Fentanyl
Fentanyl | ||
Identification | ||
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Nom UICPA | N-(1-(2-phényléthyl)-4-pipéridinyl)-N-phényl-propanamide | |
No CAS | (citrate) |
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No ECHA | 100.006.468 | |
No CE | 213-588-0 (citrate) | |
Code ATC | N01 N02 |
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PubChem | 3345 | |
SMILES | ||
InChI | ||
Propriétés chimiques | ||
Formule | C22H28N2O [Isomères] (citrate : C22H28N2O · C6H8O7) |
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Masse molaire[1] | 336,470 5 ± 0,020 3 g/mol C 78,53 %, H 8,39 %, N 8,33 %, O 4,76 %, |
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pKa | 7,3 | |
Propriétés physiques | ||
T° fusion | 87,5 °C | |
Solubilité | 200 mg·L-1 à 25 °C | |
Pression de vapeur saturante | 5,29⋅10-9 mmHg à 25 °C | |
Précautions | ||
SGH | ||
H301, H311, H331 et H334 |
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Directive 67/548/EEC | ||
Écotoxicologie | ||
DL50 | 368 mg·kg-1 (souris, oral) 18 mg·kg-1 (rat, oral) |
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LogP | 3.94 | |
Données pharmacocinétiques | ||
Biodisponibilité | 100 % (IV) 92 % (transdermique) 50 % (orale) |
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Métabolisme | Hépatique, CYP3A4 | |
Demi-vie d’élim. | 7 (3 - 12) heures | |
Excrétion | ||
Considérations thérapeutiques | ||
Classe thérapeutique | Analgésique opioïde • Stupéfiant | |
Voie d’administration | Intraveineuse Transdermique Orale |
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Précautions | Dépresseur respiratoire | |
Caractère psychotrope | ||
Catégorie | Stupéfiant | |
Risque de dépendance | Très élevé | |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | ||
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Le fentanyl (R5240, sel citrique), appelé aussi apache ou dance fever[2], est une drogue à propriété analgésique opioïde, synthétisée pour la première fois par le docteur Paul Janssen (Janssen Pharmaceutica) en Belgique vers la fin des années 1950. Son utilisation initiale visait à soulager la douleur des patients atteints de cancer en phase terminale[3]. Son potentiel analgésique vaut environ 100 fois celui de la morphine[4] et 50 fois celui de l'héroïne pure et de l'oxycodone[3]. Le fentanyl est dans la plupart des pays une substance réglementée assimilée aux stupéfiants et se trouve au cœur de la crise américaine des opioïdes depuis les années 2010[5].
Le fentanyl a été introduit dans la pratique médicale dans les années 1960 sous forme d'anesthésique intraveineux. À l'état gazeux, il a une odeur caractéristique d'orange. Le fentanyl a une dose létale médiane (DL50) de 3,1 mg/kg chez les rats et de 0,03 mg/kg chez les chimpanzés[6]. La DL50 chez l’humain n'est pas connue avec précision mais est estimée à environ 2 mg[7]. La dose mortelle minimale chez les humains est de 0,25 mg[8].
Spécialités
[modifier | modifier le code]- Durogesic (Belgique, France, Suisse)
- Abstral (Belgique)
- Fentanyl EG (Belgique, France)
- Fentanyl Sandoz (Belgique, Suisse)
- Instanyl (Belgique, France)
- Matrifen (Belgique)
- Fentadon (Belgique)
- Effentora (France)
- Pecfent (France)
- Fentanyl Spirig (Suisse)
- Fentanyl Mepha (Suisse)
- DuragesicMD MAT, FentoraMD, pms-Fentanyl MTX, RAN-Fentanyl Matrix Patch, ratio-Fentanyl, Sandoz Fentanyl, Teva-Fentanyl (Canada)
L'industrie pharmaceutique a développé divers analogues du fentanyl, notamment l'alfentanil ; le sufentanil ; le rémifentanil et le carfentanil. L'acétyl fentanyl est proche du fentanyl mais n'a jamais été homologué pour usage médical.
Utilisation thérapeutique
[modifier | modifier le code]Le fentanyl est utilisé pour des douleurs chroniques permanentes, intenses, résistantes aux autres antalgiques et d'origine cancéreuse (douleur par excès de nociception)[réf. nécessaire]. Comme la plupart des opioïdes, il s'agit d'un antalgique de palier III[9],[10].
Sur le plan médical, le fentanyl est utilisé par injection, par patch sur la peau, en spray nasal ou dans la bouche[10].
