Edme Pourchot
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Edme Pourchot[1] (en latin Purchotius), né à Poilly-sur-Tholon, près d'Auxerre[2], en septembre 1651, mort à Paris le à quatre-vingt-deux ans, fut un professeur de philosophie de l'Université de Paris, dont l'enseignement eut une grande influence et suscita la controverse en mêlant des éléments de cartésianisme aux conceptions scholastiques traditionnelles.
Biographie
[modifier | modifier le code]Fils d'un simple habitant de Poilly[3], il commença ses études à Auxerre, mais vint très jeune à Paris (pour sa philosophie), au collège des Grassins, et il acquit d'abord le grade de maître-ès-arts, puis de licencié-en-droit. Ses premiers succès le firent agréer comme répétiteur du futur abbé de Pomponne (neveu d'Antoine Arnauld). Il fut nommé professeur de philosophie en 1677, et enseigna cette discipline pendant vingt-six ans, d'abord au collège des Grassins, puis au collège des Quatre-Nations (ouvert en octobre 1688). Il fut élu sept fois recteur de l'Université (1692-94[4]), puis exerça pendant quarante ans, jusqu'à sa mort, la charge de procureur-syndic de la compagnie. En 1703, il mit fin à son enseignement de philosophie et se consacra à l'étude de l'Écriture Sainte et particulièrement de l'hébreu ; quelques années plus tard, il enseigna cette langue, au collège Sainte-Barbe, à des étudiants en théologie, en suivant la méthode de François Masclef[5], qui simplifiait grandement le système difficile hérité des massorètes.
Il rassembla la substance de son enseignement philosophique dans son Institutio philosophica ad faciliorem veterum ac recentiorum philosophorum lectionem comparata (Paris, chez J.-P. Coignard, 1695, 4 vol. in-12) : le premier volume est consacré à la logique, la métaphysique et des éléments de géométrie ; le second aux principes généraux de la physique (optique, mécanique); le troisième à la cosmologie et aux sciences naturelles ; le quatrième à l'éthique et à des Exercitationes scholasticæ. L'auteur perfectionna ensuite cet ouvrage jusqu'à la fin de sa vie, et il y en eut plusieurs autres éditions de son vivant et après avec le titre passé au pluriel (Institutiones philosophicæ), en France et en Italie : Paris, 1700 ; Lyon, chez A. Boudet, 1711 ; Venise, chez G. Manfré, 1713 ; Lyon, 1716-17 ; Venise, 1720, puis 1730 ; Paris, chez J. Vincent, 1723 ; Paris et Lyon, 1733 ; Padoue, Imprimerie du séminaire, 1738 ; Venise, 1760 ; Paris, chez J. Vincent, 1767. Les Exercitationes scholasticæ[6] furent imprimées à part par J.-P. Coignard en 1700 et 1711. Un Appendix ad Institutiones philosophicas fut publié en 1733, à Paris, chez Le Breton fils.
C'est suivant les conseils d'Antoine Arnauld qu'il médita les ouvrages de Descartes et la Logique de Port-Royal. Quant à ses positions personnelles, il s'efforce en fait de concilier la scholastique traditionnelle (dont il rejette certaines notions qui lui semblent caduques, comme les « formes substantielles ») et la « philosophie moderne » (notamment en matière de physique). Mais cela suffit à déclencher dans l'Université une cabale contre lui[7] : son ouvrage fut même déféré devant le Parlement de Paris en 1699, et condamné comme « enseignant une méchante doctrine ».
Nicolas Boileau l'évoque dans la seconde édition (1701) de son Arrêt burlesque[8] : « Vu par la Cour la requête présentée par les Régents, Maîtres-ès-Arts, Docteurs et Professeurs de l'Université [...] contenant que depuis quelques années une inconnue nommée la Raison aurait entrepris d'entrer par force dans les Écoles de ladite Université, et pour cet effet à l'aide de certains quidams factieux, prenant les surnoms de Gassendistes, Cartésiens, Malebranchistes et Pourchotistes, gens sans aveu, se serait mise en état d'en expulser ledit Aristote, ancien et paisible possesseur desdites Écoles, contre lequel elle et ses consorts auraient déjà publié plusieurs livres, traités, dissertations et raisonnements diffamatoires [...] ».
