FLORIAN BESSON
PAULINE DUCRET
GUILLAUME LANCEREAU
MATHILDE LARRÈRE
LE PUY DU FAUX
ENQUÊTE SUR UN PARC QUI DÉFORME L’HISTOIRE
LES ARÈNES
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INTRODUCTION
QUATRE HISTORIENS AU PUY DU FOU
ous partîmes donc vers le Puy du Fou, deux historiennes, deux historiens, par un matin d’août pluvieux.
Vous nous imaginez peut-être revêtus de chasubles brodées en lettres d’or « Science légitime », parés d’un blason
« Histoire autorisée », armés de stylos rouges, prompts à
annoter rageusement les marges des pages d’histoire du
parc vendéen.
Eh bien, non.
Ce n’est pas sans un certain sentiment d’humilité que
nous abordions ce parc qui chaque année attire désormais
plus de 2 millions de spectateurs et spectatrices, passionnés d’histoire. Combien de chercheurs ou de chercheuses
peuvent espérer un tel succès avec les livres qu’ils écrivent,
les expositions qu’ils organisent ? Avec humilité donc,
mais aussi avec une curiosité fascinée et un réel intérêt :
car ce qui nous rassemble tous quatre n’est pas seulement
diplômes, titres et statuts universitaires, mais aussi un profond attachement à la transmission du savoir historique, à
sa diffusion, à sa nécessaire vulgarisation.
D’abord parce que nous sommes toutes et tous enseignants, soucieux d’aider à apprendre et à comprendre,
espérant nous aussi allumer quelques étoiles dans les yeux
de nos élèves, étudiants et étudiantes. Mais surtout parce
que nous cherchons à pratiquer la médiation du savoir historique, par des blogs, des comptes Twitter, des émissions,
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en nous lançant dans la rédaction d’ouvrages de vulgarisation ou de manuels scolaires, en organisant des expositions,
en multipliant les conférences grand public. Nous savons
donc aussi, pour l’expérimenter depuis des années, combien
il peut être difficile de synthétiser, de mettre en récit des
périodes éloignées dans le temps, d’aborder des événements
souvent complexes. À nos yeux, le métier d’historien ne
peut se limiter à la production de savoirs : nous avons également le devoir de les partager, dans le souci du plus grand
nombre, de l’intérêt général et du service public. Nous ne
considérons pas que l’histoire soit l’apanage des historiens
ou historiennes de métier. Nous la reconnaissons comme
science, mais aussi comme pratique sociale, et nous étudions cette pratique sociale en consacrant une partie de nos
recherches à la manière dont, aujourd’hui comme hier, le
passé est représenté et utilisé. De fait, tous les quatre, chacun à notre échelle et avec nos angles d’approche respectifs,
nous travaillons notamment sur la manière dont l’histoire
de notre période de prédilection est mise en scène, représentée, réimaginée à l’époque contemporaine : des péplums
réinventant l’Antiquité romaine (Pauline Ducret) aux séries
installées dans un Moyen Âge de fantasy (Florian Besson),
de la mémoire des luttes sociales du xixe siècle (Mathilde
Larrère) à l’écriture de la Révolution française dans la
France de la IIIe République (Guillaume Lancereau).
En ce matin d’août pluvieux, nous ne venions donc
pas réclamer un quelconque territoire que nous aurions
considéré comme nôtre, mais plutôt ouvrir un dialogue
avec celles et ceux qui font aussi de l’histoire en étant
concepteurs, participants ou spectateurs des créations du
Puy du Fou.
