Siècles
Cahiers du Centre d’histoire « Espaces et Cultures »
45 | 2018
Reconversions et migrations professionnelles. Le
monde des musiciens et des comédiens à l’heure de la
Révolution et de l’Empire
Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
Lebrun-Pindare, or the Constant Orpheus
Jérémy Decot
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/siecles/3566
ISSN : 2275-2129
Éditeur
Centre d'Histoire "Espaces et Cultures"
Édition imprimée
ISBN : 2275-2129
ISSN : 1266-6726
Référence électronique
Jérémy Decot, « Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile », Siècles [En ligne], 45 | 2018, mis en ligne le 30
août 2018, consulté le 31 août 2018. URL : http://journals.openedition.org/siecles/3566
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Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
Lebrun-Pindare, ou l’Orphée
immobile
Lebrun-Pindare, or the Constant Orpheus
Jérémy Decot
Oui, le fléau le plus funeste,
D’une lyre banale obtiendrait les accords ;
Si la peste avait des trésors,
Lebrun serait le chantre de la peste.
Théodore Desorgues, Quatrain sur le poète Lebrun,
qui a chanté successivement la monarchie, la
République et l’Empire, c’est-à-dire l’Empereur1
1
Ce fut assurément une longue carrière artistique que celle d’Écouchard-Lebrun
(1729-1807), si l’on suit les propos de son « confrère » versificateur, Desorgues. Pourtant,
si Michel Vovelle, à la suite de Charles Nodier, consacra, dans un essai de microhistoire,
Théodore Desorgues comme le « plus grand poète lyrique de la Révolution française2 », le
sortant de l’oubli où l’avaient plongé les dictionnaires biographiques et anthologies
poétiques des XIXe et XX e siècles, force est de constater que Ponce-Denis ÉcouchardLebrun connaît, lui, encore les tourments de l’oubli. « Enterré » au mitan du XIXe siècle
par les écrits de satiristes hostiles à la décennie révolutionnaire et à son œuvre artistique
et culturelle3, Écouchard-Lebrun fut rangé parmi ces « rimeurs, proclamés poètes de la
France4 », médiocres et rampants. Dans sa satire, Despaze le dépeint même comme un
écrivain « s’acharnant5 » contre ses victimes, au nombre desquelles Desorgues. Pourtant,
l’ambition d’Écouchard fut bien de se voir inscrit au temple de la mémoire. Son nom
même révèle tout un programme : lui qui se faisait appeler Lebrun-Pindare voulut
incarner la poésie élégiaque et lyrique française au-delà des temps. Cette ambition fut à la
fois la cause de sa longue carrière poétique, mais aussi la source de nombreuses critiques
acerbes. En effet, alors que chutaient les trônes et passaient les régimes politiques,
Lebrun-Pindare sut tour à tour chanter les mérites des rois, les vertus patriotiques, puis
républicaines, et enfin mettre sa lyre au service du général Bonaparte conquérant, puis
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Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
du Premier consul – ce qui lui évita le sort misérable d’un Desorgues, enfermé à l’asile de
Charenton sur ordre de Napoléon Ier à cause de son zèle républicain…
2
Flexibilité stylistique, opportunisme digne des meilleures « girouettes6 » ou bien
engagement et ferveur réels pour des causes tenant à cœur au poète et montrant toutes
les nuances et la complexité d’un artiste ? Sûrement tout à la fois, tant il reste difficile
pour l’historien de séparer l’artiste engagé, figure d’encre et de papier, de l’homme fait de
chair pris dans les contradictions et les bouleversements de l’existence. À l’heure où
eurent lieu de profonds changements dans la sociabilité littéraire et artistique, dans la
France révolutionnaire et consulaire, se pencher sur le cas d’un Lebrun-Pindare revient à
interroger les modalités et les enjeux des reconversions artistiques parmi les gens de
lettres, et notamment des poètes, ainsi que de leurs engagements dans la France
révolutionnée. À la suite des travaux prosopographiques de Michel Vovelle et de Jean-Luc
Chappey (pour qui « l’étude d’une trajectoire individuelle [est] sans doute – sans pour
autant renoncer aux études qualitatives sur les réseaux et les institutions – un moyen
privilégié pour en finir avec l’approche désincarnée des hommes de lettres et de leurs
productions7 »), nous voudrions tenter de suivre le parcours d’un poète qui, au gré des
fluctuations politiques, sut toujours bien manœuvrer sa plume. Retracer et questionner la
trajectoire d’Écouchard-Lebrun consistera ainsi à appréhender la transformation des
sociabilités et des pratiques littéraires à l’aune des bouleversements révolutionnaires, en
se focalisant sur un médium particulier, celui de la poésie célébrative. À dessein, nous
voudrions fonder notre analyse autant sur l’examen de sa production poétique et de sa
correspondance8, que sur la nature de ses réseaux et relations, pour tâcher de
comprendre les motivations de celui que nous avons surnommé l’« Orphée immobile », en
référence à ce « prince immobile » de Bénévent, Talleyrand, pour qui l’immobilité, non
sans arrière-pensées et projets politiques, était une seconde nature9 et lui permit une
longévité politique impressionnante.
