Bulletin de correspondance hellénique
139-140.2 | 2016
Varia
Les fortifications dites « de Philomélos » à Delphes
Nicolas Kyriakidis, Didier Laroche et Stéphanie Zugmeyer
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/bch/424
DOI : 10.4000/bch.424
ISSN : 2241-0104
Éditeur
École française d'Athènes
Édition imprimée
Date de publication : 1 décembre 2016
Pagination : 767-774
ISBN : 978-2-86958-297-2
ISSN : 0007-4217
Référence électronique
Nicolas Kyriakidis, Didier Laroche et Stéphanie Zugmeyer, « Les fortifications dites « de Philomélos » à
Delphes », Bulletin de correspondance hellénique [En ligne], 139-140.2 | 2016, mis en ligne le 01 juin
2019, consulté le 16 janvier 2020. URL : http://journals.openedition.org/bch/424 ; DOI : 10.4000/bch.
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Bulletin de correspondance hellénique
DELPHES
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Les fortifications dites « de Philomélos » à Delphes
Nicolas Kyriakidis, Didier Laroche et Stéphanie Zugmeyer, avec la collaboration de L. Fadin
Dans la suite de la prospection de l’été 2013 37, la campagne de l’année 2014 aux
fortifications dites de Philomélos a été consacrée à la réalisation d’un relevé de l’état
actuel, permis par des opérations de nettoyage 38.
L’ensemble des vestiges observables de la fortification a été topographié et relevé au
pierre-à-pierre. Ce travail s’est révélé d’autant plus nécessaire qu’aucun des plans publiés
à ce jour ne représente la totalité des vestiges observables 39. Trois coupes transversales et
une coupe longitudinale ont été également levées. L’observation, l’analyse et le relevé des
vestiges ont permis de faire progresser significativement la connaissance de ce monument
(fig. 47) 40.
I.
AMPLEUR DES FORTIFICATIONS ET DIFFÉRENTES PHASES
La découverte de blocs encore en place et l’étude attentive des aménagements du rocher
permettent de démontrer que la courtine Ouest se poursuivait plus au Sud que ce qui
avait été considéré jusqu’à présent, dans un appareil différent cependant (fig. 48). Il a également été possible d’observer le parement intérieur de la courtine Ouest qui est conservé
en de rares endroits ; les murs Est et Ouest ne présentaient pas la même épaisseur (3,30 m
en moyenne d’épaisseur pour la courtine Ouest et 1,70 m à l’Est) 41. Par ailleurs, la prospection menée en 2013 avait déjà permis de repérer sous un monticule le sommet d’un
mur transversal constitué de gros blocs qui pourrait être la courtine Sud de la forteresse,
Voir BCH 138 (2014), p. 722-726.
N. Kyriakidis (EFA, Paris VIII Vincennes-Saint-Denis), D. Laroche (ENSA, Strasbourg) et St. Zugmeyer
(CNRS, IRAA), avec la collaboration de L. Fadin (EFA). Ont également participé à cette campagne,
M. Bublot (architecte en stage diplômée de l’ENSAM), N. Chaillou (topographe stagiaire de l’ESGT),
K. Sido (master, université Bordeaux Montaigne), Th. Garro (master, université Bordeaux Montaigne),
X. Vallet (doctorant, université Paris-Nanterre-La Défense) et M. Petrakis (master, université nationale
et capodistrienne d’Athènes).
39. Le lecteur curieux pourra s’amuser au « jeu des sept erreurs » à partir des fig. 223-227 des p. 258-259
de l’ouvrage de C. Typaldou-Fakiris, Villes fortifiées de Phocide et la III e guerre sacrée 356-346 av. J.-C.
(2004).
40. N. Kyriakidis, Pl. Pétridis et St. Zugmeyer ont présenté une synthèse des acquis de ces deux premières
campagnes au 5e colloque ΑΕΘΣΕ [AETHSE] organisé par Al. Mazarakis-Ainian à l’université de Volos
du 26/02 au 01/03/2015 sous le titre «Recent Researches on the so-called Philomelus' Fortifications in
Delphi». La publication des actes est prévue pour le printemps 2018.
41. Contra C. Typaldou-Fakiris (n. 37), p. 259.
37.
38.
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située dès lors plus au Nord que ce qui était attendu 42. Le plan de la fortification était, au
moins dans sa dernière phase, plus complexe que les restitutions communément admises
et il est vraisemblable que la réoccupation d’Antiquité tardive a remanié le dispositif de
défense de manière significative.
Fig. 47 — Plan de situation schématique de la fortification de
Philomélos. Échelle 1⁄2500 (relevé St. Zugmeyer, topographie EFA,
L. Fadin).
42.
Il s’agit sans doute du même relief qui faisait dire à P. Amandry qu’ « un monticule, à l’extrémité Sud des
fortifications, a toute chance de n’être pas entièrement naturel », BCH 105 (1981), p. 742, n. 98.
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Fig. 48 — Extrémité Sud de la courtine Ouest
(cl. N. Kyriakidis).
II.
