« N o us étions partis -
« nous » : des A m i s - de ce constat si m
il y a de m oins en m oins de place, en France, pour présenter le
ivres de p ensée et en d éb attre p ub l i q uem ent -
ef f ective
[...] et, si nous traitons principal em ent de l ivres, c'est q ue nou
consid érons q u'il s sont les chantiers o ù se trame et se co m m u
niq ue le travail discret, ardu, têtu, solitaire et solidaire à la fois, de
la pensée. [...] Constance, ou disons endurance : la guerre d'escar
mouche quezyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
l'Agenda a eng ag ée contre la lassitude ne fait, à
dire, que commencer. »
François JuUn
o
CM
« Le langage des gestes est à l'origine de l'expression h u m
> zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
le zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
sous toutes ses f ormes, y compris rituelles ou cérémoniel l es.
o
zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
geste est le fait d u corps vivant et pensant. » Ph. Bcck
<
« [ . . . ] comment s'orienter dans l'avenir pour que la " composition
ce
o
f rançaise" dont la France el l e- même est issue reste à la fois vivante
et accueillante. » Ph. Ray naud
O
u zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
« A f f irm er q u' aucun accident ne viend ra entamer la v ie d u lettré,
t en particulier son corps étend u, d u m oins tant q ue la culture
de l'écrit se m aintiendra, est aussi une f orme de hauteur de v ue,
do distance toute lettrée. » T. Samoy aull
zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
a
o
UNE ÉTHIQUE DU DÉSENGAGEM ENT
g zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
978 2 7056 6983 6
H ERM A N N
Depuis 1876
www.editions-hermann. f r
782705' 669836
I
H ERM A N N
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Depuis 1876
9,90 € zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
L' Institu tzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
de la Pensée Contemporaine a été créé en m ai 2002 à
l'université Paris-Did ero t, à p artir d e la co nféd ératio n d u Centre d u
V iv ant, d u Centre Ro land -Barthes, d u Centre Geo rg es-Cang uilhem,
et d u Centre Marcel-Granet.
À VEN IR
François
jullien
L'Institut a p o u r v o catio n d ' o u v rir d e no uv elles v o ies à l'interd isciplinarité en co njug uant l'exercice des co mp étences et le risque d e la
p ensée.
••
. •!,
/
N o u s étio ns p artis - « no us » : des A m is - de ce co nstat sim p le : i l y
a de mo ins en mo ins d e place, en France, p o u r p résenter les liv res de
p ensée et en d ébattre p u b liq u em ent - effectiv ement. N o n seulement
Institut de la Pensée Co ntem p o raine, Université Paris-Did ero t - Les
l'espace, dans la presse, s'est rétréci, mais o n y craint par-dessus
Grand s M o ulins, 75205, Paris Cedex 13. zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
to ut, d éso rmais, ce q u i paraîtrait tant so it p eu théo rique, ne to m berait pas d 'emblée sous le sens, c'est-à-d ire ne rép o nd rait pas aussitô t à l'attente, d emand erait p lus de patience et d 'attentio n ; bref,
réd uirait l'aud ience esco mp tée. Le régime imp o sé p ar les méd ias
étant, no n p lus d e réflexio n, mais d e réactio n, les regard s so nt branDirecteur de publication
'
chés sur l' au d im at ; o n n' y to lère p lus de d ifféré (m y the no uv eau de
Fmnçois juUien
>
/
r« en temp s réel » ). O r q u i p eut assurer que le p ub lic en so it co ntent
(p u isq u 'il n'a p lus le cho ix) ? Q u ' i l ne puisse être p assio nné, d o nc
Responsables de
rédaction
d éco uv reur, d o nc exigeant ?
Pierre Cliartier, Ciiillaianc de Siirdcs
Comité
de
lecture
Etienne Balibar, Philippe Beck, Barbara Cassin, Pierre Chartier,
Arnold Davidson, Florence Dupont, Françoise Gaillard,
Frédéric
Gros, Benoît Heilbrunn, Patrick Hochart, François jullien, Françoise
Kerleroiix, Etienne Klein, jcan-Lonp Mokiiane, Philippe Raynaud,
François Roussel, Martin Riieff, Tiphaine Samoyault, Guillaume de
Sardes, Aliocha W ald Lasowski.
© Éd itio ns H erm ann, Paris, 2010
ISBN : 978 2 7056 6983 6
Cho se étrange, en effet, q u ' u n tel rétrécissement : i l se p ro d u it au f i l
des jo urs, sans que perso nne v raim ent n'en d écid e, sans que perso nne, en to ut cas, ne l'assume. Si ce n'est que p ar petites to uches,
par d iscrets arbitrages, p ar légers infléchissements, une év o lutio n se
co nfirme, tro p glo bale p o u r q u ' o n la remarque, et d ev ient co ntraignante. Dans telle réd actio n, d ans telle librairie. U n possible p ro gressiv ement s'est refermé. Q u i d o nc p rend la mesure d e cette transfo rm atio n silencieuse ? Car i l existe bien une récessio n intellectuelle au
même titre que la récessio n éco no mique, mais mo ins ébruitée. Q u i
p o urtant ne co nstate que, à l'ép o que où l' o n prétend tant d ébattre
et to ut attend re d ' u n reno uv eau des id ées, les o uv rages d e p ensée
passent de p lus en p lus inap erçus : so nt de mo ins en mo ins en mesure de renco ntrer u n p ub lic ? Il est v rai que ce no n-ébruitement
co ntient déjà en l u i l'av eu tacite d ' u n co nsentement et d 'une résig natio n. O u sino n, p arfo is, co nv ulsiv em ent, l' o n se d éso le : reto ur au
g rand lamento d u Déclin. M ais o n p eut aussi faire to ut autre chose :
résister. Ce que, entre amis - quelques amis - no us avo ns, i l y a cinq
ans d éjà, d écid é. Chaque ép o que a sa résistance.
64 S O U R C ES , R ES S O U R C ES
zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
haut, o n d o it aussi se d emand er co mment s'o rienter dans l'av enir
p o ur que la « co m p o sitio n française » d o nt la France elle-même est
issue reste à la fo is v iv ante et accueillante. M o na O z o uf se v eut réso lum ent o p timiste, parce qu'elle ne v o it pas d 'antag o nisme entre les
p atrio tismes régio nal, natio nal et euro p éen et parce qu'elle pense que
le co nflit entre « libéraux » et « co mmunautaristes » n'est pas p hilo so p hiq uem ent insurmo ntable. Elle no us renv o ie à l'œuv re d e Lo uis D u m o nt p o ur mo ntrer co mment les « id entités co ncurrentes, régio nales,
pro fessio nnelles, religieuses, ethniques » p euv ent et « d o iv ent être
admises à u n niv eau subo rd o nné, ce q u i im p liq u e d 'av o ir d istingué
des niv eaux et d e les av o ir hiérarchisés » (p . 246). Il reste cepend ant
que « no us n'aimo ns guère ce m o t d e « hiérarchie » : no us y liso ns
une inégalité d e fait » (p . 246) ; or, il est po ssible que cette difficulté
so it elle-même suffisamment fo rte p o u r co mp ro mettre le pro jet d 'une
réco nciliatio n co mp lète des cultures natio nale et locale : d ans une société d o nt l'id éo lo gie est fo nd amentalement égalitaire, les revend icatio ns « id entitaires » s'acco mmo d ero nt mal d ' u n co m p ro m is stable
et la d emand e d e reconnaissance tend assez naturellement vers le
co nflit et la rivalité^ (c'est d 'ailleurs p o u r cela que D u m o nt lui-même
affirm ait sa « préférence irénique p o ur la hiérarchie » ). Cela ne v eut
sans d o ute pas d ire q u ' il faut so nner le to csin parce q u ' o n tro uv e
au jo u rd ' hu i, à cô té d u français, les no ms des rues écrits en o ccitan,
en catalan o u en breto n ; d iso ns plutô t que, si l'histo ire d e France
co ntinue, la « co m p o sitio n française » sera to ujo urs à refaire et que,
d ans cette tâche infinie, le beau liv re d e M o na O z o uf p eut aid er à
éclairer to us nos co ncito yens - régio nalistes o u pas.
