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Revue de l'Agence arcadienne, ESAAA, n°1

2014, La cellule des Lauzières dans son territoire

NU MÉR O1 - A L’AGENCE FÉVRIER 2014 ARC E N N E I D L.A RE V U E D E 2 Dans le cadre de la rénovation du parc immobilier, la station des Arcs a lancé une large réflexion sur le devenir des résidences de tourisme. Une mission de recherche a été confiée à l’ecole supérieure d’art d’Annecy, sur les thématiques liées aux évolutions de l’habitat, les usages et des modes de vie aux Arcs. Une équipe pluridisciplinaire, créée ad hoc sous le terme générique d’Agence Arcadienne et composée d’artistes, d’architectes, de chercheurs et designer a été rassemblée pour mener à bien des travaux de prospection sur les séjours des vacanciers aux Arcs. Sommaire Préface Introduction La cellule des lauzieres dans son territoire Renovations 2014 Scenario pour un «dedans dehors» Experience «un lit 1 forfait» Scenario pour «un appartement raisonne» Conclusion —3 —6 —8 — 14 — 20 — 24 — 28 — 34 STÉPHANE SAUZEDDE PRÉFACE 1. L’ESAAA est d’ailleurs « l’école supérieure d’art de l’agglomération d’Annecy et des Pays de Savoie ». 2. L’association ACTE (Art Contemporain Thônes et vallées de Thônes Expositions), soutenue par la Région Rhône-Alpes et le CAUE de Haute-Savoie venait de le réaliser un exemplaire à partir des plans de 1938, alors qu’il n’avait jamais pu être produit, la guerre interrompant ce projet... Cf. https://vimeo.com/26318472 3. Le bâtiment de l’ESAAA, ancienne MJC des Marquisats construite en 1967 par André Wogenscky est un des plus grand ensemble moderniste de Rhône-Alpes, tout de béton, de bois et de verre, face au lac d’Annecy. Il est labellisé « patrimoine du XXe siècle ». Cela fait plusieurs années que l’ESAAA fréquente la station savoyarde des Arcs, en voisin1, et régulièrement des étudiants de la section Design & Espace se rendent sur place pour observer la si stimulante architecture du site, son utopie généreuse de station intégrée historique et sa volonté d’ouvrir au plus grand nombre l’expérience puissante de la montagne. Mais c’est en 2011-2012, alors que l’ESAAA réalisait un projet autour du « Refuge Tonneau » Pierre Jeanneret Charlotte Perriand2, que la rencontre de l’ESAAA et des Arcs a réellement eu lieu : les étudiants de l’école supérieure d’art avaient proposé de prendre au sérieux le point de départ constructif de cet étrange objet architectural de 1938 (un refuge entièrement montable et démontable par deux personnes en deux jours … et portable à dos d’homme pour être disposé comme refuge n’importe où en montagne), et ils étaient allés le chercher à une vingtaine de kilomètres de l’école, l’avaient convoyé pendant une journée, formant une longue procession de porteurs et de porteuses, puis l’avaient remonté devant le bâtiment de l’ESAAA – lui même remarquable pour sa qualité architecturale3... A partir de cet atypique projet, les rencontres se sont enchainées : avec Guy Rey-Millet, membre de l’Atelier d’Architecture en Montagne, qui, aidé de Charlotte Perriand, construisit les Arcs, avec Jean-Marie Chevronnet, guide du patrimoine de la station, avec Ghislaine Volpe, alors directrice du Marketing chez ADS... Et c’est à partir de ces premiers échanges que la société d’aménagement et d’exploitation des Arcs qu’est ADS s’est adressée à l’ESAAA pour lui demander de l’aider dans un de ses nouveaux chantiers : continuer de faire tourner le cercle vertueux qui, aux Arcs, lie création, architecture, design et exploitation raisonnée de la montagne. Cette commande faite à une école supérieure d’art par un des principaux acteurs économiques du territoire a de quoi surprendre : beaucoup pensent encore que l’art, la création, le design et plus largement les questions esthétiques et les expérimentations qu’elles induisent, relèvent d’une sphère séparée de la société qui s’appellerait la culture. En invitant l’ESAAA à proposer une sorte de think tank créatif (l’Agence Arcadienne), ADS innove donc à plusieurs niveaux : — En se tournant vers des forces présentes sur son territoire (dans un écosystème riche qui trop souvent s’ignore, inventant une façon « située » d’articuler le local 4 des ressources et le global des enjeux d’une station d’envergure internationale). — En s’adressant à une structure d’enseignement supérieur, à ses chercheurs et à ses étudiants, en privilégiant la jeunesse et en faisant confiance à un lieu vivant, à son potentiel et à ses devenirs. — En rendant possible un travail sur des objets incertains, et en ouvrant une plateforme libre pour que s’inventent des pistes et des hors pistes, en assumant qu’investir ce n’est pas seulement acquérir des objets physiques, mais c’est aussi stimuler les intelligences, générer des énergies, lancer des mouvements... qui in fine produiront de la richesse. — En favorisant l’interdisciplinarité, le mélange des genres et des générations, là où l’esprit du temps pousserait plutôt au repli sur les identités, à un entre-soi et à une prudence méfiante ... … Et il faut donc comprendre que cette initiative portée par le directeur général d’ADS Laurent Chelle n’est aujourd’hui possible que parce qu’il souffle toujours aux Arcs le même esprit entreprenant, innovant et (disons le !) franchement joyeux, qui a présidé à l’invention de la station ! Dans les années 1960 de la même façon, de jeunes créateurs et entrepreneurs venant de discipline variées, un peu rêveurs, mais à qui le travail ne faisait pas peur, sont partis bille en tête dans une aventure portée par la SMA – la Société des Montagnes de l’ARC, dont est issue ADS... Pour le succès que l’on connait : une station toujours leader, plus de quarante ans après sa fondation. Dans ce contexte, et depuis presque un an, l’Agence Arcadienne a donc commencé a travaillé et la revue L.A (pour « Les Arcs ») va participer à la redistribution et au partage d’une partie de ce travail : des pistes et des réflexions de la cellule recherche de l’Agence sont exposées, le premier travail de rénovation qui a été conduit par la cellule opérationnelle (les architectes Carine Bonnot, Thibault Candela et Yann Damiani) est dévoilé : il s’agit d’un projet nouveau, dont la simplicité raffinée produit la grande élégance, et qui permet de mettre à jour des appartements qui avaient perdus toutes leurs composantes design à force de rénovation partielle. Cette revue montre aussi la très élastique composition de l’Agence Arcadienne : aux chercheurs de l’ESAAA se sont ajoutés des architectes, mais aussi des étudiantes de l’Institut d’Urbanisme de Grenoble, des théoriciens, et surtout, presque systématiquement, ont été associés des designers et des chercheurs venant de l’Ecole Supérieure d’Art et Design de Saint-Etienne – fidèle complice de l’ESAAA pour tout ce qui a trait au design, en