AMÉNAGEMENTS INTÉRIEURS
La pièce en partie taillée dans le rocher signalée par C. Typaldou-Fakiris 43 avait été retrouvée en 2013. Son nettoyage a montré qu’il existe encore des blocs en place pouvant y être
associés. Néanmoins, il ne s’agit pas du seul aménagement intérieur encore visible. En
effet, D. Laroche avait déjà observé, sur un relevé effectué en 1981 et demeuré inédit,
trois blocs alignés sur un axe Ouest-Est adossés à la tour de la courtine Ouest. Ces trois
blocs présentent un parement face au Sud. De plus, on remarque qu’un rocher pris dans
la courtine Est a été travaillé pour servir d’encastrement à des blocs sur le même axe, de
sorte qu’il est permis de restituer ici au moins un mur de terrasse, peut-être même un
mur de refend, qui barrait toute la largeur de la forteresse (fig. 49). Enfin, nous avons
identifié les vestiges d’une poterne à quelques mètres au Sud de la tour de la courtine
Ouest 44.
43.
44.
C. Typaldou-Fakiris (n. 37), p. 261.
L’existence d’une poterne dans ce secteur avait été postulée, avec raison donc, par C. Typaldou-Fakiris.
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Fig. 49 — Plan de la tour et des courtines proches. Échelle 1⁄250 (relevé St. Zugmeyer, topographie EFA,
L. Fadin).
III.
VESTIGES À L’EXTÉRIEUR DES COURTINES
Un mur de soutènement massif situé quelques mètres en contrebas de l’angle Nord-Ouest
de la fortification n’avait été relevé que par le seul D. Laroche. Son appareil horizontal
pseudo-isodome fruste a toutes les chances d’être antique et convient bien à un ouvrage
défensif, mais il est singulièrement différent de l’appareil de la forteresse (polygonal à décrochements soigné). Deux constructions avaient été localisées aux abords Nord-Est de la
forteresse en 2013. Une troisième l’a été en 2014. Les deux les plus septentrionales suivent
un axe oblique à la fortification et sont manifestement plus récentes (appareil de moellons
liés au mortier). En l’état, elles ne présentent chacune qu’un seul parement et sont peutêtre à mettre en rapport avec l’aménagement du chemin qui partait du stade et permettait
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d’aller notamment sur le plateau du Parnasse 45. La construction la plus au Sud suit des
axes parallèles/perpendiculaires à la fortification et est constituée de gros blocs à proximité
desquels le rocher a été entaillé pour recevoir des pierres aujourd’hui perdues. Cette technique rappelle celle mises en œuvre dans la phase classique/hellénistique de la fortification.
ACCÈS ET ABORDS
IV.
Une reconnaissance menée depuis le secteur du stade a montré que le parcours du sentier
d’époque moderne, formalisé dans sa dernière partie par une grande terrasse d’aspect
récent, devait déjà être le seul accès possible dans l’Antiquité entre l’axe du stade et les
Phédriades. Si le secteur des fortifications de Philomélos est bien délaissé aujourd’hui,
il était située dans l’Antiquité sur un emplacement qui permettait de contrôler les accès
Ouest et Nord de la ville et du sanctuaire.
V.
VESTIGES DES RÉOCCUPATIONS RÉCENTES
Le lieu-dit Κούμπλας a connu une réoccupation pour remplir une fonction défensive
au cours du xxe s. Les cabanes modernes identifiées en 2013 (voir le plan du précédent
rapport) sont, au témoignage d’anciens du village, des guettes et/ou des lieux de repos
des soldats qui surveillaient les abords de Delphes pendant les occupations italiennes
et allemandes ainsi que pendant la guerre civile. Une construction supplémentaire du
même type a été identifiée. En contrebas à l’Ouest, dans l’Αχλάδα, juste au Nord du
village moderne, se distinguent encore les piquets du réseau de barbelés (dont il reste
même quelque vestiges) qui devait empêcher les partisans de venir se ravitailler au village
ou les habitants de les rejoindre 46.
UN SEUIL DE MARBRE RETAILLÉ DANS UN PARPAING DU TRÉSOR
DE MARSEILLE (site de Delphes, inv. 31.719)
VI.
Le rapport 2013 de la prospection effectuée aux fortifications dites de Philomélos signalait la découverte d’un bloc errant (dimensions : long. 94,30 cm ; prof. 46,50 cm ; haut. 7
-7,50 cm à 9 cm [feuillure]) (fig. 50). Ce bloc, en marbre, se présente sous la forme
Sur ce chemin, voir P. Amandry, « L’Antre corycien dans les textes antiques et modernes » dans L'Antre
corycien I, BCH Suppl. 7 (1981), p. 29-54, notamment la n. 8 et les figs. 4-6.
46. Voir à ce sujet le témoignage de G. Roux dans l’ouvrage collectif La redécouverte de Delphes (1992), p. 250-251.
45.
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Fig. 50 — Un seuil de marbre retaillé dans un parpaing du Trésor de Marseille (inv. 31.719) (dessin,
cl. D. Laroche).