Pourchot a écrit également des Mémoires où il relate les différentes affaires qu'il eut à traiter pendant les quarante ans de son mandat de syndic. Il devint aveugle en 1732. À sa mort, il légua son épargne à la Sorbonne pour fonder une chaire de grec et une bourse pour les étudiants pauvres de sa région natale. Il fut inhumé au cimetière de Saint-Étienne-du-Mont, son épitaphe fut composée par Charles Coffin[9]. Balthazar Gibert[10], qui fut son successeur comme syndic de l'Université de Paris, prononça son éloge funèbre à sa prise de fonction.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Abbé Mouchot, Notice sur Pourchot, recteur de l'Université de Paris, Auxerre, 1888.
- Giulia Belgioioso, La variata immagine di Descartes. Gli itinerari della metafisica tra Parigi e Napoli (1690-1733), Lecce, Milella, 1999.
- Laurence Brockliss, « The Moment of No Return. The University of Paris and the Death of Aristotelism », Science and Education XV, 2006, p. 259-278.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- On trouve aussi le prénom Edmond, mais lui-même utilisait la forme Edme. Cf. Mercure de France, juillet-août 1739, p. 1509 : « Edme Pourchot (car il se nommait ainsi, à la différence du P. Martenne (sic), bénédictin, que nous venons de perdre, lequel signait Edmond Martenne) ».
- Localité relevant à l'époque du diocèse de Sens, et non de celui d'Auxerre. Cf. ibid., p. 1509-10 : « Il étoit né dans le diocèse de Sens, sur le territoire d'un village nommé Poilly, qui touche à la lisière de celui d'Auxerre, dans un canton qu'on appelle la Vallée d'Aillant, du nom d'un bourg de cette contrée. [...] Je crois que dans son épitaphe, qui se lit au mur du cimetière de Saint-Étienne-du-Mont, du côté du nord, il est aussi qualifié de Senonensis. Mais certainement il était de Poilly, à trois lieues d'Auxerre, et non pas de Sens. Ce n'est pas même à Sens qu'il avait fait le plus de résidence en province, mais à Auxerre. Il y avait pris les premières teintures des sciences, et de là il était venu à Paris ».
- Cf. ibid., p. 1509-10 : « On se souvient de ce qu'il dit un jour à la dame de ce village qui étoit venue lui rendre visite à Paris pendant que plusieurs membres de l'Université le monseigneurisoient chez lui, en sa qualité de recteur. S'étant rendu auprès de cette dame à la fin de tous ces compliments : N'aurez-vous pas été surprise, madame, lui dit-il, d'entendre traiter de monseigneur un paysan de votre village? ».
- Le recteur de l'Université de Paris était élu pour trois mois.
- François Masclef (Amiens, 1663-† 14 novembre 1728), chanoine de la cathédrale d'Amiens, auteur d'une Grammaire hébraïque en latin (Paris, 1716), supprimant notamment les points-voyelles des massorètes. Pourchot contribua fortement à faire admettre cette méthode, vivement critiquée par des hébraïsants comme Pierre Guarin.
- Titre entier : Exercitationes scholasticæ in varias partes philosophiæ, præsertimque in Aristotelis metaphysicam, sive Series disputationum ontologicarum naturali ordine dispositarum, quibus præmissum est breve compendium philosophiæ.
- Les œuvres de Descartes avaient été mises à l'Index à Rome en 1663, et en France même Louis XIV s'était préoccupé à plusieurs reprises (1671, 1685, 1691) d'en interdire l'enseignement.
- Titre entier : Arrêt burlesque, donné en la grand'chambre du Parnasse, en faveur des maîtres-ès-arts, médecins et professeurs de l'Université de Stagyre, au pays des Chimères, pour le maintien de la doctrine d'Aristote. La première édition, en 1671, réagissait à une demande que l'Université voulait faire au Parlement de Paris afin qu'il rende un arrêt interdisant l'enseignement dans les écoles d'autres principes que ceux d'Aristote.
- Pourchot avait pris part à la fameuse joute poétique « rabelaisienne » entre Charles Coffin (Ode au vin de Champagne) et Bénigne Grenan (Éloge des vins de Bourgogne).
- Balthazar Gibert (1662-1741), professeur de rhétorique au collège des Quatre-Nations depuis l'ouverture en 1688, auteur d'un fameux manuel de rhétorique.
Liens externes
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- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :