Nutr Clin Métabol 2002 ; 16 : 4-13
2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S0985-0562(01)00059-0/SSU
Mise au point
La cholécystokinine : mise au point
Catherine Massoubre 1∗ , A. Rattner 1 , J. Pellet 2 , J. Frey 1 , A. Chamson 1
1 Laboratoire de biochimie, faculté de médecine, rue Ambroise Paré, 42100, Saint-Étienne, France ; 2 service de psychiatrie
adulte 52 B, hôpital de Bellevue, CHU de Saint-Étienne, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France
(Reçu le 23 janvier 1999 ; accepté le 15 décembre 2000)
Résumé
La cholécystokinine fait l’objet depuis plusieurs années de nombreuses publications scientifiques car il s’agit d’un
ensemble de peptides régulateurs dont l’action se situe à plusieurs niveaux de l’organisme, avec une fonction
importante dans le domaine nutritionnel et un rôle dans la régulation de la prise alimentaire par le déclenchement
de la sensation de satiété. Cet article passe en revue de façon détaillée la biosynthèse et la structure de
cette famille de peptides, les récepteurs de la cholécystokinine ainsi que les aspects digestifs, nutritionnels,
métaboliques et de contrôle de la satiété de ce peptide régulateur. Les aspects psychocomportementaux de la
CCK ne seront pas ou peu abordés ici. 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
anxiété / neurotransmetteur / nutrition / satiété
Summary – Cholecystokinin, an update.
Many papers in the literature focused on cholecystokinin for some years. It is a group of small peptides which act
at several levels in the organism. Cholecystokinin plays an important role in nutrition, food regulation and satiety
signaling. This article presents the biosynthesis and structure of this family of peptides, the cholecystokinin
receptors and the digestive, nutritional, metabolic and satiety control exerted by these regulatory peptides. The
psychobehavioral aspects of cholecystokinin are not described here in details. 2002 Éditions scientifiques et
médicales Elsevier SAS
anxiety / neurotransmitter / nutrition / satiety
La cholécystokinine représente un groupe de peptides qui
a d’abord été décrit au niveau du tube digestif avant d’être
mis en évidence au niveau du système nerveux central.
Elle a fait l’objet d’importantes recherches durant ces
deux dernières décennies, comme en témoignent les nombreux travaux publiés. Il nous a semblé intéressant de
faire le point sur la structure, la biosynthèse et surtout les
propriétés de ce peptide en relation avec ses récepteurs.
L’article développe largement les aspects digestifs, nutritionnels, métaboliques et de contrôle de la satiété. Pour
ce qui est des aspects psychocomportementaux et cognitifs peu ou pas abordés ici, le lecteur pourra se référer
à d’autres revues plus exhaustives sur ces points spécifiques [1].
Les découvertes ont eu lieu chez l’animal dans un
premier temps, puis chez l’homme. C’est en 1928 que
Ivy et Oldberg décrivent des expériences sur des chiens
montrant que le mucus de la partie haute de l’intestin
grêle contient une substance qui, déversée dans le courant sanguin, favorise la contraction de la vésicule biliaire.
Cette substance fut nommée cholécystokinine (CCK). En
1943, Harper et Raper montrent que des extraits intestinaux de porc contiennent un facteur hormonal, distinct de
la sécrétine, qui, en administration intraveineuse, est capable de stimuler la sécrétion d’enzymes pancréatiques.
Cette enzyme fut désignée sous le nom de pancréozymine (PZ). En 1971, Mutt et Jorpes isolent un polypeptide
de 33 acides aminés qui possède les propriétés décrites
aussi bien pour la CCK que pour la PZ. Il s’agit en
fait d’une seule et même hormone. Elle fut alors nommée « cholécystokinine-pancréozymine » (CCK-PZ), puis
plus simplement cholécystokinine. À partir de 1975,
∗ Correspondance et tirés à part.
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La cholécystokinine : mise au point
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d’importantes quantités de CCK furent découvertes non
seulement dans les cellules endocrines de la muqueuse
intestinale, mais aussi dans le système nerveux central et
périphérique [2, 3].
espèces, des formes biologiquement actives allant de 8 à
83 AA ont été décrites [8, 9]. La forme la plus longue
(CCK-83) correspond à la séquence amidée 1-83 de la
proCCK [10]. Cette séquence est clivée de façon variable
pour libérer de nombreux peptides tels que la CCK58, CCK-33, CCK-22 et la CCK-8. Les structures dans
l’intestin grêle ont été déterminées pour des peptides de
58 AA chez le chien, 39 et 33 AA chez le porc, 25 et
18 AA chez le chien, 22 et 8 AA chez le rat et le cobaye,
7 et 5 AA chez le chien [11 – 13].
Toutes ces formes ont en commun une extrémité Cterminale dont dépendent l’activité biologique et l’affinité
pour les récepteurs. Cette extrémité est tout à fait comparable à celle de la gastrine (Fig. 1). La sulfatation et
l’amidation C-terminales sont importantes toutes les deux
pour l’activité biologique. Ainsi, la CCK sulfatée est 100
à 300 fois plus puissante que la CCK non sulfatée et
les formes non amidées n’ont aucune activité. La tyrosine de la séquence terminale est toujours sulfatée dans la
CCK, alors qu’elle est sulfatée ou non dans les différentes
formes de gastrine. La CCK-8 est la plus petite molécule naturelle capable d’exercer un effet agoniste complet
(de puissance et d’efficacité maximales) sur les récepteurs
pancréatiques.
1. BIOSYNTHÈSE
En utilisant les techniques de la biologie moléculaire,
la structure du produit de la traduction de l’ARNm de
la CCK primaire a été déterminée. Chez l’homme, un
ARNm de 345 bases code pour un précurseur de 115
acides aminés (AA) [4], produit d’un gène situé sur le
chromosome 3, et qui comprend un peptide signal de
20 AA, un segment de liaison de 25 AA, la CCK-58,
et une extension C-terminale de 12 AA. Au cours de la
maturation, cette dernière est clivée, la phénylalanine est
amidée comme dans le cas de la gastrine, les différentes
formes sont alors générées par clivage protéolytique de la
CCK-58.
La procholécystokinine humaine est une protéine de
95 AA. Elle a quatre tyrosines, dont trois sont sulfatées. Il semble que la sulfatation des tyrosines de la
pro-CCK soit très importante pour son transfert correct
et sa maturation [5]. La séquence 84–86 (Gly-Arg-Arg)
constitue le site crucial d’amidation, qui demande un
« processing » par des convertases de la prohormone, la
carboxypeptidase E, et le complexe enzymatique d’amidation pour libérer les peptides bioactifs carboxyamidés
de la CCK [6].
3. LOCALISATION
Dans le système nerveux central, plusieurs formes moléculaires de la CCK cérébrale ont été découvertes, mais
c’est la forme sulfatée CCK-8 qui apparaît cependant prédominante [14]. La synthèse de la CCK a été démontrée
dans les neurones corticaux et il semble qu’elle soit stockée dans les vésicules synaptosomales des neurones [15,
16]. Les neurones contenant de la CCK sont largement
distribués dans le cerveau, sauf dans le cervelet qui en
est dépourvu [17]. On estime qu’approximativement 1 %
des neurones du cortex cérébral contient de la CCK et
que la CCK est l’un des neuropeptides les plus abondants
au niveau central [18, 19]. Bien que tous les noyaux hypothalamiques contiennent de la CCK immunoréactive,
2. STRUCTURE
Compte tenu des nombreux variants moléculaires de la
CCK, il s’agit plus d’une famille que d’une entité, ce
qui explique en partie les difficultés pour développer des
méthodes de dosage immunologique parfaitement fiables
et reflétant l’activité biologique [7]. La CCK se présente
sous la forme de plusieurs séquences polypeptidiques
dans les tissus et dans le sang circulant. Dans plusieurs
Figure 1. Les séquences moléculaires de la cholécystokinine ( : clivages protéolytiques, en gras : séquence commune avec la gastrine).
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C. Massoubre et al.
les cellules contenant de la CCK sont présentes en grand
nombre dans les noyaux supraoptiques, paraventriculaires
et dorsomédians. Les zones extrahypothalamiques contenant de la CCK incluent l’hippocampe et les structures
associées, les ganglions basaux, les amygdales, le septum,
la substance grise périaqueducale, la substance noire,
l’aire tegmentale ventrale, les tubercules olfactifs, le thalamus et la moelle épinière [20, 21].
Chez le rat, la cholécystokinine coexiste avec la dopamine dans les neurones mésencéphaliques du groupe
A10, mais on note également la projection principale
des neurones mixtes de l’aire tegmentale ventrale sur
le noyau accumbens [22, 23]. La colocalisation avec la
dopamine et/ou la neurotensine dans certains corps cellulaires de l’aire tegmentale ventrale a également été
notée [22]. Ces neurones mixtes projettent au moins en
partie sur le cortex préfrontal [24]. Des actions antagonistes entre les systèmes dopaminergiques nigrostriés
et glutamatergiques avec la CCK semblent problables.
