Pogrom de Safed de 1834
Le pogrom de Safed de 1834, aussi appelé le grand pillage de Safed se rapporte aux émeutes qui se sont déroulées en 1834 à Safed, en Galilée, pendant la révolte arabe de Palestine contre Ibrahim Pacha d'Égypte, et qui ont conduit à des pertes humaines pour la communauté juive de la ville.
La communauté juive de Safed
[modifier | modifier le code]Sous l'Empire ottoman, Safed fait partie du vilayet (wilaya en arabe) de Sidon, et sert aussi de centre administratif au sandjak du même nom. Les Juifs du vilayet résident principalement à Safed et à Tibériade[1], avec de plus petites communautés à Haïfa, Pekiin, Acre et Shefa Amr. Vers 1625, l'orientaliste Italien Franciscus Quaresmius parle de Safed comme d'une ville habitée principalement par les Hébreux, qui y ont leurs synagogues et leurs écoles, et qui reçoivent des contributions de subsistance des Juifs des autres parties du monde[2].
En 1724, la peste décime la population et en 1759, un tremblement de terre détruit la majeure partie de la ville. La communauté va se renforcer avec l'arrivée entre 1776 et 1781 de Juifs russes et en 1809-1810 de 500 Juifs Perushim (disciples du Gaon de Vilna) originaires de Lituanie[3]. En 1812, la peste sévit de nouveau, tuant 80 pour cent de la population juive et en 1819, les Juifs survivants sont rançonnés par Abdullah Pacha, gouverneur d'Acre.
Genèse du conflit
[modifier | modifier le code]En 1831, la région du sud de la Syrie, dont fait partie Safed, est annexée par Méhémet Ali, vice-roi d'Égypte. En 1834, une révolte éclate en réaction à la conscription obligatoire de tous les citoyens dans l'armée égyptienne, et de manière plus générale contre la politique de modernisation imposée par l'Égypte. Les principaux notables et les chefs ruraux de Naplouse, Hébron et de la région de Jérusalem et de Jaffa, qui voient leur pouvoir désormais strictement contrôlé, ont dirigé la révolte ; ceux qui sont à l'origine de l'insurrection sont exécutés par le général égyptien victorieux, les notables de moindre rang sont exilés[4]. « Un ordre autoritaire est mis en place, au détriment de la multiplicité des libertés locales[4] ».
Parmi les mesures de modernisation impopulaires, il y a l'établissement de conseils consultatifs au niveau de chaque grande localité, dans lesquels - nouveauté importante - « des non-musulmans, chrétiens et juifs, sont admis : ils doivent seconder l'administration égyptienne en lui fournissant des informations et en avalisant ses décisions[4] ».
L'attaque sur Safed
[modifier | modifier le code]L'attaque débute le [5]. Le nombre de morts n'est pas connu. Henry Laurens écrit : en 1834 « la population juive de Safed, attaquée par les révoltés, souffre de plusieurs pertes humaines et de pillages[4] ». Ni Gabriel Baer historien du Moyen-Orient du XIXe siècle[6], ni Hillel Cohen[7]ne donnent aucune estimation chiffrée dans leur récit et analyse de l'événement.
Abraham Yaari (1899-1966) dans son histoire de la communauté juive en Terre d'Israël du XVIIe siècle au XXe siècle[8] écrit que les villageois arabes ainsi que les gens de la ville, se sont armés et ont attaqué les Juifs, violé leur femme et détruit leurs synagogues.
Le rabbin Israel de Shklov fait parvenir, de sa cachette, des lettres aux consuls de plusieurs états étrangers situés à Beyrouth, pour les informer en détail des épreuves endurées par les Juifs dont plusieurs sont sujets d'états étrangers. Les consuls encouragent alors Ibrahim Pacha de se rendre à Safed, de mater la rébellion et de sauver les Juifs de la tuerie. Ibrahim envoie l'émir des Druzes, Emir Bashir, du Liban en Galilée, et le , l'émir arrive aux portes de Safed avec une troupe importante et réprime l'émeute. La plupart des émeutiers s'enfuient mais leurs chefs sont arrêtés et exécutés dans la rue. Les Juifs de Safed retournent alors chez eux pour ramasser leurs biens restant. Les consuls essaient de récolter de l'argent pour venir en aide aux plus démunis de leurs sujets et établissent une liste des dommages. Mais les victimes ne recevront que sept pour cent de la valeur des biens volés ou endommagés[9].
