H e r v é Ca r i o u
Maya
L’Histoire de
la population
maya
Maya
Image : Hervé Cariou | Domaine public
H e r v é Ca r i o u
Maya : L’Histoire de la population maya
Licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Publication : 2022 | seconde édition revue et corrigée
Du même auteur :
1. Scythia : L'étonnante Histoire de l'antique Irlande
2. Brittia : L’Histoire méconnue des Bretons
3. Keltia : L’étrange Histoire des Celtes
4. Nâga : L'Histoire de la population nâga
5. Maya : L’Histoire de la population maya
6. Luzia : L’Histoire ancienne du Nouveau Continent
7. Gaia : La Préhistoire revisitée
8. Koya : Les indices de la "génohistoire"
9. Sela : Des témoignages historiques surréels
10. Troia : L’Histoire de la Nouvelle-Troie
11. India : Les origines de l’Inde
12. Namaka : Les origines des peuples antiques
13. Europa : Les origines des Européens
14. Brittia II : Du Kalimantan à la Bretagne
15. NRYN : L’origine inconnue de notre humanité
16. Scythia: The Amazing Origins of Ancient Ireland
17. Ibéria : L’énigme proto-ibère
18. Furia : Les deux guerres mondiales décodées
19. Tè Ra : Quand l’Histoire dépasse la fiction
20. Origins of the Celts (sous le pseudonyme Cryfris Llydaweg)
21. Futuria : Le futur proche décodé
Introduction
Selon un récit antique de l’Inde, le Mahabharata qui relate la guerre des Bhārata,
un architecte du nom de « Maya Danava » était contemporain du conflit. Selon le
livre sacré des anciens Perses, le « pur » Aeta était fils de Mâyava et descendant de
Maya. Selon un autre texte de l’Inde antique, le Bhâgavata purâna, Mâyâ est une
proche de Nârâyana, le « créateur » selon la tradition védique.
Selon le Bardo Thödol, le livre des morts tibétain, « maya » désigne l’illusion, le
« Anna-maya-kosha » est notre enveloppe physique, le « Mano-maya-kosha » est
celle de notre conscience, le « Vijñāna-maya-kosha » celle de notre subconscient,
etc. En sanscrit, « maya » désigne effectivement l’illusion.
Nous savons tous que les Maya (sans « s ») étaient une population de l’Amérique
du Sud et qu’elle serait aujourd’hui éteinte. Nous allons tenter de démontrer qu’elle
est loin d’avoir disparu.
Maya : L’Histoire de la population maya
L’Obervatoire (astronomique) | Site archéologique de Chichén Itzá
Photo : Hervé Cariou | Domaine public
2012 : la « fin » du calendrier maya
La dernière fois que les Maya ont fait l’actualité, c’était en 2012. Cette année-là, les
auteurs à sensation ont lié la fin du « cinquième soleil » des cycles mineurs mayas
avec une ancienne croyance maya selon laquelle la prochaine destruction du
monde se ferait par le feu. Or, les Maya n’ont jamais fait ce lien.
Au-delà d’un calendrier annuel différent du nôtre, les Maya utilisaient :
une période de 7 200 jours (20 ans environ)
un groupe de 20 périodes (soit 394 ans environ)
un cycle mineur (dit « compte long ») de 260 périodes (soit 5 125 ans)
un cycle majeur de 18 980 périodes (soit 374 000 ans)
Chaque cycle majeur compte donc 73 cycles mineurs. En 2012, nous avons
seulement quitté un cinquième cycle mineur de 5 125 ans. Dans notre cycle majeur
actuel, il reste donc 68 cycles mineurs (73 - 5), soit près de 350 000 ans…
Pour les Maya, une période de 20 ans correspondait à une période climatique et à
la grande conjonction (Jupiter-Saturne). Un groupe de 20 périodes correspondait
à une grande période climatique (la période synodique de Jupiter ?). Un cycle
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Maya : L’Histoire de la population maya
mineur correspondait à un stade d’évolution du monde (?). Et la signification du
cycle majeur n’est pas connue.
Le tableau ci-dessous présente les cycles mineurs récents (stade d’évolution du
monde). Les Maya les appelaient « soleils ».