Plusieurs neurones contenant de la CCK dans le cortex
cérébral stockent aussi du GABA [25]. La CCK-8 coexiste avec la substance P dans la région péri-aqueducale,
avec la sérotonine (5-HT) dans la medulla oblongata,
avec l’ocytocine et la met-enképhaline dans le système
hypothalamo-hypophysaire [26].
Dans le système périphérique, et plus particulièrement dans la muqueuse du duodénum et du jéjunum
des mammifères, des cellules endocrines dites cellules I
contiennent de la CCK identifiable par immunocytochimie. Rehfeld a montré que le duodénum et le jéjunum de
l’homme et du chien contiennent des concentrations de
CCK à peu près équivalentes à celles du cortex cérébral
(530–2400 pmol/g tissu) : 10 % de peptides supérieurs à
CCK-33 et CCK-39 (probablement de la CCK-58), 8 %
de CCK-33 et 39,6 % de CCK avec une masse moléculaire entre CCK-8 et CCK-33, 60 % de CCK-8, 16 à 20 %
de produits de clivage de 4 AA.
Le système nerveux périphérique contient dans certaines parties du tractus gastro-intestinal de la CCK associée à des cellules neuronales et à des cellules non
endocrines, plus de 80 % de l’activité étant due à de la
CCK-8 [27].
La CCK a été également trouvée dans les terminaisons
nerveuses des îlots pancréatiques et des fibres vagales
afférentes [28], ce qui suggère que la CCK pourrait avoir
un rôle de neuromédiateur ou de neuromodulateur.
On note plusieurs avancées majeures dans le domaine
des récepteurs de la CCK : la production de radio-ligands
stables et très spécifiques, la découverte d’une grande
variété d’agonistes et d’antagonistes très sélectifs, une
meilleure compréhension des mécanismes moléculaires
et cellulaires du récepteur CCK-1, spécialement dans
les acini pancréatiques, ainsi que l’élucidation de la
structure moléculaire des protéines des récepteurs CCK-1
et CCK-2.
Tous les récepteurs des peptides intestinaux appartiennent à la superfamille des récepteurs couplés à la protéine
G qui consistent en une chaîne polypeptidique simple
(350–450 AA) avec sept segments transmembranaires, un
domaine N terminal extracellulaire et un domaine C terminal cytoplasmique [32]. Les récepteurs de la CCK ont
été classés sur la base de leur affinité pour les agonistes
peptidiques de la CCK et de la gastrine qui partagent la
même séquence pentapeptidique COOH-terminale, mais
diffèrent par leur sulfatation sur les résidus tyrosine et par
leurs antagonistes récemment développés spécifiques des
sous-types. Deux classes principales de récepteurs de la
CCK ont été mises en évidence et ont été dénommées
CCK-1 et CCK-2 (nouvelle nomenclature officielle ayant
remplacé respectivement CCK-A et CCK-B).
Les caractéristiques des récepteurs CCK-1 et CCK-2
sont résumées dans le Tableau I. Notons que les récepteurs CCK-2 ne peuvent pas être distingués des récepteurs de la gastrine [33 – 35]. On trouve les récepteurs
CCK-1 dans les acini pancréatiques, la muqueuse gastrique, la vésicule biliaire, le muscle lisse gastrointestinal,
certaines zones spécifiques du système nerveux central
et périphérique (noyau accumbens postérieur, corne dorsale de la moelle épinière chez les primates, nerf vague)
et dans certaines lignées cellulaires néoplasiques (carcinome pancréatique du rat, neuroblastome humain). Quant
aux récepteurs CCK-2, ils sont prédominants dans le système nerveux central. La colocalisation de la CCK et de
la dopamine dans des neurones des voies mésolimbiques
et nigrostriatales et la présence de récepteurs de la CCK
dans ces voies dopaminergiques a permis de démontrer
le rôle régulateur de la CCK sur la libération de la dopamine et un rôle possible dans la pathogenèse de troubles
du comportement et du mouvement liés à la dopamine
chez l’homme comme la maladie de Parkinson, la chorée
de Huntington et la schizophrénie [36]. On les retrouve
aussi dans le noyau accumbens antérieur. Leur présence
sur les cellules du système immunitaire telles que les
lymphocytes et les monocytes a aussi été mise en évidence. Comme pour les récepteurs CCK-1, on trouve des
récepteurs CCK-2 dans certaines lignées cellulaires cancéreuses comme le léiomyosarcome humain.
