Évacuation de l'or de la Banque de France
L'Évacuation de l'or de la Banque de France est un épisode de la seconde Guerre mondiale. Il s'est déroulé en juin 1940 avant l'arrivée des troupes allemandes sur le territoire français.
Déroulement
[modifier | modifier le code]En 1939, la France détient 2 500 tonnes d’or[1], dont 30 t confiées par la Pologne (après un périple via Beyrouth et Toulon[2]) et 200 t confiées par la Belgique[3]. Un plan est élaboré dès 1932 pour évacuer cet or en cas d'invasion de la France[1]. En 1933, quelques tonnes sont envoyées vers des succursales situées à proximité des côtes, vers Brest et vers Toulon, puis en 1938 600 tonnes sont transportées par des croiseurs de la Marine nationale vers la Réserve fédérale des États-Unis.
C'est Lucien Lamoureux (ministre des finances du 21 mars au 5 juin 1940) qui a organisé le reste du transfert dès le 14 mai 1940. Il fallait transporter par camion ou train les réserves d'or stockées dans 51 des succursales de la Banque de France réparties dans tout le pays vers les ports choisis pour l'embarquement : Brest, Toulon, Bordeaux (port du Verdon) et Lorient. L'or est acheminé par 35 convois de 300 camions dans plus de 20 000 colis et caisses. Et 60 convois arrivent à Brest par chemin de fer, aussitôt déchargés à dos d'homme. Immédiatement les colis sont chargés dans des camions et prennent la direction du fort du Portzic.
Il fallait également obtenir de l'Amirauté la mise à disposition de navires.
L'opération se déroule du 21 mai au 23 juin sans aucune perte d'après Lucien Lamoureux[3]. Cependant Tristan Gaston-Breton fait état de 395 kilos d'or déclarés perdus dont une caisse de 50 kg tombée à l'eau entre le fort du Portzic et le quai de Laninon à Brest[1],[4],[5].
Quatre officiers allemands se présentent à la Banque de France le 15 juin 1940 pour se faire ouvrir les coffres, ils sont vides. Lorsque le 19 juin, les troupes allemandes entrent dans Brest, il ne reste plus un seul lingot d'or appartenant à l'Etat sur le territoire français[6]. Le gouvernement de Vichy se dit prêt à céder ces réserves aux allemands afin d’adoucir l’Occupation mais la Banque de France, qui à cette époque a toujours un statut privé, s'y refuse.
L'or sera rapatrié en France en 1946. Son sauvetage a joué un rôle majeur dans la reconstruction du pays et a permis à la France de préserver son indépendance et de rester une grande puissance.
Cas de l'or transféré à Dakar
[modifier | modifier le code]À la suite du drame de Mers-el-Kébir, il est décidé d'évacuer sous surveillance militaire l'or stationné dans le port de Dakar, vers l'intérieur du pays par la ligne de chemin de fer Dakar-Bamako. D'abord transféré vers le camp militaire de Thiès, à 70 km de Dakar, l'or est enfin conservé, sous la surveillance du personnel de la Banque de France et de façon durable, à Kayes, ville située à 500 km sur le même tronçon, actuelle frontière entre le Mali et le Sénégal.
Cas de l'or transféré aux Antilles
[modifier | modifier le code]Quand l'Émile Bertin arrive à Halifax le 18 juin 1940, le gouvernement français avait adressé aux Allemands une demande d'armistice. Les autorités navales anglaises et canadiennes envisagèrent de garder le croiseur français à Halifax, au besoin par la force. Après négociations, le capitaine de vaisseau Battet réussit à partir pour la Martinique.
L'Émile Bertin, resté mouillé à la Martinique, est désarmé en 1942. La présence de l’or de la banque de France entraîne le blocus total par les navires anglais et américains de l'île de la Martinique[7].
