0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
4 vues193 pages

2014GRENI061

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1/ 193

Modélisation de parcs d’hydroliennes à flux transverse

avec une méthode d’équivalence


Guillaume Mercier

To cite this version:


Guillaume Mercier. Modélisation de parcs d’hydroliennes à flux transverse avec une méthode
d’équivalence. Mécanique des fluides [physics.class-ph]. Université de Grenoble, 2014. Français.
�NNT : 2014GRENI061�. �tel-01127154�

HAL Id: tel-01127154


https://theses.hal.science/tel-01127154
Submitted on 7 Mar 2015

HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est


archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents
entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non,
lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de
teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires
abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
THÈSE
Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE GRENOBLE


Spécialité : Mécanique des Fluides, Procédés, Énergétique
Arrêté ministériel : 7 août 2006

Présentée par

Guillaume MERCIER

Thèse dirigée par Christian PELLONE


et codirigée par Thierry MAITRE

préparée au sein Laboratoire des Ecoulements Géophysiques et In-


dustriels
et de l’Ecole Doctorale Ingénierie - Matériaux, Mécanique, Environne-
ment, Energétique, Procédés, Production

Modélisation de parcs
d’hydroliennes à flux transverse
avec une méthode d’équivalence

Thèse soutenue publiquement le ,


devant le jury composé de :

M. Jean-Luc ACHARD
Directeur de Recherche, CNRS, Président
M. Jacques-André ASTOLFI
Maitre de conférence, Ecole Navale Brest, Rapporteur
M. Michel VISONNEAU
Directeur de Recherche, CNRS, Rapporteur
M. Jean-Luc HARION
Professeur Ecole des mines de Douai, Examinateur
M. Christian PELLONE
Chargé de Recherche, CNRS, Directeur de thèse
M. Thierry MAITRE
Maitre de Conférence, Grenoble INP, Co-Directeur de thèse
M. Christophe PEYRARD
Ingénieur de recherche, Centre de R&D EDF, Invité
M. Vincent GUENARD
Ingénieur de recherche, ADEME, Invité
2
Remerciements

L’édition de la version définitive de ce mémoire de thèse est l’occasion de mettre en avant


le rôle essentiel des collaborations, débats ou même simples discussions dans le cheminement
qu’est la recherche scientifique. Le document présenté ici est ainsi le fruit d’une réflexion
personnelle, constamment nourrie par les échanges de toutes natures avec les collègues
et amis, ce quelque soit leurs affinité ou connaissances présumées pour la mécanique des
fluides. Je souhaite remercier par ces quelques lignes les nombreuses personnes que j’ai pu
côtoyer au cours des trois dernières années, et dont l’influence a enrichi mes cogitations,
sur les hydroliennes sans doute, mais surtout sur la vie en générale. Les rencontres ont été
nombreuses, et je n’essayerai pas des citer toutes les personnes qui comptent, au risque
d’oublier certains, me contentant de clins d’œil et laissant le soin à chacun de s’y retrouver
et de lire entre les lignes.
Je tiens en premier lieu à remercier messiers Achard, Astolfi, Visonneau et Harion
d’avoir accepté de faire partie du jury qui a évalué ce travail. Je suis sincèrement re-
connaissant du temps que vous avez consacré à la critique du mémoire et des nombreux
commentaires que vous m’avez transmis. J’ai également apprécié avec intérêt les questions
et discussions à l’issue de la présentation de thèse, qui ont suscitées dans mon esprit nombre
de nouvelles idée et pistes de réflexions.
Je veux ensuite témoigner à Christophe Peyrard ma reconnaissance pour la disponibilité
et l’intérêt qui ont étaient les siens dans l’encadrement de mon travail, durant la première
année que j’ai passé à Chatou et par la suite. J’ai toujours pu apprécier tes remarques
pertinentes et ta patience lors de nos nombreuses discussions, mais également ta bonne
humeur dans le bureau. J’espère atteindre une partie de ta sagesse, à travers l’aïkido que
tu m’as fait découvrir peut-être, même si le chemin est encore long. Je tiens par là même à
remercier l’ensemble des collègues de Chatou pour leur accueil, et l’ambiance chaleureuse
et motivante dans le groupe.
Mes remerciements suivants vont à mes directeurs de thèse pour leur encadrement. Un
grand merci à Christian. Je te suis reconnaissant pour la patience que tu as eue pour essayer
de me transmettre ta rigueur de travail et pour ta disponibilité constante. Merci également

3
4

à Thierry pour les nombreux débats et les discussions sur ces fameuses hydroliennes, mais
également pour m’avoir permis d’avoir une belle expérience de l’enseignement, passionnante
et variée. La grande liberté que vous m’avez laissée dans mon travail a pu être déstabilisante.
Elle m’a néanmoins fait prendre conscience de la vaste exploration qu’est la recherche
scientifique et m’a permis de mieux me connaitre et d’apprendre énormément. Merci enfin
pour m’avoir fait confiance pour mener à bien ces travaux de recherche lorsque je suis arrivé
au LEGI, avec des idées très approximatives sur la mécanique des fluides.
J’ai eu la chance de trouver une aide inestimable dans la collaboration avec Michel
Riondet pour les aspects expérimentaux. Sa connaissance des outils de mesures du LEGI
et sa disponibilité m’ont permis de mener à bien les mesures sur les modèles réduits. J’espère
pouvoir conserver et exploiter le soin et la rigueur que j’ai appris et travaillant à tes côtés.
L’ordre dans lequel apparaissent mes remerciements ne saurait être le résultat d’une
quelconque hiérarchisation de leur importance. Cette remarque me permet de remercier ici
mes parents pour tout ce qu’ils m’apportent depuis ’quelques’ années. Merci pour votre
patience et votre dévouement. Même si l’ensemble des détails de cette thèse peuvent vous
laisser perplexes, vous êtes sans aucun doute les premiers à remercier pour ma curiosité.
Vous m’avez transmis le goût pour le raisonnement et l’esprit critique dont découle ma
passion pour la recherche. Et erci Mimi pour avoir supporté toute la place que je prends
depuis vingt ans et malgré tout faire n’importe quoi quand j’en ai besoin.
Enfin, les dernières lignes seront pour tous les copains qui m’ont fait grandir au cours de
ces trois années et dont l’énumération ne sera malheureusement pas exhaustive, un grand
merci ..
Aux copains du labo pour les débats aussi interminables que récurrents, les pauses
cafés salutaires, les repas dépannés dans les moments d’oubli, les volleys, skis ou autres
barbecues. En particulier à Antoine pour m’avoir supporté dans le bureau et répondu aux
millions de questions pour lesquelles j’ai fait appel à ses lumières.
Aux nombreux habitants de la maison de Gières, de plus ou moins courte durée, pour
tout ce temps passé ensemble entre la musique, le pain, le fromage et les débats scientifiques
tableau à l’appui, les cours sur le chant des baleines, le partage des fourchettes, le réveil de
la trompette ou les exposés en terre.
Aux plus nombreux encore habitants de St-Martin-le-Vinoux, qui m’ont recueilli après
l’abandon des précédents, et m’ont offert un chouette repère aux pieds du Néron, où ont
étaient écrites quelques unes des pages de ce mémoire dans la douce musique de la meuleuse
et le braillement des brebis. Merci de nous avoir supportés, patiemment, sur la fin, et vous
être occupé de nous, voire nourris, pendant les moments critiques.
A Flo, pour ces discussions sans fin, ces chambres partagées, ta sérénité inébranlable,
et ton addiction pour la science et le piment.
A Manon, et à la belle mélodie qui me trotte dans la tête..
Table des matières

Introduction 9

1 Les hydroliennes à flux transverse 15


1.1 Les turbines à flux transverse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.1.1 Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.1.2 Les différents concepts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.1.3 Le projet Harvest et le concept Achard . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.2 Analyse physique des turbines à flux transverse . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.2.1 Considérations aérodynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
1.2.2 Application à la turbine Darrieus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.2.3 Le décrochage dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
1.3 Programmes d’essais expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
1.3.1 Caractéristique et fonctionnement général . . . . . . . . . . . . . . 30
1.3.2 Les modèles réduits et similitudes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
1.3.3 Montage d’étude du confinement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2 Le maillage rotatif dans Code_Saturne 39


2.1 Présentation du projet Code_Saturne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.2 Fonctionnement du code . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.2.1 Généralités sur le solveur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.2.2 Equations du mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.2.3 Pourquoi une modélisation de la turbulence ? . . . . . . . . . . . . . 41
2.3 Les modèles RANS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.3.1 Le modèle k − ǫ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.3.2 Le modèle k − ω de Wilcox . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.3.3 Le modèle k − ω ’BSL’ Baseline et sa variante kω − SST Shear Stress
Stransport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

5
6 TABLE DES MATIÈRES

2.3.4 Le modèle v 2 − f . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
2.4 La méthode de Couplage / maillage rotatif (Sliding mesh) . . . . . . . . . 48
2.4.1 Benchmark . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
2.4.2 Fonctionnement de la méthode Code_Saturne . . . . . . . . . . . . 50
2.4.3 Méthode de l’Université de Manchester dans Code_Saturne . . . . 53
2.5 Validation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
2.5.1 Physique du cylindre en rotation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
2.5.2 Méthodologie de validation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
2.6 Cas test 1 : Cylindre 2D en écoulement laminaire . . . . . . . . . . . . . . 58
2.6.1 Maillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
2.6.2 Cylindre immobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
2.6.3 Cylindre rotatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
2.7 Cas test 2 : Cylindre Turbulent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
2.7.1 Description des simulations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
2.7.2 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
2.7.3 Discussion et Comparaison avec Fluent . . . . . . . . . . . . . . . . 77
2.8 Simulation de l’hydrolienne Achard10 en 2D . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
2.8.1 Maillages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
2.8.2 Paramètres de calcul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
2.8.3 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
2.8.4 Comparaison Code_Saturne/ Fluent / PIV . . . . . . . . . . . . . 81
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

3 Méthode d’équivalence empirique 95


3.1 Les parcs et les modèles existants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
3.1.1 Considérations théoriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
3.1.2 Revue des méthodes existantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
3.1.3 Définition des objectifs de notre méthode . . . . . . . . . . . . . . . 104
3.2 Description du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
3.2.1 Construction du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
3.3 Validation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
3.3.1 Machine seule en confinement variable . . . . . . . . . . . . . . . . 117
3.3.2 Deux turbines en positions asymétrique . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

4 Etude du sillage de la turbine Achard 125


4.1 Considérations sur le sillage des hydroliennes . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
4.1.1 Comprendre la structure du sillage : Expériences et simulations . . 126
TABLE DES MATIÈRES 7

4.1.2 Les méthodes numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131


4.2 Mesures en sillage proche de la Darrieus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
4.2.1 La vélocimétrie Laser Doppler (LDV) . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
4.2.2 Grandeurs mesurées et calculées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
4.2.3 Grandeurs moyennes dans le sillage proche . . . . . . . . . . . . . . 141
4.3 Simulation d’un écoulement cisaillé simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
4.4 Etude numérique du sillage en maillage rotatif . . . . . . . . . . . . . . . . 145
4.4.1 Paramètre de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
4.4.2 Influence de la turbulence ambiante sur les performances . . . . . . 146
4.4.3 Transport des structures tourbillonnaires . . . . . . . . . . . . . . . 150
4.4.4 Effet de déstabilisation du sillage - meandering . . . . . . . . . . . 150
4.4.5 Influence de la turbulence ambiante sur le sillage . . . . . . . . . . . 154
4.4.6 Bilan sur la simulation géométrie complète . . . . . . . . . . . . . . 157
4.5 Etude du sillage par les méthodes des termes sources . . . . . . . . . . . . 159
4.5.1 Réponse du modèle itératif à l’intensité turbulente . . . . . . . . . . 159
4.5.2 Influence de la fonction de la répartition des termes sources . . . . . 161
4.6 Comparaison des sillages proches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169

5 Application du modèle à l’étude de parcs 173


5.1 Résultats généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
5.1.1 Machines en ligne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
5.1.2 Configuration quinconce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
5.1.3 Impact du sillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
5.2 Pistes d’amélioration du modèle en vue de l’optimisation . . . . . . . . . . 184
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186

Conclusion et perspectives 187


8 TABLE DES MATIÈRES
Introduction générale

Le besoin d’énergie croissant créé par une consommation toujours plus mise en avant
devient un problème important de par son impact environnemental et social. Deux grandes
façons, ‘dites durables’, d’y répondre prédominent : la conception de nouveaux systèmes de
génération électrique, sans utilisation de matières fossiles, qui sont dit renouvelables, et la
diminution de la consommation. La seconde est un processus plus lent dont les implications
sociétales ne sont pas maîtrisées, et moins avantageuses en termes de création de valeur
marchande. Cela étant dit, la combinaison de technologies propres et plus efficaces pour
l’énergie et une diminution de la consommation sont nécessaires de façon conjointe pour
répondre au défi que représente la préservation de l’environnement.
Le développement de l’énergie hydrolienne participe à cet effort en venant s’ajouter
aux dispositifs de production d’énergies renouvelables existants. Elle consiste à utiliser
l’énergie cinétique transportée par les masses d’eau en mouvement. L’énergie contenue par
un m3 d’eau qui se déplace (mesurée en joules J) est proportionnelle au carré de sa vitesse.
La puissance (en Watt W ) est proportionnelle au débit de cette énergie, c’est à dire à
la vitesse au cube. Il est donc avantageux de chercher des sites où la vitesse du courant
est la plus forte. L’implantation des hydroliennes vise donc les fleuves, mais également
les courants des marées, ou les courants océaniques, en privilégiant des sites pour lesquels
la topologie de l’environnement accélère l’écoulement (îles, rétrécissements, estuaires). Les
systèmes qui permettent la récupération de cette énergie sont typiquement de forme et
de fonctionnement semblables à ceux des éoliennes, maintenant bien connus. Bien que les
analogies soient nombreuses entre les deux technologies, on peut noter certains avantages
de l’énergie hydrolienne. L’impact visuel et le bruit produits, qui sont les principales sources

9
10 Introduction générale

des reproches faits aux éoliennes, sont quasiment absents avec les hydroliennes. De plus, la
masse volumique de l’eau plus de huit cent fois plus importante que celle de l’air fait que les
systèmes peuvent produire une énergie équivalente pour une taille trois fois inférieure. La
prédictibilité de la ressource, qui a un impact important sur la gestion du réseau électrique
est meilleure, les courants marins ou fluviaux étant plus réguliers que la vitesse du vent.
L’impact environnemental de tels systèmes est encore mal connu. Les principales études
ont jusqu’à maintenant portées sur l’effet de l’augmentation de la turbulence de l’écoule-
ment sur le lit sédimentaire, sur l’impact sur la faune et sur l’altération des courants en
cas d’extraction d’énergie trop importante.
L’effet futur sur l’environnement ne peut être nié, et une modification, au moins locale
aura lieu. Il s’agit de surveiller ses implications à moyen et long terme. On trouvera un
inventaire des études menées jusqu’à présent dans les travaux de Boehlert et Gill (2010) 1 .
L’énergie hydrolienne est souvent confondue avec les barrages marémoteurs comme celui
de la Rance, à côté de St Malo. Leurs fonctionnements sont réellement différents. Dans
le cas d’un barrage, une importante structure de génie civil est construite afin d’utiliser
l’énergie potentielle de l’élévation du niveau de l’eau dans l’estuaire. A marée montante,
l’eau rentre dans le barrage par des ouvertures, qui sont ensuite fermées au niveau le plus
haut. A marée descendante la différence de niveau crée une différence de pression qui est
ensuite turbinée. L’importante modification des courants et l’envasement de la baie ont
participé à la vision négative de ce projet. Les hydroliennes présentent l’avantage de ne
ralentir que localement le courant.
Deux grands types de turbines hydro-cinétiques existent, qui sont inspirées des éo-
liennes. Celles à flux axial et transverse. La jeunesse de la technologie et le faible retour
d’expérience fait que de nombreux designs sont actuellement au stade de prototype ou
d’essai sur les sites pilotes. Les turbines à flux transverse présentent un certain nombre de
contraintes dans l’air, surtout structurelles, qui ont limité leur utilisation. Pour les applica-
tions fluviales, ces machines avec un axe de rotation orthogonal à l’écoulement connaissent

1. Boehlert, G. W., Gill, A. B. (2010). Environmental and ecological effects of ocean renewable energy
development : a current synthesis. Oceanography, Vol.23, n2
Introduction générale 11

un nouvel essor. Le projet de recherche HARVEST, initié au début des années 2000, a
permis le développement d’une machine à axe vertical hydrodynamiquement, mécanique-
ment et électriquement fonctionnelle. A partir du concept de turbine Darrieus datant des
années 30, un nouveau design a vu le jour, sous le nom de turbine Achard. L’intégration
complète de ces recherches a débouché sur la construction d’un prototype à deux colonnes
carénées. L’application fluviale, industrialisée par la société Hydroquest, est montée sous
une barge flottante. La partie électrique peut ainsi être placée hors de l’eau, ce qui facilite
la maintenance et lui permet d’opérer dans des conditions plus favorables. Deux projets
pilotes ont permis la mise en eau de ces turbines, en Guyane et à Orléans.
La prochaine étape de ce développement est l’implantation de ces machines en ferme
fluviales ou maritimes. L’utilisation des hydroliennes requiert une vitesse de courant mi-
nimum de l’ordre de 2 m/s, avec pour autant un taux d’objet en suspension faible et une
hauteur d’eau suffisante. Les sites favorables sont peu nombreux et on essaiera d’optimiser
leur utilisation en multipliant les machines. Il est donc fondamental de comprendre l’in-
teraction des turbines et son impact sur le rendement. Le sujet des parcs a été étudié de
façon exhaustive dans le cas des éoliennes. Néanmoins, l’écoulement de couche limite at-
mosphérique et celui des rivières est différent en termes de structure (turbulence, direction,
variabilité), mais également de géométrie (confinement, hauteur d’eau, rugosité). Une ana-
lyse qualitative des effets de parc permet de comprendre l’importance de sa compréhension.
Un générateur hydro-cinétique idéal dans un écoulement en milieu infini (ie sans limites)
peut, d’après la théorie de Betz, récupérer au maximum 16/27e de la puissance du courant.
La proximité des turbines dans la direction transverse à l’écoulement aura pour effet de
forcer le débit dans les rotors et d’augmenter le rendement global. On peut ainsi définir la
première génération de parc, pour laquelle les turbines sont placées sur une ligne ou deux
lignes de manière intercalée. La seconde génération intervient lorsqu’une troisième rangée
vient placer des machines dans le sillage des premières. Elles voient alors un déficit de
vitesse et une augmentation du niveau de turbulence, dont l’effet est probablement négatif
sur le rendement et sur la tenue mécanique des structures.
Il est donc essentiel de comprendre les phénomènes en jeu dans les parcs et de disposer
12 Introduction générale

pour cela d’un outil de modélisation des turbines et de l’écoulement pour un site réel.
La complexité des géométries mise en jeu et l’écart entre les différentes échelles rendent
les représentations complètes très coûteuses, voir inenvisageables. Pour cette raison, un
modèle simplifié de la turbine est nécessaire. Il doit pouvoir reproduire les caractéristiques
complexes de la machine à partir de paramètres simples.
L’étude présentée dans ce mémoire de thèse vise la construction d’un modèle de ce
type. Elle souligne notamment la méthodologie de construction, qui passe par une étude
de la turbine réelle à l’aide d’outils de calculs complets et de mesures expérimentales. On
présentera ici les propriétés des turbines à axe vertical en général, mais également le travail
effectué sur le logiciel Code_Saturne afin de pouvoir simuler ces hydroliennes. La mise en
place du modèle pour un calcul précis de la puissance et du sillage est ensuite décrite, et son
fonctionnement validé, pour enfin estimer les effets dans des situations de parcs théoriques.
Présentons rapidement ici les différentes parties détaillées dans ce mémoire.
Le fonctionnement des turbines à flux transverse est régi par un écoulement complexe
qui a fait l’objet de nombreuses études. Le premier chapitre présente une revue des dif-
férentes évolutions du modèle original proposé par George Darrieus puis une analyse des
phénomènes physiques agissant sur l’entraînement des pales. Elle soutient l’explication des
résultats discutés par la suite. Nous présentons également les outils expérimentaux qui
permettent la caractérisation de la turbine Achard au LEGI (Laboratoire des Ecoulements
Géophysiques et Industriels).
L’étude numérique de la turbine est un outil indispensable pour la prédiction et la com-
préhension des propriétés de l’hydrolienne. Des études précédemment menées ont montré la
capacité des modèles de turbulence RANS à reproduire la dynamique tourbillonnaire dans
le rotor, avec notamment le logiciel Fluent, code général de résolution des équations de
Navier-Stokes par la méthode des volumes finis. Ces équations sont également résolues par
Code_Saturne, qui présente l’avantage d’être un outil de distribution open-source et qui est
développé par EDF. Il intègre une méthode de maillage rotatif permettant la simulation des
géométries en mouvement. Le chapitre 2 présente cette méthode et son fonctionnement. Sa
validité est évaluée par l’étude d’un cylindre en rotation dans des écoulements laminaires
Introduction générale 13

et turbulents. Les enseignements de ces cas tests permettent la simulation de la turbine


Darrieus en 2D, et sa comparaison avec les récentes mesures PIV de Jonathan Bossard.
Le troisième chapitre détaille les objectifs et les choix faits pour le modèle simplifié,
par comparaison aux méthodes existantes. Une méthode d’équivalence intégrant les nom-
breuses données accumulées sur la turbine est choisie. La turbine est considérée de façon
globale. Contrairement à la partie précédente, la géométrie fine n’est plus représentée. La
turbine est modélisée par des termes puits de quantité de mouvement insérés dans un cal-
cul de l’écoulement. La méthode utilise un maillage grossier qui permet la réduction des
temps de calcul de plusieurs ordres de grandeurs. La méthodologie de construction des lois
empiriques est particulièrement mise en avant. Elle passe par la détermination des proprié-
tés mesurables sur l’écoulement qui ont une influence sur les efforts. Le calcul complet est
utilisé pour avoir un large panel de situations de référence. La puissance et la trainée de
la turbine sont reliées à la vitesse dans le rotor et à la vitesse de rotation. A partir de la
position de la turbine et de sa vitesse de rotation, un schéma itératif permet de détermi-
ner par convergence le point de fonctionnement du système. Les résultats du modèle sont
comparés dans différentes situations avec le calcul rotatif.
Le chapitre 4 oriente l’étude vers le sillage de la turbine. La dynamique et les processus
qui participent à la récupération de la vitesse aval des machines à flux axial sont détaillés
grâce aux nombreuses références expérimentales et numériques. Peu de données sont dispo-
nibles pour le cas des turbines à flux transverse. La veine d’essai du LEGI est utilisée pour
réaliser des mesures par Vélocimétrie Laser Doppler dans le sillage proche d’un modèle
réduit de turbine. Les résultats sont analysés en s’attachant à décomposer les parties cohé-
rentes et turbulentes du signal. Ils permettent la comparaison avec les différents modèles
de simulation. D’un point de vue numérique, l’importance de l’intensité turbulente ainsi
que celle des modèles de turbulence sont mis en avant.
Le dernier chapitre vient illustrer les capacités du modèle à estimer le rendement global
d’un parc de turbines placées dans différentes configurations spatiales. Le modèle d’équiva-
lence est utilisé pour simuler un parc de machines en milieu infini, afin d’étudier l’influence
de l’espacement latéral et longitudinal. Un parc de seconde génération est également envi-
14 Introduction générale

sagé dans un canal peu large. On peut ainsi déterminer l’influence des rangées successives
sur le rendement global. Cette dernière partie est également l’occasion d’évoquer les mo-
difications envisageables pour améliorer l’applicabilité du modèle.
Chapitre 1

Les hydroliennes à flux transverse et


leur étude au LEGI

1.1 Les turbines à flux transverse


1.1.1 Historique
Le terme turbine à flux transverse désigne ici des machines tournantes hydro-électriques
dont l’axe de rotation est orthogonal à la direction principale de l’écoulement. De plus, le
terme turbine, dans ce document, est utilisé pour parler de convertisseurs hydrocinétiques.
C’est à dire qu’ils fonctionnent grâce à la vitesse du courant à la différence des turbines
hydrauliques classiques (Pelton, Kaplan..) qui fonctionnent en charge. Le premier exemple
de turbine à flux transverse se trouve dans le brevet de George Darrieus [1] déposé dans
les années 30 en France et aux Etats-Unis. On peut lire dans ce document une description
de concept d’une turbine à axe vertical, de géométrie et conception simples, permettant de
s’affranchir de la direction du courant. On relève deux phrases dont la formulation retient
l’attention : “a turbine [...] rotates at such a speed that this relative wind only undergoes
a limited angular displacement”, et “ It is thus possible to give these blades a streamline
section analogous to that of the wings of birds”. La première, pose de façon simple le
principe de fonctionnement des turbines à flux transverses, comme la variation des forces
de portance sur un profil en rotation. Ce concept a été peu utilisé jusque dans les années 70-
80. Les premiers développements notables ont débuté aux Royaume-Uni avec une turbine
à deux pales, appelée en raison de sa forme, H-rotor. Comme nous le verrons plus loin, si
le faible nombre de pales est bénéfique pour le rendement, notamment pour la génération
de puissance électrique en raison des grandes vitesses de rotation, il est nuisible pour la
structure car il augmente l’amplitude des sollicitations cycliques. A la fin des années 80,

15
16 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

rebondissant sur le choc pétrolier, le prototype conçu et testé par les laboratoires SANDIA
(USA), a marqué le début de l’utilisation des éoliennes à axe vertical. La qualité des mesures
sur cette éolienne en soufflerie en a fait une expérience de référence pour les développements
numériques durant de nombreuses années. Par la suite, les turbines à flux transverse ont été
limitées aux machines aériennes de petite taille en raison des difficultés d’ordre mécanique
[2], et reprennent leur essor à la fin du 20e siècle avec les applications maritimes ou fluviale.
Les turbines à flux transverse (en anglais cross flow water turbine) présentent l’avan-
tage de la multidirectionnalité. C’est à dire que leur fonctionnement est indépendant de
la direction de l’écoulement, mais également du gradient de vitesse vertical présent dans
les écoulements de couche limite atmosphérique. De plus, elle présente une relative simpli-
cité pour la fabrication, notamment pour les pales, à section constantes, mais aussi pour
la maintenance, en autorisant le placement de la génératrice au niveau du sol (pour les
éoliennes) ou au niveau de la surface libre (pour des hydroliennes flottantes). Elles ont
néanmoins un rendement inférieur à celui des turbines à flux axial, mais surtout une bien
plus forte sollicitation mécanique cyclique sur la structure, et un coefficient de trainée
environ 1,5 fois plus important.

Figure 1.1 – Vue de principe issue du brevet déposé par G. Darrieus

1.1.2 Les différents concepts


L’idée de départ de G. Darrieus a été de concevoir une turbine composée d’aubes pro-
filées, tournant autour d’un axe vertical. Les pales sont formées par des profils aérodyna-
miques et leur incidence varie au cours de la rotation. Elles tournent à une vitesse suffi-
samment importante par rapport à la vitesse du fluide (U0 ) pour limiter cette incidence.
Le couple moteur est créé par la force de portance qui s’applique sur les pales. Darrieus
présente dans son document deux vue de principe (figure 1.1) au nombre de pales indéfini :
une version à pale droite dont les extrémités sont fixées sur deux disques horizontaux en
rotation avec l’ensemble, et une seconde version dont les pales ont une forme troposkienne,
reliées par leur extrémités directement sur l’axe. Cette option est particulièrement adaptée
1.1. LES TURBINES À FLUX TRANSVERSE 17

pour reprendre les forces centripètes. Les efforts sont alors transmis en tension, situation
qui offre la meilleure résistance des matériaux. Elle est testée par les laboratoires SAN-
DIA, qui obtiennent un rendement optimum de 33% environ, pour un paramètre d’avance
compris entre 4 et 5 (rapport entre la vitesse des pales et la vitesse de l’écoulement).

a) Forme troposkienne b) H-rotor c) 3 pales droites

Figure 1.2 – Vue d’artiste de différents concepts développés depuis la Darrieus, tiré de
Islam [2].

Le deuxième concept, introduisant des pales de rayon constant, est à l’origine de la


plupart des applications hydrauliques actuelles. Il a pour avantage d’augmenter le couple
par rapport à la forme troposkienne, en conservant la distance axe-pale sur toute la hauteur.
Les pales sont reliées à l’axe par des bras (en général un ou deux). Il est crucial de profiler
correctement ces bras car la trainée qu’ils génèrent peut affecter fortement le rendement
de la machine. Les inconvénients de ce design résident dans les pertes marginales en bout
18 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

de pale et aux raccords bras-pale, ainsi que dans la plus faible tenue mécanique pour les
designs avec un seul bras.

Du concept au prototype On trouve peu d’applications sur le terrain des éoliennes à


axe vertical. On peut mentionner une utilisation sur site du concept SANDIA en milieu
naturel par la société Hydro-Quebec. Une turbine de forme troposkienne fut utilisée, dont la
tenue en position verticale était assurée par des ancrages par câble. Les déboires matériels
ont néanmoins limité cette expérience et sûrement mis un terme à l’avenir des éoliennes
verticales de grande taille. Une voie de développement intéressante pour les éoliennes à flux
transverse est l’implantation en ville, sur les bords de toit afin de profiter de l’accélération
du vent dans ces zones [3]. On trouve également quelques machines implantées le long des
grandes routes, qui tirent profit du vent induit par le passage de gros véhicules.

De l’éolien à l’hydrolien L’utilisation des turbines dans l’eau plutôt que dans l’air a
un effet sur le design et le régime de fonctionnement. La différence vient du changement de
masse volumique et de viscosité dynamique, ainsi que les plages de vitesse typiques dans
lesquelles fonctionnent ces systèmes. Le tableau 1.1, résume les paramètres pour les deux
milieux (valeurs à 20◦ C) :

ρ (kg/m3 ) µ (kg/(m.s)) Vitesse typ. (m/s)


air 1,2 1, 8.10−5 10
eau 1000 1, 0.10−3 2

Table 1.1

La performance d’un convertisseur hydro- ou aéro-cinétique est généralement défini


comme un rapport entre la puissance réelle récupérée par le système mécanique et le flux
de puissance cinétique passant par la surface égale à la section apparente de la turbine.
Pour deux designs de turbine, l’un dans l’air, l’autre dans l’eau, pour une envergure égale
et pour une même performance, le rapport entre les puissances extraites est :
3
Peau ρeau Ueau
= 3
≈8 (1.1)
Pair ρair Uair
A puissance équivalente, on peut également envisager une surface de la turbine 8 fois
plus petite, c’est à dire un rayon ≈ 3 fois plus petit. Au niveau logistique de fabrication,
de transport, et de coût des matériaux cet avantage est très important. La force de trainée
subie par la machine est proportionnelle au flux d’énergie cinétique, est donc environ 40 fois
plus importante dans l’eau. Les forces centrifuges vues par les pales sont proportionnelles
1.1. LES TURBINES À FLUX TRANSVERSE 19

au carré de la vitesse de rotation angulaire et au rayon de la machine. L’optimum de


vitesse de rotation spécifique est typiquement de 2-3 pour les hydroliennes et de 4-6 pour
les éoliennes. La vitesse angulaire est donc proportionnelle à la vitesse et au paramètre
d’avance :
Fcentrif uge,eau λ2 ωeau 2
= eau ≈ 1/50 (1.2)
Fcentrif uge,air λ2air ωair
2

On trouve un rapport qualitatif de 1/50 pour les forces centrifuges pour des machines
de même taille, ce qui explique que ces forces ne sont plus le paramètre dominant de
dimensionnement (comme il l’est pour une forme troposkienne) qui considérant plutôt
l’effet du chargement en pression et notamment les chargements instationnaires.

Les évolutions majeures Les évolutions majeures apportées au concept Darrieus d’ori-
gine portent essentiellement sur la périodicité du couple. Une pale au cours de la rotation
voit alternativement des zones de couple moteur et frein. Lors de l’utilisation nominale, la
somme des trois contributions ainsi que l’inertie de la machine à tendance à lisser le couple
récupéré.
La turbine Gorlov [4] a été conçue en prenant en compte les inconvénients de la Darrieus
cité précédemment. Afin de répartir les efforts, il impose une forme hélicoïdale à des pales
verticales (c’est à dire de rayon constant), comme illustré sur la figure 1.3. La projection
de la turbine sur un plan horizontal montre ainsi un recouvrement plus grand du cercle
de rotation. Le recouvrement est complet dans le cas d’une machine seule, et partiel pour
une tour de turbine, pour lequel les vides sont comblés par un déphasage des différentes
machines sur la tour. Ce concept est attirant mais les résultats en termes de performance
sont assez approximatifs. L’étude de Shiono [5] montre une dégradation du coefficient de
puissance CP jusqu’à 18%, par rapport aux 35% avancés par Gorlov.
La turbine à pale droite permet de modifier l’angle de calage φ des pales (angle entre
la directrice du profil et la tangente au cercle de rotation). De nombreux systèmes ont été
proposés pour ajuster l’incidence des pales durant la rotation (ils sont dits à pitch variable).
Le mouvement peut être imposé par le système en fonction de la position angulaire, il
nécessite dans ce cas un apport d’énergie et un système de contrôle sophistiqué. L’option
peut également être prise de laisser un degré de liberté en rotation autour d’un axe, pour une
plage de φ limitée, typiquement φ = ±3◦ . Le moment sur le profil contribue à augmenter
sa plage motrice. Le mouvement est destiné à limiter l’angle d’incidence du profil et par ce
biais l’apparition du décollement [7]. Le rendement peut ainsi être augmenté bien que cette
amélioration théorique n’est pas toujours constatée. On remarque néanmoins une capacité
d’auto-démarrage qui n’est pas forcément présente pour les pitchs fixes. La complexité
supplémentaire induite par de tels systèmes met en péril l’objectif originel de simplicité de
20 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

Figure 1.3 – (a) Turbine Gorlov, tiré de Gorban [6], (b) tour bi-rotor de Hydroquest

la turbine Darrieus.

1.1.3 Le projet Harvest et le concept Achard


Le concept de turbine Achard [8] est une reprise du deuxième concept de Darrieus. Il a
été développé dans le cadre du projet HARVEST (Hydrolienne à Axe de Rotation VErtical
STabilisé), mené en collaboration entre 4 laboratoires, regroupant des compétences sur les
domaines de la mécanique des fluides, et des structures, de la génération électrique et du
contrôle commande. La forme finale est une turbine à trois pales droites, reliées à l’axe par
un bras situé à la moitié de l’envergure des pales. La description, plus détaillée de cette
turbine est reprise plus loin.
L’aboutissement de ce projet a vu la construction de tour bi-rotor à 2 étages munies de
carénages. Cette technologie est maintenant commercialisée par la société Hydroquest. Un
premier système démonstrateur a été insthttps ://soundcloud.com/paulh4ckallé en Guyane
sur une barge flottante et un second est en phase de construction.

1.2 Analyse physique des turbines à flux transverse


Les différents modèles de turbine présentés dans la partie précédente sont des évolutions
du concept Darrieus. Les modifications (à l’exclusion du pitch variable) portent essentiel-
lement sur : (i) l’amélioration des performances en réduisant les phénomènes marginaux
(bout de pales, bras), (ii) l’amélioration de la tenue mécanique et le lissage du couple. De
1.2. ANALYSE PHYSIQUE DES TURBINES À FLUX TRANSVERSE 21

façon générale, le principe physique reste inchangé. Cette partie décrit le fonctionnement
général des turbines cross-flow. La description est faite en 2D dans un plan orthogonal à
l’axe de rotation.

1.2.1 Considérations aérodynamiques

Fl
α
Bord
d'attaque Extra Bord de
Epaisseur dos fuite
Ligne
Cambrure Moyenne

Corde
Intrados

a) b)

Figure 1.4 – a) Terminologie d’un profil aérodynamique, (b) Schéma des forces de trainée
et portance.

Le principe des turbines à flux transverse consiste à récupérer l’énergie induite par les
forces qui s’exercent sur un profil en rotation. D’un point de vue général, un profil de
pale a une forme aérodynamique optimisée pour les efforts qu’elle subit dans un fluide en
mouvement. Ces efforts sont dus à la déviation que le profil impose à l’écoulement. La
figure 1.4.a) reprend la terminologie utilisée en aérodynamique. Le profil est une forme
longiligne avec le point amont dans le fluide, appelé bord d’attaque, et le point aval, le bord
de fuite. Ces deux points sont reliés par la ligne moyenne. La cambrure du profil est l’écart
entre la ligne moyenne et la ligne droite reliant les deux extrémités (appelé corde). Elle est
caractéristique de l’asymétrie du profil. La face interne du profil est appelée intrados, et la
face externe extrados. L’épaisseur du profil est définie comme la largeur du profil dans la
direction orthogonale à la ligne moyenne. La position du maximum de l’épaisseur joue un
rôle important dans la transition de couche limite laminaire à turbulente.
Pour un profil donné, la force exercée dépend de l’angle d’incidence et du régime d’écou-
lement. L’angle d’incidence, noté α est défini comme l’angle entre la corde du profil et la


direction du fluide incident W dans le référentiel de la pale. α est positif quand l’écoulement
voit l’intrados.


La force est usuellement projetée en deux composantes : la force de portance Fl (lift),


orthogonale à la vitesse W , et prise positive en s’éloignant de l’extrados, et la force de
22 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

1.4

1.2

0.8

0.6

0.4

0.2

0
0 5 10 15 20 25 30

a) b)

Figure 1.5 – (a) Régimes d’écoulement sur un profil en écoulement turbulent, (b) In-
fluence du nombre de Reynolds sur les coefficients de portance (lignes pleines) et de trainée
(pointillées), d’après les mesure de Sheldahl [9]


→ −

trainée Fd (drag), dans la direction et le sens de W . Dans le cas d’un aéronef, muni d’ailes
profilées, la portance s’oppose à la chute par pesanteur, et la trainée ralentit son mouve-
ment. Le rapport Fl /Fd est appelé finesse du profil. La figure 1.5.b) présente les coefficients
de portance et de trainée pour un profil NACA0018 à différents nombre de Reynolds. On
appelle coefficient aérodynamique l’adimensionnalisation des forces par une force de ré-
férence, en général la pression dynamique qui s’applique sur une surface équivalente à la
corde c multipliée par l’envergure de la pale L, on définit CL et CD par :
FD,L
CD,L = 1 (1.3)
2
ρcLU02

La portance augmente avec l’incidence α jusqu’à une valeur critique, appelé angle de décro-
chage. Jusqu’à cette valeur, la couche limite est attachée à l’extrados. Au delà, on constate
l’apparition d’un point de décollement causé par un gradient de pression adverse à la sur-
face. Le coefficient de trainée montre d’abord un palier jusqu’à la valeur de décrochage,
à partir de laquelle il augmente rapidement, suivant le déplacement du point de décolle-
ment du bord de fuite vers le bord d’attaque. Une fois la couche limite totalement décollée,
l’augmentation continue, bien que plus douce. Le coefficient de portance augmente jusqu’au
décrochage puis chute.
1.2. ANALYSE PHYSIQUE DES TURBINES À FLUX TRANSVERSE 23

1.2.2 Application à la turbine Darrieus


Variation de l’incidence Lorsque le profil se déplace, la vitesse d’attaque (vitesse du
fluide dans le référentiel de la pale) est la composition de sa vitesse propre et de celle


du fluide. Dans le cas de la turbine Darrieus, la vitesse de la pale ( V ) est de norme
constante et de direction variable. Une analyse théorique de la variation de α est possible
en négligeant l’influence des pales sur le champ de vitesse. On considère alors la vitesse du

→ →

fluide constante, égale à U0 dans tout le rotor. Avec R , le vecteur position de la pale et →

ω


le vecteur rotation de la turbine, la vitesse d’attaque W s’écrit :

→ − → − → −
W = U0 − →
w∧R (1.4)

et dans le repère (X,Y) :  



→ U0 + ωRcos(θ)
W = (1.5)
ωRsin(θ)

→ − → −
L’angle d’incidence est l’angle formé par W et →
w ∧ R , comme le montre la figure 1.6. La
−−→ →
− →
− −−→
force Ftang qui contribue au couple C = R ∧ Ftang , est donc la projection de FL et FD sur
la direction tangentielle.

Influence du paramètre d’avance Quelle que soit la vitesse de l’écoulement, l’hy-


drodynamique autour des pales de la machine est déterminée en grande partie par un
paramètre adimensionnel. Cette grandeur est appelée paramètre d’avance. C’est le rapport
entre la vitesse de rotation de la pale et la vitesse du fluide incident (eq.(1.6)).
ΩR
λ= (1.6)
U∞
Il détermine par extension l’amplitude des variations de l’angle d’incidence du profil (Fi-
gure 1.7 a).
λsin(θ)
α = tan−1 ( ) (1.7)
1 + λcos(θ)
Pour un profil NACA0018, à Re = 3.105 , la limite de décrochage statique se situe entre
10◦ et 12◦ . Les angles d’incidence maximum à λ =1.5 et λ =3 sont respectivement de 42°
et 18° en valeur absolue. Les phénomènes de décrochage seront donc diminués à grande
vitesse de rotation.
Cette évolution des angles d’incidence permet de classer, en fonction du paramètre
d’avance, l’écoulement en trois régimes. Dans la zone bas-λ, i.e. inférieur à l’optimum, le
coefficient de puissance est limité par les décollements hydrodynamiques, qui vont être
24 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

-V W
D U0
L
Ft,res
U0
D
-V R
Ft,motrice
W
L 1
Y

2 X

D
Ft,res

L
W
Ft,motrice

-V
U0

Figure 1.6 – Vue schématique de la direction des efforts sur une pale en rotation

néfastes à la puissance produite. Au-delà de l’optimum, la portance est limitée et les ef-
fets visqueux deviennent prépondérants. Les frottements limitent alors le rendement de la
machine. On distingue donc 3 zones que l’on retrouve sur la Figure 1.7 b) : la zone de
décrochage dynamique, l’optimum, et la zone des effets secondaires.
Ces trois comportements de la dynamique de l’écoulement présentent chacun des défis
différents pour la simulation. La zone de décrochage dynamique présente des écoulements
fortement décollés que les modèles RANS ont des difficultés à reproduire avec précision.
On obtient de meilleurs résultats pour les simulations réalisées autour de λ =2-3, valeurs
pour lesquelles les vortex sont moins développés.

1.2.3 Le décrochage dynamique


Nous avons expliqué que la rotation des pales entraîne une variation cyclique de l’angle
d’incidence. Cette dynamique permet dans certaines conditions de dépasser l’angle de dé-
crochage statique, tout en conservant une augmentation de la portance, par un phénomène
appelé décrochage dynamique. Cet effet est caractérisé par des lâchers tourbillonnaires au
bord d’attaque et au bord de fuite. Il provoque une modification des efforts par rapport
au cas d’un profil statique ou en déplacement lent (quasi-statique). L’angle d’incidence au
1.2. ANALYSE PHYSIQUE DES TURBINES À FLUX TRANSVERSE 25

35
nsition
50
30 Tra

Eff
40

et
iqu
30 25

ss
m

ec
20

na
CP (%)
20

on
dy
10

da
ge

ire
0 15

ha

s
oc
−10

cr
10


−20

−30 5
−40
0
−50
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3
λ
0 50 100 150 200 250 300 350

a) b)

Figure 1.7 – a) Valeur de l’angle d’incidence en fonction de λ et de la position angulaire.


b) Illustration des différents régimes d’écoulement en fonction du paramètre d’avance et
de leur influence sur la performance.

décrochage est plus grand, et la portance est augmentée. La chute de portance et l’aug-
mentation de trainée associée est plus brutale. La variabilité du chargement et donc de la
fatigue sur les pales est d’autant augmentée.
Nous donnerons ici une description du décrochage dynamique et l’influence qu’il a sur
une turbine à flux axial. Le lecteur pourra trouver une revue approfondie de la littérature
dans la thèse de Jonathan Bossard [10] qui a étudié le décrochage dynamique sur une
turbine Darrieus par la technique de vélocimétrie par laser doppler (PIV).

