Conclusion
« gouverner sans fin, ou quand le réel nous gouverne »
thomas BernS*
avec l’élargissement actuel de l’offre normative et des possibilités de régulation interhumaine et de contrôle social, on assiste à un
basculement radical quant au sens de ce qu’est gouverner, quant à
ce qui assure la puissance ou la légitimité de l’action de gouverner :
le modèle n’est en effet plus celui de commandements édictés dans
des termes généraux et définitifs par des autorités considérées comme
souveraines et douées de contrainte, mais celui d’une multiplicité
de dispositifs de contrôle, allant de la seule pratique du rapport au
classement en passant par l’évaluation, au travers de dispositifs souvent quantitatifs, qui sont spécifiques à chaque champ d’activité, qui
accompagnent de manière constante et adaptable les acteurs concernés sans même réclamer l’appui d’une sanction activée de l’extérieur,
qui semblent émerger de la réalité même qu’il s’agit de réguler, et
enfin qui sont eux-mêmes sujets à un marché .
dans cette conclusion1, nous nous arrêterons plus particulièrement
sur le nouveau rapport à la réalité que sont censés entretenir les nouvelles normativités . Ces normes, dont l’efficacité est devenue l’enjeu
* Professeur de philosophie politique, université libre de Bruxelles .
1 . Qui poursuit des réflexions menées tout au long du séminaire « gouverner
par les normes » organisé par le Centre Perelman de philosophie du droit de l’uLB
en 2008 et qui reprend des thèses que j’ai développées plus longuement dans mon
livre Gouverner sans gouverner. Une archéologie politique de la statistique, PuF,
2009 et, plus récemment dans un article « transparence et inoffensivité du gouvernement statistique », Raison Publique, dossier sur la transparence, 2011 : http://
www .raison-publique .fr/article447 .html .
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central au point d’en occuper tout l’espace, sont des normes qui se
présentent comme objectives – et qu’elles le soient effectivement ou
pas importe peu − et trouvent dans cette prétention à l’objectivité la
source de leur puissance . en d’autres mots, les dispositifs normatifs
sont construits, sont « montés » comme des expressions du réel .
donnons immédiatement trois facettes majeures de cette adhérence au réel propre aux dispositifs normatifs contemporains .
Premièrement, les dispositifs normatifs contemporains peuvent sembler se contenter de mettre en jeu la seule définition des choses ;
à ce titre, ils ont souvent la forme d’une spécification technique ou
encore d’une certification reposant sur la conformité à ce qui apparaît
comme la définition type d’un élément de notre réalité (l’exemple le
plus évident est celui de la norme iSo) : la norme n’est plus qu’une
« spécification technique […] dont l’observation n’est pas obligatoire » mais qui est approuvée par un « organisme reconnu » pour
son « activité normative »2 . idéalement, il s’agit seulement de dire
ou de reconnaître les choses telles qu’elles sont, et non telles qu’elles
devraient être, au point de pouvoir se défaire de toute force obligatoire .
deuxièmement, les dispositifs normatifs contemporains mettent
avant tout en demeure ceux sur qui ils portent (individus, entreprises,
centres de recherches…) de rendre compte de leurs propres activités,
et c’est autant que possible par cette action de reporting de soimême que l’action normative s’accomplit . un des principaux outils
normatifs est en effet le rapport, qui permet ensuite le déploiement
d’autres pratiques normatives plus spécifiques comme l’évaluation, le
classement, etc . il y a là, semble-t-il, un fond commun à la plupart
des contextes normatifs contemporains, qu’il est urgent de questionner, et qui se déploie en exploitant d’une nouvelle manière le modèle
de l’aveu ou de la confession3 .
troisièmement, les dispositifs normatifs contemporains s’inscrivent
majoritairement dans une rationalité actuarielle et sont souvent nourris, accompagnés, justifiés, renforcés, corrigés par des techniques statistiques (au niveau le plus général, nous sommes toujours gouvernés
par des dispositifs stétistiques) . Ceci est d’autant plus prégnant et
constant de par les nouvelles techniques statistiques qui reposent sur
2 . directive 98/34/Ce du Parlement européen et du Conseil .
