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Module plat

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La notion de module plat a été introduite et utilisée, en géométrie algébrique, par Jean-Pierre Serre[1]. Cette notion se trouve également dans un ouvrage contemporain d'Henri Cartan et Samuel Eilenberg en algèbre homologique[2]. Elle généralise les modules projectifs et a fortiori les modules libres. En algèbre commutative et en géométrie algébrique, cette notion a été notamment exploitée par Alexander Grothendieck et son école, et s'est révélée d'une importance considérable[3].

Définition

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Un module M sur un anneau commutatif (unitaire) A est dit plat si le foncteur produit tensoriel avec M est exact, c'est-à-dire pour toute suite exacte

de A-modules, la suite obtenue par produit tensoriel

reste exacte. Comme le produit tensoriel est exact à droite pour tout module, la propriété revient à dire que pour tout morphisme injectif de A-modules N → L, l'application induite N⊗AM → L⊗AM est injective.

La notion de platitude se définit de la même façon pour les modules sur un anneau unitaire non nécessairement commutatif.

On dit qu'un morphisme d'anneaux φ : A → B est plat si B est plat pour la structure de A-module induite par φ. On dit aussi que B est plat sur A, le morphisme φ étant sous-entendu.

  • Le ℤ-module ℤ/2ℤ n'est pas plat : l'application multiplication par 2, de ℤ dans ℤ, est injective, mais si on la tensorise par ℤ/2ℤ, elle devient nulle, alors que ℤ⊗( ℤ/2ℤ ) est non nul car isomorphe à ℤ/2ℤ. Donc l'application après tensorisation n'est plus injective. Plus généralement, tout A-module plat est sans torsion, c'est-à-dire que ax = 0 avec a∈A et x∈M n'est possible que si x = 0 ou si a est un diviseur de zéro dans A.
  • Tout module libre est plat. Ainsi, sur un corps, tout espace vectoriel est plat.
  • Tout module projectif est plat. La réciproque est fausse en général[4], mais un module plat de présentation finie est toujours projectif.
  • Sur un anneau de Dedekind A, tout module plat de type fini est isomorphe à AnI pour un entier positif ou nul n et un idéal I de A.
  • Tout morphisme de localisation AS-1A est plat.
  • Supposons A noethérien local d'idéal maximal . Soit son complété formel (en) pour la topologie -adique. Alors l'homomorphisme canonique est injectif et plat. Si B est un autre anneau local noethérien tel que et que l'idéal maximal de B soit égal à , alors AB est plat. Cela implique que l'inclusion canonique de ℂ[T1, … , Tn] dans l'anneau des germes de fonctions holomorphes à n variables à l'origine est un homomorphisme plat.
  • Plus généralement, soit un anneau commutatif noethérien, un idéal de et le séparé complété de pour la topologie -adique. Le -module est plat. Cela implique que l'anneau des séries formelles est un -module plat, puisque est un -module libre et que est son complété pour la topologie -adique où est l'idéal constitué des polynômes sans terme constant[5].
  • (Platitude générique[6]) Soient un anneau intègre, une -algèbre de présentation finie et un module de présentation finie sur , alors il existe non nul tel que la localisation soit plat (et même libre) sur .

Quelques critères

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  • M est plat si et seulement si pour tout idéal I de A, l'application canonique IAM → M qui à ax associe ax, est injective.
  • Si A est local et si M est de type fini sur A, alors M est plat si et seulement s'il est libre.
  • Sur un anneau de Dedekind, un module est plat si et seulement s'il est sans torsion.
  • Sur un anneau A quelconque, M est plat si et seulement s'il est universellement sans torsion[7], c'est-à-dire pour toute algèbre de type fini B sur A, le B-module MAB est sans torsion sur B.
  • (Nature locale de la platitude) M est plat sur A si et seulement si pour tout idéal maximal m de A, le produit tensoriel MAAm est plat sur Am.
  • (Théorème de Govorov et D. Lazard)[8] Un module est plat si et seulement si c'est une limite inductive de modules libres de rang fini.