Décrochage dynamique sur un profil oscillant Le décrochage dynamique sur un


profil oscillant a été largement étudié, notamment comme modélisation du comportement
des pales d’un rotor d’hélicoptère. Le mouvement du profil choisi est généralement une
variation sinusoïdale de l’angle d’incidence. On donne l’évolution de cet angle par la formule
suivante afin de clarifier les notations :

α(t) = αm + αa sin(2πf ct) (1.8)

αm est l’incidence moyenne du profil, αa l’amplitude du mouvement et f la fréquence des


oscillations. Le décrochage dynamique dépend principalement de 2 paramètres : la fréquence
réduite kr (1.9) qui est définie comme le rapport entre l’échelle de temps caractéristique
26 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

de convection de l’écoulement c/2V0 et le temps caractéristique du mouvement 1/2πf , et


l’amplitude maximale des oscillations.

πf c
kr = (1.9)
2V0
Ce second paramètre permet d’opérer une distinction entre les deux régimes du décrochage
dynamique. Le décrochage dynamique est dit léger lorsque αmax est à peu près égal à
αstatique , et dit profond, quand il le dépasse largement.
Le décrochage dynamique léger est similaire au décrochage classique. Comparativement
au cas statique, la portance est augmentée dans la partie α croissant qui précède le décro-
chage. La partie décroissante de α est caractérisée par un CL plus faible qu’à la montée.
Sur la figure 1.8 pour un profil NACA0012, cet hystérésis est marqué entre 3◦ et 15◦ . Mc-
Croskey et al. [11] identifient deux comportements de l’écoulement pour ce régime. Pour
un profil moyen, le décollement intervient au bord d’attaque et se propage sur toute la
surface, pour les profils plus épais, le décollement apparaît classiquement au bord de fuite,
et le point de décollement migre vers le bord d’attaque. Le premier cas est caractérisé par
une variation plus brutale des efforts.

1.8 0.4
αup
αdown
αstat 0.3
0.8
0.2
CD
CL

0.1
−0.2
0

−1.2 −0.1
−15 −10 −5 0 5 10 15 20 −15 −10 −5 0 5 10 15 20
α (°) α (°)

Figure 1.8 – Illustration du décrochage léger sur un profil oscillant par les coefficients de
portance et trainée. D’après Lee et Gerontakos [12]

Le décrochage dynamique profond est caractérisé par la formation d’un tourbillon au


bord d’attaque sur l’extrados ainsi qu’un retard au décrochage. La figure 1.9 extraite de Lee
et Gerontakos [12] présente une analyse du cycle de décollement dynamique. Elle montre
de façon schématique l’allure de l’écoulement et les coefficients aérodynamiques associés.
Au point ➀ (a), le profil dépasse l’angle d’incidence de décrochage statique. Le décollement
apparaît au bord de fuite, entraîné par le gradient adverse de pression. Il évolue jusqu’à
≈ 26% de la corde ➁. Une bulle de décollement laminaire est également présente au bord
1.2. ANALYSE PHYSIQUE DES TURBINES À FLUX TRANSVERSE 27

d’attaque. Vers α = 22◦ , on observe un décollement de la couche limite turbulente, et un


décrochage partiel du tourbillon de bord d’attaque (Leading Edge Vortex). Ce tourbillon
est convecté le long de la surface jusqu’au point ➃. Pendant son parcours, il est le siège
d’une forte dépression qui maintient une force de portance élevée. Au décrochage il occupe
90% de la corde. La portance chute drastiquement lorsque le tourbillon dépasse le bord de
fuite ➄ (e). A partir de ➆, la couche limite commence à se ré-attacher à partir du bord
d’attaque.
McCroskey a étudié l’influence de l’angle d’incidence maximum. Pour un profil NACA
0012, l’angle de décrochage statique est de 13◦ . Il constate une apparition du décrochage
dynamique léger pour une valeur de αmax supérieur à cette limite et jusqu’à 20◦ environ.
L’écoulement au delà est marqué par l’apparition du tourbillon de bord d’attaque.
La turbulence a un effet sur la stabilité des couches limites. On a déjà vu qu’un
nombre de Reynolds élevé favorise une augmentation des coefficients aérodynamiques. La-
neville et al. [13] testent la réaction d’un profil oscillant pour des intensités turbulentes de
[0, 7%, 8%, 15%] à Re = 1, 5.105 . Ils constatent un retard du décollement voir une absence
du tourbillon pour les fortes intensités. La transition de la couche limite laminaire à tur-
bulente sur une partie ou toute la longueur du profil a un effet stabilisateur, elle résiste
mieux aux gradients de pression adverses.

Application aux turbines Darrieus Dans les turbines Darrieus, les conditions sont
requises pour observer un décrochage dynamique. Le phénomène est globalement compa-
rable au profil oscillant. Néanmoins, les effets tridimensionnels peuvent être très impor-
tants. Les parties marginales (extrémités de pale, bras) engendrent des vitesses verticales
qui déclenchent le décollement. D’après Zanette [14], la fréquence critique pour laquelle le
mouvement ne peut plus être considérée quasi-statique est dépassé pour toutes les solidités
supérieures à 0,05 1 . Dans le cas des applications hydrauliques, elle sera toujours dépas-
sée. Le décrochage dynamique dépend donc surtout de l’angle d’incidence maximal atteint
pendant la rotation qui est directement relié à λ. Laneville et Vittecoq [15] comparent les
coefficients de portance et de trainée pour une éolienne de solidité σ = C/R = 0, 2 à diffé-
rents λ. Le décrochage dynamique est constaté en dessous de la valeur limite λ =3. L’effet
d’hystérésis est en forte augmentation lorsque λ diminue. Les visualisations de Brochier
et al. [16] leur permettent d’illustrer la dynamique tourbillonnaire dans le sillage dans le
rotor à λ =2,14 (figure 1.10). On remarque la formation d’un tourbillon à l’extrados (in-
térieur du cercle) aux alentours de θ = 70◦ , qui se détache vers θ = 120 − 130◦ . Ferreira
et al. effectuent des mesures similaires avec un système PIV. Cette instrumentation leur

1. La solidité de la turbine représente sa porosité. On peut montrer que la vitesse de rotation diminue
avec la solidité.
28 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

2.5 αup ➃
αdown
2 αstat
➁➂
1.5 ➅ (a)
➀ ➄ TBL
CL

1
0.5 ➆ Rev
ers
e
ow
0 (b)

−0.5

−10 −5 0 5 10 15 20 25 30

1
➃ (c)
LEV
0.8

0.6
CD

0.4 ➁
(d)
LEV

0.2 ➀

−10 −5 0 5 10 15 20 25 30
(e)

0.01

0
➇ ➀➆
−0.01 (f)
CM

−0.02

−0.03

−0.04 ➃
(g)
−10 −5 0 5 10 15 20 25 30
α (°)

Figure 1.9 – Coefficients aérodynamiques sur un profil en décrochage dynamique pro-


fond (gauche) et illustration schématique des étapes du décrochage (droite, d’après Lee et
Gerontakos [12])
1.3. PROGRAMMES D’ESSAIS EXPÉRIMENTAUX 29

permet de calculer l’intensité de la circulation autour des pales. Ils montrent que la force
du tourbillon augmente tant qu’il est attaché à la pale et diminue après le décrochage. La
thèse de Jonathan Bossard a montré que les effets 3D jouent un rôle de déclencheur du
décollement en comparant les mesures PIV à des calculs 2D et 3D. Il constate l’absence de
tourbillon de bord d’attaque à partir de λ = 2, 5, ainsi qu’un second lâcher tourbillonnaire
vers θ = 120 − 130◦ .

Figure 1.10 – Illustation schématique de la dynamique de l’écoulement dans une turbine


Darrieus à la vitesse de rotation optimale, d’après les visualisations de Brochier et al. [16]

1.3 Programmes d’essais expérimentaux


La Laboratoire des Écoulements Géophysiques et Industriels de Grenoble (LEGI) est
doté d’une boucle hydraulique permettant d’effectuer des mesures dans des écoulements
sans surface libre, à pression atmosphérique ou inférieure. Une veine d’essai adaptée a été
conçue et utilisée pour la caractérisation des hydroliennes du projet HARVEST. Nous dé-
crivons ici son fonctionnement ainsi que les adaptations qui ont permis l’étude des différents
phénomènes inhérents aux turbines à flux transverse.
30 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

1.3.1 Caractéristique et fonctionnement général


La boucle hydraulique
La boucle hydraulique est un circuit composé de 30m de conduite qui s’étend sur 3
étages, avec une capacité totale de 36m3 d’eau. Les composants principaux sont illustrés
sur la figure 1.11. Le fluide dans la boucle est mis en mouvement par un groupe moto-
pompe, puis stabilisé par deux résorbeurs avant de monter au niveau supérieur et d’arriver
dans la veine de test en elle-même, duquel il est évacué vers deux cuves aval.
Le groupe motopompe est constitué par une pompe centrifuge de capacité 750 l/s pour
20m de charge. Le système de commande est configuré pour atteindre un débit nominal
de 500 l/s. La pompe est placée au niveau -1 afin d’assurer une surpression d’environ 2
bars par rapport au niveau de pression de la veine. Cette surpression permet d’éviter le
phénomène de cavitation qui pourrait intervenir dans la pompe.
Le fluide est entraîné vers un couple de résorbeurs plongés dans une cuve de 130m3
qui augmente le temps de séjour du fluide. Ce dispositif permet de s’assurer d’un dégazage
complet du fluide d’éventuelles bulles d’air aspirées par la pompe, mais également d’évacuer
la chaleur apportée dans le groupe moto-pompe.
En arrivant au niveau supérieur, le fluide est guidé dans un coude par un système
d’ailettes profilées évitant les décollements et limitant ainsi les pertes de charge associées.
Ce coude permet d’orienter l’écoulement vers l’une des deux veines d’essai. A la sortie du
coude, deux grilles en nid d’abeille de 60mm d’épaisseur possédant des mailles hexagonales
de 6,35mm guident l’écoulement de façon mono-directionnel.
Un tube convergent, conçu pour éviter les décollements et la cavitation assure ensuite
la jonction entre la boule et la veine d’essai.
A l’aval le fluide est évacué vers deux cuves à surface libre successives qui permettent
un nouveau cycle et la dissipation de l’énergie. Une pompe à vide est reliée à la partie
supérieure de ces deux cuves. La pompe a un régime de fonctionnement constant et permet
par fermeture de vanne entre les cuves et l’extérieur un abaissement de la pression dans le
circuit. La pression minimale atteignable est d’environ 50 mbars. La vitesse de l’écoulement
dans le circuit est mesurée via un débitmètre à hélice, avec une précision de ±1%.

La veine d’essai
La veine d’essai permettant l’étude des maquettes d’hydrolienne a été conçue lors du
DRT de Linda Guitet [17]. Le système de contrôle et de mesure de la turbine a été mis au
point et calibré par Nicolas Dellinger [18] et Vivien Aumelas [19].
La veine d’essai qui suit le convergent, est d’une longueur de 1000mm, et a une section
rectangulaire de largeur 700mm et de hauteur 250mm. Les faces latérales et inférieures
1.3. PROGRAMMES D’ESSAIS EXPÉRIMENTAUX 31

Figure 1.11 – Vue schématique de la boucle hydraulique

sont des vitres en plexiglass transparent d’épaisseur 50mm, montées sur une structure
métallique. La face supérieure est une plaque en aluminium fixée à l’armature principale.
Cette section de 0, 175m2 permet une plage de vitesse allant de 0,8 à 2,9 m/s. L’aluminium
choisi pour pouvoir déplacer la plaque facilement (à l’aide de palans fixés à la structure du
bâtiment) en raison de sa légèreté pose néanmoins un problème de rigidité. On constate
une déformation lors de la mise en eau du circuit, ce qui est problématique pour la mesure
des efforts [19].

L’instrumentation
La balance de mesures, positionnée sur la plaque supérieure assure deux fonctions :
l’asservissement de la turbine en vitesse et la mesure des efforts appliqués par le fluide.
Les éléments constitutifs sont visibles sur la figure 1.12.b). Une plaque métallique carrée
de 300mm x 300mm repose sur quatre capteurs piezo-électriques en contact avec la plaque
supérieure de la veine. L’arbre de la turbine représente l’axe de symétrie de tout le système.
Il traverse les différents étages et notamment la plaque supérieure. La turbine est fixée à
l’arbre par le moyeu à mi-hauteur de la veine. Il est également fixé au rotor de la génératrice
et du résolveur. Le guidage en position est assuré par le boîtier à roulement, dont le bâti
repose sur la plaque carrée. La génératrice permet d’imposer une vitesse de rotation à
la turbine (fonctionnement en moteur) et de mesurer le couple récupéré. Le corps de la
32 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

génératrice est empilé entre le boîtier à roulement et le résolveur. Le résolveur permet de


connaître la vitesse de rotation et la position instantanée de la turbine. Un couplage entre
les informations de la génératrice et le résolveur assure l’asservissement de la machine en
vitesse. L’étanchéité du système est assurée autour de l’arbre par des joints.
La mesure des efforts dans les trois directions de l’espace est faite par l’intermédiaire
des quatre capteurs piezo-électriques. Ils fournissent chacun trois informations dans trois
directions de l’espace.
La mesure du couple est faite via la mesure de l’intensité délivrée par la génératrice.
La rotation de la turbine est le résultat de trois contributions : Ct , le couple des efforts
hydrauliques, Cg le couple de la génératrice, et Cf le couple dû aux frottements dans les
différentes jonctions avec l’arbre (joints + roulements). Par application du théorème de
l’énergie cinétique, la variation de la vitesse de rotation Ω est reliée au moment d’inertie
de la turbine J, que l’on peut obtenir par intégration dans un logiciel de CAO, et aux 3
couples cités, par l’équation (1.10).

∂Ω
J = Ct + Cg + Cf (1.10)
∂t
Le couple de la génératrice est directement proportionnel à l’intensité mesurée. Le
couple de frottement est proportionnel à la vitesse de rotation mais présente une faible
répétabilité. Il est évalué par mesure du couple en l’absence de turbine avec une précision
de l’ordre de 2%. L’inertie de la machine participe à lisser le couple reçu par la turbine.
Elle est en moyenne nulle sur un tour en régime établi, mais doit être prise en compte pour
évaluer le couple instantané. L’incertitude globale sur la mesure du couple est estimée à
4% [19].

1.3.2 Les modèles réduits et similitudes


De nombreux modèles réduits de la turbine ont été dessinés, usinés et testés dans la
veine d’essai du LEGI, au cours du processus d’optimisation de la turbine Achard. Ils sont
numérotés de 1 à 12. Pour une revue complète des différentes évolutions et améliorations, le
lecteur est invité à se référer aux travaux de Jonathan Bossard, et Thomas Jaquier [10, 20].
De manière générale, il existe deux évolutions principales de la turbine, qui se retrouvent
sur la forme des pales, droites, ou trapézoïdale. Les autres modifications ont pour objet la
diminution des pertes marginales, extrémités de pales, bras, raccords. Nous décrirons ici les
turbines A12, utilisée par Jonathan Bossard pour les mesures PIV de l’écoulement autour
des pales, et A10, qui a servi aux mesures durant les présents travaux.
1.3. PROGRAMMES D’ESSAIS EXPÉRIMENTAUX 33

a) CAO de la boucle hydraulique b) Vue en coupe de la balance de mesure

Figure 1.12

Les caractéristiques de la turbine


La maquette est de dimension 175mm x 175mm. C’est une turbine à pales droites,
chacune reliée à l’arbre de rotation par un bras situé à mi-hauteur (voir figure 1.13). Le
profil des pales est constant sur toute l’envergure. Ce profil est un NACA0018 projeté sur
le cercle de rotation.
La différence entre les deux prototypes se situe dans la forme des bras. Sur la A10,
les bras sont construits à partir de profils NACA0018 symétriques, extrudés sur une ligne
droite. La jonction entre le bras et la pale présente un congé de raccord. Pour la turbine
A12, les bras sont dessinés à partir de profils dont l’épaisseur maximale est déplacée vers
l’arrière de la corde afin de reculer le point de transition vers une couche limite turbulente
et de diminuer la trainée. De plus, le bras est incurvé vers l’extrémité et raccordé à la pale
vers l’arrière, dans le but de limiter le tourbillon de raccord. On peut voir sur la figure 1.13
que ces modifications améliorent le rendement de 5 points environ. Elles ont également pour
effet de bidimensionnaliser l’écoulement. Nous utilisons pour les mesures LDV présentées
au chapitre 4 la maquette A10 en raison de l’ajout de rugosité lors des précédentes mesures
sur la turbine A10, qui changent fortement la performance.
Afin d’extrapoler le résultat du modèle réduit à une turbine réelle, il convient de
connaître des similitudes de l’étude avec un écoulement en milieu naturel.

Paramètre d’avance la vitesse de rotation spécifique λ détermine le régime de fonc-


tionnement, en imposant les variations de l’angle d’attaque au cours de la rotation. Ce
paramètre est conservé pour son influence fondamentale sur les performances et la dy-
34 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

a) A 10 b) A 12

40

35

30

25

20

15

10

0
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3

Figure 1.13 – Design et performance des turbines A10 et A12 (d’après Bossard [10])
1.3. PROGRAMMES D’ESSAIS EXPÉRIMENTAUX 35

namique de l’écoulement. Les maquettes sont étudiées dans une plage de fonctionnement
comprise entre λ = 1 et λ = 4. A l’optimum, le paramètre d’avance de 2 équivaut à une
fréquence de rotation de 8,6Hz pour U∞ = 2, 3 m/s.

Le nombre de Reynolds Le nombre de Reynolds est représentatif du rapport entre


les forces inertielles et visqueuses dans l’écoulement. Il est généralement défini en utilisant
la corde du profil comme longueur caractéristique (équation (1.11)). Plus le nombre de
Reynolds est élevé, plus l’écoulement est turbulent. Il a une influence très importante sur
les coefficients aérodynamiques d’un profil. L’influence sur la performance de la turbine
Achard a été estimée par Vivien Aumelas [19]. Il montre une augmentation du coefficient
de puissance pour des vitesses de 1,3 à 2,8 m/s, qui semble montrer une saturation au delà
de 2,5-3 m/s. Néanmoins l’étude n’a pu être poussée plus loin en raison de la limitation
de vitesse dans la veine d’essai. En milieu naturel, les dimensions caractéristiques sont
typiquement plus importantes, pour des vitesses du même ordre de grandeur.

λU∞ c
ReC = ρ (1.11)
µ

Confinement La veine d’essai impose un confinement fort à l’écoulement (Hveine /D =


1.42 et Lveine /D = 4). Par rapport à une situation en milieu libre (ǫ → ∞), le débit
traversant effectivement la turbine est augmenté, ce qui améliore la performance. Cet effet
sera étudié au chapitre 3. Bahaj et al. [21] proposent une formulation permettant de se
ramener au cas infini. En milieu naturel, la hauteur d’eau, ainsi que la déflection de la
surface libre peuvent également jouer un rôle de confinement vertical.

1.3.3 Montage d’étude du confinement


L’influence du confinement latéral et vertical sur les performances de la turbine à flux
transverse est peu étudiée par rapport aux turbines à flux axial. Le confinement a deux
effets qualitatifs : (i) bloquer l’expansion de la veine courant autour de la turbine et forcer
ainsi le débit dans le rotor, (ii) modifier les lignes de courant à l’amont et par conséquent
les angles d’attaque réels sur les pales.
L’effet de confinement par des carénages a été étudié numériquement et expérimentale-
ment par Ane Mentxaca [22]. Ces travaux ont montré une amélioration de la performance
jusqu’à des facteurs supérieurs à 200%, pour les carénages ajoutés dans la veine d’essai.
Cette situation présente un confinement latéral et vertical du système global. L’influence
des mêmes carénages en milieu infini est grandement diminuée, redescend sous la limite de
Betz. Dans le cas de la turbine sans carénage dans un parc, le rapprochement des machines
36 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

B
A

Figure 1.14 – Vue CAO du montage d’étude de confinement

produit également une amélioration du rendement [23]. Dans ce cas le plan de symétrie
entre deux turbines joue le rôle d’une paroi qui bloque le fluide. L’effet de contournement
rentre alors en jeu à l’échelle de la ligne de turbine.
Pour étudier cet effet, un dispositif expérimental a été conçu au cours de cette thèse. Un
jeu de plaques verticales (F) de longueur 625 mm est placé dans le sens de l’écoulement de
manière symétrique de part et d’autre du modèle réduit (voir figure 1.14). Elles simulent un
rétrécissement de la veine. L’extrémité amont des plaques se trouvent 130 mm avant l’axe
de rotation. Le bord d’attaque présente un rayon de courbure de 7,5 mm. Les simulations
numériques préliminaires réalisées ont montré l’absence de recirculation sur ces parois. La
turbine crée une perte de charge dans la partie centrale. Afin de forcer le flux, un jeu de
plaques à trous (E) est placé orthogonalement au fluide dans la partie du contournement.
Ce système est fixé dans une plaque de support supérieure horizontale (A et B) conçu par
Ane Mentxaca pour l’adaptation des carénages. Il est plaqué sur la vitre inférieure, avec
une bande de mousse antidérapante.
Le débit dans la section centrale est mesuré par laser LDV. La vitesse moyenne dans le
rotor est également mesurée, ce qui permet de connaître la vitesse de rotation spécifique
globale et locale (ie adimensionnalisée par la vitesse interne). Le couplage de ces mesures
avec celles des efforts ne peut être présenté ici par faute de temps mais fait actuellement
l’objet d’un travail visant à valider les résultats des simulations RANS de la turbine confi-
née.
BIBLIOGRAPHIE 37

Bibliographie
[1] G. Darrieus, “Turbine having its rotating shaft transverse to the flow of the current,”
Dec. 8 1931. US Patent 1,835,018.

[2] M. Islam, D. S.-K. Ting, and A. Fartaj, “Aerodynamic models for darrieus-type
straight-bladed vertical axis wind turbines,” Renewable and Sustainable Energy Re-
views, vol. 12, no. 4, pp. 1087–1109, 2008.

[3] F. Balduzzi, A. Bianchini, E. A. Carnevale, L. Ferrari, and S. Magnani, “Feasibility


analysis of a darrieus vertical-axis wind turbine installation in the rooftop of a buil-
ding,” Applied Energy, vol. 97, pp. 921–929, 2012.

[4] A. M. Gorlov, “Unidirectional helical reaction turbine operable under reversible fluid
flow for power systems,” Sept. 19 1995. US Patent 5,451,137.

[5] M. Shiono, K. Suzuki, S. Kiho, et al., “Output characteristics of darrieus water turbine
with helical blades for tidal current generations,” in Proceedings of the Twelfth Inter-
national Offshore and Polar Engineering Conference, Kitakyushu, Japan, pp. 859–864,
2002.

[6] A. N. Gorban, A. M. Gorlov, and V. M. Silantyev, “Limits of the turbine efficiency for
free fluid flow,” Journal of Energy Resources Technology, vol. 123, no. 4, pp. 311–317,
2001.

[7] B. Kirke and L. Lazauskas, “Limitations of fixed pitch darrieus hydrokinetic turbines
and the challenge of variable pitch,” Renewable Energy, vol. 36, no. 3, pp. 893–897,
2011.

[8] J. Achard, D. Imbault, and T. Maitre, “Dispositif de maintien d’une turbomachine


hydraulique,” Aug. 17 2006. WO Patent App. PCT/FR2006/050,135.

[9] R. Sheldahl and P. Klimas, Aerodynamic Characteristics of Seven Symmetrical Air-


foil Sections Through 180-degree Angle of Attack for Use in Aerodynamic Analysis of
Vertical Axis Wind Turbines. Sandia National Laboratories, 1981.

[10] J. Bossard, Caractérisation expérimentale du décrochage dynamique dans les hydro-


liennes à flux transverse par la technique de vélocimétrie par image de particule
(PIV) - Comparaison avec les résultats issus des simulations numériques. PhD thesis,
Grenoble-INP, 2012.
38 CHAPITRE 1. LES HYDROLIENNES À FLUX TRANSVERSE

[11] W. McCroskey, “The phenomenon of dynamic stall.,” tech. rep., DTIC Document,
1981.

[12] T. Lee and P. Gerontakos, “Investigation of flow over an oscillating airfoil,” Journal of
Fluid Mechanics, vol. 512, pp. 313–341, 2004.

[13] A. Laneville, P. Vittecoq, and J. Côté, “Etude expérimentale de l’effet de la turbulence


sur le décrochage dynamique,” AGARD CP 386, 1985.

[14] J. Zanette, Hydroliennes à flux transverse : contribution a l’analyse de l’interaction


fluide-structure. PhD thesis, Grenoble-INP, 2010.

[15] A. Laneville and P. Vittecoq, “Dynamic stall : the case of the vertical axis wind
turbine,” Journal of Solar Energy Engineering, vol. 108, no. 2, pp. 140–145, 1986.

[16] G. Brochier, P. Fraunie, C. Beguier, and I. Paraschivoiu, “Water channel experiments


of dynamic stall on darrieus wind turbine blades,” J Propuls, 1986.

[17] L. Guittet, “Outil de prédimensionnement des hydroliennes darrieus : Aspects expéri-


mental et numérique, drt,” 2005.

[18] N. Dellinger, Instrumentation d’un tunnel hydrodynamique pour la caractérisation de


turbines à flux transverse. PhD thesis, Grenoble-INP, 2011.

[19] V. Aumelas, Modélisation des hydroliennes à axe vertical libres ou carénées : développe-
ment d’un moyen expérimental et d’un moyen numérique pour l’étude de la cavitation.
PhD thesis, Grenoble-INP, 2011.

[20] T. Jaquier, Hydroliennes à flux transverse : développement d’un prototype HARVEST


en canal, thèse de doctorat. PhD thesis, Grenoble-INP, 2011.

[21] A. Bahaj, A. Molland, J. Chaplin, and W. Batten, “Power and thrust measurements
of marine current turbines under various hydrodynamic flow conditions in a cavitation
tunnel and a towing tank,” Renewable energy, vol. 32, no. 3, pp. 407–426, 2007.

[22] A. Mentxaca, “Analyse numérique des hydroliennes à axe vertical munies d’un caré-
nage,” 2011.

[23] S. Antheaume, T. Maître, and J.-L. Achard, “Hydraulic darrieus turbines efficiency for
free fluid flow conditions versus power farms conditions,” Renewable Energy, vol. 33,
no. 10, pp. 2186–2198, 2008.
Chapitre 2

Etude et validation d’une méthode de


simulation avec interface de maillage
glissante (sliding mesh) dans
Code_Saturne

La dynamique de l’écoulement traversant une turbine Darrieus est maintenant bien


connue. Depuis les premières explications qualitatives des lâchers tourbillonnaires de Bro-
chier [1], les simulations RANS [2, 3] ont permis de mettre en évidence les paramètres
jouant sur la puissance cinétique récupérable. Ainsi, la géométrie de la turbine a été op-
timisée pour améliorer la performance énergétique [4]. Ces simulations ont été validées
globalement par des mesures PIV autour des pales, qui permettent de visualiser les tour-
billons de décrochage dynamique, mais aussi de recalculer les efforts par des méthodes de
quantité de mouvement [5]. L’interaction avec des systèmes de carénage a fait l’objet de
mesures et de simulations qui ont mis en avant l’impact prépondérant de l’effet de blocage
qui apparaît en milieu confiné [6, 7]. La volonté d’étendre les études précédentes vers des
configurations de parc avec un nombre croissant de machines appelle à l’élaboration d’outils
numériques simples mais fiables. La validation de ces outils passe par des comparaisons soit
expérimentales de grande ampleur, soit numériques, avec le calcul de plusieurs machines
complètes.
Les travaux précédemment cités utilisaient le solveur d’écoulement fluide de Fluent (An-
sys). Dans l’optique de développer un code de simulation des parcs pour calculer un grand
nombre de machines et d’introduire des modèle physiques appropriés, il était important
de migrer vers l’utilisation de code CFD libre. Le choix s’est porté sur le code open-source

39
40 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

Code_Saturne développé par EDF. Une collaboration étroite avec les équipes de dévelop-
pement du département R&D de EDF, a permis de mettre en évidence les capacités du
solveur Code_Saturne.
L’objectif de ce chapitre est de présenter Code_Saturne, et la méthode de maillage
glissant qui permet de simuler l’écoulement autour de l’hydrolienne en rotation. Le cas du
cylindre en rotation dans des écoulements laminaire et turbulent, abondamment étudiés et
documentés, a été utilisé pour la validation de la méthode. Celle-ci a été ensuite appliquée
à l’étude de l’hydrolienne Achard en approximation bidimensionnelle dont la configuration
correspond à celle de la veine d’essai expérimentale du LEGI. L’objectif était de mener
une étude extensive du comportement des hydroliennes en 2-D. Il était nécessaire d’étudier
l’influence du comportement du confinement dans le tunnel ainsi que l’impact du sillage
sur l’écoulement.

2.1 Présentation du projet Code_Saturne


Code_Saturne est un code de calcul généraliste dédié à la simulation d’écoulements
fluides, laminaires ou turbulents, dans des géométries complexes 2D ou 3D [8]. Ce code
est développé par le service R&D de EDF depuis 2000, et le code source est disponible
de façon effective depuis 2007 sous la licence GNU GPL (open source). Il a été au départ
principalement utilisé pour les applications dans le nucléaire, et l’énergie thermique par
combustion. Il est maintenant utilisé pour une large gamme d’application d’ingénierie [9],
telles que : le couplage thermique, la combustion de charbon et de gaz, les turbo-machines,
le suivi de particules, les maillages déformables ALE..). Il est également utilisé comme outil
de recherche, notamment sur la turbulence [10, 11].
Le code est construit sur la résolution des équations de Navier-Stokes pour un fluide
visqueux incompressible complétées par divers modèles de turbulence. La discrétisation
spatiale est réalisée à l’aide d’une méthode par volumes finis utilisant des maillages struc-
turés ou non, pleinement conservative, et disposant d’un stockage colocalisé de toutes les
variables.

2.2 Fonctionnement du code


2.2.1 Généralités sur le solveur
La résolution du système d’équations dans Code_Saturne est faite en plusieurs étapes ;
les différentes équations de conservation sont résolues consécutivement. A chaque pas de
temps du calcul, plusieurs itérations sont nécessaires pour assurer la convergence de la
2.2. FONCTIONNEMENT DU CODE 41

procédure. Pour une variable donnée, un critère d’arrêt est fixé sur la différence relative
entre deux itérations successives. Les étapes de l’algorithme de résolution sont détaillées
ci-dessous :

1. Calcul des propriétés physiques (ρ, µt .. ) et du déplacement du maillage

2. Calcul de la prédiction de vitesse

3. Résolution de l’équation sur la pression

4. Correction des vitesses pour assurer l’équation de continuité

5. Calcul des grandeurs turbulentes

6. Calcul des scalaires (T, e..)

7. Mise à jour des variables et début de l’itération suivante

2.2.2 Equations du mouvement


On étudie un écoulement fluide incompressible pour lequel il n’y a pas de création de
masse. Les équations de conservation de la masse et de la quantité de mouvement s’écrivent
respectivement :
∂ui
=0 (2.1)
∂xi
 
∂ui ∂ui ∂P ∂ 2 ui
ρ + uj = ρFi − +µ (2.2)
∂t ∂xj ∂xi ∂xj ∂xj
On utilise la convention de sommation d’Einstein. Cette convention de notation dit
que lorsqu’un indice est répété deux fois dans un terme, on sous-entend la sommation sur
toutes les valeurs possibles pour cet indice.

2.2.3 Pourquoi une modélisation de la turbulence ?


La turbulence en mécanique des fluides, est une expression de la nature aléatoire des
fluctuations de vitesse dans un écoulement. Il est vraisemblablement judicieux de citer
quelques unes de ses propriétés plutôt que de chercher à la définir :

• La tridimensionnalité : la turbulence est toujours 3D, même quand l’écoulement


moyen est bidimensionnel
42 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

• L’instationnarité : dans un écoulement établi aux valeurs moyennes temporelles


constantes, il existe toujours des fluctuations de vitesse

• La nature chaotique (imprévisible) : à partir de situations initiales très voisines, l’évo-


lution chaotique peut mener vers deux états finaux très différents.

• L’étendue des échelles : la turbulence est présente sur un large spectre d’échelles
spatio-temporelles, depuis des tourbillons de la taille du domaine disponible pour
l’écoulement, jusqu’à la taille minimale à laquelle les tourbillons disparaissent en
agitation moléculaire, traduite au niveau macroscopique par la viscosité du fluide.
La distance entre les extrémités du spectre augmente avec le nombre de Reynolds de
l’écoulement.

• La cohérence des structures. Les structures turbulentes (ou tourbillons) sont obser-
vables et les corrélations entre les composantes des fluctuations de vitesse sont non
nulles.

L’énergie du champ moyen de vitesse est dissipée par la turbulence. Les plus grands tour-
billons (qui transportent le plus d’énergie) se brisent et forment des tourbillons plus petits
et ainsi de suite (cascade des échelles), jusqu’à ce que les effets visqueux soient prépondé-
rants. A cette échelle, l’énergie est dissipée sous forme de chaleur. Cette cascade d’énergie
des grandes échelles vers les petites, porte le nom de Kolmogorov qui l’a expliqué en 1942
[12].

2.3 Les modèles RANS


Dans cette partie sont explicités les modèles de turbulence utilisés au cours de cette
thèse. Les différentes situations simulées l’ont été avec des modèles RANS à deux équa-
tions. Ceux-ci permettent de connaître les propriétés du champ moyen avec une précision
relativement bonne par rapport aux faibles coûts de calcul. Les modèles RANS (Reynolds
Averaged Navier Stokes) découlent de la décomposition proposée par Osborne Reynolds
en 1894. Vitesse et pression sont traitées comme des grandeurs statistiques. On sépare ces
grandeurs en une partie moyenne et une partie fluctuante. Par exemple pour la vitesse, on
pose U la partie moyenne et u′ la partie fluctuante :

u = U + u′ avec u = U et u′ = 0 (2.3)

D’un point de vue physique, la moitié de la somme des variances des composantes de la
vitesse fluctuante est interprétée comme l’énergie cinétique contenue dans la turbulence, ou
2.3. LES MODÈLES RANS 43

encore Energie cinétique turbulente. On la note k. De même, on définit l’intensité turbulente


comme le rapport entre l’écart type des fluctuations de vitesse et la vitesse moyenne :

1
k = (u′2 + v ′2 + w′2 ) (2.4)
2
et
q
1
( 23 k)1/2 3
(u′2 + v ′2 + w′2 )
It = = (2.5)
Uref Uref
On réécrit les équations de conservation de l’énergie avec cette décomposition puis on
applique l’opérateur de moyenne pour faire disparaître les termes fluctuants de premier
ordre. Par (2.1) on obtient :

∂Ui ∂u′i ∂Ui ∂u′i


+ = 0 qui devient = 0 et =0 (2.6)
∂xi ∂xi ∂xi ∂xi

De même avec (2.2), on obtient :

∂Ui ∂Ui ′
′ ∂ui ∂P ∂ 2 Ui
ρ[ + Uj + uj ] = ρFi − +µ (2.7)
∂t ∂xj ∂xj ∂xi ∂xj ∂xj

∂u′
Par application de (2.6), on a u′j ∂xji = ∂x∂ i u′j u′i . Le tenseur défini par u′j u′i est appelé tenseur
de Reynolds. Les termes diagonaux de ce tenseur sont des contraintes normales non-nulles,
car égaux au carré des fluctuations de vitesse. Les autres termes sont des contraintes de
cisaillement, ils découlent de la corrélation entre les composantes de la vitesse. Ils sont éga-
lement non nuls par la nature cohérente des tourbillons. On notera que ces contraintes sont
généralement supérieures en intensité aux contraintes visqueuses en écoulement turbulent.
La non-linéarité des termes d’advection dans l’équation de départ implique l’obtention
d’un système d’équations ouvert (plus d’inconnues que d’équations) pour lesquelles on va
devoir trouver des relations de fermeture. On peut ici distinguer différentes solutions pour
la fermeture de ce système :

• Les modèles du premier ordre, dans lesquels l’effet des tensions de Reynolds est
modélisé à l’aide d’une longueur de mélange, fixe ou dépendante de l’écoulement.

• Les modèles du second ordre, où les tensions de Reynolds sont calculées directement,
les moments d’ordre supérieur sont modélisés.
44 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

Nous poursuivrons l’analyse en nous concentrant sur les modèles du premier ordre.
Boussinesq propose en 1877 l’hypothèse que les contraintes turbulentes sont proportion-
nelles aux vitesses de déformation du champ moyen. La proportionnalité fait intervenir µt ,
la viscosité turbulente.
∂Uj ∂Ui 2
−ρu′j u′i = µt ( + ) − ρkδij (2.8)
∂xi ∂xj 3
Cette hypothèse est erronée en ce qu’elle suppose une isotropie de la turbulence. On définit
S le tenseur des taux de déformations basé sur le champ moyen RANS, qui est défini par
ses composantes :
1 ∂Uj ∂Ui
Sij = ( + ) (2.9)
2 ∂xi ∂xj
et s le tenseur des déformations basé sur la partie fluctuante de la vitesse :
∂u′j ∂u′i
s′ij =( + ) (2.10)
∂xi ∂xj
Cette hypothèse permet de linéariser les équations sur la vitesse. Le problème de ferme-
ture consiste maintenant à calculer une solution pour la viscosité turbulente. On cherche
une équation régissant l’évolution de l’énergie cinétique turbulente. En prenant le produit
scalaire de la vitesse fluctuante u′ avec l’équation de Navier-Stokes, on obtient l’équation
suivante :

∂k ∂k ∂ 1
ρ[ + Ui ]= (− p′ u′j + 2µu′i s′ij − ρu′i u′i u′j ) − 2µs′ij · s′ij − ρu′i u′j · Sij (2.11)
∂t ∂xi ∂xj |{z} | {z } |2 {z } | {z } | {z }
P ression visqueuses Reynolds Dissipation P roduction

En considérant de U et k comme les inconnues du système d’équations que nous construi-


sons, les modèles de turbulence proposent une modélisation des termes de droite. Les trois
premiers termes sont représentatifs du transport de k, respectivement par la pression les
contraintes visqueuses et les tensions de Reynolds. Le quatrième terme représente la dissi-
pation visqueuse de k, et la cinquième la production. On fait apparaître la nouvelle variable
ǫ, le taux de dissipation de l’énergie cinétique turbulente.
µ
ǫ = 2νs′ij · s′ij dans laquelle ν = (2.12)
ρ
Ce terme peut faire l’objet d’une modélisation avec une longueur de mélange constante ou
faire l’objet d’une deuxième équation de conservation. C’est l’objet des modèles du premier
ordre à deux équations que nous détaillons par la suite.
2.3. LES MODÈLES RANS 45

2.3.1 Le modèle k − ǫ
Le modèle k − ǫ est le plus ancien et le plus répandu de ces modèles [13]. Il reprend
l’équation exacte développée pour k dans laquelle les termes de transport sont modélisés
avec une hypothèse de transport par diffusion de gradient. Il propose ensuite une équation
de conservation pour ǫ construite en miroir par rapport à celle sur k. Les deux équations
de conservation du modèle sont :
∂ρk µt
+ ∇ · (ρkU ) = ∇ · [ ∇k] + P − ρǫ (2.13)
∂t σk

∂ρǫ µt ǫ ǫ2
+ ∇ · (ρǫU ) = ∇ · [ ∇ǫ] + Cǫ1 P − Cǫ2 ρ (2.14)
∂t σǫ k k
avec :
P = 2µt Sij · Sij (2.15)
Le terme de production vient directement de l’application de l’hypothèse de Boussinesq au
terme P de l’équation exacte. La viscosité turbulente qui sert à fermer l’équation sur u est
déterminée à l’aide d’une analyse dimensionnelle :
k2
µt = ρCµ (2.16)
ǫ
Les constantes du modèle telles que données par Jones et Launder, et utilisées dans
Code_Saturne sont :

Cµ = 0.09 Cǫ1 = 1.44 Cǫ2 = 1.92 σk = 1.0 σǫ = 1.3 (2.17)

2.3.2 Le modèle k − ω de Wilcox


Le choix de ǫ comme deuxième fonction de transport de la turbulence n’est pas universel
suivant les modèles de turbulence. Nous citerons le modèle k − ω proposé par Wilcox [14] ;
il utilise le taux de dissipation spécifique ω = kǫ proposé en premier lieu par Kolmogorov
en 1942. La variable ω tend vers l’infini à la paroi ce qui imposera de garder une taille
minimale pour la première maille, et rend impossible la convergence en maillage dans les
couches limites. Un second problème conséquent est que la valeur de ω dans l’écoulement
libre (à l’entrée) doit être choisie et ajustée pour chaque cas. De plus, cette valeur a une
influence forte sur la diffusion de l’énergie turbulente. Une des conséquences est que le
fluide n’a pas les mêmes propriétés en fonction de la distance à l’entrée du domaine.
k
µt = ρ (2.18)
ω
46 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

∂ρk µt
+ ∇ · (ρkU ) = ∇ · [ ∇k] + P − βρkω (2.19)
∂t σk
∂ρω µt ω ω2
+ ∇ · (ρωU ) = ∇ · [ ∇ω] + γ1 P − β1 ρ (2.20)
∂t σω k k

β ∗ = 0.09 β1 = 0.075 γ1 = 5/9 = 0.556 σk = 2.0 σω = 2.0 (2.21)

2.3.3 Le modèle k −ω ’BSL’ Baseline et sa variante kω −SST Shear


Stress Stransport
Afin de résoudre le problème mentionné précédemment, Menter [15] propose une com-
binaison des deux modèles précédent, afin d’utiliser les avantages de chacun dans les diffé-
rentes régions simulées. Le modèle k − ω ’BSL’ résout donc les deux systèmes d’équations
avec une fonction de pondération F1 sur l’une et (1 − F1 ) sur l’autre. Le modèle utilise
uniquement le k − ω dans la sous-couche visqueuse et uniquement k − ǫ à l’extérieur de
la couche limite. Menter remarque également que modèle aux tensions de Reynolds de
Johnson et King permet d’obtenir de bons résultats pour le décollement de couche limite.
Il est basé sur l’hypothèse de proportionnalité entre le cisaillement turbulent τ = −u′ v ′ et
l’énergie cinétique turbulente par la relation :
τ = ρa1 k (2.22)
avec a1 = 0.3 alors qu’il est donné proportionnel au taux de déformation dans les modèles
à 2 équations par la relation de Boussinesq. On peut reformuler cette relation pour ces
modèles pour avoir une dépendance entre τ et k de la forme :
s
P roductionk
τ =ρ a1 k (2.23)
Dissipationk
Dans les régions de gradient adverse, le rapport Production/Dissipation est souvent bien
plus grand que l’unité. Afin d’imposer la première relation, il reformule la viscosité turbu-
lente νt par :
a1 k
νt = (2.24)

Cette modification permet de limiter la production dans les couches limites et imposant
des variations du cisaillement turbulent inférieures à celles de ρka1 . La relation à utiliser
pour µt est définie par :
a1 k
νt = (2.25)
max(a1 ω; Sij )
2.3. LES MODÈLES RANS 47

Cette modification est appelée Shear Stress Transport, dans le sens où elle imite un des
effets remarqué du terme de transport de τ dans d’autres modèle. Le modèle kω − SST
classique intègre les deux modifications.