3 . Voy . les deux articles que j’ai écrits avec g . Jeanmart, « Reporting/
Confession », Multitudes, n° 36, 2009 et « Le rapport comme réponse de l’entreprise responsable : promesse ou aveu (à partir d’austin et Foucault) », Dissensus,
3, 2010, pp . 117-137, http://popups .ulg .ac .be/dissensus/document .php?id=701 .
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des pratiques de récolte massive et non sélective de données, et qui
exploitent ces big data par du datamining, ce qui permet de produire
des normes qui apparaissent comme l’expression même de la réalité
dès lors que ces procédures semblent débarrassées de tout appui sur
les subjectivités : nous devons ou pouvons toujours moins consentir à céder de l’information (laquelle n’est donc plus empreinte de
subjectivité), nous l’abandonnons bien plutôt, et le traitement qui
est réservée à celle-ci pour lui donner une valeur normative réclame
toujours moins l’expression d’hypothèse sur le social, il se contente
de profiter des corrélations qui apparaissent et qui sont désormais
suffisantes pour qu’il y ait norme4 .
définir le réel, inciter chacun à faire rapport de sa réalité, faire
émerger statistiquement des normes de la réalité, voilà les trois
enjeux, bien sûr croisés, des nouvelles formes de normativité, qui
leur permettent d’être pensées comme immanentes au réel, et qui
permettent, plus globalement, aux actes de gouvernement d’apparaître
comme fondamentalement habités par la retenue, par une sorte de
rationalité limitée qui, en fait, assure la puissance même de ces actes
ainsi que leur démultiplication − qui, en d’autres mots, donne la
possibilité de gouverner d’autant plus, de gouverner sans fin (dans
les deux sens du termes) .
de tels actes de gouvernement doivent dès lors être nettement
distingués de ce qu’on peut appeler une action politique : ils doivent
être aussi objectifs et techniques que possible . on peut aller jusqu’à
dire qu’ils doivent être aussi invisibles que possible quant au fait
qu’ils seraient eux-mêmes porteurs de sens, avec la référence à une
responsabilité extrinsèque (et donc la déresponsabilisation des individus eux-mêmes) que tout sens dessine . idéalement, ces nouvelles
activités de gouvernement doivent donc consister essentiellement à
dévoiler, à montrer, et non pas à agir, non pas à « faire » quoi que
ce soit ; en bref autant que possible, à gouverner sans gouverner .
Ce qui est essentiel et propre à ce type de gouvernement relève
alors du type de rapport au réel qu’il dessine : le réel est pensé en
ce qu’il existe, fonctionne par lui-même et ne réclame aucunement
d’être institué (c’est là un point de départ qu’on trouve, dès hume,
radicalement opposé à celui qui, dans la grande tradition de la philosophie politique moderne, a voulu penser le commun à partir de la
4 . Voy . t . Berns et a . rouvroy, « Le nouveau pouvoir statistique », in
Multitudes, 2010, n°40, pp . 88-103, et t . Berns, « transparence et inoffensivité du
gouvernement statistique », op. cit.
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figure inaugurale du contrat social), le réel doit seulement être dit,
être repris, être défini, mais ce, bien entendu, pour donner lieu à du
gouvernement . La définition la plus générale de ce gouvernement qui
se retient de gouverner réside dans le rapport qu’il établit avec le
réel : il s’agit de gouverner à partir du réel, à partir des activités
existantes, et non plus de gouverner le réel, ou le concret avec l’idée
que le concret et son gouvernement seraient des objets de décision ;
il s’agit donc de gouverner comme si l’on se contentait de recueillir
ce qui est déjà là, en recueillant l’activité humaine, prise en considération et montrée comme vivante et consistante .
