamment le
pouls plutôt accéléré que naturel,
)>
les mains chaudes ; elles passent les nuits sans
» dormir ; leur appétit est diminué sans qu'il y
« ait aucun dérangement considérable
dans les
» organes digestifs. Ce
désordre peut continuer
» pendant long-tems, d'une manière irrégulière,
» «sans empêcher entièrement leurs occupations

* Traite des eaux minérales, des bains froids et chauds, par


Guillaume Saunders.
.139

v
ordinaires ; jl ΣS pend seulement plus gênantes
» et plus fatigantes, et conduit souvent à V-kjf-r
)>
poçondriacisme.
» Les personnes qui sont dans cet état sont
» sensiblement soulagées par l'usage des bains
» froids, et elles les supportent ordinairement
» bien. Il faudra, si on le peut, seconder leur
» effet en les éloignant de leurs affaires et de leurs
» méditations ordinaires ; ce qu'on obtiendra jsn
» les envoyant dans les endroits où l'on prend
))
les bains. »
Quoiqu'il soit imprudent d'employer les bains
froids dans les paralysies récentes, cependant,
quand les affections de cette espèce ont duré
quelque tems, quand toute affection partielle dé
la tête a cessé, et que la maladie est dégénérée
en une faiblesse chronique des parties affectées,
les malades paraissent toujours soulagés par l'u-
sage des bains de mer, qui semblent au moins
donner une vigueur momentanée à leurs mem-
bres débiles. Un praticien intelligent, qui habite
les côtes, m'a assuré qu'il avait vu des affections
paralytiques reparaître après l'usage des bains de
mer, et même des hémiplégies se changer en pa-
ralysies. C'est pourquoi les personnes qui ont eu
des attaques de paralysie ne doivent user de ce
remède qu'avec les plus grandes précautions ; je
140
crois cependant devoir ajouter que je n'ai jamais
été témoin d'aucun accident de cette nature.
Une transpiration trop abondante, accompa-
gnée d'un relâchement de la peau, se guérit
généralement par l'usage des bains de mer. Ce
relâchement de la surface cutanée est générale-
ment suivi d'un état de mollesse de la chevelure,
dans laquelle j'ai observé une grande altération
pendant l'usage des bains de mer. Les cheveux
des marins, qui se trouvent souvent mouillés
d'eau de mer, sont généralement durs et disposés
à friser. Cet effet dépend peut-être du même
principe que nous avons déjà indiqué, comme
produisant la contraction de la fibre animale
simple des êtres animés que l'on plonge subite-
ment dans l'eau froide.
On observe, en général, qu'un flux immodéré
des menstrues, et d'autres semblables écoule-
mens, sont maintenus dans leurs justes bornes
par l'usage des bains de mer. En fortifiant le sys-
tème en général, ils tendent à prévenir le dan-
ger de l'avortement chez les personnes qui, par
la délicatesse de leur constitution, y seraient ex-
posées. Quoique j'aie connu des dames qui al-
laient prendre les bains de mer dans tous les
tems de la grossesse, et que je n'aie jamais en-
tendu dire qu'il en soit résulté aucun accident,
141
il ne serait cependant pas prudent qu'une femme,
dans cette situation, commençât l'usage des bains
froids, auxquels elle n'aurait pas été accoutumée
auparavant *.
Il n'y a peut-être pas d'état du système où l'on
emploie les bains de mer comme remède, dans
lequel ils fassent plus de bien ou de mal que pen-
dant ce tems critique de la vie où la constitution
de la femme entre dans sa maturité. Le bonheur
et la santé du reste de la vie ne sont souvent que
trop influencés par une conduite inconsidérée à
cet important période de l'âge des femmes **.
Les jeunes personnes auxquelles l'usage du
bain de mer fait du bien, qui éprouvent un sen-
timent de chaleur et une augmentation de force
en sortant de l'eau, acquièrent ordinairement,
par son usage, une force et une vigueur de tem-
pérament telles, qu'il ne se dérange plus aisé-
ment après.
* L'impressionabilité des organes est tellement modifiée par l'ha-
bitude que les baigneuses enceintes, nourrices, ou ayant leurs
,
règles, peuvent impunément continuer leur service, rester cinq,
six, même huit heures chaque jour dans la mer, sans qu'elles en
éprouvent aucunes suites fâcheuses et que leur santé en soit nul-
lement dérangée. ( Note du traducteur. )
** Les bains de mer sont nuisibles dans les hémoragies actives,
mais lorsqu'elles sont devenues chroniques, qu'elles proviennent
d'une habitude organique morbide, leur usage, en fortifiant tout
le système, en répartissant plus également les forces vitales, fait
cesser fréquemment ces sortes de pertes. {Note du traducteur. )
142
Mais, pour les femmes d'ùn'é constitution plus
languissante et plus flegmatique, qui ont le pouls
faible, lé teint pâle, quelquefois un léger gonfle-
ment oedémateux des j ambes, le bain de mer leur
fait Souvent beaucoup de mal et augmenté leurs
^dispositions. Ce Sera sans douté une consolation
pour ces pèrsotines de savoir que ces indisposi-
tions Sont presque toujours gtiéries par l'ùsâgé
des bains d'éau de mer chauds ; et qu'apTès ceux-
ci les bains d'eaù de mer froids, employés d'a-
,
près dé bbiis avis suivis d'exercices, et aidés
, ,
s'il est nécessaire, de quelque remède convena-
ble', peuvent être employés avec beaucoup d'a-
vantagé pour fortifier leur tempérament *.
Lès fièvres intermittentes, après avoir duré
tres-ïoiig-teÈtis et résisté' à' tous les remèdes ordi-
naires ont été presque immédiatement arrêtées
,
par l'immersion dans le bain froid. Avant d'a-
voir recours à ce remède, il faut, autant que
possible, s'assurer qu'il n'y a point d'engorge-

* L'ûSagé de* bains de m'êr, secondé par un'bon régime, en


activant la' circulation' du sângf, en fortifiant tous lés organes
,
détermine souvent chez dé jèunés personnes, jusqu'alors languis-
santes et chld'rolïquès, l'écoulement menstruel bu lé fëtàbrisse-
jnëritj ïorsqHi'il'â été supprimé, si, tdùtefôis', cet ëta't n'estpas
Symptômatiqùéd'une autre maladie'.
On en obtient un grand succès d'ans la chlorose ôil pertes en
blanc. ( Noté dît iràduàtëùr. )
143
ment du foie, ni des autres viscères iiripor-
tans *.
Les inflammations chroniques des yeux, dans
i

lesquelles la rougeur des paupières ou de la cor-


née n'est point accompagnée d'une douleur ai-
guë, sont fréquemment guéries par l'emploi des
bains.
J'ai par devers moi l'exemple d'une fistule la-
crymale qui s'est guérie après l'usage des bains 1

d'ëau de mer pendant Une saison.


Nous avons déjà parlé de l'efficacité de ces
bains pour diminuer la susceptibilité aux affec-
tions catarrhales chez les personnes qui par ,<

leur Constitution, ont de la disposition' à con-


tracter ces espèces d'affections. Ce fut probable-
ment pour récompenser le médecin Antonius
Musa, qui, comme nous l'apprend Suétone,
guérit Auguste d'une espèce d'affection càtar-
rhâle (distillationibus ad desperationein redac—
tus), qu'on l'honora de l'anneau d'or de l'ordre
des chevaliers, et qu'on lui érigea une statué
dans le temple d'Esculape. Nous apprenons, par

* Nous voyons fréquemment à Boulogne des personnes venant


du Bengale ou d'autres pays chauds et marécageux, atteints depuis
plusieurs années de fièvres intermittentes rebelles qui avaient
résisté à un traitement méthodique long-tems continué, guérir
radicalement et eh peu dé tems, par l'usage des bains dé nier, éf
1

en respirant l'âirpùr et saïirfàirë des côtes,


144
le même auteur, qu'on accoutuma Auguste à se
baigner dans la mer pour fortifier ses nerfs (at
nervorum causa marinis utebatur*).
Les médecins de Rome paraissent avoir eu
une opinion très-favorable de l'utilité de l'appli-
cation de l'eau froide dans les différentes affec-
tions de la tête. Ils recommandaient à ceux qui
étaient sujets aux vertiges ou à toute autre affec-
tion de la tête, de l'exposer chaque jour à l'ac-
tion d'un courant d'eau très-froide. Capiti nihil
oeque prodest atque aqua frigida, dit Celse,
liv. I, parag. 4- H ajoute : Itaque is cui hoc
infirmum est, peroestatem id benè largo canali
quotidie débet aliquandiù subjicere, liv. I.
Le cas suivant donne non-seulement un exem-
ple d'une affection catarrhale invétérée, guérie
* M. Buchan me paraît être dans l'erreur relativement à la na-
ture de la maladie dont Antonius Musa guérit Auguste, et relati-
vement à l'époque à laquelle la statue de ce médecin fut érigée
dans le temple d'Esculape. J'ai consulté avec soin les historiens,
et je me suis assuré que l'anneau d'or a été donné à Ant. Musa,
que la statue lui a été érigée pour avoir guéri Auguste d'une ma-
ladie inquiétante, incertaine, d'une issue très-douteuse, anceps.
Trente ans après, Auguste eut des affections catarrhales que
Musa combattit avec succès par le moyen des bains froids ; mais il
paraît, d'après le témoignage de Suétone, que les bains qu'il
prenait étaient des bains de mer ; que ce prince se bornait à y
plonger alternativement les pieds et les mains, et qu'il attendait,
pour le faire, que l'eau fût échauffée par le soleil. Dion Cassius et
Suétone ne font mention d'aucune récompense accordée à A. Musa,
à la suite de cette guérison. {Note du traducteur.)
14s
par l'application de l'eau froide ; mais il est cu-
rieux en ce qu'il est tiré du premier des auteurs
modernes qui ait écrit sur les bains froids, et
dont l'ouvrage est maintenant difficile à se pro-
curer.
« Les bains de tête, pris dans l'eau froide,
)>
guérissent aussi les douleurs anciennes de cette
» partie, les fluxions et les catarrhes chroniques.
)>
Car si la tête est plongée dans l'eau froide en
,
j) arrière jusqu'au milieu de la protubérance oc-
» cipitale, et en, avant jusqu'au nez, de manière
si
cependant à ne pas gêner la respiration, l'ex-
)>
périence a souvent prouvé qu'en y restant pen-
)>
dant autant de tems qu'on en emploie à réciter
» le Pater, la douleur de tête s'est souvent guérie,
)> et les écoulemens se sont arrêtés. J'ai été con-
» firme dans mon opinion par l'expérience qu'on
)) a
faite de ce mode de traitement sur un cheva-
« lier anglais nommé sir Tobie Matheus, homme
O) d'une sagesse éminente, et jouissant de la con-

« fiance et de l'estime publique. Ce chevalier


)>
avait été tourmenté pendant vingt années d'une
» douleur insupportable à la tête, et avait au
)>
palais et au nez un écoulement continuel si
)>
abondant, qu'il ne sortait jamais sans avoir son
» mouchoir mouillé. Il fut si heureusement guéri
» de ces deux maladies, à la soixantième année

10
146
•»
de son âge, en baignant sa tête dans l'eau froide,
v qu'à l'âge
de soixante-dix ans, auquel il est
)}
maintenant parvenu, il n'en a éprouvé aucun
» ressentiment, et jouit d'une meilleure santé
)> que
jamais. Pour prévenir les rechutes, il se
» plonge chaque jour la tête dans l'eau froide,
w
même dans le coeur de l'hiver ; et il dit qu'il
)) reçut ce
conseil salutaire d'un seigneur anglais
» qui, ayant été lui-même tourmenté pendant
» long-tems de la même maladie, s'était guéri
}> par ce moyen, avait guéri plusieurs person-
)> nés et
rétabli entièrement leur santé, au grand
» étonnement de tout le monde *. »
Personne ne penserait à envoyer un homme
atteint de la phtisie pulmonaire prendre les bains
de mer. Cependant, si l'on fait attention qu'il
existe entre une espèce dephthisie pulmonaire et
l'état scrofuleux une connexion très-intime, et
.qu'en outre la délicatesse et la pâleur luisante de
la peau, qui sont les indices particuliers de la
disposition à la phthisie, peuvent être changées
par l'usage des bains d'eau salée continués pen-
dant quelque tems , on conviendra que cette
pratique, dirigée par un médecin prudent, peut

Dissertation médicale sur les vertus de l'eau froide, écrite en


*
latin par Hermand Vanderheyden, médecin à Gand, et publiée
en Angleterre en 1653.
être indiquée, avec quelque raison, pomme un
préservatif de cette trop fatale maladie.
J'ai reconnu que, dans l'asthme nerveux, l'em-
ploi des bains de mer ne procure aucun avan-
tage, sans cependant que son usage soit dange-
reux. Le docteur Brice, dans son Traité de
l'Asthme, en recommande l'usage pour pré-
venir le retour des accès.
Dans les premières périodes de la goutte
,
pendant que les accès reparaissent régulièrement
et que le malade jouit, dans les intervalles, de sa
santé ordinaire, on peut alors sans danger faire
usage des bains de mer, et en retirer même des
avantages, comme moyen propre à fortifier la
santé : cependant, affirmer que les bains de mer
ont la propriété d'empêcher les dispositions à la
goutte , de la prévenir, ou même de retarder le
retour d'un paroxysme, serait un paradoxe ab-
surde. Mais après que la constitution a été affai-
blie par des attaques réitérées et irrégulières de
cette maladie, si l'on se hasarde à faire usage des
bains froids ou des bains de mer, on ne le fait
qu'au péril de sa vie.
Les affections douloureuses des articulations,
accompagnées de gonflement, qui suivent fré-
quemment les attaques de rhumatisme, et qu'on
a quelquefois appelées rhumatismes chroniques,
148
se guérissent généralement par l'usage du bain ;
et le système, étant fortifié par cette pratique,
est moins exposé par la suite aux attaques de
cette maladie.
L'irritabilité et la faiblesse de la constitution,
qui sont fréquemment le résultat de l'usage du
mercure, sont plutôt guéries par l'air de la mer
et les bains, que par tout autre moyen que je
connaisse. On ne doit cependant pas en faire
usage immédiatement après avoir cessé le traite-
ment mercuriel.
L'application locale d'eau saturée de sel ou
d'eau de mer a , dans quelques circonstances ,
complètement réussi dans ces espèces d'excrois-
sances nommées loupes. On trouve un fait re-
marquable et bien connu , rapporté par un
homme digne de foi, qui en fut lui-même l'ob-
jet et qu'il fit insérer dans le Gentleman's
,
Magasine, pour répondre au désir d'un grand
nombre de personnes qui lui demandaient des
renseignemens sur les moyens qu'il avait em-
ployés pour obtenir sa guérison. En voici l'ex-
trait * :
CuisnoLME, Roxburghshire, 20 novembre 1799.