4. RÉCEPTEURS
Ils constituent un des axes essentiels de recherche actuels sur la CCK [29 – 31]. Il faut remarquer cependant
que peu de travaux ont été réalisés sur tissus humains.
De tels travaux sont nécessaires sachant l’importance des
différences interespèces concernant l’expression des récepteurs.
4.1. Couplage récepteur-effecteur
Le mécanisme de transduction des récepteurs de la CCK
a été bien mis en évidence dans les cellules des acini
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La cholécystokinine : mise au point
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Tableau I. Caractéristiques des deux types principaux de récepteurs à la CCK.
Nomenclature
Masse moléculaire
CCK-1
CCK-2
85–95 kDa
74–78 kDa
CCK-8 gastrine,
CCK-8 gastrine,
CCK-8 désulfatée (≈ 500 à 1000 fois)
CCK-8 désulfatée (0 à 10 fois)
CCK-8 >>> CCK-4 (≈ 10000 fois)
CCK-8 > CCK-4 (≈ 10 à 600 fois)
L-364,718
L-365,260
Couplage à la protéine G
oui
oui
Phospholipase C, inositol
oui
oui
oui
non
Affinité
Antagoniste sélectif
Signal de transduction
phosphate, diacylglycérol, Ca2+
cAMP
Adapté de Wank [29].
pour stimuler la libération d’insuline, de glucagon, de
somatostatine et de polypeptide pancréatique [42].
Dans la lignée cellulaire AR42J (carcinome pancréatique), il a été décrit un récepteur de grande affinité et de
grande sélectivité pour un précurseur de la gastrine et la
gastrine porteuse d’une glycine supplémentaire [43]. Ce
récepteur appartiendra probablement à la famille des récepteurs de la CCK en attendant des études sur le signal
de transduction et sa structure.
pancréatiques, où la CCK stimule la libération d’enzymes
digestives. L’occupation des sites membranaires du récepteur CCK-1 par la CCK initie un couplage à une
protéine G. L’activation de la protéine G et le couplage
par la suite à la phospholipase C conduit à l’hydrolyse de
l’inositol biphosphate et à la formation d’inositol 1,4,5triphosphate (IP3) et de 1,2-diacylglycerol (DAG) [37].
L’augmentation de IP3 provoque la libération de Ca2+
intracellulaire et la DAG active la protéine kinase C
(PKC) avec ensuite délocalisation de celle-ci du cytosol
à la membrane. L’activation de la PKC et des kinases
dépendantes du Ca2+ conduit à la phosphorylation de
protéines multiples et enfin à la sécrétion d’enzymes digestives [29].
La cascade de transduction-signal pour les récepteurs
CCK-2/gastrine a été beaucoup moins bien caractérisée à
cause des difficultés à travailler avec des neurones isolés
exprimant le récepteur CCK-2 ou des cellules de la muqueuse gastrique exprimant des récepteurs à la gastrine.
5. LIBÉRATION DE LA
CHOLÉCYSTOKININE
L’axe adréno-hypothalamo-hypophysaire, en particulier
les glucocorticoïdes, semble jouer un rôle important dans
la régulation des fluctuations circadiennes des peptides
cérébro-intestinaux, de même que dans le cycle cellulaire
du mucus gastro-intestinal [44]. Les stimuli qui permettent la libération de la CCK à partir du mucus duodénal
varient probablement selon les espèces [45].
La concentration plasmatique en CCK augmente après
un repas [46]. Bien que la plupart des aliments soit susceptible de provoquer une libération de CCK, les plus
efficaces sont les produits de digestion des graisses et
des protéines [47, 48]. Les triglycérides, pour être actifs, nécessitent une hydrolyse avec dispersion de leurs
acides gras ; seuls les acides gras dont la chaîne possède au moins neuf atomes de carbone sont efficaces.
Expérimentalement, l’oléate de sodium (C18) est le plus
couramment employé. Les protéines doivent aussi être
hydrolysées pour stimuler notablement la sécrétion de
CCK. Parmi les acides aminés les plus efficaces chez
l’homme, on trouve la phénylalanine.
Les hydrates de carbone semblent de faibles stimulants.
