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Le Bien dans les choses

2013

Regardez les murs de la ville : ils regorgent d’écrits et d’images qui nous disent comment mieux vivre, comment être nous‐mêmes, comment devenir moraux. Pour qui sait la regarder, la publicité est porteuse de la morale publique. Si c’est le cas il faut revenir avec plus de soin sur ce qui relie espace public et publicité. Le premier a mobilisé l’attention des philosophes et des sociologues ; la seconde a attiré la foudre des moralistes. Et pourtant, la publicité exprime la morale à venir. Pour le reconnaître, il faut opérer une véritable conversion du regard : la morale n’est pas renfermée dans le rapport que nous entretenons avec les hommes et les femmes qui nous entourent ; elle est aussi, et pour une grande part, dans le rapport que nous avons avec les choses. La ville murmure, bruisse, s'exprime et, s'exprimant, elle ne cesse de nous parler, moins des êtres et des dieux que des choses. Des choses elles- mêmes. Dans l'espace symbolique, où les monuments anciens sanctifiaient et honoraient les Dieux, la Cité ou les Morts, un discours monte qui ne fait que parler des choses. Ce discours célèbre leur valeur et loue le bonheur qu'elles recèlent. Forme moderne de la littérature et de l'iconographie monumentale propre à l'espace politique, la publicité est un discours moral, où se dit de la manière la plus immédiate et la plus forte l'ethos de notre temps. Et comme tout discours moral, elle exprime et présuppose une doctrine morale sur la nature du Bien, sur sa façon d'exister, sur la relation possible aux hommes. Qu'on y prenne garde : le Bien dont elle parle ne coïncide plus avec les Dieux, la Cité ou les Morts. Il n'existe que dans les choses, quel que soit leur disparate. Regardons les murs des villes, et l'on découvrira la vraie nature des marchandises : avant d'être le résultat d'une production, l'élément de l'économie globale ou même l'objet de la consommation, toute marchandise est l'objet du discours public qu'on lit à même la ville et qui structure l'espace urbain. L'économie marchande est un ordre moral qui s'efforce de penser, de dire et de produire le Bien comme ce qui est immanent aux choses.

le bien dans les choses ok_Bibliotheque 12/09/13 17:13 Page7 Format : 120 x 195 mm Film : Cyan Magenta Jaune Noir C M J N EMANUELE COCCIA C M J N EMANUELE COCCIA Le Bien dans les choses Traduit de l’italien par Martin Rueff Le Bien dans les choses Regardez les murs de la ville : ils regorgent d’écrits et d’images qui nous disent comment mieux vivre, comment être nous‐mêmes, comment devenir moraux. Pour qui sait la regarder, la publicité est porteuse de la morale publique. Si c’est le cas il faut revenir avec plus de soin sur ce qui relie espace public et publicité. Le premier a mobilisé l’attention des philosophes et des sociologues ; la seconde a attiré la foudre des moralistes. Et pourtant, la publicité exprime la morale à venir. Pour le reconnaître, il faut opérer une véritable conversion du regard : la morale n’est pas renfermée dans le rapport que nous entretenons avec les hommes et les femmes qui nous entourent ; elle est aussi, et pour une grande part, dans le rapport que nous avons avec les choses. Emanuele Coccia est maître de conférences à l’EHESS. Il est l’auteur de La Vie sensible. EMANUELE COCCIA Le Bien dans les choses C M J N RIVAGES / Bibliotheque Rivages 13,80 € Bibliothèque www.payot‐rivages.fr Couverture : D.R. Collection Bibliothèque dirigée par Lidia Breda Bibliothèque Rivages Dos : 14,5 mm C M J N