A V ITA LzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIH
RONELL:
FRENCH
CONNEXION
Jé ré m i e M aj o re l
TECHNOLOGIE,
TÉLÉPHONE BOOK.
SCHIZOPHRENIE
ET LANGUE ÉLECTRIQUE
par A vital Ronell
traduit de l'anglais (États-Unis) par D aniel Loayza
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Paris, Bayard, 2006
{The Téléphone Book. Tedinotogy, Schizophrcnk,
Electric
Speech
University of N ebraska Press, 1989)
STUPIDITY
par A vital Ronell
traduit par Céline Surprenant et Ctiristophe Jaquet
Paris, Stock, 2006
(Stupidity,
University of Illinois Press, 2001)
ADDICT. FIXIONS ET
NARCOTEXTES
par A vital Ronell
traduit par D aniel Loayza, Bayard, 2009
{Crack W ars. Literature, AMction,
••'
Mania
University of N ebraska Press, 1992)
TEST DRIVE. LA PASSION DE L'ÉPREUVE
.!f ••
• ^'^
••i,H.>
. - v
. ri ' v ' . v f ;
•
par A vital Ronell
traduit par Christophe Jaquet
Paris, Stock, 2()(W
(Tte TPS/ D nz'c, University of Illinois Press, 2005)
7
L'exompif de l'EspagiU', où le basque et le catalan ont supplanté le « cas-
tillan >' dans les provinces autonomes sans que cela fasse taire les revendications
« nationalistes », devrait sans doute être médité.
zyxwvutsrqponmlkj
66
S O U RC ES , RES S O U RC ES
zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
A V I T A R O N EL L : FRENCH
CONNEXION
67
Dep uis 2006, co up sur co up , o nt été trad uits c inq liv res de la
fo rmes po ssibles de c o m m u nic atio n télép ho nique : annuaire, p rise
p hilo so p he américaine A v ital Ro nell, d o nt un recueil d 'entretiens'.
d 'ap p el, éco ute, raccro chage, parasitage, c o u p u re... La fig ure de
Cet afflux d 'une p ensée p ro fo nd ément o rig inale et facilement
p hilo so p he qu'elle inv ente est celle d 'une stand ard iste télép ho nique
méd iatisable (la v ie mo uv ementée d ' A v ital Ro nell, so nzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
look, le cho ix
q u i o pérerait des racco rd s entre interlo cuteurs inattend us. L'id entide ses o bjets inco ng rus de réflexio ns, ses liens avec D errid a...) d ans
ficatio n à cette fig ure est quasiment exp licite d ans ce passage : « Une
u n temp s resserré imp o se une p résentatio n à co ntre-co urant, c'est-
récep tio nniste d o it sav o ir co m m ent s'effectuent des co nnexio ns to lé-
à-d ire d iachro niq ue, d e so n œuv re. La p ersp ectiv e thématique (le
rables, en d éterminant quelle o uv erture établira une co m m unica-
trav ail d e d eu il, la techno lo gie, H eid eg g er...) en écraserait la tem -
tio n entre d eux p arties o u d eux choses - bref, elle d o it co m p rend re
p o ralité et d o nnerait au lecteur français l' illu sio n d 'une fausse acces-
co m m ent m anip u ler le stand ard so us p eine de p erd re so n po ste »
sibilité, q u ' o n ne p eut pas rep ro cher aux éd iteurs d 'entretenir. Les
(p . 37). Plutô t que la Déco nstructio n, le geste p hilo so p hiq ue q u i la
liv res d o nt o n p résente la trad uctio n ici o nt été écrits entre 1989
singularise le m ieux serait d o nc « la Déco nnexio n >> (p . 90), co u-
et 2005 et n'o nt pas été trad uits d ans l'o rd re de leur p aru tio n. N o tre
p ure et en même temp s red istributio n de la co up ure v ers une autre
tâche est d o nc d e resituer cette p ensée, d ans so n ép o que et au sein
co nnexio n surp renante.
d e sa p ro p re év o lutio n. C'est à ce p rix que l' o n s'apercevra qu'elle
excèd e ses co ntextes d 'o rig ine et no us p arle des enjeux p arm i les
p lus urgents d ' au jo u rd ' hu i.
Les enjeux
techno lo giques, p o litiq ues, relig ieux, p hilo so -
p hiques, ling uistiq ues et p sy chanaly tiques que so ulev aient
zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
réflexio ns sur le télép ho ne so nt enco re des p lu s actuels.
ces
S'il n' y a pas
de d iv isio n en chap itres q u i les ferait d irectement ap p araître, il y a
cep end ant u n co urant d e p ensée, une alternance de co nnexio ns et
La standardiste et la Déconnexion
d e d éco nnexio ns que je v o ud rais retracer et co ndenser, tant cela me
paraît être le geste p hilo so p hiq ue d e cet o uv rag e, q u ' o n retro uv era
A v ital Ro nell ne se co ntente pas d e répéter Derrid a. Elle
enco re d ans les suiv ants. Une co nnexio n p rincip ale, liée à Heid egger,
retro uv e la nécessité p o étique de sa p ensée, no tam m ent la manière
innerv e to utes les autres. A v ital Ro nell s'intéresse à la seule m entio n
d o nt il a subv erti l'écriture de la p hilo so p hie en prêtant attentio n à
d u télép ho ne que l'o n p eut tro uv er d ans l'ensemble co nsid érable
ses d isp o sitifs éno nciatifs. A insi, q u and D errid a a écrit sur la ques-
de l'œuv re d u p hilo so p he allemand : une interv iew , p ubliée de m a-
tio n de la lettre et de sa d estinatio n, i l l'a fait st)us fo rme de cartes
nière p o sthum e, acco rd ée au Spie^el d ans laquelle il fait remo nter
po stales ad ressées de Plato n à Freud d ans le liv re q u i p o rte ce no m .
so n engagement naz i à u n ap p el télép ho nique des Sections d 'A ssaut
Il s'agit d e p erfo rm er l'o bjet d o nt o n p arle, ce q u i finit p arfo is p ar
reçu lo rsq u 'il était recteur. Le fait que cette m entio n d u télép ho ne
être p lus éclairant q u'une ap p ro che co ncep tuelle surp lo m bante. De
so it la seule, qu'elle se tro uv e liée à une questio n si d écisiv e et qu'elle
même, A v ital Ro nell, d ans so n Tckphonc Book (1989), en substituant
ait l'aura d 'une p aro le p o sthum e c o nd u it à relire to ute l'œuv re p ar
à la d isp o sitio n trad itio nnelle en chap itres d 'autres agencements
ce biais-là. Une « tache av eugle techno lo g ique d e Heid eg g er en ce
éno nciatifs, réussit à faire ressentir et co m p rend re presque to utes les
q u i co ncerne le télép ho ne » (p . 29) est repérée, no n parce q u ' H eid eg zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
ger p enseur de la technique aurait év o qué beauco up d 'o bjets sauf
le télép ho ne (o n ne p eut l u i rep ro cher de ne pas av o ir p ensé à to ut),
A vital Roiu'll, Aiiicriatii Vhilo. Entretiens avec Anne DnfournmntMe, Paris,
Sttxrk, 21)06. Il n'en sera pas question ici, mais c'est le complément idéal de
cette présentation, notamment pour la question de la formation de la philosophe, de sa biographie et de ses travaux sur G oethe, le sida, le féminisme,
etc., qui ne sont malheureusement pas encore traduits en français.