Opérations laissant stables les modules plats

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  • Si M et N sont plats, alors MN (plus généralement, toute somme directe de modules plats) et MAN sont plats.
  • Toute limite inductive de modules plats est un module plat.
  • (Changement de base) Si AB est un morphisme d'anneaux (unitaire) quelconque et si M est plat sur A, alors MAB est plat sur B.
  • Soit 0 → NLK → 0 une suite exacte. Si N et K sont plats, alors L aussi. Si L et K sont plats, alors N aussi. Par contre, si N et L sont plats, il n'y a aucune raison que K soit plat (considérer par exemple N=2ℤ et L=ℤ).
  • En général un sous-module d'un module plat n'est pas plat. De même le quotient d'un module plat n'est pas plat.

Fidèle platitude

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Une propriété plus forte que la platitude est la fidèle platitude. On dit qu'un A-module M est fidèlement plat s'il est plat et si pour tout A-module non nul N, on a MAN ≠ 0.

On dit qu'un homomorphisme d'anneaux φ : A → B est fidèlement plat s'il fait de B un A-module fidèlement plat. C'est équivalent à dire que AB est plat et que pour tout idéal maximal M de A, il existe un idéal maximal N de B tel que M = φ-1(N).

Tout module libre non nul est fidèlement plat. Le ℤ-module ℚ est plat mais non fidèlement plat.

Interprétation géométrique

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Supposons A commutatif unitaire et noethérien. Soit M un module de type fini sur A. Pour tout idéal premier P de A, le produit tensoriel MAk(P) – où k(P) est le corps des fractions de A/P – est un espace vectoriel sur k(P). Ainsi M peut être vu comme une famille d'espaces vectoriels (sur des corps variables) paramétrée par les points du spectre Spec A. L'application qui à P associe la dimension de MAk(P) est semi-continue supérieurement (Spec A étant muni de la topologie de Zariski, et l'ensemble des entiers positifs ou nuls de la topologie discrète). On peut montrer que lorsque A est réduit, M est plat si et seulement si cette fonction est continue (donc localement constante).

Un module M est fidèlement plat si et seulement s'il est plat et si MAk(P) est non nul pour tout P.

Relation avec les foncteurs Tor

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Supposons A commutatif unitaire. Soit M un A-module. Alors la platitude de M est équivalente à chacune des propriétés suivantes :

  • Pour tout A-module N et pour tout entier n supérieur ou égal à 1, on a TornA(M, N) = 0.
  • Pour tout idéal de type fini I de A, on a Tor1A(M, A/I) = 0.

Soit AB un homomorphisme d'anneaux plat. Alors pour tous A-modules M, N et pour tout entier n > 0, on a

  1. J.-P. Serre, « Géométrie algébrique et géométrie analytique », Annales de l'Institut Fourier, vol. 6,‎ , p. 1–42 (lire en ligne)
  2. Henri Cartan et Samuel Eilenberg : Homological Algebra, Princeton University Press, 1956, Exercises 3-6, p. 122-123.
  3. Michel Raynaud, Grothendieck et la théorie des schémas, p. 4-5.
  4. Par exemple, le ℤ-module ℚ est plat (c'est une localization de ℤ), mais pas projectif car il n'existe pas d'homomorphisme non-nul f de ℚ dans un module libre M (en effet, f(1) = 2nf(1/2n) ∈ 2nM pour tout entier naturel n, ce qui est impliquerait que f(1)=0, et donc f=0).
  5. Bourbaki 2006, III.3.4
  6. EGA, Lemme IV.8.9.4.1.
  7. Michel Lazarus : Fermeture intégrale et changement de base, Annales de la faculté des sciences de Toulouse, Sér. 5, 6 no. 2 (1984), p. 103-120, Théorème 3.1
  8. (en) David Eisenbud, Commutative Algebra with a View Toward Algebraic Geometry, Springer Verlag, coll. « GTM » (no 150), , Appendix A6.2.

Références

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