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INTRODUCTION
L’histoire au Puy du Fou
Pour autant, soyons honnêtes, nous n’étions pas exempts
de quelques a priori, de quelques réserves. Nous ne sommes
pas, tant s’en faut, les premiers à nous intéresser à l’histoire
telle qu’elle est racontée dans le parc, et les collègues qui
nous ont précédés se sont montrés très critiques. Dès le
début des années 1980, alors que le Puy du Fou n’était
encore qu’un spectacle nocturne, Claude Langlois et
Jean-Clément Martin avaient tiré les premières sonnettes
d’alarme : tous deux s’inquiétaient de la réécriture contrerévolutionnaire à l’œuvre dans la Cinéscénie. Ils réagirent
en historiens, reconnaissant les silences et les manques de
l’histoire universitaire sur les massacres de Vendée, silences
qui ne faisaient qu’alimenter le sentiment d’injustice et
le besoin de réparations qui sont le terreau du projet de
Philippe de Villiers. Ils se mirent au travail et fournirent
d’importants travaux scientifiques pour documenter, comprendre et tenter d’expliquer la guerre et les violences terribles qui l’ont accompagnée, tout en mettant en lumière
la mémoire blessée qui travaille les sociétés de cette région.
Jean-Clément Martin mena même une vaste enquête sur le
Puy du Fou entre 1990 et 1991, avec le sociologue Charles
Suaud. Quelques années plus tard, ce fut un autre spécialiste de la Révolution française, Michel Vovelle, qui se
rendit au parc. Le nombre de spectateurs et spectatrices
atteignait alors les 250 000 chaque année, le spectacle initial s’était enrichi d’un « grand parcours ». Après sa visite,
Michel Vovelle dénonça « une vision passéiste du monde
et une mémoire qui est loin d’être innocente » (Le Monde
diplomatique, août 1994). Les années suivantes, le spectacle devint une imposante entreprise culturelle, grignotant
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consciencieusement les terres agricoles environnantes : un
stadium gallo-romain, divers châteaux, une cité médiévale,
un village du xviiie siècle sortirent de terre, et de nombreux
spectacles vinrent s’ajouter chaque année à la Cinéscénie originelle. Il fallait désormais au moins deux jours pour tout
voir : aussi, pour loger une partie (financièrement avantagée) des visiteurs, de vastes complexes hôteliers à thème
historique furent peu à peu construits. Nous apprenons
alors que nous bouclons ce manuscrit que le parc devient
train ! Une société entièrement privée vient d’être créée
pour offrir à un public pour le moins restreint, trié sur le
volet et surtout sur le portefeuille (4 900 euros la place),
un tour de France des hauts lieux de son roman national.
Cabine de luxe, visite privée et en bouquet final, logiquement, le spectacle nocturne vendéen…
En 2016, un conflit plus aigu opposa le Puy à deux historiens. Philippe de Villiers parvint à acheter une bague
qui aurait appartenu à Jeanne d’Arc. Faisant fi des nombreuses réserves exprimées par la communauté scientifique sur son authenticité, il fit déposer l’anneau dans
une chapelle reliquaire au cœur du parc (point d’orgue du
parcours en immersion La Renaissance du château). Les
historiens William Blanc et Christophe Naudin réagirent
dans Le Monde par une tribune : « Comment Philippe
de Villiers récupère le mythe de Jeanne d’Arc » (25 mars
2016). Avec le directeur de publication du quotidien, ils
furent alors poursuivis en justice par Villiers pour diffamation, non sur la question de l’authenticité de l’anneau mais
sur les motivations mercantiles pointées dans leur texte.
Ils furent relaxés en première instance le 21 janvier 2019
(anniversaire de la mort de Louis XVI, cela ne s’invente
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INTRODUCTION
pas…), et l’absence de toute faute fut confirmée par un
arrêt de la cour d’appel de Versailles, le 9 septembre 2020.
Entre-temps, en mars 2019, Guillaume Mazeau, autre
spécialiste de la Révolution française, publia un nouvel
article à charge dans The Conversation, dénonçant la « dangerosité de ces usages du passé ». En juin 2020, alors que le
parc venait de bénéficier d’une autorisation dérogatoire et
anticipée de réouverture en pleine crise sanitaire – décision
présidentielle, excusez du peu –, Chloé Leprince revint sur
France Culture sur la fabrication d’une « contre-histoire »
au Puy du Fou.