particulier dans sa dimension industrielle, l’ESADSE fait partie de la Cité du Design dont les compétences sont aujourd’hui reconnue internationalement, et c’est un des piliers de l’aventure arcadienne. Cette revue L.A montre enfin modestement le lancement d’un travail, ses premiers scénarios, ses premières réalisations, en attendant le numéro deux qui sera consacré aux expositions produites pour « l’agence » à Arc 1600. D’ailleurs, et cela mérite d’être précisé, le projet de l’Agence Arcadienne se veut lui-même assez modeste : l’Agence intervient auprès d’acteurs qui connaissent parfaitement leurs métiers et qui font tourner une des plus belles stations du monde, et elle s’occupe d’art, d’architecture et de design dans un endroit où résonne encore de nombreuses voix qu’il faut continuer d’écouter et de préserver (et en particulier celle de Charlotte Perriand, référence indépassable pour l’intelligence du design en montagne au moment de l’invention des Arcs) … Mais, presque paradoxalement, cette agence combine avec sa modestie une très sincère radicalité : elle est ouverte et prête à tout tester, à inventer des formes, des gestes et des usages pour un futur saturé d’enjeux (le réchauffement climatique, les circulations mondiales, la mutation de l’économie, la raréfaction programmée de l’énergie...) Cela exige assurément d’ajouter l’ambition à la modestie ! Robert Godino, l’aménageur et le promoteur du projet des Arcs disait-il autre chose quand il affirmait viser : «une nouvelle approche humaniste des vacances en offrant à la montagne, dans un cadre d’une grande beauté, une occasion de développement personnel, sportif et culturel dans un climat de liberté et à des prix acceptables» ? Un programme qui reste d’actualité. Stéphane Sauzedde Directeur de l’ESAAA 6 ÉLISE GROGNET UCTION D O R T IN L’équipe de recherche s’est réunie pour la première fois en février 2013, lors d’une résidence aux Arcs. L’Agence Arcadienne est composée d’artistes, designers, architectes et chercheurs travaillant dans les écoles supérieures d’art et design d’Annecy (ESAAA) et de Saint-Etienne (ESADSE). Son format élastique associe, selon les moments, les objets et les dispositifs de travail, quelques enseignants et chercheurs (Carine Bonnot, Naïm Aït Sidhoum, Marc Monjou, Rodolphe Dogniaux), de jeunes professionnels inscrits en 3e cycle à l’ESAAA et à l’ESADSE ( Joris Favennec, designer, Elise Grognet, historienne de l’art et artiste, Nicolas Koch, artiste, Eléonore Pano-Zavaroni, curatrice et artiste) mais aussi des étudiant-e-s en cours de cursus, principalement inscrits en Design, auxquel-les s’ajoutent des étudiante-s de l’Institut d’Urbanisme de Grenoble. En 2013, les participants ont construit un programme de recherche ayant pour objectif de réfléchir de manière prospective au devenir de la station des Arcs en repensant les notions d’habitat, les usages et les loisirs et en proposant des scénarios prospectifs liés à ces thématiques. Le point de départ des réflexions étant basé sur le cycle de rénovation d’appartements lancé par ADS, les premières thématiques d’expérimentation ont été portées vers la cellule d’habitation de la résidence des Lauzières, à Arc 1800. Quatre temps de travail aux Arcs ainsi que des rencontres entres les différents acteurs ont été menés de février à juillet 2013. Deux temporalités différentes ont été élaborées en parallèle. Une première séquence de travail appelée «opérationnelle» a été menée par trois architectes, Yann Damiani, Thibaut Candela et Carine Bonnot, ayant pour objectif la rénovation de trente six appartements pour cinq personnes dans la résidence Les Lauzières. Ce projet s’inscrit dans une démarche pragmatique respectueuse de l’héritage architectural et du patrimoine moderne existant, tout en adaptant les espaces et le mobilier aux usages contemporains. La deuxième séquence de travail du groupe recherche a répondu à la demande d’ADS qui concerne la transformation d’appartements en laboratoire de recherche in-situ, à échelle 1, et questionnant l’habitat du futur et ses usages . Après tout un travail de recherche et l’exploration de plusieurs pistes de travail, trois scénarios d’aménagement ont été produits respectivement par trois équipes : - La proposition intitulée «Dedans/ dehors» porte un regard critique sur la montagne comme artifice de la nature, notamment au travers de l’exploitation touristique des sports d’hiver. Deux scénarios ont été proposées par l’équipe : un appartement où le climat d’été de la station des Arcs est recréée, l’accent mis sur des dispositifs sensoriels voués à simuler un nouvel environnement, une autre «montagne» ; le deuxième scénario offre la possibilité de vivre en extérieur à l’intérieur de la cellule grâce à l’ouverture intégrale de celleci et en transformant l’espace de la salle de bain d’origine en «refuge». - La proposition dite «Un lit = 1 forfait» part du raisonnement marketing des stations de ski. Elle vise à questionner d’un point de vue à la fois économique, fonctionnel et poétique cette équation en imaginant un appartement conçu cette fois pour douze personnes. - La dernière proposition imagine un «Appartement raisonné», questionnant les notions de «besoin» et de «superflu» et nos habitudes contemporaines - imprégnées par les réseaux, les médias, la consommation excessive - dans le cadre d’une semaine de vacances aux sports d’hiver. Les pages suivantes présentent les rénovations réalisées à l’automne 2013 et les scénarios expérimentaux élaborés en 2013. Le premier article revient sur l’état des lieux des cellules de la résidence des Lauzières, conçues dans les années 1970 par l’Atelier d’Architecture en Montagne et Charlotte Perriand, et transformées successivement par différents propriétaires, avant d’être rachetées par ADS. 8 CARINE BONNOT D A S E NS LLULE LA CE DE SON TER R I T O I R E R E I Z U A L S La résidence des Lauzières est située au Charvet, dans le site Arc 1800, à Bourg-Saint-Maurice en Savoie. Les bâtiments de la station de sports d’hiver ont été construits entre 1970 et 1975, sur les plans de l’équipe d’architectes de l’Atelier d’Architecture en Montagne : Roger Boulet, Daniel Jaulmes, Gaston Regairaz, Bernard Taillefer et Charlotte Perriand. Les Lauzières date de 1973, elle comprend 1731 lits. ARC 1800 / EDIFICES 1. Pierra Menta 2. Ecoles 3. Salle de spectacle 4. Garage auto souterrain 5. Belles Challes - Lauzières 6. Galerie marchande 7. Vaugella 8. La Nova 9. Hôtel du Golf 10. Place des Villards 11. Piscine 12. Les Mirantins 13. Village Club du Soleil 14. Garage automobiles 15. Aiguille Grive 16. Golf 17. Chalets du Jardin Alpin Plan de Arc 1800 Source : Ouvrage de J.F Lyon-Caen, Stations de Sports d’hiver, Urbanisme et Architecture. L’implantation des Arcs La station de sports d’hiver des Arcs est