Aller au contenu

Pierre Gaxotte

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Pierre Gaxotte, né le à Revigny-sur-Ornain (Meuse) et mort le à Paris, est un historien et journaliste français. Il est élu à l'Académie française en 1953.

Famille et formation

[modifier | modifier le code]

Pierre Gaxotte est le fils de Jules Gaxotte (1859-1926), notaire à Revigny-sur-Ornain, et Marie-Augustine Fresse (1865-1912). Son père fut élu conseiller municipal en 1904 puis maire de Revigny-sur-Ornain en jusqu'à sa démission en .

Après de très bonnes études secondaires au lycée de Bar-le-Duc, Pierre Gaxotte entre en khâgne à Paris en , il est reçu en 1917 au concours d'entrée à l'École normale supérieure. Il est reçu premier à l'agrégation d'histoire et géographie en 1920. Il est introduit dans les milieux intellectuels par l'éditeur Arthème Fayard.

Engagement dans la droite nationaliste

[modifier | modifier le code]

En , présenté par l'un de ses camarades d'études, il devient le « secrétaire de nuit » du leader intellectuel et politique Charles Maurras (1868-1952)[1]. Gaxotte contribuera dès lors régulièrement à L'Action française.

Comme beaucoup de ses compatriotes de l'époque, il conçoit pour Charles Maurras une grande admiration :

« Maurras était en pleine force, insensible à la fatigue, aux incommodités, aux menaces, aux dangers. On était pris d'abord par son regard, où rayonnaient l'intelligence, l'autorité, l'énergie, le courage, la bienveillance, une attention extrême et parfois la gaieté. Mais on était conquis aussi par sa jeunesse, son ardeur, son alacrité[2]. »

Sa pensée s'imprègne de la « ligne maurrassienne », nationaliste et xénophobe.

À partir du , Pierre Gaxotte remplace un professeur d'histoire au lycée Charlemagne. Il raconte dans ses Mémoires :

« Le lycée Charlemagne était alors fréquenté par un grand nombre d'élèves israélites, fils de commerçants du quartier. Or les noms de famille juifs ne sont pas très nombreux. Quand je disais : "Lévy, parlez-moi des massifs hercyniens", la moitié de la classe se levait. Je dus apprendre les prénoms. »

En 1919, après le rétablissement du professeur qu'il remplaçait[3], il est nommé professeur au lycée d'Évreux et en 1924, le libraire Arthème Fayard lui confie la direction du journal Candide, puis celle du journal Je suis partout.

C'est ainsi que Pierre Gaxotte réagit dans les termes suivants à l'accession au pouvoir d'Hitler :

« Le Troisième Reich est une menace pour la France : soyons forts, prenons nos précautions, armons-nous. Mais n’injurions pas. Tous ces messieurs de la gauche prolongent sur le plan extérieur leurs haines de partisans. »

— Je suis partout, 18 mars 1933

Commentant l'actualité de son époque, il écrit : « Puisqu'il s'agit toujours de tenir l'Allemagne en respect, de la mettre en garde contre elle-même et contre le renouvellement de sa folie, le mieux serait de lui inspirer une crainte salutaire par la supériorité évidente des forces[4]. » Et : « Entre le bolchevisme et le hitlérisme, il y a beaucoup moins de différences qu'entre le bolchevisme et la monarchie anglaise. La révolution allemande s'est accomplie dans un pays qui était en avance de plusieurs siècles sur la Russie des tsars. L'expérience de socialisation s'accomplit à un niveau supérieur, sur un peuple depuis longtemps dressé à une exacte discipline et qui a le fonctionnarisme dans le sang. Ce n'en est pas moins de la socialisation. Hitler est aussi antibourgeois et aussi anticapitaliste que Staline[5]. »

Jusqu'en 1939, Gaxotte poursuit sa carrière de journaliste dans une société française de plus en plus marquée par la montée de l'extrême droite et la xénophobie. Ainsi écrit-il à propos de Léon Blum :

« D'abord, il est laid. Sur un corps de pantin désarticulé, il promène la tête triste d'une jument palestinienne. […] Comme il nous hait ! […] Entre la France et l'homme maudit, il faut choisir. Lui, il incarne tout ce qui révolte notre sang et notre chair. Il est le mal. Il est la mort. »

— Candide,

Au début, lui non plus n'était pas hostile au fascisme, à l'instar ses collègues de Je suis partout. Mais, à partir de 1936, à la mort d'Arthème Fayard, il s'en éloigne progressivement. Cela lui vaut d'être remplacé au poste de rédacteur-en-chef de Je suis partout par Robert Brasillach en 1937. À partir de , il cesse définitivement de signer des éditoriaux pour ce journal.

