Compte rendu
Ouvrage recensé :
BEAUCHARD, Jacques, dir. 2003. La mosaïque territoriale. Enjeux identitaires de la
décentralisation. Paris, Éditions de l’Aube, Bibliothèque des territoires, 182 p.
par Martin Alain
Lien social et Politiques, n° 52, 2004, p. 167-169.
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moment donné des ménages appartenant à des couches supérieures s’installent dans des environnements
populaires). Enfin, si elle n’est pas
fausse, l’idée centrale que pour échapper à tout ça il faut investir fortement
dans l’éducation des enfants de
famille pauvre paraît extrêmement
banale (ce qui ne la disqualifie pas) au
regard des constats qui fondent l’argumentation de l’ouvrage.
MONJARDET, Dominique. 1996. Ce que fait la
police. Paris, La Découverte.
Il s’agit donc d’un ouvrage intéressant pour qui veut s’exercer à décrypter l’apparente rigueur d’un
raisonnement. En ce sens, nous en
recommandons la lecture.
PRÉTECEILLE, Edmond. 1993. Mutations
urbaines et politiques locales, vol. 2,
Ségrégation sociale et budgets locaux en Îlede-France. Paris, CSU.
Philippe Estèbe
Acadie et
Université de Toulouse II
Bibliographie
BÉHAR, Daniel. 1995. « Banlieues-ghettos,
quartiers populaires ou ville éclatée ?
L’espace urbain à la lumière de la nouvelle
question sociale », Les Annales de la
recherche urbaine, 66-69, septembredécembre.
PASSERON, Jean-Claude. 2004. Préface à l’ouvrage de Howard BECKER, Écrire les
sciences sociales. Paris, Economica.
PIKETTY, Thomas. 2004. L’impact de la taille
des classes et de la ségrégation sociale sur la
réussite scolaire dans les écoles françaises :
une estimation à partir du panel primaire
1997. Document de travail EHESS, mai, 71 p.
http://pythie.cepremap.ens.fr/~piketty/
Papers/Piketty2004b.pdf.
PRÉTECEILLE, Edmond. 2004. « Décrire et
analyser la ségrégation sociale », dans Les
mécanismes fonciers de la ségrégation.
Paris, ADEF : 9-29.
RICHARD, Jean-Luc, et Anne MOYSANLOISEL. 2002. De l’immigration étrangère
parentale à la mobilité des jeunes adultes :
lignées familiales et dynamiques professionnelles individuelles au début des années
1990. Présenté aux Journées d’études du
CEREQ, Rennes, 15 et 16 mai.
dizaine de collaborateurs font d’abord
le constat d’une France en pleine
recomposition territoriale et identitaire. Autour de ce constat se dessine
l’objectif général de réinventer le
compromis entre la République et le
territoire et de reforger l’identité
nationale française tout en respectant
les identités « locales ». Le moyen
d’atteindre cet objectif est double; il
faut rechercher d’une part la bonne
« mosaïque territoriale » et d’autre part
la meilleure façon de gérer celle-ci.
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Pour Jean-Yves Boulin (Université
Paris-Dauphine), la recomposition territoriale et identitaire française passe
par une mutation des cadres temporels
et spatiaux. Pour plusieurs auteurs de
cet ouvrage, cette recomposition suppose également une conception de
plus en plus élastique de la centralité
territoriale. Ainsi, la nouvelle centralité transactionnelle évoquée par
Beauchard « ne s’inscrit pas dans un
territoire, mais dans l’étendue la plus
vaste, elle n’offre aucune alternative à
la centralité territoriale, elle est d’une
tout autre nature » (p. 11-12). Dans la
même veine, tandis que Guy Baudelle
(Université Rennes-2) souligne l’expansion des zones d’échange et la
banalisation des migrations quotidiennes, Marie-Christine Fourny
(Université Grenoble-I) note que les
villes-centres sont de moins en moins
des lieux de domination. Un
territoire ? Ce n’est plus si simple
résume Martin Vanier (Université
Grenoble-I). Le défi est alors de trouver les bons territoires.
†
TABARD, Nicole, et Isa ALDEHI. 1990.
Transformation socioprofessionnelle des
communes de l’Île-de-France entre 1975 et
1982. Paris, CREDOC.
†
BERGER, Martine. 2004. Les périurbains de
Paris. De la ville dense à la métropole éclatée ? 66 tableaux (texte) et 70 cartes et
graphiques (cédérom). Paris, CNRS Éd.,
Coll. « Espaces et Milieux ».
DONZELOT, Jacques, Catherine MÉVEL et
Anne Wyvekens. 2003. Faire société. La
politique de la ville aux États-Unis et en
France. Paris, Éd. du Seuil.