Cycle mineur
Nouveau s ol ei l
Ci nqui ème s ol ei l
Quatri ème s ol ei l
Début (année)
2 012
-3 113
-8 239
Fin (année)
7 137
2 012
-3 113
Troi s i ème s ol ei l
Deuxi ème s ol ei l
Premi er s ol ei l
-13 364
-18 489
-23 615
-8 239
-13 364
-18 489
Stade d'évolution
Cycl e i ni ti al de l 'archi tecture, des arts et de l a
s pi ri tual i té
Cycl e i ni ti al de l 'horti cul ture
Cycl e i ni ti al de l 'agri cul ture et de l a poteri e
Stade pri mi ti f
Le second tableau ci-dessous présente les quatre dernières grandes périodes
climatiques (sur treize) du cinquième « soleil ».
Cycle mineur
Nouvea u s ol ei l
Ci nqui ème s ol ei l
Ci nqui ème s ol ei l
Ci nqui ème s ol ei l
Ci nqui ème s ol ei l
Groupe périodique Groupe périodique
Note
(début)
(fin)
2 012
2 406
1 618
2 012
Aux a l entours de 1600, l es gens pa ti na i ent s ur l es ca na ux
gl a cés de Hol l a nde
1 223
1 618
Aux a l entours de 1200, des gl a ci ers a va ncèrent da ns l a
mer d'Irl a nde
829
1 223
435
829
Aux a l entours de 450, refroi di s s ement da ns l 'hémi s phère
nord
Les Maya croyaient que la prochaine destruction du monde se ferait par le feu mais
n’ont jamais fait le lien avec la fin du « cinquième soleil ». Cette croyance pourrait
être basée sur une tradition orale selon laquelle la dernière destruction avait été
un « butic » (parfois traduit par « déluge »). Les Maya avaient identifié les
éléments majeurs : terre, eau, feu... Après l’eau, le feu ?
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Maya : L’Histoire de la population maya
Ancien palais maya-puuc | Site archéologique de Kabah
Photo : Hervé Cariou | Domaine public
Les acquis de l’archéologie
On tente de résumer les principales découvertes archéologiques concernant les
Maya. Nous allons utiliser la chronologie du cinquième « soleil » qui débute en
3113 av. J.-C. et qui se termine en 2012, soit une durée de 5125 ans. Enfin, nous
allons subdiviser ce « soleil » avec ses 13 grandes périodes climatiques de 394 ans
chacune.
Les découvertes archéologiques les plus anciennes datent de la 3e période
climatique maya (-2325/-1931). À l’époque, on assiste à l’essor de la civilisation
olmèque, dont sont issus de nombreux aspects de la civilisation maya.
On passe directement à la 6e période climatique (-1142/-748). Pour l’archéologie,
c’est les débuts officiels de l’architecture cérémonielle maya. Ensuite, lors de la 8e
période (-354/41), on assiste à la multiplication des sites et à une activité
architecturale intense, signe d’un fort accroissement de la population. Lors de la
période suivante (41/435), des tensions apparaissent. Pour l’instant, l’archéologie
ignore la cause : crise de croissance, invasion, etc.
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Maya : L’Histoire de la population maya
Lors de la 10e période (435/825) qui correspond à la chute de l’empire romain en
Occident, les rivalités sont fortes entre « cités-États ». La période suivante
(829/1223) marque le déclin de la civilisation maya : pour une raison inconnue, la
quasi-totalité des cités mayas se dépeuple.
Enfin, la 12e période (1223/1618) est fatale. Les Nahuas du Mexique central (les
Aztèques formaient un groupe nahua) supplantent les Maya. Lorsque les
conquistadors espagnols posent le pied sur les terres mayas, c’est l’hallali : la petite
vérole « importée » par les Occidentaux décime la population.
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Maya : L’Histoire de la population maya
En contre-bas, un palier de la pyramide de Kinich Kak Moo
Photo : Hervé Cariou | Domaine public
Les pyramides mayas
Le Guatemala actuel est le territoire de fondation de la civilisation maya qui
s’exportera jusqu’aux terres actuelles de la péninsule du Yucatán au Mexique. Par
exemple, la pyramide d’El Mirador, au beau milieu d’une jungle guatémaltèque, a
un volume de pierres équivalent à celui de la grande pyramide d’Égypte (Chéops).
Rien de moins. L’égyptologie a déjà du mal à comprendre comment une population
antique a pu déplacer un tel volume de pierres dans un désert égyptien.