Itinéraire d’un poète précoce et polymorphe dans la
France d’Ancien Régime et révolutionnaire
Des débuts sous la protection et l’encouragement des puissants
3
L’histoire sociale de la littérature au tournant des Lumières a pu étudier le devenir de
certains écrivains à travers le prisme de la bohème littéraire, en ne voyant en eux que des
« exilés du Parnasse10 » prêts à prendre leur revanche dans la République des Lettres une
fois celle-ci ébranlée par le séisme révolutionnaire. Cette analyse, quoique recevable dans
certains cas, ne semble pas probante pour celui qui n’est encore que Ponce-Denis
Écouchard-Lebrun. Ce dernier est né à l’hôtel de Conti, sur le quai des Quatre-Nations, un
10 août, soixante-trois ans avant la prise des Tuileries par les fédérés et les sans-culottes
parisiens, d’un père attaché au service du prince de Conti. Et là où Robert Darnton a suivi
ces « Rousseau des ruisseaux11 », ces rimailleurs de bas étage, qui par leur plume avaient
contribué à la diffusion d’une littérature clandestine, pornographique et désacralisatrice
de l’image royale, Écouchard-Lebrun eut, lui, la chance d’apprendre à charmer les muses
auprès de Louis Racine, tout auréolé de la gloire de son père. Le poète en devenir avait
d’ailleurs auparavant fait de brillantes études au collège Mazarin (toujours sur le quai des
Quatre-Nations), où il avait sympathisé avec le fils dudit Louis Racine. Pour pallier sa
basse extraction de roturier et pour le distinguer de cette bohème littéraire alors si
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Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
décriée, son ami Ginguené, lui-même poète et homme politique influent (surtout durant
le Directoire), le dira « né poète » dans la notice biographique insérée en ouverture de
l’édition posthume des Œuvres complètes de son défunt compagnon de lettres, parue
en 1811. La formule est, ô combien, emphatique, car Ginguené n’hésite pas à affirmer que
jamais « naître poète [ne fut] un axiome dont aucun poète célèbre ne fait mieux sentir la
vérité que celui auquel nous consacrons cette notice12 ». Il faut néanmoins reconnaître
que Lebrun débuta tôt sa carrière dans les lettres, puisque dès l’âge de douze ans il
composa des odes imitées des psaumes bibliques dans lesquelles nous reconnaissons
l’influence de cette poésie religieuse si chère à Louis Racine. Mais la véritable entrée de
Lebrun dans le monde poétique français eut lieu en 1748, à l’occasion de la remise des
prix au collège Mazarin pour laquelle il composa des vers où, par la bouche d’Apollon luimême, il en venait vite à célébrer le roi de France, ce « roi vainqueur qui donne [la paix]
aux mortels, / Ce roi qui de Bellone a brisé les autels13 », alors que la paix d’Aix-laChapelle concluait la guerre de Succession d’Autriche.
4
La bonne réception de cette pièce de circonstance conduisit le poète, l’année suivante, à
participer (infructueusement) au concours de l’Académie française pour le prix de poésie
sur le sujet : « L’Amour des Français pour leurs rois, consacré par les monumens publics. »
Il composa à cette occasion une ode éponyme. Celle-ci, véritable panégyrique à la gloire
de la « race des rois », notamment de Louis XIV et surtout de Louis XV, fut l’objet d’âpres
discussions au sein des Immortels, certains jugeant même sa pièce antiacadémique, tandis
que d’autres voulaient récompenser la précocité de l’auteur, de sorte que l’on balança sur
l’attribution du prix14. Au demeurant, le bruit autour de son poème servit utilement
Écouchard-Lebrun. Le prince de Conti, prince libéral et frondeur s’il en fut en cette
seconde moitié du XVIIIe siècle, eut à cœur de garder à son service comme « secrétaire de
ses commandements » cet homme de lettres précoce, qui plus est issu de sa propre
maison, et suffisamment doué pour chanter ses louanges. De ce patronage « naquirent »
une ode, Le Temple, composée à l’occasion de l’intronisation du prince de Conti comme
grand prieur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, ainsi qu’une Ode sur le passage des Alpes
par Monseigneur décrit comme l’« Annibal de nos jours ». Thuriféraire des vertus
princières, Écouchard-Lebrun s’essaya aussi avec succès à la poésie élégiaque qui
redevenait alors en vogue en France, en imitant des élégies de Tibulle. Cette nouvelle
corde à sa lyre lui fit rapidement rencontrer Ginguené, qui, venu à Paris depuis sa
Bretagne natale en 1772, connaissait le succès avec sa Confession de Zulmé (1768). La
reconnaissance de ses talents de poète élégiaque poussa même Écouchard-Lebrun, devenu
Lebrun-Pindare, à se présenter au jeune André Chénier, non sans prétention, comme son
mentor dans l’art poétique, et à guider ses premiers pas dans le monde des lettres 15.
L’histoire littéraire, elle, et en premier lieu les romantiques, ne devaient retenir que le
nom de l’« élève » disparu sous le couperet de la guillotine…
5
Bien intégré dans les cercles et salons littéraires16 gravitant autour du prince de Conti
grâce à l’épisode du concours académique de 1749, Lebrun-Pindare fit à l’occasion de ce
même événement son entrée dans la République des Lettres. Notre auteur eut vite à
armer sa plume et à prendre fait et cause pour tel ou tel parti, participant à telle ou telle
cabale littéraire. Rien de tel alors que l’épigramme pour ridiculiser, piquer au vif et
dénigrer l’adversaire. Dans cet art, Écouchard-Lebrun, de l’aveu même de ses
contemporains, passa maître avec plus de 640 pièces. On peut citer ici quelques
« spécimens » :
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Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
À ***, qui exaltait mes épigrammes pour déprécier mes odes 17
Dans l’épigramme au moins j’ai su te plaire ;
Là je suis bon ; tu dis, je le croi [sic] ;
Je n’ai pourtant jamais parlé de toi :
Ô mon ami ! La meilleure est à faire.
Ou bien celui-ci, montrant toute l’estime que Lebrun pouvait porter à d’autres amants des
muses de son temps :
Dialogue entre un pauvre poète et l’auteur18
On vient de me voler. – Que je plains ton malheur !
Tous mes vers manuscrits. – Que je plains le voleur !