Les universitaires ne sont pas les seuls à se montrer critiques et sourcilleux. Les avis sur TripAdvisor, très majoritairement enthousiastes, témoignent également du fait
que certains spectateurs ou spectatrices sont pour le moins
gênés par les libertés prises avec la vérité historique et les
choix idéologiques du parc. En octobre 2020, Aurélie
du 85 écrivait ainsi : « Le Parc fait l’apologie d’une Vendée
mythifiée et d’un catholicisme salvateur. » Le même mois,
Pouloupoulpou, venu en famille, laissait ce commentaire :
« On a adoré le sublime Noces de feu. On a trouvé malaisant
le côté propagande de certains spectacles. On n’a rien contre
le débat, la controverse en histoire, mais lorsque l’on va à ce
point contre le consensus, il faudrait presque avertir. » Saint
Graal, dont les enfants ont été « enchantés », relève quant à
lui « des inexactitudes, des erreurs historiques, des mélanges
entre histoire et légendes, des bondieuseries grotesques ».
« Le parti pris du Parc » a mis « extrêmement mal à l’aise »
Monkhee, de Narbonne : « Entre réécriture/instrumentalisation de l’histoire et propagande catholique, je me suis
demandé plusieurs fois ce que j’étais vraiment en train de
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regarder. Ça a été une grande déception pour moi, passionnée d’histoire qui me faisait une joie de visiter ce parc. »
Notons toutefois que d’autres, bien conscients de certains
biais historiques, s’en félicitent. Ainsi de Sugarthemis qui,
en juin 2021, s’enthousiasmait pour le parc, véritable « vecteur de valeurs comme la bravoure, la résistance, le courage,
le sacré, la fierté nationale » et adresse ses « plus grands
respects à M. Philippe de Villiers pour cette œuvre vivante
dédiée à la Grande France ». Ou Léa de Toulouse qui a
visité le parc six fois et est « scandalisée de voir des avis tels
que “ce parc est une propagande du catholicisme”. […]
C’est tout à fait normal, à la base, LA FRANCE ÉTAIT
UN PAYS CATHOLIQUE, que cela n’en déplaise à certains, revoyez votre histoire de France ». Ce ne sont là que
quelques morceaux choisis.
Les réponses des équipes du Puy du Fou aux différentes
critiques se suivent et se ressemblent : « Nous regrettons
que les scénarii n’aient pas été à la hauteur de vos attentes »,
« Les scénarii de nos spectacles s’inspirent de faits réels, de
la littérature ou de faits romancés » (mélange effectivement
problématique sur lequel nous reviendrons plus loin), « Nos
spectacles s’inspirent de l’ambiance de certaines périodes de
l’histoire de France, de la littérature ou de légendes », « Nous
vous garantissons que l’unique but de nos créations est de
susciter la surprise et l’émotion de nos visiteurs », « unique but
de faire vivre un voyage dans le temps unique et inoubliable »,
« unique but de faire vivre une expérience inoubliable ». Soit
plus ou moins ce que disait le droit de réponse exercé par
le parc à l’article de Guillaume Mazeau : « L’Association
du Puy du Fou et du Grand Parc du Puy du Fou n’ont
jamais prétendu faire un travail d’historien : elles proposent
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INTRODUCTION
de spectaculaires romances historiques, qui permettent un
voyage poétique dans le légendaire français à travers ses
merveilles, ses drames, ses grandeurs, de l’Antiquité au
xxe siècle. Le Puy du Fou emprunte à l’imaginaire collectif
des images parfois inspirées de la grande Histoire, sans autre
prétention que de mettre en scène des poèmes divertissants,
mêlant légendes et réalité. »
Au cœur d’un combat culturel
Le Puy du Fou, un parc proposant uniquement des
« poèmes divertissants » ? Pour autant, Philippe de Villiers
assume bel et bien, à d’autres moments, de mener un « combat culturel » : dans une interview qu’il donnait à France,
un webmagazine identitaire, après avoir renoncé à se porter
candidat à la présidentielle de 2017, il jugeait « avoir fait
passer plus d’idées par ses livres ou son Puy du Fou qu’en
restant la énième écrevisse de la bassine ». On rappellera
à cet égard que Philippe de Villiers est le seul auteur des
différents spectacles du parc : l’intégralité de ce qui s’entend
dans les parcours immersifs ou les spectacles vient donc
de sa plume. Or il est tout à fait clair sur ses intentions
et sur son positionnement : dans son ouvrage consacré
à l’histoire du parc, intitulé sobrement Un rêve d’enfant,
que nous avons acheté dans l’une des boutiques du parc
et lu attentivement, Philippe de Villiers insiste sur le fait
que la création même du parc vient d’abord d’une « dette
morale » envers le « génocide vendéen », « de la confluence
de deux urgences intimes : une reconnaissance de dette
et une réparation de l’injustice commise en Vendée ». Le
Puy du Fou naît donc avant tout d’une volonté, assumée et
jamais démentie, de mener un combat mémoriel et culturel.