Seule une étude a montré une augmentation modeste
4.2. Nouveaux récepteurs potentiels de la CCK
Une protéine se liant à la gastrine a été décrite dans la lignée cellulaire humaine de cancer du colon HCT116 [38]
et dans la muqueuse gastrique [39]. Ce récepteur a une
faible affinité pour la CCK et la gastrine et est la cible de
l’effet antiprolifératif des antagonistes des récepteurs de
la CCK.
Des études sur la liaison et les effets biologiques de
la gastrine sur une lignée cellulaire humaine du cancer
du côlon (LoVo) suggère l’existence d’un autre type de
récepteur de la CCK [40, 41].
Finalement, les résultats d’une étude suggèrent un autre
type de récepteur de la CCK nommé CG-4 sur des îlots
pancréatiques de porc. Ces récepteurs CG-4 ont 500 à
1 000 fois plus d’affinité pour la CCK-4 que la CCK-8
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C. Massoubre et al.
des concentrations plasmatiques de CCK après ingestion
orale de glucose [48].
Il a été dit que l’acidité stimulait faiblement la libération de CCK contrairement à son effet sur la sécrétine. Cependant, une instillation intraduodénale de HCl
0,1 M provoque une libération observable de CCK chez
l’homme [49].
Les inhibiteurs de la trypsine stimulent la libération de
CCK chez le rat, augmentant à court terme la sécrétion
pancréatique et à long terme le poids du pancréas. On
peut envisager, au moins chez le rat, l’existence d’une
boucle de rétrocontrôle de la sécrétion pancréatique.
Chez l’homme, la bile intraluminale et aussi la trypsine
exercent un effet rétroactif négatif sur la libération de la
CCK [50]. Koide et al. [51] ont montré également que la
bile endogène diminue les concentrations de CCK basales
et postprandiales chez l’homme.
Plusieurs études montrent que la libération de la CCK
doit être influencée par le système nerveux autonome,
mais les résultats actuels ne sont pas tous concordants.
Par exemple, la stimulation électrique vagale induit une
augmentation modeste des concentrations plasmatiques
chez le porc tandis que la libération de la CCK ne change
pas chez le chien.
La stimulation vagale chez l’homme, induite par une
hypoglycémie insulinique, provoque une légère et lente
augmentation de la CCK plasmatique (mais non significative), qui a été attribuée à des facteurs non spécifiques
plasmatiques interférant avec le dosage [52]. Il a été montré que la 5-HT et la CCK interagissent dans le cerveau,
la première augmentant la libération de la deuxième par
l’activation des récepteurs type 5-HT3 [53].
On a mis également en évidence une libération de la
CCK induite par la bombésine [54].
Tableau II. Localisation et fonction des récepteurs de la CCK.
CCK-1
CCK-2
Acini pancréatiques
Tout le système nerveux central
– sécrétion enzymatique ↑
– anxiété/attaques de panique
– croissance
– libération de dopamine ↓
Mucus gastrique
Mucus gastrique
– cellules principales/
pepsinogène ↑
– cellules D/analogue de la
somatostatine
– croissance
– cellules pariétales/acide ↑
– cellules entérochromafines-like/
histamine ↑
– cellules principales/pepsinogène ↑
Vésicule biliaire et muscle
Cellules immunitaires
lisse gastrointestinal
– lymphocytes T
– contraction
– monocytes
– motilité
Aires spécifiques des systèmes
nerveux central et périphérique
– satiété
– libération de dopamine ↑
– analgésie opioïde ↓
Cellules néoplasiques
Cellules néoplasiques/croissance
– AR42J
– cellules AR42J
– CHP212
– léiomyosarcome
– carcinome à petites cellules
– carcinome gastrique
– carcinome du colon
D’après [29].
6. PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES DE LA
CHOLÉCYSTOKININE
du contenu en ADN, en ARN et en protéines, et par
un accroissement pondéral [57]. La CCK renforce ou
potentialise la sécrétion de bicarbonates induite par la
sécrétine dont la cible principale est représentée par les
cellules des canaux pancréatiques.
La CCK stimule aussi la sécrétion gastrique d’acide
et de pepsinogène sur la plupart des préparations in vitro. In vivo, son effet sur la sécrétion acide est variable
selon les espèces. Chez l’homme et le chien, elle stimule faiblement la sécrétion acide basale, mais inhibe la
sécrétion stimulée par la gastrine. Ces effets complexes
sont en relation avec l’existence de différents types de récepteurs dans la muqueuse gastrique (récepteurs gastrine
et/ou CCK-2 sur les cellules pariétales acido-secrétantes ;
récepteurs CCK-1 sur les cellules principales responsables de la sécrétion du pepsinogène). Elle stimule la
sécrétion d’insuline (effet incrétine) et d’autres sécrétions
endocrines du tube digestif (somatostatine, polypeptide
Un nombre important d’effets biologiques a été attribué à
la CCK en rapport avec les récepteurs CCK-1 et CCK-2
(Tableau II).