«J'avais une loupe d'une espèce stéatôma-


» teuse, d'un gros volume, sur le côté de la
* M. Urban, rédacteur.
149
» joue, devant et au dessous de l'oreille droite."
1

» Plusieurs personnes me conseillèrent d'y ap-


)>
pliquer de l'eau salée, comme moyen certain
» de la faire passer. Dans le courant d'août
»
1798, je fis bouillir dans une casserole, pen-
»
dant environ quatre minutes une certaine
,
» quantité de sel dans de l'eau, avec laquelle je
» baignai fréquemment toute la surface de la
» loupe , pendant qu'elle était chaude ; et je
»
l'employai ensuite froide, dix à douze fois par
» jour , ayant soin de la remuer chaque fois
» avant de l'appliquer, afin d'unir les particules
)>
salines au liquide. Le onzième jour de la pre-
» mière application, étant occupé à me raser, j'a-
« perçus un petit écoulement que j'aidai par une
» légère pression ; la tumeur se vida sans la
» moindre douleur et sans qu'il sortît de sang.
» Informé que quelques autres personnes avaient

» été guéries
de la même manière en employant
» le même moyen, et en ayant fait moi-même
»
l'expérience je crois qu'il est de mon devoir de
,
» le
rendre public, bien convaincu qu'il ne peut
» produire aucun mauvais effet. Je me crois aussi
»
obligé d'ajouter qu'on ne doit pas se découra-
» ger par la longueur du tems qu'il peut être

)>
nécessaire d'en continuer l'application ; car
P
chez quelques malades on a été obligé de répé-
ISO

»ter ces applications pendant trois où quatre


» mois : dans le dernier cas que j'ai vu, on l'a
» employé seulement trente jours, mais toujours
» sans douleur ni incommodité d'aucune espèce.

» WILLIAMS CHISHOLME. »

L'application répétée de l'eau salée paraît,


dans ce cas agir en enflammant la peau qui, à
,
la fin s'ulcère ; et la matière contenue dans lé
,
kyste est évacuée graduellement ; et en même
tèms que les bords se cicatrisent, la cavité s'obli-
tère. J'ai vu un exemple de loupe située entré
l'angle de la mâchoire et l'oreille, guérie par
l'application de l'eau imprégnée de sel. La sortie
de la matière contenue dans la tumeur, qui
suintait à travers plusieurs petites ouvertures qui
étaient très-près l'une de l'autre , n'eut lieu
qu'après qu'on eut continué régulièrement, pen-
dant plus de trois semaines, l'application de l'eau
salée. Quand les personnes atteintes d'une sem-
blable incommodité ont une peur insurmontable
de l'instrument tranchant, ou lorsque la situa-
tion particulière de la tumeur enkystée rendrait
le succès de l'opération douteux, le remède sim-
ple et aisé dont nous venons de parler mérite
qU'on en fasse l'essai.
L'expérience nous a prouvé que la proportion
ÎS1
des hommes parvenus à une très-grande vieil-
lesse a été bien plus grande parmi ceux qui sont
exposés au grand air et qui ont mené une vie
dure et laborieuse , que parmi ceux qui ont mené
une vie efféminée. L'homme le plus vieux de ces
tems modernes , Henry Jenkins, qui a vécu cent
soixante-neuf ans, était un pêcheur; il allait
souvent dans l'eau et se baignait dans les rivières
après sa centième année *. Quoiqu'on ne puisse
pas raisonnablement supposer qu'on peut accou-
tumer le corps à supporter sans danger de fré-
quentes et soudaines vicissitudes de température,
on peut cependant par là mettre la constitution
à même de résister, jusqu'à un certain point, à
quelques-uns des maux inhérens à la nature.
Nous n'avons peut-être pas de faits suffisans
pour prouver que la pratique du bain froid
conduit à la longévité. C'était cependant l'opi-
nion du sage Bacon. On trouve dans son His-
toire de la vie et de la mort l'aphorisme suivant
sur les moyens de parvenir à une longue vie :
Lauatio corporis infrigidd, bona ad longitu-
dinem vitoe **.

*Philosophical transactions, vol. XIX.


** Francisci Baconi, baronis de Verulamio, vice-comitis Sancti-
Àlbani, opéra. Pag. 43G, n° 11. Londini, 1638. i vol. ih-fol.
182

CHAPITRE V.
SUR QUELQUES MAUVAIS EFFETS DES BAINS DE MER.

Sous ce titre, je n'ai point l'intention déparier


de toutes les maladies et de tous les états particu-
liers de la constitution dans lesquels le bain n'est
ni utile ni nuisible, mais bien des maladies, ou
de ces dispositions aux maladies dans lesquelles
il a été reconnu par l'expérience que le bain de
mer est nuisible. Car je suis bien persuadé qu'an-
nuellement plusieurs personnes non-seulement
se font du mal en prenant imprudemment des
bains de mer, mais encore perdent du tems et de
l'argent qui, employés à propos, leur auraient
fait recouvrer leur santé, dans la recherche de
laquelle ils ont suivi une route erronée, par
manque de bons conseils.
On doit admettre, comme règle générale, que
lorsque les bains de mer occasionent des maux
de tête et cet état de faiblesse et de langueur
auxquels sont le plus sujets les personnes d'une
complexion blême, et qui ont les chairs molles,
1S5
l'usage de ces bains ne peut produire d'effets
salutaires.
Le bain froid est nuisible dans toutes les ma-
ladies fébriles, compliquées d'inflammation lo-
cale. Dans cet état de faiblesse et de langueur de
la constitution, dans lequel l'usage des bains
froids a été trouvé éminemment utile, ses effets
avantageux paraissent, en grande partie, dé-
pendre de l'augmentation d'énergie des fonctions
vitales et de ce qu'il produit une tendance gé-
,
nérale à l'état inflammatoire; mais s'il y a déjà
une trop forte action, tout moyen qui tendrait à
augmenter la vigueur de la constitution doit être
soigneusement évité. Si la conduite inconsidérée
des personnes affectées de différentes maladies ne
nous prouvait pas journellement qu'il n'y a au-
cune sorte d'imprudence dont les malades ne
soient capables il serait inutile de les avertir
,
qu'elles ne doivent point faire usage de bain
froid lorsqu'il existe des symptômes de pleuré-
sie, de péripneumonie, d'inflammation du foie
ou des intestins.
Dans presque tous les traités que j'ai lus sur
cette matière, le bain de mer est recommandé
pour certaines maladies de la peau ; cette opinion
paraît plutôt fondée sur la théorie que sur l'ex-
périence. On regardait, il y a soixante ans, toute
loi
espèce d'affection de la peau comme scorbutique;
et de l'idée générale qu'on avait que l'eau de mer
est un spécifique pour toutes les maladies scor-
butiques *, on supposa qu'elle devait être utile
dans toutes les maladies èruptivès. Peut-être
aussi une trop grande déférence aU jugement
d'Hippocrate, qui recommande l'eau de mer
dans la gale accompagnée d'écoulemens acres
,
à-t-ellé, à cette époque, influencé l'opinion des
hommes de l'art : Aqua marina his quiprurigi-
hem sentiuht, et qui ab acribus humoribus velli-
cantur, tum balneo, tùmfotu calida prodest **.
Mais on doit observer que le père de la médecine
se bornait à recommander l'usage des bains
chauds, ou les fomentations d'eau de mer.
L'immersion dans la mer fait souvent reparaî-
tre cette espèce d'inflammation cutanée appelée
érysipèle ou feu de saint Antoine, chez ceux qui
en avaient auparavant souffert quelques attein-
tes. Speel rapporte deux exemples du retour de
cette maladie après l'usage du bain de mer. L'une

* Voyez l'Essai sur le Scorbut de mer, dans lequel on propose


l'eau de mer en boisson comme une méthode aisée de guérir cette
maladie à là mer; par Antoine Addinglon docteur en médecine.
,
1753.
** De liquidorum usu. Hippocratis opéra, edente Foesio. 1 vol.
in-fol. Francofurti, 1620. Sect. iv, pag. 426.
m
dès personnes qUi en est l'objet hé voulant pàâ
j
croire d'abord que le retour du mal était occâ-
sioné par l'immersion dans la mer ^ répéta l'ex-
périence trois fois, et à chaque fois l'érùptiôn
réparut. Ceux qui, par leur constitution, sont
exposés aux affections érysipélateuses, doivent
s'abstenir des bains d'eau de mer.
Autant que mon expérience m'a permis d'en
juger, les malades atteints d'affections cutanées
ne retirent non-seulement aucun avantage des
bains d'eau de mer, mais, en général, s'en trou-
vent plus mal. Cependant comme plusieurs
,
personnes attaquées de maladies de la peau, Se
rendent, soit de leur propre mouvement, soit
d'après l'avis des autres dans les lieux où l'on
,
prend les bains, je n'ai négligé aucune occasion
de prendre des éclaircissemens auprès de celles
qui, par leur état, pouvaient m'en donner sur
ce sujet ; et quoique quelques-unes m'eussent
dit que le bain de mer doit être utile dans les
maladies éruptiyes, parce qu'il les fait sortir
(c'est-à-dire les augmente), je n'ai trouvé au-
cune bonne raison pour changer d'opinion.
Il y a une maladie éruptive qui paraît fré-
quemment aux jambes, et quelquefois au dos dés
mains accompagnée de suppuration, à laquelle
,
on donne le nom d'affection scorbutique. Les
186
personnes atteintes de ce mal vont souvent habi-
ter le voisinage de la mer, dans l'espoir d'obtenir
leur guérison de l'usage interne ou externe des
eaux de mer. Mais , dans tous les cas que j'ai eu
occasion d'observer le mal a toujours été aug-
,
menté par l'usage du bain ; l'éruption s'est élar-
gie et la suppuration a augmenté.
,
Cette maladie étant très-fréquente, et souvent
très-difficile à guérir je me vois obligé de dire
,
quelque chose sur le mode de traitement que j'ai
souvent employé avec succès. Après que la
jambe aura été fomentée avec une infusion de
son, à un degré de chaleur modérée , il faudra ,
au moyen d'une plume trempée dans un lini-
ment composé de parties égales d'eau de chaux
et d'huile de lin nouvelle, enduire légèrement
toute la partie malade. Ce pansement doit être
répété deux fois chaque jour. Il ne faut embar-
rasser le membre d'aucun bandage, et on ne
doit le couvrir que d'un tissu de fil très-léger.
En suivant ce traitement, j'ai vu plusieurs de
ces maladies éruptives très-bien guéries.
Les ulcères des jambes, dont il y a différentes
espèces et qui exigent des traitemens différen s,
,
sont, je crois, sans exception, irrités, par le con-
tact de l'eau de mer.
Les ulcères scrofuleux, dont l'état s'améliore
187
d'une manière si prompte par l'effet général des
bains de mer, seront mis à l'abri du contact im-
médiat de l'eau, en les recouvrant de soie huilée
pendant tout le tems de l'immersion.
Pendant l'usage des bains de mer, quelques
personnes du sexe s'aperçoivent que le bas de
leurs jambes s'enfle un peu le soir, et conserve
l'impression des doigts ; ce qui paraît être pro-
duit par une torpeur momentanée des vaisseaux
absorbans de ces extrémités occasionée par la
,
fraîcheur du bain ; et chez quelques-unes, pro-
bablement parce qu'elles font plus d'exercice
pendant leur résidence dans le voisinage de la
mer, qu'elles n'en font habituellement chez
elles. Ces légères apparences oedémateuses se
dissipent généralementbientôt après qu'elles ont
repris leur genre de vie ordinaire, et on peut
toujours les faire disparaître en prenant quel-
ques bains chauds. Cet effet, dont le docteur
Darwin a le premier parlé, a été, depuis, mieux
développé par le docteur Reid, dans ses conseils
sur les bains de mer.
Lorsqu'on éprouve des symptômes de con-
somption pulmonaire, on ne doit point se hasar-
der à prendre des bains de mer ; car, d'après ce
que j'ai eu occasion d'observer, je suis convaincu
que la seule respiration de l'air de la mer accé-
188
Jère la terminaison fatale de cette maladie, lors?
qu'elle est entièrement confirmée.
Il y a un état particulier de la constitution, ca-
ractérisé par une irritabilité générale, des indi-
gestions des borborygmes, souvent avec la lan-
,
gue chargée et le blanc des yeux jaunâtre. Ces
symptômes, qu'il est d'usage d'appeler bilieux,
si cette expression, appliquée à un état général
de santé, peut être reçue, ne sont en effet que le
résultat de l'usage habituel de mets succulens et
fort assaisonnés, et de la boisson des liqueurs
fermentées et spiritueuses : on ne peut les faire
disparaître que par la tempérance, l'exercice et
des évacuations régulières. Quoique les person-
nes qui se trouvent dans cet état paraissent jouir
d'une bonne santé, elles sont réellement dans
une situation qui approche beaucoup de l'état
jtnaladif; et l'on ne doit pas alors exposer le sys-
tème à une impression violente, telle que celle
que produit l'immersion dans le bain froid ; ou,
si l'on se détermine à aller à la mer, on doit d'a-
bord avoir soin de diminuer la quantité des
fluides en circulation par l'application des ven-
to.uses.
Les physiologistes ont reconnu que les vais-
seaux sanguins, nommés artères , sont propor-
tiftmjeUement plus nombreux que les veines j
*S9
mais qu'après que le corps a atteint toute sa
force, les artères les plus petites s'oblitèrent,
tandis que les parois des veines se dilatent et
donnent lieu à ce qu'on appelle la pléthore vei-
neuse. L'approche graduelle de cette révolution
dans l'économie animale, se manifeste par l'aug-
mentation de volume des veines cutanées, qui
se fait apercevoir à mesure qu'on avance en âge.
Celles des jambes deviennentfréquemment varir
queuses ; la tête est affectée d'une manière parti-
culière; la circulation dans le cerveau devient
lente occasione un sentiment de plénitude
,
dans la tête, et les parois des veines distendues
sont susceptibles de céder à la plus légère aug--
mentation de pression du fluide qu'elles contien-
nent. Dans cet état du corps, le passage momen-
tané du sang dans la tête, qui s'y porte toujours
jusqu'à un certain point lorsqu'on se plonge dans
l'eau froide, peut avoir les conséquences les plus
sérieuses.
En général, on doit considérer le bain de mer
comme un remède beaucoup plus convenable à
la jeunesse qu'aux personnes d'un âge avancé.
Celles qui ont été accoutumées dès l'enfance à
faire usage des bains froids, peuvent les conti-
nuer pendant toute leur vie ; et ils en pourront
peut-être même retirer de l'avantage. Mais les
léo
personnes d'un certain âge doivent prendre les
plus grandes précautions avant de commencer
l'usage des bains froids. On doit déterminer l'u-
tilité probable du bain par ses effets immédiats.
Si la constitution a été tellement affaiblie qu'elle
soit incapable de cette réaction qui procure une
chaleur salutaire à la surface du corps après
l'immersion, on ne doit point persister à faire
usage des bains.
Un exercice auquel on n'est pas accoutumé,
pris en plein air sur la côte pendant le tems
qu'on y réside en augmentant la transpiration
,
insensible, compense l'augmentation d'alimens
que le grand appétit qu'on y acquiert engage à
prendre, et prévient les effets dangereux que
produirait la pléthore. Mais en reprenant un
genre de vie comparativement inactif, et même
sédentaire, et en persistant à user d'une nourri-
ture aussi abondante, il peut en résulter les con-
séquences les plus désagréables. J'ai vu des per-
sonnes qui, revenant à la ville après avoir ré-
sidé quelques semaines sur la côte, se plaignaient
d'éprouver un sentiment de pesanteur à la tête ;
symptôme que la nature, principalement dans
les premières périodes de la vie, tend quelquefois
à diminuer par un copieux saignement de nez.
De là l'on peut conclure combien il est utile de
161
continuer à prendre de l'exercice en plein ail-
pendant quelque tems, après avoir quitté les
côtes. Les personnes qui seraient à portée de
prendre chaque semaine un ou deux bains dans
une rivière, ou dans l'eau froide , accoutume-
raient peu à peu leur constitution à se passer des
bains d'eau de mer. Celles qui, par des circons-
tances particulières, ne peuvent suivre ce con-
seil doivent bien prendre garde de se livrer trop
,
à l'appétit que procure l'augmentation de santé
qu'on acquiert fréquemment en habitant mo-
mentanément les côtes.