La quatrième plus grande pyramide d’Amérique, Kinich Kak Moo (Izamal,
péninsule du Yucatán), est totalement en ruines mais les dimensions de sa base
sont similaires à celles d’El Mirador. Les grandes pyramides mayas se caractérisent
par des paliers habitables (et autrefois habités) suffisamment vastes pour héberger
à temps plein des centaines voire des milliers de personnes.
En visitant les sites de la péninsule du Yucatán, un autre élément est frappant :
trois architectures différentes cohabitent sur plusieurs sites. La première est
composée de petites pyramides à degré (ou palier) dont les angles sont saillants.
La seconde est composée de grandes pyramides avec ou sans paliers dont les angles
sont saillants ou arrondis. Enfin, la troisième est composée de bâtiments dits
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Maya : L’Histoire de la population maya
« Puuc », en référence à une dynastie qui était contemporaine de la civilisation
gréco-romaine.
À ce sujet, l’architecture Puuc n’avait rien à envier à l’architecture gréco-romaine
et la similitude entre les palais et les arcs (arches) Puuc et ceux de la civilisation
gréco-romaine est intéressante.
Concernant les pyramides, les religieux à l’époque des conquistadors espagnols
s’étaient renseignés auprès des populations et des élites locales pour savoir qui
avait les construites. Et pourquoi ? Ni la population ni l’élite de l’époque n’étaient
en mesure de répondre à ces questions. Et même de nos jours, ces questions sont
toujours sans réponse.
Si l’on jette un pont entre les civilisations, on pourrait avancer l’idée que les
bâtisseurs des pyramides mayas étaient des contemporains des anciens Égyptiens
tout comme les Puuc étaient des contemporains des Grecs de l’Antiquité. Cela
revient à dire que sur deux continents différents, deux populations sans lien entre
elles avaient la même motivation pour construire des pyramides. Mais quel
évènement à l’échelle de deux continents aurait pu générer cette motivation
commune ?
Les géologues accumulent les indices sur de gigantesques tsunamis qui
précédèrent l’époque de fondation de Jéricho (Proche-Orient), la plus ancienne
cité connue. Avant ces inondations, l’urbanisation (et l’architecture associée) se
faisait en « largeur » et les plus hauts bâtiments en pierre ne dépassaient pas
quelques mètres.
L’hypothèse est la suivante. Après les inondations, l’urbanisation (et l’architecture
associée) se faisait en « hauteur » car les populations demeuraient dans la crainte
que les inondations recommencent. Les paliers habitables sont peut-être les
témoignages de cette crainte. Et au fil du temps, les hommes ont cessé de
construire ces paliers mais ont continué de construire des pyramides (plus petites)
pour des raisons qui restent à élucider.
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Maya : L’Histoire de la population maya
Site archéologique d’Ek Balam
Photo : Hervé Cariou | Domaine public
Charles Étienne Brasseur de Bourbourg
Charles Étienne Brasseur de Bourbourg (1814-1874) naît à… Bourbourg (près de
Dunkerque, France). Il poursuit sa scolarité à Gand (Belgique) pour y étudier la
théologie et la philosophie. Puis il publie quelques essais historiques et quelques
romans. L’un d’entre eux, Le Sérapéon, fut critiqué pour ses similitudes avec un
roman de Chateaubriand, Les Martyrs. Brasseur de Bourbourg endurera ce genre
de critiques tout au long de sa carrière d’auteur.
Il déménage à Rome et à l’âge de 30 ans, il entre dans les ordres. Suite à une
initiative de l’abbé canadien, Léon Gingras, il quitte l’Europe pour la colonie
britannique de la province du Canada (ex-Nouvelle France) en s’arrêtant à Boston
en chemin. À son arrivée à Québec, il travaille comme professeur d’histoire
ecclésiastique au séminaire de Québec.
Il retourne à Boston où il occupe un emploi au diocèse. L’évêque de l’époque, John
Bernard Fitzpatrick, le nomme ensuite vicaire général. Il projette un voyage en
Amérique centrale et retourne même en Europe pour étudier les archives romaines
concernant cette région du monde.
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Maya : L’Histoire de la population maya
De 1848 à 1863, il voyage comme missionnaire dans plusieurs régions du Mexique
et d’Amérique centrale. Au cours de ces voyages, il accorde une grande attention
aux antiquités mésoaméricaines. Il se familiarise également avec l’histoire des
civilisations précolombiennes dont les monuments étaient peu connus.