2.3.4 Le modèle v 2 − f
Le modèle v 2 − f a été proposé par Durbin [16], afin de considérer l’anisotropie du
tenseur de Reynolds près des parois. Il permet ainsi de prendre en compte de façon plus
réaliste les écoulements détachés et impactant. La modélisation proposée rajoute deux
variables au modèle k − ǫ qui sont v 2 , la vitesse transverse à la paroi, et son terme source
f , en plus de k, l’énergie turbulente et ǫ, la dissipation. Le modèle v 2 − f est basé sur trois
équations de transport pour v 2 , k, ǫ et une équation de relaxation elliptique pour f .
Décrivons plus en détail le fonctionnement du modèle de départ proposé par Durbin en
1991. Dans les zones éloignées de la paroi, les équations de transport classiques peuvent
être utilisées. Les équations de transport pour k et ǫ sont les mêmes que dans le modèle
classique (eqs (2.13) et (2.14)). L’équation sur v 2 est définie comme suit :

Dv 2 ∂v 2 ǫ µt
= + Uj ∇j v 2 = kf − v 2 + ∇j [(µ + )∇j v 2 ] (2.26)
Dt ∂t k σk
L’équation de relaxation elliptique est résolue pour f , pour laquelle T est un temps carac-
téristique de la dissipation et L une longueur de mélange caractéristique :

1 v2 Pk
L2 ∇ 2 f − f = (C1 − 1)[ − 2/3] − C2 (2.27)
T k k
La viscosité turbulente adopte la nouvelle forme par rapport au modèle k − ǫ :

ν t = Cµ v 2 T (2.28)

Les coefficients du modèle C1 , C2 et σk sont définis empiriquement. La taille caractéristique


L est donnée par :
k 3/2
L= (2.29)
ǫ
On impose une condition à la limite homogène sur la paroi pour k et v 2 . Le modèle
effectivement implémenté dans Code_Saturne est appelé le ”v 2 −f -φ model”. Il a été proposé
2
par Laurence et al. [17] et utilise la variable φ = vk au lieu de v 2 . Cette formulation évite
ainsi les singularités à la paroi, et facilite la convergence numérique.
48 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

2.4 La méthode de Couplage / maillage rotatif (Sliding


mesh)
L’étude d’un système comprenant une partie mobile par rapport à l’autre, comme on en
trouve dans les pompes ou moteurs (rotor-stator), est un défi pour la simulation numérique
qui doit gérer des maillages en mouvement relatif. La rotation est imposée en changeant
la position géométrique absolue des mailles au cours du temps. La problématique de ces
techniques est la gestion de l’interface, entre les maillages, au sein du même système. On
doit s’assurer que l’interface virtuelle n’ait pas d’influence sur la continuité de l’espace
réel. Le couplage est également utilisé de simuler l’interaction de phénomènes physiques
différents. De nombreux codes de calcul permettent le couplage de problèmes complexes.
On peut citer les interactions fluide-structure d’un point de vue mécanique ou thermique.
L’étude numérique d’écoulements fluides sur des hydroliennes nécessite ce genre de
techniques en représentant la géométrie par deux maillages : un maillage solidaire des
pales d’un côté (rotor) et un maillage solidaire avec les frontières du domaine de l’autre
(stator). La méthode de couplage adoptée doit gérer une interface entre deux domaines
fluides (un fixe, l’autre en mouvement), dont la correspondance de mailles diffère à chaque
itération. Elle doit simuler l’ensemble comme un milieu continu. Le paragraphe suivant
explicite la méthode développée dans Code_Saturne [18].

2.4.1 Benchmark
La méthode Chimera est une méthode de simplification de maillage qui a commencée à
être utilisée dans les années 1980 par Benek et al [19], et Steger [20]. Elle consiste à utiliser
un maillage différent pour chacun des éléments du domaine à calculer. Considérons le cas
avec deux maillages, le premier est fixe, le second maillage est placé au dessus du premier
et peut être déplacé de façon arbitraire. Les cellules du premier maillage complètement
recouvertes sont éliminées pour le pas de temps courant, par un méthode appelée hole cut-
ting. On pourra voir les travaux de Wang [21] sur cette méthode particulière. Le processus
de construction du domaine à chaque itération est coûteux en temps de calcul, notamment
en 3D. Le couplage est assuré par la continuité des flux entre les différentes parties. Cette
méthode est très utilisée pour la simulation de géométries complexes en mouvement telle
que les rotors d’hélicoptère sur lesquels on observe des mouvements de rotation ainsi que
des battements de déformation verticale. Elle devient difficile à mettre en œuvre lorsque
l’intervalle entre rotor et stator devient petit dans le cas, par exemple, des turbomachines
ou des hélices et hydroliennes carénées.
2.4. LA MÉTHODE DE COUPLAGE / MAILLAGE ROTATIF (SLIDING MESH) 49

Maillage glissant Dans un cas plus simple, pour lequel on peut définir le mouvement
du maillage par une révolution ou une translation uniforme, la simplicité de la méthode
par maillage glissant est en général préférée. Elle utilise plusieurs maillages recouvrant des
parties distinctes de l’espace. Cette méthode est généralement utilisée pour des simulations
de profils oscillants, de turbo-machines, pompes, ou générateurs hydrocinétique. Les efforts
de développement pour de telles méthodes sont concentrés sur les points suivants :

• l’interaction des deux domaines à l’interface et la continuité des variables et la conser-


vation des flux

• la parallélisation de la méthode

• l’optimisation de la connectivité entre mailles voisines dans des ensembles en mouve-


ment relatif

La principale différence entre les exemples de maillage glissant proposés réside dans
l’interpolation des variables à l’interface. Cette interpolation est faite par une méthode de
construction de cellules fantômes (“halo”) du côté opposé à l’interface. Steijl et Barakos [22]
présentent une méthode de simulation appliquée à un rotor d’hélicoptère, avec un maillage
structuré par blocs. Cela leur permet de créer deux couches de cellules ’halo’ pour le do-
maine 1 dans le domaine 2. Les variables au centre de ces nouvelles cellules sont déterminées
par interpolation dans le domaine 2. Cette technique est réservée à des maillages structu-
rés, et nécessite un stockage de données supplémentaires. Blades et Marcum [23] proposent
une méthode pour maillage non-structuré avec une couche de mailles ’halo’. Le centre de
ces mailles est placé à une distance symétrique du centre de la dernière couche de mailles
réelles par rapport à l’interface de couplage. Dans leur cas les grandeurs sont extrapolées
depuis le centre le plus proche, puis l’écoulement est résolu sur les mailles contenant les
nouvelles cellules, comme faisant partie du maillage. Elles imposent les conditions limites
pour chacun des côtés de l’interface.
Une méthode alternative présentée par Petit et. al. [24] revient à effectuer un recollement
de deux maillage à chaque pas de temps. Cette méthode dite de patching, est implémentée
dans OpenFOAM. Elle existe également dans le Code_Saturne depuis la version 3.2 (Dé-
cembre 2013). Elle assure la conservativité par construction mais est plus lourde en termes
de calcul. Comparativement, certaines méthodes de maillage glissant avec interpolation
demandent au moins deux itérations sur la résolution pour assurer la conservation de la
masse.

Immersed boundary method Peskin [25] et plus récemment Jendoubi et. al. [26] pro-
posent une méthode avec laquelle un objet fictif peut être déplacé dans un espace maillé
50 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

comme le montre la figure 2.1. A chaque itération, la géométrie de l’objet est définie en
référentiel lagrangien. Les forces appliquées sur l’objet sont calculées dans ce référentiel
puis imposées dans le champ eulérien pour les mailles qui sont intersectées par le contour.
Cette méthode initialement appliquée aux écoulements vasculaires, présente néanmoins le
problème de ne pas pouvoir construire un maillage adapté aux calculs d’écoulement décollés
en couche limite.

Figure 2.1 – Champ de vitesse dans les référentiels eulériens et lagrangiens pour la mé-
thode IBM [27]

2.4.2 Fonctionnement de la méthode Code_Saturne


Couplage sans rotation On appelle couplage sans rotation, un couplage pour lequel les
deux maillages sont immobiles l’un par rapport à l’autre. Dans ce cas les deux maillages
forment un ensemble ’conforme’. Ce terme signifie que l’intersection de deux éléments
(mailles) est une sous-partie de chacun d’eux. Dans notre cas, les mailles de la frontière
partagent une face de bord complète.
Le cas du couplage stationnaire et conforme élude plusieurs des problèmes que l’on
rencontre par la suite, mais permet de simplifier l’explication du fonctionnement. La Fi-
gure 2.2 (a) présente le cas de l’interface de deux cellules de centre I et J, appartenant
aux domaines Ωi et Ωj , respectivement. F est le centre de la face de bord, et I ′ et J ′ les
projetés orthogonaux des centres sur la perpendiculaire à la face de bord passant par F .
En couplage, le code voit les faces de l’interface comme des faces de bord, (Figure 2.2 (b))
et leurs impose des conditions limites.
L’objectif à atteindre pour le couplage est de traiter l’interface comme une face interne.
Pour cela, il faut respecter deux critères :
2.4. LA MÉTHODE DE COUPLAGE / MAILLAGE ROTATIF (SLIDING MESH) 51

(a) face interne (b) face de bord

Figure 2.2 – Schéma d’une face interne (gauche) et d’une face de bord (droite) dans le
fonctionnement classique du Code_Saturne. Extrait de [28]

• obtenir les mêmes flux convectifs et diffusifs pour une face couplée que ce qu’on aurait
pour une face interne équivalente

• avoir l’égalité des flux de chaque côté de l’interface


Il s’agit de déterminer la manière d’imposer les conditions aux limites afin de respecter ces
deux objectifs. On décide d’imposer des conditions de Dirichlet qui assurent l’imposition
de la valeur désirée du flux. On doit également choisir le schéma spatial à utiliser.
Prenons l’exemple d’une grandeur a. Dans le cas d’une face interne (schéma 2.2 (a)),
on dispose de deux options : le schéma centré et le schéma upwind
Le schéma centré consiste à calculer la valeur de la grandeur a en F en utilisant les
valeurs aI et aJ suivant la relation (2.30), où αij est un facteur de pondération qui dépend
F J′
du rapport ′ ′ .
IJ
acouplé
F = αij aI + (1 − αij ) aJ (2.30)
Le schéma upwind consiste à utiliser simplement l’une ou l’autre des valeurs aI ou aJ
en fonction du sens du courant :

couplé aI si (ρu) · n >= 0
aF = (2.31)
aJ si (ρu) · n < 0

n étant la normale à la face de bord de la cellule I.


52 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

C2
I C3
F2
K
F3
C1
J
F1 L
F4 div(v)=0
C4

div(v)=0

div(v)≠0
div(v)≠0

Figure 2.3 – Interface non conforme

La première méthode pouvant être instable, on effectue un test de pente qui permet
aI − aJ
de basculer vers la deuxième si le rapport devient trop grand. Afin de garantir la
IJ
symétrie des flux, on impose une condition limite de type Dirichlet. Cette condition est
évaluée à l’aide d’un schéma centré pour tous les scalaires, la pression et la vitesse et un
schéma upwind pour les grandeurs turbulentes.
Dans le cas général, ces conditions aux limites servent à réaliser une première étape de
prédiction de vitesse. Une étape de correction vient ensuite : les valeurs de flux de masse et
de pression au centre des cellules sont corrigées afin de respecter la divergence nulle de la
vitesse dans chaque cellule. Les valeurs de la vitesse sur chaque face sont donc modifiées.
Il en va de même pour l’interface de couplage. Or ici, la valeur de la vitesse en F est
corrigée de chaque côté de façon indépendante. Cette opération modifie la condition limite
imposée à l’étape précédente. On perd alors, a priori, l’égalité des flux. Il est donc choisi de
désactiver la correction de pression pour les mailles de bord afin d’imposer de façon exacte
la conservation du flux. Il en découle alors un calcul non conservatif.

Couplage instationnaire non-conforme Dans le cas général, les deux maillages sont
en mouvement relatif, l’un par rapport à l’autre. A chaque pas de temps, une nouvelle
correspondance entre les mailles en vis à vis est à déterminer. Comme on le voit sur le
schéma, Figure 2.3, le flux sortant par la face F 1 devrait être reporté dans les cellules 3 et 4.
Dans l’implémentation actuelle, l’interpolation (i.e. pondération du flux envoyé dans chaque
2.4. LA MÉTHODE DE COUPLAGE / MAILLAGE ROTATIF (SLIDING MESH) 53

face) n’est pas faite, la cellule 1 "verra" donc seulement la cellule 4. Cette particularité
impose donc des restrictions sur la taille des mailles dans la direction longitudinale à
l’interface. L’interpolation n’est pas faite pour ne pas alourdir le temps de calcul.

2.4.3 Méthode de l’Université de Manchester dans Code_Saturne


L’équipe de l’université de Manchester a développé une méthode alternative d’interface
glissante pour le Code_Saturne [29]. Ils ont fait le choix de ne pas utiliser le couplage
code-code décrit dans les paragraphes précédents, mais de garder une seule instance de
calcul, traitant l’interface comme une face interne. Le lien entre les maillages est assuré par
les grandeurs aux faces des cellules en vis à vis.
Pour chaque cellule C à l’interface, de centre I on crée un point fantôme H, symétrique
du centre I par rapport à la face de bord (de centre F ), et donc situé dans l’autre domaine.
On détermine ensuite les grandeurs au point H par interpolation à partir du centre de
cellule le plus proche (dans le cas du schéma, c’est J). Enfin, les valeurs en F sont évaluées
par la demi-somme des valeurs en I et H. Les tests effectués sur cette méthode en modèle

Figure 2.4 – Schéma de principe de la méthode sliding de Manchester, d’après [30]

RANS et LES montrent que le déplacement du maillage par pas de temps doit rester
petit rapport à la taille des mailles des l’interface. De plus, la correction de pression est
54 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

maintenue, plusieurs itérations sur la résolution du système d’équations à l’intérieur d’un


même pas de temps sont nécessaires pour converger vers une égalité des flux.

2.5 Validation
2.5.1 Physique du cylindre en rotation
L’étude de la méthode de maillage rotatif à interface glissante impose une géométrie
d’étude à symétrie de révolution. On est amené à s’intéresser au cas du cylindre en rotation
qui remplit cette contrainte, reste géométriquement très simple et permet cependant de
conduire à des écoulements complexes. Les propriétés de ces écoulements ont été, et restent,
abondamment étudiées grâce aux moyens expérimentaux et numériques. Des compilations
de résultats faites notamment par Zdravkovitch [31] ou Roshko [32], ont synthétisé et
classifié les nombreux phénomènes en différents régimes d’écoulement.
Dans la très complète étude réalisée par Zdravkovitch, on trouve une interprétation
générique qui partitionne l’écoulement en 4 zones représentées sur la Figure 2.5 (a) :

No separetion Steady separetion bubble


(b) (c)

Oscillating Karman vortex street wake


(d)

Laminar boundary layer Turbulent boundary layer


wide turbulent wake narrow turbulent wake
(e) (f)

(a)

Figure 2.5 – Zones de l’écoulement autour d’un cylindre [31] (gauche), Schémas des dif-
férents régimes d’écoulement autour d’un cylindre (droite)
2.5. VALIDATION 55

• (i) une mince région amont où le fluide est ralenti


• (ii) 2 couches limites accrochées à la surface du cylindre
• (iii) 2 régions latérales où le fluide est dévié et accéléré
• (iv) le sillage

La couche limite développée est constituée de deux zones : une première, la plus éten-
due, possède un gradient positif de pression et une seconde, beaucoup plus courte, où ce
gradient devient négatif juste avant le point de détachement. Les couches limites détachées
continuent d’évoluer à l’aval comme des zones de cisaillement libres (free shear layer ). Le
paragraphe suivant décrit l’évolution des régimes d’écoulements sur un cylindre en fonction
du nombre de Reynolds, afin de situer les cas tests étudiés. La Figure 2.5 de droite donne
une représentation schématique des différents régimes.

Ecoulement laminaire Pour un nombre de Reynolds inférieur à 4-5, le fluide est to-
talement attaché à la paroi (Figure 2.5 (b)). Jusqu’à des valeurs inférieures à 30-48, on
observe des recirculations symétriques laminaires dans le sillage proche (Figure 2.5 (c)).
L’allongement de ces recirculations provoque le démarrage d’une instationnarité (passage
de Figure 2.5 (c) à (d)). Les zones de cisaillement sont le siège d’une instabilité dites de
Kelvin-Helmoltz, due à un gradient de vitesse qui va engendrer une vitesse transverse à
l’écoulement. On assiste à une oscillation sinusoïdale des zones de cisaillement qui provoque
des détachements réguliers en opposition de phase de chaque côté du sillage. Les tourbillons
laminaires créés sont connus sous le nom d’allées de Bénard-Von Kármán.

Transition dans le sillage Pour la plage 200 < Re < 400, les tourbillons détachés
deviennent progressivement turbulents. Cette transition a lieu d’abord au loin, puis tend
à se rapprocher et à intervenir lors de la formation du tourbillon.

Transition dans les zones de cisaillement La transition turbulente a ensuite pro-


gressivement lieu dans les zones de cisaillement des couches limites détachées. Des on-
dulations de ces couches apparaissent jusqu’à Re < 1.103 − 2.103 puis s’enroulent pour
former des tourbillons alternés jusqu’à Re < 2.104 − 4.104 . Pour la plage approximative
de 2.104 − 5.104 < Re < 2.105 , on observe la disparition des tourbillons de transition
dans les zones de cisaillement et l’apparition de la turbulence en un point relativement
fixe. Les tourbillons sont alors formés à l’aval immédiat du cylindre. Notons que sur cette
plage de Reynolds 2.104 < Re < 2.105 , l’écoulement garde des caractéristiques relativement
similaires. (fig 2.5 (e)).
56 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

Transition dans les couches limites A des Reynolds plus élevés, la transition a lieu
dans la couche limite. La couche limite peut alors supporter plus longtemps le gradient
adverse de pression, ce qui décale le point de décollement vers l’aval. La pression exercée
sur l’arrière du cylindre est accrue, ce qui réduit drastiquement la poussée dans la direction
longitudinale (d’un facteur 4 environ). On retrouve ce phénomène sous le nom de drag crisis
dans la littérature (fig 2.5 (e)). C’est pour cette raison que les balles de golf, par exemple,
on des surfaces à aspérités pour se trouver dans ce régime et allonger les trajectoires. On
distingue dans ce régime une plage ’pré-critique’ et une plage ’post-critique’ qui encadrent
le phénomène de drag crisis

Régime pleinement turbulent Ce régime est atteint lorsque l’écoulement est turbulent
dans toute les régions entourant le cylindre. Le nombre de Reynolds pour lequel ce type
d’écoulement démarre est encore inconnu.

En terme de force, l’écoulement exerce sur le corps des forces statiques (Re < 30) ou
dynamiques. Il est habituel de les décomposer en une composante longitudinale et transver-
sale. On les nomme respectivement traînée (drag) et portance (lift). Il est usuel d’adimen-
sionnaliser ces forces par la force due à la pression dynamique sur une surface équivalente.
Selon la notation consacrée, on utilisera donc les coefficients de traînée CD et de portance
CL . On pose de même le nombre adimensionnel de Strouhal qui rend compte de la fréquence
des détachements.

1
F⊥ = ρSV 2 CL (2.32)
2
1
Fk = ρSV 2 CD (2.33)
2
fD
St = (2.34)
V
où :

• Fk et F⊥ sont les forces appliquées sur le cylindre respectivement dans les directions
longitudinale (parallèle) et transversale (orthogonale) à l’écoulement (N)

• ρ la masse volumique (kg.m−3 )

• S la surface apparente au fluide incident(m2 )

• f la fréquence des détachements de Von Kármán (s−1 )


2.5. VALIDATION 57

Les observations et calculs reportés par Noack [33] et Stansby [34], montrent que les
effets tridimensionnels de l’écoulement apparaissent au-delà d’une valeur du nombre de
Reynolds autour de 200. Cette valeur est particulièrement étudiée dans la littérature pour
des cylindres fixes. De plus, dans le cadre de la présente étude, nous nous intéresserons
au cas d’un cylindre en rotation. Nous prendrons comme référence le travail de Mittal et
Kumar [35]. Ils étudient par simulation numérique un cylindre en rotation uniforme dans
un écoulement laminaire pour des valeurs du paramètre α allant de 0 à 5. Le paramètre α
est similaire au paramètre d’avance d’une pale d’hydrolienne, il est défini comme le rapport
de la vitesse en paroi sur la vitesse au loin, voir (2.35).
Dans le cas du cylindre fixe, la portance suit une oscillation sinusoïdale de moyenne
nulle. Leur travail montre l’augmentation du coefficient de portance CL moyen avec la
vitesse de rotation. Ce phénomène est bien connu sous le nom d’effet Magnus et illustré
par les effets coupés et liftés au tennis. De façon intuitive, lorsque le cylindre tourne, le
fluide est accéléré d’un côté du fluide et ralenti de l’autre. On obtient donc une différence
de pression entre la partie supérieure et inférieure du cylindre. Les oscillations disparaissent
à partir d’une valeur de α = 1.91, puis réapparaissent pour α compris entre 4.3 et 4.75.
L’accent est mis sur l’hystérésis de l’instabilité obtenue par initialisation des simulations
pour des valeurs de α pour lesquelles on observe des allées de Karman.

Ω∗R
α= (2.35)
V
La comparaison s’appuiera également sur les travaux de James McNaugthon de l’uni-
versité de Manchester [30] qui a réalisé pendant sa thèse la validation d’une méthode sliding
mesh avec Code_Saturne. Il montre notamment que sa méthode nécessite plusieurs ité-
rations sur la résolution de Navier-Stokes à chaque pas pour obtenir la convergence, ainsi
qu’un déplacement à l’interface petit devant la taille des mailles. Ces deux contraintes
accroissent le temps de calcul. Nous cherchons donc quelles sont les limitations de notre
propre méthode.

2.5.2 Méthodologie de validation


La géométrie simple du cylindre rotatif nous offre deux possibilités de simulation nu-
mérique :

• La méthode de couplage code-code (approche 1) décrite au paragraphe 2.4.2,


pour laquelle on utilise deux maillages distincts. La rotation est prise en compte par
déplacement de toutes les mailles de la partie Rotor . Cette méthode est aussi dite de
sliding mesh ou couplée.
58 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

• La méthode classique (approche 2) ou recollée qui utilise un seul maillage (donc


sans couplage) fixe. La rotation est imposée comme une condition limite à la paroi du
cylindre. Dans un but comparatif, on utilise le même maillage que dans le cas couplé.
Les deux parties du maillage sont recollées par le pré-processeur du Code_Saturne,
qui crée les points manquants pour obtenir un maillage conforme.

Dans l’étude qui suit, on se sert de la méthode classique comme référence de calcul.
L’objectif de la validation est de reproduire le cas non-couplé à l’aide du cas couplé. La
simulation numérique donnant nécessairement un écart avec la réalité, on peut ainsi évaluer
l’erreur imputable au couplage uniquement.

2.6 Cas test 1 : Cylindre 2D en écoulement laminaire


2.6.1 Maillage
Comme pour toute simulation numérique, nous voulons que les résultats soient repré-
sentatifs de la physique décrite et non du choix du maillage. Nous effectuons donc une
étude de convergence en maillage, ce qui consiste à réaliser la simulation avec des maillages
de plus en plus raffinés jusqu’à obtenir un résultat stable. Le maillage convergé le moins
coûteux est utilisé pour la suite des simulations. On effectue cette convergence en maillage,
selon un critère donné, dans le cas d’un cylindre fixe avec la méthode recollée.
La géométrie adoptée pour la simulation du cylindre est composée d’un Rotor , partie
centrale en rotation, et d’un Stator , extérieur et fixe sur lequel on applique les conditions
aux limites d’entrée et sortie. Ces deux maillages sont circulaires et concentriques comme
illustrés par la Figure 2.6 (a). Une vitesse d’entrée correspondant à Re=200 (d = 2Rc ) est
imposée sur le demi-cercle extérieur (x < 0), dans la direction X. La frontière intérieure
du Rotor est définie comme une paroi lisse, avec une condition de non glissement. La
terminologie des paramètres est la suivante :

• Rc est le rayon du cylindre

• Ri est le rayon de l’interface

• Rext est le rayon de la frontière extérieur du Stator

Chacun des deux maillages est choisi structuré et conforme. A cause de la rotation, le
maillage n’est plus conforme à l’interface pendant la simulation. La situation se retrouve
sur la Figure 2.6 (b). On désigne par :
2.6. CAS TEST 1 : CYLINDRE 2D EN ÉCOULEMENT LAMINAIRE 59

(a) Domaine complet (b) Zoom à l’interface

Figure 2.6 – Maillage Rotor et Stator

• P le nombre de mailles sur le périmètre des cylindres

• N le nombre total de points sur le rayon

Le couplage à l’interface est réalisé de telle sorte que le flux sortant d’une cellule A du
maillage Ωi soit transmis intégralement au maillage Ωj par la cellule B contenant le projeté
orthogonal du centre de gravité de A. Il convient donc que la taille des mailles à l’interface
soit de taille similaire. On choisit d’imposer le même nombre de segments de chaque côté.
L’étude de convergence en maillage utilise comme critère les coefficients de portance et
de traînée. Dans cette étude, on regarde la valeur moyenne du coefficient de traînée CD et
la moyenne quadratique du coefficient de portance CL sur un cylindre fixe. Les diffé-
Rext
rents paramètres sont reportés dans le tableau 2.1. Le rapport doit être suffisamment
Rc
important pour que le calcul dans un domaine fini reproduise le comportement en milieu
infini. Dans le cas contraire, on observe un effet de blocage qui accélère l’écoulement au
niveau du cylindre. La valeur du rapport varie entre les maillages A, B et C. La variation
des coefficients entre B et C est inférieure à 1%, on utilise donc le maillage B.
Les grandeurs utilisées ont pour valeurs :

• Rc = 0.025m

• Ri = 0.1m
60 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

• Rext = 2m
• U0 = 0.004m.s−1
• ρ = 1000kg.m−3
• µ = 10−3 kg.m−1 .s−1
Entre les maillages I à IV, on effectue un raffinement progressif de la taille des mailles,
et une convergence acceptable est observée à partir de BII. Le pas de temps de chaque
simulation est adapté afin de conserver un nombre de Courant maximum de l’ordre de
1. Le nombre de courant est approximativement le nombre de mailles traversées par une
particule fluide en un pas de temps. Le solveur utilise un schéma implicite, les calculs
convergeront donc même sans cette condition, mais elle est nécessaire afin d’optimiser la
précision du résultat dans chaque cas. Dans ces simulations, les restrictions sur le nombre
de maille à l’interface, imposées par la méthode de couplage, n’apparaissent pas. Lors du
passage au cylindre rotatif, on remarque que le calcul est convergé à partir de 180 mailles
sur la circonférence. Sauf mention particulière, on utilise le maillage B IV pour la suite de
l’étude.

MAILLAGE ∆t (s) P N Rext /Rc CD RMS(CL )

A II 0,05 120 120 40 1,3218 0,4502


B II 0,05 120 120 80 1,3024 0,4348
C II 0,05 120 120 120 1,294 0,4318

BI 0,1 60 60 80 1,2846 0,411


B II 0,05 120 120 80 1,3024 0,4348
B III 0,32 180 180 80 1,301 0,4287
B IV 0,025 240 240 80 1,305 0,4214

B II 0,025 120 120 80 1,307 0,446


B II 0,05 120 120 80 1,3024 0,4348
B II 0,1 120 120 80 1,302 0,437

Table 2.1 – Etude la convergence du maillage Rotor + Stator , α = 0


2.6. CAS TEST 1 : CYLINDRE 2D EN ÉCOULEMENT LAMINAIRE 61

0.8

0.6

0.4

0.2

−0.2

−0.4

−0.6

−0.8
100 120 140 160 180 200 220 240 260 280 300

Figure 2.7 – Coefficient de portance en fonction du temps pour les méthodes recollé (bleu)
et couplée (rouge)

2.6.2 Cylindre immobile

Dans le cas couplé, sans rotation, on se retrouve avec une interface conforme. On élimine
dès lors le problème de l’absence d’interpolation pour le passage du flux de masse entre
cellules décalées. Pour vérifier cette propriété, on calcule la différence de flux de chaque côté
de l’interface. On impose de chaque côté la même condition de Dirichlet pour la vitesse.
Pour le calcul immobile, la propriété est vérifiée à l’ordre de la précision machine.
La Figure 2.7 compare les courbes de portance pour un calcul recollé et un calcul
utilisant la méthode de couplage. Le résultat du couplage est légèrement en avance sur la
méthode classique au démarrage de l’instabilité, mais en régime établi, amplitude, valeur
moyenne et fréquence sont identiques.
On peut conclure que le couplage fonctionne bien pour deux maillages immobiles et
conformes dans le cas d’une simulation laminaire.
62 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

2.6.3 Cylindre rotatif


Cylindre rotatif en couplage code-code
Les calculs, comme on va le voir, sont rapidement probants quant au fonctionnement
de la méthode de couplage ; on cherche dans cette partie à tester l’influence des différents
paramètres et les limitations inhérentes. Afin de quantifier l’influence de la vitesse de rota-
tion par rapport au pas de temps, la grandeur γ est introduite. C’est le nombre de mailles
en vis-à-vis que voit passer une face de l’interface pendant un pas de temps. Une valeur
γ = 1 représente le décalage complet d’une cellule de l’interface par rapport à une cellule
identique fixe pendant la durée d’un pas de temps. La définition de γ est donnée par la
relation (2.36), dans laquelle Ω est la vitesse de rotation et nc le nombre de segments à
l’interface.

∆t · Ω · nc
γ= (2.36)

Conservativité La méthode pose un problème de conservativité théorique, première-


ment parce qu’on désactive la correction de pression sur les faces de bord, ensuite, parce
que le flux à l’interface n’est pas obligatoirement transmis correctement dans le cas non-
conforme.

P rotor P stator ∆t commentaire écart type de l’erreur (en %)


120 120 0,2 * 0,078 %
180 180 0,2 0,028%
240 240 0,2 0,020 %
240 240 0,1 0,022%
240 180 0,2 0,021%
240 180 0,1 0,025%
240 180 0,05 0,025 %
240 180 0,2 Ordre 2 en temps 0,049%
240 180 0,2 2 itérations 0,023%
480 480 0,2 * 0,015%
480 480 0,1 * 0,017 %
480 480 0,05 * 0,020%

Table 2.2 – Erreur sur le flux de masse à l’interface. Les cases comportant * correspondent
aux calculs non-convergés
2.6. CAS TEST 1 : CYLINDRE 2D EN ÉCOULEMENT LAMINAIRE 63

Re= 200 alpha= 1.0 dt= 0.2s NTERUP= 1 ORDRE- 1 Re= 200 alpha= 1.0 dt= 0.2s NTERUP= 1 ORDRE- 1
8e- 04
defaut de m asse au passage de l interface % de m asse perdue entre inlet/ outlet
6e- 04

6e- 04

4e- 04

4e- 04
difference de flux adim ensionnelle

2e- 04
2e- 04

% de inlet
0e+ 00
0e+ 00

- 2e- 04
- 2e- 04

- 4e- 04 - 4e- 04

- 6e- 04
10000 10200 10400 10600 10800 11000 11200 11400 11600 11800 12000 10000 10500 11000 11500 12000
Iteration Tem ps

(a) Différence de flux à l’interface (b) Masse perdue adimensionnalisée

Figure 2.8 – Différence de flux au passage des conditions aux limites de couplage (a) et
masse perdue entre l’inlet et l’outlet. α = 1.0, au premier ordre en temps, ∆t = 0.2s

Il est nécessaire de quantifier le poids de chacun de ces deux effets. Premièrement, on


calcule le flux de masse qui sort du Stator par la moitié aval de l’interface de couplage ; on
calcule également le flux rentrant dans le Rotor par la même surface (au sens géométrique).
La différence entre les deux flux représente l’erreur commise lors du passage des conditions
aux limites. Cette section de contrôle est arbitrairement choisie en admettant que le produit
~v · ~n (avec ~v la vitesse à la face de bord et ~n le vecteur normal à la face) sur chacune des
faces qui la compose reste de signe constant. On ne prend pas le cercle complet car cela
revient à comparer des valeurs théorique nulles.
Deuxièmement, on calcule le flux de masse qui sort du Rotor par l’interface de couplage.
Celle-ci constituant une surface fermée, par le théorème de Green-Ostrogradsky, le flux est
identique à l’intégrale de la divergence de la vitesse sur le volume du Rotor . Pour un fluide
incompressible, elle doit avoir une valeur nulle. On impose cette condition lors de l’étape de
la correction de pression. En calcul classique, la précision sur la conservativité dépend de
la précision sur la pression qui est fixé à 10−6 . Dans notre cas, on a simplement désactivé
cette étape pour l’ensemble des cellules de bords.
La figure 2.8 a) illustre le défaut de masse au passage de l’interface de couplage. On
observe deux fréquences principales dans le signal. La plus faible est associée aux oscillations
physiques du système. La seconde, plus élevée correspond au changement de correspondance
entre deux mailles communicantes. En d’autre termes, la courbe présente des discontinuités
correspondant aux croisements des deux frontières de maille. L’erreur relative commise sur
64 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

la conservation du débit entre l’entrée et la sortie est tracée en fonction du pas de temps
par la figure 2.8.b). Elle montre que les oscillations basse fréquence sont répercutées sur
l’ensemble mais que l’erreur locale sur le flux est compensée. Typiquement, l’erreur relative
est de 10−4 pour une précision sur la résolution des grandeurs de 10−6
Les simulations ont été réalisées avec des maillages comportant des nombres de mailles
P compris entre 120 et 480. On retrouve dans le tableau 2.2 les valeurs de l’écart type du
pourcentage de masse perdue à l’interface amont. Les calculs avec les maillages BII et BV
(P=N=480) divergent entre 8000 et 10000 itérations environ. La valeur reportée pour ces
cas ne tient donc pas compte de la partie divergente. Dans la partie divergente, l’erreur sur
le flux prend des valeurs jusqu’à cent fois supérieures au régime normal. Par contre pour
la masse totale perdue, les valeurs n’explosent pas. La masse perdue augmente jusqu’à
divergence du calcul.
L’erreur diminue avec l’augmentation du nombre de mailles. Dans le cas des maillages
BIII et BIV, le tableau 2 montre que la combinaison Rotor -Stator disposant respectivement
de 240 et 180 mailles sur la circonférence procure une erreur quasi constante, indépendante
du temps. Il est même étonnant de constater que ces valeurs sont toujours valables pour
des déplacements de l’ordre de 2 mailles par pas de temps (ie γ = 2). Le choix de ne
pas implémenter d’interpolation entre les faces frontières pour un meilleur passage du flux
parait donc se justifier. On remarque une augmentation à l’ordre 2. Cette donnée tend à
infirmer l’hypothèse que l’erreur est due au passage du flux à l’interface. En effet, le calcul
converge plus facilement avec le second ordre et donne de meilleurs résultats sur les efforts.

Itération de la résolution de Navier-Stokes Comme il est mentionné dans la pre-


mière partie, il est possible d’imposer des itérations sur la résolution des équations de
Navier-Stokes à l’intérieur d’un même pas de temps. Cela permet d’effectuer un calcul
virtuellement implicite des conditions au limites. Contrairement à la méthode Manchester,
cela ne permet de jouer directement sur l’étape qui a été éliminée (conservation du flux
OU de la masse)
La Figure 2.9 (a) présente la comparaison, des courbes de portance pour différents
nombres d’itérations, pour le premier ordre en temps et une valeur de γ de 1,2. La courbe
rouge correspond au calcul recollé et la courbe bleu-ciel au calcul couplé. Les deux courbes
suivantes sont faites à des nombres d’itérations plus élevés. On s’aperçoit qu’à partir de 2
itérations, la convergence est atteinte pour les forces de portance. Néanmoins, le résultat
n’est pas réellement amélioré par ces itérations. Le nombre de Strouhal se rapproche de
la référence recollée, mais l’amplitude des oscillations est plus faible. La Figure 2.9 (b)
présente les mêmes résultats, mais pour un pas de temps correspondant à γ = 0, 15. On
voit que l’écart entre le maillage recollé et le couplage sans itération est minime. On ne
2.6. CAS TEST 1 : CYLINDRE 2D EN ÉCOULEMENT LAMINAIRE 65

−1.6 −1.6
sans interface ordre 1 sans interface ordre 1
NTERUP=1 NTERUP=1
−1.8 NTERUP=2 −1.8 NTERUP=2
NTERUP=3

−2 −2

−2.2 −2.2

−2.4 −2.4

−2.6 −2.6

−2.8 −2.8

−3 −3

−3.2 −3.2

−3.4 −3.4

−3.6 −3.6
0 10 20 30 40 50 60 70 80 0 10 20 30 40 50 60 70 80

(a) γ = 1, 2 (b) γ = 0, 15

Figure 2.9 – Comparaison des coefficients de portance obtenus avec différents nombres
d’itérations

décèle donc pas d’amélioration en fonction des itérations.

Comparaison des méthodes


Force de portance Les résultats des simulations avec le maillage BIV sont reportés dans
les tableaux 2.3 et 2.4.
La valeur de γ est intrinsèquement reliée au nombre de courant, car elle dépend de ∆t.
On réalise les simulations au premier ordre implicite d’Euler et au second ordre de Crank-
Nicholson. Observons tout d’abord l’ordre 1. Les résultats sont consignés dans le tableau
2.3. Dans les deux cas, (ie récollé et couplé), la convergence des valeurs de portance est
atteinte pour des valeurs du pas de temps correspondant à des nombres de courant assez
faibles. Il est difficile alors de conclure sur l’influence de γ. Le second ordre en temps permet
d’obtenir une convergence plus rapide du calcul recollé. La valeur du pas de temps a moins
d’importance qu’au premier ordre. On utilise donc l’ordre 2 en temps pour dé-corréler
l’influence du pas de temps et de γ.
Le tableau 2.4 indique que les simulations dans la configuration recollée sont convergées
avec un nombre de Courant supérieur à 1. Ainsi, l’effet de la vitesse de rotation est mis
en évidence. Le calcul avec γ = 2.44 est abouti, bien qu’il donne des résultats avec 12,5%
d’erreur sur la traînée. La Figure 2.10 montre le champ de pression obtenu pour ce calcul.
On observe nettement la discontinuité.
On note qu’en dessous d’une valeur de γ d’environ 0.5, l’erreur est inférieure à 3%.
66 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

méthode Pas de temps (s) CD CL Nbre de Courant γ

Recollé 0,1 1,032 2,459 1,10 -


Recollé 0,05 1,038 2,47 0,55 -
Recollé 0,04 1,045 2,49 0,44 -
Recollé 0,033 1,052 2,498 0,36 -
Recollé 0,03 1,057 2,498 0,33 -
Recollé 0,025 1,091 2,5 0,28 -
Recollé 0,01 1,09 2,51 0,11 -

Couplé 0,2 1,011 2,51 2,20 2,44


Couplé 0,1 1,025 2,42 1,10 1,23
Couplé 0,05 1,04 2,45 0,55 0,62
Couplé 0,025 1,051 2,477 0,28 0,31
Couplé 0,0125 1,083 2,512 0,14 0,16
Couplé 0,00625 1,093 2,513 0,07 0,08

Table 2.3 – Coefficient moyen de traînée et de portance, α = 1, premier ordre implicite


d’Euler
2.6. CAS TEST 1 : CYLINDRE 2D EN ÉCOULEMENT LAMINAIRE 67

Champ de pression
α=1
ɤ = 2.44

Figure 2.10 – Discontinuité du champ de pression à l’interface Rotor /Stator aval, pour
une valeur de γ = 2.44

type de simulation Pdt (s) CD CL Nbre de Courant γ

Recollé 0,5 1,09 2,53 5,50 -


Recollé 0,2 1,07 2,516 2,20 -
Recollé 0,1 1,086 2,534 1,10 -
Recollé 0,05 1,091 2,53 0,55 -
Recollé 0,025 1,09 2,532 0,28 -

Couplé 0,5 * * 5,50 6,11


Couplé 0,2 1,257 2,406 2,20 2,44
Couplé 0,1 1,175 2,46 1,10 1,22
Couplé 0,05 1,13 2,49 0,55 0,61
Couplé 0,025 1,105 2,509 0,28 0,31
Couplé 0,0125 1,098 2,515 0,14 0,15
Couplé 0,00625 1,098 2,519 0,07 0,08

Table 2.4 – Coefficient moyen de traînée et de portance, α = 1, second ordre de Crank-


Nicolson
68 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

Il conviendra donc de ne pas dépasser cette valeur pour les calculs en couplage. Elle est
valable en calcul laminaire. On vérifiera dans un deuxième cas test ce qui advient en régime
turbulent.

−1
Methode recollee Code_Saturne − Ordre2
−1.2 Sliding − Code_Saturne − Ordre1
Sliding Manchester − Ordre2
−1.4
Mittal reference
−1.6 Sliding − Code_Saturne − Ordre2

−1.8

−2

−2.2

−2.4

−2.6

−2.8

−3

−3.2

−3.4

20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80

Figure 2.11 – Coefficient de portance en fonction du temps pour les différentes méthodes
de simulation, α = 1.0

La publication de Mittal et Kumar présente les courbes de coefficient de portance pour


des valeurs de α comprises entre 0 à 5. On voit sur la Figure 2.11 les tracés comparatifs
des simulations de Mittal, de la méthode Manchester et des présentes simulations avec le
maillage unique et couplé à l’ordre 1 et 2 en temps. La simulation de Manchester (réalisée
par James McNaughton), est effectuée au second ordre, avec 5 itérations sur Navier-Stokes
par pas de temps. Les différentes méthodes sont équivalentes. L’ordre 1 montre un écart
sur le nombre de Strouhal et l’amplitude de la portance. L’ordre 2 en temps apparaît donc
nécessaire pour coller à la valeur de référence.
2.7. CAS TEST 2 : CYLINDRE TURBULENT 69

2.7 Cas test 2 : Cylindre 2D en écoulement turbulent


Le comportement satisfaisant de la méthode en écoulement laminaire nous encourage
à valider également la simulation en écoulement turbulent. Le cas du cylindre rotatif en
écoulement turbulent reste peu étudié par rapport à celui du cylindre fixe. Depuis les
travaux de Magnus en 1853 sur la portance d’une sphère ou d’un cylindre rotatif, on
retrouve néanmoins plusieurs travaux expérimentaux et numériques. Les mesures de Reid,
Prandl et Thom au début du siècle avaient pour principal objectif de relier le coefficient
de portance à la vitesse de rotation pour des Reynolds de l’ordre de 105 . Badr et al.
proposent en 1990 [36] une étude numérique 2D et une visualisation expérimentale par
PIV (Particle Imaging Velocity) pour une plage de 103 ≤ Re ≤ 104 . La valeur des efforts
à partir du champ vitesse par le théorème de conservation de la quantité de mouvement
et de la circulation. Une méthode semblable est utilisée par Tokumaru [37] afin d’établir
l’écoulement induit par un cylindre en rotation alternée. A des nombres de Reynolds plus
élevés, les résultats expérimentaux de Aoki [38] sont rapportés par Elmiligui et. al. [39].
Ils ont étudié, la capacité de plusieurs modèles de turbulence à reproduire l’écoulement
autour d’un cylindre en rotation, en régime sous-critique (Re=60000). Ils comparent pour
cela les résultats d’un modèle hybride RANS/LES (basé sur le modèle k-ǫ), un modèle
PANS (Partially Averaged Navier-Stokes) et un modèle RANS k-ǫ.

2.7.1 Description des simulations


Comme pour le cas laminaire, le but de ces simulations est principalement de comparer
des calculs avec et sans interface de couplage. De nombreuses études ont montré la mauvaise
prédiction des efforts de traînée sur les cylindres par les modèles RANS (Benim et al.
[40]). Elles notent néanmoins que ces modèles décrivent approximativement la transition
turbulente (se traduisant par une chute de CD ). De ce fait, la validation s’intéressera
plus au fonctionnement de la méthode avec les différents modèles qu’à leur capacité à
reproduire l’écoulement sur un cylindre. Pour les raisons évoquées précédemment, nous
souhaitons utiliser un modèle RANS pour la simulation de plusieurs machines en parc.
Nous choisissons d’étudier deux modèles bas Reynolds en particulier. Les travaux de Ervin
Amet et. al. [41] ont montré que le modèle kω−SST permet une bonne prédiction des efforts
sur les turbines avec une taille de première maille donnant y + = 1. Les modèles RANS bas
Reynolds disponibles dans Code_Saturne sont le modèle kω − SST et le modèle v 2 − f .
L’étude de Elmiligui sur les cylindres rotatifs fournit des résultats du calcul et de
l’expérimentation pour des valeurs de α comprises entre 0 et 1, pour un écoulement à
Re = 60 000. Cette valeur se trouve dans une plage de Reynolds pour laquelle le coefficient
de traînée d’un cylindre fixe présente un palier. La valeur de ce palier servira de valeur de
70 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

référence dans le cadre de nos simulations. La géométrie utilisée reste la même que dans le
cas de l’écoulement laminaire. La condition limite d’entrée est un flux de masse constant
dans la direction x. Le rayon extérieur du domaine vaut 40 fois le rayon du cylindre et 10
fois celui de l’interface de couplage.
Une étude de convergence est menée avec un maillage recollé pour le cylindre fixe.
Pour le maillage BII adopté, la taille de la première maille à la paroi est fixée à 0.1mm.
Le maillage du Rotor est structuré et orthogonal. La direction radiale est découpée en 87
segments dont la taille évolue en progression géométrique de facteur 1, 25. La partie Stator
possède 120 segments radiaux, avec une progression de facteur 1, 20 vers l’extérieur. Les
deux maillages comptent 240 segments orthoradiaux.