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caractéristique d’un seuil de porte. Mais l’examen de son lit de pose et des faces
latérales révèle qu’il s’agit d’un parpaing retaillé provenant du trésor SD 33 de
Marmaria, édifice appelé Trésor éolique et généralement identifié comme Trésor de
Marseille. Les scellements, les bandes d’anathyroses et les petites encoches latérales
pour levier sont autant d’éléments que l’on retrouve sur d’autres parpaings provenant
de cette construction. Depuis la publication de ce trésor 47, plusieurs blocs remployés
ont été identifiés 48, qui montrent que ce bâtiment, comme son voisin dorique, a été
soigneusement démonté lors de l’Antiquité tardive afin de fournir du marbre pour des
constructions byzantines.
Dans la mesure où la détermination de la hauteur des murs du trésor est un sujet
qui a été débattu et dont la solution commande la restitution de l’ordre en façade, il est
important de vérifier si ce bloc apporte ou non des nouveautés par rapport à la dernière
étude architecturale réalisée sur ce point, un mémoire inédit de H. Tavernier, architecte,
réalisé sous la direction de D. Laroche en 1989. Ce travail avait pour but de vérifier si un
parpaing remployé, identifié par P. Amandry, confirmait ou infirmait la restitution de la
publication, déjà ancienne. En raison de la précision avec laquelle ont été étudiés, dans
ce travail, les vestiges alors connus, les récentes publications relatives au trésor se sont
fondées sur ces résultats – notamment la confirmation de l’existence de treize assises du
mur – pour proposer des restitutions, notamment en 3D, de ce bâtiment 49.
Nous avons la chance que le bloc ait été retaillé en hauteur seulement, ce qui nous
prive de sa hauteur initiale, mais qui nous permet de raisonner sur un lit d’attente ayant
conservé son aspect d’origine. La caractéristique principale est que le bloc présente des
bandes d’anathyrose pour un double cours au-dessus, caractéristique qui ne se retrouve
qu’aux assises II, VI et XIII. Sachant que la largeur des blocs diminue progressivement
de bas en haut en raison d’un fruit sur la face externe des murs, il semble a priori facile
de retrouver la place de notre bloc, large de 46,50 cm. Malheureusement, si l’on se réfère
au nouveau tableau dimensionnel établi par H. Tavernier, on constate qu’en raison des
disparités importantes dans la largeur des différents murs de l’édifice (Ouest, Nord, Est,
mais aussi mur transversal) un même bloc peut provenir de différentes assises, selon
qu’on lui assigne un côté plutôt qu’un autre. La trop faible hauteur conservée ne permet
pas de déterminer l’existence ou non d’un fruit, mais l’appartenance de notre bloc à
un mur extérieur et non au pronaos (sans fruit) est assurée du fait de l’épaisseur plus
importante de ce dernier (49,30 cm ca) sur toute sa hauteur. Il ne reste, sur les murs
périphériques, que deux possibilités :
G. Daux, Marmaria. Les Deux trésors, FD II (1923).
P. Amandry, « Notes de topographie et d'architecture delphiques », BCH 108 (1984), p. 177-198 et,
plus particulièrement, p. 178-183 pour le parpaing du trésor.
49. En dernier lieu, voir M. Garsson (dir.), Le trésor des Marseillais (2013).
47.
48.
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– assise VI : mur Nord (le bloc 21, provenant de l’assise sous-jacente, mesure également 46,50 cm) ;
– assise XIII (dernière assise du mur, sous l’entablement): mur Est, dont la largeur,
connue par le bloc 3, est de 46,0 cm.
La première possibilité est celle qui entraîne le moins d’écart dans les mesures, puisqu’à
ce niveau le rétrécissement entre les lits inférieurs et supérieurs est de 2 mm environ.
Nous la considèrerons comme la plus probable.
De toute façon, une assignation à l’assise XIII n’apporterait pas plus de nouveauté
à notre connaissance sur la construction des murs. Ce parpaing courant de mur, pour
résumer, s’inscrit dans le schéma de restitution du trésor, tel que nous le connaissons au
travers des vestiges en place et des blocs épars.
Son intérêt réside autant dans son remploi tardif que dans sa situation d’origine,
puisque nous avons là un nouvel exemple d’utilisation des marbres de Marmaria pour des
constructions d’époque byzantine. Le fait d’utiliser du marbre pour un seuil peut aussi
bien s’expliquer par la nature du bâtiment pour lequel ce bloc a été taillé (une église ?)
que par la facilité de remploi qu’offraient des blocs admirables par la précision de leur
taille. En l’absence de données précises sur l’emplacement où ce seuil a été utilisé, toute
autre considération risque d’être vaine.
CONCLUSIONS
L’étude architecturale des fortifications dites de Philomélos est à présent allée aussi loin
qu’il est possible sans recourir à la fouille. La découverte de nouveaux vestiges et le réexamen
de ceux qui était déjà connus ont dès à présent permis de renouveler significativement
notre connaissance de ces vestiges. L’existence de couches archéologiques en place et de
vestiges encore en partie enfouis attestent qu’il y aurait beaucoup à attendre d’une fouille
que nous espérons pouvoir entreprendre dans un horizon proche.
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