»
162

CHAPITRE VI.
DE L'EAU DE MER FRISE INTÉRIEUREMENT.

La quantité de sel contenue dans l'eau de mer


varie suivant les différentes latitudes. La mer est
moins salée dans les régions froides, près des
pôles, qu'elle ne l'est vers l'équateur. La diffé-
rence dans la quantité de sel contenue dans les
différentes parties de l'Océan paraît dépendre du
degré plus ou moins grand d'évaporation. L'ac-
tion du soleil, qui est vertical, rend l'évapora-
tion plus grande sous la ligne; une grande partie
des vapeurs qui se dirigent vers le pôle et qui se
convertissent en pluie tendent, en quelque
,
sorte, à affaiblir les eaux de l'Océan, à les ren-
dre moins salées. Tel est l'arrangement et l'ordre
de la nature, que le sel paraissant mêlé avec les
eaux de la mer pour empêcher leur putréfac-
tion il se trouve en plus grande quantité là où
,
la chaleur est la plus grande et où, par cette
,
raison, il y a le plus grand danger de putréfac-
tion. Dans le nord de la Baltique, une livre d'eau
de mer contient à peine deux gros de sel; sur les
163
côtes de la Grande-Bretagne elle en contient
près d'une once; dans la Méditerranée, deux
onces; et dans l'Océan Atlantique, sous la ligne,
elle en contient près de trois *.
Le savant chimiste M. Accum m'a dernière-
ment fait le plaisir de me remettre une note con-
tenant le résultat de l'analyse de l'eau de mer ,
puisée dans les endroits de la côte où l'on se rend
pour y prendre les bains de mer.
Une pinte ou 28,875 pouces cubes d'eau de
mer, puisée sur le rivage à Brighthelmstone,
contient :
gr.
Muriate de soude DU sel marin 228,75
Muriate de magnésie 58,25
Sulfate de chaux 8,50
Muriate de chaux 5,00
Matières extractives végétales et animales. 6,50
. . .
307,00
Une égale quantité d'eau, puisée sur le rivage
devant Marguete les vents soufflant depuis
,
quelque tems de la partie de l'ouest, conte-
nait :
Muriate de soude 230,25
Muriate de magnésie 60,00
Sulfate de chaux 8,00
Muriate de chaux 3,75
Matières extractives végétales et animales. . . .
8.00
310,00

* Voyez les Ele'mens de Chimie du docteur Black, article Sel


commun,
164
La même quantité d'eau, puisée sur le rivage
devant Ramsgate, les vents soufflant de l'est,
contenait :

Muriate de soude 231,76


Muriate de magnésie 59,00
Sulfate de chaux 6,00
Muriate de chaux 1,50
Matières extractives végétales et animales. 10,50
. . .
•308,75

La conformité de ces analyses nous prouve le


soin qu'on a mis à les faire ; elle nous prouve
également qu'il y a peu de différence dans la
quantité des matières salines contenues dans
l'eau de mer puisée près du rivage ; mais qu'en
pleine mer et à une certaine distance de la côte,
l'eau est presque entièrement exempte de ce mé-
lange de matières végétales et animales en état
,
de putréfaction, qui contribue à lui donner ce
goût nauséabonde; car l'eau de mer, puisée à
une profondeur de 6o brasses , à dix-huit lieues
de terre, dans le canal d'Irlande, a été trouvée
par le même chimiste contenir :
Muriate de soude 189,25
Muriate de magnésie 60,75
Sulfate de chaux 12,00
Muriate de chaux 3,25
Matières extractives végétales et animales. . . . 2,00

267,25
168
Et l'eau puisée à 65 brasses , à cinq lieues du
rivage de Margatte, contenait la même propor-
tion de matières salines, et à peine y trouvait-on
une quantité appréciable de matières végétales
et animales en état de putréfaction.
Le goût amer de l'eau de mer est principale-
ment dû au muriate de magnésie, et c'est à ce
sel qu'on doit attribuer son action comme pur-
gatif actif.
La soif intense qu'on éprouve après avoir bu
de l'eau de mer, dépend de la même cause; car
le pur muriate de soude cristallisé, ou le sel ma-
rin dissous dans une égale quantité d'eau, n'est
point aussi désagréable, et n'excite pas une soif
aussi intense. La connaissance de ce fait explique
la raison de cette soif continuelle dont quelques
personnes ont à souffrir pendant tout le tems de
leur résidence sur les côtes, soifqu'elles n'éprou-
vent pas ailleurs, et qu'on attribue quelquefois à
la respiration de l'air de la mer, mais que je crois
produite par l'emploi que font, de l'eau de mer,
quelques boulangers qui, ignorant ses divers ef-
fets, s'en servent par économie pour faire le
pain, au lieu d'eau douce dans laquelle on fait
dissoudre le sel commun cristallisé.
Le sel marin est une matière agréable au goût
de l'homme, aussi bien qu'à celui des animaux ;
166
peut-être même est-il nécessaire à la conserva-
tion de leur existence : la grande quantité de
cette substance trouvée dans un état fossile dans
différentes parties du monde, aussi bien que
l'immense quantité qu'en contient l'Océan, est
une grande preuve de son utilité. On sait que
l'usage du sel guérit la clavelée des moutons ; et
tout le monde doit avoir remarqué l'air d'em-
bonpoint et de santé des bestiaux du voisinage
de la mer, qui nécessairement prennent plus de
sel avec leurs fourrages qu'en tout autre lieu.
Les animaux qui se nourrissent de fourrages et
de grains aiment le sel, et son usage paraît être
utile à leur santé. Dans les parties intérieures de
l'Amérique, les animaux sauvages viennent en
grand nombre aux endroits où ils peuvent lécher
le sel, ou boire l'eau de mer. On se sert souvent
de sel, comme d'un appât, pour prendre les
derniers ; et si l'on offre du sel à un cheval sau-
vage, dans les forêts de l'Amérique, il approche
plutôt que si on lui offrait du grain. On dit que
le sel est un poison pour les animaux purement
carnivores ; mais comme l'homme, par sa struc-
ture générale et par ses habitudes, approche
plus de la classe des animaux granivores que
des carnivores, le sel peut non-seulement être
considéré comme un assaisonnement agréable,
16*
mais aussi comme un assaisonnement qui lui est
utile.
Le sel pris avec modération, comme partie du
régime, excite une action régulière et salutaire
des intestins, agit comme un léger stimulus sur
les vaisseaux absorbans, et tend à produire une
transpiration facile. Les personnes qui, par ca-
price ou pour faire des expériences, s'abstien-
nent totalement de l'usage du sel, ont générale-
ment la peau collante; leur transpiration a une
odeur acide ou fétide. J'ai souvent guéri des
inappétences, des indigestions et d'autres légers
désordres de l'estomac et du canal intestinal, en
conseillant d'augmenter un peu la quantité de
sel dont on faisait usage dans les alimens.
Lorsque l'on prend Teau de mer comme ca-
thartique actif, l'usage général est d'en boire, en
deux fois, environ une pinte le matin avant dé-
jeuner, en mettant une demi-heure ou une
heure d'intervalle entre chaque prise. Quand,
cependant, cette quantité ne passe pas promp-
tement, elle échauffe, dérange et irrite le sys-
tème pour tout le jour. Il serait préférable d'en
boire en se couchant une demi-pinte, et le len-
demain matin une autre demi-pinte, dans cha-
cune desquelles on aurait mis une quantité suffi-
sante d'eau bouillante pour la rendre tiède. L'eaù
168
de mer prise de cette manière, ainsi que j'en ai
fait l'expérience, n'apportera aucun dérange-
ment pendant la nuit, et produira toujours l'effet
qu'on en attend, sans occasioner l'altération qui
en résulterait si on prenait toute la dose à la
fois.
Une dose d'eau de mer prise comme purgatif
par des personnes en bonne santé, de la manière
que nous venons de l'indiquer, est très-utile
avant l'usage des bains, puisqu'en opérant comme
les autres purgatifs salins, elle rafraîchit le corps
et lui donne de l'activité. Mais comme l'effet d'un
purgatif diminue toujours la vigueur générale
du système, ce serait mal à propos qu'on se bai-
gnerait le même jour qu'on en a fait usage à
l'intérieur. Cette précaution est cependant trop
souvent négligée.
L'eau de mer est un purgatif qui n'est pas
convenable à tous les tempéramens. Quand les
intestins sont chargés de matières muqueuses,
elle est très-utile, et son usage rend souvent la
santé et l'appétit ; mais chez les personnes d'une
constitution irritable, étique et bilieuse, elle
échauffe le corps, et donne quelquefois lieu à des
maladies sérieuses et de longue durée des organes
de la digestion. Quand on sait d'avance que les
purgatifs ne conviennent point au tempérament,
169
on ne doit pas s'exposer à faire usage de l'eau dé
mer à l'intérieur.
Quand l'eau ne passe pas aisément, on peut
en aider l'effet en y ajoutant un ou deux gros de
magnésie blanche, ou quelques tasses d'infusion
de séné. Ceux qui craignent qu'elle ne reste dans
les intestins peuvent prévenir cet inconvénient
en prenant une cuillerée d'huile de castor ou de
teinture de rhubarbe, avant de se coucher et
avant de faire usage de l'eau de mer.
La soif qu'occasione l'eau de mer fait désirer
l'instant de prendre le thé; il vaudrait cepen-
dant mieux différer jusqu'à ce que l'eau de mer
eût fait son effet, et obvier à l'altération par
quelque boisson mucilagineuse, telle que l'eau
d'orge, l'eau de riz, etc., ou, ce qui vaudrait
encore mieux, une légère infusion de tamarins.
L'eau de mer, ainsi que tous les autres purga-
tifs dérange momentanément les organes de la
,
digestion. Si l'on prend trop tôt le déjeuner habi-
tuel composé de thé, de pain et de beurre, la
,
digestion ne se fait point, et les différens ingré-
diens qui le composent se séparent ; la partie hui-
leuse nageant à l'orifice de l'estomac, irrite l'o-
rifice cardiaque, et cause cette espèce de sensa-
tion désagréable qu'on nomme aigreur. On peut
éviter cette sensation en faisant dissoudre dans la
170
bouche un peu de gomme arabique, qui, pen-
dant qu'elle se répand graduellement dans l'es-
tomac , réunit les parties aqueuses et oléagineu-
ses des alimens.
Les personnes qui ne sont point atteintes d'une
maladie qui requiert l'usage intérieur de l'eau
de mer, ne doivent l'employer, comme purga-
tif, que tous les huit ou dix jours. On doit en-
core observer que l'usage de l'eau de mer n'est
jamais suivi de constipation, mais qu'il produit
au contraire une augmentation d'activité dans le
canal intestinal, qui continue pendant plusieurs
jours.
L'eau de mer prise en petite quantité produit
fréquemment, comme altérant, des effets salu-
taires. Un verre pris chaque soir avant de se
coucher, agit rarement comme purgatif, et
n'occasione point d'altération ; mais en tenant le
corps libre, il augmente l'appétit, facilite les
digestions, et améliore généralement la santé,
particulièrement celle de ceux qui sont d'un tem-
pérament flegmatique.
L'eau de mer, prise de cette manière pendant
un certain tems, sera toujours, ainsi que je l'ai
expérimenté, un remède spécifique pour ceux
qui sont atteints de vers ascarides.
Le fucus palmatus, nommé dulse dans le
Nord, est un remède très-efficace contre les vers,"'
surtout chez les enfans. Cette plante a de petites
feuilles tendres, à bords irréguliers, d'une cou-
leur brune ; elle croît sur les rochers qui se dé-
couvrent à basse mer : séchée et réduite en pou-
dre, on en peut donner une cuillerée dans du
miel ou dans une gelée, une ou deux fois par
jour. Ce remède peut être administré avec bien
de l'avantage, et sans exposer les malades aux
dangers des remèdes secrets qu'on publie jour-
nellement pour l'expulsion des vers ; quelques
personnes mangent de ce fucus avec du pain et
du beurre pour exciter l'appétit. Une décoction
de cette plante purge sans produire de coliques.
En Chine, le peuple mange comme alimens plu-
sieurs espèces de fucus et d'algues; on les met
tremper dans de l'eau fraîche, où ils se ramollis-
sent et se gonflent, puis on les fait bouillir jus-
qu'à ce qu'ils deviennent tendres, afin d'en faire
des soupes. Nos côtes produisent une variété
prodigieuse de ces plantes ; on ne fait usage que
du laver. Les préjugés, ou peut-être le défaut
d'habitude, comme l'observe M. Barrow, nous
empêchent d'user de ces végétaux nourrissans,
ainsi que le font les Chinois.
Dans un cas de fistule à l'anus que j'ai eu oc-
casion d'observer, cette maladie fut très-amého-
172
rée par l'administration d'un petit verre d'eau de
mer matin et soir pendant quelques semaines ; et
il est à présumer qu'une guérison complète au-
rait pu s'ensuivre, si la situation du malade lui
eût permis de continuer l'usage de ce remède
concurremment avec les bains pendant un plus
long espace de tems.
Cette manière d'employer l'eau de mer comme
altérant, est préférable à de forts purgatifs don-
nés de tems en tems, lorsqu'il s'agit de combat-
tre des affections scrofuleuses dans lesquelles l'u-
sage interne de l'eau de mer a été trouvé très-
utile, par le léger degré d'excitement qu'elle
imprime aux vaisseaux absorbans et à leurs
glandes. Cette méthode a, en outre, l'avantage
de ne point interrompre l'usage des bains.
Si l'on peut engager les enfans à prendre l'eau
de mer à l'intérieur ce à quoi l'on réussit quel-
,
quefois en la mêlant avec du lait, on parvient à
leur faire rendre des vers s'ils en ont, et à éloi-
gner la disposition particulière des intestins à
sécréter cette matière glaireuse dans laquelle ces
animaux prennent naissance. Il y a une espèce
de coraline très-commune sur les côtes de la
Méditerranée, dont les pores sont remplis de
matières salines cristallisées que l'on regarde
comme un très-bon vermifuge sur une grande
175
partie du continent. Sa vertu médicinale dépend
probablement du sel, quoiqu'il n'y ait aucun
doute qu'on ne doive attribuer quelque effica-
cité à l'action mécanique des parties dures du
corail. Le docteur Russel, dans son JEconomia
naturoe, recommande une médecine composée
de ce qu'il appelle pierre-ponce, triturée avec
du sel marin, qui agit probablement comme
purgatif, et qui est très-utile dans le cas où les
intestins sont embarrassés par des matières pi-
tuiteuses.
On peut continuer pendant long-tems l'usage
intérieur de l'eau de mer, prise chaque jour en
petite quantité, sans débiliter le corps ou sans
nuire en aucune manière au tempérament. J'ai,
au contraire, vu plusieurs personnes qui, en en
faisant usage, ont acquis de l'embonpoint et de
la vigueur.
Les différentes affections cutanées que le bain
de mer irrite, sont guéries par l'usage intérieur
de l'eau de mer.
Le docteur Russel rapporte l'observation
d'une jaunisse tenace, guérie par l'usage interne
de l'eau de mer combinée avec le savon.
On a remarqué que l'eau de mer est un excel-
lent purgatif dans les affections paralytiques.
Le docteur Speed, dans l'ouvrage dont nous
174
avons déjà parlé, rapporte l'observation d'un
vieillard qui, après avoir été tourmenté pendant
quarante années de douleurs néphrétiques, fut
rendu à la santé en buvant de l'eau salée, qui lui
fit rendre une quantité considérable de graviers
et de particules sablonneuses qui venaient des
reins.
Dans l'atrophie des enfans, que l'on a décrite
comme provenant de l'obstruction scrofuleuse
des glandes mésentériques, l'usage de l'eau de
mer prise comme altérant a souvent produit les
meilleurs effets, en faisant évacuer le flegme
visqueux qui enduit les intestins, et en excitant
l'action des vaisseaux absorbans. Mais si la ma-
ladie a atteint cette période où elle est accompa-
gnée de la fièvre hectique , il ne convient plus
de faire usage de l'eau de mer à l'intérieur.
L'eau de mer prise à une grande distance de
la terre, et à quelques pieds au dessous de sa
surface, quoique très-salée, n'a point ce goût
nauséabond qu'elle a lorsqu'on la prend près du
rivage. Ce goût désagréable de l'eau de mer dé-
pend, en grande partie, de la présence de dif-
férentes matières animales et végétales putres-
cibles contenues dans l'Océan, qui se gonflent
lorsqu'elles commencent à entrer en putréfac-
tion', et s'élèvent à sa surface. Il est important
/
173
que les personnes qui prennent l'eau de mer à
l'intérieur, comme médicament, la fassent pui-
ser aussi loin que possible du rivage, et à une
grande profondeur. L'eau de mer, mise dans
des vaisseaux clos devient en peu de tems très-
,
putride et le gaz qui s'en sépare est extrême-
,
ment fétide ; il peut même devenir délétère si
l'on en reçoit tout à coup une grande quantité
dans la bouche et les narines.
On ne retire pas les effets salutaires qu'on pour-
rait attendre de l'usage intérieur de l'eau de
mer, si l'on n'a point l'attention de suivre le
mode convenable pour les obtenir. Etant à Wor-
ting, je pris un jour la quantité d'eau que je
savais, par expérience, convenir à mon tempé-
rament, sans qu'elle produisît d'autre effet que
de m'occasioner de la soif et un sentiment de
pesanteur dans l'estomac. Je fus bientôt en état
d'expliquer cette circonstance, en observant que
l'eau de mer qu'on m'avait apportée pour boire
avait été puisée sur le bord de la mer à l'instant
de la pleine mer. Le terrain élevé des environs
de Worting est formé d'une couche considérable
de pierres calcaires, sur un fond de glaise bleue
qu'on aperçoit aux limites de la haute mer, où
finissent les masses de pierres calcaires. A quel-
que distance dans les terres, où le pays est plus
176
élevé, les puits sont proportionnémènt plus pro-
fonds ; la pluie et la rosée filtrent à travers les
pores et interstices de la craie, et ne sont arrê-
tées que lorsqu'elles arrivent à la couche de
glaise bleue, à la surface de laquelle les puits doi-
vent nécessairement s'asseoir. Mais l'eau douce,
qui filtre continuellement et en grande quantité
entre les parties crayeuses et les bleues, qui
finissent près les bords de la mer, étant plus lé-
gère que l'eau salée, nage à la surface de la mer,
et diminue considérablement la quantité de ma-
tières salines qu'elle contient, ainsi que je m'en
suis assuré en faisant évaporer une certaine
quantité d'eau de mer prise sur les bords de
l'Océan. Je fais cette observation parce que
,
d'autres mélanges d'eau douce peuvent avoir
heu, sans qu'on s'en aperçoive, dans d'autres
endroits, et empêcher les bons effets de l'usage
interne de l'eau de mer. Après des pluies lon-
gues et abondantes, la gravité spécifique de l'eau
de mer est moindre, et la proportion des sels
contenus en une égale quantité d'eau se trouve
diminuée.
En laissant reposer l'eau de mer pendant
douze heures, avant d'en faire usage, elle s'é-
pure d'elle-même; les saletés les plus légères
s'élèvent à la surface, et le sable, qui s'y trouve
177
souvent mêlé en quantité considérable, se pré-
cipite. Si alors on la tire par une ouverture pra-
tiquée près la partie inférieure du vaisseau qui
la contient, son goût désagréable sera beaucoup
moins sensible.