2.7.2 Résultats

2 1,2
Expérimental Aoki
Expérimental Aoki
1,8 PANS Elmiligui
PANS Elmiligui
1 kwSST recollé
kwSST recollé
1,6 V2f recollé
V2f recollé
1,4
0,8
1,2
Cd moyen
Cl moyen

1 0,6

0,8
0,4
0,6

0,4
0,2
0,2

0 0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2

α α

(a) (b)

Figure 2.12 – Comparaison des deux modèles turbulents : coefficient de portance en


fonction du paramètre d’avance pour des simulations classiques et les résultats de référence.

L’écoulement turbulent autour d’un cylindre a été simulé pour 4 vitesses de rotation.
Le pas de temps d’intégration temporelle est choisi à 0.25ms après une étude de conver-
gence avec le maillage recollé et une vitesse de rotation nulle. Cette valeur permet en outre
d’obtenir une valeur du nombre de Courant inférieur à 1. Le cas laminaire a montré l’im-
portance de la condition CFL au premier ordre. Pour un paramètre d’avance de α = 0.3,
on obtient un paramètre γ ≃ 0.15. On reste donc dans la limite déterminée au chapitre 2.6
d’une demi-maille de déplacement par pas de temps pour toutes les vitesses de rotation de
l’étude.
2.7. CAS TEST 2 : CYLINDRE TURBULENT 71

La Figure 2.12 montre les coefficients de portance et de traînée moyens pour les diffé-
rentes valeurs de paramètre d’avance. La courbe pleine provient de l’expérience de Aoki et
la courbe en pointillée représente les simulations de Elmiligui avec le modèle PANS. Pour
le coefficient de portance les résultats d’Elmiligui sont confondus avec les résultats expé-
rimentaux pour α ≤ 0.5. Après cette valeur la différence s’accentue fortement. La chute
locale de la portance et sa remontée ne sont pas décrits par le modèle PANS qui donne une
portance en constante augmentation. Pour le coefficient de traînée, le comportement est
identique, bien que la concordance des résultats pour α ≤ 0.5 soit moins nette que la pré-
cédente. La simulation avec les modèles RANS du Code_Saturne sous-estime le coefficient
de traînée CD d’un ordre de grandeur de 25% environ. En revanche, le modèle kω − SST
reproduit assez fidèlement le CL moyen alors que le modèle v 2 − f le sur- estime largement.
Comme pour le cas laminaire, on se sert des simulations en maillage recollé pour valider la
méthode de couplage.

Modèle kω − SST
La Figure 2.13 compile les résultats des simulations réalisées avec le modèle kω − SST .
Les courbes pointillées montrent les valeurs en recollé tandis que les points sont obtenus par
la méthode de couplage. Les écarts entre les deux approches sont en général importants,
sauf peut être pour la valeur moyenne du coefficient de portance (α ≤ 0.3). Pour α = 0.0
les valeurs moyennes des coefficients sont identiques avec les deux approches, par contre les
amplitudes sont complètement différentes. Les écarts concernant le coefficient de traînée
en sliding atteignent presque six fois la valeur de celui obtenu par le calcul recollé. Sur la
Figure 2.14 (a) on peut voir le champ de vitesse pour la simulation en recollé (gauche) et
en sliding (droite). On observe que le sillage sliding est moins allongé. Le régime des deux
écoulements semble être différent.
Pour α > 0.0, l’accord entre les deux calculs est acceptable pour les valeurs moyennes
du coefficient de portance (Figure 2.13 (b)) tant que α ≤ 0, 5.
Le coefficient de traînée ne suit pas la tendance à la baisse montrée expérimentalement
et que l’on retrouve en calcul recollé. La différence au niveau des amplitudes observées pour
le cylindre fixe se confirme en rotatif. Si les oscillations restent faibles en simulation recollée,
elles augmentent pour le calcul en couplage. Un facteur 10 est atteint sur l’amplitude du
coefficient de traînée pour α = 0.6. La figure 2.14 (b) présente le champ de vitesse dans
le sillage du cylindre pour la valeur α = 0.3. La différence de Reynolds apparent entre les
deux méthodes s’accroît avec la vitesse de rotation. Le sillage du calcul non-couplé prend
une allure qui repousse la transition turbulente des zones de cisaillement, alors que celui
du calcul couplé montre un enroulement complet de ces mêmes zones. De même, l’écart
de niveau pour la viscosité turbulente est encore plus marqué ; les plus hauts niveaux en
72 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

1,4 1,8
Sliding 1er ordre
1,6 Recollé 1er ordre
1,2
1,4
1
1,2

0,8
Cd moyen

Cl moyen
1

0,6 0,8

0,6
0,4
0,4
0,2 Sliding 1er ordre 0,2
Recollé 1er ordre
0 0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1
Alpha Alpha

a) CD moyen kω − SST b) CL moyen kω − SST SST


0,5 3,5 Sliding 1er ordre
Sliding 1er ordre
Recollé 1er ordre
0,45 Recollé 1er ordre
3
0,4

0,35 2,5
Amplitude Cd

0,3
Amplitude Cl

2
0,25
1,5
0,2

0,15 1
0,1
0,5
0,05

0 0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1
Alpha Alpha

c) CD Amplitude kω − SST d) CL Amplitude kω − SST

Figure 2.13 – Comparaison des coefficients de portance et trainée obtenus avec


Code_Saturne pour le modèle kω − SST , au premier ordre d’Euler.
2.7. CAS TEST 2 : CYLINDRE TURBULENT 73

a) champ de vitesse α = 0.0

b) champ de vitesse α = 0.3

c) viscosité turbulente α = 0.0

d) viscosité turbulente α = 0.3

Figure 2.14 – Calcul avec Code_Saturne. Champs de vitesse et de viscosité turbulente


dans le sillage du cylindre avec le modèle kω − SST . Maillages recollés à gauche, maillage
tournant à droite, l’interface étant symbolisée par le cercle
74 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

sliding sont 2 fois inférieurs à ceux de la méthode recollé (figure 2.14.c,d). Le calcul sliding
a donc tendance à prévoir un écoulement moins visqueux.

Modèle v 2 − f

1,2 2
Sliding 1er ordre Sliding 1er ordre
Recollé 1er ordre 1,8
Recollé 1er ordre
1
1,6

1,4
0,8
1,2
Amplitude Cd

Cl moyen
0,6 1

0,8
0,4
0,6

0,4
0,2
0,2
0 0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1
ALPHA ALPHA

a) CD moyen v 2 − f b) CL moyen v 2 − f
1 3
Sliding 1er ordre Sliding 1er ordre
0,9 Recollé 1er ordre Recollé 1er ordre
2,5
0,8

0,7
2
Amplitude Cd

0,6
Amplitude Cl

0,5 1,5

0,4
1
0,3

0,2
0,5
0,1

0 0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1
ALPHA ALPHA

c) CD Amplitude v 2 − f d) CL Amplitude v 2 − f

Figure 2.15 – Comparaison des coefficients de portance et traînée obtenus avec le


Code_Saturne pour le modèle v 2 − f , au premier ordre d’Euler

Les mêmes simulations sont effectuées avec le modèle RANS v 2 − f . La Figure 2.15
présente les résultats comparés des simulations en méthode de couplage et en maillage
recollé. On observe une meilleure cohérence des résultats. Pour α = 0.0, la comparaison
des deux méthodes pour un cylindre fixe montre une très bonne concordance. Les valeurs
moyennes des efforts sont identiques ; l’écart d’amplitude est de l’ordre de 10% pour le
coefficient de portance. La visualisation des champs de vitesse est tout aussi éloquente
2.7. CAS TEST 2 : CYLINDRE TURBULENT 75

(Figure 2.16 (a)) et illustre l’identité des écoulements. Pour α > 0.0, les valeurs α = 0.3 et
α = 0.6 montrent un accord très acceptable entre les deux méthodes, en particulier pour
la valeur moyenne du coefficient de portance. On obtient moins de 10% d’erreur sur le CD
moyen et 5% sur le CL moyen. Comme déjà mentionné à propos du modèle kω − SST ,
la valeur des amplitudes est bien plus grande en configuration sliding, qu’en configuration
recollé. Les Figures 2.16 (b) et (d) illustre respectivement le champ de vitesse et de viscosité
turbulente pour α = 0.3. On remarque de nouveau Reynolds apparent plus élevé en sliding
ainsi qu’une perte de 50% de la viscosité turbulente, ce qui explique l’écart au niveau des
amplitudes d’oscillation. Il semble de plus que la viscosité turbulente ’adhère’ à l’interface
et est entraînée dans le sens de la rotation. Pour des valeurs de α plus élevées, on obtient
une augmentation des différences. Le CD moyen augmente, contrairement à la tendance
observée. Le CL moyen reste proche de la méthode recollé, mais son amplitude devient 5
fois plus élevée. On remarque que l’amplitude des oscillations de traînée augmente dans les
mêmes proportions sur cette dernière simulation, tout en restant proche du recollé.
76 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

a) champ de vitesse α = 0.0

b) champ de vitesse α = 0.3

c) viscosité turbulente α = 0.0

d) viscosité turbulente α = 0.3

Figure 2.16 – Calcul avec Code_Saturne. Champs de vitesse et de viscosité turbulente


dans le sillage du cylindre avec le modèle v 2 − f . Maillages recollés à gauche, maillage
tournant à droite, l’interface étant symbolisée par le cercle
2.7. CAS TEST 2 : CYLINDRE TURBULENT 77

Modèle k − ǫ
Les problèmes rencontrés avec les modèles bas Reynolds, et spécialement le modèle
kω − SST amènent à étudier le comportement du modèle k − ǫ. Il s’agit en quelque
sorte de simplifier le problème et de minimiser les sources d’erreur. L’implémentation du
modèle k − ǫ est assez standard et ainsi plus fiable. On utilise un maillage similaire aux cas
précédents, quoi que modifié en proche paroi ; le seul paramètre à varier est la taille de la
première maille à la paroi. Une taille de 0.5mm permet d’obtenir une valeur y+ maximum
comprise entre 25 et 40.
Les Figures 2.17 a-d) illustrent, de façon similaire aux autres modèles, les champs de
vitesse et de viscosité turbulente. Comme pour le modèle v 2 − f , dans le cas du cylindre
fixe, on observe un très bon accord entre les méthodes couplé et recollé. Pour un paramètre
d’avance non nul (α = 0.6 sur les figures 2.17 b et d ), la chute de viscosité turbulente est
encore constatée. Par rapport au précédents modèles, la viscosité turbulente est plus forte
et fige les instationnarités comme bien visible en 2.17.d.

2.7.3 Discussion et Comparaison avec Fluent


La validité du fonctionnement de la méthode de maillage rotatif implémentée dans
Code_Saturne avec les modèles RANS est assez mitigée. Pour les modèles de turbulence
v 2 − f et k − ǫ, la correspondance entre les simulations sans interface et avec interface est
bonne pour les cas fixes. Les calculs sur les cylindres rotatifs montrent par contre un écart.
Notamment une baisse de la viscosité turbulente pour le maillage rotatif est observée.
Le calcul avec Fluent en modèle kω − SST montre la même chute de viscosité tur-
bulente lorsqu’on utilise la méthode de maillage tournant. Ce résultat laisse à penser que
ce comportement n’est pas intrinsèque à Code_Saturne et pourrait avoir une cause plus
générique.
A l’ordre 2 en temps, le calcul Fluent donne un résultat strictement identique pour les
deux approches, couplage et maillage recollé. Ce schéma de temps n’est pas implémenté
pour la résolution des équations des modèles RANS dans Code_Saturne. On peut cepen-
dant espérer que l’utilisation d’un pas de temps réduit ou d’un maillage plus fin compensent
ce manque.
Les modèles kω −SST ne donnent pas de résultats concordants entre les deux méthodes
même pour le cylindre fixe. Cette observation suggère qu’un problème supplémentaire est
présent avec ce modèle. Le calcul de la distance à la paroi pourrait en être la cause. Dans
l’état actuel, le modèle v 2 − f apparaît comme le meilleur modèle bas-Reynolds pour la
suite de notre étude.
78 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

a) champ de vitesse α = 0.0

b) champ de vitesse α = 0.6

c) viscosité turbulente α = 0.0

d) viscosité turbulente α = 0.6

Figure 2.17 – Calcul avec Code_Saturne. Champs de vitesse et de viscosité turbulente


dans le sillage du cylindre avec le modèle k − ǫ. Maillages recollés à gauche, maillage
tournant à droite, l’interface étant symbolisée par le cercle
2.8. SIMULATION DE L’HYDROLIENNE ACHARD10 EN 2D 79

2.8 Simulation de l’hydrolienne Achard10 en 2D


L’hydrolienne Achard A10, décrite au chapitre précédent est simulée dans cette partie.
Tout en gardant en tête l’objectif de construction d’un modèle simplifié de turbine pour
l’optimisation de parc, le calcul en maillage rotatif sera utilisé comme outil de génération
de données. Néanmoins la méthodologie de construction reste plus importante que la valeur
absolue des résultats obtenus en termes de rendement. Il est pour autant important que
cette modélisation soit relativement fidèle à l’expérience. Le cas présenté a fait l’objet
de nombreux travaux expérimentaux [6, 7] et numériques utilisant Fluent et turbflow [3].
Le développement ci après synthétise les cas de calculs et a pour objectif principal la
comparaison de Code_Saturne en couplage rotor stator avec les précédentes modélisations
et mesures.

2.8.1 Maillages

Le domaine de calcul 2D correspond au plan de symétrie de la veine d’essai. La turbine


est équipée de trois pales droites. Les bras de support des pales ne sont pas représentés
dans cette configuration. On représente par contre l’arbre comme un cylindre de diamètre
d = 22mm. Les profils de pale sont des NACA0018, projetés sur le cercle de rotation à
partir du point mi-corde. La corde modifiée a une longueur de c = 32mm.
Le maillage est construit avec précaution afin d’obtenir un bon comportement en proche
paroi. Le maillage proche paroi, représenté sur la Figure 2.18 b) est d’une épaisseur d’en-
viron c/2 dans la direction normale à la surface. Dans cette zone, on trouve un maillage
structuré, avec des lignes de contraintes orthogonales à la paroi. La taille de la première
maille est fixée à 5µm, ensuite un rapport de progression de 1.10 est appliqué sur 20 ran-
gées. On obtient une valeur maximale de y + = 1, 57 et une valeur moyenne de y + = 0, 71.
Ces valeurs sont calculées en statique sur une pale à incidence nulle. Le reste du maillage
est composé d’hexahèdres non-structurés.
Le maillage est séparé en deux parties. Le Rotor , comportant la machine tournante, et
le Stator , la partie fixe, représentant les zones d’entrée, de sortie, et les parois latérales. Ces
deux maillages sont séparés par une interface de maillage glissant, à travers laquelle sont
transmises les grandeurs du calcul. Une attention particulière est accordée à la construction
des mailles structurées dans les zones proches de l’interface. Une taille de maille similaire de
chaque côté de l’interface est nécessaire pour assurer un bon fonctionnement de la méthode.
Le maillage ainsi construit possède environ 1.105 mailles.
80 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

a) b)

Figure 2.18 – Maillage de l’hydrolienne en 2D réalisé au cours de la thèse de Ervin Amet


[2]

2.8.2 Paramètres de calcul


Ansys-Fluent Le pas de temps est choisi pour correspondre à une rotation de ∆θ =
1°. Dans chaque cas, la simulation est poursuivie sur 11 tours et les résultats analysés
correspondent à la 11ème rotation. Pour la modélisation instationnaire du rotor, on a
utilisé un schéma du 2nd ordre implicite en temps. Pour assurer la convergence à chaque
pas de temps, 75 sous-itérations sont indispensables. Chaque tour nécessite environ 3h
de calcul sur 8 cœurs, ce qui donne, pour l’obtention d’un écoulement périodique établi,
33h de calcul. Pour la discrétisation en espace relative aux équations de continuité et de
quantité de mouvement, les schémas sont des schémas amont (upwind ) au second ordre.
Le couplage pression vitesse est réalisé par la méthode classique SIMPLE. Pour des raisons
de stabilité, les deux premiers tours sont réalisés au premier ordre. Au troisième tour, on
passe au second ordre.
Le modèle de turbulence utilisé pour la simulation avec le code Ansys-Fluent est le
modèle bas-Reynolds kω−SST . Ce modèle est bien adapté pour les écoulements présentant
un fort gradient adverse de pression ainsi que des recirculations.

Code_Saturne Comme cela a été dit, cette étude fait suite à une première étape de
validation de la méthode de maillage glissant de Code_Saturne pour des écoulements
laminaires et turbulents autour d’un cylindre. Elle a mis en évidence le dysfonctionnement
2.8. SIMULATION DE L’HYDROLIENNE ACHARD10 EN 2D 81

de la technique implémentée dans le code avec le modèle kω − SST , mais une concordance
acceptable du calcul est obtenue en modèle v 2 −f par rapport aux résultats attendus. Nous
utilisons donc ce dernier modèle pour effectuer la simulation de l’hydrolienne en 2D. Un
calcul à l’optimum avec le modèle kω − SST , permettra d’estimer la différence entre les
deux modèles.
Le modèle bas-Reynolds v 2 − f propose une modélisation de la sous-couche visqueuse.
La première maille en paroi doit donc se situer en-dessous d’une valeur de y + = 2, 3. Le
maillage kω − SST élaboré par Ervin Amet est donc également adapté à un calcul en
v2 − f .

2.8.3 Résultats
La Figure 2.19 présente les coefficients de puissance (CP ) moyens obtenus par calcul
2D avec Code_Saturne et Ansys-Fluent, ainsi que les résultats expérimentaux. Les calculs
2D surestiment de façon importante le CP pour les paramètres d’avance supérieurs à 1.
Dans la partie à grands λ, les trois courbes sont parallèles, ce qui montre une assez bonne
reproduction des efforts par le calcul lorsque les décollements disparaissent. On conserve
un écart dû aux effets 3D. Néanmoins, le calcul avec Code_Saturne surestime moins la
valeur expérimentale. Il a été montré dans [41] que ces effets 3D sont dus essentiellement
aux tourbillons créés par le raccord bras-pale et aux vortex d’extrémité de pale. Les pertes
par frottement sur les bras sont négligeables.
A petit λ, le CP donné par Ansys-Fluent est inférieur à la valeur obtenue dans la
veine d’essai, alors que Code_Saturne affiche une valeur similaire (Figure 2.19). On notera
l’influence de deux phénomènes relatifs au cas 3D qui ne sont pas reproduits par le calcul
3D :

◦ Un effet positif sur le CP existe par le passage en 2D car on ne prend pas en compte
les tourbillons marginaux de bout de pale ainsi que la traînée exercée sur les bras de
raccord.

◦ Les vitesses verticales ont pour effet de déclencher le décollement du tourbillon de


décrochage dynamique [5]. La présence prolongée et plus marquée de ce tourbillon a
tendance à améliorer le couple.

2.8.4 Comparaison Code_Saturne/ Fluent / PIV


Les coefficients de puissance instantanés sur un tour, obtenus par les simulations, sont
comparés aux mesures expérimentales. Dans le cas de l’optimum, on compare également
82 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

0.7

0.65

0.6

0.55

0.5

0.45

0.4

0.35

0.3

0.25

0.2

0.15

0.1

0.05

0
1 1.2 1.4 1.6 1.8 2 2.2 2.4 2.6 2.8 3

Figure 2.19 – Coefficients de puissance en fonction du paramètre d’avance, comparaison


entre expérience, et simulation

la part du coefficient de puissance fournie par la pale numéro 1. Cette grandeur n’est pas
mesurable expérimentalement par notre technique. Les Figures 2.20, 2.24 et 2.25 présentent
les courbes de CP instantanées calculées ainsi que les valeurs expérimentales (sauf pour
2.20.b) minimales et maximales obtenues au moyen de l’évaluation des incertitudes de
mesure.
De manière générale, on remarque que les courbes sont de plus en plus régulières avec
l’augmentation du paramètre d’avance. De même, la valeur moyenne du CP est convergée
au bout de 3 tours pour λ =3, alors que cette convergence n’est pas atteinte à moins de
5% pour λ =1. La raison principale est la présence des forts décollements qui régissent
l’écoulement et leur déclenchement aléatoire sur une plage de θ. La forme des courbes
obtenues par les mesures et l’expérience pour λ =2 est globalement la même alors qu’elle
est très différente pour le régime sub-optimal. L’écoulement calculé est probablement assez
différent de l’écoulement réel.
Les Figures 2.21,2.22 et 2.21 présentent les champs de vorticité suivant la verticale (la
composante perpendiculaire au plan 2D) mesurés et calculés autour des pales de l’hydro-
lienne, respectivement pour λ =2 et 1. Si l’écoulement est suffisamment bi-dimensionnel,
cette composante est la seule non-nulle. La thèse de Jonathan Bossard [5] montre que cette
hypothèse est bien vérifiée dans le plan mi-pale pour des vitesses spécifiques supérieures à
λ =1,75.
L’analyse détaillée des résultats expérimentaux ainsi que la comparaison avec les si-
mulations Ansys-Fluent sont présentées dans le manuscrit de thèse de Jonathan Bossard
2.8. SIMULATION DE L’HYDROLIENNE ACHARD10 EN 2D 83

1.2 0.8
1.1
0.7
1
0.9 0.6
0.8
0.5
0.7
0.6 0.4
0.5
0.4 0.3

0.3
0.2
0.2
0.1 0.1
0
0
−0.1
−0.2 −0.1
0 50 100 150 200 250 300 350 400 0 50 100 150 200 250 300 350 400

Figure 2.20 – Coefficients de puissances pour différents modèles à l’optimum, λ =2 sur


les trois pales (droite), pour une pale (gauche),

(Chap.4, p.144-157). On ne donnera ici qu’un résumé de cette analyse ainsi que les conclu-
sions majeures qui s’en dégagent. Dans le présent travail, on s’intéressera particulièrement
aux différences qu’apporte la simulation avec Code_Saturne et le modèle v 2 − f .

λ =2
Les mesures PIV nous permettent les observations suivantes : pour le premier tiers
(θ < 120◦ ) de la rotation, l’écoulement reste attaché au profil. C’est une mise en évidence
du retard au décollement dû aux effets dynamiques. La position θ = 120◦ correspond à un
angle d’attaque de α = 30◦ alors que l’angle de décrochage statique se situe aux alentours de
α = 10◦ [43]. Notons cependant que l’angle d’incidence sur la pale de la turbine est calculé
avec une vitesse axiale égale à U∞ alors qu’à l’approche de la turbine, la vitesse axiale
diminue sensiblement (d’1/3 au maximum suivant le théorème de Betz) ce qui a pour effet
de réduire l’angle effectif d’attaque sur la pale. A partir de θ = 140◦ (α = 27◦ ), l’écoulement
subit un décollement caractérisé par une recirculation au bord de fuite (vorticité négative,
bleue). A θ = 180◦ , les deux vortex grossissent et le tourbillon de décrochage dynamique se
détache. A partir de θ = 200◦ , les 2 tourbillons se détachent dans le sillage. Ils interagissent
avec les pales suivantes, à la position θ = 220◦ environ. A partir de θ = 240◦ , l’écoulement
redevient attaché. On n’observe pas d’autres détachement durant la fin du tour.
La simulation Ansys-Fluent montre un décrochage dynamique initié à partir de θ =
140◦ , donc en retard de 20◦ sur l’expérience. Le phénomène de décrochage se poursuit
jusqu’à θ = 220◦ . A cette position les deux tourbillons contrarotatifs sont lâchés dans le
84 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

Figure 2.21 – Champs de vorticité autour d’une pale à λ =2. Comparaison entre les
mesures PIV de Jonathan Bossard [5], les simulations numériques de Jéronimo Zanette [3],
les simulations Code_Saturne
2.8. SIMULATION DE L’HYDROLIENNE ACHARD10 EN 2D 85

Figure 2.22 – Champs de vorticité autour d’une pale à λ =2. Comparaison entre les
mesures PIV de Jonathan Bossard [5], les simulations numériques de Jéronimo Zanette [3],
les simulations Code_Saturne
86 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

Figure 2.23 – Champs de vitesse relative autour de la pale à différentes positions pour
λ =2. Les vecteurs vitesses sont représentés avec une norme constante, et superposés au
champ de vorticité.
2.8. SIMULATION DE L’HYDROLIENNE ACHARD10 EN 2D 87

sillage de la pale. L’hypothèse énoncée pour ce retard est l’état turbulent de la sous-couche
visqueuse dans la simulation, que l’on ne trouve pas dans l’expérience.
Les résultats de la simulation v 2 − f avec Code_Saturne, montrent une apparition
anticipée du gradient de pression adverse θ = 110◦ , qui se transforme en recirculation,
comme le montre la Figure 2.23. On observe une migration lente du point de décollement
le long de l’intrados. Le lâcher complet des tourbillons intervient à partir de θ = 200◦ .
On observe ce phénomène sur le CP , avec une inflexion de la pente montante du pic plus
précoce que sur celle du résultat Ansys-Fluent. Ensuite la chute de puissance est aussi plus
lente.
On observe que la forme des structures lâchées en v 2 − f est plus proche de la visua-
lisation PIV. De plus, le point de détachement en v 2 − f se situe à environ au milieu de
l’intrados et dans le dernier quart pour le modèle kω − SST . Ce point se situe au milieu
de la corde expérimentalement comme on peut le voir à θ = 180◦ .

λ =1
Pour le paramètre d’avance le plus faible (λ =1), la formation du tourbillon de décro-
chage dynamique commence vers θ = 80◦ . De plus, ce tourbillon reste au bord d’attaque
jusqu’à θ = 180◦ . En effet, la vitesse de rotation étant égale à celle de l’écoulement, la
pale ne peut dépasser le tourbillon. Au delà de cette position, le tourbillon est chassé à
l’extrados, et le très fort angle d’incidence induit des décollements au bord de fuite et au
bord d’attaque, qui sont lâchés respectivement à θ = 230◦ et θ = 240◦ .
La dynamique est sensiblement bien reproduite par les simulations 2D. On observe pour-
tant des différences marquées. Entre θ = 60◦ et 80◦ , la double recirculation présente dans
l’expérience et la simulation Ansys-Fluent ne se retrouve pas sur le calcul Code_Saturne.
Ensuite, à partir de θ = 100◦ , les deux modèles montrent l’apparition d’une recirculation
dans le sillage qui remonte jusqu’au bord de fuite et à l’intrados. Ce phénomène qui n’est
pas présent lors des mesures PIV persiste jusqu’à θ = 190◦ avec une forte dissipation pour
Code_Saturne et continue jusqu’à θ = 200◦ pour Ansys-Fluent. Le tourbillon de bord
d’attaque reste attaché jusqu’à θ = 260◦ pour les deux modèles.
88 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

0.4

0.35

0.3

0.25

0.2

0.15

0.1

0.05

−0.05

−0.1

−0.15
0 50 100 150 200 250 300 350 400

Figure 2.24 – Coefficients de puissance total sur un tour pour différents modèles, λ =1

1
0.9
0.8
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
−0.1
−0.2
−0.3
−0.4
0 50 100 150 200 250 300 350 400

Figure 2.25 – Coefficients de puissance total sur un tour pour différents modèles, λ =3
2.8. SIMULATION DE L’HYDROLIENNE ACHARD10 EN 2D 89

Figure 2.26 – Champs de vorticité autour d’une pale à λ =1. Comparaison entre les
mesures PIV de Jonathan Bossard [5], les simulations numériques de Jéronimo Zanette [3],
et les simulations Code_Saturne
90 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

Points clés

• Le code de CFD open source Code_Saturne est utilisé comme outil de simulation
pour les travaux de cette thèse.

• La méthode de simulation avec maillage en rotation, implémentée dans Code_Saturne,


a été testée et validée partiellement pour des écoulements laminaires et turbulents.

• Le cas test d’un cylindre en rotation dans un écoulement laminaire présente une bonne
stabilité, ainsi que des résultats sur les efforts identiques aux données expérimentales,
et à une méthode numérique similaire.

• Plusieurs modèles à viscosité turbulente à deux équations sont testés pour la simu-
lation d’un cylindre en rotation dans un écoulement de Reynolds Re = 60k. Dans
tous les cas, la rotation avec interface de couplage sous estime la production turbu-
lente et abaisse la viscosité apparente en aval de l’obstacle. Un résultat similaire est
constaté avec le code commercial Fluent au premier ordre en temps. Ce problème
semble disparaître avec un calcul effectué au second ordre en temps.

• Une incohérence entre les calculs avec et sans interface de couplage est constatée avec
le modèle kω − SST , même dans le cas sans rotation. Ce constat amène à utiliser le
modèle v 2 − f pour la suite des simulations.

• La simulation de l’hydrolienne Achard 10 en 2D est menée à partir des maillages


réalisés durant la thèse de Ervin Amet [2], avec le modèle v 2 − f . Elle montre une très
bonne comparaison avec les mesures PIV de Jonathan Bossard [5] sur la dynamique
tourbillonnaire. On constate également une bonne cohérence sur le calcul du couple
instantané, bien que la comparaison simulation 2D avec les mesures 3D reste soumise
à interprétation.
BIBLIOGRAPHIE 91

Bibliographie
[1] G. Brochier, P. Fraunie, C. Beguier, and I. Paraschivoiu, “Water channel experiments
of dynamic stall on darrieus wind turbine blades,” J Propuls, 1986.

[2] E. Amet, “Simulation numérique d’une hydrolienne à axe vertical de type darrieus,”
2008.

[3] J. Zanette, Hydroliennes à flux transverse : contribution a l’analyse de l’interaction


fluide-structure. PhD thesis, Grenoble-INP, 2010.

[4] T. Jaquier, Hydroliennes à flux transverse : développement d’un prototype HARVEST


en canal, thèse de doctorat. PhD thesis, Grenoble-INP, 2011.

[5] J. Bossard, Caractérisation expérimentale du décrochage dynamique dans les hydro-


liennes à flux transverse par la technique de vélocimétrie par image de particule
(PIV) - Comparaison avec les résultats issus des simulations numériques. PhD thesis,
Grenoble-INP, 2012.

[6] A. Mentxaca, “Analyse numérique des hydroliennes à axe vertical munies d’un caré-
nage,” 2011.

[7] V. Aumelas, Modélisation des hydroliennes à axe vertical libres ou carénées : développe-
ment d’un moyen expérimental et d’un moyen numérique pour l’étude de la cavitation.
PhD thesis, Grenoble-INP, 2011.

[8] F. Archambeau, N. Mehitoua, and M. Sakiz, “Code saturne : A finite volume code for
turbulent flows,” Int. J. Finite Volumes, 2004.

[9] “Code_saturne : Edf’s general purpose cfd software, user meeting,” 2013.

[10] S. Rolfo, J. Uribe, and D. Laurence, “Les and hybrid rans/les of turbulent flow in fuel
rod bundle arranged with a triangular array,” in Direct and Large-Eddy Simulation
VII, pp. 409–414, Springer, 2010.

[11] J. C. Uribe, N. Jarrin, R. Prosser, and D. Laurence, “Development of a two-velocities


hybrid rans-les model and its application to a trailing edge flow,” Flow, turbulence and
combustion, vol. 85, no. 2, pp. 181–197, 2010.

[12] A. N. Kolmogorov, “Equation of turbulent motion of an incompressible fluid,” in Dok-


lady Akad. Nauk SSSR, no. 1-2, 1942.
92 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

[13] W. Jones and B. Launder, “The prediction of laminarization with a two-equation


model of turbulence,” International journal of heat and mass transfer, vol. 15, no. 2,
pp. 301–314, 1972.

[14] D. C. Wilcox, “Reassessment of the scale-determining equation for advanced turbulence


models,” AIAA journal, vol. 26, no. 11, pp. 1299–1310, 1988.

[15] F. R. Menter, “Two-equation eddy-viscosity turbulence models for engineering appli-


cations,” AIAA Journal, vol. 32, pp. 1598–1605, 1993.

[16] P. Durbin, “Near-wall turbulence closure modeling without damping functions,” Theo-
retical and Computational Fluid Dynamics, vol. 3, pp. 1–13, 1991.

[17] D. Laurence, J. Uribe, and S. Utyuzhnikov, “A robust formulation of the v 2 −f model,”


Flow, Turbulence and Combustion, vol. 73, pp. 169–185, 2005.

[18] B. Audebert, “Code_saturne, mise en place d’un fonctionalité couplage rotor/stator


pour la modélisation des pompes,” tech. rep., EDF R&D, 2009.

[19] J. Benek, “A flexible grid embedding technique with application to the euler equa-
tions,” in 6th Computational Fluid Dynamics Conference Danvers, 1983.

[20] J. Steger, “The chimera method of flow simulation,” in Workshop on applied CFD,
Univ of Tennessee Space Institute, 1991.

[21] Z. Wang, V. Parthasarathy, and N. Hariharan, “A fully automated chimera methodo-


logy for multiple moving body problems,” International Journal for Numerical Me-
thods in Fluids, vol. 33, no. 7, pp. 919–938, 2000.

[22] R. Steijl and G. Barakos, “Sliding mesh algorithm for cfd analysis of helicopter rotor–
fuselage aerodynamics,” International journal for numerical methods in fluids, vol. 58,
no. 5, pp. 527–549, 2008.

[23] E. L. Blades and D. L. Marcum, “A sliding interface method for unsteady unstructured
flow simulations,” International journal for numerical methods in fluids, vol. 53, no. 3,
pp. 507–529, 2007.

[24] O. Petit, M. Page, M. Beaudoin, and H. Nilsson, “The ercoftac centrifugal pump open-
foam case-study,” in 3rd IAHR International Meeting of the Workgroup of Cavitation
and Dynamic Problems in Hydraulic Machinery and Systems, pp. 523–532, 2009.

[25] C. S. Peskin, “The immersed boundary method,” Acta numerica, vol. 11, 2002.
BIBLIOGRAPHIE 93

[26] A. Jendoubi, D. Yakoubi, A. Fortin, and C. Tibirna, “An immersed boundary method
for fluid flows around rigid objects,” Int. J. Numer. Meth. Engng, vol. 1, p. 3, 2012.

[27] L. E. Silva, A. Silveira-Neto, and J. Damasceno, “Numerical simulation of two-


dimensional flows over a circular cylinder using the immersed boundary method,”
Journal of Computational Physics, vol. 189, no. 2, pp. 351–370, 2003.

[28] www.code-saturne.org www.code saturne.org, “Code saturne 2.2.0 theory and pro-
grammer’s guide,” tech. rep., EDF R&D, 2011.

[29] J. Mc Naughton, Turbulence modelling in the near field of an axial flow tidal turbine
using Code_Saturne. PhD thesis, University of Manchester, 2013.

[30] J. M. Naughton, “Presentation : Progress in a sliding-mesh method using


code_saturne,” 2011.

[31] M. M. Zdravkovich, Flow around circular cylinders, vol. 1. Oxford University Press,
1997.

[32] A. Roshko, “Experiments on the flow past a circular cylinder at very high reynolds
number,” Journal of Fluid Mechanics, no. 10, pp. 345–356, 1961.

[33] B. R. Noack, M. König, and H. Eckelmann, “Three-dimensional stability analysis of the


periodic flow around a circular cylinder,” Phys. Fluids A, vol. 5, no. 6, pp. 1279–1281,
1993.

[34] P. Stansby and R. Rainey, “A cfd study of the dynamic response of a rotating cylinder
in a current,” Journal of Fluids and Structures, vol. 15, no. 3–4, pp. 513–521, 2001.

[35] S. Mittal and B. Kumar, “Flow past a rotating cylinder,” Journal of Fluid Mechanics,
vol. 476, no. 4, pp. 303–334, 2003.

[36] H. M. Badr, M. Coutanceau, S. C. R. Dennis, and C. Ménard, “Unsteady flow past a


rotating circular cylinder at reynolds numbers 103 and 104,” Journal of Fluid Mecha-
nics, no. 220, pp. 459–484, 1990.

[37] P. T. Tokumaru and P. E. Dimotakis, “The lift of a cylinder executing rotary motions
in a uniform flow,” Journal of Fluid Mechanics, vol. 255, pp. 1–10, 1993.

[38] T. Ito and K. Aoki, “Flow characteristics around a rotating cylinder,” 9th International
Symposium on flow visualization, vol. 26, pp. 29–34, 2001.
94 CHAPITRE 2. LE MAILLAGE ROTATIF DANS CODE_SATURNE

[39] A. Elmiligui et al., “Numerical study of flow past a circular cylinder using rans, hybrid
urans/les and pans formulations„” AIAA Paper, 2004.

[40] A. C. Benim et al., “Rans predictions of turbulent flow past a circular cylinder over
the critical regime,” in In Proceedings of the 5th IASME / WSEAS, vol. 5, p. 232, aug
2007.

[41] T. Maitre, E. Amet, and C. Pellone, “Modeling of the flow in a darrieus water turbine :
wall grid refinement analysis and comparison with experiments,” Jour of Renewable
Energy, 2012.

[42] T. Maitre, E. Amet, and C. Pellone, “Modeling of the flow in a darrieus water turbine :
wall grid refinement analysis and comparison with experiments,” Jour of Renewable
Energy, accepted, 2012.

[43] R. Sheldahl and P. Klimas, Aerodynamic Characteristics of Seven Symmetrical Air-


foil Sections Through 180-degree Angle of Attack for Use in Aerodynamic Analysis of
Vertical Axis Wind Turbines. Sandia National Laboratories, 1981.
Chapitre 3

Méthode d’équivalence empirique

A l’heure de la mise en eau de nombreux prototypes sur les sites d’essais, et à l’aube
du développement industriel des hydroliennes, la compréhension de l’interaction entre ma-
chines placées dans un parc est un sujet d’actualité. D’un point de vue expérimental, les
modèles réduits de turbine ont permis depuis les années 90 des études très complètes des
machines seules. En ce qui concerne les parcs, les moyens d’essais en laboratoire d’une
ampleur suffisante sont peu nombreux [1, 2, 3]. Ils restent limités à quelques machines
de géométrie réaliste, ou utilisent une représentation des machines par des disques solides
poreux. Cette dernière solution reproduit avec fidélité l’écoulement derrière une turbine à
partir de 10 diamètres à l’aval environ [4] . L’équivalence de cette représentation n’est pas
prouvée pour les machines à flux transverse. Le calcul complet de l’écoulement hydrody-
namique autour des turbines est bien maîtrisé pour les deux types de géométrie.
Des simulations à l’aide des modèles de turbulence RANS, puis LES apportent une
connaissance accrue de l’interaction d’une machine seule avec l’écoulement. Cependant, le
temps de calcul que demanderait la simulation d’un parc en décrivant la géométrie complète
de toutes les machines reste prohibitif. De plus, on peut considérer que les différentes
échelles en jeu (structures tourbillonnaires, pales, hauteurs d’eau, bassin côtier) ne sont
pas accessibles dans un même modèle. Il apparaît nécessaire d’avoir des modèles simples
permettant de calculer et d’optimiser un parc d’hydroliennes.
Ce chapitre présente une revue des modèles existants pour la simulation de parc d’hy-
droliennes en mettant l’accent sur les solutions plus spécifiquement adaptées pour des
machines à flux transverse. Une bonne compréhension de ces modèles et de leur champ
d’application nous permet d’introduire, dans un premier temps, les apports et les atouts
de l’approche proposée dans ce chapitre. Dans un deuxième temps, la méthodologie de
construction du modèle de turbine est présentée, en particulier ses différents degrés de
liberté et la méthodologie utilisée pour les fixer. Les résultats en termes de puissance ré-

95
96 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

cupérée sur une machine seule, puis un couple de machines sont validés par rapport aux
simulations effectuées en géométrie complète.

3.1 Les parcs et les modèles existants


3.1.1 Considérations théoriques
La théorie analytique permettant d’estimer l’énergie récupérable avec un générateur
hydro-cinétique a été proposée dans les années 20 par Betz. Certains auteurs [5] remarquent
que Lanchester proposa un étude similaire quelques années plus tôt [6], et proposent l’uti-
lisation de l’appellation Betz-Lanchester par égard à la contribution de ce dernier. Cette
théorie a servi de base solide pour le dimensionnement des éoliennes et représente le socle
des modèles analytiques évolués qui sont aujourd’hui utilisés pour le calcul de parc d’hydro-
liennes. La présentation de la théorie de Betz faite ci-après, utilise la formulation extraite
des travaux de Houlsby et al. [7] pour leur clarté.
On considère un fluide parfait en milieu infini, dans lequel est placé un système de
récupération d’énergie de section visible par le fluide A (figure 3.1. On considère la veine
de courant délimitée par les lignes de courant passant par le périmètre de A. Cette surface
de contrôle sépare ainsi le fluide intérieur qui traverse la ’turbine’ et le fluide extérieur. On
considère l’écoulement comme uniforme à l’amont, parfait, incompressible et unidimension-
nel. La veine de courant qui subit une chute de pression sous la forme d’une force surfacique
de traînée T va s’élargir. La Figure 3.1 décrit la situation. La modélisation considère un
écoulement uniforme dans la zone 1. La zone 4 est celle de retour à l’équilibre des pressions.
A l’intérieur de la veine, la vitesse et la pression sont considérées constantes dans toutes
les sections. On appelle u la vitesse du fluide incident traversant le disque A1 : u = ui1 . On
définit les rapports entre les vitesses ui4 = α4 u et ui2 = α2 u.
En appliquant la relation de Bernoulli de 1 à 4 avec une perte de pression entre 2 et 3
T
due à la force de trainée sur le disque ∆p = − A on obtient :

T 1
= ρu2 (1 − α42 ) (3.1)
A 2
On établit l’équation de conservation de la quantité de mouvement à l’intérieur du volume
de contrôle. On peut montrer, en considérant un volume de contrôle suffisamment grand
que l’intégrale des pressions sur le contour est nulle. La variation d’énergie entre l’entrée
et la sortie est due à la force T :

T = ρu2 Aα2 (α4 − 1) (3.2)


3.1. LES PARCS ET LES MODÈLES EXISTANTS 97

Ui3
Ui2 Ui4
Ui1

A1
A
A4

1 2 4
3

Figure 3.1 – Représentation de la veine de courant pour une turbine libre en fluide parfait

En égalisant les deux expressions on obtient la relation entre les coefficients de vitesse :
α2 = 1+α2
4
. La vitesse dans le disque est la moyenne des vitesse amont et aval. La puissance
extraite est donc égale à P = α2 uT que l’on peut exprimer en fonction de α2 :
1 1
P = ρAu3 α2 (1 − α42 ) = ρu3 4α22 (1 − α2 ) (3.3)
2 2
Le coefficient de puissance adimensionnel est égal à :
P
CP = 1 = 4α22 (1 − α2 ) (3.4)
2
ρu3 A
En différenciant cette expression, on trouve que la puissance maximum récupérable est
égale à 16/27e de la puissance cinétique du fluide à vitesse u traversant une surface A. Ce
maximum est atteint pour un facteur α2 = 2/3. On remarquera que le coefficient de trainée
CT correspondant est égal à 8/9e .
Les conclusions fondamentales de cette analyse sont les suivantes :
1. Pour un système hydro-cinétique dans un écoulement libre, on ne peut récupérer plus
de 16/27e de la puissance incidente. Elle est généralement appelée limite de Betz. Ce
facteur est à ne pas confondre avec le rendement du système qui caractérise lui sa
capacité à transformer cette énergie récupérable en énergie mécanique profitable.
2. Pour un fonctionnement de la turbine à l’optimum, la vitesse dans la machine et
reliée théoriquement à la vitesse de référence amont.
Il est nécessaire de s’attarder sur les limites de cette théorie. Premièrement, la génération
de couple impose une réaction tangentielle sur la vitesse qui induit une rotation de la
98 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

veine à l’aval. Elle produit une diminution de la puissance récupérable. A puissance égale,
la vitesse de rotation diminue le couple nécessaire exercé sur les pales. La limite réelle
de puissance récupérable dépend du couple. Cette limite décroit vers les basses vitesses
spécifiques. Lors de la construction des machines axiales, on cherche à augmenter le plus
possible le point de fonctionnement optimum afin de diminuer les efforts de pression. Enfin,
un phénomène de mélange entre l’intérieur et l’extérieur a en réalité lieu, réalimentant la
vitesse du fluide dans le sillage, ce qui met en défaut l’application du théorème de Bernoulli
dans la partie aval. L’expérience a montré que les résultats précédents sont globalement
valides pour un coefficient d’induction α2 inférieur à 0, 6 environ c’est à dire en dessous de
l’optimum [8]. En réalité, le coefficient de trainée dépasse l’unité, ce qui entraînerait une
vitesse négative derrière la turbine dans la théorie de Betz. Ces mesures sont expliquées
par le mélange tourbillonnaire. Lorsque la différence u et u2 devient trop importante, une
zone de cisaillement apparaît ce qui va induire des instabilités favorisant la diffusion de
quantité de mouvement entre le fluide intérieur et extérieur.

