Adèle Hugo
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Eugène Hugo (oncle paternel) |
Adèle Hugo, née à Paris le [2],[3] et morte à Suresnes le [4], est une compositrice française. Elle était le cinquième enfant, et la seconde fille, d'Adèle Foucher et de Victor Hugo. Elle fut la seule qui survécut à son illustre père, mais son état mental, très tôt défaillant, lui valut, à partir de 1872, de longues années en maison de santé.
Biographie
[modifier | modifier le code]Origines
[modifier | modifier le code]Adèle Hugo naît un mois après les Trois Glorieuses qui voient la chute du roi Charles X et l’avènement de Louis-Philippe. Elle est très vite surnommée « Dédé ».
Adèle naît l’année où sa mère entame une relation avec Sainte-Beuve – qui est son parrain. Certains, comme Raymond Escholier, croient lire les doutes de Hugo sur sa paternité dans les vers suivants :
(en présence du berceau)
« Ma femme, votre mère, ô pauvre être innocent,
Me trompait, je le sais, je pardonne, et j’espère ;
J’ignore, ange endormi, si je suis votre père […] »
D'autres ne voient là qu'une pure hypothèse[5],[6].
Adèle est une jolie jeune fille, sensible et jouissant d'un remarquable talent de pianiste et de compositrice[7],[8].
En 1843, âgée de 13 ans, elle subit de plein fouet le choc terrible causé par la noyade accidentelle de quatre membres de sa famille, dont sa sœur adorée Léopoldine, lors d'un déplacement en canot sur la Seine à Villequier. La tragédie a lieu en l'absence de Victor Hugo, en voyage en Espagne, qui apprendra la tragique nouvelle en lisant un journal local à Rochefort-sur-Mer.
Exil avec son père puis séjour au Canada
[modifier | modifier le code]En 1852, elle suit son père en exil à Jersey, puis Guernesey, et tient le journal de bord familial. Elle contribue, comme sa mère, à la promotion de son père. Supportant mal la vie en exil et hantée par la mort de sa sœur, Adèle est victime de dépression. Manifestant les premiers signes de graves troubles psychiques (psychosomatisation, crises de nerfs, délires, fortes fièvres, gastro-entérites répétées), elle est rapatriée en France en 1858 afin d'y recevoir des soins.
À Jersey, elle rencontre dès 1854 le lieutenant britannique Albert Pinson, qui fréquente sa famille en participant à des tables tournantes. Elle en tombe éperdument amoureuse, mais cet amour n'est pas réciproque.
Adèle, se considérant comme sa fiancée, rejette les demandes en mariage de ses autres prétendants. Faisant croire à sa famille qu'elle se rend à Malte, elle traverse l'Atlantique, espérant retrouver l'officier à Halifax, au Canada, où il est affecté depuis 1861, après avoir précédemment stationné dans le Bedfordshire. Son comportement devient obsessionnel. Elle harcèle le lieutenant, qui la repousse mais lui soutire régulièrement de l'argent. Adèle se rend souvent à sa caserne. Elle use de maints stratagèmes pour le convaincre de l'épouser, allant jusqu'à consulter un hypnotiseur pour le plonger dans un état second et le contraindre au mariage.
Très longtemps elle déclare à ses parents l’imminence de la noce par courrier. Sa famille la supplie de rentrer du fait de l'état de santé précaire de sa mère, mais elle décide de rester à Halifax. En elle écrit à ses parents avoir enfin épousé le lieutenant Pinson et son père annonce la nouvelle dans La Gazette de Guernesey. Quelques semaines plus tard, contrainte de révéler la supercherie, elle sombre définitivement dans la folie. Elle reste au Canada et Victor Hugo subviendra toujours à ses besoins. Sa mère, Adèle Foucher, meurt d'une congestion cérébrale en 1868.
Internement et fin de vie
[modifier | modifier le code]Lors d'un séjour à la Barbade, où elle a suivi le lieutenant, Adèle se fait appeler « Madame Pinson ». Elle est prise en charge par Céline Alvarez Baa, une bienfaitrice. Albert Pinson, qui ne lui prête plus aucune attention, quitte les Caraïbes en 1869.
Madame Baa raccompagne Adèle en France en 1872[9] Victor Hugo la place chez le docteur Allix, ami de la famille, avant de la faire interner dans la maison de santé de Mme Rivet (fille d'Alexandre Brière de Boismont) à Saint-Mandé. Elle est notamment soignée par le docteur Auguste Axenfeld.
Adèle reprend l'écriture de son journal en langage codé et la pratique du piano. Après la mort de son père, en 1885, elle est internée à l'hôpital de la fondation créée par Valentin Magnan à Suresnes, dans un ancien château, détruit depuis[10],[11],[12],[13].
Elle y termine sa vie pendant la Première Guerre mondiale. L'annonce de sa disparition est éclipsée par le conflit qui ravage l'Europe. Elle repose au cimetière de Villequier, aux côtés de sa mère et de sa sœur Léopoldine[14].
Pathologie
[modifier | modifier le code]Adèle Hugo a été sujette à l'érotomanie. Les symptômes de la maladie mentale dont elle souffrait (hallucinations, mythomanie, tendance bipolaire, trouble de la personnalité accompagné d'une perte du rapport au réel) ont également été apparentés à la schizophrénie.
