1-s2.0-S0765159717301326
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LETTRE À LA RÉDACTION
L’épaule du sportif. Comment l’examen fera évoquer une calcification ou une bursite en poussée
clinique oriente le traitement ? inflammatoire pour lesquelles une infiltration sera le plus
souvent très efficace. Mais, même si c’est plus rare, on peut
The sportsman’s shoulder également retrouver ce début brutal dans des épaules neu-
L’épaule du sportif est le siège de pathologies très fré- rologiques et ici, un traitement court par corticoïde per os
quentes en particulier dans les sports de lancer mais peut être indiqué.
également dans les sports entraînant des traumatismes au Dans d’autres cas, il s’agit d’une situation traumatique
niveau de cette épaule. avec un accident récent. On est alors dans une logique
Le piège principal réside dans le fait que le patient de cicatrisation avec éventuellement une immobilisation et
vient le plus souvent avec de nombreux examens surtout un arrêt du geste sportif pendant une durée qui va
complémentaires qui dans la plupart des cas mettent en évi- dépendre de la gravité de la lésion.
dence des anomalies plus ou moins importantes mais il faut Les caractéristiques de la douleur doivent permettre
savoir que ces anomalies ne sont pas forcément à l’origine de faire la distinction entre une douleur mécanique qui
de la symptomatologie douloureuse du patient. L’examen va plutôt orienter vers une tendinopathie, un conflit ou
clinique est donc une étape tout à fait fondamentale pour une instabilité et une douleur inflammatoire, nocturne pour
déceler l’origine de la symptomatologie douloureuse. laquelle on va plutôt rechercher une pathologie inflam-
Afin d’éviter de se laisser influencer, il est préférable matoire. Dans ce cas, on retrouvera le plus souvent une
d’effectuer cet examen clinique avant de prendre connais- bursite ou une tendinopathie calcifiante pour lesquelles une
sance des résultats des examens complémentaires. infiltration peur être indiquée. Il faudra bien sûr penser
Cet examen clinique dans la plupart des cas permet également à une origine neurologique, tumorale ou rhuma-
d’affirmer le diagnostic, d’orienter le bilan paraclinique, de tismale. Cette douleur nocturne peut être un piège car on
débuter le traitement médical basé dans de nombreux cas peut aussi la retrouver dans des étiologies mécaniques.
sur de la rééducation voire une infiltration et de déceler une L’évolution de cette douleur est importante pour déceler
éventuelle indication chirurgicale. une aggravation éventuelle, des crises douloureuses et sur-
tout interroger le patient sur le retentissement fonctionnel
de cette douleur : est-ce qu’il peut continuer son activité
1. L’interrogatoire sportive, est-ce qu’il la ralentit, est-ce que la pratique du
Il est d’une importance capitale et il permet dans de nom- sport est impossible à cause de la douleur ou est-ce qu’il y
breux cas d’avoir déjà une orientation diagnostique précise. a éventuellement un retentissement sur la vie quotidienne
Il doit comporter quelques questions simples posées de et éventuellement des douleurs nocturnes ? Une évolution
façon systématique qui permettent de s’orienter. « trainante » avec une aggravation lente devra toujours
Le type de sport est bien sûr à prendre en compte faire rechercher un tableau de capsulite. Cette capsulite,
car il permet, d’une part, de comprendre la nature des surtout s’il existe un terrain diabétique, se traduira par
contraintes qu’il entraîne sur l’épaule, et d’autre part, des phénomènes douloureux qui seront alors au premier
d’envisager une adaptation du geste sportif. plan.
Le mode de début est fondamental afin de savoir s’il Enfin, il faut interroger le patient sur une éventuelle
s’agit d’une pathologie micro-traumatique. On est alors dans détérioration du geste sportif. Ce sont alors des patients
une situation où la lésion liée à un problème « d’over-use ». qui décrivent une maladresse, une baisse de performance
Dans ce cas, il faut se méfier de l’oubli du traumatisme ini- dans le geste sportif ou une fatigabilité. Dans ce cas, on
tial. Par exemple, un handballeur peut vous expliquer qu’il a s’orientera volontiers vers une cause neurologique (lésion du
mal lorsqu’il lance mais il oublie de vous dire que cette dou- nerf suprascapulaire ou long thoracique) ou une instabilité.
leur est apparue à la suite d’un armé-contré survenu un an Dans certains cas, la douleur est au premier plan avec
auparavant et que cet armé-contré va vous orienter vers une des patients qui vous décrivent des douleurs extrême-
épaule douloureuse instable liée à un accident d’instabilité. ment importantes, le plus souvent nocturnes. Il s’y associe
Dans d’autres cas, une apparition brutale de la douleur une impotence fonctionnelle très nette. Dans ce cas-là,
http://dx.doi.org/10.1016/j.scispo.2017.07.010
0765-1597/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Téléchargé pour Ahmed MEHERZI (doyen.fmt@gmail.com) à Faculte de Medecine de Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juin 08, 2018.
Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2018. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
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l’examen clinique est le plus souvent difficile voire illusoire. conflit postérieur, la capsulite. . .), les signes orientant vers
Dans cette situation, les deux diagnostics les plus fréquents l’articulation acromio-claviculaire (luxation ou arthropathie
à évoquer sont la bursite (en phase très inflammatoire) ou acromio-claviculaire) et ceux plus rares orientant vers la
la tendinopathie calcifiante. Dans ce cas-là, la rééducation sternoclaviculaire.
est inutile et il y a une place évidente pour une infiltration À côté de ces vraies articulations, il existe deux fausses
qui sera idéalement faite sous contrôle radio- ou échogra- articulations : l’articulation sous-acromiale qui est le siège
phique. de conflit sous-acromiaux et/ou de la plupart des tendi-
Durant l’interrogatoire, il faut regarder le patient qui, nopathies et puis bien sûr l’articulation scapulothoracique
parfois simplement en vous indiquant la localisation de la qui le siège des conséquences d’atteintes neurologiques en
douleur, vous donne le diagnostic. Deux localisations sont particulier du nerf long thoracique.
très évocatrices : d’une part, la main sur l’épaule en regard Cet examen clinique sera décliné en plusieurs temps :
de l’articulation acromio-claviculaire. En effet, une dou- l’inspection, l’étude des mobilités, les tests isométriques,
leur à la partie supérieure de l’épaule signe le plus souvent la recherche d’instabilité et enfin la palpation.
une atteinte acromio-claviculaire ou éventuellement une
douleur projetée d’origine cervicale avec une trapézalgie
associée. 3. L’inspection
L’autre localisation très classique est la douleur posté-
rieure de l’épaule qui va orienter le plus souvent vers un Lors de l’inspection, il faut bien sûr commencer par deman-
désordre intervertébral mineur avec une localisation pré- der au patient où est située sa douleur.
cise au niveau de l’angulaire de l’omoplate et/ou au niveau Très souvent il montre l’épaule avec une douleur irra-
de la région interscapulaire. Dans ce cas-là, il ne s’agit pas diant au niveau du bras. S’il met la main à la partie
à proprement parler d’une pathologie de l’épaule et le trai- supérieure de l’épaule au niveau des trapèzes, on sera plu-
tement repose en priorité sur les techniques de médecine tôt en présence d’une douleur cervicale projetée. S’il met
manuelle-ostéopathie. la main ou plus précisément le doigt en regard de l’acromio-
Les douleurs d’origine intra-articulaire en particulier claviculaire, il nous « offre le diagnostic » et il faudra bien
gléno-humérale sont trompeuses avec des irradiations très sûr s’intéresser à cette articulation souvent négligée dans
variables. Mais un point essentiel est qu’une douleur l’examen clinique alors que son atteinte est extrêmement
d’épaule n’irradie jamais au-delà du coude. fréquente. Enfin, s’il met la main à la partie très posté-
Enfin, l’interrogatoire s’attache à évaluer les capaci- rieure de l’épaule en regard de l’angulaire de l’omoplate, il
tés fonctionnelles du patient. Tout simplement, il s’agit de faudra rechercher un désordre intervertébral mineur (DIM)
savoir s’il a la possibilité de lever le bras avec ou sans dou- avec une douleur projetée d’origine cervicale. Cette ins-
leur, s’il peut également continuer à pratiquer son sport pection s’effectue de face et de dos. On regardera dans
(de lancer) avec ou sans douleur et s’il existe éventuelle- un premier temps d’éventuelles déformations au niveau de
ment une diminution de la performance ou un changement l’articulation acromio-claviculaire et de la sternoclavicu-
de geste ou de poste. En pratique, il faut apprécier les pos- laire mais on recherchera une amyotrophie en particulier
sibilités que le patient a de s’adapter à sa pathologie pour du deltoïde, de la fosse supra- et surtout infra-épineuse.
continuer la pratique du sport. On recherchera également un éventuel décollement de
l’omoplate. Tous ces signes nous orientent vers une atteinte
2. L’examen clinique neurologique. Enfin, on regarde attentivement le bras à la
recherche d’une rupture du long biceps.
Lorsque l’on effectue cet examen clinique, il faut avoir pré- L’inspection doit être également dynamique. On
sent à l’esprit que chaque test clinique peut orienter vers demande au patient de lever les deux bras en éléva-
une articulation et/ou une pathologie comme il est indiqué tion antérieure puis en élévation latérale. Ceci permet
au Tableau 1. d’apprécier une limitation ou une éventuelle incapacité à
Il y a 5 articulations au niveau de l’épaule : 3 vraies et effectuer ces mouvements. On pourra également retrouver
2 fausses. une perturbation du rythme scapulo-humérale en particu-
Pour les « vraies articulations, on distinguera les signes lier une élévation latérale qui fera évoquer en premier lieu
orientant vers l’articulation gléno-humérale (instabilité, un conflit sous-acromial avec un « accrochage douloureux »
aux environs de 60—90◦ d’abduction.
