Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BONFRÈRE, Jacques
BONFRÈRE (Jacques), en latin Jacobus Bonfrerius, savant commentateur de l’Écriture sainte, naquit à Dinant, en 1573, et mourut à Tournai, le 9 mai 1643. Après avoir fait de bonnes humanités et un cours de philosophie, il entra au noviciat des jésuites à dix-huit ans, en 1592. Au sortir du noviciat, la Compagnie l’employa, selon l’usage, à la régence des basses classes. Bientôt après, on lui confia le cours de philosophie qu’il enseigna quelques années à Douai au collége fondé par l’abbaye d’Anchin et confié par les religieux de ce monastère à la Société de Jésus. Il expliqua ensuite la théologie seholastique dans la même maison durant deux ans, au bout desquels il fut nommé professeur d’Écriture sainte et d’hébreu. Il consacra le reste de sa vie à cette étude. Foppens rapporte qu’il prit le bonnet de docteur à l’Université de Douai en 1617. 11 remplit encore la charge de préfet des études au même collége et devint (au plus tard en 1630) supérieur du séminaire des Écossais en la même ville. Doué d’une mémoire excellente, d’un jugement sûr, d’une grande pénétration et d’une rare prudence, il n’excellait pas moins dans la conduite des affaires que dans l’enseignement. Religieux recommandable par ses vertus, bon poëte, bon théologien, interprète très-versé dans la connaissance de l’Ecriture sainte, de la langue hébraïque et de la géographie sacrée, il nous a laissé des ouvrages de grand mérite.
Il s’appliqua d’abord à commenter les livres des Rois qu’il voyait généralement négligés par les exégètes. Mais les difficultés chronologiques qu’ils renferment obligèrent Bonfrère à interpréter auparavant le Pentateuque, ce qu’il fit en commençant par la Genèse. Ses commentaires sur les cinq livres de Moïse parurent à Anvers en 1625. Il y joignit, sous le titre de Træloquia in S. Scripturam, une Introduction à l’Écriture sainte, encore fort utile, quoiqu’en bien des points elle ne satisfasse plus aux exigences de la science contemporaine.
Quelques années après, Bonfrère, devenu supérieur du collége des Écossais, publia, pour faire suite au précédent, un Commentaire sur les livres de Josué, des Juges et de Ruth. Comme le livre de Josué renferme beaucoup de noms de villes et de localités, il jugea utile de joindre à son commentaire sur ce livre un Dictionnaire de géographie sacrée, fondé sur les travaux d’Eusèbe et de saint Jérôme et enrichi d’une carte géographique faite avec soin. Ce dictionnaire parut sous le titre d’Onomasticon locorum S. Scripturæ.
Les commentaires que nous venons d’indiquer sont, au jugement de Paquot, les meilleurs que nous ayons sur l’Octateuque. Bonfrère cherche, avant tout, à bien établir le sens littéral. Sous ce rapport, il est plus précis et plus exact que Cornelius à Lapide. Il compare la Vulgate avec le texte hébreu, la Version des Septante et la Paraphrase chaldaïque; il consulte le contexte et les endroits parallèles; il met à profit les travaux de saint Jérôme, des autres Pères et des meilleurs interprètes. Sans négliger le sens mystique, quand il est solidement établi, il s’attache surtout à mettre le sens littéral en lumière et fait usage, pour y parvenir, de tous les moyens que la critique de son temps mettait à sa disposition. Ne craignant pas d’aborder les difficultés des livres saints, il les résoud avec prudence et réserve. Il évite les digressions et les longueurs comme aussi la trop grande brièveté, et observe un juste milieu entre ces deux extrêmes.
Bonfrère avait encore commenté les livres des Rois et des Paralipomènes. Le commentaire fut imprimé à Tournai l’année même où il mourut; mais il ne reste aucun exemplaire de cette impression. On dit que l’imprimerie de Quinqué fut réduite en cendres lorsque l’ouvrage achevait de sortir des presses. Bonfrère avait fait également des Commentaires sur Esdras, Tobie, Judith, les Machabées, les Évangiles, les Actes des Apôtres et les Épîtres de saint Paul. Il était occupé à interpréter les Psaumes lorsque la mort le ravit à la science et à la religion.
Voici les titres de ses ouvrages imprimés : — 1° Pentateuchus Moysis commentario illustratus; præmissis, quæ ad totius Scripturæ intelligentiam manuducant, præloquiis perutilibus; a R. P. Jacobo Bonfrerio Dionantensi Soc. Jesu Theol. in collegio aquicinitensi Acad. Duac. SS. Litt. et linguæ sanctæ professore. Antverp. ex officina plantiniana, 1625. In-folio de 1,089 pages sans la préface et les tables. — 2° Josue, Judices et Ruth commentario illustrati a R. P. Jacobo Bonfrerio Dionantensi. Parisiis apud Cramoisy, 1631. In-folio de 443 pages sans la préface et les tables. À ce commentaire est joint, sous un titre particulier : Onomasticon urbium et locorum S. Scripturæ seu liber de locis hebraicis ab Eusebio græce primum deinde ab Hieronymo latine scriptus. In commodiorem nunc ordinem redactus et variis additamentis auctus opera Jacobi Bonfrerii Societatis Jesu. Parisiis apud Cramoisy, 1631. In-folio de 251 pages avec carte. Chaque page est divisée en quatre colonnes : la première contient la version d’Eusèbe par saint Jérôme; la seconde, les remarques et additions de Bonfrère; la troisième, le texte grec d’Eusèbe retrouvé par Bonfrère dans un manuscrit de la Bibliothèque royale de Paris et publié pour la première fois; la quatrième, la version latine du texte grec. A la fin de l’Onomasticon on trouve quelques observations sur la description de la terre sainte d’Adrichomius avec une carte géographique rédigée avec beaucoup de soin par Bonfrère. Les observations ont été reproduites dans le tome Ier de la Polyglotte de Walton. L’Onomasticon a été réédité à Amsterdam en 1707, par Leclerc, qui a joint ses recherches à celles de Bonfrère. — 3° Il nous reste deux pièces de poésies de Bonfrère : l’une à la tête du traité de Lessius, De justitia et jure; l’autre au-devant de celui de Viringus, De jejunio et abstinentia, si, toutefois, c’est Bonfrère, comme le pense Paquot, qui est désigné au bas de cette dernière pièce sous le nom grécisé de Jacobus Caladelphus S.-J. Foppens mentionne une nouvelle édition des œuvres de Bonfrère faite à Lyon, 1736.
Préfaces des ouvrages de Bonfrère. — Alegambe, Bibliotheca Scriptorum S. J., Antverp., 1643, p. 194. — Paquot, Mémoires litt., éd. in-fol., t. II, pp. 449-452. — Aug. et Al. De Backer, Bibliothèque des écrivains de la Comp. de Jésus, t. I, pp. 105-106.