6
Mais ceux qui firent les frais de ses traits assassins furent surtout Fréron, « de Satanas
suivant le digne exemple19 » (à la suite d’une polémique sur l’adoption de la petite-nièce
de Corneille par Voltaire à la demande de Lebrun), Dorat, ce « phosphore passager [qui]
brille et s’efface », ce « ver-luisant du Parnasse20 », et La Harpe qui « au bas du Pinde
trotte à petits pas21 ». Lebrun-Pindare, en s’opposant par rimes interposées à ces
représentants du parti antiphilosophique, semble pouvoir ainsi être rangé parmi les
promoteurs des Lumières, d’autant qu’il a entretenu une correspondance suivie avec des
membres influents du parti philosophique et les a chantés dans ses vers – Voltaire et
Buffon notamment22. Toutefois, cet ordonnancement des sympathies doit être considéré
avec précaution, car Lebrun fut aussi très proche de Palissot, pourtant peu réputé pour sa
connivence avec le parti des philosophes…
7
Poète mondain, poète élégiaque, Lebrun-Pindare sut aussi se faire poète engagé, comme
lors du séisme de Lisbonne en 1755, événement qui marqua toutes les consciences en
Europe. À cette occasion, il composa une Ode sur la ruine de Lisbonne, certes moins ample et
moins sublime que celle de Voltaire, mais qui n’a pas à en rougir et qui nous montre le
poète se saisissant de l’actualité et la sublimant par son verbe, à plus forte raison que son
ami d’enfance, le fils de Louis Racine, avait péri durant la catastrophe. Après la mort,
cette fois-ci, du prince de Conti en 1776, Lebrun-Pindare chercha et obtint la protection
du comte de Vaudreuil puis de Calonne, avec une pension s’élevant à 2 000 livres
annuelles23. Ces derniers ayant occupé des fonctions politiques de premier ordre à la Cour
dans les dernières années de l’Ancien Régime, Lebrun mit alors sa plume à leur service et
à la défense de leurs politiques. C’est ainsi que l’on vit paraître en 1783 une Épître à
M. de Calonne, lorsqu’il fut nommé ministre et contrôleur général des Finances et, en 1787, un
Discours en vers à l’occasion de l’Assemblée des notables (ordonnée par Calonne). Dans cet
opuscule, tout n’est qu’ordre protocolaire bien agencé, luxe et royauté. Les hauts
personnages de la Cour y sont encensés : le roi Louis XVI qui « […] fait goûter les biens
que la Victoire enfante » est présenté tel un « roi citoyen, conseil de la patrie, et son noble
soutien », Vergennes, lui, « apaisant l’orageuse Albion / Et des trônes rivaux l’ardente
ambition ». Le poète sacrifie même au paternalisme royal de bon aloi avec ces vers :
« D’une immense famille intéressante image,
Où d’un chef paternel la tendresse et les soins
Consultent ses enfans sur leurs propres besoins !
Bon peuple, il ne veut pas s’enrichir de tes larmes24. »
Aussi, dans ces vers, tout semble se passer comme si la France ne grondait pas alors d’un
orage sourd.
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Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
Métamorphose du ci-devant poète courtisan en chantre de la
Révolution
8
L’avènement de la Révolution vit toutefois tourner pour un temps la fortune du « Pindare
français ». En effet, l’émigration de certains de ses anciens protecteurs et la perte des
pensions qui en découla le plongèrent dans une certaine misère. Ce brusque
retournement de situation a indéniablement joué dans son engagement artistique en
faveur de la Révolution, si l’on juge que dès 1789, Lebrun tourna une courte pièce de vers,
Quatrain gravé sur une pierre de la Bastille placée dans un hameau, pour faire bonne figure. Il
est toutefois fort étrange de voir cet homme de lettres célébrer très rapidement la chute
d’un symbole de la royauté, mettant ainsi à bas par les mots l’absolutisme royal, alors
qu’il avait pourtant chanté les puissants du royaume quelques années auparavant. Dès
lors, les glorieux et éclatants rois de jadis devenaient sous sa plume de sombres tyrans.
9
Privé de ressources financières, Lebrun-Pindare n’opéra pourtant pas de reconversion
sociale ou artistique à proprement parler, au sens où, durant la période révolutionnaire, il
ne changea pas de domaine professionnel et continua à pratiquer ce dans quoi il excellait,
à savoir versifier. Contrairement à un Marie-Joseph Chénier qui, à côté de ses pièces
dramatiques et poétiques, exerça des fonctions politiques à la Convention nationale et au
Conseil des Cinq-Cents, pour finir au Tribunat, Lebrun se voua exclusivement à son art.
Cette exclusivité participa d’ailleurs pleinement à sa consécration comme « le » poète de
la Révolution par ses contemporains. Il faut ici rappeler qu’aux débuts de la Révolution,
Lebrun n’était pas un inconnu du Parnasse et avait déjà, comme nous l’avons vu, une
longue carrière littéraire derrière lui. La reconnaissance acquise et ses relations nouées
lors des dernières décennies du XVIIIe siècle dans les cercles académiques et salonniers de
la capitale auraient pu lui être bénéfiques, à l’heure des reconfigurations de la République
des Lettres, pour se démarquer des « poètreaux25 ». Cependant, on ne peut que constater
combien notre homme semble avoir cherché à se faire « oublier » jusqu’en 1793. Ses liens
avec la Cour étaient-ils encore trop évidents ? En tout cas, il n’a que très peu composé
entre 1789 et 1793, à l’exception du quatrain évoqué plus haut, d’une épître à André
Chénier et d’une petite pièce toute en ironie intitulée Les Inconvénients de la Révolution,
parue dans l’Almanach des Muses de 1792 26. C’est véritablement en l’an I, puis surtout
l’an II, que l’activité poétique de Lebrun (pour la période révolutionnaire) commença à
sensiblement porter ses fruits. L’actualité politique particulièrement chargée de ces deux
années obligea les auteurs (dramaturges, poètes, etc.) à en suivre les rebondissements et à
s’y adapter, ce qui, en retour, leur fournissait ample matière pour alimenter leur
créativité.
10
Pas de révolution stylistique chez notre auteur, qui continua à user de son genre poétique
favori, l’ode, tout en taillant sa plume pour que ses pleins et ses déliés correspondent
mieux aux attentes des autorités révolutionnaires, appelant les gens de lettres à
« célébrer les principaux événements de la Révolution française » et « à publier les
actions héroïques des soldats de la liberté, les traits de courage et de dévouement des
républicains27 ». Le ci-devant secrétaire du prince de Conti se mit à l’ouvrage et fit
paraître en l’an I une Ode patriotique sur les événements de l’année 1792, depuis le 10 août
jusqu’au 13 novembre 1792 pour chanter les louanges d’un peuple « souverain [qui] reprend
ses droits ; / [tandis que la] couronne passagère / Expire sur le front des rois 28 », une Ode
républicaine au peuple français sur l’Être suprême, et enfin des Vers sur certains brigands
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aristocrates qui, sous de faux bonnets rouges, se disent nos frères. Avec cette dernière pièce de
vers, on voit clairement le retournement d’allégeance de Lebrun. En l’an II, celui-ci donna
à entendre un Hymne du 21 janvier pour célébrer la chute du tyran, un Chant républicain sur
la bataille de Fleurus et une Ode sur le vaisseau Le Vengeur (qui est peut-être son poème de la
période révolutionnaire le plus célèbre). Et pourtant, bien que les archives ne permettent
pas d’affirmer que le poète reçut ou non un certificat de civisme en guise de
reconnaissance de son volontarisme révolutionnaire, une de ses épigrammes semble
indiquer que la période de la Terreur lui fit connaître quelques troubles. En effet, sa
Réponse à un membre de la Commune-Chaumette qui lui exagérait la nécessité et la difficulté
d’obtenir un certificat de civisme montre les protestations de Lebrun face aux suspicions à
son encontre29 :
Moi, qui même à sa cour bravais le Despotisme,
Moi, qui sous les tyrans chantais la Liberté,
J’aurais besoin que mon civisme
Par un certificat fût encore attesté !
Va ! Mon civisme est dans l’audace
D’une Muse qui brise et le trône et tes fers :
Va ! Ma Commune est au Parnasse ;
Ma section est l’univers !
11
Lebrun semble ainsi avoir fait preuve d’une certaine indépendance vis-à-vis des clubs
révolutionnaires. Néanmoins, il reste que tous ses vers à la gloire de la Révolution ne
restèrent pas ignorés. Les autorités politiques du moment (dont, au premier chef,
Ginguené, nommé à la commission de l’Instruction publique au ministère de l’Intérieur 30)
reconnurent vite les mérites poétiques de Lebrun et l’érigèrent en figure tutélaire de la
poésie révolutionnaire en exaltant son génie. Devenu le poète des patriotes et des sansculottes, le « Pindare français » se vit accorder honneurs et pensions. Il reçut, aux frais de
la nation, un logement au Louvre, « azile sûr et commode [pour] son génie et l’emploi
qu’il en a fait depuis si longtems pour la cause de la Liberté31 ». S’agissant des
gratifications pécuniaires, un rapport de prairial an VII du ministère de l’Intérieur le
décrit comme « notre premier poëte », gratifié de 200 francs par mois32. Mais la véritable
reconnaissance eut lieu, sous le Directoire, lorsqu’en l’an III Lebrun fut nommé à l’Institut
national dans la troisième classe (celle de poésie), juste après sa création ; il retrouva ainsi
le quai des Quatre-Nations et le ci-devant collège Mazarin où il avait étudié. Là où
l’Ancien Régime n’avait pas accordé à ce littérateur les honneurs de l’Académie française,
la Révolution palliait cette erreur, ce qui peut expliquer l’engagement accru de Lebrun
dans la politique culturelle révolutionnaire du Directoire avec la composition de
nombreux hymnes pour les fêtes nationales33, comme l’Hymne pour la fête de l’Agriculture
(an IV) ou le Chant du banquet républicain pour la fête des Victoires (an IV).
12
Il n’oublia pas non plus de chanter les exploits du jeune général Bonaparte couvert de
gloire durant la campagne d’Italie avec le Chant dithyrambique sur l’entrée triomphale des
monuments d’Italie (an VI) ou encore avec des Vers sur l’expédition d’Égypte, au moment du
départ du général Bonaparte (an VII). Continuant sous le Consulat à célébrer le nouveau
maître de la France, Lebrun-Pindare soutint les vues du régime avec une Ode nationale
(an XI), dans laquelle, en instrumentalisant le souvenir de la guerre de Sept ans pour
exhorter au patriotisme anti-anglais, le poète conspue « la perfide [Albion qui] s’épuise en
efforts superflus. / [alors qu’] un nouvel Alexandre / Sur l’onde, où elle régnait, va
disperser sa cendre ; / Son nom même n’est plus34 ». Cet engagement fervent envers le
Premier consul lui permit de bénéficier d’une pension de 3 000 francs en 1803, puis sous
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l’Empire d’obtenir la Légion d’honneur en 1804 et d’être compris en 1806 dans la liste des
personnes auxquelles l’Empereur avait accordé des pensions sur le produit des journaux à
raison de 1 200 francs par an35. Et, un matin de septembre 1807, lorsque la furor poétique
de Lebrun s’éteignit, ce fut Marie-Joseph Chénier, au nom de l’Institut, qui fut chargé de
réciter son éloge funèbre.
13
Si les autorités révolutionnaires avaient sacré Lebrun-Pindare comme le poète de la
Révolution, celui-ci se vit d’ailleurs, non sans un certain orgueil, comme le « guide » de
l’opinion, comme seul capable de faire perdurer les hauts faits et les héros de la
Révolution par-delà les âges36. Qu’on se réfère ainsi aux dernières strophes de l’Ode au
Vengeur :
Voyez ce drapeau tricolore,
Qu’élève, en périssant, leur courage indompté :
Sous le flot qui les couvre, entendez-vous encore
Ce cri : Vive la liberté !
Ce cri !… C’est en vain qu’il expire,
Étouffé par la mort et par les flots jaloux.
Sans cesse il revivra répété par ma lyre.