1
mais parce que no m bre d e ses réflexio ns (no tam m ent le d ébut d e
« Qu'est-ce q u 'u ne chose ? » ) rend ent p arfaitem ent co mp te d u p héno mène télép ho nique en général - à l'excep tio n de celui-là. A v ital
Ro nell avance d ans la d éterminatio n d e cette absence en remarquant
68
S O U R C ES , R ES S O U R C ES
zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
A V I T A R O N E L L : FRENCH
CONNEXION
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d ans lequel Blancho t d év elo p p e une réflexio n dense sur l'expérience
que le thème de « l'ap p el » est fo nd amental d anszyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Être et Temps, où est
d e la « fascinatio n » , en p renant no tam m ent co mme exemp le l'enfant
d év elo p p é « l'ap p el de la ct)nscience » co mme mo d alité existentiale
d u Dasein, o u v rant sur le questio nnement de ce qu'est « l'ètre-ap-
fasciné par le regard de sa mère. Cette co nnexio n avec la fascinatio n
p elé ». C'est là que la stand ard iste o p ère une co nnexio n d écisiv e :
blancho tienne p ermet de mettre en questio n la « scène d éco ntaminée
en faisant remo nter so n engagement naz i à u n ap p el télép ho nique,
de l'ap p el » (p . 35) élabo rée p ar Heid egger. La co nnexio n n'est p lus
Heid eg g er n'en fait-il pas sans d o ute inco nsciemment u n év éne-
interne à une même p ensée mais co nnecte des p ensées hétéro gènes
m ent aussi d éterminant que l'ap p el d estinai d e l'être l'était p o u r le
l'une à l'autre.
Dasein ? L'ap p el télép ho nique, techno lo g ique, ne p erm et-il pas de
Po ur faire o bstacle à cette fascinatio n d ' u n ap p el q u ' o n ne p eut
réinterro ger l'ap p el t)nto lo g ique ? La co ncep tio n q u'H eid eg g er se
refuser, la p hilo so p he d éclenche une autre co nnexio n hétéro gène
fait de la technique co mme d év o iement d u rap p o rt authentique à
avec une no te de La Carte postale (1980) o ù Derrid a relate une farce
l'être n'a-t-elle pas été le p iv o t d e son engagement naz i ?
De cette co nnexio n
p rincip ale d éco ulent p lusieurs autres
q u ' o n l u i aurait jo uée : au m o m ent o ù i l d acty lo g rap hiait, en v u e
d e sa p ub lic atio n p ro chaine, u n passage de ce liv re o ù i l critiq uait
co nnexio ns. A insi, A v ital Ro nell s'intéresse à u n autre end ro it de la
Heid egger, i l reço it u n ap p el télép ho nique des États-Unis en PCV. La
pensée heid eggerienne, le cinquième ct)urs de Qu'appelle-t-on pen-
stand ard iste (là enco re, ce p o u rrait être une fig ure à laquelle A v ital
ser 7, q u i d ébute par un exemple tiré de la v ie quo tid ienne p o u r faire
Ro nell s'id entifierait v o lo ntiers) l u i p récise q u ' il s'agit d ' u n certain
co mp rend re le sens d u verbe « appeler^ » : « "A ttend s u n p eu ! [W arte]
« M artin i » o u d 'une certaine « M artine Heid eg g er ». A p rès u n temp s
je vais t'ap p rend re ce q u ' o n appelle o béir [geliorclien]" , p o urrait d ire
d e co nfusio n, D errid a refuse l'ap p el et inf o rm e la stand ard iste q u ' i l
de lo in / crier [rufen] une mère à son p etit garço n q u i refuse de ren-
s'agit sûrement d 'une « blague » . M ais, i l s'est senti o bligé d 'écrire
trer à la maiso n. Est-ce qu'elle l u i p ro met une d éfinitio n de l'o béis-
cette no te, co mme s'il d ev ait malgré to ut payer, fût-ce p ar u n m o y en
sance ? N o n . O u va-t-elle lu i transmettre une leçon ? Pas d avantage,
d éto urné, cet ap p el. Derrière cette anecd o te p laisante, A v ital Ro nell
si elle est v raim ent une mère. Plutôt, elle va lu i transmettre ce qu'est
m o ntre la co mp réhensio n p ro fo nd e de la questio n d u p aiement d e
l'o béissance. M ieu x encore, p o ur p rend re les choses d ans l'autre sens :
l'ap p el, d e la p o ssibilité de refuser d e le p rend re, d ' y rép o nd re, v o ire
elle l'amènera à obéir. Son succès sera d 'autant p lus d urable qu'elle
d 'en rép o nd re, so us-tend ue par le geste de Derrid a et q u i m anque
le gro nd era mo ins : il sera d 'autant p lus facile qu'elle l'amènera p lus
cruellement aux réflexio ns heid eggeriennes.
d irectement à o béir [je unmittelbarer die Mutter den Solin ins Hôren
Elle effectue ensuite une co nnexio n sup p lémentaire q u i fait
brinjft]" no n pas simp lement à co ndescendre à éco uter, mais à éco u-
reto ur sur la fig ure d e l'ap p el (lancé par la mère) et tro uv e l'inv er-
ter de façon telle q u ' il ne p eut p lus cesser de v o u lo ir le faire » (cité
sio n exacte de cette scène d ans les analyses de Freud sur le fort /
p . 39-40). Là o ù Heid egger s'intéresse à l'o ccurrence d u verbe « appe-
da : cette fo is, c'est la mère q u i s'élo igne et l'enfant q u i la ramène
ler » [rufe}i] emp lo yé par la mère d ans sa remo ntrance (« ce q u'o n
en ramenant la bo bine. Le co rd o n télép ho nique est aussi u n c o rd o n
appelle o béir » ), A v ital Ro nell d éplace l'accent sur l'acte de langage
o m bilical (théo lo giquement cela se trad u it par la naissance de l'en-
effectué par la mère, co mp ris co mme une autre mo d alité de l'ap p el
fant Jésus par l'o reille de la Vierge M arie). Est év o qué alo rs to ut ce
(la mère ap p elle son fils p o ur q u ' il rentre), et à so n effet p erlo cuto ire,
que Freud a p u penser lui-même en termes d 'analo g ie entre l ' i n -
q ui métamo rp ho se le fils en rép o nd eur auto matique. La p hilo so p he
co nscient, la situatio n analy tique et la c o m m u nic atio n télép ho nique.