3.1.2 Revue des méthodes existantes


Les méthodes de simulation des convertisseurs hydrocinétiques sont nombreuses. Les
outils développés pour le dimensionnement et l’optimisation des éoliennes ont été adaptés
par la suite aux hydroliennes. Cependant, contrairement à leur aînées, les hydroliennes vont
être amenées à opérer dans des milieux fortement confinés verticalement (surface libre) ou
latéralement (rivière). Nous nous intéresserons dans ce chapitre aux modèles simples qui
utilisent une démarche totalement analytique, ainsi qu’aux simulations d’écoulement avec
une représentation équivalente des turbines. Nous laisserons donc de côté les simulations
complètes (RANS ou LES) décrites au chapitre précédent. D’un point de vue historique, ces
techniques ont émergé successivement suivant l’évolution des moyens de calcul. On utilise
aujourd’hui ces techniques simples pour faire des calculs à grand nombre de machines.
La prépondérance des machines à flux axial est telle, que la littérature concernant les
parcs hydroliens est plus fournie pour ce type de turbines. Nous tenterons de montrer dans
ce chapitre et le suivant les différences qui apparaissent lorsque l’on se concentre sur les
machines à axe vertical.
Une classification des modèles existants est présentée dans le but de situer le présent
travail. On peut distinguer les modèles analytiques de ceux utilisant une simulation de
l’écoulement visqueux. D’un autre point de vue, on peut séparer les méthodes utilisant des
données empiriques sur les machines réelles, et celles qui calculent les performances de la
machine à partir de sa géométrie. On peut enfin les différencier du point de vue de l’échelle
de modélisation visée (échelle de la turbine, du parc, du bassin côtier). Nous choisissons de
passer en revue ces méthodes en mettant en avant leurs objectifs d’utilisation spécifique.
3.1. LES PARCS ET LES MODÈLES EXISTANTS 99

Modèles analytiques La théorie de Betz-Lanchester permet d’aborder de façon analy-


tique les problématiques d’extraction d’énergie dans un écoulement libre, mais également
dans un canal ou un bras reliant deux mers, ce qui représente une situation plus proche de
la réalité. Dans ce cas il est nécessaire d’adapter l’étude menée dans la partie précédente
pour tenir compte des différents blocages. La limite d’efficacité de tout récupérateur d’éner-
gie cinétique en écoulement libre, de 0, 593 est significativement affectée par le rapport de
blocage, c’est à dire le rapport entre la surface projetée de la turbine et la section du canal.
Garrett et Cummins [9] (que l’on note GC07) utilisent un modèle 1D en fluide quasi parfait.
Ils montrent que l’augmentation de la limite de puissance extractible est proportionnelle
à (1 − β)−2 , où β est le rapport entre l’aire projetée de la turbine et la section du canal,
appelé blockage ratio en anglais. Leur modèle tient compte du blocage de l’expansion de la
veine fluide montrée dans la figure 3.2. Ce facteur prévoit donc une puissance qui augmente
très vite en bloquant presque tout le passage. Néanmoins les courants de marées sont des
écoulements potentiels, et le débit est affecté par l’énergie prélevée. Comme on le verra plus
loin, la plage de validité de ce déroulement analytique devrait être limitée sur une certaine
plage de β. De plus, le phénomène de mélange entre le flux latéral accéléré et le sillage
déficitaire en vitesse, a deux actions qui apparaissent dans leur modèle : premièrement,
la réalimentation rapide du sillage améliore le rendement, deuxièmement, l’énergie perdue
par dissipation turbulente a pour effet de diminuer la pression d’équilibre aval (P5 sur le
schéma). L’effet du confinement vertical par la hauteur d’eau disponible et l’influence du
nombre de Froude est analysé par Whelan et. al. [10]. Le nombre de Froude est le rapport
entre les forces potentielles et les forces d’inertie dans un écoulement à surface libre, voir
eq :(3.5), où h représente la hauteur d’eau et U la vitesse moyenne sur la hauteur :
U
Fr = √ (3.5)
gh
Leur analyse montre que le facteur d’amélioration dû à la surface libre, se rapporte au
résultat de Garrett cité plus haut, dans le cas où F r = 0, c’est à dire sans déflexion de la
surface libre. Ils montrent donc que le coefficient de puissance augmente avec le blocage
vertical, mais également avec le nombre de Froude (dans la limite F r < 1).
Nichino et Wilden [11] appliquent le modèle de Garrett et Cummins pour calculer
l’impact d’une ligne de machines bloquant un écoulement forcé dans un canal (ie sans
échappatoire). Cela correspond à une situation de rivière plus que de bras de mer. Le blo-
cage partiel représente la situation dans laquelle une partie importante du milieu naturel
doit être préservée ou dédiée à d’autres activités. Une importante hypothèse de leur travail
est de considérer la séparation d’échelle entre la taille du parc complet et les dimensions
d’une machine. La dimension caractéristique d’une turbine est son diamètre d, alors que
l’échelle de longueur du parc est égale à n(d + s), où s est l’espacement et n le nombre de
100 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

Ue4 p
4
p1

Ui3
Ui2
Ui1 Ui4
U5
A1 p3
p2 A
p5
A4
1 2 4
3

Figure 3.2 – Schéma de l’analyse 1D de la turbine en écoulement confiné, d’après Garrett


[9] et Houlsby [7]

turbines. La séparation d’échelle consiste à considérer que si le paramètre n est suffisam-


ment important, l’effet de confinement sur un générateur intervient plus rapidement que le
contournement global du parc. Ils appliquent donc le modèle GC07 n fois dans la section,
en négligeant les effets de bord. Les principaux résultats à retenir de cette modélisation
sont les suivants : pour une ligne de turbine bloquant partiellement le canal, la courbe du
CP Global en fonction du blocage local Aturbine /(sh) présente un optimum en dessous duquel
la performance baisse, comme l’illustre la figure 3.3 Pour un blocage plus important, la
courbe de CP est monotone, et le rapprochement maximum est préférable.
Vennell fait une étude critique des conclusions de GC07 [13]. Il met en avant le fait
que l’extraction d’énergie dans un canal a pour conséquence la diminution de la vitesse du
courant [14, 15]. En effet, dans le cas d’une passe, le courant de marée créé par la différence
de hauteur d’eau est diminué par l’ajout d’une perte de charge dans le canal. Il propose
de coupler les études de Garrett et Cummins [14, 9] afin d’estimer l’énergie récupérée. Il
applique ces modèles au cas du Pentland Firth, en Ecosse. L’originalité de ce travail est de
tester la production potentielle du site par rapport à une limite de Betz dite stricte. Cela
correspond à exprimer le coefficient de puissance en prenant comme référence la vitesse
du fluide sans extraction d’énergie. Il montre ainsi que cette limite stricte de Betz n’est
excédée que pour un nombre faible de rangées de machines, et que le CP calculé avec la
vitesse amont dépasse toujours la limite des 16/27e pour β < 0, 20. Pour un niveau de
blocage donné, on se rapproche rapidement du maximum de puissance en augmentant le
nombre de rangées, et le meilleur rendement par machine augmente de manière inversement
proportionnelle au nombre de rangées. Ces résultats sont représentés sur le figure 3.3.b), la
zone blanche représente la zone dans laquelle la limite de Betz est dépassée, la zone bleue
3.1. LES PARCS ET LES MODÈLES EXISTANTS 101

(a) (b)

Figure 3.3 – a) Efficacité globale du parc CP Gmax en fonction du blocage local BL =


Aturbine /sh, tiré de Nishino et Wilden [12]. b) Efficacité moyenne par machine (contours
bleus) en fonction du blocage total dans le domaine et du nombre de rangées de turbines,
issu de Vennell [13]

celle dans laquelle la limite stricte (par rapport à la vitesse dans le canal sans turbine) est
dépassée. Dans la zone grise, la limite de Betz par machine ne peut être atteinte.
Une autre famille des modèles analytiques est celle des modèles utilisant la Blade Ele-
ment Momentum Theory (BEMT). Cette méthode couple le calcul des forces sur la turbine
par la méthode des éléments de pale et la théorie du disque d’action, qui égalise la force ap-
pliquée sur les pales avec la quantité de mouvement perdue par le fluide. Cette technique
permet d’obtenir un calcul des performances globalement satisfaisant dans le cas d’une
machine seule en écoulement libre. Son utilisation pour les machines à flux transverse est
analysée en détail par Islam et. al. [16] mais également dans les travaux de Gretton [17]. La
dynamique complexe de l’écoulement a amené les chercheurs à élaborer des modèles évo-
lués. La veine de courant est découpée en plusieurs tubes, qui en suivent l’expansion [18].
L’extraction d’énergie est répartie en deux zones d’action, amont et aval. Enfin les pertes
par détachement tourbillonnaires et par tourbillons de bout de pales sont prises en compte
par des méthodes de vortex. Si ces méthodes permettent de retrouver les performances
mesurées, elles restent très sensibles aux données d’entrée sur les profils des pales et aux
effets instationnaires. De plus, elles ont des difficultés pour représenter des rotors à forte
solidité. Enfin, le fondement analytique de ces méthodes fait qu’elles ont par construction
les mêmes limites que les modèles idéaux présentés précédemment. Ainsi, elles ne sont pas
utilisées pour les calculs de performance en configurations de parc.
102 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

Figure 3.4 – Discrétisation de l’espace dans l’environnement de la turbine Darrieus pour


le calcul des vitesses locales et de la répartition des forces volumiques, tiré de Antheaume
et al. [19]

Pertes de charges dans une simulation d’écoulement visqueux Une seconde stra-
tégie qui est privilégiée actuellement pour les calculs de parc dans des environnements
réalistes est l’utilisation du couplage entre une simulation d’écoulement et des termes de
quantité de mouvement. Dans cette section, nous pouvons faire la distinction entre les mo-
dèles qui utilisent des valeurs de performance empiriques et ceux qui en font le calcul au
sein de la simulation.
Les modèles dits RANS+BE intègrent les calculs des efforts par la théorie des éléments
de pales, dans une simulation d’écoulement classique avec modèles de turbulence RANS. Ce
type de couplage est devenu presque classique pour les machines à flux axial [20, 21, 22, 23],
mais reste encore d’utilisation limitée pour celle à flux transverse. Le travail de Antheaume
et al., réalisé au LEGI, exploite cette méthode pour étudier une ligne de machines dans
un écoulement. Il utilise un maillage 3D pour l’écoulement global, avec une construction
spécifique dans l’environnement de la machine (voir Figure 3.4). Le trajet parcouru par
les pales est discrétisé sur une couronne. Pour chaque maille, on calcule la vitesse relative
3.1. LES PARCS ET LES MODÈLES EXISTANTS 103

du fluide vue par la pale et ainsi son l’angle d’incidence, à partir de la simulation RANS.
On peut en déduire la valeur de la force appliquée sur la pale, en moyenne sur un tour, à
partir des courbes de portance et de trainée empiriques pour le profil de pale choisi. Une
force équivalente est ensuite reproduite dans l’écoulement via un terme source/puits de
quantité de mouvement. La méthode donne de bons résultats sur le coefficient de puissance
à partir de la région de l’optimum. Les écarts s’expliquent par la prépondérance des effets
tourbillonnaires, et d’hystérésis non considérés dans le modèle.
Une option plus simple mais basée sur la théorie analytique est celle d’utiliser des
données empiriques pour les coefficients de force et de puissance. Dans ce cas, on utilise
souvent les données expérimentales corrigées du blocage de la section de test pour se
ramener au cas infini [24]. La force de trainée est dans ce cas également représentée par un
terme de perte de charge dans l’écoulement, que l’on calcule grâce au coefficient Ct,exp et
à la vitesse locale, U∞ la vitesse de l’écoulement libre, ou de l’écoulement amont dans un
canal. Par définition du coefficient adimensionnel, la force de trainée s’exprime en fonction
de la vitesse de l’écoulement libre non contraint par :
1 2
Ft = − ρAt Ct,exp U∞ (3.6)
2
Dans le cas d’un parc, la présence d’autres turbines crée un effet de confinement qui ne
permet pas d’avoir cette vitesse de référence. Les modèles utilisent généralement les résul-
tats de la théorie de Betz 1D, généralisée dans GC07, qui relient la vitesse de référence à
la vitesse locale via le facteur d’induction a. Le facteur d’induction est ensuite pris égal à
1/3 (optimum de puissance) ou dérivé de la formule :
Ulocal
U∞ = (3.7)
(1 − a)
1 p
a = (1 − 1 − Ct ) (3.8)
2
p
1 1 − 1 − Ct,exp
Ft = − ρAt (4 · p )|Ulocale |Ulocale (3.9)
2 1 + 1 − Ct,exp
Ces méthodes utilisent donc l’hypothèse forte que le facteur d’induction est constant
quelque soit la configuration. En d’autres termes, cela revient à considérer que l’effet de
blocage est directement équivalent à une augmentation de la vitesse U∞ , dans une situation
où la machine est supposée être déconfinée. Ce résultat théorique, valide pour un générateur
idéal dans un écoulement sans perte, sera discuté dans ce chapitre. Le même déroulement
analytique permet de connaître la puissance en fonction du coefficient de puissance ex-
opt
périmental CP,exp et la vitesse locale. Roc et al. [25] appliquent cette méthode couplée à
104 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

un modèle de circulation régional pour le calcul de l’écoulement. Ils mettent en évidence


la nécessité d’utiliser des termes sources de turbulence afin d’obtenir une restitution juste
du sillage à l’aval de la machine. De plus, la comparaison expérimentale impose de repré-
senter la turbine sur 3 mailles dans la direction transverse et de 6 mailles sur la hauteur.
L’auteur remarque qu’une telle résolution verticale est standard pour les modèles de bassin
côtier, mais qu’un raffinement local sera nécessaire dans le plan horizontal. Une forte dé-
pendance à la valeur de la viscosité turbulente en paramètre d’entrée du modèle kω − SST
est constatée.
Le travail récent de Batten et. al [26] étudie les performances relatives des modèles
RANS+BE et RANS+disque d’action pour la prévision des performances et des sillages
d’une turbine à flux axial. Le modèle de disque d’action proposé applique une force constante
(optimum de puissance) et uniforme sur un disque orthogonal à l’écoulement. La géométrie
du cas traité est celle de l’expérience de Myers [27] dans laquelle la turbine voit un blo-
cage de 7, 5% et un niveau très bas de turbulence amont. Les résultats des comparaisons
montrent un très bon calcul de la puissance extraite sur la plage de TSR, par le modèle
RANS+BE, ainsi qu’une légère sur-estimation de la force de trainée. La comparaison des
sillages montre la nécessité de l’ajout de termes sources d’énergie cinétique turbulente avec
le RANS+disque, pour obtenir une réalimentation réaliste, au prix d’une surestimation de
l’intensité turbulente dans le sillage proche. Dans le cas du modèle RANS+BE, le gradient
de force dans la direction radiale crée un cisaillement producteur de turbulence, qui permet
de s’affranchir des termes sources.
La problématique des sillages et de la capacité des modèles de disque d’action appli-
qués aux turbines à flux transverse sera discutée au chapitre suivant. Néanmoins, on peut
constater l’influence de l’intensité turbulente dans le mélange à l’aval de la machine, et de
façon directe l’importance de la répartition des forces.

3.1.3 Définition des objectifs de notre méthode


La revue bibliographique effectuée permet de placer l’apport de notre approche parmi
les nombreuses propositions de simulation de parcs. Plusieurs modèles analytiques com-
plexes ont étendu la théorie fondamentale de Betz pour les hydroliennes. La dimension
finie du milieu marin ou fluvial a nécessité la prise en compte des confinements latéral et
vertical. On dispose maintenant d’estimations théoriques des potentiels exploitables dans
des situations génériques. Des approches plus lourdes ont été menées pour définir les im-
pacts et l’extraction d’énergie dans des domaines réalistes grâce à des simulations de bassin
côtiers à grande échelle. Elles montrent globalement que des situations de trop fort blo-
cage créent une diminution du courant. La limite théorique de puissance est alors réduite
drastiquement. Il est donc nécessaire d’optimiser le placement local des machines afin de
3.2. DESCRIPTION DU MODÈLE 105

tirer le meilleur profit d’une situation de blocage partiel.


Les modèles de disque d’action classiques ont montré leur capacité à reproduire l’écou-
lement autour d’une turbine dans une configuration donnée, et pour les machines à flux
axial. Néanmoins il est nécessaire de tester l’hypothèse du facteur d’induction constant
à l’optimum pour différents confinements dans le but d’estimer l’amélioration du rende-
ment dans un parc. De plus, ils ne permettent pas le calcul de parc avec des machines
fonctionnant hors nominal.
Fort de ces constatations nous proposons une représentation de la turbine par un disque
d’action couplé à un calcul d’écoulement RANS en 2D. Les forces sont calculées à partir
de données empiriques issues de simulations complètes et à une paramétrisation adaptée.
Une attention particulière sera portée à la répartition spatiale des forces volumiques dans
le maillage. L’utilisation et les capacités que nous visons est globalement similaire à celles
des modèles RANS+BE ou vortex. Nous cherchons néanmoins une plus grande rapidité et
une meilleure précision sur toute la gamme de fonctionnement de la turbine.

3.2 Description du modèle


3.2.1 Construction du modèle
La méthode développée dans ce chapitre a pour objectif la simulation rapide et précise
d’un écoulement dans lequel sont placées des hydroliennes. L’écoulement est modélisé dans
un solveur volume fini avec un modèle de turbulence à viscosité turbulente. Chaque géné-
rateur hydro-cinétique est représenté dans un premier temps par un terme de force opposé
à la seule force de trainée que le fluide lui impose. Cette force est marquée par un terme
puits de quantité de mouvement qui s’ajoute à l’équation de conservation de cette quantité.
Ce terme est réparti, comme expliqué par la suite, sur les mailles voyant la présence de
l’hydrolienne, et nul ailleurs.
Le dénominateur commun aux différents modèles proposant la simulation de parcs hy-
droliens est la détermination de la force de trainée à appliquer pour représenter la turbine.
Notre choix pour aborder cette question se place entre les modèles de disque d’action clas-
siques (ie utilisant les résultats de la théorie de Betz 1D libre) et les modèles RANS+BE
qui donnent une bonne estimation des performances. La démarche adoptée consiste à faire
l’inventaire des paramètres qui régissent l’état du système écoulement-turbine grâce aux
résultats empiriques des mesures et des calculs (vitesse de rotation, vitesse et gradient de
vitesse local, nombre de Reynolds, intensité turbulente..). A partir de cette analyse, une
paramétrisation simple, permettant de connaître l’état du système en fonction uniquement
des vitesses débitantes et de rotation dans une turbine, est choisie. Nous expliciterons par
106 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

W Centre O1

λ1 , q1X , CP1

V0 Centre Om

λm , qmX , CPm

Centre OM
L λM , qMX , CPM

Figure 3.5 – Schéma de principe d’un calcul d’hydrolienne dans un domaine quelconque,
résumé des notations

la suite la construction des données empiriques et les tests sur leur validité. Le principal
paramètre dont s’affranchit le modèle est le Nombre de Reynolds de l’écoulement. Les me-
sures effectuées durant la thèse de V. Aumelas [28] ont montré qu’au delà d’une valeur
critique de Re, son influence sur les puissances et trainées relatives est faible. La méthode
dans son implémentation première détaillée ici, se base sur le calcul d’un écoulement bidi-
mensionnel afin de valider “l’équivalence” entre la représentation par pertes de charge et la
présence d’une vraie machine. Il n’y a pas de difficulté identifiée pour un passage en 3D. Il
s’agira seulement d’établir les courbes empiriques pour une machine en trois dimensions.

Principe de la méthode L’objectif général est de simuler un groupe de M machines


(ordonnées ou non), dans un domaine quelconque. Pour la facilité de l’explication, on se
place ici dans un domaine 2D rectangulaire dans le plan OXY, de longueur L et de largeur
W , représenté sur la Figure 3.5.
Chaque turbine m (m ∈ [1, M ]), de performance identique, est caractérisée par son
centre Om , sa vitesse de rotation ωm et son volume effectif V ol = Sh, où S = πR2 est la
surface délimitée par le cercle de rotation des pales, et h la hauteur des mailles dans la
direction Z.
On désigne par Vm la vitesse moyenne sur le disque dans la direction principale du
3.2. DESCRIPTION DU MODÈLE 107

fluide. L’extraction d’énergie par la turbine, crée un saut de pression entre l’amont et
l’aval. Ce saut de pression équivaut à une force Fm exercée par le fluide sur la turbine, dont
les composantes sont désignées par Fm,X la trainée globale et Fm,Y la force transverse. Pm
désigne la puissance extraite par la turbine m. Cette force est représentée dans l’écoulement
par deux distributions spatiales termes sources de quantité de mouvement qmX et qmY . On
a donc la relation suivante entre les distributions qm et la force exercée sur la turbine :
ZZ
FmX,Y = −h qmX,Y dS (3.10)
S
La méthode utilise une approche stationnaire. Ainsi, les grandeurs décrites par la suite
représentent leur valeur moyennée sur un tour (ou 1/3 de tour). A partir de ces forces,
nous pouvons définir des coefficients adimensionnels locaux, c’est à dire prenant comme
référence le débit d’énergie cinétique traversant effectivement le disque. Il est à noter que
cette référence est plus faible que celle habituellement considérée, ie le débit d’énergie
cinétique traversée par l’écoulement libre. Ces coefficients, que l’on appellera locaux sont

notés avec le symbole (∗). On construit les coefficients locaux de trainée CmX,Y :

∗ FmX,Y
CmX,Y = (3.11)
ρRhVm2
le coefficient de puissance local
Pm
CP∗m = (3.12)
ρRhVm3
La construction des données empiriques revient à établir la relation entre ces coefficients
locaux et le paramètre d’avance local λ∗ .
λ∗m = ωm R
Vm
(3.13)
Dans le disque de la turbine, le couple [qmX , qmY ] de distributions spatiales sont deux
fonctions choisies arbitrairement par similarité phénoménologique. L’écoulement est calculé
par une méthode de discrétisation volume fini dans Code_Saturne avec le modèle haut-
Reynolds k−ǫ. Une implémentation simple permet d’ajouter les termes sources à l’équation
de conservation de la quantité de mouvement :

∂ (ρ~v ) →− →
− →

+ ∇ · (ρ~v ⊗ ~v ) = − ∇p + ∇ · τ + −
q→
m (3.14)
∂t
Etablir le point de fonctionnement pour le parc de M machines nécessite de déterminer
les triplets [FmX , FmY , Vm ] pour chacune des turbines. On procède par une méthode itéra-
tive jusqu’à converger vers un état stable en moyenne. La procédure est résumée par les
points suivants :
108 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

n−1
1. Calcul de l’écoulement avec les valeurs de FmX,Y

2. Détermination de Vm et λ∗m
n
3. Détermination FmX,Y et CP m par utilisation des données empiriques au pas de temps
n et passage des valeurs pour l’étape n + 1

S1 S1
S S2 S S2

Figure 3.6 – Champ de vitesse et lignes de courant autour de l’hydrolienne pour deux
situations de confinement, ǫ = 2 à gauche, et ǫ = 5, 7, à droite

Données empiriques issues du calcul L’objectif du modèle est de faire un calcul des
efforts et des puissances pour des machines à l’intérieur d’une modélisation de l’écoulement.
Il doit nécessairement être simple et adaptable à d’autres machines après une étude simple
des performances, numérique ou expérimentale. Cette partie a pour objectif de présenter
les calculs effectués sur la machine complète dans différentes configurations et d’expliquer
comment et dans quelle mesure on peut rassembler ces données avec des courbes univer-
selles. On s’intéresse au comportement de la turbine Darrieus lorsque le confinement latéral
(ie la largeur du canal) varie. Les paramètres de calcul sont les mêmes que décrits dans la
partie 2. Le maillage du rotor est inchangé et celui du stator est reconstruit pour chaque
confinement. On définit le paramètre de confinement ǫ tel que :

W
ǫ= (3.15)
D
3.2. DESCRIPTION DU MODÈLE 109

ǫ prend cinq valeurs comprises entre 1.7 et 5.7. Le rapprochement des parois va avoir pour
effet une concentration du flux incident dans la turbine en empêchant l’expansion de la
veine fluide comme présenté pour l’écoulement libre. La figure 3.6 présente l’allure des
lignes de courant pour ǫ = 1.7 et 5.7. Elles montrent que la section amont de la veine fluide
est plus large dans le cas confiné.
On observe donc une augmentation forte du débit dans la turbine et par conséquent on
pressent une forte augmentation de la puissance pour une même vitesse amont. On re-
marque également une forte accélération du fluide dans la zone latérale. Cette accélération
a un effet sur la stabilité du sillage qui sera discuté dans le chapitre suivant. On reprend
les coefficients globaux définis au chapitre précédent par rapport à la vitesse amont. On
oubliera ici la notation m pour étudier une seule machine dans le canal :
ωR
λ= (3.16)
V∞

CP = (3.17)
ρRhV∞3
FX,Y
CX,Y = (3.18)
ρRhV∞2

La Figure 3.7 présente les coefficients de puissance pour différents confinements. On observe
une augmentation forte du CP optimal d’un facteur supérieur à 2, ainsi qu’un décalage
de la vitesse spécifique à l’optimum. En effet, à fort confinement, la vitesse vue par la
machine sera plus grande, elle doit donc tourner plus vite pour rester dans la zone de
transition. Un effet similaire est remarqué sur le CX ; les situations confinées montrent un
palier de saturation du coefficient de trainée. A partir de vitesses de rotation suffisamment
importantes, la vitesse débitante devient très faible et la force de trainée n’augmente plus.
On remarque que ce régime n’est pas atteint à λ = 4 pour la situation ǫ = 1.7.
Les courbes précédemment décrites permettent de connaître la performance de la machine
seule pour un confinement donné. Contrairement aux modèles analytiques comme celui de
Garett et Cumin [14] par exemple, le confinement ne doit pas intervenir comme paramètre
de notre modèle. L’augmentation de vitesse sera simulée par le calcul de l’écoulement.
Cela permet de prendre en compte également les effets de bord comme dans le cas d’une
configuration en ligne de quelques machines. L’idée décrite plus haut est donc de rapporter
la situation à des paramètres adimensionnels locaux, ie avec la vitesse interne en référence.


Les Figures 3.8 a et b) montrent ces coefficients locaux CX et CP∗ en fonction du paramètre
d’avance local. Les courbes représentatives des différents confinements se rassemblent sur

une courbe unique. CX montre une relation linéaire avec λ∗ avec une très bonne corrélation,
110 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

3.5

2.5

1.5

0.5

0
0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5

a)

1.2

0.8

0.6

0.4

0.2

−0.2

−0.4
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5

b)

Figure 3.7 – Coefficient de trainée (a) et de puissance (b) en fonction du paramètre


d’avance λ pour plusieurs facteurs de blocage. Résultats issus de la simulation RANS 2D
de la géométrie complète avec la méthode de maillage rotatif
3.2. DESCRIPTION DU MODÈLE 111

22

20

18

16

14

12

10

0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14

a)

−1

−2

−3

−4
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14

b)

Figure 3.8 – Coefficient de force et de puissance locaux en fonction du paramètre d’avance


local, données extrapolées des calculs des figures 3.7 et de la vitesse moyenne sur un tour
dans la machine
112 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

pour toutes les valeurs de ǫ. Le coefficient de puissance local CP∗ présente une courbe en
cloche. Les différentes configurations présentent des valeurs similaires de CP∗ pour les faibles
valeurs du paramètre d’avance local. Cet écart est dû au fait que l’effet de confinement n’est
pas équivalent à une augmentation de la vitesse de l’écoulement libre. Le forçage du courant
dans la veine a également un effet non linéaire sur la performance. Pour une même valeur
de λ∗ , les angles d’attaque d’une pale au cours de la rotation sont modifiés. Ainsi à grandes
valeurs de λ∗ on a un écart > 20% sur la valeur du CP∗ . On remarquera néanmoins que le
λ∗ associé à l’optimum du CP (global) se situe à des valeurs entre 4 et 5. Ce constat est
lié au résultat de l’analyse de Betz sur l’optimum de récupération de puissance, pour un
facteur d’induction constant. L’universalité d’une courbe pour CP∗ = f (λ∗ ) est donc assez
bonne dans la zone d’intérêt, c’est à dire les régions optimales et sub-optimales. On fait
donc le choix d’avoir une interpolation unique des ces courbes, avec comme seul paramètre
λ∗ .

Répartition spatiale Dans le cas des modèles de disque d’action pour des turbines à
flux axial, le terme source est en général imposé sur une ligne de cellule perpendiculaires
au flux. En raison de la complexité de l’écoulement dans le rotor de la Darrieus, il est peu
judicieux d’imposer la même répartition. Il est nécessaire d’obtenir un impact réaliste sur
l’écoulement, dans le sillage de la turbine, mais également une vitesse juste dans le rotor,
point clé du modèle. En étudiant l’évolution de la force de trainée imposée sur une pale au
cours de la rotation (Figure 3.9, on remarque deux régions de forte intensité). Une première
dans la zone amont θ = 70 − 120◦ , et la seconde à l’aval pour θ = 250 − 320◦ . L’amplitude
de la zone amont est environ deux fois supérieure à celle de la zone aval. Cette répartition
est globalement constante lorsque λ et ǫ varient. Il est donc judicieux d’appliquer une forme
similaire pour qX et qY . Une fonction d’espace arbitrairement choisie est imposée, que nous
appellerons la répartition I. Le terme source de quantité de mouvement est défini comme
le produit de deux fonctions d’espace :

qmX (x, y) = A(λ∗ , Vm ).(2h(x + R − OX ) + h(−x − R − OX )).g(y − OY ) (3.19)

h est une fonction de Poisson et g une répartition Gaussienne de largeur à mi-hauteur R.


Dans un premier temps une répartition uniforme de qY est choisie par simplicité car on ne
distingue pas de comportement constant de FY avec λ et ǫ.
On peut comparer l’effet de la répartition spatiale sur le champ de vitesse et le blocage
dans le disque grâce à la Figure 3.10. Elle représente le champ de vitesse dans un domaine
représentant celui de la veine d’essai (4Dx6D), dans lequel on utilise le modèle de turbine.
Le calcul de la figure (a) utilise la répartition explicitée au-dessus alors que celui de la figure
b) applique une répartition uniforme sur le disque. Dans les deux cas, on fixe la vitesse de
3.2. DESCRIPTION DU MODÈLE 113

Drag force coefficient for 1 blade over the revolution


1.8

1.6

1.4

1.2

0.8

0.6

0.4

0.2

−0.2
−50 0 50 100 150 200 250 300 350 400

Figure 3.9 – Coefficient de trainée sur une pale de la turbine Darrieus en fonction de la
position angulaire au point de fonctionnement optimal pour un blocage de ǫ = 4 ; l’origine
de θ est prise lorsque la pale remonte le courant

rotation pour que la valeur de λ calculée avec la vitesse en entrée du domaine soit égale à
2. On remarque que la vitesse apparaît plus faible dans la zone du disque dans le cas de la
répartition réaliste. En moyenne sur le disque, la vitesse est 30% plus importante. On ob-
tient également une surestimation du coefficient de puissance avec une valeur de 0,69 contre
0,49. Les figures a) et b) sont issues des mêmes calculs et représentent le champ d’énergie
cinétique turbulente. On remarque une zone de forte production turbulente convectée à
l’aval créée par la répartition complexe. Le gradient de force volumique engendre un gra-
dient de vitesse et ainsi une zone de fort cisaillement. La production de k participe ensuite
au phénomène de mélange dans le sillage, où l’on observe une réalimentation plus rapide
avec notre répartition que dans le cas du disque uniforme. L’influence de la répartition de
source de quantité de mouvement et d’énergie cinétique turbulente est discutée au chapitre
suivant, afin de comprendre l’effet sur le sillage reproduit.

Calcul de l’écoulement L’écoulement dans le domaine complet est simulé avec


Code_Saturne en modèle RANS. On simule un écoulement incompressible dans un do-
maine en 2D. Dans le but de tester la convergence de la méthode, une turbine seule est
simulée dans un domaine rectangulaire de même dimension que la section de test de la veine
d’essai décrite auparavant. On impose un profil de vitesse constant en condition d’entrée,
114 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

a) b)

Figure 3.10 – Champ de vitesse autour de la turbine, obtenus avec le modèle pour la
répartition I (a) et pour une répartition uniforme (b)

et une condition de sortie standard de Code_Saturne (ie une condition de Neumann ho-
∂P
mogène pour toutes les grandeurs transportées et ∂n∂τ i
= 0, i ∈ [1, 2], avec n le vecteur
normal à la face de sortie et τi deux vecteurs orthogonaux entre eux dans le plan de la face
de sortie.
Le choix du modèle de turbulence a un impact sur la stabilité de l’écoulement cisaillé. Il
a donc également un impact sur la convergence du schéma itératif pour le calcul du point
de fonctionnement de la turbine. On remarque que quelque soit le schéma en temps utilisé
(stationnaire ou instationnaire), le champ de vitesse est instable dans le sillage de la turbine
ce qui a un impact sur la vitesse locale et donc sur le CP calculé. Le nombre de mailles
nécessaires pour une bonne reproduction de la répartition des forces est également étudié.
Le tableau 3.1 récapitule les différents tests effectués avec une turbine dans le domaine de
la veine d’essai à λ =2.

Taille de maillage On s’intéresse à l’influence du maillage sur le fonctionnement de


la méthode. Des maillages avec un nombre de mailles progressivement croissant sont
construits. Le critère de convergence est la valeur du coefficient de puissance obtenu avec
chacun des maillages pour une simulation instationnaire sur 1000 pas de temps. Comme
résumé dans le tableau 3.1, on observe une convergence du CP à partir d’un maillage de
7000 mailles environ. On remarque sur la Figure 3.11 que pour une taille de maille supé-
rieure la convergence de la boucle itérative est atteinte après 50 à 400 itérations (avec une
instabilité périodique de faible amplitude). A partir du maillage no :4 (100x70 mailles),
on voit une forte instabilité autour d’une valeur moyenne. Le résultat considéré pour le
CP est la valeur moyennée sur les 500 dernières itérations. On choisit donc d’utiliser une
3.2. DESCRIPTION DU MODÈLE 115

Maillage std/unstd modèle CP temps de calcul (s)


25x17 unstd k − ǫ-PL 0,24 7
50x25 unstd - 0,46 26
75x50 unstd - 0,66 186
100x70 unstd - 0,49 318
150x70 unstd - 0,49 2984
100x70 unstd k−ǫ 0,47 273
100x70 unstd k − ǫ-PL 0,49 318
100x70 unstd v2 − f 0,47 260
100x70 unstd kω − SST 0,48 171
100x70 std k−ǫ 0,44 138
100x70 std k − ǫ-PL 0,47 142
100x70 std v2 − f 0,45 244
100x70 std kω − SST 0,45 138

Table 3.1 – Test de convergence de la méthode pour différents maillages, schémas tempo-
rel, ou modèles de turbulence

1.2
maillage1
1.1 maillage2
maillage3
1 maillage4
maillage5
0.9

0.8

0.7
CP

0.6

0.5

0.4

0.3

0.2

0.1

0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1 000
iteration

Figure 3.11 – Influence du raffinement du maillage sur la convergence de la méthode


itérative
116 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

taille de maille inférieure à R/8 qui correspond au maillage 4 dans la zone de l’hydrolienne
pour la suite des calculs. Les variations et instabilités sont expliquées au chapitre suivant
par la faible production en modèle v 2 − f et k − ǫ-PL par rapport au kω − SST ou au
k − ǫ. Les forts cisaillements créés par les forces volumiques entraînent une instabilité de
l’écoulement, voir des recirculations dont l’effet est très mauvais pour la convergence du
schéma itératif.

0.9

0.8

0.7

0.6
CP

0.5

0.4

0.3

0.2

0.1

0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1 000
iteration

(a) (b)

Figure 3.12 – Influence du raffinement du maillage sur la convergence de la méthode


itérative en schéma stationnaire (a), et instationnaire (b)

Modèle de turbulence On cherche à connaître l’influence du modèle de turbulence sur


le comportement de la méthode. Le cas de simulation décrit plus haut est mené avec 4
modèles RANS disponibles dans Code_Saturne. Les résultats sur la rapidité de calcul et
la valeur du coefficient de puissance obtenu sont reportés dans le tableau 3.1. On compare
également le fonctionnement pour des schémas de temps stationnaire et instationnaire.
Le modèle présente un fonctionnement globalement similaire quelque soit le modèle de
turbulence utilisé. On remarquera que les modèles v 2 −f et kω−SST utilisent les équations
de transport du modèle k − ǫ classique loin des parois. On obtient en effet un résultat quasi
identique pour ces trois modèles en termes de CP , avec une différence de 4% entre le calcul
stationnaire et instationnaire. Dans les deux cas, les simulations atteignent une convergence
sur le CP après 100 itérations environ. Le modèle k − ǫ-Production-Linéaire donne des
résultats légèrement différents. Il donne en particulier une estimation plus importante du
CP et donc plus proche du résultat attendu. Néanmoins, il montre une instabilité forte de
3.3. VALIDATION 117

l’écoulement spécialement en calcul instationnaire, mais également en calcul stationnaire.


On remarque que dans le second cas, le temps de calcul est divisé par deux. Le choix entre
les deux types de simulation est fait en s’intéressant à l’allure du sillage dans les deux cas.
Cette partie sera détaillée au chapitre suivant.

3.3 Validation

3.3.1 Machine seule en confinement variable

Le travail effectué sur la méthode de maillage glissant de Code_Saturne et les bons ré-
sultats obtenus apportent des résultats fiables sur les performances de la turbine dans des
configurations variées. Une partie du développement a également permis la simulation de
plusieurs machines dans un même domaine. Les données issues de ces calculs servent à la
validation de la méthode décrite dans ce chapitre. Les résultats des deux simulations sont
comparés dans le cas d’une machine simple puis pour des parcs de quelques machines. La
fiabilité de la méthode nous permettra de l’utiliser pour la compréhension des phénomènes
généraux dans les parcs.
Le maillage utilisé pour le calcul avec le modèle simplifié est conforme et orthogonal avec
une taille de maille uniforme de 1cm2 . La turbine est ainsi représentée sur environ 300
mailles. Les gradients de vitesse créés dans le sillage de la perte de charge engendrent
un production turbulente, et des phénomènes d’instabilité conduisent à l’utilisation d’un
calcul instationnaire. Le pas de temps est de l’ordre de la milliseconde pour un nombre de
Courant de l’ordre de l’unité. Le calcul est mené sur 1000 itérations, et les résultats sont
moyennés sur les 500 dernières.
Les résultats pour les 3 valeurs du confinement sont présentés sur la figure 3.13. Les courbes
de référence sont en pointillé et les résultats du modèle sont représentés par des points.
Les coefficients de puissance donnés par le modèle suivent fidèlement les valeurs attendues
pour ce cas simple. De façon plus exacte, on remarque que la concordance est la meilleure
pour les confinements faibles (ǫ = 5.7 et 4). Pour un blocage plus fort, un décalage des
courbes est visible. Le modèle prédit l’optimum du CP pour des λ∗ légèrement plus élevés
que ce que l’on attend.
Dans ce chapitre, nous concentrons notre attention sur la prédiction des performances.
Ainsi nous ne prendrons que la valeur du CP comme critère de validation. La restitution
du sillage est examinée au chapitre suivant.
118 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

1.2

0.8

0.6

0.4

0.2

−0.2

−0.4
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5

Figure 3.13 – Coefficient de puissance de la Darrieus 2D en canal confiné, CFD complète


en ligne, résultats du modèle avec les marqueurs

3.3.2 Deux turbines en positions asymétrique


Le cas test décrit ici montre la volonté de tester la méthode d’équivalence en dehors de la
configuration classique du canal. Un cas à deux turbines placées dans un canal est choisi.
Les deux machines sont volontairement placées sur le bord du domaine pour exploiter
l’asymétrie de la disposition. Les dimensions du domaine sont de 8D dans la direction X et
11, 5D dans la direction Y. Les axes de rotation des turbines sont placés à même distance
de l’entrée du domaine, et éloignés respectivement de 1 et 3 diamètres de la frontière
supérieure. Une condition à la limite de type paroi est imposée sur les frontières latérales.
Ce cas est dans un premier temps simulé en géométrie complète avec Code_Saturne. Le
maillage comporte maintenant deux parties rotor indépendantes contra-rotatives. On se
concentre cette fois sur la capacité du modèle à simuler les différents régimes de rotation
des turbines. On fait donc varier de façon indépendante les valeurs de ω1 et ω2 , vitesse
de rotation des machines. Le calcul compte ici trois instances en couplage. Le stator qui
communique avec les rotors. Le même domaine est reproduit pour la simulation par le mo-
3.3. VALIDATION 119

Machine 1
Wall

1D
Stream−wise Velocity

2D
1.5

U/Uref
Machine 2

11.5 D
0.5
Inlet Outlet
equivalence model
0
full CFD

0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 5.5 6


Y/D

Transverse Velocity

0.2

−0.2
8D
V
−0.4

−0.6 equivalence model


full CFD
−0.8
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 5.5 6
Wall Y/D

Figure 3.14 – a) Représentation schématique de la configuration de simulation pour la


validation, b) profil de vitesse transverse dans le sillage des deux turbines à 1D après l’axe
de rotation. Comparaison entre modèle et CFD complète

dèle. La partie supérieure qui voit la présence des turbines dispose d’un maillage structuré.
Les mailles sont du même ordre de grandeur que pour le cas test précédent. Le reste du
domaine est maillé plus grossièrement, afin d’économiser en temps de calcul.
Le tableau 3.2 présente les résultats des simulations avec les deux méthodes. La dernière
colonne donne l’erreur relative sur le coefficient de puissance moyen des deux machines.
On remarque un bonne concordance des résultats pour les valeurs du paramètre d’avance
jusqu’à λ = 2, 5. L’optimum de puissance pour les deux machines semble être situé aux
alentours de cette valeur, ce qui s’explique par l’effet de confinement créé par la présente
disposition. Les erreurs plus importantes sont remarquées pour les points de fonctionnement
au-delà de l’optimum (λ = 3), pour lesquels le modèle par perte de charge surestime la
valeur de CP .
120 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

CASE TSR CP CFD CP model Rel. error


1 λ1 = 2, 5 0,66 0,67 4%
λ2 = −2 0,59 0,55
2 λ1 = 3 0,42 0,54 12%
λ2 = −2 0.58 0,59
3 λ1 = 2, 5 0,70 0,70 7%
λ2 = −3 0,38 0,46
4 λ1 = 1, 5 0,40 0,39 1%
λ2 = −2 0,52 0,52

Table 3.2 – Résumé des résultats du cas de validation asymétrique à deux turbines ; la
dernière colonne rapporte l’erreur relative l’erreur sur la valeur moyenne du coefficient de
puissance

Points clés
• Ce chapitre présente la méthodologie de construction d’un modèle simplifié de turbine
à partir d’une paramétrisation judicieuse des données empiriques (issues d’un calcul
complet).
• Le modèle décrit se place dans une même classe d’utilisation que les modèles
RANS+BE [26, 19], ie il peut servir pour l’optimisation de placement au sein de
grappe de machines dans un parc. L’utilisation de données empiriques sur une plage
étendue de points de fonctionnement permet un calcul moins lourd de l’action de la
turbine dans la simulation d’écoulement.
• Le fonctionnement du modèle est validé par comparaison avec les résultats de calcul
en géométrie complète pour une turbine seule dans un canal.
• La performance est calculée correctement pour un confinement faible. On observe
une surestimation au delà de l’optimum pour le confinement plus fort (à partir de
ǫ = 2, 7).
• La comparaison du sillage obtenu par l’expérience et les différentes simulation
montrent une réalimentation trop rapide avec le modèle simple. Il semble que la
production turbulente surestimée produise un mélange important qui contribue à la
diffusion de quantité de mouvement.
• La répartition des forces dans la machine a un effet important sur la production
d’énergie cinétique turbulente et par conséquent la stabilité du schéma itératif.
BIBLIOGRAPHIE 121

Bibliographie
[1] A.-M. Georgescu, S.-C. Georgescu, C. I. Cosoiu, and N. Alboiu, “Efficiency of marine
hydropower farms consisting of multiple vertical axis cross-flow turbines,” Internatio-
nal Journal of Fluid Machinery and Systems, 2011.