12
178

CHAPITRE VII.
DE L'AIR SE LA MER.

L'homme peut vivre quelques jours sans ali-


mens ; mais s'il est privé, seulement pendant
quelques minutes, de l'air atmosphérique, il
cesse d'exister. Les chimistes modernes ont re-
connu que l'air atmosphérique, si nécessaire à la
conservation de la vie, est composé d'un mé-
lange de différens gaz, dont les uns sont salu-
taires et les autres très-nuisibles aux êtres ani-
,
més. Une combinaison de certaines proportions
de ces deux vapeurs, ou gaz, comme on les
nomme, paraît être la plus convenable à la con-
servation de la santé et au soutien de la vie de
l'homme. Ce composé forme la masse de l'at-
mosphère et on dit que l'air est pur, qu'il est
,
très-propre à la respiration et au bien-être des
animaux, à proportion qu'il est exempt du mé-
lange des autres vapeurs. Mais la pureté de l'air
est susceptible d'être diminuée par un grand
nombre de circonstances ; la combustion, la pu-
*7?
tréfaçtign? la respiration des animaux (phéno-
mènes qui se répètent une immensité de. fois sur,
toute la surface du globe), consomment la par-
tie la plus pure de l'air, et donnent lieu à des
émanations de différentes espèces de vapeurs
nuisibles à la vie animale, lesquelles se mêlent,
avec la grande masse de l'air atmosphérique et
la vicient. Ces gaz peuvent être divisés en deux
classes ; l'une, qui est plus légère que l'air res-^
pirable, s'élève au dessus, et forme la couche,
supérieure de l'atmosphère, qui consiste prin-
cipalement en ce qu'on appelle air inflammable,
qui, lorsqu'il vient à s'enflammer, produit ces
effets qu'on nomme météores.
De toutes les vapeurs qui ont plus de pesan^-
teur que l'air commun, la plus abondante est
celle que l'on connaissait sous le nom d'air fixe,
et qu'on nomme maintenant acide carbonique.
Il est produit en abondance par la fermentation
et la putréfaction des matières végétales, et, la
respiration des animaux. Cette épaisse vapeur
qui s'élève à la surface de la bière en état de fer-
mentation nous fournit un grand exemple de
,
l'existence de ce gaz ; et les malheureux exem-
ples de personnes qui ont perdu la vie en respi-
rant ce gaz, prouvent ses effets nuisibles sur
Véepnqmie animale.
180
La pesanteur spécifique de l'acide carbonique
excède de moitié celle de l'air commun ; on le
trouve dans toute la masse de l'air, et partout où
il existe, il forme la couche la plus basse de l'at-
mosphère. C'est ce gaz que l'on trouve à l'entrée
de la Grotte du Chien, près de Naples. Si l'on
jette un chien dans cette caverne, et qu'il élève
la tête au dessus de l'atmosphère de ce gaz, il
n'éprouve aucune incommodité ; mais s'il est
forcé d'en respirer une partie, il s'asphyxie tout
à coup.
Les principaux moyens qu'emploie la nature
pour empêcher que l'air ne se vicie par l'accu-
mulation graduelle de ces vapeurs, et pour main-
tenir l'atmosphère dans l'état de pureté le plus
propre à la conservation de la vie, sont la végé-
tation , l'action des eaux des fleuves et des lacs ;
mais principalement l'action de la grande masse
de fluide aqueux qui constitue l'Océan.
Quelques-uns des gaz les plus nuisibles à l'é-
conomie animale servent de nourriture aux vé-
gétaux; ils sont pompés avec avidité par leurs
vaisseaux absorbans, et, en retour, ils versent
de leurs feuilles, lorsqu'elles sont frappées par
les rayons du soleil, des courans d'air pur qu'on
nomme oxigène. De là l'utilité de planter des
arbres et des arbrisseaux, dans les grandes cités ;
181
les végétaux, selon-Tordre admirable de la na-
ture , agissent comme correcteurs perpétuels de
l'air vicié par la respiration, la putréfaction et la
combustion.
Si l'on agite fortement l'eau qui est en contact
avec l'acide carbonique, elle en absorbera une
quantité égale à son volume. Ce gaz étant celui
qui vicie les couches inférieures de l'atmosphère,
son absorption continuelle par l'eau des lacs et
par les eaux courantes doit nous faire considérer
l'air le plus voisin des lacs et des eaux courantes
comme très-pur et très-frais.
Pendant l'été de i8o3 je fis quelques expé-
,
riences pour déterminer si l'eau de mer agitée,
et mise en contact avec de l'air impur, le puri-
fiait mieux que l'eau froide. A ce dessein, je pris
une certaine masse d'air que j'avais vicié le plus
possible, en le faisant passer alternativement des
poumons dans une vessie, et de cette vessie dans
les poumons; je l'introduisis dans un gros tube
gradué que j'avais d'avance rempli d'eau de mer,
et l'immergeai dans un grand vase rempli de la
même eau. J'agitai fortement le tube pendant
dix minutes, afin de mettre autant que possible
l'air qu'il contenait en contact avec de nouvelles
portions d'eau ; quelque tems après avoir cessé
d'agiter le tube, j'observai qu'un certain volume
182
d'air avait disparu, c'est-à-dire avait été àbsôrb'é
par l'eau. Il est connu, par d'autres expériences,
que cette portion d'air est de l'acide carbonique
venu des poumons des animaux pendant l'acte
de la respiration. En répétant les mêmes expé-
riences avec de l'eau récemment tirée d'un puits,
je né pus découvrir aucune différence dans la
quantité d'air absorbée pendant Un égal tems
d'agitation.
On observe que l'air est ordinairement plus
pur et plUs salubre après une tempête qui a en-
tièrement mêlé les couches inférieures de l'at-
mosphère avec les eaux de la mer ; et j'ai entendu
dire à des personnes qui ont résidé long-tems
aux Indes orientales, que les ouragans rendent,
en général, le pays beaucoup plus salubre. Ainsi,
tandis qUë nous contemplons une tempête qui
paraît, dans sa rage, confondre le ciel avec la
mër, noUs apprenons à révérer l'auteur de la
nature qui, dans sa sagesse, a établi ce redou-
table instrument, qui, tandis qu'il balaie de la
surface de la terre ces vapeurs malfaisantes dont
l'accumulation mettrait fin à l'existenceanimale,
les mêle aux eaux agitées de l'Océan, dans le
sein desquelles elles ne sont point nuisibles, et y
sont peut-être même utiles.
On jouit en général d'une meilleure santé, et
185
on respire avec plus de facilité lorsque le baro-
mètre est élevé, c'est-à-dire quand l'atmosphère
est comparativement plus pesante, ce qui arrive
généralement pendant les gelées. Plus l'air est
dense, plus il contient d'air vital, et plus il ac-
tive la combustion et la vie animale. Mais comme
on regarde les bords de la mer comme le terme
moyen du niveau de la surface de la terre, d'où
l'on prend généralement hauteur pour déter-
miner les distances des corps célestes, on trou-
vera que le baromètre, dans tous les changemens
dé tems, indiquera une plus grande pression
dans le voisinage immédiat de la mer, que dans
tout autre endroit.
L'Océan paraît aussi être le grand instrument
qu'a choisi l'auteur de la nature pour régula-
riser la température de l'univers et rendre ses
différentes régions habitables par l'homme. Là
transparence de l'atmosphère l'empêche d'être
échauffée par les rayons solaires lorsqu'ils la tra-
versent , les corps opaques étant les seuls aux-
quels ils puissent communiquer de la chaleur.
Ceux qui se sont élevés à de grandes hauteurs,
soit en gravissant des montagnes, soit en se fai-
sant enlever dans des ballons , ont reconnu que
la chaleur de l'atmosphère émane entièrement
du globe. A une certaine distance de la terre,
184
qui varie suivant les latitudes, on trouve une
région de glaces.
Une évaporation continuelle s'élève de la mer
pendant les chaleurs de l'été ; dans la conversion
de l'eau en vapeurs, une certaine quantité de
chaleur disparaît ou devient latente; par ce
moyen la surface de l'eau, et conséquemment la
portion de l'atmosphère qui l'avoisine, doivent
être nécessairement refroidies. Lorsque ces va-
peurs se sont élevées dans des régions plus froides
de l'atmosphère, elles se condensent, forment
des nuages qui descendent ensuite sur la terre en
forme de pluie.
En hiver, les couches aqueuses qui forment la
surface delà mer étant privées d'une portion de
leur calorique, deviennent plus denses, et s'a-
haissent au dessous de celles qui les touchent
immédiatement; celles-ci s'élèvent et prennent
la place des premières et étant en contact im-
,
médiat avec l'air froid, elles lui cèdent leur por-
tion de chaleur excédante. Cette circulation de
particules de différentes densités s'étend gra-
duellement à de plus grandes profondeurs ; la
chaleur que les rayons du soleil ont communi-
quée à la mer pendant l'été, est cédée peu à peu
pour tempérer les froids de l'hiver. On a observé
que les vents qui soufflent sur une grande éten-
188
due de mer sont moins froids en hiver que ceux
qui viennent de terre. En général, la tempéra-
ture annuelle des îles est plus égale que celle des
continens, par cela même qu'elles sont entou-
rées d'eaux.
Cette théorie de la salubrité et de la pureté de
l'atmosphère dans le voisinage de la mer est aussi
confirmée par les observations les plus directes.
A la sollicitation de feu le chevalier baronnet
Jean Pringle, l'ingénieux docteur Ingenhousz*
a fait nombre d'expériences pour déterminer la
salubrité relative de l'air de la mer, de la côte et
de l'intérieur du pays. Autant que ce point peut
être déterminé avec l'eudiomètre, le docteur a
reconnu que l'air de la mer est le plus pur ; que
celui de la côte approche le plus de sa pureté;
qu'il est moins pur, à quelques exceptions près,
dans l'intérieur des terres ; que c'est dans le voi-
sinage des marais et des eaux stagnantes qu'il est
le moins pur, et que la santé et l'appétit des lia-
bitans varient dans les mêmes proportions. L'eu-

