lui. Il marchait ainsi plus ou moins loin, jusqu’à la forêt de Saint-Germain ou bien jusqu’au département de l’Orne; tantôt il marchait seul, tantôt il circulait avec quelque vagabond, en mendiant sur la route; il n’avait plus qu’une seule idée en tête, celle de se diriger vers la mer, de l’atteindre, de s’engager sur un bâtiment et d’aller à la découverte des paysages enchanteurs de l’Afrique. Son équipé se terminait assez mal; mouillé par la pluie ou mourant de faim il se réveillait subitement sur la grand’route ou dans un asile, toujours sans rien comprendre à sa situation, sans aucun souvenir de son voyage et avec le plus vif désir de rentrer dans sa famille et dans son épicerie. Je n’insiste que sur une de ses fugues qui fut particulièrement amusante et qui, chose extraordinaire, a duré trois mois.
Il était parti de Paris vers le 15 mai et avait été a pied jusqu’aux environ de Melun. Cette fois il combinait dans son imagination le moyen de réussir mieux son expédition et d’arriver jusqu’à la Méditerranée. Or, il avait conçu à ce propos une idée lumineuse : il y a non loin Melun, à Moret, des canaux qui se dirigent plus ou moins directement vers le sud de la France et sur ces canaux avancent des bateaux qui transportent des marchandises. Il réussit à se faire accepter com-me domestique sur un de ces bateau qui transportait du charbon. Il avait là un métier terrible : tantôt il fallait remuer le charbon, tantôt il fallait haler sur la corde en compagnie d’un âne nommé Cadet, son unique ami. Il était peu nourri, souvent battu, exténué de fatigue, mais il était rayonnant de bonheur, il ne pensait qu’à une chose, à la joie d’avancer vers la mer. Malheureusement, en Auvergne le bateau s’arrêta, il fut obligé de le quitter et de continuer à pied son voyage, ce qui était plus difficile. Pour ne pas être sans ressource, il s’engagea comme aide et compagnon d’un vieux