Siècles ! Il planera sur vous !37
14
Ce « sacre » du poète Lebrun ne fut pas sans susciter des réprobations et des critiques
envers celui qui avait touché des pensions de Louis XVI, de la Convention nationale et de
Napoléon Ier…
Les aléas et les turpitudes de la « girouette » Lebrun
Jeux et rejeux des rancœurs passées et présentes : Lebrun-Pindare
face au tribunal de la critique littéraire
15
La foule des hommes de lettres et autres plumitifs qui avaient eu à subir les foudres
littéraires de Lebrun-Pindare ne tardèrent pas à dénoncer et conspuer cette étonnante
volte-face d’un poète devenu chantre des valeurs révolutionnaires et républicaines après
avoir été celui de la monarchie et avant d’être celui de Napoléon. Étrangement, Lebrun
est pourtant absent du Petit dictionnaire des grands hommes de la Révolution de Rivarol (1790)
38, véritable diatribe contre le « rebut de la fortune » fait de médiocres rimailleurs
revanchards ayant pris fait et cause pour la Révolution. Mais certains journalistes et
critiques littéraires de la période révolutionnaire furent moins amnésiques et attaquèrent
le « recyclage » de ce caméléon de la poésie. C’est ainsi qu’en 1794, l’auteur de la critique
littéraire du numéro 42 du Bulletin de littérature, des sciences et des arts commence son
article consacré aux Odes républicaines de Lebrun-Pindare : « On n’a pas oublié les éloges
qu’il [Lebrun] prodigua dans son poëme [sur l’assemblée des notables] au dernier de nos
rois, et à son ministre des finances39. » La critique cinglante tombe alors : s’il est d’« usage
de vendre [son] encens aux idoles du jour, et sans aller chercher nos exemples si loin,
dans le cours de notre révolution, ne les avons-nous pas vus brûler ce qu’ils avaient
adoré, puis adorer ce qu’ils avaient brûlé. Encore une fois, ces variantes politiques ne
doivent point nous paraître étranges ; ce qui le serait véritablement, c’est que la plupart
apprissent enfin à s’honorer eux-mêmes, ainsi que les lettres40 ». Le « Pindare français »
dût apprécier… L’auteur termine enfin en se riant des nombreux rappels faits par Lebrun
de son attachement fervent à la Révolution comme s’il avait quelque chose à prouver, ou
à faire oublier…
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Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
16
Dès lors, de nombreux ouvrages et critiques s’engouffrèrent dans la faille ouverte par la
grande versatilité de notre poète. La girouette41 Lebrun était née. Sous la plume de Rosny,
Mercier de Compiègne et Nogaret, co-auteurs du Tribunal d’Apollon, ou Jugement en dernier
ressort de tous les auteurs vivans (an VIII), sorte de dictionnaire à charge, Écouchard-Lebrun
est jugé comme le « grand manipulateur d’odes », dont les sons de la lyre sonnent faux à
force d’en avoir usé les cordes en les tirant dans tous les sens, et est vivement dénigré
pour son manque de modestie42. Le « girouettisme » de Lebrun sera pleinement mis au
jour et moqué dans le Dictionnaire des girouettes, ce « Who’s Who de la médiocrité civique 43 »
paru en 1815. Dans l’entrée qui lui est consacrée, on peut lire, mises en regard, des
strophes provenant de son poème Les Rois (1783), et d’autres issues de son Ode patriotique
sur les événements de l’année 179244. L’auteur fait mine de s’étonner de ce brusque
changement de langage entre les deux poèmes.
17
Il demeure que le nombre conséquent de critiques à l’encontre de l’inconstance
d’Écouchard-Lebrun (et ce dès la période révolutionnaire) semble alors particulièrement
révélateur des tensions parcourant la République des Lettres pendant la période. Que ces
critiques procèdent d’un fond de jalousie semble dès lors tout à fait concevable, d’autant
plus que « statufié » en principal chantre de la Révolution, Lebrun-Pindare était devenu la
cible principale des traits décochés par ceux qui ne jouissaient pas des faveurs du régime.
La construction discursive et bibliographique d’un « Orphée sansculotte »
18
Face à cette « poétique du caméléon », les soutiens de Lebrun-Pindare, et Lebrun-Pindare
lui-même, eurent beau jeu de tout faire pour nuancer, si ce n’est occulter, son passé
courtisan. La postérité littéraire du poète devint un enjeu mémoriel. Ginguené s’échina de
ce fait, dans la notice biographique qu’il lui consacra, à présenter Lebrun comme le jouet
des courtisans et des grands du royaume. Le poème sur l’assemblée des notables aurait
ainsi été écrit « sous la dictée du ministre […] à laquelle il était impossible de résister 45 ».
Plus loin, Ginguené toujours, affirme que, la Révolution éclatée, « il eût été surprenant
que, professant depuis plus de trente ans dans ses vers les idées qu’elle consacrait,
[Lebrun] en eût changé à soixante ans, lorsqu’elles devenaient en quelque sorte des idées
communes46 ». Le « girouettisme » de Lebrun-Pindare ne serait-il alors, tout compte fait,
qu’une construction discursive, que l’expression de la rancœur de littérateurs jaloux ?
C’est Lebrun-Pindare en personne qui, le premier, s’est présenté comme un fervent
patriote, révolutionnaire et républicain avant la lettre. Ainsi l’Almanach des Muses de 1790
comporte-t-il un extrait du second chant d’un Poëme sur la Nature de sa main, intitulé
« Fragment sur Charles IX » et écrit plusieurs décennies avant le déclenchement de la
Révolution (mais jamais édité…). Dans ce fragment, à travers la figure de Charles IX, c’est
bien sûr le fanatisme et l’absolutisme que dénonce Lebrun (comme le fit M.-J. Chénier
dans sa pièce éponyme). Mais après avoir attaqué la royauté comme crime de « lèsehumanité », il se propose de « traîner sur l’échafaud » les rois insolents47. La présence
régulière de Lebrun-Pindare dans les Almanachs des Muses parus pendant toute la période
participa sûrement activement à sa consécration en tant que poète de la Révolution,
d’autant que ces périodiques de poésie furent parmi les plus prisés de la période. On peut
observer qu’il fut aussi très présent dans la Décade philosophique. Ce journal, fondé par des
représentants des Idéologues et dirigé par Ginguené, défendit une vision modérée de la
Révolution, mais fit montre d’un républicanisme sincère et militant. Le journal paraissant
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Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
chaque décade publia fréquemment des pièces de Lebrun et en fit une critique positive,
cherchant à montrer notamment le caractère hautement républicain du génie poétique
de leur auteur48.