* Nouvelles Expériences et Observationssur divers objets de


physique, par J. Ingenhousz. Paris, 17S9.
Le docteur attribue l'appétit extraordinaire du peuple de Vienne,
dont les habitans mangent plus que ceux d'aucune capitale de
l'Europe, à la pureté de l'air. Un étranger, après quelques se-
maines de résidence dans cette ville, devient sensible à l'effet
particulier de l'air qu'on y respire.
186
dîôïriètrfe actuel n'est point encore un insfrù-
mêHt parfait. Quoiqu'il indique ce qu'il y â d'air
pur dans une quantité donnée d'air atmosphé-
rique, il ne déterminé point dans quelle pro-
portion les différentes vapeurs qui peuvent vi-
cier l'air Sont nuisibles au principe vital. Le
génie dé l'homme n'a pas encore découvert une
échelle aU moyen dé laquelle la salubrité rela-
tive de l'air , dans les différentes situations,
puisse être exactement déterminée. Mais la salu-
brité de l'air de la mér est plus clairement dé-
montrée par la forte côïrtplèxion, lé regard
animé et la souplesse de ceux qui le respirent
habituellement. Ori observé que les petites îles
et lés endroits presque entourés parla mér sont
très-sains. Il règne peU dé maladies à Gibraltar;
et l'on dit que lés habitans de Malte jouissent,
en général, d'une bonne santé, qUe quelques-
uns même' parviennent à ûn'ë grande longévité.
On a fait la même observation à l'île de Thanet.

Il est reconnu qu'on peut mitiger certaines


maladies, quelquefois même les guérir par le
changement d'air; et l'on peut espérer encore
de plUs grands avantages de ce changement,
lorsque le malade peut aller respirer un air plus
pur, plus dense et plus tempéré que celui qu'il
187
respiré habituellement ; l'air dé la nier lui pro-
curera cet avantage.
Outre la pureté de l'air de la mer, il s'y trouve
quelque chose qui engage à le recommander dans
certaines maladies. Le vent qui vient de l'Océan
apporte avec lui un nombre de petites particules
salines qu'on peut aisément reconnaître par le
goût salin, qui est sensible à la longue lorsqu'on
l'applique sur la surface des feuilles des plantes,
même à la distance de quelques lieues de la côte,
spécialement après un orage.
Quoique l'apparence aride et racornie dés
feuilles et des petites branches des arbres qui
croissent dans des endroits exposés à Faction des
vents chargés de particules salines, et la manière
dont ils penchent leurs branches vers le côté
opposé à celui où le vent souffle ordinairement,
soient une preuve qu'il amène avec lui quelque
substance ennemie des feuilles, que les natura-
listes regardent comme les poumons des plantes,
cependant, des vents ainsi imprégnés parais-
sent, dans plusieurs cas, avoir des effets salutaires
sur les organes de la respiration de l'homme. Il
y a une espèce particulière de catarrhe qui at-
taque beaucoup de monde vers la fin de l'été,
spécialement dans les grandes villes ; cette ma-
ladie est caractérisée par une augmentation de
188
sécrétion du mucus des bronches, que le ma-
lade cherche continuellement à évacuer en tous-
sant. Cette toux, étant un effort volontaire, n'a
point lieu durant la nuit. Le pouls est vite et
faible, et le corps se fatigue. Cette maladie,
qu'on peut appeler catarrhe chronique, paraît
être causée par la chaleur de l'été, qui relâche
les. vaisseaux répandus sur toute la surface in-
terne des poumons, de manière qu'ils rejettent
les fluides qu'ils retenaient en trop grande abon-
dance. J'ai éprouvé moi-même différentes atta-
ques de cette maladie, et n'ai jamais pu décou-
vrir d'autre moyen efficace d'y remédier que le
changement d'air ; cette toux disparaissait quand
j'avais respiré l'air de la mer pendant vingt-
quatre heures. Je puis dire, avec vérité, que
j'ai toujours recommandé le même plan de con-
duite aux personnes atteintes de cette maladie,
et qu'elles en ont de même éprouvé des effets
salutaires. Des navigateurs ont observé qu'ils ne
sont jamais atteints d'affections catarrhales tant
qu'ils sont sur les vastes océans Atlantique et
Pacifique, et que souvent ils s'aperçoivent qu'ils
approchent la terre par l'apparition des rhumes
chez les hommes de l'équipage, qu'ils attri-
buent à l'effet produit sur le corps humain par
le mélange de l'air de la mer à celui de terre.
189
C'est un fait curieux, et bien connu dans plu-
sieurs provinces du nord de l'Angleterre, que
les personnes qui gagnent leur vie à ramasser
des moules et autres coquillages, que leurs oc-
cupations obligent de respirer constamment l'air
de la mer, ne sont jamais atteintes de rhumes.
On fait la même observation chez les personnes
employéesdans les marais salans, et qui échappent
même aux rhumes épidémiques communs dans
leur voisinage : il est très-commun de voir des
personnes attaquées de rhumes tenaces , en ob-
tenir la guérison en passant chaque jour plu-
sieurs heures dans une raffinerie de sel (nom
qu'on donne au bâtiment dans lequel on évapore
l'eau de mer).
Les cas d'affection catarrhale où l'on doit at-
tendre des effets salutaires de la respiration d'un
air chargé de particules salines, doivent être soi-
gneusement distingués de la vraie phthisie pul-
monaire ; une expérience malheureuse m'ayant
Convaincu que," lorsqu'il existe des ulcères aux
poumons, la respiration de l'air de la mer aug-
,
mente les souffrances et accélère la mort du ma-
lade.
Les affections scrofuleuses dominant dans les
endroits où l'atmosphère est chargée d'humidité
et viciée par des vapeurs impures, on doit sup-
190
poser que la résidence dans un endroit où l'air
est pur et sec, joint à l'exercice, objet de la plus
grande importance dans ces maladies, peut ten-
dre à les faire disparaître. Les scrofules sont une
maladie rare chez les habitons des côtes de la
mer, surtout là où le sol, essentiellement cal-
caire, tend, par sa propriété absorbante, à pu-
rifier l'air.
Lorsqu'on habite les côtes de la mer on ne
,
doit point négliger de faire de tems en tems des
excursions sur l'eau. Outre l'occasion qu'on a de
respirer l'air de la mer dans sa plus grande pu-
reté j'ai connu plusieurs personnes qui étaient
,
sujettes aux indigestions et à l'hypocondrie qui
en est la suite, et qui, après une violente se-
cousse de mal de mer, ont recouvré prompte-
ment leur appétit, et avec lui leurs forces et
-,
leur embonpoint.
I C'est un fait digne de remarque, que les vio-
lens vomissemens que l'on éprouve dans le mal
de mer ne sont jamais accompagnés de maux de
tête, et que, lorsqu'ils continuent pendant quel-
que tems, on rend une plus grande quantité de
bile qu'on n'en rendrait à la suite d'un vomitif,
et souvent cette bile est pure, tandis que les
alimens dont on a fait usage quelque tems aupa-
ravant restent dans l'estomac. D'après ces faits,
ne pourrait-on pas entreprendre un voyage sur
mér pour obtenir l'expulsion de concrétions bi-
liaires ou guérir des obstructions au foie ?
Enfin, quoiqu'il y ait certains états de la cons-
titution dans lesquels l'usage des bains de mer
puisse avoir des suites dangereuses, et même fa-
tales il n'existe peut-être aucun état de mauvaise
,
santé, si l'on excepte la consomption pulmo-
naire confirmée, dans lequel on ne puisse rai-
sonnablement espérer de tirer de l'avantage de
la respiration de l'air salubre et fortifiant de la
mer.
i9â

CHAPITRE VIII.

OBSERVATIONS SDR L'USAGE DES BAINS CHAUDS.

Caiida lawitio et pucris et tenibus apta est*


CELSE.

Si je voulais entrer dans un grand détail sur 1

les avantages qu'on peut retirer de l'usage des


bains chauds, et chercher à décrire les différens
états de maladie dans lesquels leur usage est né-
cessaire, j'aurais des matériaux suffisans pour
un volume séparé ; je surpasserais alors de beau-
coup les bornes que je me suis prescrites en pu-
bliant cet ouvrage. Mais comme l'opinion favo-
rable qu'on a de l'utilité des bains chauds aug-
mente journellement, et avec raison; que l'on
rencontre des établissemensde bains chauds dans
presque tous les endroits de la côte où l'on est
dans l'usage de se rendre pour prendre des bains
de mer ; quelques notions générales sur les effets
des bains chauds sur le corps humain, quelques
avis sur leur température, et autres circons-
195
tances relatives au mode de les employer, ne
seront pas, je crois, regardés ici comme déplacés.
Quoique, à raison de l'irritation de la surface
cutanée par les particules salines qui y sont dé-
posées l'immersion répétée dans un bain chaud
,
d'eau salée ait des suites bien différentes de celle
dans l'eau douce, cependant l'action immédiate
de ces deux espèces de bains doit être rapportée
aux effets de la température sur le corps vivant.
En entrant dans un bain chaud à 90°F. (27 et
demi R. ), on éprouve une sensation de chaleur,
quoique la température de l'eau soit de quelques
degrés inférieure à celle du corps. Cette sensa-
tion doit être, en partie, rapportée à l'aug-
mentation de chaleur du milieu dans lequel le
corps est alors immergé, comparée à celle dans
laquelle nous sommes accoutumés à vivre. La
sensation de chaleur n'est point purement idéale ;
peu de tems après l'immersion dans un bain
chaud à g3° F. ( 29 R. ), j'ai observé que le ther-
momètre préalablement placé dans la bouche,
,
s'élevait de 98 à 1000 F. (32 à 33 R.), pendant
environ un quart-d'heure ; qu'il n'y avait point
de changement sensible dans la chaleur du bain,
que le thermomètre indiquait toujours 980 F.,
et y restait stationnaire tout le tems que durait
l'expérience. Il est possible d'expliquer cet effet.
i3
194