La nature de ce gouvernement semble alors ne pouvoir se dire que
sous des formes pathologiques – et non moins pathologiques, certes,
que celle qui, auparavant, permettait de dire le politique à partir de la
souveraineté entendue comme puissance absolue, en présupposant que
le réel était chaotique et guerrier . tout d’abord, gouverner équivalant
autant que possible à dire le réel, à définir ce qui est, pourrait paraître
devenir essentiellement trivial : idéalement, il s’agit seulement de dire
ou de reconnaître les choses telles qu’elles sont en se situant dans
un registre descriptif et en justifiant de la sorte tout acte de gouvernement et non pas telles qu’elles doivent être . La force des énoncés
normatifs est directement produite par le rapport que ces normes prétendent ou veulent entretenir avec le réel, avec un réel qu’elles se
contenteraient de décrire de manière technique et non politique, ou
encore avec un réel qu’il s’agirait de suivre d’aussi près que possible,
auquel il s’agirait seulement de constamment se réadapter .
ensuite, la trivialité apparente d’un gouvernement qui répéterait
le réel, qui lui adhérerait parfaitement, est renforcée par l’idéal de
son invisibilité : une norme efficace est une norme qui n’apparaît
même pas (et qui à ce titre échappe au débat, bien entendu) . Ceci
est exemplairement relayé par la littérature de la Commission européenne : « La plupart des biens et des services dont nous disposons
aujourd’hui sont soumis à des normes, ce dont on ne se rend généralement pas compte . telles des forces invisibles, les normes veillent
au bon ordre des choses »5 . L’action normative devient invisible,
c’est-à-dire ne se pense plus comme le fruit d’une décision, ni dès
lors comme l’objet d’un conflit ; seul subsiste, à son fondement, ce
qu’on voudrait comprendre comme son appui technique sur la réalité .
5 . Communication de la Commission au Conseil européen, « intégration des
aspects environnementaux dans la normalisation européenne » .
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Cette discrétion des normes, l’appui sur la réalité dont elles
semblent pouvoir se prévaloir, sont justement ce qui permet de tout
gouverner . Le fait que cette discrétion de la norme, sa prétendue
objectivité, son apparente adhérence à la réalité légitiment en fait une
hypertrophie gouvernementale nous exonère bien trop facilement de
la tâche de devoir nous questionner sur leur caractère plus ou moins
valide ou plus ou moins fantasmé ! Par contre, cette hypertrophie du
gouvernement, avec la relation au réel qui la légitime, répond sans
doute au besoin, diagnostiqué par agamben, d’assumer une rupture
toujours plus nette du lien éthique qui unit les mots et les choses,
les paroles et la vie, rupture qui impliquerait de régler leur rapport, mais d’une nouvelle manière : la démultiplication normative
(des institutions juridiques puis des dispositifs au sens large) découle
d’une rupture du « lien éthique – et non simplement cognitif – qui
unit les mots, les choses et les actions humaines »6 . Cette rupture
induit une règlementation croissante de la vie elle-même, de cette vie
sur laquelle toute prise efficace serait défaite . Cette règlementation
du rapport des mots aux choses se développent désormais non plus
sous la forme massive, inefficace et limitée de la loi, en prétendant
pouvoir absolument façonner le réel lui-même, mais à l’aide d’une
multiplicité infinie de normes qui ne cessent d’émerger du réel, c’està-dire qui disent ce qui est, qui disent comment désigner adéquatement chaque aspect de ce qui est .
dans le cadre d’un questionnement sur la puissance et sur la
nature même des normativités qui se déploient désormais, on peut
considérer, de la manière la plus générale, qu’on assiste à un renversement de la structure normative elle-même : il ne s’agit plus
tant de rendre les individus et leurs comportements conformes aux
normes, mais plutôt de penser des normes conformes et adaptées aux
individus et à leurs activités… c’est-à-dire qui apparaissent comme
étant leur expression . en d’autres mots, plutôt que de discipliner les
individus, disciplinons les normes ! et la puissance de ces normes
sera alors garantie, puisque s’y soustraire reviendrait à nier sa propre
réalité, à se renier .
