Ces filets, bien tressés en général, sont en fil d’ananas et bordés d’une corde excellente que l’on fabrique avec les fibres d’un magnifique hibiscus, l’évonoué, belle plante tout à fait digne d’intérêt qui croît abondamment au bord de la mer, et dont les fleurs couleur de soufre rappellent celles du cotonnier.
Du reste, ici, comme dans tous les pays chauds, les textiles abondent. L’ananas pousse des feuilles de plus de deux mètres de longueur ; l’écorce d’une belle amomacée, l’ojôno, sert à la fabrication des nattes ; le chanvre même réussit très-bien. Il est vrai que ce n’est pas pour le rouir et le tisser que les Gabonais le cultivent, c’est pour en fumer les feuilles enivrantes.
J’ai dit quels sont les produits qui alimentent le commerce du Gabon, commerce dans lequel le M’Pongwé n’est, en réalité, qu’un intermédiaire, un courtier entre les Européens et les tribus de l’intérieur. Ce courtage est la plaie du commerce sur toute la côte. Les tribus de l’intérieur, qui seules produisent aujourd’hui, ont beaucoup de peine à se mettre en rapport immédiat avec nous, ou même ne le désirent pas, car les habitants du rivage leur ont inspiré une véritable frayeur des Européens. Menteurs effrontés, ceux-ci se posent en victimes de notre tyrannie, offrent pourtant leur entremise, et naturellement se font payer cher leur charitable intervention. Les gens auxquels ils s’adressent usent de la même tactique aux dépens des tribus plus éloignées. Si bien qu’une dent d’éléphant qui vient de quarante lieues dans l’intérieur a passé ainsi de main en main, non pas vendue à chaque nouveau détenteur, mais simplement confiée, ce qui autorise chacun à réclamer une commission d’autant plus forte que son payement ultérieur est fort aléatoire. La marchandise arrive donc au rivage grevée d’une série de droits de courtage non encore perçus qui en centuplent la valeur. Puis, le prix une fois payé par l’Européen au dernier courtier, non pas en argent, mais en denrées diverses, ustensiles ou étoffes, il fait retour vers le premier détenteur et doit lui arriver singulièrement amoindri si l’on songe à la série de retenues qu’il subit en route.
Voilà, en somme, le commerce que fait le Gabonais : fraudant sans vergogne les producteurs pahouins ou bakalais, il ne vole pas moins impudemment l’acheteur européen ; non pas précisément le négociant des factoreries, qui peut opérer à loisir, mais les capitaines de navires qui font leurs affaires eux-mêmes et au passage. Beaucoup de ces capitaines sont en compte réglé avec leurs courtiers et leur font des avances de marchandises, moyennant promesse d’une valeur égale des produits du pays, livrables à une époque déterminée. Rarement les conventions sont bien exécutées. Quand le capitaine revient, il ne trouve qu’une partie de son chargement ; le reste est encore sur pied, si c’est du bois rouge ou de l’ébène. On lui demande d’interminables délais ; il perd son temps et sa santé, et s’aperçoit souvent que ce qu’il a de mieux à faire c’est de perdre aussi ses avances et de partir. Dans le cercle où s’exerce l’autorité française, ces pertes sont restreintes, parce que le courtier sait très-bien que sa personne répondra au besoin de la loyauté de ses engagements. Mais, hors de notre sphère d’action, le capitaine est bien souvent volé.
S’il veut acheter au comptant, la tactique du Gabonais