en supposant que l'opération de l'économie ani-


male qui développe la chaleur ne s'accommode
pas de suite à ce changement de milieu. La cha-
leur du corps s'accumule pendant que la fonc-
tion de la la transpiration qui régularise sa tem-
pérature est suspendue; mais aussitôt que ces
puissances, qui se compensent mutuellement,
reprennent leur équilibre, la chaleur du corps
revient à son degré ordinàirer—— —~
La respiration est plus lente qu'à l'ordinaire
lorsqu'on est dans un bain chaud. Le poids de
l'eau qui doit être déplacé à chaque inspiration
exige quelque effort volontaire pour élever les
côtes et distendre la poitrine. Lorsque cet effort
cesse, la poitrine s'affaisse tout à coup , et l'air
;sort des poumons avec une forte secousse.
Le bain d'une température au dessous de go°
F. (28 R.) ne paraît pas mériter le nom de bain
chaud ; mais lorsqu'il est chauffé au dessus de ce
point, une augmentation de chaleur de quelques
degrés produit une différence considérable dans
ses effets sur le corps vivant. Mes observations
s'accordent avec celles du docteur Currie, et
prouvent que lorsque la chaleur du bain appro-
che de 98° F. (32 R.), qui est la température du
corps humain, elle accélère généralement le
pouls ; et cet effet a lieu à un moindre degré de
198
chaleur le soir qu'avant le dîner. Le soulage-
ment et l'état d'aise qu'on éprouve s'obtiennent
ordinairement de bains pris à la température de
90 à g5° F. ; et ils sont toujours avantageux et
salutaires à ce degré de chaleur. Si l'on fait
usage des bains chauds pour exciter la transpi-
ration-, on les échauffera graduellement tandis
qu'on est dans le bain, jusqu'à ce que leur tem-
pérature s'élève à 1000. Cette température accé-
lérera les mouvemens du pouls, et augmentera
la transpiration, qui deviendra visible sur la
face et continuera pendant quelque tems si
,
l'on se met dans un lit chaud immédiatement éh
sortant du bain. Ces observations prouvent l'u-
tilité de régulariser la température du bain au
moyen du thermomètre. La sensation de cha-
leur est trompeuse, et en l'augmentant graduel-
lement on rend le corps capable de soutenir un
grand degré de chaleur plutôt avec un senti-
ment de plaisir que de peine. J'ai été dernière-
ment témoin des dangers qu'on court erî se
confiant entièrement à ses sens. On ordonna l'u-
sage des bains chauds à M*** : étant dans le
bain, il éprouva un sentiment de chaleur très-
agréable; il ouvrit le robinet, laissa couler l'eau
chaude ; la chaleur extraordinaire du bain,
qu'on ne détermina cependant pas, augmenta
196
la force de la circulation à un tel degré, qu'elle
produisit tout à coup une légère affection para-
lytique.
La meilleure manière de fixer le degré de
chaleur du bain, lorsqu'on en use simplement
pour se rafraîchir le système, est d'avoir soin
que sa température soit telle qu'elle n'accélère
point les mouvemens du pouls. Le docteur
Macquard, qui a dernièrement publié un tra-
vail soigné sur l'usage des bains chauds, assure
que lorsque la température du bain n'excède
pas 960 F., la fréquence du pouls est uniformé-
ment diminuée. Cette observation prouve que
les effets du bain sont modifiés par une grande
variété de circonstances, dont quelques-unes
sont relatives à la constitution de la personne
qui se baigne, et d'autres dépendent de l'heure
du jour à laquelle on prend le bain.
Le pouls, celui même des personnes qui
jouissent de la meilleure santé, est considéra-
blement accéléré vers le soir ; soit qu'on attribue
cette accélération aux effets stimulans des ali-
mens, soit qu'on l'attribue à la débilité qui suit
les exercices du coi-ps durant le jour, la chaleur
du bain paraît augmenter cet état d'irritation ;
et lorsqu'on le prend tard, au lieu d'éprouver
un état de bien-être et de sentir de la disposi-
197
tion au repos, souvent on a une nuit inquiète et
agitée.
Le tems le plus convenable pour se mettre
dans un bain chaud, est une ou deux heures
avant le dîner. On craint en général de s'y met-
tre à cette période du jour, de peur d'être
obligé de s'exposer au froid après qu'on en est
sorti. Cette opinion erronée paraît venir de ce
qu'on a observé qu'on courait des dangers en
s'exposant au grand air après s'être échauffé par
un exercice fatigant. Mais l'état du corps, après
avoir été dans un bain chaud, est fort différent ;
dans ce dernier cas, le corps affaibli par la fati-
gue perd de sa chaleur par l'augmentation de sa
transpiration ; dans l'autre, le corps étant en-
touré d'un milieu d'une température presque
égale à la sienne, la chaleur ne peut s'échapper,
et tend plutôt à s'accroître. Par ce moyen, le
corps est mieux disposé à résister à l'action du
froid au sortir du bain chaud, qu'il ne l'est
peut-être dans toute autre situation ; et on ne
doit pas plus craindre de s'exposer à l'air en sor-
tant d'un bain chaud, qu'on ne craint de s'y ex-
poser en sortant, un jour de gelée, de son lit.
Le résultat des expériences qu'a faites sur lui-
même le comte de Rumfort, s'accorde tellement
avec le mode d'user du bain, que nous recom-
198
mandons, que nous ne pouvons nous dispenser
d'en rendre compte *.
(c
Etant à Harrowgate pour raison de santé,
» dit le comte, je prenais tous les trois jours un
» bain chaud à 96° du thermomètre deJFahrein-
))
heit. Je me mettais dans ce bain à dix heures
))
du soir, et j'y restais dix à quinze minutes.
» Immédiatement après en être sorti, j'allais me
)> mettre dans mon lit, qu'on avait bien bassiné,
)>
afin de ne pas m'exposer à gagner un rhume.
» Ayant suivi cette manière de me baigner pen-
» dant quelque tems, et éprouvant quelquefois
» un petit mouvement de fièvre et d'insomnie
» après le bain, j'en parlai par
hasard, dans la
)>
conversation, à un homme fort intelligent,
» qui logeait
dans la même maison que moi, et
» qui était depuis long-tems dans l'habitude de
» venir tous les ans à Harrowgate. Il me con-
»
seilla de changer l'heure du bain, d'y rester
» plus long-tems et surtout d'éviter d'entrer
,
» dans un lit chaud en en sortant. J'ai suivi son
w
avis, et je lui en devrai toute ma vie des re-
» mercîmens.
Je me mis alors dans le bain régulièrement
)>

» tous les trois jours, environ deux heures avant


* Observations concerning tht salubrily ofwarm Bathinff,
etc., by Benjamin count of Rumfort.
199
»
le dîner, et j'y restai une demi-heure; lorsque
» j'en sortais, au lieu de me mettre dans un lit
»
chaud, je me faisais bien essuyer avec des
M
linges chauds, dans une chambre attenante à
» celle
où je prenais le bain ; je passais ma robe
» de chambre, qu'on avait un peu chauffée; je
» me retirais dans mon appartement, où je res-
« tais à
m'amuser, à me promener, à lire ou à
» écrire jusqu'à l'heure du dîner.
» Les bons effets que j'éprouvai de cechange-

» ment de méthode, furent trop frappans pour


» que j'oublie d'en faire mention. Je n'éprouvai
» plus après le bain cette espèce de chaleur fé-
i)
brile que je ressentais auparavant; et, loin
» d'être frileux en sortant du bain, je me trou-
» vais moins sensible au froid. J'ai même tou-
» jours observé que ce sentiment de chaleur
» qui annonce la santé, que la gaîté qui résulte
» de la pleine et entière liberté de la circulation
» du sang, que procure le bain, durait pendant
» quelques
heures, et n'était jamais suivi de
» l'état de langueur qui succède souvent à cette
» augmentation artificielle de la circulation et à
» cette excitation momentanée que produisent
» des médicamens nouveaux.

)>
J'ai constamment remarqué que je dînais
» avec plus d'appétit le jour où je prenais un
200

bain, que les autres jours; que ma digestion
)>se faisait mieux, que j'avais plus d'activité
» dans l'esprit, et que j'étais plus en état de
» supporter la fatigue, et moins sensible au
» froid après le dîner et le soir.
» Comme ces résultats favorables me parurent

être réguliers et constans, je me déterminai à
» procéder à des expériences plus décisives. Je
» commençai à me baigner tous les deux jours,
» et trouvant que j'éprouvais les mêmes effets
» avantageux qu'auparavant, je persistai dans
)) cette
nouvelle méthode, et je fus encouragé à
)>
la porter plus loin, et à me baigner tous les
« jours.
Plusieurs personnes même le médecin
<c
,
» d'Harrowgate, regardèrent ces expériences
» comme dangereuses , et ne les approuvèrent
» nullement ; mais comme il ne me parut en
)>
résulter aucun inconvénient, et que je trou-
)>
vais que mes forces allaient toujours crois-
» sant, que ma santé s'améliorait, que j'avais
» plus d'activité et de gaîté, je continuai cette
» méthode, et me mis tous les jours à deux
3>
heures après midi, pendant une demi-heure,
» dans un bain chaud à g6 ou g7° F. (3i R. );
» ce que je continuai pendant trente-cinq jours.
» Les effets salutaires qui suivirent cette ma-
SOI

» nière de prendre les bains furent sensibles à


,
» tous ceux qui étaient présens, et qui en virent
» les suites. J'attribue entièrement à l'usage des
)>
bains l'état de santé dont je jouis depuis cette
« époque. »
Lorsque la connaissance d'une méthode sim-
ple aisée et efficace, de chauffer l'eau à tel degré
,
que l'on veut, et dans des vaisseaux de toute
grandeur, au moyen de la vapeur, procédé qu'a
inventé le comte de Rumfort, se répand généra-
lement, elle ne peut manquer d'étendre la prati-
que salutaire des bains chauds en facilitant les
moyens de s'en procurer.
On ne doit pas seulement attribuer les effets
des bains chauds à la propriété qu'ils ont d'em-
pêcher la chaleur de s'échapper du corps vivant.
Nous avons déjà parlé de la sécrétion abondante
qui se fait à la surface du corps. MM. Seguin et
Lavoisier ont fait les recherches les plus exactes
sur la nature et les relations de cette fonction du
corps vivant. M. Seguin se mit le corps dans une
espèce de sac de taffetas ciré ; il fixa ce sac autour
de l'ouverture de la bouche au moyen d'une es-
pèce de colle. Il parvint par ce moyen à découvrir
les rapports qu'il y a entre la transpiration pul-
monaire et la cutanée ; et en se pesant le corps
dans une balance exacte, il détermina la quan-
202
tité de matière qui se décharge du corps humain
par la voie de ces deux émonctoires, dans un
tems donné. La pesanteur de la matière qui sort
par la transpiration de la surface cutanée et des
poumons , s'élève , terme moyen , chez un
homme qui ne fait pas un violent exercice, à
18 grains par minute, 2 onces 2 gros par heure,
et à 54 onces dans l'espace de vingt-quatre
heures, en supposant que la quantité de la ma-
tière transpirable soit toujours la même. Les li-
mites de cette sécrétion admettent cependant
une latitude considérable, sa quantité étant
infiniment augmentée par l'exercice et la cha-
leur.
Avant les expériences de M. Seguin, on avait
toujours supposé que, lorsque le corps était im-
mergé dans l'eau chaude, une partie de ce fluide
était absorbée ; et en imprégnant les bains de
substances nutritives, on a souvent cherché à
soutenir la vie, dans le cas où une maladie em-
pêchait d'introduire des alimens dans l'estomac.
Le docteur Macquard lui-même, qui est le der-
nier auteur qui ait écrit ex professo sur les bains
chauds, regarde cette doctrine comme prouvée,
et raisonne sur cette matière comme sur un fait
qui ne laisse aucun doute.
En restant immergé pendant un tems consi-
203
dérable dans une dissolution de sublimé corrosif
et d'autres substances dont les effets, lorsqu'on
les prend à l'intérieur, sont connus, M. Seguin
découvrit, par des expériences aussi décisives que
judicieuses, que, lorsque la peau est intacte, il
n'existe aucune absorption de liquides ou de ma-
tières solides par la surface extérieure du corps.
Dans la dernière édition des Observations de
médecine, le docteur Currie a rapporté quel-
ques expériences curieuses faites par le docteur
Rousseau, de Saint-Domingue, qui prouvent
qu'il n'y a pas d'inhalation à la surface cutanée,
opinion que M. Currie même paraît partager.
Dans le nombre des vues pratiques et utiles des
différentes fonctions de l'économie animale que la
connaissance de ce fait découvre, il faut comp-
ter le moyen d'expliquer d'une manière satisfai-
sante le bien-être qu'on éprouve après l'usage
du bain chaud. Si l'on pèse exactement le corps
après l'avoir immergé pendant quelque tems
dans un bain dont la température n'était pas
assez élevée pour accélérer les mouvemens du
pouls, la quantité de matière sortie par la trans-
piration ne s'élève qu'aux deux tiers de ce que le
corps aurait perdu si l'on fût resté le même es-
pace de tems exposé au grand air. Pendant qu'on
est dans le bain, l'eàu, qui empêche l'action de
204
l'air, qui est le dissolvant naturel de la matière
transpirée, arrête la transpiration cutanée, tan-
dis que la pulmonaire continue. C'est probable-
ment cette légère diminution du poids du corps
immédiatement après qu'il a été immergé dans
un bain chaud, qui a pu tromper des expéri-
mentateurs moins exacts, qui ne savaient pas
que la transpiration de la surface cutanée est
momentanément suspendue pendant le bain et
,
qui ont pensé qu'une partie du fluide contenu
dans la baignoire était absorbé. De là aussi nous
pouvons expliquer pourquoi l'immersion dans
l'eau diminue la soif; non pas que nous suppo-
sions qu'une partie de ce fluide entre dans le
corps, mais parce que la perte qu'on fait par la
transpiration cutanée se trouve suspendue.
M. Seguin a trouvé de plus, que, si l'on chauf-
fait l'eau au point d'accélérer la circulation et
,
de forcer les vaisseaux exhalans à laisser échap-
per par la transpiration, ou plutôt par la sueur,
les fluides qu'ils contiennent, nonobstant la
pression du milieu dense qui environne le corps,
son poids diminuerait beaucoup.
Sans nous arrêter plus long-tems au détail de
ces expériences intéressantes, il est aisé de con-
cevoir pourquoi le corps, après avoir été épuisé
de fatigue, en entrant dans un bain à la tempe-
208
rature de go° F., et plus , éprouve un bien-être
aussi marqué. En arrêtant la perte considérable
qui se fait par la transpiration, et en prévenant
la diminution de la chaleur que le corps perd
aisément dans cette situation, la cause immé-
diate qui a produit la lassitude et la fatigue cesse.
Dans cet état du système, l'usage du bain chaud
n'est pas moins salutaire que l'immersion dans
l'eau froide, comme on l'a démontré, serait nui-
sible.
C'était pour se délasser après la fatigue que les
anciens faisaient usage du bain chaud ; et, comme
nous l'apprenons dans l'Odyssée d'Homère, qui
est une véritable histoire des moeurs des Grecs,
les convives étrangers étaient conduits aux bains
chauds ; on les oignait de substances odorifé-
rantes avant de leur offrir à manger ; c'était un
point important de l'hospitalité. Dans le hui-
tième livre, où Homère décrit la réception d'U-
lysse à la corn- du roi Alcinoùs, après avoir mi-
nutieusement détaillé la manière de chauffer
l'eau, le poëte parle de la jouissance luxurieuse
et des effets fortifians du bain chaud.
« Une femme esclave l'invite à se laver. Ulysse
)> est réjoui à la vue des bains chauds; car il n'en
» avait pas fait usage depuis qu'il avait quitté le
))
palais de la nymphe Calypso. Ici, il est traité
206
J> comme un dieu : dès femmes esclaves le lavent,
)>
répandent sur son corps une huile parfumée,
))
le couvrent d'un magnifique manteau et d'une
« superbe tunique, etc. »
Après les violens exercices gymnastiques de
l'arène, les athlètes cherchaient à se mettre dans
l'eau chaude pour se délasser et réparer leurs
forces épuisées. Les thermes ou fontaines natu-
rellement chaudes, qui, toutes les fois que la
situation le permettait, remplaçaient les bains
chauds, étaient dédiés à leur patron Hercule.
Après avoir fait observer que les bains chauds
étaient autrefois considérés comme le seul re-
mède à la fatigue, qu'on y avait recours pour
recouvrer les forces qu'on avait perdues par
l'exercice, il serait curieux de savoir à quelle
période et par quelle raison l'usage du bain
chaud a commencé à être regardé comme débi-
litant et relâchant ; expressions qui, dans ces
derniers tems, ont donné des notions confuses et
erronées sur les effets réels du bain chaud, et en
ont empêché l'usage.
La passion du peuple romain pour les jouis-
sances que procurent les bains, fournit à ses
premiers empereurs l'occasion d'acquérir de la
popularité en faisant construire des établisse-
iriens publics qui renfermaient toutes lès com-
207
modités nécessaires pour procurer les jouis-
sances dont le luxe des bains chauds est sus-
ceptible. Les établissemens de bains étaient si
magnifiques, que les ruines qui en existent
encore étonnent les modernes; ils étaient em-
bellis de tout ce qui peut satisfaire le goût, et
ornés de toutes les belles productions de l'art,
de manière à ne laisser rien à désirer aux per-
sonnes les plus difficiles. La multitude, séduite
par l'attrait qu'offraient ces bains, y passait son
tems dans des amusèmens frivoles et des conver-
sations oiseuses ; c'est ce qui a pu porter le sévère
moraliste à dire que les bains chauds relâchaient,
non pas le corps, mais bien l'ame et les moeurs
du peuple.
Mais comme le plaisir qu'on retire des impres-
sions que le corps reçoit diminue en proportion
de la fréquence de leur répétition, ceux qui
n'employaient le bain chaud que comme objet
de luxe en faisaient chaque jour augmenter lé
degré de chaleur.
Hieronimus Mercurialis nous apprend que,
du téms de la république, la visite des bains fai-
sait partie du service des officiers appelés édiles,
et qu'ils devaient y entrer afin d'en déterminer
la chaleur avant que le peuple y fût admis. La
corruption universelle des moeurs, qu'amené-
208
rent les brigues des différens concurrens au pou-
voir suprême, fit tomber dans l'oubli cette cou-
tume salutaire ; et, comme nous l'apprend Pline,
le peuple s'était à la fin accoutumé à entrer dans
le bain presque à la température de l'eau bouil-
lante : Balnea tune similiaferè incendio. Il n'y
a rien d'étonnant que l'habitude de s'exposer le
corps à un stimulant aussi violent ait produit de
la débilité et des maladies.
Les Romains essayèrent aussi de rendre les
bains chauds utiles aux plus grandes sensualités.
Ils les employaient pour exciter un appétit arti-
ficiel et débarrasser le corps plus promptement
,
que par les secours ordinaires de la nature, du
malaise que produisait la grande quantité de
matières alimentaires qui surchargeaient leur
estomac. Le gourmand entrait dans une petite
chambre échauffée au plus haut degré de cha-
leur qu'il pût supporter, au moyen de lampes
ou de tuyaux placés autour des murs. La circu-
lation du sang étant très-accélérée, et la puis-
sance dissolvante de l'air fort augmentée par
cette chaleur sèche, une sueur considérable ,
une soif et une faim artificielles suivaient ce
mode non naturel de déplétion. L'appétit, ainsi
excité, engageait à se livrer de nouveau aux
plaisirs de 1^ table. On sait que les anciens ayaient
209
la détestable habitude de faire Usagé d'émé-
tiques pour renouveler leur appétit *.
Les bains d'air chaud ou de vapeur, pris pour
exciter la transpiration, n'étaient point connus
des anciens Grecs. Je ne trouve aucune men-
tion d'une semblable pratique dans les ouvrages
d'Homère ni dans ceux d'Hippocrate. Les bains
d'air chaud ne furent introduits à Rome que A'ers
la fin de la république, et ils étaient employés
comme moyen thérapeutique, spécialement pour
exciter l'appétit des personnes qui étaient trop
efféminées pour prendre de l'exercice. Pline se
plaignait des médecins qui conseillaient de se
mettre dans des bains bouillans ( balneis arden-
tibus) pour faciliter la digestion et exciter l'ap-
pétit. Ces bains affaiblissaient tellement, qu'on
ne pouvait sortir de la baignoire sans aide.
Celsenous dit : Sudorduobus modis elicitur:
oui sicco colore, aut balneo. Siccus calorest, et
arenoe calidoe, et laconici et clibani**. Ces cha-