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Le Puy du Fou n’est pas, dans ce combat, le seul soldat ni le seul champ de bataille. Des unes du Point, de
Valeurs actuelles ou d’Historia aux plateaux de télévision
de CNews, en passant par les succès colossaux de librairie du Métronome de Lorànt Deutsch, l’audimat de Secrets
d’Histoire, et jusqu’aux petites brochures en vente dans les
stations-service, fleurissent les récits historiques qui réécrivent et instrumentalisent l’histoire. Non seulement ces
discours ne s’embarrassent guère des exigences méthodologiques de la science historique – à savoir, au minimum,
ne pas prononcer de contrevérités, lire la bibliographie
récente sur le sujet et s’appuyer sur des sources fiables, critiquées, et croisées – mais, ce qui est plus problématique,
ils placent souvent la mise en récit du passé au service de
combats culturels du présent, qu’il s’agisse de nostalgie
monarchique, aristocratique, impériale, coloniale, raciste
ou patriarcale, voire d’un mélange de ces éléments. Les
historiens et historiennes de métier sont parfois à la peine
face à ces innombrables contre-histoires, car il est toujours
plus difficile de rendre compte de la complexité du passé,
des nuances et tensions internes qui le travaillent que d’asséner sans preuve des contrevérités. Il faut dire également
que des personnalités comme MM. Zemmour, Deutsch
et Bern sont plus à l’aise sur les plateaux télé qui leur sont
largement ouverts que des professeurs davantage habitués
aux amphithéâtres du supérieur ou aux salles de classe du
secondaire. Ajoutons enfin que la pression à l’Université
pour les postes et l’accroissement de la charge de travail
pédagogique et administrative éloignent les chercheurs et
chercheuses d’une scène publique dès lors abandonnée à
quelques habiles faussaires du passé. Le dialogue semble
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INTRODUCTION
donc impossible : lorsqu’un ou une historienne cherche,
par exemple, à contrecarrer les propos d’Éric Zemmour
sur Vichy ou les croisades, même s’il ou elle présente des
sources et des travaux universitaires, il ou elle se retrouve
face à un mur de mauvaise foi, aux accusations d’histoire officielle, ou militante, souvent les deux, pendant
que les journalistes se contentent de compter les points
et de rechercher la punch line qui fera grimper l’audimat.
Du reste, ces critiques semblent parfois désespérément
vaines : quoi qu’on dise, quoi qu’on écrive, les partisans
d’Éric Zemmour ou de Franck Ferrand resteront persuadés
que la version de l’histoire qu’ils entendent est la bonne,
et que les historiens et historiennes qui la critiquent ne
le font que par jalousie, par souci du « détail » ou encore,
reproche omniprésent, par « idéologie » – et ce, alors qu’ils
ne semblent pas reconnaître la part essentielle de l’idéologie
dans la vision du passé défendue par MM. Zemmour ou
Bern. La défiance envers l’histoire savante s’est fortement
accrue ces dernières années ; les universitaires en sont pour
partie responsables du fait de postures parfois surplombantes, faute aussi d’avoir suffisamment réfléchi à la transmission, à la vulgarisation du savoir scientifique.