Le refus de la Collaboration

[modifier | modifier le code]

Selon les mémoires de l'essayiste Claude Roy, au cours de l'été 1940, Pierre Gaxotte tente en vain de persuader Maurras de suspendre la parution du quotidien L'Action française. En effet, Gaxotte a la certitude que les États-Unis entreront en guerre contre le Reich dès l'année suivante et qu'il fallait éviter de relier le mouvement maurrassien aux dérives autoritaires de l'Allemagne nazie.

L'historien François Bluche écrit que « contrairement à certaines légendes, l'ancien secrétaire de Maurras ne fut ni collaborateur, ni vichyste. Il aimait à dire sous l'Occupation : "Les Alliés gagneront et balaieront tout cela". »

Le journaliste Thierry Maulnier raconte un bon mot de Pierre Gaxotte lors d'une soirée pendant les premiers temps de l'Occupation ; à quelqu'un affirmant « Je suis le Maréchal aveuglément », il aurait répondu « Comment le faire autrement ?[6] »

Replié à Clermont-Ferrand pendant l'Occupation, Gaxotte continue à diriger Candide sur un ton aussi agressif que possible jusqu'au jour où la verve frondeuse de ses billets lui attire les foudres des censeurs de Vichy. On le somme de changer de ton ou d'abandonner. Il abandonne et ne dirige plus que l'hebdomadaire humoristique Ric et Rac (1929-1944), pour lequel la guerre n'existe pas.

Recherché par la Gestapo, Pierre Gaxotte fuit Clermont-Ferrand et se réfugie à Varennes-sur-Allier comme Mitty Goldin, juif, ancien directeur du music-hall ABC et le comédien Jean Barreyre. Il est l'un des rares maurrassiens restés en France à ne pas être inquiétés à la Libération[7] (nombre de maurrassiens furent pendant quatre ans en poste à Vichy[8] et les trois commissaires généraux aux questions juives successifs ont tous des liens avec l’Action française[9],[10]).

L'historien et académicien

[modifier | modifier le code]

Après la Libération, il abandonne son militantisme politique et devient éditorialiste au Figaro. Dès lors, il se consacre essentiellement à la rédaction de travaux historiques.

Pierre Gaxotte est élu à l'Académie française le — le même jour que Fernand Gregh et Antoine de Lévis-Mirepoix. Il occupe le fauteuil de l'historien René Grousset, mort quelques mois plus tôt. La même Académie lui avait décerné le grand prix Gobert en 1946 et le prix Louis-Barthou en 1952.

En 1970, il prononce l'éloge funèbre de François Mauriac à l'Académie française, puis y reçoit en 1973 l'écrivain Julien Green.

Pierre Gaxotte a écrit de nombreux ouvrages d'histoire, si marquants pour son époque qu'ils furent plusieurs fois réédités, notamment ceux publiés avant la Seconde Guerre mondiale : La Révolution française (1928) ; Le Siècle de Louis XV (1933) et Frédéric II (1938). L'auteur y propose une vision critique de la Révolution française en même temps qu'une réhabilitation de Louis XV, jusque là très décrié. C'est pourquoi ses travaux se situent dans le même courant que ceux de ses contemporains Jacques Bainville, Louis Bertrand et Frantz Funck-Brentano.

En 1979, Pierre Gaxotte fait partie du comité de patronage de la revue intellectuelle Nouvelle École, périodique du GRECE, lié à la Nouvelle Droite.

Opposé à la présence de Femmes à l'Académie française, il déclare en 1980 : « Si on élisait une femme, on finirait par élire un nègre »[11],[12].

Mort le , célibataire, Pierre Gaxotte est inhumé dans sa ville natale de Revigny-sur-Ornain.

À l'Académie, Jean Dutourd prononce un discours d'hommage dans lequel il précise que « ce regard si intelligent, infaillible pour retrouver la vérité sous des stratifications séculaires d’erreurs ou de bêtises, fait de Pierre Gaxotte un incomparable historien, et certainement l’un des plus originaux que notre littérature ait compté[13]. »

Vie mondaine

[modifier | modifier le code]

Pierre Gaxotte était un ami de Colette, Julien Green et Robert de Saint-Jean, Christian Dior, Henri Sauguet, Max Jacob, Alain Daniélou, Jean Cocteau, Georges Dumézil (auquel il a dédié La Révolution française), Thierry Maulnier, Jean Mistler, Mathieu Galleyetc.