19
La grande versatilité poético-politique de Lebrun ne semble pas, du reste, avoir gêné les
anthologies poétiques du XIXe siècle, dans lesquelles figurent plusieurs de ses vers,
principalement de sa « période » révolutionnaire et impériale et dans une moindre
mesure monarchique. La fortune posthume d’Écouchard-Lebrun comme aède de la
Révolution fut indéniable. Figurant en bonne part dans les anthologies de poésies
révolutionnaires du premier XIXe siècle, aux côtés, entre autres, de M.-J. Chénier, LebrunPindare se voit ainsi honoré pour onze de ses poèmes (contre sept pour Chénier, quatre
pour Desorgues) dans le recueil intitulé Poésies révolutionnaires et contre-révolutionnaires
(1821)49. Dans un autre, Poésies nationales de la Révolution française 50 (1836), ce sont jusqu’à
13 productions poétiques de Lebrun qui paraîtront sur un total de 78, devançant ainsi les
Chénier, Béranger et autres Rouget de Lisle. Au-delà de ses succès éditoriaux, l’histoire et
la critique littéraires offrent à Lebrun une renommée non négligeable, pour un temps du
moins. Dans son Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française depuis 1789,
Marie-Joseph Chénier encense sa poésie lyrique faite d’élégies et d’odes pindariques, et
loue plus encore ses odes et hymnes révolutionnaires. Fervent républicain et pourtant
son rival de plume, il assoit Lebrun-Pindare comme le seul poète à avoir été « digne de
chanter les derniers triomphes du peuple français51 ». En 1833, sous la Monarchie de
Juillet, à l’entrée « Lebrun » de la monumentale France littéraire, ou Dictionnaire
bibliographique des savants, historiens et gens de lettres de la France de Quérard, on peut
encore lire que l’individu en question est « l’un de nos premiers poètes lyriques 52 ». Dans
un autre contexte, Michaud dans sa Biographie universelle ancienne et moderne (1806,
rééd. 1843), qui connaît un grand succès au XIXe siècle, consacre, lui aussi, LebrunPindare comme le chantre incontestable de la Révolution ; mais, étant d’opinion royaliste,
Michaud le présente comme le « poète de cette terrible époque » et persifle allègrement
contre celui qui après « avoir déclamé avec tant de violence contre le despotisme et la
tyrannie des rois se prosterne devant le nouveau consul », prêt à tout tant qu’« un autre
gouvernement put encore lui donner des pensions53 ». Près de trente après sa mort,
Lebrun est toujours perçu comme l’un des poètes de premier plan du siècle passé et
comme le poète de la Révolution (que cela soit jugé positivement ou négativement).
Préférant là encore encenser sa poésie lyrique faite d’élégies et d’odes pindariques, et
louant plus encore ses odes et hymnes révolutionnaires, M.-J. Chénier, indéniablement
fervent républicain et pourtant son rival de plume, assoit Lebrun-Pindare comme le seul
poète à avoir été « digne de chanter les derniers triomphes du peuple français » dans son
Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française depuis 1789 54.
20
La présence d’Écouchard-Lebrun devait toutefois se faire moindre dans les anthologies
poétiques de la seconde moitié du XIXe siècle, et Hoefer, dans sa Nouvelle biographie
générale (tome 30, 1858) pouvait dès lors affirmer dans la notice consacrée au poète
qu’« on ne lit plus ses odes » et que « le souffle immense, l’inspiration profonde et
inépuisable du poëte thébain [Pindare] fait un contraste accablant avec la stérilité
laborieuse de Lebrun55 ». La « dépindarisation56 » de Lebrun ne faisait que commencer…
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Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
Conclusion
21
Il est bien difficile de mesurer la sincérité de l’engagement du poète Lebrun, mais il faut
dire que son passé curial sous l’Ancien Régime ne l’a pas empêché de faire preuve
d’enthousiasme dans ses hymnes et ses odes pendant la Révolution puis l’Empire. Lebrun
s’engagea en faveur des idées nouvelles sans jamais verser dans la Contre-Révolution, là
où pourtant d’autres poètes – tels La Harpe ou Fontanes, et dans une certaine mesure
André Chénier –, d’abord enthousiasmés par la Révolution, prirent ensuite leurs distances
et se transformèrent en hérauts de la réaction. Jamais on ne vit Lebrun (en tout cas dans
les poèmes que nous avons pu étudier) dénigrer la Révolution et ses acquis, même
lorsqu’il fut au service de Napoléon Ier.
22
Mais son cas nous semble surtout révélateur de cette guerre des dictionnaires et des
réputations, évoquée par Jean-Luc Chappey pour les années 1750-183057. Le dictionnaire
permet par son format et sa disposition mêmes de passer sous silence certains éléments
de la vie d’un auteur/acteur, ou bien de le stigmatiser, voire de le faire disparaître des
mémoires. La « légende noire » de Lebrun-Pindare (et d’une grande partie des écrivains
de la période révolutionnaire et impériale) est en partie née de cette réorganisation du
champ et des réputations littéraires au cours du XIXe siècle.
23
Plus que des tournants ou de rapides virages, la trajectoire de Lebrun-Pindare semble in
fine rendre plutôt compte des louvoiements d’un artiste tentant, bon an mal an, de
s’acculturer aux exigences nouvelles. Et s’il est vrai que la postérité n’a pas gardé en
mémoire ses odes et hymnes enthousiasmés, contrairement à La Marseillaise de Rouget de
Lisle, au Chant du départ de M.-J. Chénier, ou même à l’Hymne à l’Être suprême de Desorgues,
nous espérons avoir ici montré que les productions poétiques d’Écouchard-Lebrun, dit
Lebrun-Pindare, ne sont pas indignes d’intérêt. Aussi, tel Talleyrand qui au gré de ses
serments n’eut à cœur que de servir l’État dans sa grandeur et sa continuité, LebrunPindare, malgré ses variations politiques, n’a peut-être eu pour seule et secrète ambition
que de livrer à la postérité les trésors des sons échappés du Pinde qu’il répétait pour
servir vaillamment sa seule et véritable maîtresse, Melpomène…
NOTES
1. Sans date. Dans un souci d’équité, on citera ici une épigramme (non datée) de la plume
de Lebrun adressée audit Desorgues : Sur Desorgue [sic] / « Ce coq d’Inde, fier comme un
paon, / Glousse des vers qu’il préconise. / Des Orgues qu’on désorganise / N’étourdiraient
mieux le tympan. »
2. Michel Vovelle, Théodore Desorgues ou la désorganisation (Aix-Paris, 1763-1808), Paris, Seuil,
1985.
