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Page:Le Tour du monde - 13.djvu/102

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formations d’eau douce ont été soulevées, du centre à la circonférence, par un boursouflement des roches granitoïdes qui les supportaient ; puis ont été recouvertes, comme nous l’avons déjà fait remarquer plusieurs fois à nos lecteurs, par une succession de déjections volcaniques de différents âges ; chacune de celles-ci affectant une combinaison chimique particulière, mais toutes se succédant dans l’ordre suivant : d’abord les tufs ponceux, formés en grande partie de cendres et de lapilis, puis les conglomérats trachytiques et les trachytes compactes et enfin les nappes de basalte. Mais à mesure qu’on s’élève vers le centre de la montagne, la confusion des produits, qui devient plus grande, annonce le voisinage de l’ouverture qui a donné passage à l’éruption. La forme conique de l’ensemble du groupe et la divergence de tous les courants s’éloignant d’un petit nombre de hauteurs centrales, font présumer, comme c’est l’ordinaire dans tous les massifs volcaniques, que le Cantal a eu un cratère central et principal ; plusieurs circonstances s’accordent pour placer sa situation au-dessus du double bassin de la Jordanne et de la Cère.

Nous lisons dans l’ouvrage le plus complet, sinon le meilleur, qui ait été encore publié sur les volcans de l’Auvergne, que « c’est dans le centre de cet espace encerclé de pics culminants et de crêtes de trachyte, que les courants principaux du volcan doivent avoir pris naissance[1]. »

Mais c’est là aussi qu’ont éclaté les dissentiments les plus tranchés entre les partisans des cratères de soulèvement et ceux des cônes d’éjection.

Les premiers, par la voix imposante d’Alexandre de Humboldt résolvent ainsi le problème, en l’élucidant :

« Le caractère essentiel des volcans est de fournir une communication permanente entre l’atmosphère et le foyer intérieur du globe. Ainsi que le remarquait déjà Sénèque il y a dix-huit siècles, « Ignis in ipso monte non alimentum habet, sed viam. » Pour le feu (volcanique) la montagne n’est pas un aliment, mais une voie. Ainsi, l’activité volcanique agit en donnant au sol, par le soulèvement, une forme et une configuration nouvelles ; elle n’agit pas, ainsi qu’on l’a cru longtemps d’une manière trop exclusive, comme modeleur et constructeur, en accumulant les scories et les couches de lave. La résistance que les masses incandescentes, se pressant en trop grande quantité contre la surface de la terre, rencontrent dans le canal d’éruption ajoute à la puissance du soulèvement. Le sol alors se gonfle comme une vessie, ainsi que l’indique l’inclinaison régulière des couches soulevées du dedans au dehors. Une explosion semblable à celle d’une mine, en faisant sauter la partie moyenne et culminante de ce gonflement, ne produit parfois que ce que Léopold de Buch a nommé cratère de soulèvement, c’est-à-dire une cavité ronde ou ovale, entourée d’une enceinte ou de rempart circulaire, démantelé çà et là ; mais parfois aussi l’explosion fait sortir du milieu du cratère une montagne en forme de dôme ou de cône, et c’est alors seulement que le relief du volcan est complet. Le plus souvent le faîte de la montagne est ouvert, et au fond de cette ouverture, qui forme le cratère du volcan, s’élèvent des éminences non permanentes de scories et de matières volcaniques, des cônes d’éruption petits et grands, dont, sur le Vésuve en particulier, plusieurs dépassent de beaucoup les bords du cratère de soulèvement. Mais les témoins de la première éruption, les anciens échafaudages, ne se conservent pas toujours dans l’état ou je les ai décrits. Sur un grand nombre des volcans les plus puissants et les plus actifs, il est impossible de reconnaître la haute muraille de rochers qui entourait d’abord le cratère de soulèvement, dans les quelques débris qui en subsistent. »

Eh bien ! les débris subsistant de l’ancienne paroi du cratère central du Cantal sont justement représentés par la ligne de sommets et d’arêtes vives qui ferment du nord-ouest au sud-ouest, en passant par l’est, le cirque de Mandailles.

À cet exposé clair, lucide, fondé sur d’innombrables observations faites sur tous les sols et sous tous les climats, écoutez ce que répond M. Poulett Scrope, un des champions les plus redoutables de l’école opposée :

« Un bien petit nombre d’observateurs pratiques, ont, à juste raison, essayé, dès le commencement, de lutter contre l’opinion courante adoptée si malheureusement par les géologues parisiens à l’égard de la théorie si peu philosophique des cratères de soulèvement, suggérée d’abord par L. de Buch et chaudement défendue plus tard par MM. Élie de Beaumont et Dufresnoy. Après la théorie déjà presque oubliée de Werner, je ne connais aucune erreur qui ait autant entravé la marche de la science et dans laquelle on ait persisté avec tant d’obstination. Une idée semblable ne pouvait trouver faveur qu’auprès de géologues qui n’ont jamais contemplé les phénomènes des éruptions volcaniques sur une grande échelle et qui n’ont conséquemment aucune conception du mode normal suivant lequel se disposent leurs éjections. Pour ceux qui ont eu cet avantage, une semblable théorie mérite à peine une discussion sérieuse. Poussée jusqu’à ses dernières conséquences, cette théorie refuse en réalité aux volcans tout caractère éruptif, c’est-à-dire la production d’une masse de laves, de cendres et de scories suffisante pour former la montagne… On peut bien admettre, jusqu’à un certain point que le soulèvement, dans le sens que lui donnent les adeptes de la théorie de Buch, a peut-être contribué à l’élévation de la charpente des volcans, mais dans une proportion qui ne dépasse jamais le sixième de la masse totale. Certes aucun témoin réel des phénomènes volcaniques, ne fera une plus large concession.

Le poids de l’autorité, que des géologues d’une réputation et d’une influence aussi grandes que celle de MM. Élie de Beaumont et Dufresnoy, ont jeté dans la balance en faveur de cette théorie est la cause première des idées incertaines et de la connaissance imparfaite que les savants français ont encore aujourd’hui des grands

  1. Poulett Scrope, the geology and extinct Volcanos of central France. London. 1858.