La CCK a des effets multiples sur le tube digestif.
Elle semble libérée localement à partir de l’intestin et
agit localement ou de façon systémique pour stimuler la
décharge des fibres vagales afférentes et pour modifier la
fonction gastro-intestinale proximale [55]. Elle stimule
la sécrétion enzymatique du pancréas. La CCK et les
mécanismes cholinergiques ont un rôle important dans
la coordination de la sécrétion de la lipase gastrique
et de la lipase pancréatique pour optimiser la digestion
des lipides alimentaires chez l’homme [56]. Les CCK-8,
-33 et -58 sont équipotentes pour stimuler la sécrétion
exocrine du pancréas [8]. La CCK augmente la croissance
du pancréas, ce qui se traduit par une augmentation
8
La cholécystokinine : mise au point
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taire [66 – 70]. De plus, cet antagoniste augmente la faim
chez l’homme [71]. On note cependant des variations
interindividuelles considérables entre les concentrations
plasmatiques de CCK et la sensation de satiété ou de
faim [72]. Malgré le nombre d’indices en faveur d’un
rôle physiologique de la CCK endogène dans la prise alimentaire, un nombre considérable d’études ont échoué à
détecter une augmentation significative de la prise alimentaire après administration de L-364,718 [66, 67, 73 – 75].
La compréhension du rôle de la CCK endogène comme
modulateur de la prise alimentaire s’est encore compliquée ensuite avec les résultats obtenus avec L-365,260,
antagoniste sélectif du récepteur CCK-2. L’activité de
L-365,260 stimulant la prise alimentaire et retardant la
satiété postprandiale chez des rats semble supérieure à
L-364,718 [75]. Malgré des controverses [67, 77 – 80], on
peut penser que sous certaines conditions, le CCK-2 joue
aussi un rôle de modulateur dans la prise alimentaire. Certains auteurs ont postulé que le stress ou l’anxiété active
les récepteurs CCK-2 et auraient un rôle dans le comportement alimentaire [66, 68].
La cholécystokinine que l’on retrouve à la fois au niveau digestif et du système nerveux central est donc un
acteur important dans la régulation du comportement alimentaire. Elle agit probablement par deux mécanismes
différents pour inhiber la prise alimentaire ; à un niveau
périphérique, elle agit comme un peptide modulateur des
sécrétions digestives et des muscles gastro-intestinaux et,
à un niveau central, elle agit sur les centres cérébraux de
la faim. Une des voies informatives pour déclencher le
réflexe satiétogène après le repas est vagale avec transmission initiale au noyau du tractus solitaire, zone qui
intègre les signaux afférents provenant de la langue et du
système gastro-intestinal. L’information afférente neuronale traverse ensuite cette zone jusqu’à l’hypothalamus.
Ce facteur de satiété peut modifier la taille des repas individuels, mais son administration répétée ne change pas
le poids corporel. Par exemple, quand la CCK-8 est automatiquement administrée aux rats au début de chaque
repas spontané, la taille des repas diminue, mais les
animaux compensent en initiant plus de repas et maintiennent donc ainsi leur poids corporel [81]. Kopin et
al. [65], grâce à des souris sans récepteurs CCK-1, ou
d’autres sans récepteurs CCK-2, ont montré que la diminution de la prise alimentaire est bien liée aux récepteurs
CCK-1, mais que la cholécystokinine n’est pas essentielle
pour le maintien du poids corporel à long terme. L’influence sur l’adiposité des facteurs de satiété est en fait
limitée et implique l’existence d’autres signaux probablement proportionnels à la masse adipeuse et qui participe à
l’homéostasie énergétique tels la leptine [81, 82]. Attoub
et al. proposent que la cholécystokinine et la gastrine,
via le récepteur CCK-2/gastrine, jouent un rôle physiologique dans la régulation à long terme de la leptine dans
les adipocytes [83]. Récemment, la leptine a été mise en
pancréatique, GIP, calcitonine) avec une puissance variable. Les voies cholinergiques semblent essentielles
dans le relargage du Polypeptide Pancréatique stimulé
par la CCK, et l’activité cholinergique intrapancréatique
semble jouer un rôle limité [58].