3. Philippe Bourdin, « Entre deux siècles, l’impossible bilan : la Révolution au crible de la
satire littéraire » dans Michel Biard (dir.), Terminée, la Révolution… (actes du IVe colloque
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européen de Calais, 25-26-27 février 2001), Bulletin des Amis du Vieux Calais, numéro horssérie, mars 2002, p. 25-42.
4. Bernard-François-Anne Fonvielle, Les Mœurs d’hier, satire, Paris, Imprimerie Moller,
an VIII.
5. Joseph Despaze, Épître satirique à Bonaparte, Paris, Marchands de nouveautés, an V.
6. Pierre Serna, La République des girouettes. 1789-1815 et au-delà. Une anomalie politique : la
France de l’extrême centre, Paris, Champ Vallon, 2005.
7. Jean-Luc Chappey, « Les tribulations de Joseph Rosny (1771-1814) : questions sur le
statut de l’écrivain en révolution », Annales historiques de la Révolution française, no 356,
avril-juin 2009, p. 119-120. On peut citer ici aussi les travaux de recherche de Marjorie
Alaphilippe sur Faulcon de La Parisière, « Homme politique et poète : une vie de vers.
Pratique et production poétiques chez Marie-Félix Faulcon (1758-1843) », Sociétés
& Représentations, 2015/1 (no 39), p. 177-195, ainsi que ceux de Catriona Seth consacrés à
Évariste Parn : Évariste Parny (1753-1814). Créole, révolutionnaire, académicien, Paris,
Hermann, 2014.
8. La correspondance de Lebrun est toutefois moins dense pour la période révolutionnaire
que pour la seconde moitié du XVIIIe siècle, et renseigne donc peu sur ses réseaux et liens
de sociabilité sous la Révolution.
9. Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le prince immobile, Paris, Fayard, 2003, p. 13.
10. Robert Darnton, Bohème littéraire et Révolution, Paris, Gallimard, 2010.
11. Écouchard-Lebrun ne semble pas a posteriori avoir porté un jugement mélioratif sur
cette bohème littéraire, comme nous le confirme cette épigramme non datée : Sur les petits
poètes et petites poétesses / « De nos poètes perroquets / Je fuis la babillarde race ; / Mais je
fuis surtout les caquets / De nos perruches du Parnasse. »
12. Lebrun, Œuvres complètes, Paris, Imprimerie de Crapelet, 1811 : t. I, p. XV.
13. Ibid., t. II, p. 387.
14. Ibid., t. I, p. XV.
15. Georges Buisson, « Le Brun-Pindare, mentor d’André Chénier » dans Madeleine
Bertaud, François Moureau et Catriona Seth (dir.), L’Éveil des Muses. Poétique des Lumières et
au-delà, Rennes, PUR, 2002, p. 95-114.
16. Rien ne permet cependant d’affirmer que Lebrun fut initié à la franc-maçonnerie, là
où d’autres poètes comme Ginguené, Cubières ou Parny furent membres de la Loge des
Neuf Sœurs. En tout cas, Lebrun ne figure pas dans le répertoire général alphabétique des
membres des loges et chapitres de Paris et de sa région entre 1773 et 1794 réalisé par
Alain Le Bihan dans Francs-maçons parisiens du Grand Orient de France (fin du XVIII e siècle),
Paris, Bibliothèque nationale, 1966.
17. Lebrun, Œuvres complètes […], t. III, p. 10.
18. Ibid., p. 17.
19. Ibid., p. 102.
20. Ibid., p. 25.
21. Ibid., p. 40.
22. On a de Lebrun-Pindare des Vers sur la mort de Voltaire, une ode À M. de Voltaire en
faveur de Mademoiselle Corneille, une pièce intitulée À M. de Voltaire sur son arrivée à Paris,
ainsi qu’une autre Sur M. de Voltaire, bienfaiteur de Mesdemoiselles Corneille et de Varicourt ;
quant à Buffon, Lebrun lui adressa une pièce de vers Sur la statue de M. de Buffon, ainsi que
deux odes, l’une À M. de Buffon, sur ses détracteurs, l’autre À M. de Buffon sur une maladie
violente qui fit craindre pour ses jours.
23. AN, F17 1212.
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Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
24. Lebrun, Œuvres complètes […], t. II, p. 237-241.
25. Hébert désignait ainsi « des poètes qu’il estimait de piètre qualité » (voir Michel Biard,
Parlez-vous sans-culotte ? Dictionnaire du Père Duchesne (1790-1794), Paris, Tallandier, 2009,
p. 514).
26. Almanach des Muses de 1792, ou Choix des Poésies fugitives de 1791, Paris, Delalain, 1792,
p. 196.
27. Voir le décret du comité de Salut public en date du 27 floréal an II (16 mai 1793).
28. Almanach des Muses de 1794, ou Choix des Poésies fugitives de 1793, Paris, Delalain, an II,
p. 131.
29. Georges Buisson, « Le poète Lebrun sous la Terreur », Cahiers Roucher – André Chénier, n
o
15, 1995, p. 139. Buisson affirme, par ailleurs, que rien dans les vers de Lebrun de
l’époque de la Terreur ne ressemble à une quelconque apologie de ce régime politique.
30. Notons que Lebrun ne fut pas le seul à bénéficier des largesses et des liens de
« solidarité poétique » de Ginguené. Parny, poète élégiaque, sut faire pareillement
fructifier sa relation avec lui afin d’obtenir un poste au ministère de l’Intérieur, en retour
de quoi il composa des hymnes pour les fêtes révolutionnaires (voir Catriona Seth, « Le
réseau Parny », dans Philippe Bourdin et Jean-Luc Chappey (dir.), Réseaux & sociabilité
littéraire en Révolution, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2007,
p. 125-141).
31. AN, F17 1021/A, Dossier 4.
32. AN, F17 1021/B, Dossier 8. On n’a pas trouvé aux Archives nationales de demande de
pension écrite par le poète.