[2] P. Mycek, B. Gaurier, G. Germain, G. Pinon, and E. Rivoalen, “Experimental study


of the turbulence intensity effects on marine current turbines behaviour. part i : One
single turbine,” Renewable Energy, vol. 66, pp. 729–746, 2014.

[3] T. Stallard, R. Collings, T. Feng, and J. Whelan, “Interactions between tidal turbine
wakes : experimental study of a group of three-bladed rotors,” Philosophical Tran-
sactions of the Royal Society A : Mathematical, Physical and Engineering Sciences,
vol. 371, no. 1985, p. 20120159, 2013.

[4] A. Bahaj and L. Myers, “Shaping array design of marine current energy converters
through scaled experimental analysis,” Energy, vol. 59, pp. 83–94, 2013.

[5] K. Bergey, “The lanchester-betz limit (energy conversion efficiency factor for wind-
mills),” Journal of Energy, vol. 3, no. 6, pp. 382–384, 1979.

[6] F. W. Lanchester, “A contribution to the theory of propulsion and the screw propeller,”
Journal of the American Society for Naval Engineers, vol. 27, no. 2, pp. 509–510, 1915.

[7] G. Houlsby, S. Draper, M. Oldfield, et al., “Application of linear momentum actuator


disc theory to open channel flow,” Report no. OUEL, vol. 2296, no. 08, 2008.

[8] M. O. Hansen, Aerodynamics of wind turbines. Routledge, 2008.

[9] C. Garrett and P. Cummins, “The efficiency of a turbine in a tidal channel,” Journal
of fluid mechanics, vol. 588, pp. 243–251, 2007.

[10] J. Whelan, J. Graham, and J. Peiro, “A free-surface and blockage correction for tidal
turbines,” Journal of Fluid Mechanics, vol. 624, pp. 281–291, 2009.

[11] T. Nishino and R. H. Willden, “The efficiency of an array of tidal turbines partially
blocking a wide channel,” Journal of Fluid Mechanics, vol. 708, pp. 596–606, 2012.

[12] T. Nishino and R. H. Willden, “Two-scale dynamics of flow past a partial cross-stream
array of tidal turbines,” Journal of Fluid Mechanics, vol. 730, pp. 220–244, 2013.
122 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE

[13] R. Vennell, “Exceeding the betz limit with tidal turbines,” Renewable Energy, vol. 55,
pp. 277–285, 2013.

[14] C. Garrett and P. Cummins, “The power potential of tidal currents in channels,”
Proceedings of the Royal Society A : Mathematical, Physical and Engineering Science,
vol. 461, no. 2060, pp. 2563–2572, 2005.

[15] R. Vennell, “Estimating the power potential of tidal currents and the impact of power
extraction on flow speeds,” Renewable Energy, vol. 36, no. 12, pp. 3558–3565, 2011.

[16] M. Islam, D. S.-K. Ting, and A. Fartaj, “Aerodynamic models for darrieus-type
straight-bladed vertical axis wind turbines,” Renewable and Sustainable Energy Re-
views, vol. 12, no. 4, pp. 1087–1109, 2008.

[17] G. I. Gretton, Hydrodynamic analysis of a vertical axis tidal current turbine. PhD
thesis, 2009.

[18] I. Paraschivoiu, “Double-multiple streamtube model for studying vertical-axis wind


turbines,” Journal of propulsion and power, vol. 4, no. 4, pp. 370–377, 1988.

[19] S. Antheaume, T. Maître, and J.-L. Achard, “Hydraulic darrieus turbines efficiency for
free fluid flow conditions versus power farms conditions,” Renewable Energy, vol. 33,
no. 10, pp. 2186–2198, 2008.

[20] M. Harrison, W. Batten, L. Myers, and A. Bahaj, “Comparison between cfd simulations
and experiments for predicting the far wake of horizontal axis tidal turbines,” IET
renewable power generation, vol. 4, no. 6, pp. 613–627, 2010.

[21] S. R. Turnock, A. B. Phillips, J. Banks, and R. Nicholls-Lee, “Modelling tidal cur-


rent turbine wakes using a coupled rans-bemt approach as a tool for analysing power
capture of arrays of turbines,” Ocean Engineering, vol. 38, no. 11, pp. 1300–1307, 2011.

[22] R. Malki, A. Williams, T. Croft, M. Togneri, and I. Masters, “A coupled blade element
momentum–computational fluid dynamics model for evaluating tidal stream turbine
performance,” Applied Mathematical Modelling, vol. 37, no. 5, pp. 3006–3020, 2013.

[23] G. Bai, J. Li, P. Fan, and G. Li, “Numerical investigations of the effects of different ar-
rays on power extractions of horizontal axis tidal current turbines,” Renewable Energy,
vol. 53, pp. 180–186, 2013.
BIBLIOGRAPHIE 123

[24] A. Bahaj, A. Molland, J. Chaplin, and W. Batten, “Power and thrust measurements
of marine current turbines under various hydrodynamic flow conditions in a cavitation
tunnel and a towing tank,” Renewable energy, vol. 32, no. 3, pp. 407–426, 2007.

[25] T. Roc, D. C. Conley, and D. Greaves, “Methodology for tidal turbine representation
in ocean circulation model,” Renewable Energy, vol. 51, pp. 448–464, 2013.

[26] W. M. Batten, M. Harrison, and A. Bahaj, “Accuracy of the actuator disc-rans ap-
proach for predicting the performance and wake of tidal turbines,” Philosophical Tran-
sactions of the Royal Society A : Mathematical, Physical and Engineering Sciences,
vol. 371, no. 1985, 2013.

[27] L. Myers and A. Bahaj, “Near wake properties of horizontal axis marine current tur-
bines,” in Proceedings of the 8th European Wave and Tidal Energy Conference, pp. 558–
565, Uppsala, Sweden, 2009.

[28] V. Aumelas, Modélisation des hydroliennes à axe vertical libres ou carénées : développe-
ment d’un moyen expérimental et d’un moyen numérique pour l’étude de la cavitation.
PhD thesis, Grenoble-INP, 2011.
124 CHAPITRE 3. MÉTHODE D’ÉQUIVALENCE EMPIRIQUE
Chapitre 4

Etude du sillage de la turbine Achard

Le sillage des turbines hydrocinétiques, qu’elles fonctionnent dans l’air ou bien dans l’eau,
est caractérisé par deux phénomènes principaux : la région à l’aval de la machine voit
un déficit de quantité de mouvement par rapport à l’écoulement libre, le second concerne
l’augmentation du niveau de turbulence [1]. Ces deux effets ont un impact important sur
la puissance récupérable dans les parcs et sur la sollicitation mécanique des structures. La
compréhension des sillages est donc un point crucial pour la détermination des dispositions
de machines dans un parc. Ces interactions entre machines nécessitent un soin particulier,
pour comprendre l’effet des différents paramètres sur la performance. A titre d’exemple,
une augmentation de l’intensité turbulente a des effets mal maîtrisés sur l’efficacité de la
turbine, mais favorise la récupération de la vitesse dans le sillage [2]. Pour autant, les
fluctuations de grandes échelles créent des chargements variables et une importante fatigue
mécanique. On ne peut donc pas faire l’économie d’une connaissance globale et structurelle
de l’écoulement qui attaquera une éventuelle deuxième rangée de turbines.
Cette problématique du sillage fait l’objet de nombreuses études, à la fois analytiques,
expérimentales et numériques. Les travaux de synthèse bibliographique de Crespo, Veermer
et Sanderse [1, 3, 4] sont des sources d’information de grande valeur. Ils sont mis en évidence
plusieurs phénomènes physiques déterminants pour l’établissement, puis la dissipation du
sillage.
Plusieurs phénomènes physique principaux rentrent en compte pour l’établissement puis la
dissipation du sillage. Les principaux phénomènes se résument comme suit :

• La production turbulente à l’intérieur de la turbine

• L’influence de la structure turbulente de l’écoulement amont

• Le transport de structures tourbillonnaires

125
126 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

• L’effet des structures de grandes échelles

• La production turbulente créée par le cisaillement du champ moyen

• La diffusion de quantité de mouvement

Dans ce chapitre, une revue des connaissances concernant le sillage des éoliennes et hydro-
liennes est exposée, ainsi qu’une analyse des méthodes de simulation employées. Elle met
en avant le peu de connaissance sur le sillage des turbines à flux transverse. Nous tentons
de comprendre les différences entre les deux types de turbines pour savoir si les modèles
proposés pour les turbines classiques sont utilisables. Des mesures expérimentales de vi-
tesses dans le sillage d’un modèle réduit d’hydrolienne dans la boucle hydrodynamique du
LEGI permettent d’identifier les phénomènes dominants dans le sillage proche de la tur-
bine. Enfin, les modèles RANS en géométrie complète et par le modèle d’équivalence sont
examinés pour leur réponse en fonction du modèle de turbulence utilisé et de paramètres
d’entrée. L’objectif général de cette section est de déterminer les capacités du modèle sim-
plifié à reproduire le sillage de la turbine afin de pouvoir simuler des parcs de deuxième
génération. Le déficit de vitesse et l’augmentation de la turbulence à différentes échelles
doivent être maîtrisés, et la pertinence des modèles RANS pour cette région sera discutée.

4.1 Considérations sur le sillage des hydroliennes


4.1.1 Comprendre la structure du sillage : Expériences et simula-
tions
La littérature abondante sur les propriétés des turbines à flux axial permet d’avoir une
idée claire des processus physiques intervenant dans le sillage de ce type de machines. Ce
n’est pas le cas des turbines à flux transverse, moins utilisées, pour lesquels la plupart
des études se limitent à la dynamique dans le rotor, aux lâchers tourbillonnaires et au
décrochage dynamique. Ce constat est également fait par Gretton [5]. Pour cette raison,
la partie introductive se concentre sur la revue physique des éoliennes ou hydroliennes
classiques et à leur modélisation.
L’évolution des outils expérimentaux, sur le plan technique ou de capacité de traitement
de données, donne des moyens de compréhension de plus en plus efficaces et pratiques. La
compréhension des sillages est ainsi constamment affinée. L’intérêt porté aux grandeurs
moyennes de l’écoulement aval (vitesse, intensité turbulente) jusqu’aux années 2000 se
concentre aujourd’hui sur les phénomènes dynamiques comme la convection des structures
cohérentes ou les interactions de tourbillons.
4.1. CONSIDÉRATIONS SUR LE SILLAGE DES HYDROLIENNES 127

Figure 4.1 – Visualisation des tourbillons de bout de pale d’une éolienne par un panache
de fumée. A gauche, la fumée est émise à l’amont du rotor, à droite un dispositif émet la
fumée au bout de la pale (tirés respectivement de Hand [6] et Alfredsson [7])

Les éoliennes à flux axial Le sillage de l’éolienne, regardé de façon globale, est large-
ment dépendant de la force de trainée appliquée par le fluide sur la turbine. L’extraction
d’énergie par la turbine, provoque un ralentissement dans la zone du rotor et un contour-
nement de l’écoulement. Le déficit de vitesse est donc relié à la trainée, qui peut être
vue comme la perméabilité du rotor. Plus il est bloquant (typiquement plus le paramètre
d’avance est fort), plus le déficit de vitesse à l’aval immédiat de la turbine sera important.
La figure 4.2 qui présente un profil de vitesse adimensionnelle dans le sillage à X/D=1,67
pour plusieurs paramètres d’avance [8], illustre ce phénomène.
Le sillage d’une turbine est habituellement séparé en deux zones principales. La zone du
sillage proche, située juste à l’aval de la turbine, est le siège du plus fort déficit en vitesse.
Dans cette région le sillage est dépendant de la géométrie de la turbine. Les tourbillons créés
par les pales y sont convectés et la vitesse de réalimentation est faible. Des visualisations
des tourbillons de bout de pales par des panaches de fumée sont visibles sur la figure 4.1.
Dans les deux cas des tourbillons sont formés dans la direction ortho-radiale par l’extrémité
de la pale et sont transportés par l’écoulement.
La zone du sillage lointain en aval du sillage proche s’étend jusqu’à la réalimentation de
la vitesse axiale. Le mélange est affecté par deux phénomènes qui sont la convection et
la diffusion turbulente. Le sillage s’étend latéralement jusqu’à retrouver la vitesse initiale.
Dans le cas des turbines axiales, les tourbillons lâchés par les extrémités de pale sont
convectés vers l’aval (figure 4.1). Ils forment deux couches fines de cisaillement, qui sont la
frontière entre le sillage et l’écoulement dévié par la turbine. La diffusion turbulente tend
à élargir la couche de cisaillement en s’éloignant du rotor. La frontière entre sillage proche
128 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

=0
U/U0

=5,0

=6,6

=8,5

r/R
a) b)

Figure 4.2 – Gauche, déficit de vitesse d’un éolienne à flux axial, expérience de Vermeulen
[8], Droite, vue schématique de l’écoulement dans le sillage (d’après Bahaj et Myers [9])

et lointain est définie comme la distance à partir de laquelle ces couches de cisaillement
atteignent l’axe du sillage (voir figure 4.2.b).
De nombreuses études expérimentales permettent de comprendre finement la structure du
sillage et l’influence relative des phénomènes physiques sur le mélange. Zhang et al. ana-
lysent le sillage proche d’une éolienne dans un écoulement de couche limite atmosphérique
turbulente [10]. L’intensité turbulente dans le tunnel est d’environ 2%. Le fluide dans le
sillage est étudié par mesures PIV dans des plans transverses à X/D = 1, 2, 3, 5 à l’aval du
rotor et dans le plan vertical à l’axe de la machine. Ils montrent que les tourbillons de bout
de pale ont une forte empreinte sur le sillage proche jusqu’à une distance de 2-3 diamètres
à l’aval. Ces structures sont mises en évidence par la présence d’un pic de cohérence tempo-
relle dans l’analyse spectrale de la vitesse longitudinale. En raison de l’asymétrie verticale
de la couche limite, les tourbillons sont plus marqués et l’intensité turbulente plus forte
dans la partie haute du sillage. Ils ont mis en évidence un élargissement du sillage (distance
entre les zones cisaillées) jusqu’à X/D = 1 et montrent que les intensités turbulentes sur
les 3 composantes de l’espace ont des valeurs comparables dans le sillage proche. A partir
4.1. CONSIDÉRATIONS SUR LE SILLAGE DES HYDROLIENNES 129

de X/D = 3 − 5 l’intensité turbulente portée par les composantes transverse et verticale


(ItY et ItZ ) de la vitesse décroit alors qu’elle reste de la même intensité dans la direction de
l’écoulement. La production turbulente dans la deuxième partie du sillage est donc pilotée
par les zones de cisaillement entre le fluide ralenti et le flux de contournement.
Chamorro et al. présentent des résultats similaires en utilisant une technique de PIV 3D
[11]. Ils montrent également la présence de fortes structures cohérentes issues des lâchers
tourbillonnaires sur les pales. Ils remarquent l’interaction entre ces tourbillons qui provoque
la déstabilisation de la structure hélicoïdale de la veine fluide ralentie. Cette rotation héli-
coïdale est également mise en évidence à X/D=1 et de façon atténuée à X/D=9 par Medici
[12], dans le sillage d’une éolienne en soufflerie, mais montre qu’elle est rapidement affectée
par la présence du sol.

Figure 4.3 – Phenomène de meandering, d’après Larsen et al [13]

Kang et al. [14] proposent une analyse numérique des mesures de Chamorro en modèle de
turbulence LES, dans laquelle la géométrie complète de la turbine est décrite à l’aide de
la méthode des frontières immergées. Ils obtiennent une très bonne concordance lors de la
confrontation aux résultats expérimentaux. La même importance des structures cohérentes
est retrouvée. Ils estiment que l’élargissement du sillage et son interaction avec l’écoulement
latéral provoquent la destruction de ces structures après 4 diamètres à l’aval du rotor. Cette
distance correspond à la zone de déstabilisation à grande échelle du sillage caractérisée par
une forte hausse de l’énergie cinétique turbulente (TKE). Ce phénomène d’instabilité à
grande échelle du sillage est appelé meandering. Deux explications principales sont données :
1. Le sillage fonctionnerait comme un amplificateur des fluctuations de la vitesse amont.
Il provient des variations dans la direction du vent. D’après Larsen [13], le sillage
agit comme un traceur passif des grandes structures atmosphériques, illustré sur la
figure 4.3.
2. Ce phénomène est similaire aux instabilités de grandes tailles visibles derrière un
corps bloquant dans un écoulement. Medici [12] étudie le meandering dans le sillage
130 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

d’une éolienne en utilisant une soufflerie à la turbulence contrôlée (figure 4.4.a). Cette
figure représente la corrélation temporelle entre deux points de mesures de la vitesse
(uX à gauche, uY à droite) situés dans le sillage. On voit deux fréquences de struc-
tures cohérentes, dus respectivement aux lâchers des extrémités de pales, et à des
fluctuations grande échelle. Le phénomène intervient dans les situations avec et sans
augmentation de la turbulence. Ils constatent de plus qu’il apparaît à partir d’une
certaine valeur minimum du coefficient de traînée qui augmente avec la vitesse de ro-
tation relative [12],(figure 4.4.b). L’instabilité du sillage est retrouvée avec des disques
poreux jusqu’à 42% de porosité [15].

a) b)

Figure 4.4 – a) Corrélation temporelle entre la vitesse mesurée en deux points situés à
X/D=1 et à distance Y variable dans le sillage d’une éolienne. Les flèches noires indiquent
le passage d’une pale, et les flèches blanches les fluctuations à grande échelle. b) Coefficient
de trainée pour différents paramètres de l’éolienne. Les points en gras indiquent la présence
du battement du sillage. Extrait de Medici et al. [16, 12]

Le contrôle des conditions expérimentales dans l’expérience de Medici donne du poids à la


seconde interprétation. Les deux ne sont d’ailleurs pas incompatibles. De façon générale le
mélange convectif participe à la réalimentation rapide du sillage.
La diffusion turbulente est l’autre phénomène majeur du sillage lointain. L’influence de
l’intensité turbulente amont semble donc cruciale dans les processus de mélange. Maganga
s’intéresse à cette question en évaluant expérimentalement un modèle réduit dans le canal
d’essai de l’Ifremer à Boulogne, sous différentes conditions de turbulence [2]. La campagne
4.1. CONSIDÉRATIONS SUR LE SILLAGE DES HYDROLIENNES 131

de mesure est menée pour des intensités turbulentes amont de It = 8% et It = 25%. Une
récupération de la vitesse est atteinte après 4D seulement pour le cas hautement turbulent
contre plus de 10D pour le cas moyen.
Mycek et al. étendent la même étude en s’intéressant tout d’abord à l’effet de la turbulence
sur la performance [17]. La puissance moyenne récupérée par le modèle réduit de turbine
sous It = 3 ou 15% est peu différente quoique légèrement inférieure à forte intensité turbu-
lente. On peut noter toutefois que les fluctuations du CP sont fortement augmentées, ce qui
sera préjudiciable d’un point de vue mécanique et électrique. La situation est également
envisagée en positionnant une deuxième turbine à une distance variable derrière la première
[18, 19]. Ils établissent ainsi qu’il est avantageux de fonctionner en régime turbulent pour
le positionnement d’hydrolienne en parc afin de réduire la distance entre les lignes. Pour
une distance a/D = 6 et It = 3% ils constatent une chute de CP de 75% contre seulement
20% à It = 15%.
Dans la même optique, Stelzenmuller et Aliseda étudient trois modèles réduits dans un
canal [20]. Grâce à la production turbulente de la première turbine, la seconde fonctionne
à un niveau de turbulence ambiant élevé, ce qui accélère la récupération de la vitesse axiale
entre la turbine 2 et 3. De façon surprenante, une puissance similaire est obtenue pour les
turbines 1 et 3 à certains espacements.

4.1.2 Les méthodes numériques


La complexité des phénomènes dont le sillage est le siège pose des difficultés quant à leur
modélisation. Elle soulève une problématique de transport influencée par la turbulence à
différentes échelles. Il convient de considérer les structures présentes dans l’écoulement in-
cident, mais aussi celles produites par la turbine et celles inhérentes au sillage lui même.
Les simulations peuvent être séparées en deux catégories (déjà évoquées au chapitre précé-
dent) : la description complète de la géométrie et les modélisations par des pertes de charge
équivalentes. La modélisation choisie pour la turbulence aura un effet prépondérant quant
au transport et à la création de l’énergie turbulente.

Simulations complètes L’équipe de recherche de l’université de Manchester a développé


une méthode de maillage glissant dans Code_Saturne alternative à celle utilisée dans les
présents travaux [21]. Elle a été pleinement validée en 3D sur des cas tests de cylindre et
de cube tournant. Dans Afgan et al. [22], elle est appliquée à la simulation d’une turbine
à flux axial de géométrie classique [23]. L’objectif de ces travaux est la comparaison des
efforts avec les mesures de référence et l’étude du sillage en fonction de différents modèles
de turbulence. Ils testent les modèles RANS à viscosité turbulente k − ǫ et kω − SST et
le modèle au tensions de Reynolds RSM − LLR (ou Rij − LLR). Une intensité turbulente
132 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

de 1% est imposée à la face d’entrée. La longueur de mélange est prescrite à L = 0, 07H,


H étant la hauteur du moyeu.
3/4
2 Cµ k 2/3
k = (It U0 )2 ǫ = Cµ = 0, 09 (4.1)
3 L
Ils remarquent tout d’abord une influence forte de la taille des mailles dans la longueur de
réalimentation. Plus le maillage est grossier plus la vitesse axiale se rétablit rapidement.
Pour un même maillage, les résultats sont également différents suivant les modèles de
turbulence utilisés. La production turbulente à l’aval immédiat de la machine (X/D=0,1)
est plus importante avec le modèle k − ǫ ce qui provoque un début de récupération plus
rapide jusqu’à X/D=5. A cette distance environ, le modèle RSM montre une augmentation
des fluctuations de la vitesse résolue, qui atteignent le même ordre de grandeur que l’énergie
modélisée. Cette instabilité du sillage moyen participe à l’accélération de la réalimentation
entre 5 et 10 diamètres constatée avec ce modèle.

La fiabilité des modèles simplifiés dans le sillage : LES Le raffinement nécessaire


des maillages pour décrire la géométrie complète des pales, du moyeu et des couches li-
mites associées est très coûteux. Pour cette raison simple, la littérature est peu fournie en
exemples de simulations complètes décrivant également le sillage lointain (allant jusqu’à
10, 20 ou 30D). Les modèles simplifiés décrits au chapitre précédent sont souvent préférés.
On retrouve 3 techniques principales qui simulent les efforts sur les pales par des puits de
quantité de mouvement. Le disque d’action (Actuator disc) représente les efforts moyen-
nés sur un tour des pales, avec une distribution de la force volumique invariante avec la
position angulaire, pouvant varier avec r la distance au moyeu. Dans la méthode de ligne
d’action (Actuator line), les termes de quantité de mouvement sont répartis selon des lignes
aux positions géométriques des pales. Cette technique permet de représenter les effets de
périodicité et de non stationnarité.
Troldborg et al. s’intéressent à la façon de simuler l’intensité turbulente en condition d’en-
trée d’un calcul LES d’une éolienne à axe horizontal dans la couche limite atmosphérique.
Ils analysent en particulier l’effet du niveau de turbulence sur le sillage. La méthode de ligne
d’action est utilisée. Une turbulence synthétique est introduite dans le fluide à l’amont de
la turbine grâce aux algorithmes de Mann [24], nous la notons turbulence stationnaire T S.
Dans un deuxième cas, une deuxième source de turbulence, sensée représenter les grandes
structures cohérentes que l’on retrouve en sites naturels est ajoutée. Nous noterons la simu-
lation avec cette technique turbulence instationnaire T I. La T I est pilotée par des forces
volumiques (pertes de charges) fluctuantes introduites quelques diamètres à l’amont du ro-
tor. Cette technique permet d’assurer la conservativité de la vitesse, mais rend le contrôle
de l’intensité turbulente ainsi créée difficile.
4.1. CONSIDÉRATIONS SUR LE SILLAGE DES HYDROLIENNES 133

Les résultats montrent pour l’écoulement TS que le cisaillement et la structure turbulente


sont principalement affectés par les tourbillons de bout de pales. Leur empreinte est mar-
quée par un fort taux de rotation jusque 7 diamètres à l’aval du rotor, après quoi ils se
déstabilisent avec un battement du sillage. L’énergie turbulente est confinée dans les régions
de transport des tourbillons marginaux. Le niveau d’intensité turbulente chute rapidement
après le rotor, pour remonter après 5D avec le mouvement de grande échelle du sillage.
Les résultats sont contradictoires avec les observations de Zhang [10] sur la destruction
rapide des structures cohérentes pour une It de seulement 2%. Quand le rotor voit l’écou-
lement T I, la déstabilisation intervient après seulement 2 diamètres. L’écoulement est plus
homogène avec un niveau de turbulence équivalent à l’intérieur et l’extérieur de la région
en déficit de vitesse. Le niveau de turbulence se conserve dans le domaine d’étude. Après
X/D=14, le niveau de turbulence est équivalent dans les deux situations. L’auteur souligne
que la turbulence à l’aval d’une éolienne ne devrait pas être considérée comme la somme
des contributions du milieu et de la turbine, ce niveau étant plus largement relatif à la
seule turbine. De plus, il attribue le mouvement instable du sillage aux grandes structures
de la turbulence atmosphérique, contrairement à la deuxième hypothèse sur le meandering
cité plus haut.
Wu et al. comparent les modèles de disque d’action simple en simulation LES [25]. Ils
utilisent deux modèles : le disque d’action classique que l’on note DAC (forces constantes
sur le disque dans la direction radiale) et disque d’action BEM (forces de portance et de
trainées calculées en fonction de la distance r) que l’on note DAR car la force tangentielle
induit la rotation de la veine fluide. Les résultats sont validés au moyen de mesures en tunnel
aérodynamique [26]. Les auteurs montrent que le modèle DAC sous estime la production
turbulente à l’aval du rotor et surestime la vitesse de réalimentation. A partir de 7 diamètres
après le rotor, les deux modèles sont en accord avec les mesures. L’influence de la vitesse
tangentielle est montrée négligeable. Les résultats restent significativement similaires en
prenant une force unidirectionnelle, montrant que l’amélioration entre DAC et DAR est
attribuable à la répartition radiale.
Kang et al. (voir plus haut) évaluent la capacité des modèles AD et AL, également en
LES, par comparaison à la simulation complète et aux mesures. Ils ne retrouvent pas le
phénomène d’instabilité globale vue avec la représentation de la géométrie complète. Pour
cette raison, les modèles simplifiés surestiment la propagation de la rotation. La TKE est en
augmentation monotone jusque 4 diamètres équivalents à l’aval du rotor puis chute après
ce maximum, et ne montre pas l’explosion observée en géométrie complète, due au larges
mouvements cohérents.
134 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

La fiabilité des modèles simplifiés dans le sillage : RANS Les études numériques
sur des écoulements atmosphériques de canopées utilisent des techniques de termes de
quantité de mouvement pour représenter l’interaction du vent sur la végétation, comme
des forces de trainée. Sanz [27] propose un modification du modèle k − ǫ par l’adjonction
de termes sources dans les équations de conservation de k et de ǫ afin de prendre en compte
deux effets :

1. la transformation de l’énergie cinétique en énergie turbulente par les forces de trainée

2. le transfert d’énergie turbulente des grandes échelles vers les petites appelé également
short-circuiting of tubulent cascad [28].

Les différents termes sources surfaciques sont proportionnels au coefficient de trainée :

1
SU = − C x U 2 (4.2)
2
1
Sk = Cx (βp U 3 − βd U k ) (4.3)
2 | {z } | {z }
dissip non−linear

1 ǫ
Sǫ = Cx (Cǫ5 βp U 3 − Cǫ5 βd U ǫ) (4.4)
2 k
SU est donnée par la définition classique du coefficient de trainée, proportionnel au carré
de la vitesse. En ce qui concerne Sk , le premier terme, avec βp ∈ [0, 1], est relatif à l’énergie
cinétique perdue par le fluide transformée en énergie turbulente. Le deuxième correspond
au transfert d’énergie entre échelles qui est modélisée comme une diminution de l’énergie
cinétique turbulente. Réthoré et al. proposent d’adapter le modèle de Sanz aux éoliennes
[29]. Cette adaptation passe par une estimation de βp par la théorie du disque d’action.
Cette constante est reliée à l’énergie cinétique perdue par le fluide sous forme de turbulence,
et prise égale à 1 par Sanz. En réalité, ce terme doit également prendre en compte les pertes
sous forme de chaleur par dissipation visqueuse et l’énergie récupérée mécaniquement par
le générateur, donnant : P = Pelec + Pturb + Pchaleur . Ils estiment ainsi le premier membre
de Sk :

1 Cchaleur + CP 3
P = ρACx (1 − )U (4.5)
2 4a(1 − a)2
le terme 4a(1 − a) est le coefficient de trainée à l’optimum dans la théorie de Betz. En
prenant CP = 0, 4 et CX = 0, 8, ils trouvent βp = 0, 05. βd = 2/3 est donné analytiquement
en appliquant la décomposition des Reynolds sur les termes sources. Les auteurs trouvent
4.2. MESURES EN SILLAGE PROCHE DE LA DARRIEUS 135

une amélioration de la longueur de réalimentation donnée par leur modèle et des résultats
plus proches du calcul LES.
El Kasmi propose un modèle différent pour tenir compte de l’interaction non linéaire
d’échelle [30] en modèle k − ǫ. Il utilise le modèle de disque d’action uniforme pour si-
muler une éolienne. Deux modifications sont effectuées dans l’équation de conservation du
taux de déformation :

1. Une nouvelle échelle de temps est ajoutée pour améliorer la réponse du taux de
dissipation au taux de déformation moyen, qui ajoute un terme de production dans
l’équation de ǫ.

2. L’ajout d’un terme source Pǫ , qui est appliqué uniquement dans une zone du rotor
(eq :(4.6)). La zone s’étend pour leur calcul à 2,5D autour de la machine. D’après
l’auteur, le choix de cette zone a une forte influence sur les résultats mais il n’explique
pas laquelle.
P2
Pǫ = Cǫ4 t (4.6)
ρk

Les résultats du modèle modifié sont comparés avec les mesures de Taylor, 1985, pour
une intensité turbulente de 11%, et différentes chargements, CX = 0, 67; 0, 77; 0, 82. La
restitution du déficit de vitesse est nettement améliorée par rapport au k − ǫ classique de
X/D=2,5 à 7,5 pour CX = 0, 67 mais le modèle surestime le déficit dans le sillage lointain
avec des coefficients de trainée plus importants. L’auteur ne compare pas l’influence relative
des deux modifications.

4.2 Etude expérimentale du sillage de la turbine Achard


au LEGI
4.2.1 La vélocimétrie Laser Doppler (LDV)
La Vélocimétrie Laser Doppler (ou LDV) est une technique de mesure non-intrusive de la
vitesse d’un fluide en un point. La vitesse mesurée est celle des fines particules réfléchis-
santes, qui ensemencent le fluide et suivent l’écoulement. Ces particules sont choisies pour
avoir une faible inertie, une masse volumique équivalente à celle de l’eau et une réflexion
de la lumière régulière. Dans la version présentée ici, la source de lumière est fixe et le
déplacement de la particule émet des flashs lumineux à une fréquence proportionnelle à sa
vitesse de déplacement.
136 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

Principe On utilise un montage de LDV à faisceaux croisés. Le point de mesure est éclairé
par deux faisceaux cohérents issus du même laser. Le croisement de deux faisceaux crée des
franges d’interférence, dans une région restreinte, que l’on appellera volume de mesure. Elles
sont dues à la différence de marche dans le chemin optique de chacun des faisceaux, de leur
émission jusqu’au point de mesure. Une particule traversant cette région voit une alternance
de zones éclairées et sombre, espacées régulièrement. Elle émet des flashs lumineux à une
fréquence proportionnelle à sa vitesse de déplacement dans la direction orthogonale aux
franges. Le principe général de fonctionnement est illustré sur la figure 4.5. La distance
interfrange dépend de l’angle entre les faisceaux 2θ et la longueur d’onde du faisceaux :

λ
df = (4.7)
2sinθ
Ce dispositif présente plusieurs avantages :

• La fréquence d’émission et de réception est indépendante de la zone de mesure, seule


l’intensité du rayonnement diffusé dépend de l’angle de diffusion. La lumière peut
donc être captée sur une optique de grande ouverture afin de maximiser le signal. On
utilise généralement une lentille convergente puis un photomultiplicateur qui trans-
forme un signal lumineux en échelon de tension.

• La vitesse intervient de façon linéaire dans la fréquence Doppler mesurée.

• La distance interfrange (df ) est indépendante du milieu de diffusion. Dans notre cas
le laser émet dans l’air et la mesure de vitesse est effectuée dans l’eau. Par la loi de
λair
Descartes nair λair = neau λeau et nair sinθair = neau sinθeau et ainsi : df = 21 sin(θ air )
=
1 λeau
2 sin(θeau )
.

• L’indice de réfraction intervient dans la distance du point de convergence de façon


linéaire.

Cellule de Bragg Dans le descriptif précédent, la mesure ne donne pas d’information


sur le signe de uX . Cette indétermination est problématique dans le cas des écoulements
turbulents de moyenne nulle. Ce problème est résolu par l’adjonction d’une cellule de Bragg
à l’un des faisceaux qui crée un décalage en fréquence, généralement choisi à 40 ou 80 MHZ.
On crée ainsi un défilement des franges d’interférence. La fréquence Doppler mesurée est
maintenant : ∆fDoppler = U ( 2sin(θ)
λ
− ∆fBragg ). On fait ainsi disparaître l’indétermination.
4.2. MESURES EN SILLAGE PROCHE DE LA DARRIEUS 137

Figure 4.5 – Principe du montage LDV en rétro-diffusion

Ensemencement Les particules choisies pour les mesures dans la veine d’essais du LEGI
sont des billes de verre creuses de 10µm recouvertes d’une couche d’argent réfléchissante.
La quantité de particules est difficilement maîtrisable du fait de l’important volume d’eau,
et du phénomène de sédimentation qui intervient dans les zones de stabilisation. Il s’agit de
trouver un compromis qui donne le meilleur taux d’acquisition sans avoir de superposition
de particules dans le volume de mesure. La limitation est donc imposée par le temps de
transit de la particule dans le volume. Dans notre cas on a un volume de mesure de 2.10−4 m
et une vitesse moyenne de l’écoulement de 2, 3m/s. La vitesse d’acquisition maximale est
donc fmax = 10kHz. Suivant la zone de l’écoulement mesurée, on atteint effectivement des
fréquences de l’ordre de 2-3 kHz.

LDV 2 composantes Il est intéressant d’avoir accès à plusieurs composantes de la


vitesse afin de calculer des corrélations croisées (tenseur de Reynolds). Pour ce faire, on
peut utiliser un deuxième couple de faisceaux de longueur d’onde distincte. Ils sont situés
dans un plan orthogonal au premier couple. On peut ainsi mesurer les composantes de la
vitesse dans le plan orthogonal à la tête du laser.
138 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

Contraintes de la LDV L’application de la LDV est limitée à des écoulements trans-


parents, dans des dispositifs à parois transparentes. Comparativement à la technique de fil
chaud elle a l’avantage d’être non intrusive, mais la fréquence d’acquisition est limitée par
le passage des particules et l’échantillonnage aléatoire. Les zones de faibles vitesses sont
donc difficilement mesurables.

Le montage sur le tunnel hydrodynamique Le dispositif de mesure LDV choisi


est composé d’une tête laser émettant dans 2 longueurs d’onde (jaune et vert). Le laser
et la tête de réception sont intégrés dans un boîtier unique. Le photomultiplicateur est
séparé du laser et collecte la lumière par l’intermédiaire d’une fibre optique. Le système
est placé verticalement sous la veine sur un chariot de déplacement tridimensionnel, voir
figure 4.6. Le déplacement du chariot est automatisé et possède une précision de ±0.2mm.
Il permet d’accéder à la vitesse instantanée dans le plan horizontal jusqu’à une distance de
2,7 diamètres à l’aval de la turbine. Le logiciel de contrôle du chariot couplé à l’acquisition
permet de programmer la mesure sur des grilles de points.

Figure 4.6 – Le dispositif de mesure LDV est placée sous la veine d’essai, supporté par
un chariot de déplacement automatique
4.2. MESURES EN SILLAGE PROCHE DE LA DARRIEUS 139

On rappelle que la section de la veine de test de la boucle hydrodynamique du LEGI est de


dimension 0,25x0,7m pour une longueur de 1m. La pompe de recirculation permet de faire
varier la vitesse moyenne du fluide entre 1m/s et 2,3m/s. Cela correspond à un nombre
de Reynolds de pale compris entre 1, 7 105 et 5 105 . Le modèle réduit de turbine utilisé
est de la série Achard 10. Il compte 3 pales droites reliées au moyeu par des bras profilés
pour limiter les tourbillons de raccord. Le rapport de blocage vu par l’écoulement est égal
à ǫL = 4 au niveau latéral, et ǫV = 1, 43 sur la hauteur. L’étude numérique menée
dans toute la thèse est principalement 2D. Dans la configuration expérimentale normale,
l’espace entre les extrémités de pales et les parois horizontales permet le passage d’une
partie de l’écoulement. Les mesures en stéréo-PIV de Jonathan Bossard [31] ont montré
que l’écoulement est relativement 2D dans le rotor (la vitesse verticale est inférieure à
10% de la vitesse dans le plan XY jusqu’à 90% de l’envergure). Néanmoins, le cisaillement
vertical qui intervient dans le sillage apporte une contribution non négligeable à la diffusion
de quantité de mouvement. Afin de pouvoir comparer les résultats numériques aux données
expérimentales, il est indispensable d’avoir une situation relativement 2D. Pour ce faire, on
utilise une plaque de confinement horizontale d’une épaisseur de 70mm. Cette plaque se fixe
sur la paroi supérieure de la veine. Elle a été dessinée durant la thèse de V.Aumelas [32]. Le
nouvel entrefer du bout des pales aux parois est 2, 5mm. On obtient ainsi un confinement
vertical de ǫV = 1, 03. La force de trainée du modèle sera également plus proche de la force
calculée dans les simulations 2D.
L’intensité turbulente de l’écoulement d’entrée de la veine est mesurée à 1, 2%. Cela corres-
pond à un fluide très peu turbulent, par conséquent plutôt éloigné des conditions en milieu
naturel.
L’étude du sillage est limitée à un plan horizontal à partir de 0,5D après l’axe de rotation du
modèle réduit d’hydrolienne. On choisit le plan ’quart de pale’ situé à mi-distance entre les
bras et l’extrémité inférieure des pales. Le dispositif de la veine d’essais équipée de hublots
en PVC transparent permet de mesurer les vitesses jusqu’à 2,7D à l’aval de la turbine.