GIVORD, Pauline. 2003. « Une nouvelle enquête
emploi », Économie et statistique : 59-66.
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES362D.pdf.
GRANOVETTER, Mark. 1973. « The strength
of weak ties », American Journal of
Sociology, 78 (mai) : 1360-1380.
JAILLET, M.-C. 1999. « Peut-on parler de
sécession urbaine à propos des villes européennes ? », Esprit, novembre : 145-154.
LE TOQUEUX, Jean-Luc, et Jacques
MOREAU. 2002. « Forte progression du
chômage dans les zones urbaines sensibles »,
INSEE Première, 835, mars.
MAURIN, Éric. 2002. L’égalité des possibles.
La nouvelle société française. Paris, Éditions
du Seuil, coll. « La République des idées ».
• BEAUCHARD, Jacques, dir.
2003. La mosaï que territoriale.
Enjeux identitaires de la décentralisation. Paris, Éditions de
l’Aube, Bibliothèque des territoires, 182 p.
L’ouvrage dirigé par Jacques
Beauchard, sociologue à l’Université
Paris-XII, retrace les moments forts
de trois « universités d’été » tenues
dans la région Poitou-Charentes entre
2000 et 2002. Structuré en trois parties (L’ingénierie territoriale, La gouvernance locale, Les nouvelles
identifications territoriales), il nous
offre un vaste travail d’exploration sur
les thèmes de l’identité et des espaces
infra-nationaux, dans un contexte territorial français en mutation. La ligne
directrice du livre se déploie en trois
temps. Chacun à leur manière, la
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La force de cet ouvrage réside très
certainement dans la variété des solutions proposées au lecteur face à cette
recomposition de l’espace français.
Pour former la nouvelle mosaïque, les
uns pensent à des territoires précis
alors que d’autres jettent un éclairage
sur les liens qui les unissent. La pluralité des propositions témoigne de la
difficulté de faire coïncider territoire
167
LIEN
SOCIAL ET
POLITIQUES–RIAC, 52
Bourdin (Institut français d’urbanisme) souligne l’émergence. La
région, pour Beauchard, est en
quelque sorte au carrefour des tensions entre le besoin d’un lien étroit
avec la terre d’origine et les forces
centrifuges : la « région-territoire est
une mosaïque de collectivités traversée par des réseaux qui la connectent
dans l’espace français et européen »
(p. 15).
Notes de lecture
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et identité et de formuler un modèle
unique.
Traitant du rapport entre terre et
mer, Marion Segaud (Université du
Littoral, Côte d’Opale) nous ramène à
un débat plus large, sur l’idée même
de territoire, sa définition, sa
construction et son rapport à l’identité. Elle distingue entre l’espace, aux
frontières mal définies, et le territoire,
dont l’étendue « est limitée, qualifiée,
appropriée, occupée, dominée »
(p. 140). En d’autres termes, le territoire est un construit auquel on tend à
s’identifier si on prend part à sa
définition : « la transformation d’un
espace en territoire s’effectue en lui
donnant des bornes, en lui attribuant
des limites matérielles, historiques,
naturelles ou symboliques, en dessinant celles-ci par rapport à un centre,
que ce soit une capitale ou par rapport
à soi-même » (p. 142-143). (Ce chapitre, qui éclaire le lien entre territoire
et identité, aurait peut-être été mieux
placé plus avant dans l’ouvrage.)
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Sensible à la question des villes
moyennes face aux grandes métropoles, Guy Baudelle se penche quant
à lui sur l’idée de pays. La ville-pays
apparaît comme un territoire aux frontières souples. Cette malléabilité cadre
mal avec la rigidité de certaines structures en place, mais la ville-pays
paraît néanmoins porteuse d’un potentiel de construction identitaire : « aire
de nouvelles solidarités », elle est propice à « l’invention d’une identité
commune » (p. 28).
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Contrairement aux auteurs précédents, Maria Gravari-Barbas
(Université d’Angers) et Michel Roux
(Université de Pau) ne traitent pas
d’un territoire précis. Gravari-Barbas
analyse les liens entre territorialisation
et construction patrimoniale, montrant
que cette dernière peut « nous instruire
de manière passionnante sur les rapports qu’entretiennent les groupes
sociaux avec leur territoire et, à travers ceci, sur la manière dont ils
construisent la société » (p. 56). Le
patrimoine contribuerait ainsi à lier un
sentiment d’identité au territoire.
Michel Roux aborde la relation entre
identité et territoire en établissant un
parallèle avec la vie en mer : « les
hommes sur leur bateau sont confrontés à une nature qui leur impose,
d’une part, un régime de l’éphémère
— ce dernier leur interdit d’inscrire
durablement leur expérience dans
l’espace — et, d’autre part, leur interdit de se retrancher derrière des frontières qui leur permettraient de
l’endiguer et de s’y soustraire »
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Territoire et identité iraient donc de
pair. Mais quel(s) territoire(s) pour la
France ? Les réponses varient.
