Lexis
Journal in English Lexicology
Book reviews | 2007
Michel BALLARD, Qu’est-ce que la traductologie ?
Artois Presses Université, 2006, 302 pages
Fabrice Antoine
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/lexis/1723
DOI : 10.4000/lexis.1723
ISSN : 1951-6215
Éditeur
Université Jean Moulin - Lyon 3
Référence électronique
Fabrice Antoine, « Michel BALLARD, Qu’est-ce que la traductologie ? », Lexis [En ligne], Recensions, mis en
ligne le 04 février 2007, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/lexis/
1723 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lexis.1723
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Michel Ballard, Qu’est-ce que la traductologie ?
Michel BALLARD, Qu’est-ce que la
traductologie ?
Artois Presses Université, 2006, 302 pages
Fabrice Antoine
RÉFÉRENCE
Michel Ballard
Qu’est-ce que la traductologie ?.Artois Presses Universités, Collection « traductologie »
2006. ISBN : 2-84832-046-X, Prix : 22 €, 302 pages
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Michel Ballard, dont le nom est indissociable de la traductologie en France aujourd’hui,
enrichit la collection qu’il dirige avec Lieven d’Hulst aux presses de l’Université d’Artois
(plus de vingt ouvrages parus depuis 1997) d’un nouveau volume, dense, riche et propre
à stimuler la réflexion de tous ceux qui s’intéressent à la traduction, qu’ils en fassent
leur métier, l’observent, réfléchissent à son propos ou en enseignent la pratique ou les
techniques : il livre, en 302 pages serrées et vingt-trois textes, la réponse, les réponses,
de vingt-cinq spécialistes, traducteurs universitaires ou professionnels, théoriciens,
formateurs de traducteurs, didacticiens de la traduction, à la question générale et
« faussement naïve » (p. 7) posée lors d’un colloque international organisé par ses soins
à l’Université d’Artois : « Qu’est-ce que la traductologie ? »
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Ce recueil évoque les origines de la traductologie, son histoire, ses relations à d’autres
sciences et son évolution, qui a pris des airs d’émancipation, rassemble entre les mêmes
couvertures des exposés de diverses approches et théories, concurrentes ou
complémentaires, et des témoignages sur leur contribution à la pratique et à la
formation des traducteurs. Le panorama est vaste, du point de vue historique et
géographique (contributions de chercheurs d’Algérie, du Moyen-Orient, de Roumanie
ou du Vietnam), mais aussi théorique en ce que les grandes théories actuelles sont ici
définies et argumentées : théorie interprétative (M. Lederer), théorie du skopos
(J.D. Gallagher) ou théorie sociologique (J.-M. Gouanvic) et diverses autres démarches
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Michel Ballard, Qu’est-ce que la traductologie ?
sont représentées - et chaque contribution, ou à peu près, est accompagnée d’une riche
bibliographie, utile au lecteur désireux d’aller plus loin encore.
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A un moment où la validité de la recherche en traduction et en traductologie, en
particulier dans le paysage universitaire français, doit être affirmée (cf. p. 12), où la
place de la traductologie dans le monde universitaire autant que professionnel mérite
d’être fixée, ce volume vient à point, pour dire non seulement ce qu’est la traductologie
- après tout, elle est multiforme, tout comme son objet, la traduction, acte et résultat mais aussi, et peut-être surtout, pour préciser ce qu’elle n’est pas, ou pas seulement. Il
est fait référence, dans plusieurs des textes, à l’ouvrage de J.-P. Vinay et J. Darbelnet,
Stylistique comparée du français et de l’anglais (Paris, Didier, 1958), pour montrer le
chemin parcouru par la traductologie, science de la traduction, et pour souligner que
celle-ci n’est pas de la stylistique comparée. Elle n’est pas non plus linguistique
contrastive, ni littérature comparée, ni d’ailleurs simple commentaire de traduction,
bien sûr, même si elle est un peu de tout cela, empruntant aussi à la philosophie du
langage, la psycholinguistique, la sociolinguistique, la psychologie cognitive, les
sciences de la communication ou les neurosciences (C. Durieux, 96). La traductologie est
donc fille ou sœur d’autres disciplines, ce que plusieurs auteurs de ce volume
soulignent aussi en parlant de pluridisciplinarité ou d’interdisciplinarité à son propos.