stand ard iste raccorde alo rs ce texte de Heidegger, d e manière surp re-
Le télép ho ne ne se réd uit d o nc pas à un sim p le objet technique si
nante, au chap itre sur « La so litud e essentielle » de L'Espace littéraire
naturalisé p ar no tre usage q u o tid ien q u ' il se fo nd d ans le d éco r et
d ans no tre co rps. C'est aussi u n o bjet fantasmatique d o rm ant q u i a
2
Anrufen signifie en allemand appeler téléphoniquement, téléphoner.
p arfo is des sursauts brutaux. O n to uche alo rs au d euxième pô le d u
70zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
SOURCES, RESSOURCES
liv re, no n p lus le télépho ne co mme techno lo gie, mais co mme schi-
A V I T A R O N E L L : FRENCH
CONNEXION
71
littérale de la mélanco lie, de l'inco rp o ratio n d u m o rt d ans la cry p te
d u so i q u i blo que to ut trav ail de d euil. L'ap p areil télép ho nique est
lu i aussi à sa manière une bo îte de co nserve, une cry p te, u n vecteur
de mélanco lie.
A insi les co nnexio ns ro nelliennes red o nnent-elles d u co urant
à une p ensée en v o ie d 'extinctio n. Lire A v ital Ro nell p ro d u it u n
effet co nnectif q u i n'ap p araît jamais mieux que lo rsque, lancée d ans
une réflexio n sur l'auto bio g rap hie de Watso n q u i d o nne lieu à des
esquisses de co nnexio ns qu'elle ne p eut d év elo p p er, elle s'adresse
ainsi au lecteur : « 11 y a p lus enco re ; Watso n est to ujo urs en lig ne, je
ne fais que le mettre en liaiso n avec v o us. Peut-être so uhaitez-v o us
enco re l'entend re. Venez, éco utez » (p . 114).
' \*
<\
zyxwvutsrqponmlkjih
zo p hrénie.
La stand ard iste mo ntre que ces d eux appro ches restent intimement liées en retraçant l'histo ire de l'inv entio n d u télép ho ne (1876)
et en insistant sur to ut ce que l'ép istémo lo gie des sciences refuse
d 'entend re. L'inv entio n d u télép ho ne est liée à d eux p héno mènes
p sychiques fo nd amentaux : la psycho se et le trav ail de d eu il. La
publicité faite auto ur d e l'inv entio n de Bell a eu u n succès retentissant chez les schizo p hrènes des États-Unis. W atso n, l'assistant de
Bell, relate no tam m ent la v isite d ' u n ho m m e, q u i le d up a u n co urt
instant, v enu d éclarer l'inv entio n déjà p érimée, lui-mô me étant
capable d 'entend re des v o ix, sans ap p areil et sans f il, d irectement
d ans so n cerveau, q u ' il suffirait d 'examiner en d éco up ant la calo tte
crânienne. Une co nnexio n est alo rs établie avec le p sychiatre co ntro •
:~;-:r:r
La pharmacie de Homais
versé R. D . Laing et ses o uv rag es sur la schizo p hrénie fo nd és sur
une relecture de l'existentialisme heid eg g erien...
De l'o reille à la bo uche, A v ital RoneU, avec Addici (1992),
Q uant à la questio n d u d euiL elle fait remarquer que Bell av ait
s'intéresse à u n no uv eau thème inco ntrô lable et capable d e p rend re
une mère et une ép o use so urd es et que so n assistant était u n ad epte
to us les masques (to ut o bjet p eut d o nner lieu à une ad d ictio n), q u i
d u sp iritism e, à la recherche d ' u n méd ium p o u r c o m m u niq u er avec
to uche des enjeux aussi co nsid érables que le p récéd ent (le co ntexte
les esprits. To ut cela est très lo in de la fig ure p o sitiv iste d u scientio rig inel et le titre o rig inal de ce liv re. Crack W ars, q u i n'hand icap ent
fique. L'inv entio n d u télépho ne est inséparable d ' u n trav ail de d euil
en rien sa réceptio n p ar u n lecteur français au jo u rd ' hu i, fo nt réfév o ué à réparer une inco mp létud e, qu'elle so it p hy sique o u métarence à la p o litiq ue de netto yage d u crack des rues de N e w Yo rk
p hy sique. Cette inco mp létud e est bien symbo lisée p ar le fait que la
d ans les années 1990 et à ses d ériv es répressives et racistes). La disco m m unicatio n télép ho nique o blige à n'entend re que d 'une o reille,
positio d u liv re rejo ue avec autant d e brio que le p récéd ent les effets
p héno mène q u ' A v ital Ro nell, d ans u n m ag nifiq ue passage, rap p erfo rm atifs d e l'o bjet traité. Je passe v ite sur la reprise de sa lecture
pro che d e la nage en c raw l, p o u r mieux en d écrire la p héno méno d e Heid eg g er : le co mmentaire dense d ' u n lo ng passage, rep ro d uit
lo gie p arad o xale. Ses réflexio ns se terminent par d eux co nnexio ns,
textuellement, extrait d u § 41 de Être et Temps, « L'être d u Dasein
to ujo urs liées à la questio n d u d euil, très féco nd es p ar leur écart
co m m e so uci » , d ans lequel le p hilo so p he allem and tente de sép arer
même. L'inv entio n d u télép ho ne, rend ue po ssible p ar l'électricité et
le niv eau d u « so uci » d u niv eau p lus sup erficiel où se manifestent
hantée par le refus de la m o rt, est co nnectée auzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Fmnkenstein (1818)
« la v o lo nté et l'env ie o u le p enchant et l'appétit ». La co nséquence
de M ary Shelley, cad avre co mp o site animé par la fo ud re, créature
d e taille de ce co mmentaire est q u ' il se p o urrait bien que la d ro g ue
née de la d émesure d ' u n savant f o u d e la m o rt d 'une mère. L'ultim e
ait u n fo nd ement o nto lo g ique. Ceci est vérifié d ans ce q u i est la p arco nnexio n se fait également par une autre inv entio n, réelle celle-ci :
tie majeure d u liv re, une lecture no uv elle d e M adame Bovary (1 856).