* Le docteur Currie élève quelque doute sur la méthode qu'em-


ployaient les anciens pour se débarrasser des surcharges de l'esto-
mac au moyen de l'emploi de la chaleur à l'extérieur ; il observe
que cet usage devrait être accompagné d'inconvéniens graves
{Médical reports, vol. I, pag. 283). Si les importantes occupa-
lions de ce médecin lui avaient permis de pousser ses recherches
plus loin, il se serait aisément satisfait en retrouvant les procédés
qu'on employait pour obtenir ce résultat.
' ?" Lib, II, çap, 17.
4
210
leurs sèches doivent avoir été employées pour
exciter une surabondance de transpiration. II
paraît évident qu'on les a employées principale-
ment pour faciliter la digestion, d'après la note
suivante de Phil. Beroaldus : In balngis erant
tepidaria, caldaria, frigidaria; erant et suda-
toria, quo ex génère est laconicum ; ubi su-r-
dando exercendoque corpus, cruditatejn dige~
rebant, et oppetentiam edendi provocabant *.
•Cplumelle fait un portrait frappant des motifs
qui engageaient à chauffer ainsi les chambres,
et des abus qui en résultaient. Mox deinde ut
apti veniamus ad ganeas, quotidianam prudi-r
tatem Laconicis excoquimus, noctesque libido
nibus et ebrietalibus, dies ludo, vel somno,
consixmimus; ac nosmetipsos ducimusfortunes
tos qubd nec orientent solem videmus, nep ocçir
dentem. Itaque istam vitam: SQcordem perse*
quitur valetudo, nam sic juvenum corporafluxa
et resoluta sunt, ut nihil mors mutatura yi-
deatur**.
Sénèque, censurant le luxe de son siècle, s'é-
crie : Quid mihi cum Mis calentibus stagnis ?
quid cum sudatoriis? in quoe siccus vapor cor-

* Enarraliones in Columellce libros XIII de Re rustica. In-S?.


Lugd., 1549, ad vocem Laconicum.
*' In proefat. ad Iib. de Re ruslica. In-8°.Lugd., 1548, pag. 7.
F

211

pora exhausturus includitur, omnis sudor ,per


laborem exeat * ?
Le danger résultant de cette manière de se
débarrasser des crudités de l'estomac, et son
usage fréquent, sont censurés par Juvénal :
Poena tamen praesens, cum tu deponis amictus
Turgidus, et crudum pavonem in balnea portas :
Hinc subitae mortes, atque intestata senectus.
Satyra I, vers. 143.
Cette faible esquisse des abus du bain chaud
peut, en quelque sorte, expliquer l'oubli où ils
sont tombés, et l'origine des opinions erronées
sur les effets que produit sur le corps l'immer-
sion dans l'eau chaude. Une attention soignée à
mesurer, au moyen du thermomètre, la tem-
pérature du bain, qui ne doit jamais excéder la
chaleur du corps, c'est-à-dire g8° F., excepté
lorsqu'il est ordonné pour quelque maladie par-
ticulière pourrait, ainsi qu'on peut le présumer,
,
empêcher que l'usage du bain chaud ne se dis-
crédite, et engager le public à se défaire des pré-
jugés, qui, surtout en Angleterre, ont en grande
partie empêché de jouir d'un luxe innocent, qui
n'est pas moins salutaire qu'agréable.
Je vais maintenant indiquer certains états par-
* Epist. 51, in tom. II operum. 3 vol. in-8°. Amslelod., 1672.
Ehevir.
214
ticuliers de la constitution, et faire mention dé
quelques-unes des maladies dans lesquelles l'u-
sage du bain a été trouvé particulièrement utile.
Quoique aucune nation au monde n'égale en
propreté dans l'économiedomestique, et dans les
habillemens, les habitans de ce pays, cependant
on néglige encore trop souvent les attentions
nécessaires à la stricte propreté qui convient à
l'homme. On laisse accumuler pendant trop long-
tems à la surface de la peau la matière que re-
jettent les vaisseaux exhalans. Cette matière, en
arrêtant la transpiration, peut avec raison être
regardée comme la cause d'un grand nombre de
maladies cutanées qu'on guérit par une simple
ablution d'eau chaude. La quantité de matières
blanches et écailleuses que l'on voit flotter à la
surface du bain, après qu'une personne qui n'a
pas l'habitude de se baigner y est restée quelque
tems, est une preuve évidente qu'il y avait quel-
que chose d'adhérent à la peau qui avait besoin
d'en être ôté. Pendant que les anciens étaient
dans un bain tiède, ils étaient dans l'usage de se
frotter la surface du corps avec des feuilles de
mauve et de la farine de cicérole, espèce de pois
chiches. Cette substance farineuse, mêlée à la
partie huileuse de la transpiration, enlèverait
sans doute plus facilement les saletés attachées à
215
la surface de la peau. Le son ordinaire, ou la
pâte d'amandes, peuvent s'employer avanta-
geusement pour obtenir un semblable effet. On
sait que la peau est plus souple et plus douce
lorsqu'elle a été frottée avec quelque substance
de cette espèce, qu'après une simple immersion
dans l'eau chaude. Toute personne attentive à la
conservation de sa santé, doit de tems en tems
faire usage d'un bain à la température de 85 à
g5° F., comme un moyen salutaire de nettoyer
la peau.
Pendant les premières périodes de la vie, les
bains tièdes pris de tems en tems, paraissent
,
contribuer beaucoup au développement des or-
ganes, et à maintenir la peau dans un état de
souplesse et de perméabilité; ce qui est non-seu-
lement un signe de bonne santé, mais ce qui
tend singulièrement à faciliter les éruptions, et
conséquemment à diminuer le danger des diffé-
rentes maladies cutanées auxquelles les enfans
sont si exposés. L'usage de plonger les enfans
dans l'eau froide a été probablement porté trop
loin dans ce pays, comme si, pour me servir de
l'expression de Galien, l'élasticité de la fibre
vivante, comme celle de l'acier, pouvait être
augmentée au moyen d'une transition subite
d'une température à une autre.
214
Les approches de la vieillesse sont annoncées
par une diminution générale de l'irritabilité du
système ; les différentes sécrétions se font avée
moins de force, et dans aucune des fonctions dtt
corps humain, le décroissement d'activité n'est
plus sensible que dans la fonction de la transpi-
ration cutanée; ce qui donne cette apparence
aride et cette rudesse de la peau qui est sensible
au toucher, et qu'on aperçoit ordinairement dans
l'âge avancé. Les bains d'une température pres-
que égale à la chaleur du corps, enlèvent non-
seulementles parties squammeuses de l'épiderme
qui gênent la transpiration, mais, en suspendant
momentanément l'effort nécessaire pour main-
tenir la chaleur du corps, ils entretiennent la
force, et tendent à retarder les progrès de la
décrépitude. C'est pourquoi l'usage habituel du
bain chaud peut être regardé comme le soulage-
ment le plus agréable à la vieillesse.
Le lord Bacon pense que l'histoire d'^Eson
rajeuni au moyen de la chaudière médicale de
Médée n'est, dans le fait, qu'une description
,
allégorique dé la propriété qu'a le bain chaud de
retarder la vieillesse. Dans une note sur les
amours des plantes, le docteur DarSvin a déve-
veloppé plus longuement cette idée de la ma-
nière suivante :
215
L'histoire d'iEson qui se rajeunit en faisant
<(

M usage des bains médicinaux de Médée, semble


» n'avoir été rapportée que pour
indiquer l'ef-
» ficacité du bain
chaud afin de retarder les ap-
)>
proches de la vieillesse. Les mots tendre et
)>
relâcher, qu'on regarde généralement comme
» exprimant
les effets de bains chauds et froids,
» sont des termes mécaniques, qu'on ne peut
» appliquer qu'aux tambours et aux cordes;
» mais ce ne sont que des métaphores quand ils
» ont rapport aux effets du bain chaud ou froid
» sur le corps humain. La cause immédiate de la
» vieillesse parait exister dans le
défaut d'irrita-
» bilité des parties les* plus fines des vaisseaux du

» système ;
d'où il s'ensuit que ces fibres cessant
»
d'agir s'épaississent, deviennent coriaces et
,
» s'ossifient. Le bain chaud est particulièrement
» nécessaire pour prévenir ces effets, en aug—
» mentant l'irritabilité, humectant et adoucis-
» sant la peau et les extrémités des plus petits
» vaisseaux qui s'y terminent. Ceux chez qui
» l'âgé de la force est passé, qui ont la peau sè-
» ehe et presque flétrie, éprouveraient un très-
»
bon effet d'un bain chaud d'une demi-heure,
» pris deux fois par semaine ; cette habitude
)>
retarderait, je crois, les progrès de la vieil-
» lesse. »
216
D'après ce principe, le docteur nous dit *,
« lorsque le philosophe américain, le docteur
» Franklin, était en Angleterre, il y a quelques
» années , je lui recommandai l'usage du bain
w
chaud deux fois la semaine, pour prévenir les
w
effets trop prompts de la vieillesse, dont il
» croyait alors sentir les approches ; j'ai appris
)>
qu'il en avait continué l'usage presque jusqu'à
« sa mort, qui n'est arrivée qu'à un âge très-
)>
avancé. »
Dans toutes les maladies où il y a augmenta-
tion dans la vitesse du pouls et en même tems
,
diminution de forces, état du système qu'on
nomme ordinairement étique, soit que ces
symptômes proviennent d'un état maladif de
tout le système ou d'une irritation locale, on
trouvera que le bain chaud est un remède utile.
Dans cette espèce d'atrophie, qu'on recon-
naît à la vitesse du pouls, à l'insomnie, à l'ap-
parence sale et ridée de la peau, collection de
symptômes qui a été appelée par quelques au-
teurs fièvre nerveuse, et par d'autres, faiblesse
chronique, quoique rien n'annonce une mala-
die particulière, et que ces symptômes résistent
fréquemment à l'application des moyens les plus

* Zoonomia, pag. 686.