33. Durant l’an II puis sous le Directoire, une coopération artistique heureuse s’instaura
notamment entre notre poète et le compositeur Catel, qui mit en musique un certain
nombre de ses poèmes révolutionnaires. Pour se faire une idée du résultat de cette
coopération, on pourra écouter ces enregistrements du Chant républicain sur la bataille de
Fleurus (https://www.youtube.com/watch?v=o8kfjAnTZEE) et de l’Ode sur vaisseau Le
Vengeur (https://www.youtube.com/watch?v=rIm8QXz0QLM).
34. Lebrun, Œuvres complètes […], t. I, p. 404.
35. AN, F17 1021/A, Dossier 17.
36. Cette situation accrédite la thèse de Paul Bénichou pour qui le tournant des Lumières
a vu l’émergence d’un sacerdoce laïque porté par l’écrivain, jugé et se jugeant comme le
nouveau guide de l’opinion dans l’espace public et politique où celle-ci se déploie (voir
Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain, 1750-1830. Essai sur l’avènement d’un pouvoir spirituel laïc
dans la France moderne, Paris, José Corti, 1973).
37. Lebrun, Œuvres complètes […], p. 359.
38. Antoine de Rivarol, Petit dictionnaire des grands hommes de la Révolution, Paris,
Imprimerie nationale, 1790, p. VII.
39. Bulletin de littérature, des sciences et des arts, Paris, Hocquet et compagnie, 1794, n o 42,
p. 340.
40. Ibid.
41. P. Serna, La République des girouettes […], p. 225. La girouette peut se définir comme
quelqu’un « qui depuis 1789 a écrit, parlé ou prêté serment, ou bien a rendu public son
attachement “indéfectibleˮ en faveur de deux au moins des régimes qui se sont succédé
jusqu’en mars 1815 ».
42. Joseph de Rosny, Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne et François-Félix
Nogaret, Le Tribunal d’Apollon, ou Jugement en dernier ressort de tous les auteurs vivans. Libelle
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injurieux, partial et diffamatoire, par une Société de Pygmées littéraires, t. II, Paris, Marchand,
an VIII, p. 31.
43. P. Serna, La République des girouettes […], p. 223.
44. Dictionnaire des girouettes, ou Nos contemporains peints d’après eux-mêmes… par une société
de girouettes, Paris, Eymery, 1815, p. 231-233.
45. Lebrun, Œuvres complètes […], t. I, p. XXIX.
46. Ibid., p. XXII.
47. Almanach des Muses de 1790, ou Choix des Poésies fugitives de 1789, Paris, Delalain, 1790,
p. 9-10.
48. Voir notamment Décade philosophique du 20 floréal et du 30 floréal an II (9 et
19 mai 1794).
49. Voir annexe 2 de Ph. Bourdin, « Les poètes de la Révolution dans l’Almanach des Muses
», La Révolution française, no 7, 2014 [en ligne : http://lrf.revues.org/1163].
50. Poésies nationales de la Révolution française, ou Recueil complet des chants, hymnes, couplets,
odes, chansons patriotiques, Paris, Michel Fils aîné et Bailly, 1836.
51. M.-J. Chénier, Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française depuis
1789, Paris, Maradan, 1818 (rééd.), p. XVII.
52. Joseph Marie Quérard, La France littéraire, ou Dictionnaire bibliographique des savants,
historiens et gens de lettres de la France, Paris, Didot frères, 1833, t. V, p. 31-32.
53. Joseph-François Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre
alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs
écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes, Paris, Desplaces, 1843, t. 23,
p. 487.
54. M.-J. Chénier, Tableau historique [...], p. XVII.
55. Ferdinand Hoefer, Nouvelle biographie générale : depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos
jours, Paris, Didot Frères, 1858, t. 30, p. 148.
56. Roger Fayolle, « La dépindarisation de Ponce Denis Écouchard-Lebrun, dit Le BrunPindare », Œuvres et critiques, VII, 1, 1982, p. 87-99.
57. Jean-Luc Chappey, Ordres et désordres biographiques. Dictionnaires, listes de noms,
réputation des Lumières à Wikipédia, Seyssel, Champ Vallon, 2013, p. 5.
RÉSUMÉS
Comment, après avoir chanté les louanges du roi et des grands du royaume, peut-on célébrer
ardemment la chute du trône et le triomphe des vertus républicaines, le tout sans se dédire ? Le
présent article se propose d’explorer la trajectoire d’Écouchard-Lebrun, des salons feutrés du
prince de Conti aux bancs de l’Institut national. L’exemple de ce poète fécond, et au succès
pérenne, peut apparaître révélateur des enjeux liés à l’entraide et à la sociabilité artistiques dans
un contexte de recomposition de la République des lettres sous la Révolution, le Consulat et
l’Empire. Il permet aussi d’interroger la mémoire et la réputation des artistes engagés dans le
processus révolutionnaire une fois celui-ci « terminé », ou souhaité comme tel.
How is it possible, after having sung the praises of king and nobles, to then ardently celebrate the
fall of the monarchy and the victory of republican values without contradicting oneself? This
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Lebrun-Pindare, ou l’Orphée immobile
article explores the career of Écouchard-Lebrun, ranging from the comfortable salons of the
Prince de Conti to the benches of the Institut national. Studying this productive poet and his
continued success sheds much light on artistic solidarity and sociability during the
reconstruction of the République des lettres during the Revolution, Consulate, and Empire. It also
allows us to examine from a post-Revolutionary (or what was hoped to be post-Revolutionary)
perspective the memory and reputation of those artists politically engaged in the Revolutionary
process.
INDEX
Index géographique : France
Index chronologique : Révolution française, XVIIIe siècle
Keywords : Écouchard-Lebrun (Lebrun Pindare), poetry, literary sociability, girouettisme,
France, 18th century, French Revolution
Mots-clés : Écouchard-Lebrun dit Lebrun Pindare, poésie, sociabilités littéraires, girouettisme
AUTEUR
JÉRÉMY DECOT
Doctorant en histoire
Centre d’Histoire « Espaces et Cultures » (CHEC), Université Clermont-Auvergne, EA 1001
Allocataire de la Région Auvergne-Rhône-Alpes
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