Usage comme drogue
[modifier | modifier le code]Le fentanyl pur n'est pas classé comme une drogue, mais plutôt comme un analgésique extrêmement puissant utilisé avec une grande prudence dans les environnements hospitaliers[5].
Comme beaucoup d'opioïdes, le fentanyl est aussi utilisé comme drogue. Il provoque les effets secondaires typiques des opiacés (euphorie, analgésie, bien-être, somnolence, etc.), ainsi qu'une forte dépendance physique et psychologique.
Les trafiquants mexicains tirent avantage des effets et du faible coût du fentanyl. En conséquence, le fentanyl rapporte des dizaines de milliards de dollars à ces producteurs, en particulier au cartel de Sinaloa, l'un des plus importants producteurs de drogues.
La dangerosité du fentanyl réside dans le fait que les toxicomanes le combinent souvent avec d'autres substances, le mélange le plus répandu étant le fentanyl, la cocaïne et l'héroïne, connu sous le nom de « speedball » par les toxicomanes[6].
En France, afin de limiter le mésusage médicamenteux, les spécialités pharmaceutiques à base de fentanyl sont soumises au statut de médicament stupéfiant.
Marché noir
[modifier | modifier le code]En Europe, le fentanyl est peu répandu sur le marché noir.[réf. nécessaire] Certains toxicomanes arrivent à se procurer des patches transdermiques via une ordonnance médicale et les mâchent comme des chewing-gums pour obtenir des effets plus rapides[2].
En Asie, le fentanyl est souvent vendu comme un substitut à l'héroïne coûtant moins cher. Le fentanyl est environ 50 fois plus puissant que l'héroïne. Certains toxicomanes sont morts d'une surdose de fentanyl qu'ils pensaient être de l'héroïne.
En Amérique du Nord, l'héroïne est souvent coupée au fentanyl. Une dose d'héroïne agit de 6 h à 12 h, et une dose de fentanyl agit 2 h en moyenne[réf. nécessaire]. Le fentanyl joue un rôle central dans la crise des opioïdes.
En 2023, des réseaux de trafic impliquant la Chine et le Mexique, en particulier le cartel de Sinaloa et des entreprises pharmaceutiques chinoises sont sanctionnés par les États-Unis. Dans ce dernier pays, sur 106 000 overdoses mortelles en 2022, 70 000 étaient liées au fentanyl[11],[12],[13].
Contrefaçon
[modifier | modifier le code]La circulation de versions illégales a explosé en 2013 et, depuis, les trafiquants en incorporent fréquemment dans des comprimés contrefaits, en faisant ainsi l'une des drogues les plus létales depuis la seconde moitié des années 2010. Ils en mélangent également à de l’héroïne, avec le risque de provoquer l’arrêt du système respiratoire du consommateur[14]. La xylazine est aussi utilisée comme adjuvant.
Décès
[modifier | modifier le code]Quatre facteurs contribuent à la mortalité des consommateurs de fentanyl. Tout d'abord, à partir des années 1990, les médecins américains ont prescrit excessivement cette substance, la considérant comme un traitement miracle pour soulager la douleur. Les laboratoires ont même encouragé ces prescriptions en proposant parfois des échantillons gratuits. Deuxièmement, le fentanyl est hautement addictif. Troisièmement, sa puissance est extrême, avec une dose létale estimée à seulement 2 mg, soit cent fois moins que celle de l'héroïne. Cela rend l'overdose bien plus probable avec le fentanyl qu'avec l'héroïne. Enfin, le fentanyl a été produit clandestinement par des trafiquants de drogue, saturant les rues des États-Unis et du Canada. Moins cher que l'héroïne, il a également été utilisé pour couper cette dernière afin d'augmenter les profits des trafiquants. Malheureusement, les consommateurs d'héroïne, ignorants de cette pratique, injectent souvent une dose mortelle de fentanyl au lieu de leur dose habituelle[8].
États-Unis
[modifier | modifier le code]De 2014 à 2016, les surdoses mortelles de fentanyl aux États-Unis ont augmenté de 540 %, avec 20 100 décès en 2016 causés par ce produit (monde), presque 7 fois plus qu'en 2014[9], en faisant la première cause de mortalité parmi les 64 000 décès recensés dus à l'usage de drogues[15]. Aux États-Unis, en 2021, une personne est morte des effets de ce produit toutes les sept minutes en moyenne, ce qui représente 72 000 décès sur l'année[16]. Entre 2013 et 2022, cette drogue a tué plus de 300 000 personnes, et en 2022, le fentanyl est devenu la première cause de décès chez les 18-49 ans[17] avec 76 000 décès sur 111 000 surdoses. En 2023, les autorités dénombrent 75 000 décès[18].