217
usités qu'on emploie dans de semblables cas, on
retire cependant souvent des avantages mar-
qués de l'usage des bains chauds. Je ne dois pas
oublier d'ajouter que, dans cet état du corps,
lebainfroid est généralement nuisible.
Le bain chaud procure beaucoup de soulage-
ment dans les différentes affections chroniques
des organes servant à la sécrétion des urines.
L'utilité de l'immersion dans l'eau chaude, pour
faciliter le passage des graviers arrêtés par des
contractions spasmodiques dans les uretères ou
dans l'urètre, et le soulagement qu'elle procure
lorsqu'on a un calcul dans la vessie, sont géné-
ralement reconnus par l'expérience.
Dans les ulcères fistuleux du périnée, les effets
salutaires du bain chaud sont particulièrement
reconnus. En restant chaque jour immergé,
pendant une heure, dans l'eau d'une tempéra-
ture agréable, j'ai vu l'irritation et la douleur
occasionées par cette maladie, être beaucoup
calmées et les ulcères paraître avoir de la dis-
,
position à se guérir.
L'utilité des bains chauds pour diminuer la
violence des douleurs produites par les calculs
biliaires arrêtés dans le canal cystique, est géné-
ralement connue, ainsi que le pouvoir qu'ils ont
de diminuer les espèces de coliques produites
218
par l'ô'xîde dé plomb. Dans toutes les douleurs
fixés et internes de l'abdomen, on peut, en gé-
néral, employer les bains chauds avec avantage.
Dans lès suppressions et les irrégularités du
flux menstruel, fréquemment accompagnées dé
symptômes hystériques , l'usage du bain chaud
produit les effets les plus salutaires. Mais quand,
par ce moyen, cette sécrétion a été rétablie, lés
bains de mer tendent à fortifier la constitution,
et à empêcher le retour de ces irrégularités.
On a déjà démontré que les bains chauds font
Cesser l'engorgement des jambes auquel les per-
sonnes du sexe sont sujettes pendant qu'elles
résident sur les côtes. Le même remède s'em-
ploierait probablement avec avantage dans ï'a-
Uasarque provenant d'autres causes, et vrai-
semblablement, comme le docteur Darwin l'a
indiqué, dans tout les cas de débilité générale
accompagnée de froid aux extrémités.
La toux spasmodique et les autres affections
nerveuses sont fréquemment soulagées par lés
bains chauds. Le docteur Whytt observe, dans
son Traité des Maladies nerveuses, qu'un
<c

»'
bain chaud partiel des jambes et des cuisses
» est le meilleur remède contre les convulsions
» qUi précèdent quelquefois l'éruption de la pe-
» tite vérole, et contre le tremblement général
219
)>'
de tout le corps, qu'on éprouvé souvent vers
)>
la fin de cette maladie, quand les pustules
» sont de mauvaise nature. »
Je ne connais aucune espèce d'affection cu-
tanée qui ne reçoive du soulagement des bains
chauds d'eau de mer, quoique plusieurs mala-
dies de la peau soient susceptibles d'être guéries
par un bain tiède d'eau douce, oU simple, où
imprégnée de médicamens appropriés. Comme
il est maintenant prouvé qu'il n'y à point d'ab-
sorption cutanée pendant que les pores restent
fermés, l'effet des substances qu'on peut mêler
avec l'eau du bain doit être déterminé d'après
leur action immédiate sur la surface de la peau.
Le docteur Russel, dans son OEconomia na-
turoe, rapporte trois cas de lèpres suppurantes et
invétérées qui, toutes, après avoir été aggravées
par les bains de mer, furent guéries parles bainS
chauds d'eau douce dans laquelle on avait fait
infuser du son et des feuilles de mauve. Les ma-
lades faisaient en même tems usage d'eau de mer
prise intérieurement, et lavaient fréquemment
leurs éruptions avec une lotion composée dé
deux livres d'eau de mer, dans laquelle on avait
fait infuser huit livres de goudron pendant vingt-
quatre heures, et qu'on passait ensuite à l'éta-
mine.
220
Il y a mie espèce particulière de démangeai-
son de la peau, qui est fatigante, et qui est d'a-
bord produite par des espèces de petites pustules
aqueuses qui forment de petites écailles rouges
lorsqu'on les irrite. Cette maladie est très-difficile
à guérir ; mais on obtient beaucoup de soulage-
ment par l'usage du bain tiède. On prend sou-
vent cette maladie pour la gale, dont elle se dis-
tingue cependant en ce qu'elle n'est pas conta-
gieuse. On peut guérir la gale ordinaire en se
mettant quelquefois dans un bain chaud, dans
lequel on aura dissous une demi-once de foie de
soufre.
L'utilité du bain chaud dans différentes modi-
fications de la goutte, du rhumatisme et de la
paralysie, est suffisamment prouvée par les nom-
breux exemples qu'en donne annuellement le
soulagement qu'éprouvent les malades qui ont
recours aux eaux thermales de Bath. Il n'y a pas
de doute que des bains d'eau salée ou d'eau
douce, chauffés jusqu'à un degré de température
égal à celui de ces eaux, produiraient de sem-
blables effets.
La fièvre hectique, qui accompagne la phthi-
sie pulmonaire, reçoit un soulagement momen-
tané de l'immersion dans le bain chaud. Quoique
je sois porté à croire que, si jamais la médecine
221
parvient à maîtriser cette terrible maladie, ce ne
sera qu'en produisant quelque changement sur
la surface extérieure de la peau, avec laquelle
les organes de la respiration paraissent si inti-
mement liés , les effets palliatifs du bain chaud
ne doiArent pas cependant nous engager à retar-
der trop long-tems l'administration de remèdes
plus efficaces. On peut quelquefois prévenir cette
cruelle maladie par un régime suivi, et particu-
lièrement en prenant régulièrement de l'exercice
au grand air ; mais il est à craindre qu'on ne
cherche long-tems et inutilement un remède
spécifique contre les tubercules des poumons.
Le docteur Marcard lui-même, qui a tant vanté
les bains chauds, ne les considère que comme un
remède éventuel pour la guérison de la vraie
consomption pulmonaire ; et il paraît parler
d'après l'expérience : « Ce serait folie de baigner
» un phthisique, malgré, comme jel'ai éprouvé,
« que le bain ralentisse la
fièvre pour quelques
» heures; ce qu'on y gagnerait serait fort insi-
» gnifiant, et l'on risquerait d'augmenter la
»
grande disposition à l'enflure et aux sueurs *. »
L'usage du bain chaud est depuis long-tems
en vogue parmi les Français qui habitent les îles
* H. M. Marcard, de la Nature et de l'Usage des bains, trad,
par M. Parant. In-8°, Paris, 1801.
222
des Indes occidentales; et la cause qui les exempte
de quelques-unes des maladies les plus funestes
de ces climats, lesquelles comparativement,
,
exercent de plus grands ravages parmi les An-
glais doit probablement être attribuée au fré-
,
quent usage qu'ils font des bains chauds, cm
commence dans nos îles à suivre la même mé-
thode et on en retire les mêmes avantages. Nous
,
avons précédemment expliqué le mode par le-
quel le bain chaud tend à empêcher les effets
débilitans d'une chaleur intense et d'une abon-
dante transpiration.
TABLE
DES MATIÈRES.

DES BAINS EN GÉNÉRAL, ET DE LA DEUXIÈME ÉDITION


DE LA TRADUCTION DE L'OUVRAGE DE BUCHAN. I
PRÉFACE DE L'AUTEUR,
11
AYIS SUR LA DEUXIÈME ÉDITION ANGLAISE.
. . .22
CHAPITRE PREMIER.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES BAINS FROIDS. a3

L'automne est la saison la plus convenable pour prendre


les bains de mer. — Terme moyen de la température
de la mer dans celle saison. — On doit considérer la
mer comme un bain froid. — Effets immédiats de
l'immersion dans l'eau froide, et de son usage pendant
un certain laps de tems, — Explication de la respira-
tion convulsive. — Par quels moyens on la prévient.
Effets que produit sur le coeur et les artères l'im-

mersion dans l'eau froide. — De la sensation de froid
et des frissons qu'on ressent en sortant du bain. —
Explication de la sensation de chaleur qu'on ressent
lorsqu'on a mis ses habits. — Ce sentiment de cha-
leur est une preuve de l'utilité des bains. — Une vi-
gueur continuelle est la suite de l'usage des bains
- 224
froids. — L'usage des bains froids prévient les affec-
tions catarrhales, ou ce qu'on appelle ordinairement
rhumes. — De la chaleur animale. — Distinction
entre la transpiration insensible et la sueur. — Les
bains froids rendent la transpiration régulière, con-
servent la santé et excitent l'appélit. — Pratique par-
ticulière adaptée au climat vérilable de la Grande-
Bretagne. — Effets dangereux de la flanelle portée en
contact immédiat avec la peau. — Effets salutaires de
l'usage régulier d'une brosse à frictions. — Onctions
huileuses à la surface de la peau, d'après la méthode
des anciens. — Effets particuliers des bains d'eau sa-
lée sur la peau. — Propriété qu'ont en général les
bains d'eau de mer combinés avec la respiration d'un
air pur, de réveiller l'action de la fibre vivante.

CHAPITRE II.
DE L'HEURE A LAQUELLE ON DOIT PRENDRE LES BAINS
DE MER. . 76

Pourquoi le matin n'est pas toujours le tems le plus


propre pour se mettre dans le bain. — Précautions à
prendre avant le bain. — Avantage qu'on retire des
bains pris à midi, surtout si l'on est d'une constitution
délicate. — La mer est beaucoup plus chaude à cette
heure du jour, qu'elle ne l'est le matin. — Causes de
ce phénomène. — Du bain pris le soir. — Inconvé-
nient de permettre aux enfans du se mettre au lit après
le bain.
223

CHAPITRE III.
DE LA MANIÈRE DE SE BAIGNER DANS LA MER. 84
.

De l'état du corps humain dans lequel les bains froids


sont les plus convenables. — Précautions qu'il est
nécessaire de prendre avant le bain. — Espace de
tems qu'il est convenable de rester dans le bain. —
Utilité de plonger tout le corps dans l'eau. —Manière
de s'immerger. — Utilité de s'habiller promptement
après s'être baigné. — Nécessité d'avoir la plus
grande attention de sécher l'humidité du corps. —
Manière de réchauffer ceux qui ont froid après le
bain. — Danger de se baigner après un excès. —
Exemples des accidens qui suivent le bain pris dans
cet état. — Le bain doit être d'une température
moyenne, surtout lorsqu'on l'administre aux enfans.

CHAPITRE IV.
MALADIES DANS LESQUELLES LES BAINS D'EAU DE MER
SONT UTILES 11 g

Ils sont très-utiles dans les maladies qui proviennent de


la débilité générale de la constitution. — Utiles dans
les scrofules et dans les ulcères superficiels de la tête,
des yeux ; les caries des os ; l'atrophie des enfans, qui
sont autant de signes d'une affection scrofuleuse. —
Utilité des bains de mer dans le rachilis les convul-
,
sions des enfans, l'épilepsie, la danse de Saint-Weit,
lés affections hystériques, l'hydropbobie, les affections
i5
226
nerveuses, les palpitations du coeur, les indigestions,
l'hypocondrie, l'insomnie, l'aphonie ou perle de la
voix, les déiangemens dans la menstruation, les affec-
tions paralytiques , la chlorose, les fièvres intermit-
tentes , l'inflammation chronique des yeux, les fistu-
les lacrymales, les affections catarrhales, l'asthme ner-
veux. — Utiles pour se préserver de la goutte. —
— Avantageux dans les rhumatismes ; pour faire dis-
paraître la débilité provenant de l'emploi des médi-
camens mercuriels. — Le bain froid mène à la lon-
.gévité, d'après l'opinion du lord Bacon.

CHAPITRE V.
SUR QUELQUES MAUVAIS EFFETS DES BAINS D'EAU DE
MER l52
.

Les bains de mer sont nuisibles dans les maladies inflam-


matoires ; dans les érysipèles, le feu Saint-Antoine ;
dans les maladies cutanées ; dans les ulcères scorbuti-
ques des jambes. — Ils occasionent le gonflement oedé-
mateux des jambes chez les personnes du sexe. — Us
sont nuisibles aux personnes d'un tempéramentbilieux
et d'un âge avancé. — Précautions à prendre lorsqu'on
revient des côtes de la mer.

CHAPITRE VI.
DE'L'EAU DE MER PRISE INTÉRIEUREMENT. 162
. . .

La quantité de sel contenue dans l'eau de mer varie dans


les différentes latitudes. — Analyse chimique de l'eau
227
lé mer des côtes de la Grande-Bretagne. — Effets
avantageux pour l'homme et les animaux, du sel pris
avec les alimens. — De la meilleure manière de faire
' usage de l'eau de mer lorsqu'on la prend comme pur-

gative. — Tempéramens dans lesquels l'usage de l'eau


de mer à l'intérieur est nuisible. — Moyens de préve-
nir le goût amer et nauséabond que donne quelquefois
l'eau de mer. — Elle offre un remède contre les vers
ascarides. — Elle est utile dans les fistules à l'anus ;
dans les scrofules. — Elle chasse les vers des intestins
des enfans, et prévient leur développement. — Son
utilité comme altérant lorsqu'on la prend à petite
dose. — Elle guérit quelquefois les affections cutanées.
— Elle est utile dans l'atrophie des enfans. — Atten-
tion à se procurer l'eau de mer pure. — Moyens de la
dépurer.

CHAPITRE VIL
DE L'AIR DE LA MER. .'. 178

Avantages qu'on retire de la respiration d'un air pur»


, —-
Comment l'air est vicié. — Les moyens qu'emploie la
nature pour purifier l'air, sont la végétation, l'agitation
des eaux des rivières et des lacs, et principalement de
la mer. — Les tempêtes servent à purifier l'air.

L'air a plus de densité dans le voisinage de la mer
qu'il n'en a ailleurs. —. La température du globe est,
en grande partie, réglée par l'Océan. — Salubrité
de l'air dans le voisinage de la nier. — La respiration
d'un air pur augmente l'appétit. Effets du change-

ment d'air dans la guérison des maladies. — L'air du
228.
voisinage de la mer est imprégné de particules salines.
— L'air de la mer est utile dans les catarrhes chroni-
ques. — Rhumes guéris par la respiration de l'air des
marais salans. — L'air de la mer est nuisible dans la
consomption pulmonaire. — Il contribue à la guérison
de quelques affections scrofuleuses. — Maladies des
organes digestifs guéries par le mal de mer. — Utilité
pour les personnes valétudinaires de^respirer l'air de
la mer.

CHAPITRE VIII.
OBSERVATIONS SUR L'USAGE DES BAINS CHAUDS. 192

Utilité générale des bains chauds. — Des bains chauds


d'eau de mer. — La chaleur du corps humain est
augmentée par l'immersion dans un bain d'une tem-
pérature inférieure à la sienne. — Effets du bain
chaud sur la respiration. — Chaleur du bain chaud. —
Elle doit toujours être réglée par le thermomètre, T+T-
Danger de s'en rapporter à ses sensations. — Le
pouls est accéléré lorsqu'on entre dans un bain chaud
le soir. -^ Tems le plus convenable pouF faire usage
du bain chaud. —Il n'y a point de danger de s'enrhu-
mer en sortant du bain. — Expériences intéressantes
du comte de Rumfort. — Effets du bain chaud sur la
respiration.— Preuves qu'il n'y a point d'absorption
dans le bain. — Pourquoi l'immersion dans un bain
chaud modère la soif. — Effets fortifians du bain
chaud. — Les anciens allaient aux bains pour se ra-
fraîchir avant leurs repas. Les fontaines d'eaux
chaudes étaient dédiées à: Hercule. — Des bains d'air
229

FIM DE LA TABLE DES MATIERES.

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