s’habiller et se déguiser en santé. Il y a là un état intermédiaire dont un homme de cette destinée ne peut se
souvenir plus tard sans émotion : il a en propre une lumière, une jouissance du soleil pâle et délicate, un sentiment de liberté d’oiseau, de coup d’œil d’oiseau, de
pétulance d’oiseau, une combinaison où la convoitise
et le mépris tendre se sont réunis. « Un esprit libre »
—
ce mot froid fait du bien dans cet état, il échauffe
presque. On vit, n’étant plus dans les liens d’amour et
de haine, sans Oui, sans Non, volontairement près, volontairement loin, se plaisant surtout à s’échapper, à s’évader, à prendre son essor, tantôt fuyant, tantôt s’enlevant à
tire d’aile ; on est blasé comme tout homme qui a une fois
vu au-dessous de lui une immense multiplicité d’objets
—
et l’on est devenu le contraire de ceux qui se préoccupent de choses qui ne les regardent point. En fait, ce
qui regarde l’esprit libre, c’est désormais seulement des
choses — et combien de choses ! — qui ne le préoccupent plus…
Encore un pas dans la guérison : et l’esprit libre se rapproche de la vie, lentement il est vrai, presque à contre-cœur, presque avec défiance. Tout se fait de nouveau plus chaud autour de lui, plus doré pour ainsi dire ; sentiment et sympathie acquièrent de la profondeur, des brises tièdes de toute sorte passent au-dessus de lui. Il se trouve presque comme si ses yeux s’ou-