Canada
[modifier | modifier le code]Au Canada, les décès par surdose de fentanyl ont mené à une crise sanitaire depuis [19]. En 2016, les décès dus aux surdoses de fentanyl représentent une moyenne de deux personnes par jour pour la seule Colombie-Britannique, avec 371 décès pour les six premiers mois de l'année, une augmentation de 74 % par rapport à l'année précédente[20]. Dans la nuit du 15 au , à Vancouver (Canada), 9 personnes sont mortes de surdose au fentanyl[21].
Victimes notables
[modifier | modifier le code]Depuis 2016, plusieurs célébrités ont été victimes de ce produit :
- le chanteur Prince est mort le d'une surdose de fentanyl[22] ;
- l'artiste rap emo Lil Peep trouve la mort le à l'âge de 21 ans par interaction entre fentanyl et alprazolam (Xanax). Le bilan toxicologique a décelé plus de dix drogues à l'autopsie, mais le décès serait dû à l'association à haute dose de ces deux substances ;
- le rocker américain Tom Petty est mort le , à l'âge de 66 ans. Ses proches révèlent en qu'il a succombé à une surdose d'opiacés parmi lesquels le fentanyl[23] ;
- le rappeur Mac Miller est mort le , à l'âge de 26 ans, par interaction entre fentanyl et cocaïne ;
- le rappeur Juice Wrld est mort le , à l'âge de 21 ans, des suites d'une overdose d'opiacés, parmi lesquels le fentanyl ;
- le skateur professionnel Jeff Grosso (en) est mort le , à l'âge de 51 ans, d'une cardiomégalie. En décembre 2020, l'analyse toxicologique effectuée lors de son autopsie révèle qu'il avait du fentanyl dans son corps lors de sa mort[24].
- l'acteur Logan Williams (hu) est mort d'une overdose le , à l'âge de 16 ans. Il luttait depuis trois ans contre son addiction à cet opioïde[25] ;
- le rappeur américain Coolio est mort d'une overdose de fentanyl le , à l'âge de 59 ans, selon l'autopsie publiée par le comté de Los Angeles[26] ;
- Leandro de Niro-Rodriguez, petit fils de Robert de Niro, meurt le 2 juillet 2023 des suite d'une surdose d'un mélange de fentanyl, de bromazolam, d'alprazolam, de 7-amino-clonazépam, de kétamine et de cocaïne[27] ;
- Angus Cloud meurt le 31 juillet 2023 des suites d’un mélange mortel de fentanyl, cocaïne, méthamphétamine et benzodiazépine[28] .
Usage vétérinaire
[modifier | modifier le code]Le fentanyl (Fentadon) est indiqué pour le contrôle de la douleur au cours d’interventions chirurgicales, orthopédiques et des tissus mous, particulièrement douloureuses chez le chien. Le contrôle de la douleur pendant la phase post-opératoire est également visé.
Arme chimique dérivée
[modifier | modifier le code]En 2002, les forces spéciales russes mettent fin à la prise d'otages du théâtre de Moscou menée par des terroristes tchétchènes après avoir introduit dans le bâtiment un gaz dit « paralysant »[29], le Kolokol-1, à base de fentanyl[30] (d'après les analyses réalisées sur les vêtements des victimes, il s'agirait plutôt de carfentanil, un dérivé de fentanyl, utilisé essentiellement comme anesthésique pour la sédation de gros mammifères). L’opération tue la majorité des preneurs d’otages et 130 spectateurs.
Criminalité associée
[modifier | modifier le code]La crise des opioïdes aux États-Unis débutés dans les années 2000, consécutive notamment à l’usage détourné de substances opioïdes. La mortalité liée aux opioïdes est due de manière croissante au fentanyl, un analgésique de synthèse puissant prescrit essentiellement dans le cadre de cancers en phase terminale, mais qui fait aussi l’objet d’une production et de trafics illicites[10].
John Kapoor, le fondateur d'Insys Therapeutics (en), a été condamné le par le tribunal de Boston à cinq ans et demi de prison pour avoir payé de nombreux médecins afin qu'ils prescrivent le spray au fentanyl commercialisé par Insys[31].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
- « Dico des drogues - Fentanyl et fentanyloïdes », sur drogues-info-service, (consulté le ).
