Aller au contenu

Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BORDING, Jacques

La bibliothèque libre.
◄  Tome 1 Tome 2 Tome 3  ►



BORDING (Jacques), né à Anvers, le 11 juillet 1511, de Nicolas Bording et d’Adrienne Adriaenssens. Son père, négociant habile et heureux, prit grand soin de son éducation et il sut profiter des leçons des excellents maîtres qui s’étaient donné, en quelque sorte, rendez-vous, à cette époque, dans la métropole commerciale belge ; Nicolas de Bois-le-Duc ou Nicolaus Buscoducensis, professeur au collége d’Anvers, qui jouissait de la réputation d’être un bon humaniste, lui enseigna les éléments des langues grecque et latine. Peut-être puisa-t-il dans cet enseignement les premières idées du luthéranisme, puisque Paquot nous dit que Nicolas de Bois-le-Duc, avant donné, vers 1521, dans les erreurs de Luther, fut arrêté à Bruxelles et conduit dans une prison d’où il s’échappa. Plus tard, Bording alla perfectionner son instruction à Louvain, où il étudia la philosophie et l’éloquence latine sous Conrad Glocenius, le grec sous Rutger Pescius et Nicolas Clenarts. Ce dernier l’initia aussi à l’hébreu. Agé de dix-huit ans, il se rendit à Paris, où, en 1529, il suivit les cours de Jean Copus sur la philosophie d’Aristote et ceux de médecine sous Jacques Svlvius.

Après un séjour de deux ans, un singulier événement vint déranger ses projets. L’argent que ses parents lui avaient envoyé pour vivre à Paris fut volé en chemin ; il se trouva dans une grande gêne par suite de cette mésaventure, et se disposait à revenir à Anvers, lorsque Jean Sturmius et d’autres amis le déterminèrent à chercher des ressources dans ses vastes connaissances et lui procurèrent une place de professeur au collége de Lisieux. Il y enseigna le grec et l’hébreu pendant deux ans, puis il se mit au service de Jean de la Rochefoucauld, évêque de Mende, dans le Languedoc. Il y donna des preuves si évidentes d’un savoir supérieur, qu’il gagna toute la confiance de ce prélat, chez lequel il demeurait. Paquot, dans ses Mémoires pour servir à l’histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, raconte, à ce sujet, l’anecdote suivante : « On dit qu’un jour l’évêque l’ayant interrogé sur le sens d’un passage obscur de l’Épitre aux Romains touchant le salut des gentils, Bording en donna une explication fort ample, et s’étendit sur toute la matière de la justification. Le prélat surpris de sa facilité, lui demanda s’il avait lu les écrits des théologiens de Wittenberg. Sur cela, Bording tira de sa poche le commentaire de Melanchton sur saint Paul et prouva qu’il avait bien retenu l’explication de ce protestant. L’évêque lui témoigna qu’il était satisfait, mais qu’il lui conseillait de cacher ces sortes de livres pour ne pas s’exposer, lui et ses amis, à de mauvaises affaires, surtout pendant que Jean-Baptiste Centenario, légat du pape, se trouvait en ces quartiers. »

L’évêque envoya Bording achever ses études de médecine à l’Université de Montpellier, où il l’entretint sur sa cassette particulière. Après la mort de son protecteur, arrivée le 24 septembre 1538, il quitta Montpellier avec l’intention d’aller entendre en Italie les princes de la science médicale. Des circonstances indépendantes de sa volonté l’empêchèrent d’exécuter ce projet. S’étant arrêté quelque temps à Carpentras où il connaissait diverses personnes, l’évêque Jacques Sadolet qui, lors de son séjour à Rome, avait entendu faire l’éloge de la grande érudition de Bording, lui offrit la principalité du collége de cette ville. Il l’accepta et il s’acquitta d’une manière distinguée de ses fonctions. En 1539, âgé de vingt-sept ans, il s’unit en mariage à Françoise Negroni, fille de Termo Negroni, patricien de Gênes, et de Jeanne de Roschelle d’Avignon.

Peu de temps après son mariage, Bording revint à Anvers pour revoir ses parents et mettre ordre à ses affaires. Il retourna ensuite reprendre la direction du collége de Carpentras et ce ne fut qu’en 1540 qu’il put enfin mettre à exécution le projet d’entendre les sommités médicales de l’Italie, Recommandé par l’évêque Sadolet aux professeurs Romulus Amasœus, Scipion Blanchinus et Virgile Gerardus, il fut bien accueilli et obtint, dans le courant de la même année, le bonnet de docteur à l’Université de Bologne.