À partir de 1857, il commence à publier sur le sujet. Entre 1861 et 1864, il édite à
son compte une compilation de documents rédigés en langues mésoaméricaines.
Brasseur de Bourbourg était la référence française de la civilisation maya du fait
qu’il a partagé pendant quinze ans le quotidien de populations issues des
civilisations précolombiennes et notamment celles de la civilisation maya.
Son principal ouvrage sur les Maya est son étude en deux volumes sur le manuscrit
Troano. Ce manuscrit fut expédié à Madrid (d’où son nom de codex de Madrid) à
l’époque de Cortés. Rédigé en caractères phonétiques (glyphes), il serait originaire
du Yucatán et n’est pas complètement déchiffré. Qu’en pensait Brasseur de
Bourbourg ?
« Cette écriture, quelle était-elle ? Il est indubitable qu’il s’agissait d’une écriture
phonétique. Les preuves en ont été apportées déjà trop souvent pour qu’il soit
nécessaire d’insister désormais à cet égard. L’alphabet conservé par Landa, et
que nous reproduisons textuellement un peu plus loin, en est le témoignage le plus
positif. D’après les exemples cités par cet écrivain, on ne saurait, néanmoins,
déclarer d’une manière absolue que les Mayas eussent une manière d’écrire
entièrement alphabétique, bien que tout porte à le croire. »
À propos de « Landa », Diego de Landa Calderón était un moine franciscain (15241579), connu pour être le premier et l’un des meilleurs chroniqueurs du monde
maya. Il fut le premier à proposer un alphabet-clé pour décrypter les manuscrits
mayas mais échoua dans le déchiffrement. Paradoxalement, il s’acharna aussi à
détruire les vestiges de cette civilisation. Il fit notamment brûler presque tous les
manuscrits mayas (codex) d’Amérique. Les historiens s’interrogent encore sur les
motivations d’un tel revirement.
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Maya : L’Histoire de la population maya
Auteur : Brasseur de Bourbourg | Domaine public
L’écriture logosyllabique
L’écriture maya est un système logosyllabique (comme le chinois écrit). Un glyphe
peut représenter un mot (un morphème) ou une syllabe et cela ne facilite pas le
déchiffrement. Les glyphes sont disposés dans deux blocs verticaux et se lisent de
gauche à droite et de haut en bas. Cela n’est pas sans rappeler les blocs de l’alphabet
officiel du coréen, le hangul, mais la comparaison s’arrête là.
L’écriture maya pourrait donc être une écriture asiatique car selon la tradition
chinoise, les caractères chinois furent créés il y a 5 000 ans et selon l’archéologie,
la civilisation maya a tout au plus 4 300 ans.
Dans le premier volume de son ouvrage, Brasseur de Bourbourg présente une
modification de l’alphabet-clé de Landa et propose des traductions libres d’une
vingtaine de sections du Troano.
« La terre soulevée s’est accrue en s’élevant. Morte elle était demeurée sans
vigueur, abîmée sous les eaux amoncelées. Elle est sortie de la calebasse
descendue peu à peu : elle a monté, surface descendue, foyer caché fait de la lave
en ébullition qui a amoncelé les feux ; puis a débordé l’énergie volcanique, foyer
profond qui a soufflé de la terre changée en eau. »
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Maya : L’Histoire de la population maya
Cela semble décrire les impacts d’une éruption volcanique et cela ne nous apprend
rien sur la civilisation maya. En fait, tout le Troano ne serait que la description d’un
cataclysme. Néanmoins, deux éléments attirent l’attention. Tout d’abord, le
cataclysme serait à l’origine de la formation de treize montagnes (…). Ensuite, le
cratère serait devenu une mer de glace.
Comment un cratère en fusion peut-il devenir une mer de glace après avoir formé
treize chaînes montagneuses supplémentaires ? De nos jours, les seuls cratères
gelés sont ceux de l’Arctique et de l’Antarctique. Nous n’irions pas jusqu’à proposer
que ce codex de Madrid décrie un évènement du dernier pic glaciaire (vieux de
22 000 ans) mais cela est tentant. Après tout, les populations mésoaméricaines
avaient le droit d’entretenir des traditions orales millénaires même si une tradition
hypothétique aussi longue est un record.
