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VASES LYDIENS DE BEREZAN AU MUSEE ARCHEOLOGIQUE D'ODESSA

VASES LYDIENS DE BEREZAN AU MUSEE ARCHEOLOGIQUE D’ODESSA Pierre DUPONT (Franța), Vasilica LUNGU, S. B. OKHOTNIKOV Le fonds Ehrlich Von Stern du Musée Archéologique d’Odessa renferme une très importante collection de vases archaïques de Bérézan dont la plupart proviennent des cités de Grèce de l’Est (Milet, Clazomènes etc.) et, plus accessoirement, d’Athènes et de Corinthe. A côté de ces grandes catégories, on y trouve également quelques spécimens isolés d’origine diverse, dont certaines plutôt inattendue. C’est le cas de quatre pièces de type lydien, consistant en une œnochoé trilobée trapue (A‐39395), une olpetta fuselée (A‐53540), un petit lydion à panse facettée (A‐73156) et un autre plus gros (A‐31765). Trois d’entre elles (les deux lydia et l’olpetta) présentent la pâte micacée, habituelle des productions lydiennes, et toutes les quatre sont recouvertes d’un vernis brun dilué „à la brosse”, que l’on retrouve sur bon nombre de trouvailles de Sardes. A ce petit lot de facture très probablement lydienne, on peut adjoindre une œnochoé trilobée à long bec en gouttière, du type „Schnabelkanne” (A‐24882), plus proche des productions phrygiennes tardives. Même si ces matériels ne proviennent pas de contextes datés, il est fort probable qu’ils sont parvenus sur place en compagnie des céramiques grecques orientales archaïques. A ce titre, leur présence dans le fonds Von Stern méritait d’être signalée, ces quelques pièces anatoliennes isolées venant s’ajouter au petit lot de même provenance conservé au Musée de l’Ermitage, que nous avons eu l’occasion de présenter dernièrement à la XIIe conférence organisée par l’Université de Rostov‐sur‐le‐Don. Dans les deux cas, se trouve soulevée la question de leur mode d’acheminement au nord de la mer Noire: via la Grèce de l’Est certes 1, mais à partir de quelle cité? Plusieurs éventualités se présentent à l’esprit: depuis l’Ionie du Sud 2, par Milet notamment, fondatrice de tant de colonies pontiques? ou bien 1 Sur les rapports des cités d’Ionie avec le royaume de Lydie, cf. I. S. SVENTSITSKAYA, Grecheskie goroda v sostave lidiiskogo tsarsva, VDI 1 (1978), 26‐38. 2 De nombreux fragments de „Black‐on‐Red” et de „Bichrome Ware” anatoliens ont été trouvés à l’Artémision d’Ephèse (F. Brein, in E. Akurgal (ed.), Proc. of the Xth International Congress of Classical Archaeology, Ankara‐Izmir, 23‐30 sept. 1973 [1978], 726‐ 146 PIERRE DUPONT, VASILICA LUNGU, S. B. OKHOTNIKOV par l’Ionie du Nord, de Smyrne notamment 3, capturée en 585 par Alyatte? ou encore par un établissement des Détroits, comme Daskyleion 4 par exemple? ou depuis le sud de la mer Noire, par Sinope 5? Encore faudrait‐il, pour choisir la réponse adaptée, avoir une idée plus précise du lieu de fabrication réel de ces pièces de type anatolien. Le fait que la plupart d’entre elles semblent d’inspiration lydienne doit inciter, nous semble‐t‐il, à la prudence, compte tenu de la forte imbrication des civilisations hellénique et lydienne sur divers sites de la Grèce de l’Est, où des artisans lydiens établis à demeure ont très bien pu exercer leur art pour répondre à la demande d’une clientèle bigarrée. A cet égard, de grandes métropoles‐carrefours comme Ephèse en Ionie du Sud, ou encore des établissements de Propontide, telle Cyzique 6, fondation de Milet adossée à un arrière‐pays lydien, apparaissent comme des pistes à ne pas négliger non plus et qui pourraient nous réserver des surprises. CATALOGUE ‐ OGIM A‐39395: œnochoé trilobée à panse ogivale trapue. Forme complète reconstituée. Base plane débordante à semelle concave. Pâte beige clair, fine, non 727). Quant à l’”Ephesian Ware”, que Greenewalt, CSCA 6 (1973), 91‐122) attribuait à un centre de fabrication d’ambiance gréco‐anatolienne, son cas est plus douteux: on n’en a trouvé que quelques fragments. Des lydia, tant de fabrication lydienne que d’imitation ionienne, ont également été exhumés en grande quantité dans les nécropoles de Samos (J. Boehlau, Aus ionischen une italischen Nekropolen, Leipzig 1898, 35, 145, pl. VIII: 5, 6, 10). Sur les trouvailles de céramique lydienne en Ionie et Eolide, cf. l’étude détaillée de M. KERSCHNER, Die Ionier und ihr Verhältnis zu den Phrygern und Lydern. Beobachtungen zur archäologischen Evidenz, dans E. Schwertheim & E. Winter, Neue Forschungen zu Ionien, Fahri Isik zum 60. Geburtstag gewidmet, = Asia Minor Studien, Bd. 54, Bonn, 2005, 129‐141. 