le lait co nd ensé de Gail Bo rd en, q u i a rend u po ssible la co nserve alimentaire, a été élabo ré à la suite d u traumatisme natio nal de l'exp éd itio n Do nner. Les p io nniers p ris d ans les neiges de la Sierra N ev ad a
en 1846 eurent reco urs au cannibalisme p o u r surv iv re, exp érience
Telle est la questio n q u i d éclenche cette relecture : p o u rq u o i
l'ascensio n de H o m ais est-elle parallèle à la chute d 'Em m a ? Po ur
rép o nd re, A v ital Ro nell ne reco nstitue pas le schéma actantiel d u
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ro m an, mais son éco no mie, au sens littéral d u terme, une éco no mie
les p o ètes de la cité, elle aussi exclue de la co mmunauté en tant que
d e la d ro g ue et d e l'ad d ic tio n. O n p eut d éno mbrer quatre marciiés
créature ad o nnée aux simulacres en to us genres ? C'est là q u'inter-
(au sens éco no mique d u terme) mis au jo ur p ar son analyse, q u i so nt
v ient le d ernier marché à la racine des tro is autres : l'éco no mie lib id i-
de p lu s en p lus enfo uis et interd ép end ants. To ut d 'ab o rd , le ro m an
nale d 'Em m a elle-même. La ruine financière d 'Em m a, c'est aussi une
relate l'histo ire d e la ruine p ro gressive d u fo yer d e Charles Bo v ary
ruine p sy chique. L'idée de la d ro g ue co mme ce q u i v iend rait altérer
so us les o p ératio ns financières risquées de sa fem m e avec M o nsieur
u n sujet o rig inellem ent p u r de to u t ad d ic tio n est d éco nstruite. En
Lheureux. Ensuite, Emma est elle-même au centre d ' u n autre mar-
effet, q u and so n père l'emmène à l'âge d e treize ans au co uv ent, ils
ché q u i d isp araît avec elle et q u i p o urrait s'apparenter à u n trafic
mang ent d ans « des assiettes p eintes q u i rep résentaient l'histo ire de
d e d ro g ues : p ar exemp le, l'eau-d e-v ie et le café qu'elle f o u rnit à
M ad emo iselle d e La Vallière » et la « v ielle fille » q u i v enait trav ailler
la no urrice d e sa fille, so n co rp s lui-même co mme d ro g ue d isso l-
au co uv ent, p rem ier deal, l u i passait régulièrement en so us-main des
v ant la v ie so ciale d e Léo n, la p ro thèse qu'elle o ffre à H ip p o ly te
ro mans.
p o u r p arer aux co nséquences d ésastreuses de l'interv entio n de so n
m ari . . . Vient ensuite u n marché o ù Emma rep résente la d emand e
A vec ces
quatre marchés de p lu s en p lu s p ro fo nd s, la
d éco nstructrice ne retro uv e-t-elle pas en so mme les quatre sens
que se d isp utent d eux co ncurrents, le p harm acien H o m ais et le
(littéral, ty p o lo g iq ue, allégo rique, anago gique) de l'exégèse hermé-
p rêtre Bo urnisien, q u i p o ur être o p p o sés n'en p ro d uisent pas mo ins
neutique trad itio nnelle ? D errid a était lo in d 'être inco mp étent d ans
u n même ty p e d e marchand ise structuré co mme une d ro g ue : la re-
l'exercice herméneutique, co mme le m o ntre sa relecture d ' u n p o ème
lig io n d ' u n cô té, d iverses substances méd icamenteuses de l'autre.
de Celan en ho m m ag e à Gad amer d ans Béliers (2003). Seule une
Ce tro isième marché p ermet à A v ital Ro nell d e d émo ntrer une thèse
v isio n étro ite o ppo se abso lument herméneutique et d éco nstructio n.
fo rte de Nietzsche qu'elle av ait citée au to ut d ébut de so n liv re :
A v ital Ro nell m o ntre avec finesse que le fiacre est le liant entre
jour to ute l'histo ire des narco tiques ? - Elle est
« Q u i co ntera u nzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
ces quatre marchés, une so rte d e sig nifiant flo ttant. Ces quatre sens
p resque l'histo ire de la "c u ltu re", d e no tre so i-d isant haute culture »
d éco uv erts, o n p eut maintenant d ég ag er l'interp rétatio n p ro p rem ent
(Le Gai savoir, § 86). En effet, H o m ais rep résente la d ro g ue légale,
d ite qu'elle fait d u ro m an, c'est-à-d ire l'étio lo gie qu'elle p ro p o se de
institutio nnalisée et régulée, d o nc ancrée d ans la so ciété. Surto ut,
to us les sy m p tô m es d ' ad d ic tio n d ' Em m a. Ce serait une incap acité
no n seulement il a p leinement co nscience de cette situatio n, mais
à mener à terme to ut trav ail de d eu il. Des m o rts inco rp o rés en elle
aussi il cherche à l'affermir, ct)mme en témo ig ne no tam m ent sa d ia-
se no urrissent de sa v ie, la v am p irisenL la rend ent inap te à l'am o u r
tribe co ntre l'ivresse à la v ue d u co cher asso upi et son ap p el à la
maternel et la masculinisent. O n p eut d égager une échelle d u d euil
d éno nciatio n p u b liq u e des alco o liques. Lo in d e p rô ner l'érad icatio n
de ses analyses. En haut, se tro uv erait Charles. Q u and le so uv enir
des d ro g ues, il en so uhaite le m o no p o le institutio nnel, aussi bien
de sa p remière femme d éfunte se p résente ino p inément à so n esp rit,
co ntre Bo urnisien que co ntre u n simp le co cher p ris de v in. En allant
une tasse de café suffit à régler l'affaire. Charles n'a aucun p ro blème
p lus lo in, H o m ais ap p araît m êm e co mme le perso nnage q u i pose
de d eu il. En revanche, celui q u i d ev iend ra so n beau-p ère est d ans
l'équiv alence sy m bo liq ue entre littérature et d ro g ue : d ans une d e
une situatio n p lu s ambig uë. Lo rsq u ' il tente d e co nso ler Charles à la
ses d isp utes avec le prêtre, q u i l u i d it préférer la musique entre tt)us
m o rt d e sa p remière femme, i l fait le récit d e l'exp érience d u d euil d e
les arts, H o m ais d éfend au co ntraire la littérature. Ce d ébat rejo ue
sa p ro p re femme et Flaubert le d écrit enco re p ris entre l' o u b li et le
d ans le ro m an la c o nd am natio n p lato nicienne de la mimèsis. To ut
m aintien de so n so uv enir. A u p lu s bas, Emma est celle q u i co nserve
co m m e le pliariiuûon, a la fo is remèd e et p o iso n, d o nt Derrid a a m o n-
et m o m if ie en elle to ut ce qu'elle a p erd u : sa mère, so n frère, ses
tré l'im p o rtance chez Plato n, c'est d ans la p harmacie de H o m ais
amants, ses illusio ns. La d ro g ue n'est que la no u rritu re d emand ée
q u 'Em m a tro uv e le p o iso n qu'elle ingère. Emma n'est-elle pas, tels
p ar les m o rts à Emma. La p hilo so p he o bserve que les p o m m es d e
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terre que Lestibo ud o is fait po usser sur le cimetière d u v illag e et q u ' il
rev end ensuite avec p ro fit co nd ensent à leur niv eau to utes ces ano malies p lus o u mo ins fo rtes d ans le trav ail d e d euil et les marchés
de la m o rt qu'elles eng end rent. Co m m e en ép ilo gue à so n étud e,
elle finit p ar u n pastiche d e « rap p o rt méd ical >> q u i se centre sur
l'ép iso d e d u p ied -bo t d ' H ip p o ly te et q u i émet des hyp o thèses sur
le rap p o rt entre la bio g rap hie de Flaubert et so n ro m an. Là enco re,
o n se rap p ro che d 'une herméneutique trad itio nnelle menée avec efficace. La bo îte en bo is et les band ages q u i env elo p p ent et encapsulent le p ied en co urs de g ang rène d u p auv re hère représentent une
cry p te de p lus. C'est le tend o n d ' A c hille sectio nné q u i est encryp té,
autrement d it le père et le frère de Flaubert q u i p o rtent ce même
p réno m et q u i o nt to us les d eux été chirurg iens d e reno m à Ro uen...
