Puis Grenet-Dancourt arrivait avec un bagage inépuisable
de monologues, préludant au succès qu’il ne devait
pas tarder à remporter avec sa comédie de Trois femmes pour un mari.
Après eux, celui qui se prodiguait le plus, c’était Fernand
Icres, un Pyrénéen dont la muse un peu sauvage nous promenait
émus dans des décors étranges, au milieu de scènes
agrestes du plus pittoresque effet. Une de ces pièces les plus
applaudies et encore inédite donnera une idée de sa manière ;
mais, ce que je ne puis rendre, c’est l’accent inoubliable avec
lequel il vous incrustait ses vers dans le cerveau :
LE BOUQUET
Symbolique ainsi qu’un ancien prophète,
Je veux mettre dans ton bouquet de fête
De mon cœur flétri l’image parfaite.
Il sera vraiment bizarre : je veux
Qu’en l’apercevant, un frisson nerveux
T’agite soudain, des pieds aux cheveux.
J’attendrai que vienne un soir de tempête,
Où le vent mugisse, où la foudre pète
Avec des éclats brusques de trompette.
Au loin tinteront de vagues beffrois,
Sonnant un tocsin fécond en effrois
Dans la nuit humide et dans les airs froids.
Lors, le sein rongé d’affres inconnues,
Au-dessus du monde et tout près des nues,
Seul je m’en irai par les roches nues.
Car sous les anneaux du spleen qui me mord,
Comme un misérable en proie au remord,
J’ai de ces désirs d’horreur et de mort.
Moins vifs que les feux bleus de ta paupière,
Les éclairs viendront frapper sur la pierre
Comme des zigzags ardents de rapière.
Or, par les sentiers aimés des bouquins,
La chair déchirée aux buissons taquins,
Je viendrai cueillir de jaunes lichens,
Des mousses gris pâle, herbes de l’automne,
Des feuillages tels que ton œil s’étonne
Devant leur aspect triste et monotone.
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