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Module plat

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La notion de module plat a été introduite par Jean-Pierre Serre[1]. Elle généralise les modules projectifs et a fortiori les modules libres. En algèbre commutative et en géométrie algébrique, cette notion a été notamment exploitée par Alexander Grothendieck et son école, et s'est révélée d'une importance considérable[2].

Définition

Un module sur un anneau commutatif (unitaire) est dit plat si le foncteur produit tensoriel avec est exact, c'est-à-dire pour toute suite exacte

de -modules, la suite obtenue par produit tensoriel

reste exacte. Comme le produit tensoriel est exact à droite pour tout module, la propriété revient à dire que pour tout morphisme injectif de -modules , l'application induite est injective.

Remarque. La notion de platitude se définit de la même façon pour les modules sur un anneau unitaire non nécessairement commutatif.

Exemple. Le -module n'est pas plat : l'application multiplication par 2, de dans , est injective, mais si on la tensorise par , elle devient nulle, alors que est non nul car isomorphe à . Donc l'application après tensorisation n'est plus injective. Plus généralement, tout module plat est sans torsion, c'est-à-dire que avec et n'est possible que si ou .

On dit qu'un morphisme d'anneaux φ : A → B est plat si B est plat pour la structure de A-module induite par φ. On dit aussi que B est plat sur A, le morphisme φ étant sous-entendu.

Exemples

  • Tout module libre est plat. Ainsi, sur un corps, tout espace vectoriel est plat.
  • Supposons noethérien local d'idéal maximal . Soit son complété formel (en) pour la topologie -adique. Alors l'homomorphisme canonique est injectif et plat. Si est un autre anneau local noethérien tel que et que l'idéal maximal de soit égal à , alors AB est plat. Cela implique que l'inclusion canonique de dans l'anneau des germes de fonctions holomorphes à n variables à l'origine est un homomorphisme plat.

Quelques critères

  • M est plat si et seulement si pour tout idéal I de A, l'application canonique IAM → M qui à ax associe ax, est injective.
  • Si A est local et si M est de type fini sur A, alors M est plat si et seulement s'il est libre.
  • Sur un anneau de Dedekind, tout module sans torsion est plat.
  • (Nature locale de la platitude) M est plat sur A si et seulement si pour tout idéal maximal m de A, le produit tensoriel MAAm est plat sur Am.
  • (Théorème de Govorov et Lazard)[4] Un module est plat si et seulement si c'est une limite inductive de modules libres de rang fini.

Opérations laissant stables les modules plats

  • Si M et N sont plats, alors MN (plus généralement, toute somme directe de modules plats) et MAN sont plats.
  • (Changement de base) Si AB est un morphisme d'anneaux (unitaire) quelconque et si M est plat sur A, alors MAB est plat sur B.
  • Soit 0 → NLK → 0 une suite exacte. Si N et K sont plats, alors L aussi. Si L et K sont plats, alors N aussi. Par contre, si N et L sont plats, il n'y a aucune raison que K soit plat (considérer par exemple et ).
  • En général un sous-module d'un module plat n'est pas plat. De même le quotient d'un module plat n'est pas plat.

Fidèle platitude

Une propriété plus forte que la platitude est la fidèle platitude. On dit qu'un A-module M est fidèlement plat s'il est plat et si pour tout A-module non nul N, on a MAN ≠ 0.

On dit qu'un homomorphisme d'anneaux φ : A → B est fidèlement plat s'il fait de B un A-module fidèlement plat. C'est équivalent à dire que AB est plat et que pour tout idéal maximal M de A, il existe un idéal maximal N de B tel que M = φ-1(N).

Tout module libre non nul est fidèlement plat. Le -module est plat mais non fidèlement plat.

Interprétation géométrique

Supposons A commutatif unitaire et noethérien. Soit M un module de type fini sur A. Pour tout idéal premier P de A, le produit tensoriel MAk(P) – où k(P) est le corps des fractions de A/P – est un espace vectoriel sur k(P). Ainsi M peut être vu comme une famille d'espaces vectoriels (sur des corps variables) paramétrée par les points du spectre Spec A. L'application qui à P associe la dimension de MAk(P) est semi-continue supérieurement (Spec A étant muni de la topologie de Zariski, et l'ensemble des entiers positifs ou nuls de la topologie discrète). On peut montrer que lorsque A est réduit, M est plat si et seulement si cette fonction est continue (donc localement constante).

Un module M est fidèlement plat si et seulement s'il est plat et si MAk(P) est non nul pour tout P.

Relation avec les foncteurs Tor

Supposons A commutatif unitaire. Soit M un A-module. Alors la platitude de M est équivalente à chacune des propriétés suivantes :

  • Pour tout A-module N et pour tout entier n supérieur ou égal à 1, on a .
  • Pour tout idéal de type fini I de A, on a .

Soit AB un homomorphisme d'anneaux plat. Alors pour tous A-modules M, N et pour tout entier n>0, on a

.

Notes

  1. J.-P. Serre, « Géométrie algébrique et géométrie analytique », Annales de l'Institut Fourier, vol. 6,‎ , p. 1–42 (lire en ligne)
  2. Michel Raynaud, Grothendieck et la théorie des schémas, p. 4-5.
  3. Par exemple, le -module est plat (c'est une localization de ), mais pas projectif car il n'existe pas d'homomorphisme non-nul f de dans un module libre M (en effet, pour tout entier naturel n, ce qui est impliquerait que f(1)=0, et donc f=0).
  4. (en) David Eisenbud, Commutative algebra with a view toward algebraic geometry, GTM 150, Springer-Verlag, 1999, Appendix A6.2.

Références

  • (en) H. Matsumura, Commutative Algebra, Benjamin Cummings, 2e éd., 1980, chap. 2.