Philippe de Villiers lui-même n’a d’ailleurs que mépris
pour l’Université. Dans son ouvrage, il se moque des universitaires venus étudier le Puy du Fou : évoquant le travail
de Jean-Clément Martin, il le désigne comme des « carottages » pleins de condescendance. Plus loin, il dénonce le
fait que l’histoire, jadis drapée dans la gloire du roman
national, ait été peu à peu « livrée aux sciences sociales
jargonnantes et mortifères » ; il dépeint de surcroît les historiens comme « des médecins légistes », qui ont voulu
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commettre un véritable « mémoricide » en passant sous
silence les hauts faits de la nation française. Cette critique
du monde universitaire, très classique chez les polémistes de
la droite traditionnelle ou de l’extrême droite, culmine dans
le chapitre de son ouvrage consacré à l’achat de ce fameux
« anneau de Jeanne d’Arc ». Il y fustige les historiens trop
timides, tourne en ridicule ces « voix isolées qui s’affublent
elles-mêmes du titre de communauté scientifique » et va
jusqu’à comparer les universitaires d’aujourd’hui aux ecclésiastiques qui condamnèrent Jeanne d’Arc au bûcher… Les
critiques des historiens relatives à l’authenticité de l’objet
sont décrites comme des bouderies d’enfants jaloux – « ils se
drapent dans leur dignité de scientifiques offensés ». Villiers
termine en dénonçant l’obstination de ces « scientifiques
d’État », une expression méprisante qui renvoie autant au
siècle de Louis XIV qu’à la Russie soviétique.
Méthode d’enquête
Dans ce contexte, le parc vendéen mérite qu’on s’y
attarde, avec méthode, en prenant au sérieux celles et ceux
qui y travaillent, celles et ceux qui le visitent, étant donné
son considérable succès qui fait de lui un modèle, même
hors de nos frontières. En abordant ce projet, nous étions
conscients des idées préconçues que nous pouvions avoir
et soucieux d’en éviter les biais. Aussi est-ce avec méthode
que nous l’avons entrepris, en historiens et historiennes
donc. Pour commencer, nous avons pris en compte tout
l’arc chronologique couvert par le parc : dans la brochure
quotidienne proposée au public, une frise assez pédagogique situe les spectacles dans le temps, courant du Signe
du triomphe, un spectacle situé dans le stadium gallo-romain
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au iiie siècle de notre ère, au Ballet des sapeurs dans le
Bourg 1900. La Cinéscénie se prolonge quant à elle jusqu’à
la Seconde Guerre mondiale et la Libération. Les hôtels
à thème de la Cité nocturne permettent de choisir entre
une ambiance antique (La Villa gallo-romaine), médiévale
(Les Îles de Clovis et La Citadelle), ou moderne (Le Camp
du Drap d’or et Le Grand Siècle). Aussi sommes-nous partis à quatre, une antiquisante, un médiéviste, un moderniste
et une contemporanéiste, n’hésitant pas à solliciter nos
collègues plus spécialistes de certaines périodes quand le
besoin s’en faisait ressentir. Nous couvrons ainsi l’ensemble
des spectacles et univers recréés, quand l’essentiel des travaux déjà publiés se concentre surtout sur le traitement
puyfolais de la Révolution.
Nous avons mené une enquête de terrain attentive :
trois journées pleines à enchaîner les spectacles, que nous
avons tous vus au moins une fois, voire deux pour n’en
manquer aucun élément, à visiter hôtels, échoppes, restaurants, cités et villages reconstitués, noircissant nos cahiers
de notes, tapant frénétiquement sur nos téléphones, nous
attachant à tous les détails – et il y en a, tant le parc soigne
jusqu’aux pictogrammes des toilettes ! Nous avons prêté
attention aux nombreux livres, goodies et gourmandises en
vente, nous nous sommes procuré quelques livrets « pédagogiques » à l’appui des spectacles proposés par le parc.