Liste des bateaux impliqués
[modifier | modifier le code]Navire | date | tonnage d'or
transporté |
Départ | Destination |
---|---|---|---|---|
Dunkerque | 11 décembre 1939 | 100 | Brest | Halifax |
Le Béarn | 21 mai 1940 | 200 | Toulon | Halifax |
Jeanne d'Arc | 21 mai | 200 | Brest | Halifax |
Émile Bertin | 21 mai | 200 (187 ?) | Brest | Halifax |
Pasteur | 2 juin | 213 | Brest | Halifax |
Ville d'Oran | 3 juin | 200 | Bordeaux (Pauillac) | Casablanca puis transbordement sur le USS Vincennes vers New-York |
Émile Bertin | 9 juin | 254 | Brest | Halifax puis Martinique (fort Desaix)[8] |
El Djézaïr | 18 juin | 900 en tout | Brest | Casablanca puis Dakar |
Victor Schoelcher[9] | 19 juin | 230
(or belge et polonais) |
Lorient | Dakar |
Primauguet[10] | 23 juin | 200 | Bordeaux (port de Verdon) | Casablanca |
Conséquences à l'époque contemporaine
[modifier | modifier le code]Certaines sources font un lien entre l'affaire Troadec et l'évacuation de l'or de la Banque de France. Le motif des meurtres serait une dispute à propos d'un « trésor », jamais retrouvé, constitué de lingots d'or tombés à l'eau dans le port de Brest lors du chargement du trésor de la Banque de France[11],[12],[1].
Bibliographie
[modifier | modifier le code]Documentaires
[modifier | modifier le code]- "Sauvez l'or de la Banque de France !" : l'incroyable périple, 1940-1945, Tristan Gaston-Breton, Cherche midi, 2002 (ISBN 2-7491-0045-3 et 978-2-7491-0045-6)
- Le sauvetage de l'or en 1940, Article de Lucien Lamoureux, revue des Deux Mondes [lire en ligne (page consultée le 27/10/24)]
- Les grandes histoires navales de la Seconde Guerre mondiale : 1939-1945 : des marins au combat, Loïc Guermeur, Plon 2023 (ISBN 9782259317726)
- 1940 : l'or de la France a disparu, film d'Olivier Hennegrave, Label image et France Télévision 2012 ([lire en ligne (page consultée le 27/10/24)]
Fiction
[modifier | modifier le code]- BD L'or de France de Tibéry, Lefebvre, Pécau (2 tomes : La croisière de l'Emile Bertin et 12 milliards sous les tropiques)
- Daniel Braud, L’Or de Brest (2021) (ISBN 978-2368687390)
- Jean-Paul Le Denmat Il neigeait des cendres sur Brest, Ed. du Palémon, 2024 (ISBN 9782385270438)
- BD Comment faire fortune en juin 40 de Laurent Astier (Illustrateur), Fabien Nury (Auteur), Xavier Dorison (Auteur) scénario d'après Sous l'aile noire des rapaces de Pierre Siniac, Casterman 2015
Références
[modifier | modifier le code]- « L'épopée de l'or de la Banque de France », sur historia.fr,
- « Archives – Investir - Le Journal des Finances - Les réserves d'or de la France sont sauvées in extremis en 1940 - Les Echos Bourse », sur archives.investir.fr, (consulté le )
- Lucien Lamoureux, « Le sauvetage de l'or en 1940 », Revue des Deux Mondes, 2016 ? (lire en ligne)
- « Mystère de l’or de Brest : mais où sont passés les lingots de la Banque de France ? » , sur Ouest-France.fr, (consulté le )
- Steven Le Roy, Julien Joly, Histoires extraordinaires de Brest, éd. Le télégramme, (ISBN 9782492394034), p. 12
- « 1600 tonnes d'or au large du Minou », sur ville-plouzane.fr
- Celia Britton et Édouard Glissant, « Souvenirs des années 40 à la Martinique : interview avec Edouard Glissant », L'Esprit Créateur, vol. 47, no 1, , p. 96–104 (ISSN 1931-0234, lire en ligne, consulté le )
- « Histoire : l'évacuation de l’or de la Banque de France en 1940 », sur www.republicain-lorrain.fr, (consulté le )
- « Victor Schoelcher (1939/1940 et 1941/1942) », sur www.postenavalemilitaire.com (consulté le )
- « En 1940, ce bateau évacuait les dernières tonnes d'or de la Banque de France depuis Bordeaux », sur SudOuest.fr, (consulté le )
- « Affaire Troadec : un trésor en or à l’origine de la tragédie, selon la mère de Pascal », sur lemonde.fr,
- « Affaire Troadec. « Cet or a existé » » , sur Le Télégramme, (consulté le )