Après sa promotion, il vint rejoindre sa femme à Carpentras, dans le dessein de s’y fixer comme médecin praticien. Malheureusement le luthéranisme, qu’il avait embrassé dans les derniers temps, le priva de la protection de l’évêque et lui ôta l’espoir d’y vivre trauquillement. Il quitta donc cette ville et rentra à Anvers vers le commencement de 1541.

Bording y acquit bientôt une grande vogue; possédant à fond diverses langues, il fut très-recherché des étrangers. Il y enseigna aussi publiquement l’anatomie et la chirurgie à l’école de chirurgie;mais le même motif qui lui avait fait quitter Carpentras, l’obligea à fuir sa ville natale. En présence des édits de Charles-Quint, Bording se rendit à Hambourg, où il pratiqua son art pendant cinq ans. Au bout de ce temps sa réputation de savant praticien était établie dans toute l’Allemagne du Nord. Le duc Henri de Mecklembourg l’appela à Rostock, pour être son médecin et pour remplir les fonctions de professeur à l’Université. Il y enseigna pendant sept ans l’hygiène, la physiologie et la pathologie et acquit une telle renommée que Christiern III, roi de Danemark, l’appela, en 1556, à Copenhague pour en faire son médecin et le nommer professeur à la Faculté de médecine. Il jouit de tant de considération à la cour que le roi Frédéric II, fils et successeur de Christiern III, le retint à son service. Lorsque ce malheureux monarque mourut, en 1559, au château de Calundberg, Bording fut chargé de firire l’autopsie. Il ne conserva pas longtemps une aussi belle position : après avoir été recteur de l’Université, il mourut dans la cinquantième année de son âge, le 5 septembre 1560.

Bording entretenait des relations avec un grand nombre de savants d’Allemagne, de France et d’Italie. Il possédait de profondes connaissances en médecine, en linguistique, en musique, en philosophie et en théologie. Il fut enterré dans l’église cathédrale de Copenhague, où son fils Jacques lui consacra une épitaphe. Sa veuve et ses enfants s’étant retirés à Rostock, érigèrent également à sa mémoire, en l’église de Notre-Dame de cette ville, un mausolée digne de ce savant.

Bording a procréé neuf enfants parmi lesquels nous citerons : 1° Philippe, né à Anvers le 1er mai 1542, docteur en médecine et en philosophie. Il pratiqua son art à Stralsund et y mourut de la peste en 1565. Il a écrit : Themata de corporis humoribus et excrementis. Hafniæ, 1560, in-4o. (Voyez Passelii scriptores Academiæ Rostochiensis, par. I; on y trouve de lui : Epitaphium in mortem parentis Jacobi et quelques autres ouvrages.) — 2° Jacques, né en 1547, docteur en droit et professeur à l’Université de Rostock, puis chancelier et conseiller du duc Ulrich de Mecklembourg et enfin bourgmestre de la ville de Lubeck, où il mourut en 1616.

Voici les ouvrages dus à Bording : 1° Oratio de vita et obitu Christiani III, Daniæ et Norwegiæ regis, Ottonniœ, die 3 febr. 1559 recitata. Hafniæ, 1559, in-4o. Idem. Wittebergæ, 1559, in-8o. — 2° Epistola ad Cornel. Bôckelium pictorem Hamburgensem, adversus suspicionem Calvinismi apologetica. (Cette lettre, écrite en flamand, fut imprimée à Copenhague en 1557, et traduite en Allemand dans la Theologia Calvinistarum.) — 3° Physiologia, hygieine et pathologia, prout has medicinœ partes in Academiis Rostochiensi et Hafniensi publice enarravit. Rostock, 1591, in-8o. Ce sont les manuscrits de ses cours qui ont été publiés après sa mort. La première partie parut encore sous le titre de : Physiologia denno recognita et in communem studiosorum utilitatem nunc seorsim edita. Rostock, 1605, in-8o de 400 pages. — 4° Enarrationes in sex libros Galeni de tuenda valetudine. Accessere auctoris consilia quædam illustrissimis principibus præscripta. Rostock, 1605, in-4o. — Quelques-unes de ces lettres ont été réimprimées dans St Doleti orationes, epistolæ et carmina. On trouve aussi quelques fragments de ces lettres de Bording dans Melchior Adam, vitæ medicorum Germanorum. Francfort, 1706, in-folio.

C. Broeckx.