La CCK agit sur les muscles gastro-intestinaux. Elle
est le stimulus hormonal majeur dans la vidange postprandiale de la vésicule biliaire [59]. La CCK contracte
la vésicule biliaire et relâche le sphincter d’Oddi, ce qui
provoque une action coordonnée de l’évacuation biliaire.
La CCK agit directement sur le muscle lisse de la vésicule
(récepteurs CCK-1) et indirectement par l’intermédiaire
de récepteurs nerveux activant des neurones inhibiteurs
non cholinergiques, non adrénergiques dans le cas du
sphincter d’Oddi. Les CCK-8, -33 et -58 contractent la
vésicule biliaire avec la même puissance [8]. L’insuline
semble impliquée dans l’effet inhibiteur de l’hyperglycémie sur la contraction de la vésicule biliaire due à la
CCK [60].
Au niveau du sphincter inférieur de l’œsophage, la
CCK provoque généralement une relaxation. Elle diminue l’évacuation gastrique in vivo, bien qu’elle contracte
in vitro la plupart des préparations de muscles gastriques.
La CCK contrôle principalement la vidange gastrique des
liquides, mais peu des composants solides [61]. Elle accélère le transit de l’intestin grêle. La CCK et la voie neuronale régulent l’entrée de la nourriture dans le duodénum
afin d’assurer la digestion effective et l’absorption [62].
Juanola et al. [63] ont également montré que les mastocytes de la muqueuse intestinale dégranulent sous l’action de la CCK endogène par stimulation des récepteurs
CCK-2.
La CCK représente un des peptides de la satiété [64].
Il a été montré chez plusieurs espèces de vertébrés tels
le poisson rouge, la souris, le rat, le mouton, le porc, le
singe et l’homme que l’administration de CCK diminue
la prise alimentaire [65]. Des analyses ultérieures utilisant
des agonistes sélectifs ont suggéré que la diminution de la
consommation alimentaire résultant de la CCK exogène
est liée au récepteur CCK-1 [66 – 68]. Ces recherches ont
aussi suggéré que l’autre récepteur CCK-2/gastrine ne
joue pas de rôle important dans l’inhibition de la prise
alimentaire résultant de l’administration exogène du peptide. Le développement d’antagonistes spécifiques des
récepteurs a permis d’explorer le rôle de la CCK à la fois
exogène et endogène dans le comportement alimentaire.
De nombreuses études ont démontré que l’antagoniste
spécifique du récepteur CCK-1 (L-364,718) bloque l’inhibition de la prise alimentaire suite à l’administration de
CCK-8 [66 – 68].
De plus, des expériences avec l’antagoniste L-364,718
vont dans le sens d’un rôle physiologique de la CCK-8
endogène comme médiateur du comportement alimentaire. En effet, l’administration de L-364,718 seul à des
souris, rats, porcs ou singes augmente la prise alimen-
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C. Massoubre et al.
évidence dans l’épithélium gastrique, elle semble libérée
par la cholécystokinine dans la circulation, mais le rôle
physiologique de cette leptine gastrique n’est pas encore
connu [84, 85].
Le vieillissement s’accompagne d’une diminution de
l’appétit et d’un ralentissement de la vidange gastrique.
Les concentrations plasmatiques de la CCK sont plus
élevées chez les sujets âgés et pourraient contribuer à
expliquer en partie ce phénomène et donc jouer un rôle
dans la dénutrition via l’anorexie [86].
Récemment, Abdel-Wahab et al. [87] ont montré que
la modification de structure de l’acide aspartique aminoterminal de la CCK-8 par glycation abolit ou antagonise
l’activité insulinotropique de ce peptide. Cela augmente
nettement l’effet de satiété périphérique sans influencer la
sécrétion d’insuline et ainsi en évitant le risque d’une résistance à l’insuline ou d’une hypoglycémie. La CCK-8
modifiée structurellement pourrait représenter une hypothèse thérapeutique comme agent anti-obésité.
Par ailleurs, certains auteurs ont montré que la consommation chronique d’alcool augmente la sensibilité à l’effet anorexigène de la cholécystokinine [88] et que ce
peptide, de la même façon que la bombésine, inhibe la
prise d’alcool dans de nombreuses espèces [89, 90].