née dans les années 1960, dans un contexte économique et social favorable au développement du tourisme de masse. Robert Blanc, moniteur et guide de haute montagne et Roger Godino, aménageur et promoteur co-fondent un projet ambitieux de station intégrée, qui s’implante sur 3 sites d’altitude différentes : Arc 1600 (1968-1975) ; Arc 1800 (1970-1975) et Arc 2000 (1970-1979). Les fondateurs de la station font appel à des architectes de l’Atelier d’Architecture en Montagne (Gaston Regairaz, Guy Rey-Millet, Bernard Taillefer, Alain Tavès, Pierre Faucheux, Robert Rebutato, Roger Boulet, Alain Bardet, architectes, urbanistes et ingénieurs). et à une architecte de renommée internationale, Charlotte Perriand, skieuse et alpiniste, alors âgée de soixante-cinq ans, et qui consacre les vingt dernières années de sa vie dans les projets de construction des Arcs. L’équipe d’architectes et ingénieurs partage la conception des bâtiments et des aménagements intérieurs et le suivi des chantiers. Typologies urbaines et architecturales de Arc 1800 La station Arc 1800 est le deuxième secteur en chantier entre 1970et 1975. Les objectifs sont de pouvoir favoriser un fonctionnement été/ hiver, accueillir et loger un maximum de personnes, et de préserver un maximum d’espaces naturels. Les principes urbanistiques reposent sur la séparation des circulations. Le projet est organisé autour de la pratique du ski et des loisirs en montagne. Les circulations piétonnes sont séparées de celle des voitures, regroupées sur des parkings à l’écart des résidences, en aval. Le morcellement de l’urbanisation en «barrettes» évitent la fermeture d’un front bâti aux pieds des pistes. L’organisation en villages de Arc 1800 explique les implantations en arc de cercle au pied des pistes. Quatre villages composent Arc 1800 : Charvet, Villards, Chantel et Charmettoger. Les immeubles «couchés» s’opposent à la typologie moderne et verticale de la tour. L’AAM et Charlotte Perriand choisissent d’organiser les immeubles à l’horizontale, dans un souci d’intégration au paysage, d’économies de terrassement et de rapport au sol. Le nombre d’étages et de cellules est pourtant égal à celui que propose le modèle des tours. L’implantation dans le sens de la pente, épousant la forme naturelle du territoire nécessite moins de circulations verticales et favorisent les circulations horizontales, la «promenade architecturale» développée par Le Corbusier. La pente intérieure, dans les coursives des résidences, permet une fluidité des espaces et rappelle le sol naturel de montagne. Des cellules d’habitation optimisées «Je prônais comme toujours l’intégration : architecture équipement - environnement, mettant en valeur une volumétrie intérieure faite d’harmonie, en rapport avec le paysage de la montagne, toujours présente, superbe.» (Charlotte Perriand, citation dans Carnet de Montagne p.86) La cellule type de la résidence des Lauzières est conçue en longueur et s’ouvre sur le paysage, élément fondamental qui nourrit l’ambiance intérieure. Des balcons prolongent l’intérieur vers l’extérieur. Les logiques spatiales reposent sur un cadrage sur le paysage, mis en scène par du mobilier (bar) ou des menuiseries généreuses ; une libération du sol et des surfaces horizontales grâce à du mobilier et des éléments suspendus ; une mise en place de «cellules vitales» telles que la cuisine et la salle de bain, conçues de manière rationnelle et fonctionnelle, dans l’objectif de minimiser les déplacements dans le coin cuisine et d’offrir un moment de détente dans la salle de bain (formes douces, couleur chaleureuse). Accompagnant l’idée des loisirs pour le plus grand nombre, le design des aménagements intérieurs est dessiné par Charlotte Perriand qui utilise des matériaux robustes et traditionnels (bois massif), qu’elle marie à des matériaux modernes (métal, polyester). Les alliances cuir/ métal et bois/paille pour les chaises traduisent la volonté de mettre en scène la modernité dans un territoire de montagne. Dans les années 1970, la vaisselle, le linge, les accessoires sont choisis par Charlotte Perriand. Des salles de bain préfabriquées Les salle de bain ont été préfabriquées à Saint-Nazaire, dans des ateliers de construction navale. La largeur correspond à celle du camion qui transportaient les cabines, installées pendant l’édification du gros oeuvre du chantier. Les cabines sont en polyester, montées en deux coques : la demi-coque inférieure blanche, sur laquelle sont fixées le lavabo et les wc, et la demi-coque supérieure rouge, sur laquelle est fixée un miroir, une étagère et les porte-serviettes. Les appareillages sanitaires (lavabo et wc) sont des éléments standardisés, que Charlotte Perriand a conçu avec l’entrepreneur en sanitaires Jean Borot, dans les années 1950. La couleur rouge vif, ton semblable à celui d’un rouge à lèvres ou d’un vernis à ongle, s’oppose au blanc des salles de bain standard, rappelant parfois l’hôpital. Son travail sur les salles de bain est influencé par ses références japonnaises, notamment la cérémonie du bain. La baignoire prend ainsi une place importante dans l’appartement, notamment la moitié de l’espace au sol de la salle de bain. Les modifications au cours du temps Les images d’archives des Lauzières sont rares, surtout lorsque cela concerne les intérieurs. Les bâtiments ont été largement photographiés et représentés sur des cartes postales touristiques, formidable vecteur d’images de la modernité. Les clichés trouvés dans les ouvrages Carnet de Montagne et Les arcs, le livre blancs témoignent de la sobriété des intérieurs des Lauzières et de la cohérence des éléments. Depuis 1976, date de livraison de la résidence, les appartements ont été modifiés : les sols, les rideaux, les textiles ont été changés : les couleurs unies de l’origine n’existent plus. Le mobilier a été remplacé (chaises, tables, lits) ainsi que les appliques des éclairages. Les cuisines (coques préfabriquées vertes) ont été déposées et remplacées par des éléments en stratifié. Seules les salles de bain et les placards perdurent, quasiment intacts. 