On peut rappeler qu’en 1985, le CNRS de Gif-sur-Yvette (France) a réalisé des
analyses au carbone 14 sur des charbons de bois excavés trouvés sur le site
archéologique brésilien de Pedra Furada. Les résultats variaient entre 35 000 à
48 000 ans. En résumé, les populations mésoaméricaines ont beaucoup
d’ancienneté.
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Maya : L’Histoire de la population maya
Site archéologique de Tulum
Photo : Hervé Cariou | Domaine public
Les origines de la civilisation
Malgré leur témérité, les travaux de Brasseur de Bourbourg ne sont pas d’une
grande aide pour connaître les origines de la civilisation maya. Nous sommes tout
de même en possession d’un indice intéressant : le système d’écriture maya n’est
pas sans rappeler le chinois écrit et un alphabet coréen.
L’original du manuscrit Troano, rédigé en écriture maya « latinisée », daterait
entre 1554 et 1558. L’auteur est anonyme (un religieux catholique maya ?). Ce texte
serait une compilation de traditions orales. Le dominicain Francisco Ximénez
l’obtint des Quichés de Santo Tomas Chuilá (Guatemala) et en fit une copie en
1701-1703. Ximénez proposa également une traduction littérale dont la lecture est
fastidieuse. Nous allons donc nous intéresser à la traduction de Brasseur de
Bourbourg.
Le Popol Vuh commence par un hommage au « créateur » et au « formateur ». Les
aïeux de la population quiché qui véhicule cette tradition seraient une femme,
Xpiyacoc, et un homme, Xmucané.
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Maya : L’Histoire de la population maya
Le premier « chapitre » évoque la Terre avant l’apparition de la vie : « La face de
la Terre ne se manifestait pas encore : seule la mer paisible était (…) Ce n’était
que l’immobilité et le silence dans les ténèbres, dans la nuit ».
Comment en l’an 1701, les Quichés savaient-ils qu’avant l’apparition des
continents, la Terre n’était qu’une vaste étendue d’eau ? La question est
d’importance car la seule réponse rationnelle est la suivante : c’est impossible.
Le créateur et le formateur seraient des « Gucumatz », des « serpents » couverts de
vert et d’azur. Ensuite, ces Gucumatz font œuvre de création : montagnes, animaux
des montagnes, etc.
D’une façon générale, le second chapitre brosse un tableau de l’équilibre dans le
règne animal. Ensuite, il décrit la création et la formation de l’homme : « de terre
glaise ils firent sa chair ». L’auteur étant possiblement un religieux catholique
maya, ce passage n’est pas forcément issu de la tradition quiché.
Par contre, le Popol Vuh diffère de la Bible sur un point : les Gucumatz ont défait
et refait plusieurs fois la création de l’homme car ce dernier ne les adorait jamais.
On apprend également que Xpiyacoc et Xmucané, les « aïeux », sont l’équivalent
d’Ève et d’Adam. Concernant les Gucumatz, ces serpents couverts de vert et d’azur,
la couleur verte est liée à un « planisphère » et l’azur est lié à une « surface ».
Puis le chapitre évoque le chef des « Toltecat », un terme dont la syntaxe est proche
de « Toltèques ». Finalement, les « hommes se produisirent, les hommes
raisonnèrent » et peuplèrent la surface de la Terre.
Le troisième chapitre commence mal pour nous : l’humanité s’éteint à cause d’une
« grande inondation ». Encore une fois, cette cause n’est pas forcément issue de la
tradition quiché. Il reste néanmoins des survivants qui se font sermonner par
leurs… chiens. Aujourd’hui, des descendants de survivants seraient « ces petits
singes qui vivent aujourd’hui dans les bois ».
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Maya : L’Histoire de la population maya
Cette tradition quiché est donc une théorie de l’évolution à l’envers : le singe
descend de l’homme. Cela valait la peine de le souligner (on plaisante).
Le quatrième chapitre introduit un nouveau personnage : Vukub-Cakix, un
survivant. Il se prenait pour un demi-dieu et finira par être « abattu ». Le
cinquième chapitre précise le nom des coupables : Hunahpu et Xbalanqué. C’était
des dieux qui ne supportaient plus les délires de grandeur du « demi-dieu ». Les
autres chapitres décrivent les faits et gestes de la descendance de Vukub-Cakix et
présentent moins d’intérêt.
À l’image de la Bible, le Popol Vuh est une tradition centrée sur une population. À
aucun moment, le texte utilise le terme « maya ». On irait jusqu’à suggérer que ce
texte n’est pas issu d’une tradition maya mais toltèque. Ce qui est certain c’est qu’il
n’est d’aucune utilité pour comprendre les origines de la civilisation maya.
