Téléchargez comme PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 1
L'Étranger d' Albert Camus extrait du chapitre 6 (fin de
la 1ère partie) “Le meurtre de l’Arabe” : le soleil comme
destin tragique.
Au bout d’un moment, je suis retourné vers la plage et je me
suis mis à marcher. C’était le même éclatement rouge. Sur le sable, la mer haletait de toute la respiration rapide et étouffée de ses petites vagues. Je marchais lentement vers les rochers et je sentais mon front se gonfler sous le soleil. Toute cette chaleur s’appuyait sur moi et s’opposait à mon avance. Et chaque fois que je sentais son grand souffle chaud sur mon visage, je serrais les dents, je fermais les poings dans les poches de mon pantalon, je me tendais tout entier pour triompher du soleil et de cette ivresse opaque qu’il me déversait. A chaque épée de lumière jaillie du sable, d’un coquillage blanchi ou d’un débris de verre, mes mâchoires se crispaient. J’ai marché longtemps. Je voyais de loin la petite masse sombre du rocher entourée d’un halo aveuglant par la lumière et la poussière de mer. Je pensais à la source fraîche derrière le rocher. J’avais envie de retrouver le murmure de son eau, envie de fuir le soleil, l’effort et les pleurs de femme, envie enfin de retrouver l’ombre et son repos.