Passionné de musique et de ballets, il était membre de l'Académie du disque français, qu'avait fondée Colette en 1951.

Vie privée

[modifier | modifier le code]

Pierre Gaxotte était homosexuel. Il a longtemps vécu avec Jean Fazil, ancien danseur[14],[15]. Didier Eribon lui prête une liaison avec Georges Dumézil au début des années 1920[16]. Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau, qui ont connu Gaxotte au temps de Je suis partout et se présentent comme ses disciples, évoquent son homosexualité dans Dialogue de vaincus[17].

Prix Pierre-Gaxotte

[modifier | modifier le code]

À l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa mort, le prix Pierre-Gaxotte est créé.

La première édition est remise à Revigny-sur-Ornain et récompense l'historien Christian Bouyer (1941-) pour son Gaston d'Orléans (Pygmalion).

L'année suivante, le prix émigre à Metz et devient le Prix Pierre-Gaxotte de la biographie et le Prix Pierre-Gaxotte de l'essai historique. Les lauréats 2008 sont Michel de Decker avec Napoléon III ou l'empire des sens (Belfond) et Henry Bogdan avec Histoire de la Bavière (Perrin).

En 2009, les lauréats sont Didier Le Fur avec Henri II (Tallandier) et Jean-Paul Gourévitch avec Le Rêve méditerranéen, D'Ulysse à Nicolas Sarkozy (L'Œuvre).

Depuis sa fondation, le prix est présidé par Roger Maudhuy. Le musicologue Philippe Beaussant, qui occupe le fauteuil qui fut celui de Gaxotte à l'Académie française, en est le président d'honneur.

Publications

[modifier | modifier le code]
  • « Les Mongols », in La Revue universelle. Tome XIV, , Jacques Bainville, directeur.
  • « Les Avertissements d’un diplomate : Souvenirs inédits du comte de Bourgueney », in La Revue universelle. Tome XIV, , Jacques Bainville, directeur.
  • La Révolution française, Paris, Fayard, 1928 ; édition revue et augmentée : 1962 ; nouvelle édition : 1970.
  • Le Siècle de Louis XV, Paris, Fayard, 1933 ; version définitive : 1974.
  • Frédéric II, Paris, Fayard, 1938.
  • La France en face de l'Allemagne, articles, formules et réflexions, 1940.
  • La France de Louis XIV, Paris, Hachette, 1946.
  • Histoire des Français, Paris, Flammarion, 1951, 2 volumes [réédition « révisée et refondue » en 1972 chez le même éditeur en un seul volume].
  • Discours de réception de M. Pierre Gaxotte à l'Académie française et réponse de M. le Général Weygand, Paris, Fayard, 1953.
  • Thèmes et variations, Paris, Fayard, 1957. Réédité sous le titre Aujourd’hui en 1965.
  • Histoire de France, Paris, Hachette, 1960.
  • Histoire de l'Allemagne, Paris, Flammarion, 1963, 2 volumes.
  • L'Académie française, Paris, Hachette, 1965.
  • Frédéric II, roi de Prusse, Paris, A. Michel, 1967.
  • Le pays de l'Ill. Entre Vosges et Rhin, Lausanne, André et Pierre Gonin, 1967 ; illustrations de Bernard Gantner.
  • Paris au XVIIIe siècle, Paris, Arthaud, 1968.
  • Mon village et moi, Paris, Flammarion, 1968.
  • Molière, fameux comédien, Paris, Hachette (coll. Les soirées du Luxembourg), 1971.
  • Le nouvel ingénu, Paris, Fayard, 1972.
  • Louis XIV, Paris, Flammarion, 1974.
  • Les autres et moi, Paris, Flammarion, 1975 [suite du premier volume de ses mémoire, Mon village et moi].
  • Merveilles des châteaux royaux, Paris, Hachette Réalités, 1976.
  • Apogée et chute de la royauté, Paris, Jules Tallandier, 1976 [6 vol.].
  • Le blasphème du professeur Piton, Paris, Fayard, 1977.
  • Molière, Paris, Flammarion, 1977.
  • Louis XV, Paris, Flammarion, 1980.
  • Le Loir des côteaux, Paris, chez l'artiste, 1981, illustré par Jean-Pierre Rémon [tiré à 41 exemplaires].
  • Le purgatoire, Paris, Fayard, 1982.
  • La marquise et moi, Monaco, éd. Du Rocher, 1986.