3 Le sanctuaire d’Athéna à l’Ancienne‐Smyrne a livré un certain nombre de vases lydiens (J. M. COOK, Old Smyrna, 1948‐1951, BSA 53‐54 (1958‐1959), 21 note 87 et pl. 4: „marbled ware”, lydia et skyphoi lydiens; E. AKURGAL, Die Kunst Anatoliens von Homer bis Alexander, Berlin, 1961, 151, 155, fig. 106: lydion). Inversement, les fouilles de Clazomènes n’en ont pas livré un seul fragment (Y. ERSÖY, Pottery Production and Mechanism of Workshops in Archaic Clazomenae, in Griechische Keramik im kulturellen Kontext, Akten des Internationalen Vasen‐Symposions in Kiel vom 24.‐28.9.2001, B. Schmaltz – M. Söldner ed., Münster, 2003, 256). A noter que quelques lydia sont apparus aussi plus au nord, à Antandros (plusieurs exemplaires, tant lydiens que d’imitation ionienne, exposés au musée de Bursa) et dans les fouilles canadiennes du Kastro de Mytilène, de même que des skyphoi lydiens ont été livrés par la nécropole de Pitanè (Izmir Arkeoloji Müzesi. Seramik katalogu, Izmir, 1999, n° 130, 135, 136). 4 R. GÜRTEKIN‐DEMIR, Lydian painted pottery at Daskyleion, AnatSt 52 (2002), 111‐143. 5 Outre quelques „Schnabelkannen” phrygiennes tardives, publiées par E. Akurgal (Phrygische Kunst, Ankara, 1955, pl. 33), le musée de Sinope expose quelques lydia, tant lydiens que d’imitation ionienne, ainsi qu’un skyphos lydien à décor de triangles appendus. Quant au „Black‐on‐Red” anatolien, il est présent dans l’arrière‐pays immédiat, à Amisos et Akalan (information aimablement communiquée par L. Summerer, Münich). 6 Le fait que Cyzique ait été le siège d’un artisanat de parfumerie réputé à base d’essence d’une plante locale, l’Amaracus Cyzicena a du certainement engendrer des besoins en vases‐conteneurs adaptés, peut‐être à la mode lydienne du fait de la proximité de Daskyleion. VASES LYDIENS DE BEREZAN AU MUSEE ARCHEOLOGIQUE D’ODESSA 147 micacée, avec mini‐granules de chaux. Ext. entièrement recouvert de vernis brun passé „à la brosse” [Fig. 1]. H. 12. 6; diam. 10. 5; diam base 6. 6; anse ovalaire 1. 3 x 1. 2. Comparanda: prototype en métal? Cf. A. K. Knudsen, A Study of the Relation between Phrygian Metalware and Pottery in the Eighth and Seventh Centuries B.C., Diss. Philadelphia, 1961 (1979), 212sqq, + tableau p. 315. ‐ OGIM A‐53540: olpè fusiforme à embouchure ronde. Forme à peu complète, à l’exception de l’anse. Pâte beige orangé, finement micacée avec quelques paillettes éparses. Extérieur en vernis „à la brosse” brun plus ou moins dilué [Fig. 2]. Diam. emb. 4. 0; H. 14. 0; diam. base 4. 5. Comparanda: M. Lambrino, Les vases archaïques d’Histria, Bucarest, 1938, fig. 116b (exemplaire à décor de bandes); H. P. Isler, Samos IV, Bonn, 1978, 98, n° 161 et pl. 50 (décor „à la brosse” sf. 2 bandes réservées; daté fin VIIIe s. av. J.‐C.); A. Furtwängler, in Samos III, Bonn, 1989, 90‐92, fig. 15c („Kännchen mit runder Mündung”). ‐ OGIM A‐31765: lydion. Portion d’épaule, présentant trois larges facettes de tournassage concaves, avec amorce de col évasé. Pâte beige orangé, finement micacée, chatoyante. Décor en vernis brun noir lustré: une bande en bas du col, trois filets sur l’épaule, une bande à mi‐panse (ou bas de panse entièrement verni?) [Fig. 3]. Diam. estimé de panse: c. 13. Comparanda: A. I. Bilgin, R.Dinç, M. Önder, Lydia’daki iki tümülüs’de temizlik çalismalari, Arkeoloji Dergisi, IV, Izmir, 1996, 217 fig. 13 (ép. d’Alyattes); K. Sams, I. Temizsoy, Gordion Museum, s. l., s.d. (2000 ?), 51 fig. 107 (Gordion, Tumulus A); R. Gürtekin‐Demir, Lydian painted pottery at Daskyleion, AnatSt 52, 2002, 137 fig. 19. ‐ OGIM A‐73156: petit lydion. Partie supérieure manquante. Panse à facettes de tournassage concaves. Pied tronconique évidé. Pâte gris beige, plus orangée en surface, finement micacée, chatoyante. Surface extérieure en vernis brunâtre „à la brosse”, finement micacé [Fig. 4]. H. cons. 6. 3; diam. panse 7. 3; h. pied. 1. 2; diam. pied 2. 8. Comparanda: Gürtekin‐Demir, op.cit., 135 fig. 18 n° 193; H. Dedeoglu, The Lydians and Sardis, Istanbul, 2003, 40 en bas à dr. 148 PIERRE DUPONT, VASILICA LUNGU, S. B. OKHOTNIKOV Fig. 1 VASES LYDIENS DE BEREZAN AU MUSEE ARCHEOLOGIQUE D’ODESSA Fig. 2 149 150 PIERRE DUPONT, VASILICA LUNGU, S. B. OKHOTNIKOV Fig. 3 Fig. 4