Sur le plan psychique, la CCK joue un rôle dans les
attaques de panique. Il a d’abord été observé que le
traitement avec des benzodiazépines (BZP) antagonisait
l’excitation induite par la CCK dans l’hippocampe du
rat [91]. De plus, des rats auxquels avaient été injectés de la CCK-4 ont montré des comportements anxieux
qui ont été antagonisés par des benzodiazépines. Il existe
donc probablement des interactions indirectes entre le
récepteur BZP et le système CCK qui auraient des conséquences possibles sur la régulation de l’anxiété [92].
Le rôle potentiel de la CCK dans les états anxieux et
les attaques de panique a été évoqué suite à des recherches précliniques et cliniques [93 – 96]. Des études
pertinentes chez l’animal et l’homme avec administration
d’agonistes de la CCK existent, de même que des données récentes concernant la concentration de CCK-8 dans
le liquide céphalo-rachidien chez des patients présentant des troubles paniques, boulimiques et obsessionnels
compulsifs. On note une diminution des symptômes anxieux chez les sujets âgés après injection intraveineuse
de CCK-4 par rapport aux sujets jeunes [97]. Des agents
qui antagonisent spécifiquement les récepteurs CCK ont
été décrits avec une utilisation potentielle thérapeutique
de ces nouveaux produits [98 – 100]. À signaler que la
5-HT a été longtemps impliquée dans le contrôle de
l’anxiété [101, 102] et qu’en général la stimulation du
système 5-HT donne un effet anxiogénique. L’activité
anxiolytique a été rapportée pour les antagonistes des récepteurs 5-HT3 [103]. Des études récentes [104] semblent
montrer que la CCK et la 5-HT sont impliquées de façon
interactive dans la régulation de l’anxiété.
La CCK pourrait aussi jouer un rôle dans la physiopathologie de la schizophrénie en modulant la fonction dopaminergique cérébrale. Les concentrations de
CCK sont en effet abaissées dans le cortex cérébral des
schizophrènes surtout dans les lobes frontaux et temporaux [105].
La CCK-8 agit comme un antagoniste du récepteur
endogène aux opioïdes dans le contrôle de la douleur,
domaine en pleine évolution [106]. Le système de signal
du phosphatidylinositol pourrait jouer un rôle important
dans la médiation de cet effet antiopioïde [107]. Il a été
démontré par exemple que le blocage des récepteurs à
la CCK potentialise la réponse analgésique d’un placebo
(due aux opioïdes endogènes), ce qui suggère un rôle
inhibiteur de la CCK dans ce type d’analgésie [108].
Concernant le système immunitaire, la CCK inhibe les
activités lymphocytaires telles la mobilité et la prolifération induite par les mitogènes [109]. La CCK augmente
avec la renutrition la production de cytokines inflammatoires et d’eicosanoïdes par les monocytes [110].
La CCK favorise la croissance des tumeurs acineuses
du pancréas ; la prolifération cellulaire est inhibée par les
antagonistes des récepteurs gastrine/CCK. On retrouve
fréquemment des récepteurs CCK-2/gastrine dans les
carcinomes médullaires de la thyroïde, dans les cancers
du poumon à petites cellules, dans les astrocytomes et
dans les cancers du stroma ovarien. Les récepteurs CCK-1
sont rarement exprimés dans les tumeurs sauf dans les
tumeurs gastroentéropancréatiques, les méningiomes et
quelques neuroblastomes. Ces résultats pourraient avoir
des implications à la fois pathologiques, diagnostiques et
thérapeutiques [111].
CONCLUSION
La cholécystokinine, facteur de signalisation que l’on retrouve à la fois au niveau digestif et au niveau du système
nerveux central est donc un peptide régulateur important de l’organisme car elle agit comme une hormone au
niveau périphérique et comme un neurotransmetteur au
niveau du système nerveux central. Elle permet actuellement d’ouvrir plusieurs pistes physiopathologiques. La
première concerne bien sûr la régulation de la prise alimentaire et l’induction de la satiété. La deuxième piste
importante est la relation de la cholécystokinine à l’alcoolisme, car plusieurs études ont montré que cette hormone
inhibe la prise d’alcool. Enfin il ne faut pas oublier le rôle
de la CCK dans les troubles anxieux, ce qui pousse actuellement les équipes de recherche à mettre au point des
antagonistes des récepteurs de la CCK. Il est donc important de constater que la cholécystokinine présente de
nombreuses propriétés biologiques dans la sphère digestive et nutritionnelle et que certaines pourraient avoir dans
l’avenir des implications pratiques.
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