10 Cellule préfabriquée salle de bain Charlotte Perriand - Carnet de Montagne 12 Façade de la résidence des Lauzères Crédit image ETBA BET CARINE BONNOT, THIBAUT CANDELA, YANN DAMIANI RE N O 14 4 1 0 2 S N O I T A V Dans le cadre de la rénovation du parc immobilier du groupe La Compagnie des Alpes, ADS a lancé une réflexion sur le devenir et la transformation des résidences de tourisme des années 1970, qui nécessitent aujourd’hui un rafraîchissement, lié aux évolutions des formes de séjours et des besoins des vacanciers. La démarche de projet de rénovation d’une première phase de 36 appartements, dans le bâtiment des Lauzières, s’appuie sur l’analyse de l’existant et son adaptation aux nouveaux usages. L’héritage architectural de l’équipe des concepteurs d’origine, l’AAM, Charlotte Perriand et Bernard Taillefer, engage une réflexion non seulement sur le patrimoine et sa transformation, mais aussi sur les principes d’aménagements, le choix des matériaux, les cadrages sur le paysage environnant, les flux, les circulations qui ont évolués depuis leur mise en service en 1973. L’ensemble Arc Chantel à 1800 mètres d’altitude, dont les résidences des Lauzières et de Belles Challes font parties, a reçu le Label XXème siècle par le Ministère de la Culture en 2003. Conception et chantier : SILO architectes (Thibaut Candela, Yann Damiani, Carine Bonnot). Entreprises : TSD (Peintures et sols), ARCANCEL (Electricité), ECDB (Plomberie), HR Ebenisterie, Madeindesign (Mobilier) Bureaux d'étude : ETBA (structure), ALP'ELEC CONCEPT (électricité), ALPES FLUIDES (fluides et thermique) Crédits photographiques : SILO architectes et Yann CAPY. A la fin des années 1960, la résidence des Lauzières a été conçue, comme d’autres résidences d’Arc 1600 et 1800, dans le but d’accueillir des vacanciers, en famille ou en groupe, pendant les saisons d’hiver. La cellule de l’appartement de 29 m2 est fonctionnelle, imaginée pour 4 ou 5 personnes. 340 cellules sont dupliquées à l’identique et composent les Lauzières. A l’origine pensé pour les temps de repos et le moment du petit déjeuner, l’appartement est aujourd’hui beaucoup plus occupé, notamment le midi, lorsque les familles reviennent déjeuner, ou le soir lors des repas communs, qui se faisaient autrefois le plus souvent au restaurant. De nouveaux éléments, souhaités par les usagers, illustrent l’évolution des usages et des habitudes dans les résidences de tourisme en station. Le matériel de ski, autrefois consigné dans des espaces communs de la résidence, sont aujourd’hui à intégrer dans l’appartement. Les denrées alimentaires constituent des volumes plus important puisque la plupart des vacanciers prévoient et achètent leurs courses avant d’arriver en station. Les pratiques actuelles liées à l’utilisation d’ordinateurs portables, smartphone, tablettes nécessitent la présence de nombreuses prises électriques positionnées au plus près des espaces de repos, alors qu’en 1973, seules trois prises suffisaient pour le foyer… Ces données, élaborées au fil des dernières années par le commanditaire, nourrissent les réflexions sur l’évolution d’un petit logement de vacance et de son adaptation aux pratiques actuelles de séjour à la montagne. Les espaces sont contraints par des dimensions minimales, mais l’ouverture généreuse sur le paysage par une grande baie vitrée de toute hauteur et la libération des sols et des plafonds, favorise la sensation de fluidité. L’analyse des formes architecturales et des principes spatiaux fondateurs a révélé les composantes initiales du bâtiment : aménagements compacts, mobilier intégré, couleurs vives, matières sobres. En observant ces principes constructifs, des scénarios d’intervention sur l’existant ont été proposés. Les principes architecturaux définissent l’espace d’habitation organisé en «tunnel» et forment le socle des transformations : - La traversée franche, dans un espace lisible et dégagé, de la porte palière à la porte fenêtre ; - La libération de la surface du sol et du plafond par le décollement du mobilier (armoires et commodes suspendues, plafond sans éléments techniques) ; - La fonctionnalité du bloc cuisine, compacte et encastré à la cellule «vitale» ; - Les cadrages sur le paysage et l’accès à l’extérieur par le balcon ; - Les rangements regroupés sur une face de l’appartement. Le projet de rénovation propose une clarification des espaces, selon les usages et les travées existantes de l’appartement. L’espace «montagne», dans l’entrée, conserve les couchages et peut dorénavant se fermer afin de proposer une cabine optimisée grâce à des rangements et une paroi coulissante. Pour la cellule «vitale», la plomberie de la salle de bain conservée est rénovée. L’espace cuisine regroupe une table à manger, un plan de travail et des rangements dans une même travée tandis que l’espace salon est distinct autour d’assises en «L», qui offre une convivialité et un espace nuit indépendant. Les murs de l’appartement se répondent : d’un côté une paroi épaisse et quadrillée offre du rangement et de l’autre, une paroi lisse est ponctuée d’éclairages minimalistes grâce aux «liseuses» d’origine, rééditées et mises aux normes. La mise en oeuvre d’éléments bruts comme le matériel électrique apparent et les murs en béton contraste avec le dessin des plans de travail, placards, poignées, commode, réalisés de manière artisanale et imaginés sur mesure. 16 18 DIAGNOSTIC DES PRINCIPES DE CHARLOTTE PERRIAND 1975 Libération du sol RANGEMENTS - 4 1- ESPACE “MONTAGNE“ REFUGE 2 - CELLULE “VITALE“ BLOC TECHNIQUE Libération des surfaces horizontales Eléments intégrés Eléments mobiles 3 - SALON REPAS CADRAGE SUR LE PAYSAGE 4 3 2 1 PROJET CORRESPONDANCES BARETTES TECHNIQUES TV CASIERS 4 CASIERS CUISINE 3 MUR EPAIS DRESSING BANC 2 SKI 1 MUR LISSE Analyse des principes spatiaux existants Crédit : SILO PLAN - Etat des lieux de la cellule des Lauzières Crédit : SILO 20 U R OU E C S O I R NA P " ORS E D N" DE H S N DA NICOLAS KOCH, PAUL BUROS, FEI QI Nous voici enfin arrivé au bout, la dernière ascension avant d’atteindre notre refuge qui devrait être posée ici, au coeur de la pente, vue sur nature n° 136. C’est là que nous allons passer la semaine, dans ce lieu où l’aventure sera avant tout la collectivité, où chacun finira par se connaitre, un lieu où il y aura moins de confort que d’histoires à partager. Nous ouvrons la porte : face à nous la montagne ! Cette proposition vise à mettre en avant l’expérience de la nature en cherchant une réponse simple au confort utile en milieu presque naturel. En offrant la possibilité de vivre en extérieur à l’intérieur de la cellule c’est la montagne qui s’invite un peu plus encore durant le séjour, c’est la difficulté de la possibilité de lui échapper, c’est apprécier les bons moments et réussir à en supporter d’autres. Ainsi nous vivrons dehors : l’espace de l’appartement ouvert sur l’extérieur (dépose de la façade) laisse les occupant à la merci du climat. La vie s’organisera autour d’un coin «feu» un point chaud servant à la fois de source de chaleur pour le «confort» et pour cuisiner : un lieu autour duquel se réunir, discuter, partager. En été, tout se déroule assez facilement, nous sommes dehors et vivons «en pleine nature». En hiver un coin «refuge» (ex- salle de bain) permet l’isolement et la survie. Ici nous vivons au plus proche de la nature, nous vivons la montagne et tentons d’y être au mieux en trouvant astuces et bricolages pour se sentir chez soi. Pas de mobilier : certains rapporteront quelques rondin de bois pour organiser une soirée autour du feu, d’autres en hiver se surprendront à construire des assises sculptées dans la neige en plein milieu du «salon», Nous utilisons le temps libre à aménager au mieux la vie sur place. Le romantisme nous rend créatif, la réalité nous rend inventif, car il est facile d’aimer la montagne, de la contempler, de la rêver, mais qu’en est-il de la vivre ? Oh bien sur il serait possible d’aller plus loin, planter la tente sur les cimes, mais nous garderons ici le confort d’un toit, le sourire d’un voisin et l’arrivée par la porte, car ce qu’il est proposé de vivre ici n’est qu’une étape avant de faire le grand saut, un bivouac de préparation, une station d’observation des comportements, c’est l’aventure chez soi, mais l’aventure quand même... Tenter de vivre dehors sans vraiment y être, jouer aux aventuriers sans vraiment en être : écrire la fiction d’une semaine en pleine nature. 