Les résultats des scrutins législatifs n'ayant pas dégagé de majorité claire, l'équilibre des forces à la Maneaba n'apparaît qu'en septembre, quand une majorité des élus se range dans le camp présidentiel.
Il n'existe pas de partis politiques formellement organisés aux Kiribati. Les partis sont des groupements informels et fluides, sans quartier général ni programme ni structure formelle, et il est fréquent que des députés changent de parti après leur élection ou durant une législature. Durant la législature 2020-2024, les députés affiliés au gouvernement siègent avec l'étiquette Tobwaan Kiribati, même lorsque ce n'est pas celle avec laquelle ils ont été élus, tandis que les groupes d'opposition se sont assemblés pour former le parti Boutokaan Kiribati Moa Party[1],[2].
Les affiliations politiques étant fluides, beaucoup de candidats disent aux citoyens de leur circonscription qu'ils reviendront vers eux une fois élus pour décider avec eux de leur étiquette politique[3].
L'année 2022 a été marquée par les assauts du gouvernement du président Taneti Maamau contre le pouvoir judiciaire. En mai 2022, son gouvernement suspend David Lambourne, juge à la Haute Cour et époux de la cheffe de l'opposition parlementaire Tessie Lambourne. Le gouvernement invoque des méfaits du juge, sans préciser lesquels. David Lambourne fait appel de sa suspension, et le gouvernement Maamau suspend alors le président de la Haute Cour, William Hastings, l'empêchant de traiter cet appel. En août, le gouvernement tente d'expulser David Lambourne du pays, le conduisant à l'aéroport international de Bonriki et faisant fi d'un arrêt de la Cour d'Appel interdisant sa déportation. À l'aéroport, la police tente de contraindre physiquement David Lambourne d'entrer dans l'avion de la compagnie Fiji Airways, mais le refus du pilote d'embarquer un passager illégalement contraint les autorités gilbertines à y renoncer. Le juge est alors placé en détention[4],[5]. Le 19 août, les avocats du gouvernement demandent à la Cour d'Appel de consentir à l'expulsion de David Lambourne, et présentent à la Cour un avertissement de la part du président Maamau, qui menace de suspendre la Cour d'Appel si elle ne « corrige » pas son arrêt[6]. La Cour ayant refusé de plier face à ces menaces, le 6 septembre, le gouvernement Maamau suspend les trois juges de la Cour d'Appel. Sir Ieremia Tabai, député d'opposition et ancien président de la République, condamne cette décision, soulignant qu'il n'y a désormais plus de pouvoir judiciaire pouvant contraindre le gouvernement à respecter la Constitution et le droit[7]. Le 28 octobre, le président de la République nomme la procureure généraleTetiro Semilota (qui a le rang de ministre) présidente par intérim de la Haute Cour, aggravant les inquiétudes quant à la séparation des pouvoirs dans le pays[8]. En décembre, sous la contrainte, William Hastings démissionne formellement de son poste de président de la Haute-Cour et retourne en Nouvelle-Zélande, tout en accusant le gouvernement Maamau d'avoir sapé « l'indépendance de la justice, l'État de droit et les droits de l'homme »[9].
David Lambourne est contraint de quitter les Kiribati le 16 mai[10]. La rapporteur spéciale sur l'indépendance de la justice pour le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme condamne cette expulsion, soulignant l'irrégularité des procédures, leur non-conformité avec les normes internationales de justice, l'impossibilité pour David Lambourne d'être entendu par une autorité judiciaire indépendante, et plus généralement les attaques répétées du gouvernement Maamau contre l'indépendance de la justice aux Kiribati[11],[12].
Les Kiribati sont dotés d'un parlement unicaméral appelée Maneaba ni Maungatabu (littéralement « Maison commune de la montagne sacrée »), renouvelée tous les quatre ans. Cette assemblée est composée d'un total de 45 ou 46 membres, dont 44 sont élus au scrutin direct selon une variante du scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans des circonscriptions de 1 à 3 sièges. Sept d'entre elles n'ont qu'un seul sièges à pourvoir, onze en ont deux, et cinq autres en ont trois[13].
Les électeurs sont ainsi munis d'autant de voix que de sièges à pourvoir dans leurs circonscription, et peuvent les répartir aux candidats de leurs choix. Au premier tour, les candidats des circonscriptions uninominales sont élus selon la forme classique de ce mode de scrutin : un candidat est élu s'il recueille la majorité absolue. À défaut, un second tour est organisé entre les deux candidats arrivés en tête, et celui réunissant le plus de suffrages est élu.
Dans les circonscriptions de deux ou trois sièges, cependant, les candidats doivent pour être élus arriver en tête et recueillir seuls au moins 25 % des suffrages. S'il reste des sièges à pourvoir passé le premier tour, un second est organisé entre les candidats arrivés en tête, à raison d'autant de candidats que de sièges, plus deux. Le ou les candidats arrivés en tête sont alors élus[13].
Enfin, un membre est élu au suffrage indirect par le Conseil des chefs de la communauté banabienne de l'île de Rabi, tandis que le procureur général devient membre ex officio s'il n'est pas déjà député, portant le total des membres de l'assemblée à 46. Le président de l'assemblée est quant à lui désigné en dehors des membres de cette dernière. N'étant pas député, il ne participe pas aux votes[14].
Les élections législatives sont suivies d'une élection présidentielle, les députés devant choisir en leur sein trois ou quatre candidats pour cette élection[15]. Le mandat du président de la république Taneti Maamau étant arrivé à échéance en mai, une élection présidentielle doit se tenir en août au plus tard, après les élections législatives[16].
Quatorze députés de la majorité sortante et douze députés de l'opposition sortante sont réélus, les autres députés étant de nouveaux élus. Le président de la république Taneti Maamau, son vice-président Teuea Toatu et la cheffe de l'opposition Tessie Lambourne conservent tous leurs sièges à l'Assemblée. Le ministre de l'Emploi Taabeta Teakai et le ministre des Infrastructures Willie Tokataake sont toutefois battus dans leurs circonscriptions respectives.
La nouvelle assemblée siègera le 13 septembre[19].
Trente-trois des députés se joignent au parti Tobwaan Kiribati, conférant ainsi une très large majorité parlementaire au président Taneti Maamau. Assemblés pour la première fois le 13 septembre, ils élisent pour président du Parlement Willie Tokataake, ministre des Infrastructures de la législature sortante ayant perdu son siège de député aux élections de 2024[22].
Ils désignent ensuite les députés autorisés à concourir à l'élection présidentielle d'octobre. La majorité parlementaire valide la candidature de son chef, le président Taneti Maamau, mais interdit la candidature de la cheffe de l'opposition, Tessie Lambourne. Les trois autres députés choisis par la majorité pour concourir sont qualifiés par Radio New Zealand de « candidats fantoches(en) » sélectionnés pour donner une apparence de pluralisme à un scrutin conçu pour la réélection du président Maamau[22]. Tous sont membres du parti Tobwaan Kiribati[23].