Toutes ces analyses d ialo g uent avec une étud e co llectiv e,
Flaubert and Postmodernism, p arue en 1984 aux presses d e l'univ ersité
d u N ebraska, réunissant des co ntributio ns d e V. Bro mbert, J. Culler,
E. Do nato , S. Felman, D . Po rter et M . Riffaterre. Le v a-et-v ient entre
une lecture marquée par cette réceptio n américaine et p o st-mo d erniste d u ro m an et une interp rétatio n q u i p uise malgré to ut à une
herméneutique trad itio nnelle fait que les analyses d 'A v ital Ro nell
so nt to ujo urs aussi stimulantes au jo u rd ' hu i.
La « bêtise transcendantale
»
<
A v ital Ro nell, d ans Stupidity (2001), traite de no uv eau un ty p e
d 'o bjet q u i d éfie les tentativ es d e d éfinitio n et q u i est d e surcro ît
d ép o urv u de to ut o mbre de matérialité. Sans d o ute est-ce parce q u ' il
est imp o ssible de p erfo rmer la bêtise que ce liv re ép o use une facture p lus linéaire que les autres, avec no tam m ent une d isp o sitio n
en tro is chap itres thématiques p récéd és d 'une lo ng ue intro d uc tio n.
Le p remier chap itre exp lo re l'histo ire des d iv ers sens d o nnés au
m o t « bêtise » (l'A ntiquité grecque, le christianisme, les Lumières,
Rousseau, M arx) . Le d euxième et le tro isième so nt des lectures de la
co nférence De la bêtise (1937) de M u sil et de L'Anthropologie du point
de vue pragmatique de Kant (1797). i
, •^ > v'*
v f i v. ^
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Dans la perspective d iachro nique que j' ai ad o ptée p o ur présenter l'œuvre d e la p hilo so p he, Stupidity représente u n cro isement : il
rep rend autrement les d eux précéd ents liv res et anno nce le suiv ant.
En effet, d eux recherches essentielles au Téléphone Book sont ici p o ursuivies. To ut d 'abo rd , la lecture d e Heid egger co ntinue avec la même
stratégie : la seule fo is o ii Heid egger emp lo ie le terme de « bêtise »
(Dummheit), c'est à p ro p o s de so n engagement p o litique de 19331934 ; or, le p hilo so p he allemand est aussi le penseur de l'inauthenticité, de la techno lo gie, d u « O n » et de la pensée co mme ce q u i ne
pense pas encore ; i l serait d o nc féco nd de v o ir d ans quelle mesure
la « bêtise » p ermettrait de relire une telle pensée et inversement. Par
exemple, d ans l'interv iew de 1933 o ù Heid egger exp lique p o urquo i
il a d écid é de rester à la campagne et de refuser la seconde p ro p o sitio n d 'embauché de l'université de Berlin, i l relate co mme d écisive
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la v isite q u ' il fit à u n d e ses amis paysans, au co urant de l'o ffre. 11
évo que le p o id s d e son regard , de son silence et de la m ain q u ' il posa
sur son épaule. Cette authenticité rustique est p arad o xalement très
pro che de ce que les Grecs entend aient par « bêtise », à savo ir ce q u i
est d énué de to ut caractère p o litique, au sens d u vivre-ensemble dans
la cité. De même, to us les d év elo p p ements de Heid egger q u i tend ent
à mo ntrer une préco mpréhensio n de l'être par le Dasein, ce q u i le singulariserait p arm i to us les autres étants, ne p euv ent-ils pas être lus
co mme la révélatio n d 'une « bêtise transcendantale » ? C'est une des
thèses fo rtes q u'A v ital Ro nell d éfend : la bêtise n'est pas d u d o maine
de l'em p iriq ue, de l'accid entel, de l'erreur, elle est une structure de
pensée, interne à la raiso n, co nstitutiv e de no tre co nd itio n humaine
finie, « limitée ». A utre recherche d u Téléphone Book, la questio n même
de l'ap p el interv ient de no uv eau dans la perspective de la bêtise par
le truchement des réécritures de Kafka q u i p aro d ient la figure d u Père
p rim itif de l'humanité, A b raham , au m o m ent où celui-ci est appelé
par Dieu à sacrifier son fils Isaac, à la manière d ' u n cancre q u i se lève,
en cro yant av o ir entend u son no m , lo rsque le professeur remet u n
p rix au meilleur élève. Addict est lu i aussi présent en filigrane dans les
réflexio ns sur Flaubert, cette fo is-ci en tant que ro mancier q ui n'a cessé
de se co nfro nter à la bêtise to ut au lo ng de so n œuvre et d e sa v ie.
M ais Stupidity anno nce ég alement le liv re q u i va suiv re. Test
Drive (2005), co nsacré à l'attrait co m p ulsif des co ntemp o rains p o u r
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des tendances d iscursiv es cruciales et so uv ent critiques, et justifient
les tests en to us genres. La bêtise, so n cô té inso nd able et inf ini, est
des d écisio ns fo nd amentales » (p . 35). Ce liv re, u n de ses p lus abo utis,
ind isso ciable d u fantasme inverse, p ro tecteur et d angereux, d 'une
est nietzschéen de bo ut en bo ut. O n p eut mo ntrer q u ' il s'agit d 'une
intelligence mesurable. A insi, A v ital Ro nell év o que les trav aux de
généalo gie, au sens de Nietzsche, des d iverses mo d alités d u test
Stephen Jay G o u ld sur la questio n, de la cranio métrie d u xix' siècle
(examen, ép reuv e, exp érience, essai), o mnip résent d ans tt)us les d o à no s mo d ernes tests de Q .I., et les co nséquences so cio -p o litiques
maines d e no s so ciétés actuelles. Cette généalo gie est d o uble.