D’entrée de jeu, Beauchard trace un
bilan positif du département. Devenu
au fil des années un territoire d’appartenance et de référence, celui-ci
semble pourtant voué à céder la place
à la région, territoire dont Alain
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(p. 156-157). Sans vouloir transférer la
métaphore du bateau comme territoire
dans ses réflexions sur l’espace français, Roux laisse entrevoir qu’elle permet d’enrichir le débat.
Délaissant la recherche du « bon
territoire », Vanier et Fourny réfléchissent sur les liens essentiels entre des
territoires qui se juxtaposent ou s’imbriquent. Pour bien saisir la mosaïque
territoriale, on ne saurait faire l’économie de l’étude de ces relations.
S’intéressant à l’invention des territoires, Vanier expose de façon
convaincante les limites d’une
approche axée uniquement sur les
frontières : « [à] l’autre bout de
l’échelle des territoires, on débat sans
fin de la bonne maille et de la pertinence des périmètres du pouvoir local,
pendant qu’une partie croissante de la
société s’épanouit sur des réseaux et
recherche les passages, ou interfaces,
plus que les limites » (p. 131).
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La question des interfaces est particulièrement pertinente lorsqu’il est
question des relations centre-périphérie. Fourny aborde la question de la
centralité à propos de l’aménagement
des espaces périphériques. C’est à travers les débats concernant les lieux
centraux de ces espaces que territoire
et identité semblent révéler leurs liens
les plus puissants : « C’est en tant
qu’objet à construire, comme projet
commun que le centre devient un vecteur de socialisation et instaure des
échanges. Il représente ainsi une idée
instituant le territoire à double titre,
en tant que figure symbolique d’une
origine, comme en tant qu’outil de
formation de liens localisés » (p. 47).
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La gouvernance serait le ciment de
cette nouvelle mosaïque territoriale.
Pour Baudelle, il faut « penser
ensemble » la ville-pays. Pour
Beauchard, la région-territoire est un
« acte de gouvernance ». Pour Némery,
la gouvernance est le « premier chantier institutionnel de notre nouveau
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siècle » (p. 81). Et Gravari-Barbas,
face à la fin du projet patrimonial
national, appelle à une « gouvernance
patrimoniale » apte à mieux faire
fonctionner ensemble une multitude
de projets patrimoniaux et de promoteurs aux finalités souvent différentes,
voire contradictoires. Némery rappelle
d’ailleurs que la gouvernance « suppose une bonne organisation territoriale apte à répondre aux besoins
d’évolution des communautés locales.
[…] Cela implique que l’action
publique locale soit engagée dans des
territoires pertinents » (p. 81).
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binôme territoire-identité, qui appelle
justement un éventail de solutions.
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Bourdin pousse plus loin la
réflexion sur la notion de gouvernance. Se demandant comment gouverner des ensembles complexes avec
efficacité et démocratiquement, il
explore les enjeux contemporains de
la gouverne des territoires à travers
deux approches : la gouvernance du
vivre ensemble et la gouvernance du
projet. La gestion des oppositions qui
ne manqueront pas de ressortir dans la
gouvernance du projet est, écrit-il en
conclusion, « un enjeu fort pour ceux
qui font métier de gouverner les territoires » (p. 105).
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À l’heure de cette recomposition
territoriale où les villes s’affirment
tandis que, par diverses réformes à
visées décentralisatrices, l’État central
s’adapte tant bien que mal, l’ouvrage
dirigé par Jacques Beauchard arrive à
point. Abordant à la fois les divers territoires, les liens qui les unissent et la
gestion politique de cette mosaïque
territoriale, il réussit, en moins de 200
pages, à cerner la complexité de la
donne identitaire dans un contexte de
décentralisation, et fait ressortir que
gouvernance, territoire et identité sont
intrinsèquement liés. Permettant l’expression de points de vue différents, la
formule de l’ouvrage collectif nous
éloigne ici de la réponse unique, au
profit d’une réflexion large et ouverte
adaptée à la réalité complexe du
Il serait intéressant que de nouvelles études permettent de déborder
le contexte français et même occidental. La recomposition territoriale et
identitaire se pose-t-elle dans les
mêmes termes dans les pays en développement, ou en Amérique du Nord
ou en Amérique du Sud ? La mosaïque
territoriale prend-elle la même forme ?
On pourra très certainement s’inspirer
des réflexions exposées dans cet
ouvrage pour explorer d’autres
contextes territoriaux et identitaires.
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Martin Alain
INRS-Urbanisation, Culture et Société
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