Nous sommes donc revenus à la case « départ ».
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Maya : L’Histoire de la population maya
Augustus Le Plongeon et le « Chaacmol » sur le site de Chichén Itzá (1875 ?)
Auteur : Augustus Le Plongeon | Domaine public
Augustus Le Plongeon
Augustus Le Plongeon (1825-1908) était un photographe, antiquaire et
archéologue amateur américain. Il fait des études à l’École polytechnique de Paris.
En 1851, il étudie la photographie à Londres et ouvre un studio en 1862 à… Lima.
Il visite le Pérou pendant huit ans et réalise des reportages photographiques. Sa
connaissance des traditions mésoaméricaines l’amène à développer une théorie.
En résumé, la culture maya se serait d’abord répandue en Asie du Sud-est et se
serait ensuite dispersée en Amérique centrale et en… Égypte. On notera que Le
Plongeon s’intéressait beaucoup à l’Atlantide et cela a discrédité (non sans raison)
son travail. Sa conjointe, Alice Dixon, deviendra son assistante perpétuelle et
soutiendra ses recherches.
Le Plongeon séjourne au Yucatán pendant 12 ans (1873-1885).
Il cherche des preuves de la connexion entre les Maya et les Égyptiens. Dans les
années 1880, l’archéologie tranche : la civilisation maya est postérieure à celle de
l’Égypte. Le Plongeon fustige alors les archéologues « en fauteuil ». La première
dynastie égyptienne (celle qui a fusionné la Haute et la Basse-Égypte) remonte à -
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Maya : L’Histoire de la population maya
3300. Et même si l’on prend en compte le cinquième « soleil » des Maya qui aurait
débuté en -3114, l’Égypte l’emporte avec deux siècles d’avance.
Il reste un problème : la seule date certaine concernant les dynasties égyptiennes
est celle du règne du premier pharaon de la IVe dynastie, Snéfrou, en -2613. La
première dynastie « aurait » débuté en -3050, soit 64 ans avant le cinquième
« soleil » des Maya. Loin de nous l’idée de relancer le débat entre Le Plongeon et
l’archéologie mais on va considérer le point de vue d’Augustus.
Nous avons déjà évoqué la quatrième plus grande pyramide d’Amérique, Kinich
Kak Moo (Izamal, péninsule du Yucatán). Selon Le Plongeon, ce nom maya est une
référence à la sœur, Moo, d’un personnage de la tradition maya, Chaacmol (ou
Coh). Aucun manuscrit maya ne soutient l’existence de ce personnage. Le point de
départ de Le Plongeon serait un portrait peint sur les murs d’une chambre
funéraire sur le site maya de Tulum (Yucatán).
De nos jours, le site archéologique de Tulum ne permet pas de visiter l’intérieur
des bâtiments. Par la suite, Le Plongeon désignera sous ce nom le personnage dont
les statues sur le site maya de Chichén Itzá feront le tour du monde (sous forme de
reproductions).
Pour revenir à la théorie de Le Plongeon, la sœur de ce Chaacmol, Moo, aurait visité
l’Égypte et y aurait fondé une colonie dans le delta du Nil. Sa thèse s’appuyait
(entre autres) sur des peintures encore visibles à l’époque dans la chambre
funéraire qui surplombait la petite pyramide dite du « tombeau du grand prêtre »
à Chichén Itzá. De nos jours, cette chambre est totalement détruite mais on peut
encore observer des éléments de son ancienne structure.
Entre les chambres funéraires détruites ou non accessibles, on n’est pas aidé. Cela
dit, Le Plongeon a consacré un ouvrage entier, Queen Móo and the Egyptian
sphinx (publié en 1900), à sa thèse. Comme Le Plongeon était photographe, cet
ouvrage nous gratifie de 73 illustrations dont des photos de qualité (pour l’époque).
Une d’entre elles représenterait Moo.
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Maya : L’Histoire de la population maya
« Moo », site d’Uxmal (Yucatán), palais du gouverneur
Dans la même veine, en pages 30-31, l’auteur présente des correspondances entre
le syllabaire maya et celui des… Akkadiens. On peut rappeler que les Akkadiens
étaient une des populations fondatrices de la civilisation de Sumer, inventrice de
l’écriture. On peut aussi rappeler que les historiens se perdent en conjectures sur
l’origine des Sumériens.