22 Propositions d’ajouts non exhaustifs Travaux à prévoir: - Dépose de la facade - Mise à nu de l’appartement (dépose du mobilier , électricité, chauffage ) - isolement des murs (pour les appartement voisins) On ne fait rien Tout est déjà là quelque part, chacun amménage, vit comme il peut/veut. À chacun son aventure. Un animal, la solution calorifuge ! La possibilité d’introduire un animal (vache, chèvre, bouc, mouton) On peut dormir contre, tenter de l’attraper, le tondre, le traire, lui raconter des histoires Les outils À disposition une pelle, une scie, un moule rectangulaire, un sceau. Tout le matériel nécessaire à la construction d’un mur de neige, d’un abris , d’une chaise longue, un banc... ex-sdb REFUGE L’instinct s’intruit À disposition, dans un recoin du refuge, une bibliothèque. Des livres utiles à la situation (copain des bois) le manuel de Bombard sur la survie seul en cannot, un guide des meilleurs restaurants de la station... Un sauna ! Et si l’espace de vie/dortoir/cuisine était aussi un sauna, on mélange tout, le poêle du sauna devient cuisinière... 4m2 pour tout. Pourquoi pas un jacuzzi sous la table ? ainsi les prestation de 4 étoiles se retrouvent mises à l’épreuve ! Plantes comestibles Pour pousser l’aventure jusqu’au bout, les murs sont recouverts de plantes comestibles... On mangea des graines au petit dej’ et quelques pissenlits à midi... • Propositions non exhaustives à décloisoner : Un animal, ça réchauffe ! La possibilité d’introduire un animal (vache, chèvre, bouc, alpaga, mouton...) On peut dormir contre, tenter de l’attraper, le tonte, lui chercher à manger ou toute autre activité calorifuge. Les outils on peut s’en servir ? À disposition une pelle, une scie, un moule rectangulaire, un sceau... Tout le matériel nécessaire u la construction d’un mur de neige, d’un abris , d’une chaise longue, un banc... Tout le monde dit qu’il fait bon dans un igloo et en plus, en été ça fond et on vit en plein air puisqu’il fait chaud ! Un sauna ! Et si l’espace de vie/dortoir/cuisine était aussi un sauna, on mélange tout, le poêle du sauna devient cuisinière... 4m2 pour tout. Pourquoi pas un jacuzzi sous la table ? ainsi les prestation de 4 étoiles se retrouvent mises à l’épreuve ! la cabane au fond du bois 24 EXPERIENCE " UN JORIS FAVENNEC , ÉLISE GROGNET, NICOLAS KOCH LIT 1 FORFA IT " Partant du raisonnement simple de la société ADS pour laquelle, économiquement, «un lit = un forfait», nous avons voulu réfléchir aux problèmes qui se poseraient et à l’expérience que cela produirait si cette équation était prise au pied de la lettre et poussée en avant à son maximum. Est-il possible de vivre à douze dans un espace prévu pour 5 cinq et dont les 30m2 ont déjà été largement optimisés ? Quels aménagements cela entraîne-t-il ? Quels rapports cela induit-il entre les usagers? Quelles conséquences économiques cela peut-il avoir à différentes échelles ? Avec «Un lit = 1 forfait», l’appartement est pensé comme un lieu de transition, la vie se fait à l’extérieur, comme dans les habitudes japonaises où les habitants peuvent très naturellement résider des années à l’hôtel (peu onéreux), sans l’habiter vraiment, pour seulement y dormir et se laver. Ici la cuisine n’a plus sa place, les repas se feront à l’extérieur. Le partage du budget de la location en douze permettra de consommer au restaurant sans trop le déséquilibrer, et nous avons pensé à un système de partenariat avec un bar/restaurant situé à proximité de l’appartement qui permettrait aux locataires de prendre leur petit déjeuner... Quelles retombées économiques cela peut-il avoir sur les commerces de la station des Arcs si le taux de remplissage se doublait comme se double l’occupation de cet appartement ? Jusqu’où l’ambition d’accueillir toujours plus de skieurs peut-elle aller avant d’atteindre son point de rupture ? Les Arcs se sont inventés comme toujours ouverts au plus grand nombre, est-il possible de renouveler aujourd’hui cette utopie ? Cette réflexion partant d’un postulat économique nous a amené à nous questionner sur nos habitudes culturelles occidentales, sur le rapport au corps, sur la question du vivre ensemble, sur la notion de confort. En réponse à ces questions nous proposons un espace où la notion de «partage» devient prééminente : partage de l’espace, de l’intimité, du rythme, … On partage vraiment tous, les odeurs d’après ski, le manque d’hygiène de ceux habitués à être seuls, les bruits des corps, le rapport à soi, à son corps, à celui des autres… Les insomnie des uns, mais aussi les confidences des autres, les histoires de la journée, les bonnes blagues... Les aménagements pensés offrent un décloisonnement radical des espaces personnels : la toilette peut être collective, les WC et les lavabos sont aussi à partager, un seul lit viendra accueillir le sommeil des 12 locataires. Le lit trouve d’ailleurs une place central dans l’appartement : on y dort, on s’y repose, on y bavarde, etc. Au centre de celui-ci se trouve l’éclairage principal de la pièce, autour duquel les locataires pourrons se rassembler tel autour d’un feu de camp, provoquant une certaine proximité entre eux. Le relatif décloisonnement des espaces sensibles (WC, douches) donnent le choix d’être accompagnés et de partager tous les temps de la vie, même les moments que la pudeur occidentale a l’habitude de nier, de cacher. Néanmoins, une organisation préalable avec le reste du groupe peut permettre de ne pas se faire violence si la situation est trop compliquée. Et c’est justement le dialogue qui va se mettre en place et les discussions qui peuvent découler de cette expérience de vie qui nous semblent pertinents : faire entrer dans les sujets de débat la question du corps, de l’intimité, de la pudeur, de nos habitudes, etc. La promiscuité entraînée par ce décloisonnement et l’exiguïté des espaces vient contraster avec la manière de vivre