Tableau 1 Grandes orientations cliniques. Ce test est aussi intéressant pour apprécier les capaci-
Chaque test clinique oriente vers une articulation et tés du patient et on aura bien sûr pas la même attitude
une pathologie thérapeutique avec un patient qui est dans l’incapacité de
3 vraies lever le bras et un patient qui lève les bras tout à fait
Gléno-humérale : instabilité, conflit postérieur, normalement avec une petite gêne en fin d’élévation. Une
capsulite impossibilité complète d’élévation active doit faire recher-
Acromio-claviculaire : arthropathie cher une atteinte majeure de la coiffe dont le traitement
Sternoclaviculaire : arthropathie peut être chirurgical et ceci dans des délais rapides.
2 fausses Lors de cette inspection, on attachera une attention
Sous-acromiale : conflit, tendinopathies particulière aux mouvements de l’omoplate avec une éven-
Scapulothoracique : lésion du nerf long tuelle mise en évidence d’un décollement de l’omoplate
thoracique signant dans la plupart des cas une atteinte du nerf long
thoracique.
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La manœuvre de Rodineau : on mobilise la tête humérale L’interrogatoire apporte des données importantes et
en lui imprimant des petits mouvements antéro-postérieurs chaque signe clinique « renvoie » à une localisation ana-
et on recherche une hypermobilité, des craquements ou des tomique et à une pathologie. Cet examen clinique permet
douleurs. de faire le diagnostic dans la majorité des cas et donc de
Le test d’appréhension en rétropulsion horizon- débuter le traitement qui repose très souvent sur de la
tale — rotation externe (RHRE) avec un appui postérieur rééducation, de rares infiltrations sans oublier l’analyse et
bras à 90◦ d’abduction en rotation externe et qui déclenche la correction du geste sportif.
une appréhension et parfois des douleurs mais c’est surtout S’il y a une règle à retenir, c’est de ne jamais regarder
un test d’appréhension. Il est effectué patient debout. les examens complémentaires avant d’avoir examiné nos
Le « Fulcrum test » avec l’épaule dans la même position patients, d’une part, pour ne pas se faire influencer mais
mais effectué cette fois en décubitus dorsal. surtout car ils mettent souvent en évidence des lésions (en
Le « relocation test » qui est la poursuite du test pré- particulier chez les sportifs vétérans) qui ne sont pas forcé-
cédent mais avec cette fois la main de l’examinateur qui ment en relation avec la symptomatologie douloureuse.
effectue une poussée antérieure ce qui fait disparaître la À l’inverse, une imagerie orientée par un bon examen cli-
symptomatologie (appréhension et parfois douleur). nique sera toujours beaucoup plus pertinente et permettra
D’autres tests peuvent être effectués comme le « Sul- un traitement adapté.
cus test » ou l’abduction passive (la main sur le moignon de
l’épaule) pour apprécier une augmentation de cette abduc-
tion. Phrases clefs
Tous ces tests sont facilement réalisables et permettent • Quand on ne comprend rien à une épaule et que
de poser le diagnostic d’épaule douloureuse instable dont le l’examen clinique est « anarchique », il faut penser à
traitement repose le plus souvent sur de la rééducation dont une acromio-claviculaire, un long biceps sans oublier
les résultats permettent la reprise du sport dans la plupart la capsulite.
des cas. • Quand on a un tableau clinique associant plusieurs
Si ces tests entraînent uniquement une douleur uni- étiologies dont l’acromio-claviculaire et que
quement postérieure, il faudra rechercher un conflit l’on souhaite utiliser l’infiltration en raison des
postéro-supérieur. Mais dans le conflit postéro-supérieur, phénomènes douloureux, il faut commencer par
lors du test en RHRE, la douleur se manifeste vers 120◦ infiltrer l’articulation acromio-claviculaire.
d’abduction alors qu’elle apparaît plutôt vers 90◦ dans • Il ne faut jamais prendre connaissance des examens
l’épaule douloureuse instable. complémentaires avant d’examiner le patient.
7. La palpation
Elle beaucoup moins performante qu’au niveau d’autres Déclaration de liens d’intérêts
articulations comme la cheville ou le genou. On peut
toutefois palper assez facilement l’acromio-claviculaire, Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
l’acromion à la recherche d’un acromion bipartite, la sterno-
claviculaire, une partie des tendons supra- et infra-épineux. J.-M. Coudreuse ∗ , J. Parier
Le tendon du long biceps peut être plus difficile d’accès. Unité de médecine du sport, pôle de médecine
physique et de réadaptation — médecine du sport,
8. Ne pas oublier hôpital Salvator, CHU de Marseille, AP—HM, 249,
boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille,
L’examen du rachis cervical avec la palpation et l’étude des France
mobilités dans les 6 directions. ∗ Auteur correspondant.
Un examen neurologique et vasculaire classique mais
Adresse e-mail : jean-marie.coudreuse@ap-hm.fr
également à la recherche d’un syndrome du défilé des sca-
(J.-M. Coudreuse)
lènes.
Reçu le 17 juillet 2017 ;
9. Conclusion accepté le 17 juillet 2017
Disponible sur Internet le 16 August 2017
L’épaule peut sembler une articulation compliquée mais on
peut simplifier son approche avec une démarche simple.
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