d ésastreuses de leur ap p licatio n aux im m ig rants q u i arriv ent aux
La première, q u i en fo nd e le mo dèle épistémo lo gique, remo nte,
États-Unis. Le termezyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
niomn, d irectement d érivé d u grec, a été inventé
en s'ap p uyant sur des travaux d ' H erm ann Co hen rep ris p ar Derpar certains p sycho lo gues américains en charge d e ces tests p o ur
rid a, au concept d'« Idée » chez Plato n, co nsid éré no n p lus co mme
d ésigner une fo rme de bêtise mo y enne. Ce n'est pas u n hasard :
équivalent
à l'Être, à la vérité, à une so lutio n o u à une d o nnée, mais
l'esclave grec est la première fig ure histo rique à av o ir été d ésignée
co mme hypo thèse, pro blème p o ur la recherche scientifique et épreuve
par u n p o u v o ir p o litiq ue co mme relevant d e la bêtise. Cette d éside vérité. La d ig ne héritière de l'Idée plato nicienne co mme hypo thèse
g natio n équiv aut à une annihilatio n d e l'autre. Rousseau o ffre un
serait la Réfo rme et ses mises à l'épreuve d u d o gme, de l'autorité et
exemp le d e résistance à cette emp rise d u test et de l'intellig ence
des institutio ns. Le d euxième mo ment de cristallisatio n épistémo lo quantifiable. A v ital Ro nell remarque ce q u i p arad o xalement ne l'a
gique d u test est représenté par la co ntro verse scientifique entre Robert
été que p e u : Rousseau ne cesse de confesser sa p ro p re bêtise, i l se
Boyie et Tho mas Hobbes, retracée dans une étud e de Steven Shapin et
d it lent à co mp rend re, to ujo urs en retard et d ans l'ap rès co up , incaSimo n Schaffer, sur la p o mp e à air dans l'A ngleterre d u xvii'' siècle. La
pable d 'av o ir d e la rep artie. La p hilo so p he met en v aleur u n ép iso d e
v icto ire de BoyIe, tenant de l'expérimentatio n en sciences physiques,
archétypal d e to ute l'œuv re. Il s'agit d u m o m ent o ii M ""' de Warens
ancre u n lieu no uv eau o ù la science se d étache de la p hilo stip hie : le
env o ie Jean-Jacques aup rès de M . d ' A u b o nne p o ur l u i faire passer
labo rato ire. Le troisième mo ment s'attarde sur l'épistémo lo gue Cari
à so n insu u n examen de cap acité afin d e d écid er de so n av enir p ro Popper, d o nt le concept de « falsifiabilité » co mme critère de d émarcafessio nnel. Ce test révèle qu'être curé d e v illag e est le seul so mmet
tion entre sciences po sitives et pseudo-sciences (la psychanalyse étant
q u ' il puisse espérer atteind re. Toutes les renco ntres qu'a faites Jeanparticulièrement visée), s'est répandu co mme présuppo sé d iscutable
Jacques p ar la suite n'o nt-elles pas été des examens cachés d u même
dans les débats, par exemple, q ui o nt eu lieu aux États-Unis sur la recety p e ? Y a-t-il une po ssibilité d e faire une « v raie » renco ntre auvabilité jurid iq ue d u test A D N . Cari G. H em p el, H ilary Putnam et Imre
jo u rd ' hu i (au sens am o ureux, mais pas seulement) ? N o tre so ciété
Lakatos o nt critiqué ce critère. A v ital Ro nell p o ursuit cette critique, en
est peut-être mo ins une « so ciété d e co ntrô le » (Fo ucault) que de test. zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
mo ntrant no tamment que Po pper lui-même reconnaissait que « des
croyances no n scientifiques, métaphysiques (bien que bio lo giquement
explicables) en des lois, des régularités que no us p o uv o ns découvrir,
Généalogie de la question
mettre en évid ence, g uid ent nos conjectures » (cité p . 61) et q u ' il ne les
remettait pas en questio n. A ussi, bien qu'une avancée so it indéniable
« [PJo urquo i l'ép reuv e - au jo u rd ' hu i enco re p lu s q u'hier - en
dans la v isio n d 'une expérimentatio n scientifique q u i ne so it p lus à la
est-elle v enue à d éfinir no tre rap p o rt à la questio n de la vérité, d e
recherche de certitud es absolues, mais q u i au co ntraire d o it to ujo urs
la co nnaissance et même d e la réalité ? » (p . 32) A v ital Ro nell, avec
chercher à réfuter le m o ind re de ses résultats, u n pas de p lus reste à
Test Drive, s'intéresse à « la manière d o nt le test - en p articulier sa
faire, q u i est franchi avec une étud e de Flans-Jôrg l^einberg er. A y ant
rhéto rique - a restructuré le cham p de la v ie q uo tid ienne et psyo
bservé entre 1947 et 1954 des labo rato ires méd icaux ap p liquant un
chique ». « Q u ' ils so ient affirmés o u niés, p o ursuit-elle, les mo d èles
système
d e synthèse pro téique in vitro, Rheinberger permet de m o nd e test inf o rm ent p lusieurs types d 'o rg anisatio n so ciale, légitiment
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trer à quel p o int il y a de la « d ifférance » d ans l'exp érimentatio n :
les camps de co ncentratio n co mme lieux d'expérimentatio n des nazis
« L'objet scientifique n'a à aucun m o m ent le caractère d 'une p résence
et surto ut, à p artir des travaux de Lyo tard , sur le témo ignage des surq u i p o urrait être fixée d ès le co mmencement » (p . 70-71). 11 est co nstiv iv ants co mp ris co mme « un d o mmag e acco mpagné de la perte des
tué par l'expérience mais il ne lu i préexiste pas. De même, le langage
mo yens de faire la preuve d u d o mmage » (cité p . 148). En deçà de cet
d o it être co nsid éré co mme un « obstacle épistémo lo gique » (Bachelard)
exemple paro xystique, i l y a « u n no mbre incalculable de personnes
majeur, et no n p lus co mme u n parasitage négligeable, car i l y a une
v iv ant dans ces mo nd es de détresse imp ro uv able » (p. 150) o ù il n'est
écriture expérimentale » (cité p . 71). Co ntre l'illusio n téléovéritable « zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
p lus possible de « réduire une réalité inassimilable à une questio n de
lo gique d u résultat, l'expérimentatio n oscille sans cesse entre tro p de
testabilité » (p. 155). Dans le même f i l généalo gique, o n peut situer la
stabilisatio n (o n to mbe alors dans le test co mme réduplication d u déjà
pro so po pée de Husserl (partie iv), q u i n'est pas u n simp le jeu d'écriture
co nnu) et tro p de déstabilisatio n (et c'est alors l'anarchie tempo relle,
dans u n liv re de p hilo so p hie, mais q u i pallie l'absence remarquable de
l'imprévisibilité menaçante). Enfin, le labo rato ire, lieu clos, d o it accepbio grap hie existante sur ce penseur fo nd amental. La prosopopée perter de suspendre to ut réfèrent : plus l'expérience est artificielle, p lus
met à A v ital Ro nell de retracer avec force les relations entre Husserl et
elle réussit à rend re co mp te d u mo nd e naturel.
Heid egger mises à l'épreuve lo rs des d eux guerres.
L'autre généalo gie, à la fo is co ncurrente et inséparable de la
première, est à d o minante éthique. En effet, si A vital Ro nell remo nte
à l'Idée plato nicienne, elle rappelle aussi l'institutio n d u basaiios (étymo lo giquement pierre de touche p o ur tester la qualité d u métal) dans
la démo cratie athénienne antique : la to rture des esclaves co mme p ro d uctio n de la vérité et preuve jurid ique p lus puissante que le témoignage des ho mmes libres. Si l'effectivité de la to rture a fait débat chez
les juristes et les histo riens, c'est que la co mp atibilité entre d émo cratie et to rture d 'une p art, le fait que to utes no s remises en questio n remo ntent à une mise à la questio n d 'autre part, ne p o uv aient pas
ne pas poser pro blème aujo urd 'hui. Ce fil généalo gique a été repris de
façon exemplaire par Kafka. A v ital Ro nell relit no tamment « La co lo nie
pénitentiaire », « L'examen » et des « fragments po sthumes » dans cette
perspective féconde. Mais il y a des mo ments où la réalité rejo int et dépasse la fictio n. Elle se penche sur d eux d 'entre eux. Lorsque le g rand
scientifique A lan Turing, qui mériterait d'être aussi célèbre qu'Einstein
pt)ur av o ir cassé des codes allemand s décisifs lo rs de la seconde guerre
mo nd iale et av o ir quasiment inventé l'info rm atique, p o rte p lainte en
1954 p o u r cambrio lag e et que la p o lice d éco uv re p eu à p eu so n
ho mo sexualité, o n lui laisse le cho ix, en guise de service rend u, entre la
p riso n et le traitement ho rm o nall La philo so phe revient également sur
^
Cinquante-cinq ans après sa mort, le 10 septembre 2009, le premier ministre britannique G ordon Brown a présenté des excuses officielles pour le
O n p eut extraire de Test Drive tro is autres p ensées d u test d o nt
la singularité excèd e cette d o uble généalo gie. La première est représentée par le koa)i, l'énigme que le maître zen d o nne à so n d iscip le
et avec laquelle celui-ci d o it v iv re, ne tro u v ant p arfo is la rép o nse
q u'au bo ut d 'une quinz aine d 'années de méd itatio n. La lo g ique d u
koan remet en questio n to ute la lo g ique o ccid entale d u test, mais la
p hilo so p he m o ntre que les d év elo p p ements d e Blancho t auto ur de
la « p assiv ité d estructrice » s'en rap p ro cheraient assez bien.