la montagne et le sport de glisse très individuelle en terme de sensation et d’expérience. Sur ses skis, on est tout seul dans sa tête, dans sa glisse. Personne n’a idée de ce que l’on ressent. Et s’il y a bien sûr une certaine émulation pour les skieurs qui pratiquent en groupe, si on se suit et partage les spots, le plaisir, les craintes, toutes les émotions fortes sont vécues seules. A l’inverse, le rythme est le même pour tous dans l’appartement… Cela pousse à sortir, à aller se promener dehors davantage que dedans. Les habitudes sont bousculées par le mouvement général généré par le groupe. La dynamique du collectif nous invite à faire des compromis, à réévaluer nos rituels. Et nous pouvons espérer en sortir grandis, comme après une intense aventure en montagne, avec nuits en refuge collectif. Nous souhaitons que ces conditions surprenantes de résidence et les accidents que cela peut produire sur le réel de chacun intensifient l’expérience des vacances «à la montagne», nourrissent les histoires des locataires et augmentent leur mythologie personnelle. Nous faisons l’hypothèse que le changement, l’accident, voire l’inconfort, peuvent produire de l’aventure, du légendaire et du merveilleux. La surface du lit est de 18,12 m2. Elle permettrait d’accueillir 10-11 adultes ou 12 personnes comprenant des enfants : par exemple 6 adultes et 6 enfants. (Les dimensions d’un couchage sont 190x70cm) 26 APPARTEMENT N° 1510 TYPE B EXPÉRIENCE 1 LIT = 1 FORFAIT Douches (2) WC 1 Penderie manteaux Penderie serviettes Penderie sacs de voyages WC 2 Lavabos (2) ESPACE COUCHAGES (10-12) Rangements matériel de sport FICHE PROJET - 24.06.13 Filets de rangement LES LAUZIÈRES - ARCS 1800 APPARTEMENT N° 1510 TYPE B EXPÉRIENCE 1 LIT = 1 FORFAIT FICHE PROJET - 24.06.13 ÉLISE GROGNET, JORIS FAVENNEC, NICOLAS KOCH LES LAUZIÈRES - ARCS 1800 ÉLISE GROGNET, JORIS FAVENNEC, NICOLAS KOCH APPARTEMENT N° 1510 TYPE B EXPÉRIENCE 1 LIT = 1 FORFAIT ÉQUIPEMENTS SPORTS Pour aménager l’appartement, nous envisageons d’utiliser des articles de sport, notamment issus de l’escalade et de la randonnée. Pour les équipements d’escalade, PETZL offre une gamme de produits colorés, diversifiés et de bonne facture, correspondant à l’image des Arcs. Pour le couchage, QUECHUA semble être un fabricant intéressant, pouvant fournir une bonne quantité de matelas. Faire appel à cette marque fait également écho à notre démarche «low cost», en proposant des conditions d’hébergement de masse, tournées vers le grand public. FICHE PROJET - 24.06.13 LES LAUZIÈRES - ARCS 1800 ÉLISE GROGNET, JORIS FAVENNEC, NICOLAS KOCH RÉPARTITION COUCHAGES EXPÉRIENCE 1 LIT = 1 FORFAIT La surface du lit est de 18,12 m2. Elle permettrait d’accueillir 10-11 adultes ou 12 personnes comprenant des enfants : par exemple 6 adultes et 6 enfants. (Les dimensions d’un couchage sont 190x70cm) 10 COUCHAGES 11 COUCHAGES FICHE PROJET - 24.06.13 LES LAUZIÈRES - ARCS 1800 ÉLISE GROGNET, JORIS FAVENNEC, NICOLAS KOCH "UN PO U R 28 ELISE GROGNET, LÉA BARBIER, ELÉONORE PANO-ZAVARONI, MATHILDE GULLAUD, JASON MICHEL AP PA RT EM IR O EN TR AIS ON NE " En opposition au fonctionnement cyclique et ininterrompu des remontes pente, à la cadence du flux de vacanciers qui cultivent le fait d’être seuls ensemble, des opérations publicitaires et au conditionnement (à l’image du mall américain) qui facilite l’acte de consommation, nous voudrions proposer une rupture avec cette mécanique touristique hérité du siècle dernier par le biais d’un espace qui évacue le superflu et questionne nos habitudes contemporaines celles de la consommation excessive, de l’omniprésence des réseaux et des médias. Comment découpler le rythme de notre société industrielle, libérale et mondialisée, sa cadence et ses modes de vie dont les effets courent jusque dans le tourisme de masse ? A la montagne, en vacances, n’estce pas le lieu où toucher du doigt ces questions ? Celles du temps libre, du repos, de l’ennui et de l’être ensemble ? Le scénario pour «un appartement raisonné» souhaite créer un dispositif où est soupesé ce qui est aujourd’hui nécessaire pendant une semaine de vacances. Que venons-nous chercher dans cet espace-temps autre ? Qu’espérons-nous trouver aux Arcs en particulier ? Quelle alternative proposer à la stimulation permanente S C E N A qui remplit les vies ? Nous souhaitons réfléchir à la question des besoins et à leur hiérarchie, à l’évolution de la place de certains d’entre eux dans notre quotidien. En sociologie il existe deux grandes catégories de besoins: des besoins vitaux, physiologiques dits primaires (manger, dormir, respirer) et des besoins secondaires, sociaux comme se laver, porter des vêtements, etc. Nous souhaiterions à travers cette expérience proposer aux locataires le temps d’une semaine de réévaluer ces deux catégories, questionner les nuances entre les termes de besoins, d’envie et de désir. La globalité de l’appartement, de son agencement architectural aux ustensiles de cuisine, est défini par notre rapport à ce qui nous est essentiel ou ce qui peut être jugé superflu. — L’espace d’entrée marquera ainsi une transition entre le monde extérieur et la tranquillité de l’appartement, pour se décharger, déposer ses équipements de ski, ses bagages, ses accessoires électroniques, marquer une rupture entre le dehors et le dedans, pointer le seuil entre les différents rythmes vécus. — L’espace de séjour sera l’occasion d’expérimenter une concentration sur «l’essentiel» par le biais d’objets modérateurs, ouverts sur une consommation raisonnée, répondant aux besoins primaires. La vie dans l’espace de l’appartement est axée autour d’un mobilier, qui problématise chaque fonction essentielle de l’habitat (dans le contexte particulier des Arcs). Chaque point, s’alimenter (boire/ manger), dormir, se laver, s’attabler, ranger, se chauffer, s’éclairer, fait l’objet d’une production qui perturbe et donc questionne nos pratiques habituelles (banales et exécutées par habitude, voire par réflexe). La production des objets de cet appartement dispositif est, elle aussi, en marge du système productif de masse et sa standardisation. Elle reposera sur la réutilisation des éléments existants et le savoir-faire d’artisans. 