4.2.2 Grandeurs mesurées et calculées


La vitesse instantanée est mesurée sur une grille dans la région [0,5<X/D<2,5][-1<Y/D<1].
D
Un pas d’espace constant de ∆X = ∆Y = 40 = 8c est utilisé (avec c la corde du profil).
Il permet de se situer à une échelle de distance inférieure à la taille caractéristique des
tourbillons de décrochage dynamique lors de leur lâcher. A chaque point de mesure, on
enregistre 2000 événements sur chaque voie d’acquisition en non-coïncidence, c’est à dire
que la validation des événements est indépendante sur chaque composante. Cette mesure
permet d’établir une carte du champ de vitesse moyen dans le temps.
La mesure de vitesse instantanée donne accès aux données sur les propriétés turbulentes
140 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

de l’écoulement. La vitesse peut être décomposée de différentes manières. De façon simple,


on applique une décomposition basée sur la moyenne temporelle. Le signal est séparé en la
somme de sa moyenne temporelle et de sa partie turbulente :

u(t) = U + u′ (t) (4.8)

0.6 0.2

0.5

0.4 0.15

0.3

0.2 0.1

0.1

0 0.05

−0.1

−0.2 0

−0.3

−0.4 −0.05

−0.5

−0.6 −0.1

−0.7

−0.8
T T T −0.15
11 11.05 11.1 11.15 11.2 11.25 11.3 11.35 11.4 0 50 100 150 200 250 300 350 400

Temps aquisition

a ) v (m/s) b ) Ṽ (m/s)

Figure 4.7 – Moyennage de phase du signal brut

A partir de cette décomposition, on calcule les moyennes des termes diagonaux du tenseur
de Reynolds, u′2 et v ′2 . L’énergie cinétique turbulente k est donnée en 2D par la relation
suivante :
1
k = (u′2 + v ′2 ) (4.9)
2
Afin de calculer le moment croisé u′ v ′ (terme non diagonal du tenseur de Reynolds), les évé-
nements enregistrés en non-coïncidence doivent être reconstruits a posteriori. Pour chaque
événement sur U, on identifie la correspondance sur V. On fixe pour cela un critère sur
la date d’arrivée du signal lumineux de ±3.10−5 s ce qui est inférieur au temps de transit
minimum d’une particule dans le volume de contrôle. La reconstruction permet de garder
en moyenne la moitié des événements.
La résolution spatiale de la grille de mesure permet de calculer le taux de rotation et de
déformation du champ moyen, définis de la façon suivante :

∂U ∂V
S12 = ( + ) (4.10)
∂Y ∂X
4.2. MESURES EN SILLAGE PROCHE DE LA DARRIEUS 141

∂V ∂U
Ω12 = ( − ) (4.11)
∂X ∂Y
Le taux de production d’énergie cinétique turbulente k est défini comme le produit du
tenseur de Reynolds, et du gradient du champ moyen, par l’équation de conservation de
l’énergie cinétique turbulente (voir chapitre 2). C’est donc la contribution de quatre termes.
Pour un écoulement quasi-stationnaire comme dans notre cas, la contribution principale
provient de u′ v ′ ∂U
∂y
.
∂Ui
P rod = u′i u′j (4.12)
∂xj
Une seconde décomposition est appliquée. Elle est plus proche de la signification de la
décomposition de Reynolds et permet la comparaison avec les résultats du calcul RANS.
Elle est utile pour évaluer le poids des fluctuations périodiques sur l’énergie turbulente
totale. On définit alors la vitesse de perturbation Ũ .
u(t) = U + Ũ (t) + u′′ (t) (4.13)
Pour obtenir Ũ , on effectue une moyenne de phase du signal temporel en chaque point,
échantillonnée sur 30 intervalles. L’acquisition n’est pas synchronisée sur la position de la
turbine, en raison de l’échantillonnage aléatoire du signal. On décompose le signal brut en N
tronçons d’une durée égale à la période de rotation T (figure 4.7). Chaque tronçon est divisé
en P intervalles (ici P = 30). La valeur Ũ (i) est calculée en prenant la moyenne de tous
les événements appartenant au j e me intervalle de chaque tronçon. Cette décomposition
a l’avantage d’être simple et rapide pour un signal dont la périodicité est connue, par
rapport à un filtrage fréquentiel. On regarde seulement la fluctuation déterministe associée
au passage des pales et on élimine les autres. On peut voir sur le spectre de la vitesse
calculé dans la zone cisaillée pour deux points à différentes distances à l’aval (figure 4.8),
que la fréquence associée aux tourbillons évolue.
On peut alors calculer la variance de ce signal qui est représentative de l’énergie transportée
par les grandes structures vorticitaires, résolues en RANS. On note K̃ la moyenne de la
variance sur chaque composante. Pour avoir accès à l’énergie cinétique turbulente seule, on
utilise la formule (4.14). La contribution du terme de corrélation des deux fluctuations est
inférieure de 2 ordres de grandeur par rapport à k.

u′′2 = k − K̃ − u”Ũ (4.14)

4.2.3 Grandeurs moyennes dans le sillage proche


Les cartes des grandeurs cinétiques et turbulentes sont représentées sur les figures 4.9 (a à
f). Les axes représentent le plan de mesure pour une vitesse de rotation positive (dans le
142 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

Figure 4.8 – Spectre pris sur le signal brut non-réchantillonné

sens anti-horaire, celui pris dans les simulations). Le champ de vitesse (4.9.a) montre un
début de réalimentation rapide (à partir de X/D=1) marqué par l’élargissement des zones
cisaillées (4.9.b). Le déficit de vitesse le plus fort est obtenu aux environ de X/D = 1.
Deux zones sont marquées par une forte énergie cinétique turbulente (4.9.c et d) . Elles
correspondent aux couches de cisaillement, mais également à la trajectoire des tourbillons
lâchés périodiquement.
Le sillage global est fortement asymétrique. En bas, l’intensité de turbulence marque un
pic aux environs de X/D = 1, 5, puis diminue. En haut, elle démarre dans cette zone.
La figure 4.9.f présente l’énergie de structures cohérentes. Elle permet de comprendre la
dynamique des deux parties. On voit que dans la partie basse, des structures de forte
amplitude sont lâchées, et que l’énergie associée décroit rapidement. En haut, le passage de
structures intervient également, mais avec une intensité moindre. Ce phénomène est plus
fortement marqué sur la vitesse transverse v que sur la vitesse axiale u.
Le déséquilibre est attribuable à la différence d’intensité entre les deux lâchers de tourbillons
dans la turbine. La dynamique de production dans le sillage proche semble donc être
pilotée par la dislocation des structures cohérentes jusqu’à X/D=1,5-2 qui transmettent
leur énergie vers les plus petites échelles d’agitation. Ensuite le cisaillement dû au déficit
de vitesse devient prépondérant et on retrouve la symétrie au delà de X/D=2, avec un
niveau de production turbulente équivalent. Dans l’axe de la turbine le niveau d’intensité
turbulente est faible. L’augmentation de l’agitation turbulente à l’aval de la machine est
donc due en partie à la création des tourbillons, mais surtout au cisaillement entre le sillage
et l’extérieur (figure 4.9 c et d).
L’aspect instationnaire du sillage proche disparaît rapidement et joue seulement un rôle
4.2. MESURES EN SILLAGE PROCHE DE LA DARRIEUS 143

dans l’asymétrie du sillage au démarrage. On remarque que la force globale sur la machine
dans la direction Y entraîne un décalage de tout le sillage vers le bas. On peut conjecturer
que cette déviation peut amener des instabilités à plus grandes échelles.

a ) U (m/s) b ) S12 (1/s)

c ) u′′2 (m2 /s2 ) d ) v ′′2 (m2 /s2 )

e ) u′ v ′ (m2 /s2 ) f ) K (m2 /s2 )

Figure 4.9 – Carte des grandeurs cinétiques dans le plan horizontal XY au quart des
pales.
144 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

4.3 Comportement de différents modèles RANS pour la


simulation d’un profil cisaillé
La réalimentation dans le sillage illustrée par les mesures LDV est donc due à la diffusion de
quantité de mouvement entre la zone déficitaire et l’extérieur. La diffusion augmente avec
le niveau d’énergie cinétique turbulente produite par le cisaillement latéral et le passage
des tourbillons de décrochage dynamique.
Le modèle de turbulence RANS k − ǫ-Production-linéaire est une modification du k − ǫ
classique. Elle vient du constat que le terme de production a une dépendance au carré de la
vitesse de déformation du champ moyen dans la formulation classique. Ce nouveau modèle
impose une dépendance linéaire entre les deux termes. Il limite la production turbulente
dans les zones de très forts gradients.

Les conditions aux limites Dans un premier temps on veut s’affranchir de la produc-
tion turbulente induite par la présence de la turbine. On simule pour ce faire un écoulement
cisaillé dans un domaine de 30D*4D. On peut ainsi évaluer le comportement de différents
modèles RANS en présence d’un écoulement cisaillé. La condition d’entrée est un profil
défini par la condition (4.15) :
πy
U (y) = 0, 5 + 2sin2 ( ) (4.15)
4D
Pour les modèles RANS dans Code_Saturne, le taux de turbulence dans le fluide entrant
est réglé en imposant une valeur de l’intensité turbulente It et une valeur du diamètre hy-
draulique DH . Les valeurs de k et ǫ imposées à l’entrée sont déterminées selon les formules,
avec Cµ = 0, 09.
2
k = (It U0 )2 (4.16)
3
3/4
Cµ k 2/3
ǫ= (4.17)
0, 07DH
Le taux de dissipation est quant à lui inversement proportionnel à la longueur de mélange.
Plus la longueur de mélange est prise petite, plus la dissipation de l’énergie turbulente va
être importante. La distance entre l’entrée du domaine et la/les régions d’intérêt a donc
une influence sur la simulation, et notamment pour des valeurs de DH petite.
Ce profil donne des pentes de la vitesse axiale U dans la direction transverse moins impor-
tante que ce qui est constaté avec une turbine de façon expérimentale ou numérique. De ce
fait, on ne constate aucun phénomène instable. Néanmoins, il permet de regarder le phéno-
4.4. ETUDE NUMÉRIQUE DU SILLAGE EN MAILLAGE ROTATIF 145

1 5e−01

4.5e−01
0.9
4e−01

0.8 3.5e−01

3e−01
0.7
2.5e−01
0.6
2e−01

0.5 1.5e−01

1e−01
0.4
5e−02

0.3 0e00
0 5 10 15 20 25 30 35 0 5 10 15 20 25 30 35

(a) (b)

Figure 4.10 – Vitesse minimale dans l’axe de symétrie du maillage en fonction des modèles

mène de mélange, uniquement via la diffusion de quantité de mouvement, proportionnelle


à la viscosité turbulente.
La figure 4.10.a illustre la vitesse de mélange en fonction de la distance à l’entrée, en
donnant la vitesse minimale dans l’axe de symétrie. On constate un grande différence
de vitesse de récupération en fonction de l’intensité turbulente en entrée. La pente de la
vitesse en fonction de la distance à l’entrée semble être globalement conservée pour un
même modèle en fonction de It , et varie d’un modèle à l’autre. A It = 0, 8% et 8%, on
remarque une diffusion plus rapide avec le modèle kω−SST qu’avec les deux autres modèles
testés. Le modèle k − ǫ Production linéaire impose une dépendance linéaire du terme de
production au taux de déformation moyen. Il produit moins d’énergie k que les deux autres
modèles mais on peut voir sur le cas à It = 25% qu’il dissipe également cette énergie moins
rapidement. A It = 25%, les trois courbes sont confondues. L’écoulement cisaillé participe
à la production de la turbulence. L’influence de la turbulence d’entrée est d’accélérer le
démarrage de la réalimentation en augmentant la viscosité turbulente de l’écoulement.

4.4 Etude numérique du sillage en maillage rotatif


4.4.1 Paramètre de l’étude
Dans la première partie de la thèse, le calcul U-RANS de l’hydrolienne avec maillage rotatif
est validé au niveau de la dynamique tourbillonnaire dans l’environnement des pales, ainsi
146 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

que sur les efforts, bien qu’il ne soit pas trivial de comparer un calcul 2D à des mesures
3D. Les résultats obtenus sur la vitesse dans le rotor et le confinement servent à construire
le modèle de disque d’action empirique pour la Darrieus. Comme évoqué précédemment,
il n’existe pas de référence de comparaison pour le sillage de la turbine Darrieus dans le
sillage proche ou lointain. La simulation complète a pour but de servir de référence à la
construction du modèle simple. Dans la perspective d’introduire dans les modélisations
des valeurs de turbulence élevées couramment rencontrées en milieux naturels, on présente
ci-après une étude paramétrique des deux modèles (v 2 −f et kω −SST ) sur une large plage
de niveaux de turbulence amont. On étudiera successivement le cas complet rotor-stator
et le cas du modèle d’équivalence.
Le maillage du rotor dont le bon comportement vis-à-vis des détachements de couche limite
a été montré par les comparaisons expérimentales, est utilisé tout au long de cette partie
[33]. Plusieurs maillages pour la partie stator sont construits. L’objectif de cette étude
étant d’observer le rétablissement naturel de la vitesse dans le sillage, il est choisi de ne
pas agrandir les mailles près de la sortie pour ne pas dissiper artificiellement les structures.

1. Dans un premier temps, le maillage de la veine relativement fin dans le sillage est


conservé. Il s’étend à 3,5 diamètres à l’aval du rotor. Il nous permet ici d’étudier
l’évolution de la puissance, et de comprendre les phénomènes mis en jeu en regardant
les coefficients de force sur une pale.

2. Un second maillage étendu jusqu’à 15 diamètres est construit. Il est destiné à sur-
veiller l’évolution des structures cohérentes, dans le but de comprendre les phéno-
mènes d’instabilités observées. La taille de maille maximale d’environ ∆X = ∆Y =
D/40.

3. La troisième partie a pour objectif d’observer le processus complet de réalimentation


du sillage de l’hydrolienne. Le domaine est cette fois étendu à 30 diamètres à l’aval
du rotor. Afin de limiter le temps de calcul un maillage plus grossier a été réalisé. La
taille de maille maximale est de ∆X = ∆Y = D/10.

4.4.2 Influence de la turbulence ambiante sur les performances


Pour chacun des deux modèles de turbulence RANS bas-Reynolds, la turbine en 2D est
simulée au paramètre d’avance optimum (λ = 2). Les paramètres de turbulence utilisés
dans la phase de validation du calcul de l’hydrolienne avec Code_Saturne reprennent ceux
utilisés par Ervin Amet dans les simulations Fluent [34]. Ils étaient choisis pour reproduire
les conditions de la veine d’essai. L’intensité turbulente mesurée après la stabilisation du
sillage est inférieure à 1%. Le diamètre hydraulique est fixé à DH = 0, 032m, la valeur de
4.4. ETUDE NUMÉRIQUE DU SILLAGE EN MAILLAGE ROTATIF 147

0.8 0.8

0.7 0.7

0.6 0.6

0.5 0.5

0.4 0.4

0.3 0.3

0.2 0.2

0.1 0.1

0 0

−0.1 −0.1

−0.2 −0.2
0 50 100 150 200 250 300 350 400 0 50 100 150 200 250 300 350 400

a) b)

1 1

0.9 0.9

0.8 0.8

0.7 0.7

0.6 0.6

0.5 0.5

0.4 0.4

0.3 0.3

0.2 0.2

0.1 0.1

0 0

−0.1 −0.1

−0.2 −0.2
−40 −30 −20 −10 0 10 20 30 40 −40 −30 −20 −10 0 10 20 30 40

c) d)

1 1

0.9 0.9

0.8 0.8

0.7 0.7

0.6 0.6

0.5 0.5

0.4 0.4

0.3 0.3

0.2 0.2

0.1 0.1

0 0

−0.1 −0.1

−0.2 −0.2
−40 −30 −20 −10 0 10 20 30 40 −40 −30 −20 −10 0 10 20 30 40

e) f)

Figure 4.11 – Colonne de gauche modèle kω − SST , droite v 2 − f . (a,b) CP sur une pale,
(c,d) CL projeté sur la tangente au cercle de rotation (force motrice), (e,f) CD projeté
(force résistante)
148 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

0.8 0.8

0.7 0.7

0.6 0.6

0.5 0.5

0.4 0.4

0.3 0.3

0.2 0.2

0.1 0.1

0 0

−0.1 −0.1

−0.2 −0.2
0 50 100 150 200 250 300 350 400 0 50 100 150 200 250 300 350 400

Figure 4.12 – Coefficient de puissance sur une pale, sur un tour, séparation des forces
totales (traits pleins) et des forces de pression (marqueurs). Gauche kω − SST , droite
v2 − f

la corde. Cette valeur faible entraîne suffisamment de dissipation à l’amont pour n’avoir
pratiquement pas de turbulence en entrée de turbine. Pour cette nouvelle étude le diamètre
hydraulique est modifié. On utilise la nouvelle valeur DH = 0, 36m qui correspond au
diamètre hydraulique de la section de la veine d’essai. L’intensité turbulente prend les
valeurs It = 0, 8; 8; 25%.
La puissance moyenne sur les trois pales en fonction du modèle et des paramètres d’en-
trée est reportée dans le tableau 4.1. On remarque tout d’abord que pour un diamètre
hydraulique faible, la valeur de k en entrée du calcul a peu d’influence sur les résultats. On
constate en effet une chute rapide de k entre l’entrée et la zone du rotor. Les pales voient
alors un écoulement avec une viscosité turbulente qui varie peu avec It . L’effet est plus
important pour une valeur de DH = 0, 36m. On constate un évolution opposée selon les
deux modèles : le CP moyen diminue fortement en v 2 −f alors qu’il augmente en kω −SST .
Afin de comprendre la différence observée sur la puissance, on s’intéresse à la puissance sur
une pale, mais également aux coefficients de portance et de trainée en fonction de l’incidence
de la pale. Les figures 4.11.a) et b) présentent le coefficient de puissance récupérée sur une
pale en fonction de la position angulaire. En modèle kω − SST , l’influence de l’intensité
turbulente en entrée est vue pour Dh = 0.36m à partir de It = 8%. Elle provoque une
augmentation du pic principal, en retardant la chute du couple. Le couple est le même
dans la zone θ = 0 − 80◦ . Dans la partie descendante, il est augmenté de 10 − 20% pour
It = 25% et la valeur minimum est plus élevée. L’augmentation est également vue dans la
deuxième zone motrice mais de façon moindre. En modèle v 2 −f , l’effet de la turbulence est
4.4. ETUDE NUMÉRIQUE DU SILLAGE EN MAILLAGE ROTATIF 149

CP 3 pales IT (%)
modèle DH (m) 0,8 8 25
v2 − f 0,032 0,53 0,47 0,42
0,36 0,42 0,27 0,16
kω − SST 0,032 0,31 0,32 0,35
0,36 0,31 0,36 0,47

Table 4.1 – Coefficient de puissance moyen pour la turbine, calculé sur un tour après 20
tours de convergence. On remarque l’influence opposée de l’intensité turbulente pour les
deux modèles kω − SST et v 2 − f .

très différent. L’amplitude du premier pic est drastiquement diminuée sur l’ensemble de la
rotation. Cette diminution se constate également à DH = 0, 032. Les figures 4.11 c,d) et e,f)
présentent respectivement les coefficients de portance et de trainée, projetés sur la tangente
au cercle de rotation. Ces grandeurs représentent la contribution motrice ou résistante pour
la machine. Concernant les coefficients de portance, l’influence de It est faible. Elle montre
une légère diminution de la portance maximale dans la zone motrice amont pour les deux
modèles. Une amélioration d’un facteur 3 du CL est constatée en modèle kω − SST dans
la deuxième phase du fait qu’on ne constate pas de deuxième décrochage.
L’effet de l’augmentation de l’intensité turbulente est surtout remarqué sur le coefficient
de trainée résistante. En modèle kω − SST , le calcul à faible intensité turbulente montre
une augmentation brusque du coefficient de trainée à α ≈ 25◦ pour It = 0, 8% et 8%,
qui n’apparaît pas à It = 25%. Le modèle v 2 − f montre une augmentation globale du
coefficient de trainée. La différence est attribuable en partie à la répartition du couple
entre les forces de pression, des contraintes visqueuses et turbulentes. On peut voir sur la
figure 4.12 le couple sur une pale dû aux forces de pression et la contribution totale. On
remarque que les efforts de trainée visqueuse sont négligeables en modèle kω − SST , alors
qu’elle impose une diminution significative du couple en modèle v 2 − f . De plus, la part de
la trainée visqueuse augmente avec l’intensité turbulente.
Le champ de vorticité autour de la pale est représenté pour les deux modèle de turbulence
pour deux positions angulaires sur la figure 4.13. La dynamique du décrochage en fonction
de It est très similaire en modèle v 2 − f , avec une intensité de la circulation plus forte à
It = 0, 8% et un décrochage qui semble intervenir légèrement plus tôt. En modèle kω −
SST , l’augmentation de la turbulence fait que le décrochage dynamique est retardé. Le
tourbillon de bord d’attaque reste accroché plus longtemps au profil, ce qui prolonge la
phase motrice. De plus, l’intensité du tourbillon est beaucoup plus forte avec le modèle
kω − SST . Néanmoins, dans ce cas l’écoulement montre la formation d’un tourbillon en
150 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

sens contraire entre le tourbillon principal et le bord d’attaque. Ce phénomène n’est pas
rapporté dans les différentes observations expérimentales.

4.4.3 Transport des structures tourbillonnaires


Dans un domaine qui s’étend jusqu’à 15D, on s’intéresse au transport des structures tour-
billonnaires issues du décrochage dynamique sur les pales. Un maillage fin est choisi pour
limiter la dissipation numérique engendrée par de trop grosses mailles. Les contours des
iso-valeurs de la composante verticale du taux de rotation sont tracés dans le sillage sur
la figure 4.14. Cette grandeur représente l’intensité des structures vorticitaires lâchées par
la turbine. On remarque que les tourbillons qui proviennent du décrochage dynamique qui
suit la première phase motrice, Y < 0, (voir chap.2) sont d’une intensité plus forte que les
tourbillons détachés de l’extrados, Y > 0. La différence de transport entre les deux modèles
est marquée. Le modèle kω − SST dissipe les tourbillons rapidement. Avec l’échelle choisie
ici, ils ne sont plus marqués après X/D = 2. La simulation v 2 − f montre une empreinte
de ces structures jusqu’à X/D = 6 environ, suite à quoi l’instationnarité du sillage crée de
nouvelles structures à plus grande échelle.
La modélisation proche paroi du kω − SST génère des structures tourbillonnaires plus
intenses lors du décrochage dynamique. Loin des parois le modèle k − ǫ est utilisé, ce qui
conduit à une diffusion plus importante dans les zones de cisaillement. Elle entraîne une
disparition rapide des tourbillons. Le modèle v 2 − f est conçu pour limiter production
turbulente dans les zones de fort gradient que l’on observe avec le modèle k − ǫ classique.
On constate que cette modification est efficace près des parois, mais sous-estime la diffusion
dans l’écoulement libre, des grandes échelles vers les petites.

4.4.4 Effet de déstabilisation du sillage - meandering


Le phénomène d’instabilité du sillage à grande échelle, évoqué par la littérature, est constaté
dans les simulations complètes, et ce quelque soit la distance à la sortie (15 ou 30D), ou
le raffinement du maillage utilisé. On rappelle que Medici [16] constate un démarrage des
instabilités pour les grandes valeurs du coefficient de trainée, c’est à dire pour des valeurs
CT = 0, 8 − 0, 9. Pour la turbine Darrieus, ce coefficient est plus important en raison des
deux zones, amont et aval qui participent fortement à la trainée. On est donc toujours
dans une situation où ce coefficient est supérieur à l’unité. On illustre le mouvement de
battement de la zone déficitaire de vitesse en traçant les contours des isovaleurs de la vitesse
transverse à un instant donné (voir figure 4.15) pour le calcul en modèle v 2 − f à It = 0.8%
et kω − SST aux trois valeurs de l’intensité turbulente. On constate que l’intensité des
fluctuations décroit quand la valeur moyenne de k augmente. Le phénomène prend ici
4.4. ETUDE NUMÉRIQUE DU SILLAGE EN MAILLAGE ROTATIF 151

θ = 110◦

It = 0, 8%

It = 25%

θ = 150◦

It = 0, 8%

It = 25%
kω − SST v2 − f

Figure 4.13 – Champ de vorticité autour de la pale, colonne de gauche, modèle kω −SST ,
droite, v 2 − f
152 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

Figure 4.14 – Contour des isovaleurs du taux de rotation dans les sillages des simulations
en modèle v 2 − f (haut) et kω − SST (bas)

place dans un domaine relativement confiné (L/D = 4). A titre d’exemple, un maillage de
largeur L/D = 20 est construit pour simuler une hydrolienne en milieu quasi-infini. On
choisit le modèle kω − SST qui permet de faire converger les calculs plus rapidement avec
une intensité d’entrée de 0, 8%. Le champ de vitesse transverse est tracé sur la figure 4.16.
On observe des fluctuations plus fortes que pour les mêmes paramètres en domaine confiné,
ainsi qu’un élargissement du sillage.
L’instabilité augmente en intensité quand l’énergie turbulente ambiante diminue. Une ex-
plication probable à cet effet est la nature instable des couches de mélange. Les faibles
valeurs de l’énergie cinétique turbulente limitent la diffusion turbulente, ce qui prolonge
l’existence de cet équilibre entre la zone déficitaire, et l’écoulement contournant. Pour le
cas de la figure 4.15.d, on observe des recirculations d’un ordre de grandeur du diamètre de
la turbine. Dans les autres cas, aucune recirculation n’est constatée mais uniquement un
mouvement transverse. Pour la simulation v 2 − f , le phénomène ressemble à une instabilité
4.4. ETUDE NUMÉRIQUE DU SILLAGE EN MAILLAGE ROTATIF 153

a)

b)

c)

d)

Figure 4.15 – Le champ de vitesse transverse instantanée dans le sillage est révélateur
de l’instabilité de l’écoulement qui diminue avec l’intensité turbulente ambiante. a,b,c)
kω − SST , respectivement It = 0, 8; 8; 25%, d) v 2 − f , It = 0, 8%
154 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

de Kelvin-Helmholtz, avec la formation de recirculations dans chaque zone cisaillée, qui


interagissent ensuite. Dans le cas du modèle kω − SST les oscillations sont explicables
par l’effet de la force latérale apportée par la turbine qui crée un déséquilibre de pression
entre les deux côté du sillage et induit l’instabilité. Cette explication permet également de
comprendre la plus grande amplitude constatée en milieu infini.

Figure 4.16 – Champ de vitesse transverse de la turbine en milieu infini pour It = 0.8%
avec le modèle de turbulence kω − SST

4.4.5 Influence de la turbulence ambiante sur le sillage


La simulation en modèle de turbulence v 2 − f demande un pas de temps plus petit que
le modèle kω − SST . Pour cette raison, une seule simulation a été menée jusqu’à 100
tours avec le maillage étendu à 30 diamètres dans le sillage. Contrairement aux calculs
en modèle kω − SST , qui se stabilisent à partir de 40/50 tours environ, la simulation
v 2 − f avec It = 0, 8% reste instable, avec un fort battement à partir de 5 diamètres après
le rotor environ. On compare les deux modèles dans le sillage proche pour comprendre
quelle différence à ce niveau entraîne la différence à grande échelle. La figure 4.17 com-
pare des profils transversaux pour les deux simulations pour les grandeurs cinétiques et
turbulentes. Entre X/D=1 et 2,5 à l’aval, les deux modèles présentent des profils de vitesse
assez similaires, bien que l’on remarque une asymétrie en modèle v 2 − f explicable par la
présence des structures cohérentes du lâcher tourbillonnaire amont (figure 4.17.a). En ce
qui concerne l’énergie cinétique turbulente, elle est représentée ici en deux parties. L’éner-
gie cinétique turbulente k est modélisée dans les simulations RANS comme une grandeur
scalaire produite par la déformation du champ moyen. Une seconde énergie cinétique de
fluctuation est calculée à partir des fluctuations de la vitesse résolue (champ moyen) que
l’on note K = (U (t) − U )2 . L’énergie modélisée k sert à calculer la viscosité turbulente
4.4. ETUDE NUMÉRIQUE DU SILLAGE EN MAILLAGE ROTATIF 155

1.4 0.18
1.3
0.16
1.2
1.1 0.14
1
0.12
0.9
0.8 0.1
0.7
0.6 0.08

0.5
0.06
0.4
0.3 0.04
0.2
0.02
0.1
0 0
−1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 −1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

a) b)
2 0.06

1.8 0.055

0.05
1.6
0.045
1.4
0.04
1.2 0.035

1 0.03

0.8 0.025

0.02
0.6
0.015
0.4
0.01
0.2 0.005

0 0
−1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 −1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

c) d)

Figure 4.17 – Sillage proche comparés pour les modèles kω − SST et v 2 − f . La produc-
tion turbulente dans le sillage proche est largement différente entre les deux modèles de
turbulence v 2 −f et kω −SST . De plus, on remarque que le kω −SST dissipe les structures
cohérentes (c), illustrée par la variance du champ moyen (d), de façon plus rapide.
156 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

par la formule (4.18). Cette grandeur augmente la viscosité apparente de l’écoulement. Elle
représente un coefficient de diffusion de la quantité de mouvement.
k2
µt = C µ (4.18)
ǫ
La seconde est révélatrice des grandes structures déterministes qui provoquent une pertur-
bation du champ moyen. Dans notre cas, elle est importante dans les zones de transport
des vortex et lors du battement du tube de courant. La comparaison des deux modèles
montre un comportement opposé par rapport à ces grandeurs. Comme évoqué plus tôt le
modèle kω − SST dissipe les structures cohérentes rapidement, leur énergie se retrouve
dans l’énergie cinétique turbulente k (figure 4.17.a). Le niveau de k continue d’augmenter
pour être multiplié par 4 à X/D = 2, 5. Cette augmentation est attribuable à la fin de
la dissipation des tourbillons et aux forts gradients entre la partie déficitaire du sillage et
l’extérieur. La viscosité turbulente augmente de la même façon. Elle atteint le même ordre
de grandeurs que la viscosité dynamique. En modèle v 2 − f , la partie résolue de l’énergie
décroit jusqu’à une valeur comparable à celle de k après 2,5 diamètres. On peut voir sur
la figure 4.18 la valeur minimale du champ de vitesse moyen, en fonction de la distance au
rotor, pour différentes intensités turbulentes. On remarque que le calcul v 2 − f ne présente
pas de récupération de la vitesse dans un premier temps. Du fait de la faible viscosité
apparente, il y a peu de diffusion de la quantité de mouvement. Le fort gradient de vitesse
latéral se conserve donc sur quelques diamètres ce qui déclenche l’instabilité. Elle est res-
ponsable d’un mélange rapide dans la zone X/D = 6 − 10. Après 10 diamètres la vitesse
minimum montre un palier à ≈ 75% de la vitesse amont. L’augmentation du minimum de
la vitesse moyenne est attribuable au mélange par les grandes structures et non pas à une
diffusion de quantité de mouvement. La sur-dissipation du modèle v 2 − f dans le sillage
impose un sillage non-diffusif.
On rappelle que les calculs montrent une faible influence de l’intensité turbulente sur les
efforts pour DH = 0, 032 en raison de la dissipation rapide de k avant le rotor. Dans le
sillage, cette influence est également faible comme le montre la figure 4.18. Pour cette
raison, on réduira par la suite notre analyse au seul paramètre sur l’intensité turbulente
en prenant DH = 0, 36. Les figures 4.19 présentent la vitesse minimum (a) et la valeur
moyenne de k, K et µt dans le sillage de l’hydrolienne pour les trois intensités turbulentes
en modèle kω−SST . Elles servent à analyser et comprendre les différences dans la longueur
de réalimentation.
Pour It = 0, 8%, le niveau de turbulence est beaucoup plus bas à la sortie du rotor. La
différence d’intensité turbulente n’est pas compensée par la présence de la turbine. Le
niveau de turbulence atteinte à 15D est donc entièrement du à la production dans les zones
cisaillées.
4.4. ETUDE NUMÉRIQUE DU SILLAGE EN MAILLAGE ROTATIF 157

0.9

0.8

0.7

0.6

0.5

0.4

0.3

0.2

0.1
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30

Figure 4.18 – Vitesse relative minimale dans le sillage, et longueur de récupération

En observant la vitesse moyenne en fonction de la distance au rotor, les 3 intensités tur-


bulentes discutées ici montrent un allure similaire, avec un décalage en abscisse pour les
intensités d’entrée 0, 8% et 8%. On peut noter toutefois que la pente à 0, 8% est légèrement
plus élevée. L’interprétation proposée est que la réalimentation démarre à partir d’une
valeur minimale de la viscosité turbulente qui permet un transfert de la quantité de mou-
vement vers l’intérieur du sillage. De plus, le mélange par les grandes structures accélère
la réalimentation ce qui explique la différence de pente observée.

4.4.6 Bilan sur la simulation géométrie complète


Cette partie a mis en avant les différences des deux modèles de turbulence bas-Reynolds
kω − SST et v 2 − f quant au mélange turbulent de l’hydrolienne. Compte tenu de l’écart
observé entre les différentes simulations, il n’est pas aisé de considérer le calcul “complet”
comme résultat de référence pour le calage du modèle simplifié. Certains résultats sont
néanmoins intéressants :

◦ La forte trainée caractéristique de la turbine Darrieus crée un sillage long (récupéra-


tion après 20D). De plus, la distance pour obtenir un déficit inférieur à 10% est peu
dépendante de l’intensité en entrée du calcul. Il est néanmoins important de garder
158 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

1 4

0.9 3.5

0.8
3

0.7
2.5
0.6
2
0.5
1.5
0.4

1
0.3

0.2 0.5

0.1 0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30

a) b)

0.6 8

0.55
7
0.5

0.45 6

0.4
5
0.35

0.3 4

0.25
3
0.2

0.15 2

0.1
1
0.05

0 0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30

c) d)

Figure 4.19 – Vitesse relative et énergie cinétique turbulente modélisée dans le sillage de
la Darrieus simulée en modèle kω − SST - influence de la turbulence l’inlet
4.5. ETUDE DU SILLAGE PAR LES MÉTHODES DES TERMES SOURCES 159

à l’esprit que les simulations sont en 2D. En 3 dimensions, la longueur du sillage sera
plus courte, en raison de la diffusion de quantité de mouvement par les frontières
supérieures et inférieures.

◦ Une instabilité de la zone en déficit de vitesse apparaît lorsque que l’intensité du


cisaillement est maintenue. Dans un cas elle est similaire à une instabilité de Kelvin-
Helmholtz (modèle v 2 − f ), dans l’autre cas elle s’apparente à une instabilité de
jet.

◦ L’augmentation de l’intensité turbulente stabilise le sillage en diffusant la quantité


de mouvement plus rapidement.

◦ Le phénomène de battement participe de façon brutale au phénomène de mélange


dans le sillage. Néanmoins, il semble être assez dépendant des paramètres numériques,
et le lien direct entre des valeurs absolues réalistes de l’intensité turbulente en entrée
et le déclenchement de l’instabilité semble délicat.

◦ Quelque soit le niveau de turbulence à la sortie du rotor, la réalimentation semble


être pilotée par les phénomènes propres au sillage lointain (profil cisaillé). Le taux de
turbulence ambiant a un effet sur la transition sillage proche/lointain. La production
turbulente dans la turbine ne participe que peu au mélange global.

4.5 Etude du sillage par les méthodes des termes sources


Cette section est consacrée à l’impact du modèle simplifié sur l’écoulement, et le phé-
nomène de mélange. Nous cherchons à comprendre l’influence des différents paramètres
plutôt qu’à caler une longueur de réalimentation, en l’absence de référence, mais également
à déterminer la validité des modèles par perte de charge pour la simulation des sillages.

4.5.1 Réponse du modèle itératif à l’intensité turbulente


Les différences de production de k par le seul cisaillement du profil de vitesse ont été
illustrées par la simulation d’un profil seul. Le modèle kω − SST donne une valeur de
l’énergie cinétique turbulente plus élevée que les deux autres modèles choisis. Cela a pour
conséquence une diffusion plus rapide de la quantité de mouvement dans le sillage.
La présence d’un puits de quantité de mouvement qui simule l’action de la turbine dans
l’écoulement crée des zones fortement cisaillées qui sont le siège d’une production turbulente
importante. On compare de nouveau les trois modèles à différents It . On veut savoir quel
160 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

0.9

0.8

0.7

0.6

0.5

0.4

0.3

0.2

0.1

−0.1

−0.2
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30
X

Figure 4.20 – Vitesse minimale dans le sillage en fonction de la distance à l’axe de la


turbine, simulé avec le modèle de perte de charge

impact a cette nouvelle zone de production. On impose une nouvelle forme à la distribution
de charge, qui permet une convergence plus rapide du modèle d’équivalence. La nouvelle
fonction de forme conserve les deux zones de travail amont et aval, mais impose maintenant
une force de trainée constante dans la direction Y, non nulle pour −0, 3 < ycell /D < 0, 3.
L’augmentation de la turbulence a un effet direct sur le fonctionnement du modèle. La
diffusion accélérée de quantité de mouvement provoque une réalimentation précoce de la
vitesse interne, comme on peut le voir sur la figure 4.22. L’effet de blocage est donc diminué,
ce qui améliore le CP donné par le modèle itératif. Le modèle donne une puissance et une
trainée qui augmente avec l’intensité turbulente. Les résultats obtenus en modèle kω −SST
sont donnés ci-dessous ; pour respectivement It = [0, 8; 8; 25] :

CP = [0, 46; 0, 49, 0, 54] et CT = [1, 27; 1, 33; 1, 40] (4.19)

La vitesse minimum dans le sillage en fonction de la distance au rotor est tracée sur
la figure 4.20. On constate ici encore une augmentation de la vitesse de réalimentation
lorsque la turbulence augmente. Néanmoins cette influence est moins marquée que dans
la situation sans turbine pour lequel le cisaillement est plus faible. La différence entre les
modèles est également non négligeable, avec un écart de 10% sur la vitesse axiale à 15D.
On constate une différence beaucoup moins importante entre les différents niveaux de
turbulence que dans le cas cisaillé simple. On a vu dans le cas du calcul sans turbine que
4.5. ETUDE DU SILLAGE PAR LES MÉTHODES DES TERMES SOURCES 161

8e−02

7e−02

6e−02

5e−02

4e−02

3e−02

2e−02

1e−02

0e00
0 5 10 15 20 25 30

Figure 4.21 – Energie cinétique turbulente k moyenne sur la veine dans le sillage du
modèle de turbine

la dissipation de k est la même pour les différents modèles jusqu’à 4 diamètres. Le niveau
de turbulence au niveau de la turbine est donc le même entre les modèles de turbulence.
Les résultats intéressants que l’on peut tirer des profils présentés sur la figure 4.21 sont les
suivants : premièrement, le modèle kω − SST produit plus d’énergie cinétique turbulente
que les deux autres modèles, conçus pour limiter la production trop importante du modèle
k − ǫ de base. L’augmentation de l’énergie cinétique turbulente commence dans le rotor. Ce
qui n’est pas montré par la simulation complète ou les mesures LDV. Le modèle k − ǫ-PL
limite la production dans le zone très cisaillée des termes sources mais dissipe cette énergie
moins vite que le modèle v 2 −f . Une augmentation de la turbulence ambiante compense les
différences. La vitesse de réalimentation est en effet la même à It = 25%. Troisièmement,
le taux de turbulence après 25 diamètres est le même dans les 9 simulations.

4.5.2 Influence de la fonction de la répartition des termes sources


La revue bibliographique effectuée au début de ce chapitre a mis en évidence l’importance
de la répartition spatiale des termes puits de quantité de mouvement dans la zone qui
représente la turbine. Le modèle proposé dans le présent travail applique une répartition
de ces forces sur un disque, et donc une zone étendue dans la direction de l’écoulement.
La construction du modèle et la validation ont montré qu’il était préférable de choisir
162 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

Figure 4.22 – Champ de vitesse dans la zone des termes sources en modèle kω − SST en
fonction de l’intensité turbulente

une répartition en deux zones, permettant d’obtenir une vitesse moyenne dans la machine
correcte pour toute la plage de vitesse de rotation. L’influence de la répartition des forces
est mise en évidence dans cette partie. On compare trois répartitions :

1. La répartition de forces gaussienne décrite en détail au chapitre précédent. La force de


trainée est séparée en deux zones, centrées à X = ±R. Dans la direction latérale, une
fonction gaussienne assure une transition graduelle avec l’écoulement libre. Cette
répartition est initialement choisie en suivant la répartition de la force de trainée
calculée en maillage rotatif. (repGaussienne)

2. Une seconde répartition en deux zones qui impose une force constante dans la direc-
tion transverse. Le terme source est nul pour |Y | > 5R/8 (rep.Const.Y)

3. Une répartition constante dans les deux directions. Le terme source est constant dans
la zone [|X| < R, |Y | < 5R/8] (rep.Uniforme).

Ces répartitions permettent d’obtenir une puissance et une force de trainée identiques avec
le schéma itératif de la méthode, pour un modèle de turbulence donné. Les trois précédentes
solutions sont utilisées pour simuler la turbine avec le modèle de turbulence v 2 −f . La vitesse
de réalimentation est très similaire avec les répartition 2 et 3, comme on peut le voir sur la
figure 4.23.a. La production turbulente plus importante dans ces deux cas stabilise le calcul
(figure 4.23.b), par contre le niveau de fluctuation résolue est très faible. La répartition 1
entraîne une instationnarité plus importante du sillage, qui apparaît dès l’aval immédiat
de la turbine (figure 4.24). Le démarrage de récupération du sillage suit les cas 1 et 2, mais
4.5. ETUDE DU SILLAGE PAR LES MÉTHODES DES TERMES SOURCES 163

0.9 0.04

0.8
0.035
0.7
0.03
0.6
0.025
0.5

0.4 0.02

0.3
0.015
0.2
0.01
0.1
0.005
0

−0.1 0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30

a) b)

Figure 4.23 – Influence de la répartition des termes sources

l’on constate un infléchissement de la vitesse de récupération. Il correspond à la distance à


laquelle l’énergie de la partie résolue (K) devient négligeable. La décroissance de K est en
effet plus rapide que celle de k. Pour le modèle simplifié, on constate que les fluctuations
du champ moyen sont plus fortes juste après la turbine (X=2D). Elle s’apparente à une
instabilité de battement du sillage, sans la présence des recirculations. A faible intensité
turbulente, ces oscillations sont visibles sur la vitesse moyenne à l’intérieur la zone des
termes sources. Elles ont donc un effet important sur la convergence du calcul itératif de
la puissance.
On se propose d’implémenter la modification sur les équations du modèle k − ǫ proposée
par Réthoré et al. décrite au début du chapitre. Les paramètres sont choisis identiques. Le
terme source est distribué de façon uniforme sur le disque. Pour les termes de quantité de
mouvement, la distribution numéro 2 est utilisée. On peut voir sur la figure 4.25 que la
modification a un effet opposé à celui décrit par les auteurs. Pour les trois intensité tur-
bulente, les courbes avec marqueurs représente les résultats avec la modification. L’énergie
turbulente à la sortie du modèle est augmentée. Cette augmentation est plus importante
quand l’énergie turbulente ambiante est faible. Le second terme de Sk est proportionnel
à k alors que le premier ne dépend que de Uint . Le terme représentatif de l’énergie trans-
mise vers l’agitation turbulente, a une contribution positive sur la valeur de k a donc une
influence plus grande que le second, qui tend à faire diminuer k.
164 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

0.016

0.014

0.012

0.01

0.008

0.006

0.004

0.002

0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30

Figure 4.24 – Influence de la répartition des termes sources

1 0.4

0.9
0.35
0.8

0.7 0.3

0.6
0.25
0.5

0.4 0.2

0.3
0.15
0.2

0.1 0.1

0
0.05
−0.1

−0.2 0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30

Figure 4.25 – Effet de l’ajout des termes sources d’énergie turbulente et de dissipation
sur le sillage proposés par Rhétoré et al. [29]
4.6. COMPARAISON DES SILLAGES PROCHES 165

4.6 Comparaison des sillages proches


La comparaison des différents résultats dans le sillage est délicate. Les résultats sont assez
différents suivant les paramètres. On choisit de comparer dans le sillage proche, les don-
nées expérimentales, les deux simulations en maillage rotatif, le modèle avec le modèle de
turbulence RANS kω − SST et k − ǫ-PL. Pour les simulations numériques, on choisit une
intensité turbulente d’entrée de It = 0, 8%, qui correspond au cas expérimental.
La vitesse à X/D=1 est globalement bien reproduite par les simulations complètes en géo-
métrie complète (figure 4.26.a). Le modèle simplifié surestime le déficit de vitesse, surtout
pour le modèle kω − SST . La courbe expérimentale montre une zone de vitesse plate vers
20% de la vitesse amont entourée par des gradients très forts. Le démarrage de la diffusion
à 2,5D qui est visible par une asymétrie du sillage mesuré est une diminution des pentes
est également constaté en sliding avec kω − SST et pour les deux modèles de turbulence
en modèle simplifié. En modèle v 2 − f le déficit reste constant. En ce qui concerne l’énergie
cinétique turbulente, le modèle simplifié en kω − SST surestime la valeur de k produite
dans le rotor, ce qui donne un écoulement très turbulent dès X=1D. La limitation de la
production dans la zone des termes source par le k − ǫ-PL montre des valeurs de k plus
proche de l’expérience, pour les deux distances. Le calcul en sliding mesh avec kω − SST
estime correctement le niveau de turbulence, quoiqu’en sur estimant la production dans la
zone de dislocation des tourbillons de décrochage dynamique.
L’énergie des structures cohérentes est bien montrée par la modèle kω − SST à 1D et
2,5D. La mesure montre une disparition rapide de l’énergie de phase vers la turbulence
moyenne. Comme il a déjà été constaté plus tôt dans ce chapitre, le modèle v 2 − f sous-
estime la diffusion dans l’écoulement en augmentant la dissipation. Ce modèle semble donc
peu adapté à la simulation d’écoulement libre.
La figure 4.27 montre les zones de production de l’énergie cinétique turbulente. Elle
confirme qu’avec le modèle simplifié, les forts gradients sur des régions étendues provoquent
une sur-production par la simulation kω −SST . La modification du modèle k −ǫ-PL corrige
ce comportement en montrant des zones de production en bonne accord avec les mesures.
Néanmoins le modèle simple ne peut rendre compte de l’énergie apportée par les structures
vorticitaires. Ces figures illustrent la différence entre l’écoulement réel et la modélisation
avec les termes sources. La répartition globale des pertes de charges provoque un cisaille-
ment fort de l’écoulement sur zone étendue.
Le modèle kω − SST est un couplage entre le modèle k − ǫ et une amélioration du modèle
k−ω en proche paroi. Dans cette situation sans paroi, il utilise donc toujours le modèle k−ǫ
de base qui gère mal les zones de forts gradients. Le modèle k − ǫ-PL permet de corriger ce
problème de façon globale. Les réponses à ce problème trouvées dans la littérature proposent
des solutions locales, en augmentant la dissipation dans la zone du rotor. Néanmoins, elles
166 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

1.4 1.4
1.3 1.3
1.2 1.2
1.1 1.1
1 1
0.9 0.9
0.8 0.8
0.7 0.7
0.6 0.6
0.5 0.5
0.4 0.4
0.3 0.3
0.2 0.2
0.1 0.1
0 0
−2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2

(a) (b)

0.6 0.6

0.55 0.55

0.5 0.5

0.45 0.45

0.4 0.4

0.35 0.35

0.3 0.3

0.25 0.25

0.2 0.2

0.15 0.15

0.1 0.1

0.05 0.05

0 0
−2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2

(c) (d)

0.05 0.05

0.045 0.045

0.04 0.04

0.035 0.035

0.03 0.03

0.025 0.025

0.02 0.02

0.015 0.015

0.01 0.01

0.005 0.005

0 0
−2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2

(e) (f)

Figure 4.26 – Profil de vitesse et d’énergie cinétique turbulente dans le sillage du modèle
de turbine
4.6. COMPARAISON DES SILLAGES PROCHES 167

nécessitent une validation par rapport à des données expérimentales. Une modification du
terme de production dans l’écoulement global est plus prédictive.