Nous avons analysé le site Internet, lu les avis qui y sont
consignés, ainsi que ceux de TripAdvisor. Nous avons
visionné les vidéos d’anciens spectacles, les archives de
l’INA sur les débuts du Puy. Nous avons lu la bibliographie
sur le parc, des travaux de nos collègues au livre-manifeste
de Philippe de Villiers. Bref, fidèles à la méthode de notre
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discipline, nous avons varié et croisé les sources. Le temps
nous a cependant manqué pour mener des entretiens avec
les spectateurs et spectatrices ou le personnel du parc,
aussi nous en tiendrons-nous à ce qui est mis en scène,
en images, en récit : cet ouvrage porte donc uniquement
sur les contenus historiques explicites tels qu’ils sont présentés par le parc, essentiellement à travers les scénarios,
les décors et les dialogues des spectacles et des parcours
d’immersion.
Durant ces trois jours de visite, courant d’un spectacle
à l’autre, dans la froidure humide de ce mois d’août 2021,
nous avons eu tout à la fois des étoiles dans les yeux et le
cerveau qui bugue, comme certains des spectateurs que
nous citions plus haut. Des étoiles dans les yeux, d’un côté,
car on ne peut que s’émerveiller des prouesses techniques,
circassiennes, équestres des spectacles. Le progrès n’est pas
une notion célébrée par le Puy qui, comme nous le verrons,
tient d’une vision tout à la fois nostalgique et fixiste faisant
du passé une valeur refuge, mais il est nettement mis au
service des spectacles, et la maîtrise, voire l’hypertrophie
des techniques sonores, pyrotechniques, lumineuses fait
indubitablement de l’effet ! Si on peut – on doit – critiquer
la mise en scène du baptême de Clovis et le discours historique tenu, on n’en est pas moins impressionnés par ces
rideaux d’eau bleutée sur lesquels se dessine, par des jeux
de lumière, une pluie de fleurs de lys. À bord du bateau
de La Pérouse, l’immersion est impressionnante : nous
sommes sortis du parcours émerveillés par les effets des
vidéos de flots démontés, avec même un léger mal de mer
alors que nous n’avions pas quitté le plancher des vaches !
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INTRODUCTION
L’attention aux détails est également remarquable, on y
reviendra plus loin. Chez les comédiens et comédiennes,
pas un tatouage, pas une montre qui vienne inviter le présent dans la figuration du passé. Soulignons et remercions
chaleureusement aussi tout le personnel du parc, efficace,
souriant, attentionné – y compris quand, pénibles chercheurs et chercheuses que nous sommes, nous nous attardions après un spectacle pour finaliser nos notes ou scruter
un détail…
Les yeux qui brillent, donc… mais aussi le cerveau qui
bugue, pour bien des raisons que les pages qui vont suivre
prendront le temps de détailler et d’expliquer.
Dans le hors-série du Point consacré, en juillet 2021,
au Puy du Fou, un journaliste demandait à Philippe
de Villiers : « Que répondez-vous quand on vous dit que
vos spectacles ont un parti pris idéologique ? » La réponse
est claire : « Ce sont les gens qui ne viennent pas qui
disent cela ! »
Eh bien, nous sommes venus, nous avons vu… nous
avons répondu.
N.B. On trouvera à la fin du livre une présentation des
différents spectacles, qui résume l’intrigue et les personnages. À noter qu’on peut regarder la plupart des spectacles
sur YouTube, dans des captations vidéo souvent d’une qualité assez moyenne.
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LE PUY DU FAUX
POUR EN SAVOIR PLUS
William Blanc, Aurore Chéry, Christophe Naudin,
Les Historiens de garde. De Lorànt Deutsch à Patrick Buisson,
la résurgence du roman national, Paris, Libertalia, 2016.
Laurence De Cock, Mathilde Larrère, Guillaume Mazeau,
L’Histoire comme émancipation, Marseille, Agone, 2019.
Claude Langlois, « La révolution malade de la Vendée »,
Vingtième Siècle, revue d’histoire, no 14, avril-juin 1987,
p. 63-78.