1.1. Un espace «déconnecté» Le terme de vacance vient du latin vacare qui signifie «être sans». Peut-on envisager l’espace sans prise électrique pour marquer ce temps de pause dans une activité relationnelle toujours soutenue même quand on est «absent» de son lieu de vie traditionnel (pas de téléphone portable, pas d’ordinateur, pas d’internet). Créer ce que le politologue Yves Citton appelle «une brèche dans la gestion de l’existence» qu’impose la logique de notre société et en particulier dans le fait de devoir toujours être disponible. Penser le temps dans l’appartement comme un temps déconnecté. Deux solutions sont alors envisagées (mais ne sont pas tranchées à ce stade du projet) : - aucune prise électrique n’est proposée, les vacanciers ne peuvent utiliser leurs appareils durant leur séjour. - un dispositif plus modéré dans lequel, on imagine un meuble placé à l’entrée. Un meuble dans lequel les portables sont posés, «enfermés» et dans lequel ils ne sont plus connectés. Il s’agit d’un consensus, un choix consenti par le vacancier qui a la possibilité de se couper du contact permanent durant un, deux, trois jours, voire une semaine. Néanmoins, cette question du choix est ouverte aux deux solutions puisque le vacancier choisit cet appartement en toutes connaissances de cause de l’expérience qu’il va vivre. En hiérarchisant les besoins (primaires, secondaires), on constate que certains de nos gestes habituels se sont déplacés d’une catégorie à l’autre. Aujourd’hui il est difficile pour une majorité d’entre nous de concevoir le développement d’une journée sans la présence de notre téléphone portable. Vient ensuite l’utilisation d’internet, aujourd’hui possible à peu près partout. Ce qui relève d’un besoin social (être joignable, pouvoir travailler partout,etc) est devenu une nécessité. Sans porter un discours moralisateur ou réactionnaire sur ce point, mais puisqu’il s’agit de penser un séjour de repos et de loisir à la montagne, et dans la lignée de la pensée d’Yves Citton, peut-on proposer une expérience de «déconnection» pendant une semaine ? Qu’est-ce que cela produit sur nos comportements, sur notre manière d’être ensemble ? Que cela génère du stress, une grande frustration ou au contraire un grand soulagement, cela questionne la place qu’ont pris aujourd’hui ces objets connectés dans notre quotidien. Au sein d’une famille par exemple, on peut noter que la présence du téléphone portable pour chacun des membres est à la fois d’une utilité incontestable et à l’origine d’un déplacement de l’attention qui peut mettre à mal la tranquillité du groupe. Chaque membre est soumis à ce paradoxe, pensant souvent que son usage du téléphone est plus légitime que celui des autres : les responsabilités professionnelles qui se prolongent pendant la semaine de vacances et qui viennent ronger les soirées au regret du reste de la famille et de l’autre côté, les repas ponctués par les multiples échanges de textos ou les appels intempestifs à n’importe quel moment de la journée, au milieu de n’importe quelle discussion. Peut-on envisager de vivre pendant un temps précis (ici une semaine) sans ces extensions et prothèses sociales ? Que peut produire cette expérience, au sein d’un groupe et pour un individu ? Retirer la possibilité de recharger un quelconque appareil à aussi des conséquences sur l’utilisation de caméra ou d’appareil photo. Ces outils d’enregistrement mis hors jeu, cela pose le doigt sur notre rapport au temps qui s’écoule, à la manière de vivre les choses et par extension à notre dépendance aux images. Pourquoi le fait d’empêcher les gens de filmer ou prendre des photos les empêcherait-il d’avoir des souvenirs ? N’existe-t-il pas d’autres moyens de mémorisation que celui des images ? Ne faudrait-il pas réapprendre à raconter les histoires ? A-t-on vraiment besoin de tuteurs pour notre mémoire? Ne peut-on pas vivre les choses pour soi, avec ceux qui sont présents, pour l’instant que ça produit, ici et maintenant plutôt qu’à travers un écran ou dans une perspective de représentation sociale 30 à plus ou moins long terme ? Aujourd’hui la télévision trouvent au sein de nombreux foyers une place centrale, au sens propre comme au figuré. En effet dans de nombreux espaces dédiés à «l’être ensemble» (salon, chambre, séjour), elle occupe souvent une place de choix, comme un membre ultime du groupe ou de la famille. Alors que ce qui concerne la préparation des repas est souvent relayé à l’arrière plan, nous proposons que ce soit cette activité qui trouve dans l’espace principal une place essentielle. Les repas et leur confection deviennent prééminents, offrant des moments de convivialité et de partages libérés des fruits de la télévision (bruits, images). Les moments de repos sont aussi reconfigurés sans cet élément. Il faut réinventer une manière de vivre son temps libre : lire, discuter, aller se balader, jouer, réfléchir, etc. Les ustensiles et la vaisselle présents dans cet espace sont eux aussi modérés, offrant ce qui nous a semblé être le nécessaire pour une cuisine à cinq. Par exemple un seul service verre/assiette/couverts/bol est proposé par personne. 1.2. Rendre concrète la consommation d’eau Nous souhaitons interroger l’idée de «consommation» en réfléchissant à un procédé qui, sans mettre à mal les notions de confort et de fonctionnalité, engendre de nouvelles habitudes d’usage de l’eau. Nous imaginons deux points d’eau, un dans l’espace cuisine, un dans l’espace salon, qui seraient déconnectés du système d’évacuation, qui auraient pour objectif d’avoir une consommation raisonnée et raisonnable de l’eau et ce par un simple déplacement, un «pas de côté» entre l’évacuation et le robinet. L’évacuation serait communicante sous la cloison entre la salle de bain et le salon, permettant de déverser l’eau usée de chaque côté de la paroi. L’évacuation de la douche se fera par la même évacuation centrale. Ludique et pédagogique, ce dispositif est pensé comme un outil à générer des conversations, des débats, au sein des groupes et des familles et à rationnaliser la quantité d’eau que nous utilisons. La présence d’une baignoire nous semblait incohérente dans ce soucis de régulation de l’eau, nous proposons alors de réorganiser la salle de bains. Une douche est présente derrière la paroi du lavabo, dont l’évacuation se fera par la même évacuation centrale que celle des deux points d’eau. Autre chose encore : la présence d’un miroir est-elle nécessaire ? Nous souhaitons là aussi poser un problème : modifier notre rapport à notre image en proposant un espace sans reflet, faire l’expérience d’un temps où l’on ne se préoccupe pas de son apparence, sur les pistes comme dans l’appartement. Juste être là, être ensemble, ne rien avoir à prouver, ni à soi ni aux autres. 