Modèle kω − SST Sliding kω − SST

Modèle k-ǫ-Production linéaire mesures LDV

Figure 4.27 – Terme de production d’énergie turbulente


168 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

Points Clés
• La littérature concernant les sillages d’hydroliennes à axe vertical est peu fournie. En
particulier, il n’existe aucune référence expérimentale précise sur les turbine à flux
transverse.

• Les références à l’utilisation des modèles RANS avec le modèle du disque d’action
sont nombreuses. Les différents résultats et les corrections apportées au modèle k − ǫ
pour bien prendre en compte les sillages ne montrent pas de solution claire à adopter.

• Le sillage proche du modèle de turbine est analysé à l’aide de mesures LDV dans un
plan en 2 dimensions. La décomposition de l’énergie par la moyenne de phase donne
un outil cohérent de comparaison avec les calculs RANS.

• Le sillage proche montre une forte asymétrie due à l’intensité des tourbillons lâchés
par les pales. La symétrie semble être récupérée vers X/D=2,5.

• Deux type d’instabilités du sillage apparaissent dans les simulations : pour le modèle
v 2 −f , une instabilité des zones cisaillées intervient en formant des grandes structures
tourbillonnaires. Pour les autres simulations, une instabilité de jet est remarquée. Son
amplitude augmente avec la largeur du domaine disponible à l’écoulement.

• Pour la simulation en géométrie complète, le modèle kω − SST semble assez bien


reproduire l’écoulement, au moins dans le sillage proche. Le modèle v 2 − f n’est pas
adapté à l’écoulement libre et sous-estime largement la diffusion turbulente.

• La réalimentation trop rapide pour les modèles de disques d’action vue dans le lit-
térature est due à l’intensité du cisaillement dans la zone des pertes de charge. La
réponse classique est d’imposer une augmentation de la dissipation artificielle, dans
une zone arbitraire ou avec des paramètres variables. Elle est peu satisfaisante car
peu prédictive.

• Le modèle k −ǫ-PL apporte une meilleur prise en compte de la production turbulente,


en imposant une dépendance linéaire de la production au cisaillement. Sa validité
nécessite une comparaison avec des mesures dans le sillage lointain.

• L’augmentation de la turbulence amont a pour effet d’accélérer la transition du sillage


proche vers le sillage lointain. Elle diminue également l’instabilité du sillage.
BIBLIOGRAPHIE 169

Bibliographie
[1] A. Crespo, J. Hernandez, and S. Frandsen, “Survey of modelling methods for wind
turbine wakes and wind farms,” Wind energy, vol. 2, no. 1, pp. 1–24, 1999.

[2] F. Maganga, G. Germain, J. King, G. Pinon, and E. Rivoalen, “Experimental characte-


risation of flow effects on marine current turbine behaviour and on its wake properties,”
Renewable Power Generation, IET, vol. 4, no. 6, pp. 498–509, 2010.

[3] L. Vermeer, J. N. Sørensen, and A. Crespo, “Wind turbine wake aerodynamics,” Pro-
gress in aerospace sciences, vol. 39, no. 6, pp. 467–510, 2003.

[4] B. Sanderse, S. Pijl, and B. Koren, “Review of computational fluid dynamics for wind
turbine wake aerodynamics,” Wind Energy, vol. 14, no. 7, pp. 799–819, 2011.

[5] G. I. Gretton, Hydrodynamic analysis of a vertical axis tidal current turbine. PhD
thesis, 2009.

[6] M. M. Hand, D. Simms, L. Fingersh, D. Jager, J. Cotrell, S. Schreck, and S. Larwood,


Unsteady aerodynamics experiment phase V : test configuration and available data
campaigns. National Renewable Energy Laboratory, 2001.

[7] P. Alfredsson and J. Dahlberg, “A preliminary wind tunnel study of windmill wake
dispersion in various flow conditions,” Technical note AU-1499, part, vol. 7, 1979.

[8] V. P., “A wind tunnel study of the wake of a horizontal axis wind turbine,” 1978.

[9] A. Bahaj and L. Myers, “Shaping array design of marine current energy converters
through scaled experimental analysis,” Energy, vol. 59, pp. 83–94, 2013.

[10] W. Zhang, C. D. Markfort, and F. Porté-Agel, “Near-wake flow structure downwind


of a wind turbine in a turbulent boundary layer,” Experiments in fluids, vol. 52, no. 5,
pp. 1219–1235, 2012.

[11] L. P. Chamorro, D. R. Troolin, S.-J. Lee, R. Arndt, and F. Sotiropoulos, “Three-


dimensional flow visualization in the wake of a miniature axial-flow hydrokinetic tur-
bine,” Experiments in fluids, vol. 54, no. 2, pp. 1–12, 2013.

[12] D. Medici and P. Alfredsson, “Measurements on a wind turbine wake : 3d effects and
bluff body vortex shedding,” Wind Energy, vol. 9, no. 3, pp. 219–236, 2006.
170 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD

[13] G. C. Larsen, H. Madsen Aagaard, F. Bingöl, J. Mann, S. Ott, J. N. Sørensen, V. Oku-


lov, N. Troldborg, N. M. Nielsen, K. Thomsen, et al., Dynamic wake meandering mo-
deling. Risø National Laboratory, 2007.
[14] S. Kang, X. Yang, and F. Sotiropoulos, “On the onset of wake meandering for an axial
flow turbine in a turbulent open channel flow,” Journal of Fluid Mechanics, vol. 744,
pp. 376–403, 2014.
[15] D. Medici and P. H. Alfredsson, “Wind turbine near wakes and comparisons to the
wake behind a disc,” in 43rd AIAA Aerospace Sciences Meeting and Exhibit-Meeting
Papers, pp. 15593–15604, 2005.
[16] D. Medici and P. H. Alfredsson, “Measurements behind model wind turbines : further
evidence of wake meandering,” Wind Energy, vol. 11, no. 2, pp. 211–217, 2008.
[17] P. Mycek, B. Gaurier, G. Germain, G. Pinon, and E. Rivoalen, “Experimental study
of the turbulence intensity effects on marine current turbines behaviour. part i : One
single turbine,” Renewable Energy, vol. 66, pp. 729–746, 2014.
[18] P. Mycek, B. Gaurier, G. Germain, G. Pinon, and É. Rivoalen, “Numerical and experi-
mental study of the interaction between two marine current turbines,” arXiv preprint
arXiv :1310.4921, 2013.
[19] P. Mycek, B. Gaurier, G. Germain, G. Pinon, and E. Rivoalen, “Experimental study
of the turbulence intensity effects on marine current turbines behaviour. part ii : Two
interacting turbines,” Renewable Energy, vol. 68, pp. 876–892, 2014.
[20] N. Stelzenmuller and A. Aliseda, “An experimental investigation into the effect of
marine hydrokinetic (mhk) turbine array spacing on turbine efficiency and turbine
wake characteristics,” Bulletin of the American Physical Society, vol. 57, 2012.
[21] J. McNaughton, F. Billard, and A. Revell, “Turbulence modelling of low reynolds
number flow effects around a vertical axis turbine at a range of tip-speed ratios,”
Journal of Fluids and Structures, vol. 47, pp. 124–138, 2014.
[22] I. Afgan, J. McNaughton, S. Rolfo, D. Apsley, T. Stallard, and P. Stansby, “Turbulent
flow and loading on a tidal stream turbine by les and rans,” International Journal of
Heat and Fluid Flow, vol. 43, pp. 96–108, 2013.
[23] A. Bahaj, A. Molland, J. Chaplin, and W. Batten, “Power and thrust measurements
of marine current turbines under various hydrodynamic flow conditions in a cavitation
tunnel and a towing tank,” Renewable energy, vol. 32, no. 3, pp. 407–426, 2007.
BIBLIOGRAPHIE 171

[24] J. Mann, “The spatial structure of neutral atmospheric surface-layer turbulence,” Jour-
nal of Fluid Mechanics, vol. 273, pp. 141–168, 1994.

[25] Y.-T. Wu and F. Porté-Agel, “Large-eddy simulation of wind-turbine wakes : evalua-


tion of turbine parametrisations,” Boundary-layer meteorology, vol. 138, no. 3, pp. 345–
366, 2011.

[26] L. P. Chamorro and F. Porté-Agel, “Effects of thermal stability and incoming


boundary-layer flow characteristics on wind-turbine wakes : a wind-tunnel study,”
Boundary-layer meteorology, vol. 136, no. 3, pp. 515–533, 2010.

[27] C. Sanz, “A note on k-ε modelling of vegetation canopy air-flows,” Boundary-Layer


Meteorology, vol. 108, no. 1, pp. 191–197, 2003.

[28] S. Green and N. Hutchings, “Observations of turbulent air-flow in 3 stands of widely


spaced sitka spruce,” Agricultural and Forest Meteorology, vol. 74, no. 3-4, pp. 205–225,
1995.

[29] P.-E. M. Rethore, N. N. Sørensen, A. Bechmann, and F. Zahle, “Study of the atmos-
pheric wake turbulence of a cfd actuator disc model,” 2009.

[30] A. El Kasmi and C. Masson, “An extended k–ε model for turbulent flow through
horizontal-axis wind turbines,” Journal of Wind Engineering and Industrial Aerody-
namics, vol. 96, no. 1, pp. 103–122, 2008.

[31] J. Bossard, Caractérisation expérimentale du décrochage dynamique dans les hydro-


liennes à flux transverse par la technique de vélocimétrie par image de particule
(PIV) - Comparaison avec les résultats issus des simulations numériques. PhD thesis,
Grenoble-INP, 2012.

[32] V. Aumelas, Modélisation des hydroliennes à axe vertical libres ou carénées : développe-
ment d’un moyen expérimental et d’un moyen numérique pour l’étude de la cavitation.
PhD thesis, Grenoble-INP, 2011.

[33] T. Maitre, E. Amet, and C. Pellone, “Modeling of the flow in a darrieus water turbine :
wall grid refinement analysis and comparison with experiments,” Jour of Renewable
Energy, accepted, 2012.

[34] E. Amet, “Simulation numérique d’une hydrolienne à axe vertical de type darrieus,”
2008.
172 CHAPITRE 4. ETUDE DU SILLAGE DE LA TURBINE ACHARD
Chapitre 5

Application du modèle d’équivalence à


l’étude générale de parcs

Le placement relatif des turbines dans un parc hydrolien est un problème complexe. Les
sites choisis dans les applications réelles sont généralement contraints par la logistique
d’installation.
Plusieurs dispositions génériques sont envisagées ou développées par les chercheurs ou in-
dustriels. La figure 5.1 donne une illustration des trois principales solutions relevées par
Khan et al. [1]. L’ancrage au sol ou le lestage par système gravitaire est actuellement choisi
pour les implantations des prototypes industriels de plus grande taille, et en particulier
pour les turbines à flux axial. On peut citer les machines de technologie Open-Hydro ou
de la société Alstom. La topologie et la nature du lit est un critère de placement qui pré-
vaut pour l’instant sur la disposition pour avoir la meilleure puissance. Le montage sur
des structures flottantes est également utilisé. C’est une possibilité avantageuse en termes
de facilité de mise en place et de maintenance, et tout spécialement pour les turbines à
flux transverse verticales, car elle permet de maintenir la génératrice émergée en dehors

Figure 5.1 – Options de placement des turbines dans un canal, d’après Khan et al. [1]

173
174 CHAPITRE 5. APPLICATION DU MODÈLE À L’ÉTUDE DE PARCS

de l’eau. De plus, le placement dans une configuration particulière du parc est facilité et
la turbine fonctionne dans la partie haute de l’écoulement qui a la plus grande vitesse.
Néanmoins, comme l’illustre Khan, le partage d’usage impose de laisser une aire réservée
à la navigation. La fixation en bordure facilite largement l’installation et la maintenance
en solution, la production sera néanmoins sujette aux variations de niveau d’eau, et les
options de placement réduites aux zones de bord, ou les variations de vitesse et de hauteur
seront les plus importantes.
Tout en étant conscient de la complexité d’installation, il est primordial de disposer d’outils
pour l’optimisation des géométries de parc. Le modèle d’équivalence, dont la construction
a été décrite dans les précédentes parties de ce document a pour objectif de comprendre
l’interaction entre les différentes turbines, et son influence sur le rendement global du parc.
Différents effets vont entrer en jeu. De façon qualitative, on peut conjecturer les hypothèses
suivantes :

◦ Le placement de turbines les unes à côté des autres, orthogonalement au courant, va


induire un effet de blocage qui empêche l’expansion des lignes de courant, présente
sur une machine isolée. Cet effet force un débit d’énergie cinétique plus important
dans les turbines.

◦ Sur plusieurs lignes, le déficit de vitesse qui apparaît dans le sillage des turbines
amont a pour effet de diminuer l’énergie disponible pour les suivantes.

◦ L’intensité turbulente est augmentée par la forte production tourbillonnaire sur les
structures et le cisaillement entre les sillages et les zones de contournement.

◦ L’énergie prélevée à l’écoulement global a tendance à ralentir l’écoulement dans la


zone du parc, voir à modifier la dynamique globale de l’environnement [2].

Le dernier effet ne pourra être étudié avec le type de calcul effectué ici, dans lequel l’écou-
lement est forcé en vitesse. Pour les autres effets, plusieurs configurations théoriques de
parc sont étudiées avec l’objectif d’en tirer des enseignements généraux. L’ajout de cer-
taines compétences est envisageable dans le modèle afin de le rendre plus pertinent pour
l’optimisation de parc en situations réalistes. Certaines de ces améliorations sont proposées
dans un deuxième temps comme feuille de route de développements futurs.
5.1. RÉSULTATS GÉNÉRAUX 175

Symetry

Refined zone
Turbines

Inlet Outlet

180D
40D
6D

40D

Symetry

Figure 5.2 – Domaine de calcul en milieu infini

5.1 Résultats généraux


5.1.1 Machines en ligne
Un configuration simple est choisie comme première application du modèle. Une ligne de
machines est placée de façon orthogonale à l’écoulement. Le nombre de turbine Nt et
l’espacement ∆A (distance entre les axes de deux turbines adjacentes) sont variables. On
choisit un domaine d’étude de largeur 180 diamètres qui a pour but de simuler un milieu
théorique infini. Cette situation fait l’objet d’une étude analytique de Nishino et al. [3]. Un
résultat intéressant de leur modèle, détaillé au chapitre 3, concerne la puissance globale sur
le parc CP G . Ce coefficient est défini comme la moyenne des coefficients de puissance par
turbine. Il décrit le CP moyen par turbine. Ils trouvent que lorsque le confinement local ǫl
augmente, la courbe de puissance admet un maximum avant de diminuer.

Nt
P
Pi
i
CP G = (5.1)
0.5ρU03 Nt A

ǫl = ∆A/D (5.2)
176 CHAPITRE 5. APPLICATION DU MODÈLE À L’ÉTUDE DE PARCS

0.54 0.75

0.52 0.7
0.5
0.65
0.48
0.6
0.46

0.44 0.55

0.42 0.5
0.4
0.45
0.38
0.4
0.36

0.34 0.35

0.32
0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18

a) b)

Figure 5.3 – CP global sur le parc pour une ligne de Nt machines à espacement et Nt
variable

Un domaine de calcul en 2D de dimensions 40Dx180D est construit avec un maillage non-


structuré. Une partie centrale est constituée d’un maillage plus fin, avec des mailles de
l’ordre de D/10 de coté, suivant ainsi les recommandations des précédents chapitres. La
figure 5.2 présente une vue schématique de ce domaine.
Les coefficients de puissance globaux obtenus en faisant varier le confinement local sont
différents des résultats de Nishino. La figure 5.3.a) montre une augmentation du CP G avec
le nombre de machines entre 1 et 6, et une augmentation monotone avec le confinement
local. Contrairement à l’étude évoquée, qui considère une machine idéale, (CP = 0.59 à
ǫl = 0), les données d’une machine réelle sont utilisées dans notre modèle.
On peut également remarquer l’augmentation monotone de CP G avec le nombre de ma-
chines sur la ligne (figure 5.3.b). Deux explications peuvent être envisagées pour expliquer
ce phénomène. Premièrement, les effets de bords avec Nt ; on peut imaginer que les ma-
chines centrales voient un écoulement non perturbé, qu’elles représentent une proportion
croissante de l’ensemble. Pour illustrer ce phénomène, la puissance par turbine en fonction
de la distance à l’axe de symétrie du parc est représentée sur la figure 5.4. On voit que
la puissance est relativement constante sur la ligne et que l’écart relatif en les bords et
la partie centrale augmente avec Nt . Néanmoins la puissance récupérée par les turbines
d’extrémités dans le cas et nettement plus importante quand Nt est grand. Une explication
globale est donc préférable. Deuxièmement, on peut voir la ligne de machine comme un
corps perméable dont la présence perturbe l’écoulement. Dans ce cas, le contournement de
l’objet et la perturbation relative diminuent avec l’augmentation du nombre de Reynolds.
La figure 5.5 montre le champ de vitesse perturbé pour deux lignes de 5 et 17 machines.
5.1. RÉSULTATS GÉNÉRAUX 177

0.75

0.7

0.65

0.6

0.55

0.5

0.45

0.4
0 1 2 3 4 5 6 7 8

Figure 5.4 – CP moyen par turbine en fonction de la distance à l’axe de symétrie du parc

Les dimensions de la figure de droite (Nt = 17) sont représentées avec un ratio de 5/17.
Cela permet d’évaluer la zone d’écoulement perturbé par rapport à la taille du parc. L’aug-
mentation du Reynolds de parc favorise la puissance. On constate de plus que la limite de
perturbation s’arrête assez loin des extrémités du domaine (non-visible ici), ce qui valide
l’hypothèse du milieu infini.
L’étude est menée sur des tailles de machines égales à celles du modèle réduit (R = 0, 0875
et U0 = 2, 3). Étant donné l’effet du nombre de Reynolds sur l’effet de blocage, il conviendra
d’effectuer des simulations sur des parcs aux dimensions non réduites
L’étude est mené sur des tailles de machines égale à celles du modèle réduit (R = 0, 0875 et
U0 = 2, 3). Étant donné l’effet du nombre de Reynolds sur l’effet de blocage, il conviendra
d’effectuer des simulations sur des parcs aux dimensions non réduites.

5.1.2 Configuration quinconce


Le placement de turbines sur une ligne droite sera sans doute difficilement réalisable dans la
réalité compte tenu des difficultés évoquées au début de ce chapitre. On veut donc étudier
ici une configuration sur plusieurs lignes. Une étude expérimentale avec des disques poreux
dans un canal à surface libre est présentée par Myers et al [4]. Il montre l’effet d’augmen-
178 CHAPITRE 5. APPLICATION DU MODÈLE À L’ÉTUDE DE PARCS

a) b)

Figure 5.5 – Carte de vitesse pour une ligne de 5 turbines (gauche) et 17 turbines. La
figure de droite est représentée avec une diminution de 5/17e
5.1. RÉSULTATS GÉNÉRAUX 179

tation de la trainée avec le confinement local sur une rangée de deux machines, et met en
avant que l’accélération créée entre les deux disques peut être récupérée avec un troisième
disque. D’après ces résultats, la présence de cet obstacle supplémentaire n’influence pas les
deux premiers. Cette configuration en quinconce (dite staggered en anglais) est également
trouvée comme la meilleure pour le rendement global par Gebreslassie [5] et Bai [6] dans
des études de parcs à grand nombre de machines.
Cette configuration est testée avec deux lignes consécutives : une première rangée de trois
turbines avec un espacement de ∆ Axe/D = 4, puis une seconde de deux turbines interca-
lées entre les premières. La distance longitudinale de la deuxième rangée (X2 ) est variable
afin de déterminer le point de meilleur rendement. On peut voir le résultat en terme de CP G
sur la figure 5.7. La situation dans laquelle les 5 machines sont alignées est trouvée comme
la meilleure. Le rendement baisse lorsque X2 augmente ou diminue. On peut comparer sur
la figure les valeurs obtenues avec le rendement global pour une ligne de 2 et 3 machines
isolées à espacement équivalent. Dans le cas infini (ie X2 très grand), on se rapproche de la
situation avec des parcs de respectivement 2 et 3 turbines en ligne. A partir de X2 /D = 4,
on passe sous ces limites. Les vues du champ de vitesse de la figure 5.6 montre qu’à partir
de cette distance la deuxième rangées reçoit directement l’impact du sillage de la première.
On remarque aussi que le placement latéral sur la deuxième ne semble pas optimal étant
donné l’élargissement du sillage, et qu’un décalage peut être intéressant si la distance entre
les lignes est imposée. Les configurations pyramidales convexe et concave de la figure sont
également testées. Le CP G ne montre pas d’augmentation par rapport au cas quinconce.
On explique ces résultats par le fait que la porosité du parc augmente pour une taille
caractéristique équivalente.

5.1.3 Impact du sillage


L’impact direct du sillage sur la turbine mérite d’être étudié séparément afin d’isoler ce
phénomène. Un domaine d’étude d’une longueur de 64D pour une largeur de 8D est utilisé
pour simuler 3 rangées de deux turbines. L’espacement entre les lignes 1-2, et 2-3 est le
même. On constate sur la figure 5.8 que le CP sur la première ligne est constant et non
influencé par les turbines à l’aval. Le rendement de la ligne 2 est fortement altéré quand
elle est placée dans le sillage proche. On a une chute du CP 2 de près de 50% à X/D = 4. Il
augmente ensuite jusqu’à environ 10D, pour subir une légère baisse jusqu’à 16D et tendre
en suite vers la valeur de la première ligne. Le rendement sur la ligne 3 est globalement
meilleur. Il est inférieur à celui de la ligne 1 jusqu’à X/D = 8, mais le dépasse ensuite et
reste plus fort jusqu’à X/D = 20.
Ces résultats sont interprétés avec l’aide des figures 5.9 et 5.10. Le rendement plus élevé de
la ligne 3 est expliqué dans un premier temps par une réalimentation plus rapide du sillage
180 CHAPITRE 5. APPLICATION DU MODÈLE À L’ÉTUDE DE PARCS

a) b)

c) d)

Figure 5.6 – Carte de vitesse de l’écoulement en configuration quinconce. a) X2 /D = 0, 5,


c)X2 /D = 4, c) et d) pyramidale convexe et concave

0.52

0.5

0.48

0.46

0.44

0.42

0.4

0.38

0.36

0.34
−2 −1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

Figure 5.7 – CP global du parc en configuration quinconce


5.1. RÉSULTATS GÉNÉRAUX 181

0.6

0.55

0.5

0.45

0.4

0.35

0.3

0.25
2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22

Figure 5.8 – CP moyen sur une ligne en fonction de la distance entre deux lignes

après la ligne 2. Cet effet est dû l’augmentation de l’énergie turbulente vue par la ligne 2.
Un effet de la turbulence sur le modèle, remarqué au chapitre précédent, est l’augmentation
du CP par une diffusion de quantité de mouvement rapide entre les deux zones de trainée.
Cet effet sur la puissance de l’intensité turbulente mérite d’être évalué et paramétré dans
le modèle pour pouvoir effectuer des calculs dans les sillages. L’inflexion de la courbe de
CP 1 vers 10 diamètres, est sans doute attribuable au fait que l’effet de l’énergie turbulente
diminue plus rapidement que le déficit de vitesse. On peut voir sur les figures 5.9.c) et
5.10.c), que l’intensité turbulente revient au niveau ambiant à cette distance, mais que
l’impact du sillage est toujours fort.
182

Figure 5.9 – Champ de vitesse dans le parc de trois lignes, la veine est de largeur Y/D=8, la distance
variable
CHAPITRE 5. APPLICATION DU MODÈLE À L’ÉTUDE DE PARCS
5.1. RÉSULTATS GÉNÉRAUX

Figure 5.10 – Champ d’énergie turbulente dans le parc de trois lignes


183
184 CHAPITRE 5. APPLICATION DU MODÈLE À L’ÉTUDE DE PARCS

5.2 Pistes d’amélioration du modèle en vue de l’optimi-


sation
Les configurations de tests présentées dans ce chapitre ont une vocation d’illustration des
capacités du modèle. De plus, elles permettent d’obtenir des résultats généraux sur la dispo-
sition des turbines dans des cas simples. Plusieurs limitations ou possibilités d’amélioration
apparaissent en analysant ces calculs. Une énumération partielle est proposée ici.

➜ Optimisation de la vitesse de rotation : Les calculs précédents sont réalisés en im-


posant une vitesse de rotation de la turbine égale à l’optimum en situation isolée.
Comme l’ont montré les simulations U-RANS du chapitre 3, le λopt augmente avec le
confinement et le débit à travers le rotor. Le puissance globale est donc sous-estimée
à cause d’un mauvais point de fonctionnement. De façon générale, il est possible sim-
plement d’imposer une convergence vers un λ∗ optimum qui est proche de 4, d’après
les études, mais varie avec le confinement. Cette solution est quasiment équivalente à
l’utilisation d’un facteur d’induction constant. Il est également envisageable de faire
varier la vitesse de rotation pour trouver le meilleur CP ou CP G, mais dans ce cas la
convergence de la boucle n’est pas assurée.

➜ Le modèle impose actuellement une force de trainée orientée selon la direction de


l’écoulement, à partir de la vitesse Ux moyennée. Cette unidirectionnalité est facile-
ment modifiable afin d’utiliser la capacité des turbines à axe vertical de fonctionner
dans un courant tournant.

➜ L’impact important de la turbulence sur le modèle, en créant une diffusion plus rapide
de la quantité de mouvement, et ainsi une augmentation du débit. La modélisation
U-RANS n’a pas permis d’avoir une idée claire sur l’effet de l’intensité turbulente sur
la performance. Il est donc indispensable de rentrer l’intensité turbulente comme pa-
ramètre du modèle, à partir de simulation plus précise (LES) ou de mesures. L’étude
bibliographique menée au chapitre précédent a cependant montré que la relation entre
intensité turbulence et puissance est difficile à estimer. On gardera en mémoire que
si ce paramètre est souvent mesuré dans les différentes expériences, la longueur de
mélange associée a une importance égale si ce n’est équivalente. Une illustration est
donnée par Blackmore et al. [7] par des mesures de trainée sur des disques poreux.
Cette force admet un minimum en fonction de la longueur de mélange pour des tailles
plus grandes et plus petites. Les effets combinés de l’intensité turbulente et de la lon-
gueur de mélange sont difficilement appréciables, et souvent peu abordés dans les
tests sur modèles réduits.
5.2. PISTES D’AMÉLIORATION DU MODÈLE EN VUE DE L’OPTIMISATION 185

➜ Une optimisation systématique du placement en faisant varier la position des tur-


bines est envisageable. Néanmoins le raffinement minimum nécessaire à un très bon
fonctionnement du modèle est peu compatible avec les échelles de longueur des sites
naturels. Des méthodes de raffinement locale sont envisageables. On peut citer l’adap-
tation de maillage en fonction de l’intensité des gradients de vitesse (adaptative mesh)
utilisée par Divett et al. [8], ou le raffinement local par la méthode chimera, dans la-
quelle un maillage fin est déplacé sur un maillage grossier [9]. La première solution
semble avoir un effet non neutre sur le comportement des structures, en guidant leur
trajectoire et modifiant leur vitesse de dislocation.
➜ Le passage à un calcul 3D permettra d’obtenir une meilleur prise en compte du
confinement en modélisant le contournement vertical. Cette transition modifiera cer-
tainement le fonctionnement de la méthode. Il est pour cela important de connaître
l’effet de la vitesse de rotation et du confinement sur les pertes marginales et d’établir
des courbes empiriques par le calcul ou l’expérience.
La méthode présentée ici est performante pour le calcul local et peut servir à déterminer
la meilleur disposition pour des groupes de machines. La précision des résultats nécessite
un maillage suffisamment fin localement, ce qui ne sera pas compatible avec les échelles de
taille des courants océaniques. Pour les simulations à grandes échelles, une simulation plus
grossière sera préférable.

Points Clés
• La puissance globale augmente avec le nombre de machines sur une ligne, mais éga-
lement avec la diminution de la distance latérale.
• En configuration quinconce, l’éloignement de la deuxième ligne diminue le rendement
global de façon monotone.
• L’augmentation de l’intensité turbulente produite par le sillage d’une turbine parti-
cipe à une réalimentation rapide du sillage des machines suivantes. Une forte intensité
turbulente tend à améliorer le rendement global du parc pour un nombre de rangée
supérieur à 2.
• L’influence du niveau de turbulence sur les turbines à flux transverse est fondamen-
talement importante et doit être prise en compte par le modèle simplifié.
• Un inventaire des améliorations pouvant être apportées à la méthode pour une
meilleur applicabilité est proposé.
186 CHAPITRE 5. APPLICATION DU MODÈLE À L’ÉTUDE DE PARCS

Bibliographie
[1] M. Khan, G. Bhuyan, M. Iqbal, and J. Quaicoe, “Hydrokinetic energy conversion sys-
tems and assessment of horizontal and vertical axis turbines for river and tidal appli-
cations : A technology status review,” Applied Energy, vol. 86, no. 10, pp. 1823–1835,
2009.

[2] I. G. Bryden and S. J. Couch, “Me1-marine energy extraction : tidal resource analysis,”
Renewable Energy, vol. 31, no. 2, pp. 133–139, 2006.

[3] T. Nishino and R. H. Willden, “Two-scale dynamics of flow past a partial cross-stream
array of tidal turbines,” Journal of Fluid Mechanics, vol. 730, pp. 220–244, 2013.

[4] L. Myers and A. Bahaj, “An experimental investigation simulating flow effects in first
generation marine current energy converter arrays,” Renewable Energy, vol. 37, no. 1,
pp. 28 – 36, 2012.

[5] M. G. Gebreslassie, G. R. Tabor, and M. R. Belmont, “Numerical simulation of a new


type of cross flow tidal turbine using openfoam–part ii : Investigation of turbine-to-
turbine interaction,” Renewable Energy, vol. 50, pp. 1005–1013, 2013.

[6] G. Bai, J. Li, P. Fan, and G. Li, “Numerical investigations of the effects of different
arrays on power extractions of horizontal axis tidal current turbines,” Renewable Energy,
vol. 53, pp. 180–186, 2013.

[7] T. Blackmore, W. M. Batten, G. U. Műller, and A. S. Bahaj, “Influence of turbulence


on the drag of solid discs and turbine simulators in a water current,” Experiments in
Fluids, vol. 55, no. 1, pp. 1–10, 2014.

[8] T. Divett, R. Vennell, and C. Stevens, “Optimization of multiple turbine arrays in a


channel with tidally reversing flow by numerical modelling with adaptive mesh,” Philo-
sophical Transactions of the Royal Society A : Mathematical, Physical and Engineering
Sciences, vol. 371, no. 1985, p. 20120251, 2013.

[9] J. Steger, “The chimera method of flow simulation,” in Workshop on applied CFD, Univ
of Tennessee Space Institute, 1991.
Conclusion et perspectives

Le travail présenté tout au long de ce mémoire a eu pour but la construction d’un modèle
de turbines hydro-cinétiques à flux transverse de type Darrieus pour la simulation de parcs.
Les phénomènes physiques régissant la puissance récupérable par un tel système ont été
analysés en détail. Ceci permet la détermination des paramètres fondamentaux qui doivent
être pris en compte dans une représentation simplifiée.
Cette étude s’appuie sur des outils numériques et expérimentaux. D’un point de vue nu-
mérique, la prise en main et la validation d’une méthode de maillage rotatif dans le code
libre Code_Saturne permet la simulation de la turbine Achard en deux dimensions, dans
diverses configurations. Elle permet également le calcul de plusieurs turbines en géométrie
complète. Du côté expérimental, la mise en place d’un dispositif de mesure par vélocimétrie
laser Doppler (LDV) donne accès aux grandeurs cinétiques et turbulentes dans le sillage
proche d’un modèle réduit de la turbine.
Une représentation par des termes de quantité de mouvement, au sein d’un calcul d’écou-
lement, permet le calcul des performances de la turbine sur une large plage de paramètres
d’avance. Elle induit la réduction du temps de calcul de plusieurs ordres de grandeurs par
rapport à la géométrie complète. Une distribution des efforts dans la machine adaptée
aux turbines à flux transverse permet une paramétrisation du coefficient de puissance en
fonction de la vitesse interne. Le fonctionnement relatif de plusieurs modèles de turbulence
et leur réaction au niveau de turbulence ambiant est analysé et permet des conclusions
générales sur les modèles adaptés.
La capacité du modèle est illustrée par le calcul de plusieurs situations de parcs, mettant
en lumière une amélioration du rendement avec l’augmentation du nombre de machines.

187
188 Conclusion et perspectives

L’importance du taux de turbulence est également montrée comme fondamentale pour les
parcs de seconde génération (ie à plusieurs rangées de turbines). L’apport des différentes
parties est détaillé ci-après.

Le chapitre 1 expose une revue générale des concepts physiques des hydroliennes à flux
transverse. Grâce aux nombreux projet de recherche des dernières années, la documentation
est bien fournie, aussi ce chapitre est une synthèse de l’état de l’art. Il présente également
une revue des programmes d’essais expérimentaux qui ont été menés au LEGI depuis une
dizaine d’années.

Dans le second chapitre, l’étude se consacre à la validation de la méthode de calcul en


maillage rotatif implémentée dans Code_Saturne. Elle est fondamentale pour la simulation
de l’hydrolienne en rotation, et permet d’avoir un maillage fin de la géométrie des pales,
notamment dans les régions de couche limite. Le cas test d’un cylindre en rotation dans
un écoulement laminaire est étudié dans un premier temps. Cette géométrie permet de
comparer une simulation en maillage rotatif avec une simulation en maillage fixe dont les
conditions limites imposent la rotation. Une limitation sur le rapport entre le pas de temps
et le nombre de mailles à l’interface est trouvée et pourrait être compensée par l’utilisation
d’un schéma d’ordre 2 en temps. Les résultats sur les efforts sont identiques aux données
expérimentales.
Plusieurs modèles RANS à viscosité turbulente à deux équations sont testés pour la simu-
lation d’un cylindre en rotation dans un écoulement de Reynolds Re = 60 000. Dans tous
les cas, la simulation avec interface de rotation abaisse la viscosité turbulente en aval de
l’obstacle en comparaison avec le calcul en maillage fixe. Un résultat similaire est constaté
avec le code commercial Fluent au premier ordre en temps. Ce problème semble disparaître
avec un calcul effectué au second ordre en temps. Une incohérence entre les calculs avec et
sans interface de couplage est constatée avec le modèle kω − SST , même dans le cas sans
rotation. Les modèles v 2 − f et k − ǫ ne montrent pas la même incohérence.
La simulation de l’hydrolienne Achard 10 en 2D est menée à partir des maillages réalisés
Conclusion et perspectives 189

durant la thèse de Ervin Amet (2008), avec le modèle v 2 − f cette fois. Elle montre une
très bonne comparaison avec les mesures PIV de Jonathan Bossard (2012) sur la dyna-
mique tourbillonnaire. On constate également une bonne cohérence sur le calcul du couple
instantané, bien que la comparaison simulation 2D avec les mesures 3D restent soumise à
interprétation. Le modèle v 2 − f prédit un décollement de la couche limite plus proche des
mesures que le modèle kω − SST . Le décrochage dynamique intervient plus tôt ce qui se
traduit par une baisse du coefficient de puissance moyen.
Des développements effectués dans Code_Saturne permettent de prendre en compte plu-
sieurs turbines et d’effectuer des calculs de parcs en géométrie complète.

Le troisième chapitre présente une revue des modèles simplifiés d’hydroliennes. Elle
montre que ces modèles se répartissent en deux principales catégories. La première utilise
une valeur empirique du coefficient de puissance. La puissance de la machine est déterminée
grâce au facteur d’induction déduit de la théorie idéale de Betz (méthode du disque d’ac-
tion). Dans le second cas, l’efficacité de l’hydrolienne est estimée à chaque calcul à partir
des vitesses locales dans le rotor et des coefficients aérodynamiques des pales (méthode
VBM).
Dans le présent travail, il est choisi d’aborder la construction du modèle en utilisant pleine-
ment les nombreuses données disponibles sur la machine et en simplifiant le fonctionnement
et l’implémentation dans un calcul d’écoulement. Le calcul en géométrie complète montre
l’augmentation de la puissance récupérée avec le confinement, mais également un décalage
du point de meilleur rendement. Un jeu de paramètres adimensionnels est construit en utili-

sant la vitesse moyenne sur le disque. Les coefficients locaux de forces CX,Y et de puissance
CP∗ sont reliés au paramètre d’avance local λ∗ , pour obtenir une relation quasi-universelle.
L’étude montre que la simulation des forces de trainée par des termes puits de quantité
de mouvement permet le calcul correct de la vitesse interne pour les différents paramètres
d’avance et de confinement. Une fonction de forme analytique, basée sur la répartition
spatiale des efforts dans la turbine réelle permet l’utilisation du modèle sur un maillage
quelconque.
190 Conclusion et perspectives

Le fonctionnement du modèle est validé par comparaison avec les résultats de calcul en
maillage rotatif pour une turbine seule dans un canal. Un bon accord est constaté. Néan-
moins, le modèle surestime la puissance pour les fortes vitesses de rotation dans les cas très
confinés. Pour le cas de deux turbines en milieu infini une bonne correspondance est éga-
lement trouvée pour différentes vitesses de rotation pour un paramètre d’avance inférieur
à 2,5.

Le chapitre 4 apporte une étude du sillage nécessaire à la simulation de parcs de plu-


sieurs rangées de turbines. Une étude de la littérature met en évidence la faible connaissance
du sillage propre aux turbines à flux transverse. Pour cette raison une étude expérimen-
tale du sillage proche est menée. Elle met en évidence la rapide dislocation des structures
tourbillonnaires lâchées périodiquement par les pales. Le transfert de cette énergie vers les
plus petites échelles de la turbulence participe à un mélange plus rapide dans la partie
basse du sillage, et ainsi qu’à une asymétrie jusqu’à 1,5 diamètres à l’aval. A partir de 2
diamètres, la production turbulente est équivalente de chaque côté, induite par les couches
de cisaillement. On peut déterminer que la transition du sillage proche vers lointain a lieu
vers 3 diamètres environ, après quoi l’effet de la géométrie de la turbine n’est plus visible.
La réalimentation est principalement pilotée par les couches de mélange en bordure de
sillage. Le modèle stationnaire par perte de charge est donc adapté pour bien calculer le
sillage.
L’effet des conditions d’entrée de turbulence est mis en lumière. Elle accélère la transition du
sillage proche (structures cohérentes, forts gradients de vitesse) vers le sillage lointain (forte
intensité turbulente, diffusion de la quantité de mouvement vers l’intérieur) Son influence
sur la dynamique tourbillonnaire autour des pales reste à investiguer. Les modèles v 2 − f
et kω − SST montrent un comportement opposé qui ne permet pas de trancher.
Le modèle kω − SST montre pourtant de bons résultats par comparaison aux mesures
dans le sillage proche, en termes d’énergie cinétique turbulente et de vitesse de diffusion
des structures cohérentes. Il est attribuable au bon comportement de la partie k − ǫ du
modèle pour les écoulements libres faiblement cisaillés. Le modèle v 2 − f sous-estime la
Conclusion et perspectives 191

diffusion turbulente ce qui provoque une forte instabilité numérique. Les mauvais résultats
avec le modèle v 2 −f sont probablement attribuable à la nature 2D du calcul qui ne permet
pas la déstabilisation des tourbillons pas des fluctuations de vitesse verticales.
En ce qui concerne le modèle simplifié, la surproduction turbulente remarquée dans la
littérature est constaté avec le modèle k − ǫ. L’étude montre qu’elle est due aux zones très
fortement cisaillées dans la zone des termes sources et donc à la différence fondamentale
entre des représentations complètes et grossières. Le modèle k − ǫ-Production linéaire est
une modification du modèle k − ǫ classique. Elle impose une dépendance linéaire de la
production turbulente avec le taux de déformation de l’écoulement. Ce modèle permet
d’obtenir le comportement le plus semblable aux mesures dans le sillage proche.

Le dernier chapitre démontre l’efficacité de la méthode d’équivalence sur deux configu-


rations de parcs. La première est constituée simplement d’une ligne de machines disposées
orthogonalement au sens de l’écoulement. L’espacement entre les machines est variable et le
nombre de machines peut aller jusqu’à 15. Le résultat essentiel est que le coefficient de puis-
sance du parc augmente de façon monotone avec le nombre de machines et le confinement
local.
Une deuxième disposition consiste en 3 couples de deux machines, ces couples étant disposés
suivant l’axe de l’écoulement. La distance longitudinale entre deux couples est la même et
varie entre 5 diamètres et 20 diamètres. Le niveau de turbulence augmente entre l’amont de
la première rangée et l’amont de la seconde, la réalimentation en vitesse est plus rapide dans
le deuxième sillage, permettant un meilleur rendement de la troisième ligne de machines.
Le niveau de turbulence semble favorable au rendement global du parc.
L’augmentation du niveau de turbulence vu par le modèle augmente le rendement en
diminuant le ralentissement du fluide par les termes de quantité de mouvement. Cet effet
n’a pas de correspondance physique directe. Le besoin de comprendre l’effet du niveau de
turbulence est ainsi mis en évidence.
192 Conclusion et perspectives

Le travail réalisé permet de dégager des perspectives sur l’applicabilité de la méthode et


de mettre en évidence le besoin de compréhension de certains phénomènes. Des proposi-
tions précises d’améliorations envisageables ou nécessaires sont faites au chapitre 5. Des
commentaires plus généraux sont présentés ici :
Une étude de l’influence de la turbulence sur les performances est indispensable pour l’ob-
tention d’un modèle réellement prédictif en milieu naturel. Une étude expérimentale en
augmentant le niveau de turbulence dans la veine d’essai est nécessaire. Un calcul en
modèle LES pourrait également permettre une compréhension de l’effet de l’intensité tur-
bulente et de la taille caractéristique des structures tourbillonnaires. Ce second paramètre
est peu étudié et a sans doute une importance cruciale, notamment sur les performances
des turbines à flux transverse.
Une étude expérimentale de parc à l’aide de moyens d’essais adaptés est nécessaire à une
validation de la présente méthode et des modèles par perte de charge en général. Des
mesures sur le sillage lointain permettront de valider les hypothèses faites ici sur le meilleur
modèle de turbulence.
En ce qui concerne la méthode en elle-même, une implémentation en trois dimensions
permettra une meilleure prise en compte du confinement latéral et vertical et la simulation
de situations réalistes. Elle nécessite l’établissement des courbes empiriques de manière
similaire à celles construites dans ce travail. Un dispositif expérimental a été construit et
mis en place pour étudier l’influence du confinement, et les mesures de la vitesse interne ont
été réalisées avec le montage LDV. Elles doivent maintenant être couplées avec la mesure
des efforts.
Une nouvelle méthode de sliding mesh est maintenant implémentée dans le Code_Saturne.
Elle utilise une reconstruction du maillage à chaque itération. Les cas tests développés dans
cette thèse pourront être facilement repris pour valider son fonctionnement. Elle pourrait
permettre d’améliorer le temps de calcul en diminuant la limitation sur le pas de temps.
Le développement d’un schéma de temps d’ordre 2 dans Code_Saturne pour les modèles
RANS serait également bénéfique pour l’exactitude des calculs en augmentant l’efficacité.

Vous aimerez peut-être aussi