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À LA PLUS BELLE

daient du vallon de Châteauneuf. Au sud, une autre forêt, coupée de champs et de prairies, étageait ses groupes d’arbres qui se détachaient vivement et semblaient bondir sur la pente. À l’ouest, enfin, s’étendait la lande montueuse où passe maintenant la route de Saint-Malo.

La vue était libre aux quatre aires de vent. Rien ne la bornait, sinon la ligne lointaine et parfaitement circulaire de l’horizon, ce qui est rare en Bretagne, où les aspects tendent partout à se concentrer. On voyait le cours de la Rance avec ses îles riantes et la dentelle capricieuse de ses rives ; on voyait Dinan, la ville charmante, et Châteauneuf, le site qui n’a pas son pareil à dix lieues à la ronde, Saint-Jouan des Guérets montrait à l’opposite de sa flèche lourde. Du côté du Marais on découvrait Saint-Méloir des Ondes, l’Islemer, Dol, Pleines-Fougères, vingt autres bourgs et villages, le profil de Cancale, et, à perte de vue, derrière les vapeurs légères, le fantôme voilée du mont Saint-Michel.

En cette année 1469, François II régnait en Bretagne, Louis XI gouvernait la France, Édouard IV tenait le trône d’Angleterre, et Charles le Téméraire avait succédé depuis deux ans à son père Philippe le duc de Bourgogne. Il y avait huit ans que Louis XI avait brisé la ligue du Bien public ; Louis XI était sorti sain et sauf du château de Péronne, où la lourde main de Bourguignon avait pesé un instant sur son épaule ; Louis XI avait réduit à l’obéissance le duc de Berry, le comte de Charolais et le duc de Bourbon ; Dunois, vieillard, cherchait un refuge à la cour de Bretagne ; Édouard IV, payé, restait en paix ; la Castille et l’Aragon envoyaient à Paris des gages d’alliance ; l’Allemagne, occupée à ses discordes intestines, restait neutre.

Louis XI respirait. Son repos n’était pas un sommeil. Louis XI, en reprenant haleine, taillait de la besogne à ses voisins. Il regardait à l’est de la Bourgogne, à l’ouest de la Bretagne, deux nobles contrées, et il se disait : « Tout cela est à moi, parce que tout cela est la France ».