2. Utiliser d’autres modes de production Le deuxième axe de travail qu’a engendré cette réflexion nous a conduit à interroger les moyens de production que nous pourrons adopter, la question du geste, du faire, et inscrire le projet dans une logique de recyclage et d’adaptation. Cette réutilisation des matériaux répond à une logique circulaire, celle des cycles où la circulation, la transformation sont les principes de base du vivant. Plusieurs voies sont explorées : - Matériau composite. Transformer les éléments et récupérés dans les appartements rénovés en matières premières. Conception des contenants (cuisine, salle de bains) et des modules chaud/ eau et modules s’asseoir/s’attabler/se reposer via un moulage du matériau composite créé à partir des éléments existants. - Mise en valeur de l’existant, rendre apparentes les strates accumulées dans la conception du mobilier. - Ajout d’autres matériaux dans la conception par réutilisation. Fragment d’élément existant lié à un autre bois, ou un autre matériau type résine, verre, etc. 1. Raisonner et modérer les usages Pyramides des besoins par espace Salle de bains Cuisine Salon 1.2. Régulation de la consommation d’eau Nous souhaitons interroger l’idée de «consommation» en réfléchissant à un procédé qui, sans mettre à mal les notions de confort et de fonctionnalité, engendre de nouvelles habitudes d’usage de l’eau. Nous imaginons deux points d’eau, un dans l’espace cuisine, un dans l’espace salon, qui seraient déconnectés du système d’évacuation, qui auraient pour objectif d’avoir une consommation raisonnée et raisonnable de l’eau et ce par un simple déplacement, un «pas de côté» entre l’évacuation et le robinet. L’évacuation serait communicante sous la cloison entre la sdb et le salon, permettant de déverser l’eau usée de chaque côté de la parois. L’évacuation de la douche se fera par la même évacuation centrale. Ludique et pédagogique, ce dispositif est pensé comme un outil à générer des conversations, des débats, au sein des groupes et des familles et à rationnaliser la quantité d’eau que nous utilisons. La présence d’une baignoire nous semblait incohérente dans ce soucis de régulation de l’eau, nous proposons alors de réorganiser la salle de bains. Une douche est présente derrière la parois du lavabo, dont l’évacuation se fera par la même évacuation centrale que celle des deux points d’eau. La présence d’un miroir est-elle nécessaire? Nous souhaiterions questionner notre rapport à notre image en proposant un espace sans reflet, faire l’expérience d’un temps où l’on ne se préoccupe pas de son apparence, sur les pistes comme dans l’appartement. Juste être là, être ensemble, ne rien avoir à prouver, ni à soi ni aux autres. Scénario retenu 1 point d’eau + 1 contenant 32 2. Questionner les modes de production Le deuxième axe de travail qu’a engendré cette réflexion nous a conduit à interroger les moyens de production que nous pourrons adopter, la question du geste, du faire. Pouvons nous être dans une logique de recyclage, d’adaptation, faire avec l’existant, négocier avec le réel, «opposer à la frénésie et l’agitation perpétuelle de la nouveauté la stabilité d’un geste et d’un soin traditionnel ce qui est» (Serge Carfatan) Cette réutilisation des matériaux répond à une logique circulaire, celle des cycles où la circulation, la transformation sont les principes de base du vivant. Plusieurs voies sont explorées : - Matériau composite. Transformer les éléments existants en matières premières. matériau composite: sciure de bois + Bio résine, Marjan Van Aubel Conception des contenants (cuisine, salle de bains) et des modules chaud/eau et modules s’asseoir/s’attabler/se reposer via un moulage du matériau composite créé à partir des éléments existants. Il nous faut rencontrer des artisans menuisiers afin de voir la faisabilité d’un tel process. Waste-Ware, Vogel Matthijs - Mise en valeur, rendre apparentes les strates accumulées dans la conception du mobilier. - Ajout d’autres matériaux dans la conception par réutilisation. Fragment d’élément existant lié à un autre bois, ou un autre matériau type résine, verre, etc. Hemp Chair, Werner Aisslinger DÉPOSER LA SALLE DE BAINS 34 CONCLUSION Cette première séquence de travail s’achève avec la naissance de la revue L.A, qui viendra accompagner les différentes étapes du programme de recherche de l’Agence Arcadienne. Ce numéro recense quelques pistes et cristallise les réflexions menées pendant l’année 2013, comme un premier bilan, la première pierre d’une recherche sur la question de la notion d’habiter dans le contexte particulier des stations. Après s’être concentrée sur les 29 m2 des cellules de l’immeuble des Lauzières, l’équipe intègre temporairement un espace à Arc 1600 pour réfléchir à une problématique plus générale : quels scénarios prospectifs d’habitat et de vie peut-on proposer dans la station des Arcs ? Un premier temps de travail du 20 février au 3 mars 2014 accueillera une équipe encadrante (Carine Bonnot, Joris Favennec, Elise Grognet et Nicolas Koch) et un groupe d’étudiants issus de l’ESAAA et de l’IUG (Institut d’Urbanisme de Grenoble). Se voulant intensifs et investis dans la saison touristique d’hiver, ces quinze jours sur place permettront d’arpenter la station des Arcs, d’aller à la rencontre de ses habitants (vacanciers et permanents), de dégager de nouvelles pistes de réflexion, et de développer une approche créative de ce territoire. Plusieurs thématiques de travail seront abordées pendant ce workshop : - Les Arcs : la construction d’une utopie (l’architecture moderne dans un paysage de montagne, l’ambition de la promotion immobilière, le «loisir» de masse et ses conséquences sur les modes d’habiter les origines et la fabrication du site, la réalité contemporaine…) - Les Arcs, l’artifice et le folklore (l’image mondiale des Arcs, l’artificialité de la construction, l’invention d’un mode de vie et l’appropriation contemporaine, le folklore, le régionalisme, le souvenir, la montagne comme icône…) - Les Arcs : réactiver l’existant (les espaces vides, les espaces oubliés des années 1970, espaces publics, espaces communs, hall, circulations, toitures, les délaissés, le rapport au territoire, au paysage, à la nature…) - Les Arcs : l’aventure (la présence des sports extrêmes, le loisir contemporain, le refuge, la cohabitation d’individus, le climat, la randonnée, les dérives…). L.A est une publication de l’ESAAA Adresse : 52 bis rue des Marquisats 74000 Annecy Responsable publication : Stéphane Sauzedde Coordination : Carine Bonnot Rédacteurs : Carine Bonnot, Joris Favennec, Elise Grognet, Nicolas Koch Conception graphique : Bartolomé Sanson Remerciements : Ghislaine Volpe, Laurent Chelle, Jean-Marie Chevronnet, Agence Alpeva. Crédits photographiques : Agence Arcadienne, Yves Capy. Depuis le début de l’Agence Arcadienne, le groupe de recherche a travaillé avec : - les étudiants-chercheurs des 3e cycle de l’ESAAA et de l’ESADSE Elise Grognet Nicolas Koch Eléonore Pano-Zavaroni Joris Favennec Léa Barbier Mathilde Gullaud Jason Michel Paul Buros Fei Qi - les étudiants de l’ESAAA : Clémentine Viallon Natacha Rottier Mélissa Traore Simon Thibert Antoine Félix - les étudiantes de l’Institut d’Urbanisme de Grenoble : Mélody Benoît-Cattin Lauriane Bererd - les architectes : Carine Bonnot Thibaut Candela Yann Damiani - les enseignants Stéphane Sauzedde Naïm Aït-Sidhoum Marc Monjou Rodolphe Dagniaux 36