Chloé Leprince, « Le Puy du Fou, ses bénévoles, son “génocide” : comment se fabrique une contre-histoire », France
Culture, 13 juin 2020.
Jean-Clément Martin, « À propos du “génocide vendéen”. Du
recours à la légitimité de l’historien », Sociétés contemporaines,
no 39, 2000, p. 23-38.
Jean-Clément Martin, Charles Suaud, Le Puy du Fou, en
Vendée. L’Histoire mise en scène, Paris, L’Harmattan, 1996.
Guillaume Mazeau, Histoire, Paris, Anamosa, 2020.
Guillaume Mazeau, « Le Puy du Fou. Sous le divertissement,
un “combat culturel” », The Conversation, 29 mars 2019.
Michel Vovelle, « Un historien au Puy du Fou », Le Monde
diplomatique, août 1994, p. 16-17.
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TABLE
INTRODUCTION. QUATRE HISTORIENS AU PUY DU FOU ..................
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L’histoire au Puy du Fou......................................................................
Au cœur d’un combat culturel .............................................................
Méthode d’enquête..............................................................................
9
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1. LE PARC DES ENRACINEMENTS .........................................................
Faire revivre l’histoire ..........................................................................
La Vendée, région-mémoire ................................................................
Le passage au national ........................................................................
Le parc du roman national.............................................................
21
21
24
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32
2. L’ILLUSION DU « VRAI » ......................................................................
Le diable se niche dans les détails ..................................................
L’historien et la vérité historique ....................................................
Des sources évanescentes ............................................................
L’anneau de Jeanne et l’assiette de Monti .......................................
« Morituri te salutant » : petit exercice de fact-checking ....................
« L’empereur Jules César… » : à l’école du Puy du Faux ...................
« Nous sommes tous des coqs gaulois » :
une fausse histoire au service d’un vrai discours .............................
39
39
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43
46
48
52
3. UN PASSÉ DÉPASSÉ ...........................................................................
Une histoire immobile...................................................................
Une histoire rassurante .................................................................
Une histoire… sans histoire ..........................................................
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59
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4. PRINCESSES ET CHEVALIERS : LE GENRE DU PARC .........................
Le parc passé au test de Bechdel ...................................................
Un monde du travail à parité ? .......................................................
Femmes passives, femmes invisibles .............................................
Le couple, la grande affaire du parc ................................................
Pépites sexistes ...........................................................................
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5. PEUPLE ET ÉLITES ............................................................................. 93
Une communauté villageoise idéalisée ................................................ 93
Des valeurs aristocratiques ................................................................. 97
Vive le roi ! .......................................................................................... 101
Un rapport ambigu aux élites .............................................................. 104
6. LE LOCAL, DERNIER BASTION CONTRE LE MONDE EXTÉRIEUR ......
Le Puy du Fou, au cœur de l’histoire de France...................................
Les ennemis venus de l’extérieur ........................................................
Un espace refuge ................................................................................
Un rapport complexe au pouvoir .........................................................
Comme une lueur dans la nuit ............................................................
111
111
116
117
121
125
7. DIEU ET LA NATION ...........................................................................
Le christianisme, religion de paix… ou presque .................................
Croisades partout, croisés nulle part ...................................................
Ce qui n’est pas montré ......................................................................
« Pour la gloire de la France » ..............................................................
Renouer la chaîne des temps ..............................................................
129
130
135
137
140
144
CONCLUSION ...................................................................................... 149
Un discours sur (et contre) l’histoire................................................... 149
Réécritures de l’histoire ...................................................................... 153
ÉPILOGUE. INVENTER D’AUTRES PUY DU FOU .................................
L’empereur et les chrétiens (Pauline)..................................................
Le faucon de Talmont (Florian) ...........................................................
Le grand voyage de Nikitine (Guillaume) .............................................
Aux urnes, citoyens ! (Mathilde) ..........................................................
Le puits de la mine (Mathilde) .............................................................
159
159
166
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PRÉSENTATION DES SPECTACLES .................................................... 189
REMERCIEMENTS............................................................................... 195
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