de la ville, et en acteur de tragédie. Or, la tragédie sait aussi ce qui est juste. Mes paroles seront donc amères, mais justes. Certes, Kléôn ne m’accusera point aujourd’hui de dire du mal de la ville en présence des étrangers. Nous sommes seuls : c’est la fête des Lénæa ; les étrangers n’y sont pas encore ; les tributs n’arrivent pas, ni les alliés venant de leurs villes. Nous sommes donc seuls et triés au volet ; car les métèques, selon moi, sont aux citoyens ce que la paille est au blé.
Je déteste de tout mon cœur les Lakédæmoniens : et puisse Poséidôn, le dieu du Tænaron, leur envoyer un tremblement qui renverse toutes leurs maisons ! Et de fait, mes vignes ont été coupées. Mais, voyons, car il n’y a que des amis présents à mon discours, pourquoi accuser de tout cela les Lakoniens ? Chez nous, quelques hommes, je ne dis pas la ville, souvenez-vous bien que je ne dis pas la ville, quelques misérables pervers, décriés, pas même citoyens, ont accusé les Mégariens de contrebande de lainage. Voyaient-ils un concombre, un levraut, un cochon de lait, une gousse d’ail, un grain de sel : « Cela vient de Mégara ! » et on le vendait sur l’heure. Seulement, c’est peu de chose, et cela ne sort pas de chez nous. Mais la courtisane Simætha ayant été enlevée par des jeunes gens ivres, venus à Mégara, les Mégariens, outrés de douleur, enlèvent, à leur tour, deux courtisanes d’Aspasia ; et voilà la guerre allumée chez tous les Hellènes pour trois filles. Sur ce point, du haut de sa colère, l’Olympien Périklès éclaire, tonne, bouleverse la Hellas et fait une loi qui, comme dit le skolie, interdit aux Mégariens de « séjourner sur la terre, sur l’Agora, sur la mer et sur le continent ». Alors les Mégariens, finissant par mourir de faim, prient les Lakédæmoniens de faire rap-