On cite quelques exemples. L’eau est « ha » en maya et « a » en akkadien. Le père ?
« ba » et « abba ». Le monde, l’univers ? « kalac » et « kalama ». Être ? « en » (je
suis, en maya) et « men ». La mère ? « naa » et « nana ». Etc. Ce n’est pas suffisant
pour défendre une parenté entre deux langages mais c’est un bon début. À propos
du maya « ha » (l’eau), un égyptologue, Samuel Birch (selon le Plongeon), aurait
relevé le fait que l’ancien nom du sphinx de Gizeh était « Ha » ou « Akar ».
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Maya : L’Histoire de la population maya
Voici une autre photo prise par Le Plongeon au Yucatán : la statue d’un jaguar à
tête humaine. Même si les totems d’animaux à tête humaine ne sont pas une
spécificité de la civilisation maya, Le Plongeon franchit le pas (discutable) entre le
jaguar maya et le sphinx égyptien à tête humaine.
Cela dit, la corrélation linguistique entre les écritures maya et akkadienne mérite
d’être approfondie. Cette connexion mésopotamienne reçoit le renfort d’un
portrait découvert par l’auteur en 1875 sur le site de Chichén Itzá (dans la « royal
box » du terrain de jeu de balle, le sport rituel maya).
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Maya : L’Histoire de la population maya
On doit concéder à l’auteur que le port de la barbe est inexistant dans les portraits
mayas. Il reste à savoir si ce portrait est aussi ancien que la « royal box » (le temple
du Jaguar ?).
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Maya : L’Histoire de la population maya
Musée du site de Taxila (Pakistan)
Photo : Ibnazhar | Wikimedia | Creative Commons CC BY-SA 3.0
L’origine géographique
Toutes les disciplines scientifiques concernées s’accordent à souligner que les
populations mésoaméricaines sont originaires de l’Asie. Elles auraient franchi le
détroit de Béring qui sépare la Sibérie et l’Alaska. Cela dit, ce processus de
migration se serait étalé sur de longs millénaires.
Cependant, on ne peut pas exclure que la population maya soit une exception et
que sa migration fût plus « spontanée ». Dans un essai précédent, Nâga :
L’Histoire de la population nâga, nous avons proposé une origine géographique.
Selon le Mahabharata, un texte antique de l’Inde, qui relate la guerre des Bhārata,
un architecte du nom de « Maya Danava » était contemporain du conflit. Sa région
natale (et forestière) fut incendiée (et dévastée). La capitale de cette région
s’appelait « Taxila » (Takshashila). Autrefois en Inde, la cité de Taxila est
aujourd’hui en territoire pakistanais et est un des principaux sites archéologiques
du pays.
Cette hypothèse s’appuie sur la génétique des populations et notre essai précédent
donne plus de détails. On peut néanmoins rappeler que la guerre des Bhārata en
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Maya : L’Histoire de la population maya
Inde marquait le début du Kali Yuga, le quatrième et actuel âge de la cosmogonie
védique. Selon le Surya Siddhanta, il commença le 23 janvier -3102 (calendrier
grégorien). Curieusement, ce Kali Yuga correspond au cinquième « soleil » des
Maya qui débuta en -3113. Certaines datations sont plus précises et l’une d’entre
elles propose le 11 août -3114 (calendrier grégorien).
Ces datations de supposée fondation sont recevables par l’archéologie car cette
dernière sait que la civilisation maya existait il y a au moins 4 300 ans. Enfin, notre
essai précédent argumentait sur le fait qu’une traversée du Pacifique était à la
portée de certaines populations il y a 5 000 ans.
Nous avons cherché d’autres auteurs qui se mouillent sur une origine
géographique des Maya. Nous n’en avons trouvé qu’un : l’inévitable Le Plongeon.
Nous proposons une traduction d’un passage de son ouvrage Queen Móo and the
Egyptian sphinx.