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Pierre Gaxotte, Les Autres et moi, Flammarion, 1975, p. 38 :

    « Un de mes camarades dont les destinées prenaient un autre cours, me demanda si je pouvais le remplacer comme secrétaire nocturne de M. Maurras. J'acceptai, et M. Maurras me prit au tarif de 150 francs par mois. »

  2. Pierre Gaxotte, Les Autres et moi, Flammarion, 1975, p. 42.
  3. Pierre Gaxotte, Les Autres et moi, Flammarion, 1975, p. 83.
  4. La Nation belge, .
  5. La Nation belge, .
  6. Le Figaro, .
  7. Gilbert Comte, « Pierre Gaxotte est mort », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  8. Gilles Richard, « Les droites face au nazisme : le grand schisme (1938-1944) », dans Histoire des droites en France, (lire en ligne), p. 275 à 302 (§28)
  9. Laurent Joly, « D'une guerre l'autre. L'Action française et les Juifs, de l'Union sacrée à la Révolution nationale (1914-1944) », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 2012/4, no n° 59-4,‎ , p. 97 à 124 (§77) (lire en ligne)
  10. La fidélité de l'Action française et de Maurras au régime du Maréchal sera maintenue jusqu'au bout. C'est pourquoi bien des ligueurs ou sympathisants ont repris leur liberté : "on peut, en effet, constater un éclatement de la ligue en plusieurs courants, en gros quatre, pour se limiter à l'essentiel : les fidèles envers et contre tout, regroupés à Lyon autour du maître ; les journalistes parisiens « collaborationnistes » retournés contre leur maître et rejetés par lui, tel Lucien Rebatet qui fustige « l'inaction française » (...), ceux qui se sont éloignés de l'Action française, mais que les principes de la Révolution nationale fédèrent autour du Maréchal ; enfin, ceux qui ont rejoint Londres, sans adhérer nécessairement à la France libre" (L’Action française, Jacques Prévotat (2004), p. 89 à 103 (§11).
  11. Éliane Viennot, Maria Candea, Yannick Chevalier, Sylvia Duverger et Anne-Marie Houdebine, L’Académie contre la langue française, Éditions iXe, , 224 p., p. 40
  12. Christine Bard, « On ne peut plus rien dire... » », dans Féminismes, (lire en ligne), p. 275 à 286
  13. « Hommage prononcé à l’occasion de la mort de M. Pierre Gaxotte », sur Académie française, (consulté le ).
  14. Daniel Garcia, Coupole et dépendance. Enquête sur l'Académie française, éditions du moment, 2014.
  15. Alain Daniélou, Le Chemin du Labyrinthe : Souvenirs d'Orient et d'Occident, L'Âge d'homme, 2015.
  16. Jean Birnbaum, « Réflexions sur la déraison gay », Le Monde, 5 février 2014.
  17. Dialogue n° 9, Le troisième sexe :

    « Cousteau : Tiens, pour ne parler que de A. [Gaxotte], il m'a fallu attendre sa trahison pour apprendre du même coup qu'il était à la colle avec un danseur luxembourgeois. Entre nous, rappelle-toi : si libres que nous fussions dans nos propos, nous nous serions évanouis de honte plutôt que de risquer la moindre allusion aux mœurs de notre grand homme. L'anus de A. ne devait pas plus être soupçonné que la femme de César… Pourtant, j'aurais dû être éclairé. Une de mes cousines de province, oie demi-blanche de passage à Paris avait déjeuné avec A. et les danseurs chez un ami commun. Là, A. renonçait au mystère. Il étalait ce qu'il nous cachait. Ma cousine en profita pour faire de fines plaisanteries sur mes fréquentations. Naturellement, je m'étranglai d'indignation. Je refusai l'évidence. C'est toujours comme ça quand on a la foi. J'avais foi en A. et ça suffisait pour m'empêcher de le voir tel qu'il était. »

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Denise Bourdet, « Pierre Gaxotte », dans Brèves rencontres, Paris, Grasset, 1963
  • Emmanuel Ahounou-Thiriot, Pierre Gaxotte, un itinéraire de Candide à l'Académie française, Éditions Publibook, 2006, 132 p.
  • Pierre-Marie Dioudonnat, "Je suis partout", 1930-1944. Les maurrassiens devant la tentation fasciste, La Table Ronde, 1973
  • Françoise Giroud, Portraits sans retouches 1945-1955, Gallimard, 1992
  • Alain Daniélou, Le Chemin du Labyrinthe, Éditions du Rocher, 1993
  • Sébastien Argiolas, « Pierre Gaxotte : un intellectuel de droite (1945-1962) », mémoire présenté pour le DEA « Histoire du XXe siècle », dirigée par Michel Winock

Article connexe

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]