6 . g . agamben, Le sacrement du langage. Archéologie du serment, Paris, Vrin,
2009, p . 109 qui considérerait cette démultiplication normative comme une technicisation du serment assortie à des garanties (sanctions, procédures et formalités
juridiques et non juridiques…) qui seraient étrangères à ce dernier . Voy . t . Berns,
« L’efficacité comme norme », Dissensus, 2011, n° 4 : http ://popups .ulg .ac .be/dissensus/document .php ?id=727 .
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Le corrélat immédiatement vérifiable de cette disciplinarisation
des normes elles-mêmes est le fait que l’espace politique équivaut
ainsi toujours plus à un marché de la norme, à un espace de concurrence normative, voire de guerre incessante entre les normes (entre
des manières de certifier, de classer, de compter, de mesurer, etc .,
ou plus globalement entre des manières de dire le réel, entre des
langages) . et dans ce cadre, la norme efficace, c’est alors précisément la norme qui permet de sortir de cette guerre des normes
qu’on produit, c’est-à-dire une norme qui assure une convergence
normative, ce qui bien sûr doit nous amener à relativiser fortement
la prétention à l’efficacité effective de ces nouvelles normativités .
on peut en effet, et ce serait de bon sens, s’inquiéter de l’efficacité
d’un tel gouvernement qui semble mener logiquement soit à un fantasme (l’idéal de normes invisibles tant elles sont fondues dans le
réel), soit à une absurdité, une injonction triviale, s’il devait s’agir
de considérer qu’on ne prescrit qu’en disant ce qui est effectivement .
or, force est pourtant de conclure positivement sur cette question
de l’efficacité normative, mais seulement dans la mesure où cette
efficacité est en quelque sorte auto-référée, c’est-à-dire qu’elle est
celle de la normativité elle-même (il va sans dire que je laisse ici de
côté la question des intérêts spécifiques portés ou renforcés par cette
efficacité) ; cela seul dont l’efficacité pourrait encore être prise en
considération, c’est non pas ce qui est en jeu dans la norme et qui
est précisément ce que s’attache à effacer ce type de gouvernement,
mais la force normative elle-même (justifiée par son adhérence au
réel), ou tout au plus une convergence observée au sein d’une multiplicité de possibilités normatives . Si l’efficacité peut se mesurer
désormais à la seule force normative des normes, et non plus à leur
contenu, c’est à nouveau dans la mesure où ce type de gouvernement
gouverne en se retenant de gouverner, c’est-à-dire dans la mesure
où il est essentiellement animé par ce qu’on appellera plus loin une
forme de médiocrité . mais une telle efficacité normative répondrait
seulement à la constitution d’une sorte de nouvel état de nature qui
consisterait, pour parodier hobbes, en la construction d’un espace de
conflit généralisé, mais un conflit qui se déploirait non plus entre les
individus, ni entre les États, mais entre les normes .
et on voit alors que si l’idéal est bel et bien de produire une
norme aussi directement efficace que celle qui sous-tend le langage,
c’est-à-dire une norme qui permettrait de dire ce qui est (à l’inverse
de la loi qui dit seulement ce qui doit être), et même ce qui change,
ce qui varie, ce qui se situe entre les choses qui constituent le réel
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(voir plus loin), cette norme veut et doit toujours plus répondre à la
perte de ce lien éthique que le langage pour sa part présuppose, à
une absence du commun dont le langage est pour sa part l’expression . La réussite ou l’efficacité de ces normativités qui prétendraient
seulement dire ce qui est permet non pas directement de se comprendre, mais seulement d’être sujets à des normes convergentes .