« Si la philologie, comme l’architecture, peut servir de guide pour suivre les traces
d’un peuple dans ses migrations sur la surface de la Terre, alors nous pouvons
affirmer sans risque que les Mayas, à une époque ou à une autre, voyageant sur
les rives du l’océan Indien ont atteint l’embouchure de l’Indus et ont colonisé le
Baloutchistan et les pays à l’ouest de ce fleuve en Afghanistan ; où, à ce jour, les
tribus mayas vivent sur la rive nord de la rivière Kaboul. Les noms de la plupart
des villes et localités de ce pays sont des mots ayant une signification naturelle
dans la langue maya ; ce sont, en effet, ceux des villes et des villages anciens dont
les ruines couvrent le sol du Yucatán, et de plusieurs encore habités. »
Pour Le Plongeon, les Maya ne seraient pas des Mésoaméricains originaires d’Asie
mais l’inverse : ce seraient des Américains d’origine dont certains atteindront
l’embouchure de l’Indus. Pour être précis, il parlait d’Atlantes (…) et non
d’Américains. Cela dit, nous ne jetterons pas le bébé avec l’eau du bain.
Le Kaboul ou Kabal est une rivière qui prend sa source en Afghanistan et qui se
jette dans l’Indus (en rive droite). Elle arrose la ville de Kaboul et traverse le
Pakistan. Le Baloutchistan (ou Balouchistan) est une région d’Asie qui s’étend sur
trois territoires nationaux : l’Iran à l’ouest, l’Afghanistan au nord et le Pakistan à
l’est. C’est également une province pakistanaise. La cité de Taxila que nous avons
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Maya : L’Histoire de la population maya
déjà évoqué se trouve dans la province voisine du Pendjab, à une dizaine de
kilomètres de la capitale, Islamabad.
Le Plongeon ne cite aucun nom de villes ou de localités du Baloutchistan pour
soutenir sa thèse. C’est dommage car la partition des Indes entre l’Inde et le
Pakistan a modifié le nom de nombreuses villes et localités du côté pakistanais.
Nous allons néanmoins prendre Le Plongeon au mot et nous concentrer sur des
localités du Balouchistan dont le nom est ancien. Nous en avons choisi dix dans la
région de Quetta : Quetta, Kuchlak, Kawas, Mach, Sibi, Talli, Bhag, Kalat, Nushki
et Mastung. Nous allons donc savoir quelle « note sur dix » obtient Le Plongeon.
Pour cela, nous utiliserons le dictionnaire maya-espagnol de l’Université
autonome du Yucatán que l’on peut consulter sur le Web.
Quetta ? La lettre Q n’existant pas en maya, une recherche avec les lettres CH et K
ne donne rien (0/1). Kuchlak ? K’UCHUL est le verbe arriver, LAK désigne une
vaisselle en argile et LAK’IN désigne l’orient (1/2). Kawas ? K’AWIS désigne une
plante parasite qui se fixe à des arbres (2/3). Mach ? MACH’ désigne une vaisselle
(3/4). Sibi ? SIB désigne une larve d’insecte mais cette syllabe est trop fréquente
dans les langues (3/5).
Talli ? TAAL est le verbe « venir » (4/6). Bhag ? Les lettres H et G n’existent pas en
maya (4/7). Kalat ? CH’ALA’AT désigne le côté droit (5/8). Nushki ? NO’OCH est
le menton, NUUCH désigne le fait de joindre des choses entre elles et le KI’ désigne
une chose riche ou délicieuse (6/9). Mastung ? MA’AS désigne un état d’usure,
TUNK est une racine maya mais ce n’est pas convaincant (6/10). Le Plongeon
obtient donc une « mention assez bien ».
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Conclusion
À défaut d’être probante sur un échantillon aussi mince, la corrélation entre la
toponymie du Balouchistan et le vocabulaire maya mérite d’être approfondie. Nous
avons déjà évoqué le fait que l’écriture maya est un système logosyllabique, à
l’image du chinois écrit. On notera que la partie afghane du Balouchistan n’est pas
si éloignée de la Chine.
On a aussi évoqué la disposition systématique des glyphes mayas dans deux blocs
verticaux qui se lisent de gauche à droite et de haut en bas. Cela n’est pas sans
rappeler les blocs de l’alphabet officiel du coréen, le hangul. Cette corrélation ouvre
d’autres perspectives. Si les Maya ont côtoyé les Coréens à une certaine époque,
cela pourrait indiquer qu’ils auraient émigré par le détroit de Béring. Cela dit, c’est
une bien longue marche entre l’Alaska et le Guatemala. De plus, l’absence de toute
tradition maya au nord du Yucatán (soit dans la quasi-totalité de l’Amérique du
Nord) soutient difficilement un tel périple.
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