La d euxième p ensée excéd ante d u test est celle de Freud . A v i tal Ro nell s'ap p uie sur A d o l f Grûnbaum p o u r m o ntrer que Freud
lui-même a été sensible aux questio ns d e falsifiabilité et d e préd ictibilité de la no uv elle d iscip line q u ' il était en train d 'élabo rer. Surto ut,
d ans sa relecture d u texte fo nd amental « D euil et mélanco lie » et d e
l'utilisatio n d u co ncept d'« ép reuv e de réalité » q u i y est fait, elle
m o ntre à quel p o int no tre rap p o rt à la réalité est to ujo urs précaire,
menacé d 'illusio ns et d 'hallucinatio ns face à no s d ésirs insatisfaits
o u à une p erte insup p o rtable q u i frag ilisent le m o i. La tentatio n est
g rand e de se réfugier d ans u n m o nd e autarcique q u i ne ferait p lus
l'épreuve d e la réalité. M ais « [m]ême d ans l'état de satisfactio n
le p lus hallucinato ire, le m o i sent que quelque chose l u i manque :
l'inquiétud e l'env ahit et i l l u i faut mettre en ro ute la machinerie d e
« traitement effroyable » que son pays a rt>servé à l'un de ses plus grands
scientifiques.
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S O U RC ES , RES S O U RC ES
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l'ép reuv e » (p . 107). Ce q u i emp êche le rep li, c'est la nécessité de
l'altérité de l'autre.
La tro isième p ensée excéd ante est celle d e Nietzsche. U n tiers
Test Drive est co nsacré à N ietzsche. A v ital Ro nell d ég ag e une p hidezyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
lo so p hie d e l'ép reuv e chez Nietzsche auto ur de quatre textes. Pardelà le bien et le mal pose la « d isp o sitio n exp érimentale » co mme
to urnant de l'ép o que q u i fascine Nietzsche et auquel i l réfléchit avec
la figure des « p hilo so p hes de l'av enir » et en mettant sa p ro p re
« ind ép end ance » à l'épreuve d ans le § 4 1 . Le Cas W agner o ffre u n
exemp le co ncret. L'amitié q u i unit les d eux ho mmes, et q u i fut beauco up p lus q u ' u ne relatio n entre maître et d iscip le, amène Nietzsche
à élabo rer une éthique d e l'amitié co mme ép reuv e d 'une rup ture
interne à l'attachemenL sur le fil de la négativ ité, sans cesse à réaffirmer et à préserver de la d écad ence, d u ressentiment, de la mauv aise
conscience, de la régressio n et de l'ép uisement. C'est p o u rq u o i, d ans
u n frag ment d u Gai Savoir, Nietzsche met en v aleur d ans le théâtre
d e Shakespeare le perso nnage de Brutus (la rup ture interne et affirmativ e) plutô t que celui d e Lear (la fidélité abso lue) et de H am let (la
rup ture név ro tique). A v ital Ro nell remarque finement que l ' o acte
d 'ind ép end ance est p rescrit par le no m même de l'autre [César :
césure, v o ire césarienne] » (p . 300). Enfin, elle s'attard e sur Humain
trop humain et la manière d o nt Nietzsche critiq ue l'éthique d e la
co nv ictio n et de la pro messe, d éjo uant la lo g ique o p p o sitio nnelle
q u i reste d ans la d ép end ance de ce qu'elle nie, ce q u i p ermet de faire
v alo ir les co ncepts de « rescind abilité » p erp étuelle (à l'o rig ine « casser u n jug ement » ) et d e « d ésistance » (plutô t que « résistance », q u i
reste d ans l'o p p o sitio n). À la lecture de ces d év elo p p ements, rarement o n aura p u ressentir une telle emp athie avec u n p hilo so p he
aussi insaisissable que Nietzsche.
U A N A LY S E SO URCIÈRE
Patri ck
LA PORTÉE DE
'f
V
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H o ch art
L'OM BRE
p ar M i c h è l e M o n t r e l a y
Paris, Éditions d u crépuscule, 2009.
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D ep uis quelques d écennies, Michèle M o ntrelay o ccupe au sein
d e la mo uv ance lacanienne, jamais d ésertée, une place de cho ix,
aussi d iscrète que fermement tenue. Singularité q u i ne tient pas seulement au thème privilégié (bien que no n exclusif) de sa réflexio n,
celui de la féminité', mais aussi à une prise en co mp te o rig inale d u
transfert et à u n reco urs inéd it à « la so rcière métapsycho lo gique^ »,
c'est-à-d ire à l'inv entio n d 'une mytho lo gie-* analy tique q u i l u i est
p ro p re. Il faut d o nc .se réjo uir que l'o ccasio n l u i so it d o nnée p ar les
Éd itio ns des crép uscules de rev enir sur les p o ints les p lus im p o rtants de sa d émarche, au f il d ' u n lo ng entretien et de d eux articles
marquants, sig nificativ ement intitulés à l' inf initif , so us le sceau d e
l'acte - « Sentir » et « Interpréter » - , asso rtis d e quelques c o ntrib u tio ns et témo ignages de perso nnes q u i, à des titres d iv ers, lu i so nt
pro ches.
Po ur aller d ro it à l'inflexio n singulière de so n parco urs, relevo ns
d 'emblée que si la psychanalyse et la référence à l'inco nscient qu'elle
im p liq ue ne v o nt pas sans no us so umettre à l'A utre, sans no us rap p eler que no us ne so mmes pas maîtres dans no tre maiso n, la musique
1
V oir son livre marquant : L'Ombre et le nom, Sur la féminité, Paris, 1977.
2
Sigmund Freud : « Die endliche und die unendtiche Analyse » , trad. fr. in Résultats, idées, problèmes, Paris, 1985,11, p. 240 : « 11 faut se dire : il faut donc bien que
la sorcière s'en mêle [Faust, I, v. 2365]. Entendez : la sorcière mêtapsychok)gique.
Sans spéculer ni théoriser - pour un peu j'aurais dit fantasmer (Phantasieren) métapsychologiquement, on n'avance pas ici d'un pas. »
3
Sigmund Freud, Nouvelles conférences d'mtroduction il la psyclianatyse,
Paris, 1984, p. 129 : « La théorie des pulsions est, pour ainsi dire, notre mythologie. »
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