Mais le problème de la filiation de la traductologie, et, partant, éventuellement, de son
émancipation, est somme toute secondaire : il est plus urgent de répondre à la question
« A quoi sert la traductologie ? » Quelles sont ses finalités pratiques ? Une théorie qui
n’aurait qu’elle-même pour fin serait stérile et mériterait en effet que les praticiens
s’en détournent : plusieurs articles rappellent la méfiance ou la défiance des
traducteurs vis-à-vis de la traductologie, perçue comme étant détachée de leur pratique
quotidienne. Or, ici, et c’est l’intérêt de ce volume, plusieurs traducteurs (littéraires,
spécialisés, universitaires, professionnels) viennent dire que la traductologie se
construit aussi à partir du témoignage des praticiens et de la pratique de la traduction,
et c’est sans doute là le plus probant, quoique, bien sûr, on puisse traduire ou savoir
traduire et n’être pas théoricien de la traduction - ni non plus didacticien de la
traduction d’ailleurs ; l’inverse étant bien entendu parfaitement vrai aussi. Il convient
sans doute tout de même ici de rappeler l’évidence, à savoir qu’une traductologie qui ne
serait pas assise sur une pratique de la traduction et ne viserait pas à améliorer celle-ci
n’aurait pas de sens : les textes réunis par Michel Ballard ne le disent certes pas aussi
brutalement, à l’exception sans doute de celui de D. Gouadec (« Trop de traductologies
tue la traductologie »).
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Alors ce recueil polyphonique, où les auteurs se répondent, s’éclairent et souvent se
complètent les uns les autres, par leur contribution d’abord, par leur bibliographie
ensuite, ne peut qu’entraîner le lecteur à effectuer, ou plutôt à amplifier pour lui-même
une synthèse « dépassionnée », dont il trouvera plusieurs exemples dans les textes
réunis ici. Comme la traductologie puise à différentes sources, ce que je nommerais une
« traductologie pratique », ou « fonctionnelle » (Lavault-Olléon, 244), peut se dégager,
me semble-t-il, à partir des outils conceptuels qui permettent, mariés à d’autres ou non,
d’expliquer des phénomènes de traduction, de comprendre l’acte de traduire et, peutêtre surtout, de mieux former des traducteurs, aptes à prendre du recul par rapport à
leur activité et donc à mieux la pratiquer. Ainsi, par exemple, les « figures de
traduction » de M.-F. Delport et J.-C. Chevalier (119-32 ; voir leur ouvrage L’horlogerie
de saint Jérôme (Problèmes linguistiques de la traduction) (Paris, L’Harmattan, 1995) ou
les pistes de réflexion sur l’acte de traduire de C. Durieux (95-105) peuvent-elles se
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Michel Ballard, Qu’est-ce que la traductologie ?
conjuguer avec les grandes théories mentionnées plus haut et décrites dans ce volume
pour asseoir une méthodologie et une didactique de la traduction plus sûres, gages
d’une plus grande efficacité des traducteurs et d’une qualité plus grande encore de
leurs traductions - c’est dans ce sens que vont par exemple E. Lavault-Olléon (237-50)
ou D. Gouadec (293-99), et ce n’est pas un hasard s’il s’agit de formateurs de
traducteurs. On pourra percevoir des différences pratiques entre traduction
pragmatique et traduction littéraire, par exemple (ce débat, qui décalque celui,
universitaire, entre la traduction « à objectif concours » et celle à finalité
professionnelle me semble rester ouvert malgré l’argumentation de plusieurs des
auteurs) ; on pourra arguer que tels outils (ceux de la théorie du skopos par exemple :
p. 145-59) sont utiles pour la première (y compris doublage et sous-titrage) et le sont
moins pour la deuxième - qu’importe : tout ce qui permet de comprendre, expliquer,
améliorer l’acte de traduire et son résultat, tout ce qui va dans le sens de la formule de
C. Durieux, « traduire, c’est comprendre pour faire comprendre », c’est-à-dire qui
fournit des outils pour comprendre ce qu’est « comprendre » et ce qu’est « faire
comprendre » et comment on s’y prend, c’est sans doute cela, la traductologie. Le
mérite de ce volume est de faire voir cela autant que d’apporter au lecteur de quoi
(ré)alimenter sa réflexion et réfléchir sur sa pratique.
AUTEURS
FABRICE ANTOINE
Fabrice Antoine, UFR Angellier, Université Lille 3.
Fabrice Antoine est Professeur des Universités à l’UFR Angellier (anglais LCE) de l’Université Lille
3, France. Il est directeur de la spécialisation de Master d’Études Anglophones « Métiers du
Lexique et de la Traduction » (MéLexTra) (anciennement maîtrise et DESS), responsable du
centre de recherche Elextra (Études sur le Lexique et la Traduction) aujourd’hui absorbé dans
CECILLE (Centre d’Études en Civilisations, Langues et Lettres Étrangères). Il a collaboré à la
rédaction de nombreux dictionnaires bilingues généraux et spécialisés (Harrap) et publie
régulièrement dans ses champs de recherche : traduction, (méta)lexicographie et argotologie
bilingues.
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