Par contre, outre le fait de permettre de gouverner en évitant la
loi, et donc la décision, le jeu démocratique de la représentation et
le conflit, et ainsi de pouvoir d’autant plus gouverner, gouverner en
paraissant ne pas gouverner, gouverner à partir du réel, ouvre sur des
possibilités de gouvernement absolument nouvelles .
d’abord, nous assistons au dépassement d’une duplicité de tout
gouvernement qui semblait auparavant devoir toujours choisir entre
individualisation et sérialisation (ou massification), entre le gouvernement des (et par les) individus ou celui des (et par les) populations .
avec le gouvernement par les normes, l’action sur le grand nombre
est comme telle individualisante et individualisée, et l’action sur les
individus intègre le grand nombre . Car le moteur de tout acte de
gouvernement réside in fine toujours et exclusivement dans l’établissement, par une série de dispositifs techniques, d’un rapport à soimême dans le chef des acteurs, d’un discours sur soi (comparable
à l’aveu ou à la confession), au même titre que l’expression la plus
intime de soi-même nourrit toujours une courbe ou une tendance .
ensuite, on peut dire qu’on assiste à une nouvelle potentialité du
gouvernement qui vise désormais la relation plutôt que ce qu’elle
relie, les individus . Plusieurs composantes de cette nouvelle potentialité du gouvernement doivent être signalées : avant tout le fait
que le gouvernement semble se réconcilier avec l’idée d’expansivité
(nous sommes face à des processus adaptables, expansifs, ouverts
et sans limite) et avec l’idée d’interaction (l’interaction devant ici
se penser comme étant non seulement un facteur de convergence,
d’apprentissage, de contrôle mutuel, de concurrence, mais surtout un
facteur de fidélité et de dépendance des acteurs au processus normatif) . mais plus encore, ce type de gouvernementalité tente toujours
plus de « saisir » les réseaux sociaux, les pratiques sociales, ou
encore permettrait de rencontrer, de travailler, de prendre en considération ce que Simondon nomme le transindividuel7 : non pas
seulement les relations sociales et intersubjectives qui construisent les
7 . g . Simondon, L’individuation psychique et collective, Paris, aubier, 1989 .
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individus, en supposant que tout individu consisterait en la somme
de ces relations, mais les relations en ce qu’elles résistent à toute
individuation « simple » et linéaire, au sens donc où elles ne pourraient justement pas être assignées à un individu - bref une « relationalité » qui subsiste par-delà les individus qu’elles lient, et qui,
dorénavant, pourrait être saisie sans eux, sans passer par eux (il me
semble que c’est précisément ce que vise le « gouvernement statistique contemporain ») . de la sorte, nous passerions enfin d’une ontologie ou d’une métaphysique classique de la substance, une ontologie
des individus, dans le cadre de laquelle on attribue des relations à un
individu, à une ontologie de la relation où les relations « priment »
sur les individus qu’elles traversent, et nous dépasserions à la fois un
certain individualisme « nominaliste » (selon lequel il n’y aurait que
des individus à partir desquels éventuellement on abstrait des universaux), mais aussi un certain « réalisme » holiste qui présupposerait
que les essences collectives, les genres, les classes préexistent aux
individus, entièrement subsummables dans les essences collectives8 .
nous aurions désormais des formes de pouvoir qui visent la relation de manière première, constitutive, pour elle-même, en rompant
ainsi avec le mouvement vertical à partir duquel se comprenait l’idée
même du pouvoir, lequel devait toujours tenter d’unir le particulier et
le général, qu’elle qu’en soit la direction . désormais, et avant tout de
par le développement des possibilités statistiques qui permettraient de
construire des normes pensées comme le miroir parfaitement variable
des relations les plus immanentes à la société, les normes peuvent
devenir parfaitement indifférentes aux individus pour ne plus agir
que sur leur environnement (ce qui est encore une modalité de cette
perte des possibilité de subjectivation inhérente au gouvernement par
les normes) .
dans les deux cas, il en découle un type de gouvernement qui
revient essentiellement à produire de la continuité et qu’il s’agit de
diagnostiquer comme fondamentalement non tyrannique, dès lors qu’il
est toujours l’expression de notre réalité, mais tout autant comme
définissant, de par cet abandon du danger de la tyrannie, l’expression
d’un nouveau danger qui rend encore plus difficile toute forme de
résistance, et ce, avant tout parce que gouverner pourrait de la sorte
avoir lieu sans produire de subjectivation .
8 . Voy . à ce sujet e . Balibar, La philosophie de Marx, Paris, La découverte,
pp . 27-28 .
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