Elle n'est pas le seul membre de la famille Hugo à avoir souffert de démence. Son oncle paternel, Eugène Hugo (1800-1837), malgré des débuts littéraires très prometteurs, a lui aussi sombré dans la folie[réf. souhaitée] .
Reconnaissances
[modifier | modifier le code]En 2004, Odile Blanchette alors conservatrice de Hauteville House, à Guernesey, a présenté au compositeur Richard Dubugnon des partitions manuscrites inédites d'Adèle Hugo, écrites lors de son séjour sur l'île avec son père. Persuadé de la qualité de cette musique, Dubugnon demande au directeur des Maisons Victor Hugo[15] Gérard Audinet qu'il lui envoie des copies de ces mélodies. Après plusieurs années d'inventaire, mise au propre et reconstruction pour certaines, ces partitions sont arrangées et orchestrées par ses soins pour être données en création mondiale par différents chanteurs et l'Orchestre Victor-Hugo Franche-Comté[16], d'abord en mars 2023 à Besançon, puis en août 2023 à la Côte-Saint-André lors du festival de musique classique Berlioz[17].
Publication
[modifier | modifier le code]- Le Journal d’Adèle Hugo, édité par Frances Vernor Guille, volumes 1 à 4, Paris, Minard, 1968 à 2002
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Photographie d'Edmond Bacot, maison de Victor Hugo.
- Certains biographes comme Annette Rosa (Victor Hugo ou l'éclat d'un siècle) ou André Maurois (Olympio ou la Vie de Victor Hugo, Hachette, 1954, p. 189) donnent la date du 28 juillet tandis que d'autres, comme Henri Gourdin (Adèle, l'autre fille de Victor Hugo p. 35) ou Auguste Rey (« Villégiature de la famille Hugo à Saint Prix » in La Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise (1906), p. 129) tiennent pour la date du 24 août.
- Selon la fiche reconstituée — à cause de l’incendie de l’Hôtel de Ville de Paris lors de la Commune — de son acte de naissance (en ligne sur le site des Archives de Paris) et de son acte de naissance (en ligne sur le site de Familysearch), Adèle Hugo est bien née le 24 août 1830 et non le 28 juillet.
- Selon son acte de décès, lisible en ligne sur le site des Archives départementales des Hauts-de-Seine, registre des décès 1915, vue 31/311, acte n° 104. Son acte de décès confirme sa date de naissance le 24 août 1830 à Paris.
- Raymond Escholier, Victor Hugo, cet inconnu…, Paris, Plon, , 344 p., p. XIII (préface).
- Victor Hugo, Victor Hugo - Œuvres complètes - Océan - Tas de pierres - Plans, Paris, Robert Laffont, , 556 p. (ISBN 978-2221096994), p. 521.
- « Grâce à ses partitions retrouvées au fond d'une malle, Adèle Hugo, fille de Victor, renaît en musique », le Figaro, (lire en ligne , consulté le )
- Pierre Gervasoni, « L’énigmatique Adèle Hugo, compositrice restée méconnue », Le Monde, (lire en ligne)
- Victor Hugo écrit dans Choses vues, à la date du 12 février 1872, quand il retrouve sa fille à Paris : « La négresse qui l'accompagne, Mme Baà, est honnête et lui est dévouée. »
- Francis Prévost, Histoires de Suresnes, Suresnes Information, 1989, p. 104-108 et 208-209.
- Michel Hébert et Guy Noël, Suresnes. Mémoire en images : tome 1, Éditions Alan Sutton, , p. 35.
- Philippe Barthelet, Les Écrivains et les Hauts-de-Seine, Cyrnéa éditions, , p. 102.
- Le Patrimoine des communes des Hauts-de-Seine, Flohic éditions, 1994, p. 386.
- « Les Tombes Hugo - Vacquerie », sur Mairie de Rives-en-Seine (consulté le ).
- « Maisons Victor Hugo ».
- mylene, « Mélodies sans paroles d'Adèle Hugo », sur Orchestre Victor Hugo, (consulté le ).
- Emma Poesy, « Les partitions d’Adèle Hugo, jouées pour la première fois dans leur intégralité au festival Berlioz », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Adèle Foucher Hugo, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, Lacroix, Bruxelles, 1863
- Jean Hugo, Le Regard de la mémoire, Actes Sud, Arles, 1983
- Jean Hugo, Carnets 1946-1984, Actes Sud, Arles, 1984
- Henri Guillemin, L’Engloutie : Adèle, fille de Victor Hugo, 1830-1915, Seuil, Paris, 1985
- Leslie Smith-Dow, Adèle Hugo, La Misérable, trad. Hélène Filion, éditions d’Acadie, 1996
- Henri Gourdin, Adèle, l’autre fille de Victor Hugo, Ramsay, Paris, 2003. Biographie à partir d'une relecture du journal d'Adèle (six mille pages connues).
- Raphaël Confiant, Adèle et la Pacotilleuse, roman, Folio, Mercure de France, 2005
Au théâtre
[modifier | modifier le code]- Adèle Hugo ou J'ai marché sur la mer, pièce de théâtre d'Élisabeth Gentet-Ravasco, 1987
Au cinéma
[modifier | modifier le code]- En 1975, François Truffaut a tiré des deux premiers tomes parus de son journal un film, L'Histoire d'Adèle H., avec Isabelle Adjani dans le rôle-titre.
Article connexe
[modifier | modifier le code]Liens externes
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- Ressource relative à l'audiovisuel :