Selon Hillel Cohen, l'attaque contre les juifs de Safed constitue une exception à cette époque dans un contexte de relations judéo-musulmanes paisibles[10]. Cet auteur formule l'hypothèse selon laquelle l'entrée en jeu des Européens au Moyen-Orient expliquerait l'attaque contre les juifs de Safed : d'une part, l'immigration de juifs européens (non arabophones) en Terre sainte avait connu une augmentation durant les années précédentes[11] ; d'autre part, les puissances européennes soutenaient les communautés juives, les séparant ainsi des Arabes non-juifs avec lesquels elles avaient cohabité pendant des siècles[12].
Selon Norman Stillman des émeutiers étaient excités par un prédicateur local, du nom de Muhammad Damoor, s'autoproclamant prophète islamique, qui prédit le massacre qu'il fomente[13].
Après le pogrom
[modifier | modifier le code]Trois ans plus tard, le 1er janvier 1837, la ville est détruite par un tremblement de terre[14]. Le séisme tue 2 158 habitants dont 1 507 sujets ottomans, Musulmans et Juifs. La partie nord de la ville à majorité juive est presque entièrement ravagée, tandis que la partie sud musulmane est beaucoup moins sévèrement atteinte[14].
« En 1838, les Druzes du Hauran et du Liban se révoltent à leur tour contre Ibrahim Pacha et pillent une nouvelle fois la communauté juive de Safed[4] », écrit Henry Laurens.
Tous ces événements vont perturber pendant longtemps la vie de la communauté juive de Safed.
Source
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « 1834 Safed pogrom » (voir la liste des auteurs).
Notes
[modifier | modifier le code]- (en): Lee I. Levine: Building the Land: Stages in First Aliyah Colonization (1882-1904) in The Jerusalem Cathedra; éditeur: Yad Izhak Ben Zvi et Wayne State University Press; No. 3; 1983
- (en): Edward Robinson : Biblical Researches in Palestine, Mount Sinai and Arabia Petraea: a journal of travels in the year 1838; éditeur: Crocker and Brewster; 1841; page 333; réédité par Nabu Press; 16 mars 2010; (ISBN 1147458391); (ISBN 978-1147458398); Numérisé par Google Books; consulté le 25 août 2011
- (en): Arie Morgenstern: Hastening Redemption: Messianism and the Resettlement of the Land of Israel; éditeur: Oxford University Press; 2007; (ISBN 0195305787).
- Henry Laurens, La Question de Palestine - Tome 1 : L'invention de la Terre sainte (1799-1922), Fayard, (lire en ligne).
- (en): Histoire du Yichouv
- Gabriel Baer, "Fellah and Townsman in the Middle East: Studies in Social History", Frank Cass, 1982, p.276.
- H. Cohen, Year Zero of the Arab-Israeli Conflict 1929,Brandeis Univ.Press, 2015, p.15-16, lire en ligne : [1]
- (en): Abraham Yaari, Israel Schen et Isaac Halevy-Levin: The Goodly Heritage: memoirs describing the life of the Jewish community of Eretz Yisrael from the seventeenth to the twentieth centuries; éditeur: Youth and Hechalutz Department of the Zionist Organization; 1958; page: 37; ASIN: B000J0M57W.
- (en): The Great Plunder of Safed: June 15-July 17 1834; Israel-Palestina Info: The forgotten pogrom: Safed 1834]
- "The attack on the Jews in Jerusalem, Safed and Hebron during the uprising of 1834 was an exception that proved the rule of general placid, if not equal relations between the Muslim majority and the Jewish minority", H. Cohen, Year Zero of the Arab-Israeli Conflict 1929, Brandeis Univ.Press, 2015, p.15, lire en ligne : [2]
- Amnon Cohen évoque notamment le cas de 500 Lituaniens qui ont émigré à Safed au début du XIXe siècle ; certains d'entre eux, à la faveur de l'occupation de la Palestine par les Égyptiens entre 1831 et 1840, ont obtenu une annulation du décret ottoman qui leur interdisait de s'installer à Jérusalem : « Méhémet Ali prononça un décret qui autorisa à nouveau la présence des ashkénazes dans la ville de Jérusalem », Amnon Cohen, Juifs et musulmans en Palestine et en Israël: Des origines à nos jours, Taillandier, 2016, lire en ligne.
- H. Cohen, Year Zero of the Arab-Israeli Conflict 1929,Brandeis Univ.Press, 2015, lire en ligne : [3]
- (en) : Norman A. Stillman : The Jews of Arab lands: a history and source book; éditeur: Jewish Publication Society; 15 janvier 1994; page: 340; (ISBN 0827601980); (ISBN 978-0827601987); Numérisé par Google Books
- (en): N.N Ambraseys: The earthquake of 1 January 1837 in Southern Lebanon and Northern Israel; in Annali di Geofisica; août 1997; page: 933;
Article connexe
[modifier | modifier le code]