- « Faut-il craindre le Fentanyl, drogue 50 fois plus puissante que l'héroïne ? », sur LExpress.fr, (consulté le ).
- (en) Fentanyl - Drug Enforcement Administration (DEA).
- « Drogue. Dopé par la pandémie, le fentanyl dévaste les États-Unis », Courrier international, (consulté le ).
- (en) Pfizer Material Safety Data Sheet of Fentanyl Citrate.
- Cong Dung Tran, Geoffroy Denis, Maxime Roy, Luc Lefebvre, « Prévenir l’exposition accidentelle au fentanyl pour les intervenants d’urgence », sur apsam.com, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, (consulté le ).
- National Center for Biotechnology Information, « PubChem Database. HSDB : 3329 », sur pubchem.ncbi.nlm.nih.gov (consulté le ).
- CHU de Toulouse, « Antalgiques opioïdes forts (palier III de l’OMS) » [PDF], sur chu-toulouse.fr (consulté le )
- Magali Martinez, Michel Gandilhon, « État des lieux sur le fentanyl et les fentanyloïdes en France, Note de synthèse N° 2021-05 », sur ofdt.fr, observatoire français des drogues et des toxicomanies, (consulté le ).
- « Fentanyl : des réseaux de trafic impliquant la Chine et le Mexique sanctionnés par les Etats-Unis », sur LeMonde.fr avec AFP, (consulté le ).
- « Les États-Unis ont saisi en 2022 assez de fentanyl pour tuer tous les Américains », sur BFM TV avec AFP, (consulté le ).
- Anthony Bellanger, « Cent mille Américains sont morts d'overdose », sur Radio France, France Inter, (consulté le ).
- « États-Unis: Les autorités sanitaires s'inquiètent du bond des overdoses de fentanyl contrefait », sur 20 minutes, (consulté le ).
- (en-US) Josh Katz, « The First Count of Fentanyl Deaths in 2016: Up 540% in Three Years », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
- « Le fentanyl, la drogue qui ravage les Etats-Unis », Le Monde.fr, (consulté le )
- « Etats-Unis, Chine, Mexique… Le fentanyl, un fléau qui empoisonne les relations internationales », sur Challenges, (consulté le )
- Agence France-Presse, « Les décès par surdose en baisse aux États-Unis, une première depuis 2018 », sur Le Devoir, (consulté le )
- Canadian Press, « Fentanyl Is Now A Public Health Crisis, Say Calgary Police », sur The Huffington Post, (consulté le )
- Camille Bains, « B.C. Premier Calls For Federal Help As Drug Overdose Deaths Surge », sur The Huffington Post, 07/27/2016 (consulté le )
- Vancouver,neuf personnes meurent d'une overdose au fentanyl en une seule nuit sur leparisien.fr, 16 décembre 2016
- Prince est mort d'une overdose de médicament antidouleur opiacé - Libération avec AFP, 2 juin 2016
- « Le chanteur Tom Petty a succombé à une surdose de médicaments » sur leparisien.fr, 20 janvier 2018
- (en) « Jeff Grosso autopsy reveals fentanyl played role in legendary skateboarder’s death », sur latimes.com,
- « L'acteur Logan Williams a succombé à une overdose », sur programme-tv.net
- « Le rappeur Coolio est mort d’une overdose de fentanyl », sur leparisien.fr,
- « Fentanyl, bromazolam, kétamine... un incroyable cocktail toxique à l'origine de la mort Leandro De Niro Rodriguez », sur midilibre.fr (consulté le )
- « L’acteur Angus Cloud est mort d’une « surdose accidentelle » », La Presse, (lire en ligne, consulté le )
- « Prise d'otages du théâtre Doubrovka: la Russie condamnée », sur Lexpress.fr avec AFP, (consulté le )
- (en) « Russia names Moscow siege gas », BBC News, (lire en ligne, consulté le )
- Agence télégraphique suisse, « Pour la première fois, le fondateur d'un laboratoire d'opiacés condamné », Le Temps, 24 janvier 2020, en ligne
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Article connexe
[modifier | modifier le code]Vidéos
[modifier | modifier le code]- Bertrand Monnet, « Narco Business, Du cartel mexicain de Sinaloa aux rues de New York : au cœur du business du fentanyl » [vidéo], sur Le Monde, (consulté le ), trois épisodes.
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Ressources relatives à la santé :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Compendium suisse des médicaments : spécialités contenant Fentanyl