Academia.eduAcademia.edu

Texte, textualisation et pratique : Le devenir de l'énonciation

2017, Semiotica

RésuméConvoquant le cadre théorique de la sémiotique (post-)greimassienne, cette contribution se propose de cibler quelques-unes des étapes ayant marqué la réflexion sur l’énonciation depuis les années 1970–1980, avant d’esquisser les contours d’une sémiotique de l’énonciation comme pratique située. Ainsi, après avoir rappelé que la théorie de l’énonciation « énoncée » (Greimas et Courtés

Semiotica 2017; aop Marion Colas-Blaise* Texte, textualisation et pratique : Le devenir de l'énonciation https://doi.org/10.1515/sem-2017-0065 Résumé: Convoquant le cadre théorique de la sémiotique (post-)greimassienne, cette contribution se propose de cibler quelques-unes des étapes ayant marqué la réflexion sur l’énonciation depuis les années 1970–1980, avant d’esquisser les contours d’une sémiotique de l’énonciation comme pratique située. Ainsi, après avoir rappelé que la théorie de l’énonciation « énoncée » (Greimas et Courtés 1979) invite à repérer les marques laissées dans le texte par l’énonciation, qui est présupposée, virtuelle et hypothétique, nous visons à rendre compte de la dynamique de la constitution du texte (textualisation) en mettant l’accent, d’une part, sur l’énonciation « vivante » (Fontanille 2003 [1998] ; cf. la conversion de la marque en trace) et, d’autre part, sur le geste énonciatif d’une instance sensible pourvue d’une corporalité (cf. la conversion de la marque en empreinte, Fontanille 2011). Enfin, une sémiotique de l’énonciation comme acte ou pratique nous conduit à prendre en considération d’autres strates du parcours de l’expression (Fontanille 2008) que celle du texte, en particulier celle du support-objet. L’accent est également mis sur l’environnement (le cadre institutionnel, socioéconomique et culturel). Dans ce contexte, nous cherchons à évaluer la portée et la pertinence du concept de dispositif. Mots-clés: Énonciation « énoncée », énonciation « vivante », geste énonciatif, acte d’énonciation, pratique, dispositif Abstract: (Post-)greimasian semiotics constitutes the theoretical frame of this article, which focuses on the development of an enunciation theory since the 1970–1980s, before considering enunciation as a semiotic practice, anchored in a social and cultural context. Thus, after recalling that the theory of “enunciated” enunciation (énonciation énoncée, Greimas and Courtés 1979) puts emphasis on the enunciative mark in which enunciation itself is presupposed, virtual and hypothetical, I will concentrate on the dynamics of the constitution of the text (textualisation), on the one hand, in terms of “living” enunciation (énonciation”vivante,” Fontanille 2003 [1998]; cf. the conversion of the mark into a “trace”) and, on the other, regarding the bodily based sensory-perceptual *Corresponding author: Marion Colas-Blaise, IPSE/IRMA, Université du Luxembourg, Esch-sur-Alzette 4366, Luxembourg, E-mail: marion.colas@uni.lu 2 Marion Colas-Blaise enunciative instance (cf. the conversion of the mark into a « print », Fontanille 2011). Finally, I will examine how the enunciative act or the enunciative practice takes into account the different layers of the path of expression (Fontanille 2008) beyond the text, namely, the medium, the object (support-objet). I will also take into consideration the environment (the institutional, social, cultural, and economic context). Special attention will be paid to the concept of dispositive. Keywords: “Enunced” enunciation, “living” enunciation, sensible enunciation, enunciative act, practice, dispositif La notion d’énonciation est une de celles qui cristallisent les efforts des chercheurs actifs dans le domaine de la sémiotique tant greimassienne que post-greimassienne. Ainsi, nous parcourrons à grandes enjambées les quarante dernières années de la réflexion sur l’énonciation en sémiotique, en mobilisant les linguistiques de l’énonciation à l’occasion. Nous mettrons ainsi l’accent sur l’énonciation comme pratique située. Enfin, nous chercherons à montrer en quoi le processus de l’énonciation – l’énonciation en/comme acte – se laisse capter à un des paliers de manifestation privilégiés, celui du texte. De manière très schématique et forcément incomplète, retenons, en entrée, quelques appuis théoriques qui témoignent du développement de la notion d’énonciation en sémiotique depuis les années 1970–1980. La portée novatrice d’une sémiotique de l’énonciation doit être mesurée à l’aune de la définition de l’énonciation que Greimas et Courtés proposent dans le Dictionnaire (1979 : 125–128). Elle est déclinée en sept points, qu’on rappellera succinctement : i) l’énonciation est considérée comme une « instance linguistique logiquement présupposée par l’existence même de l’énoncé », l’acte de langage n’étant, pour sa part, pas considéré : il ne pourrait l’être qu’en relation avec la structure non-linguistique, référentielle ; ii) dans une perspective benvenistienne, un des enjeux consiste à rendre compte de la prise en charge par une instance individuelle du système social de la langue ; iii) la compétence sémiotique comprend les structures sémiotiques virtuelles dont le sujet de l’énonciation assure la réalisation sous forme de discours ; iv) l’instauration du sujet de l’énonciation est tributaire de la double opération du débrayage et de l’embrayage ; v) le concept d’intentionnalité renvoie à une « visée du monde » ; vi) dans la mesure où l’énonciation en tant qu’acte est à l’origine de la production de la sémiosis, son aval donne lieu à des procédures de textualisation (manifestation) ; vii) l’énonciation « énoncée », instituée en objet d’étude, est le « simulacre » du faire énonciatif à l’intérieur du discours. Même si, vingt ans plus tard, Courtés (1998) accorde à l’énonciation une position dominante, en mettant en avant l’interaction entre l’énonciateur et l’énonciataire, le point de vue du discours Texte, textualisation et pratique 3 achevé, stabilisé, dont les articulations formelles sont offertes à l’analyse, reste tributaire d’une pensée de la marque invitant à reconstituer les modalités de l’énonciation par présupposition. En contrepoint, on mesure le pas franchi par des chercheurs tels que Coquet (1997), Geninasca (1997), Landowski (1997) et Floch (1995), dont les travaux reposent, écrit Fontanille (1998 : 4–5) dans l’introduction à « L’énonciation comme acte sémiotique » de Courtés, sur cinq principes communs : le discours est pourvu d’une cohérence dont la sémiotique doit rendre compte ; l’accent doit être mis sur le mouvement de sa construction et sur les actes, au-delà ou en deçà de la saisie d’une structure achevée ; l’actant de l’énonciation assume l’instance de référence des articulations de la signification ; sa position est celle d’un corps sensible, ému par les déterminations que constituent les esthésies ou l’efficience de la présence du monde ; ce point de vue théorique inédit réclame des outils conceptuels nouveaux. Ainsi, c’est un changement de point de vue, alternatif par rapport à la sémiotique pratiquée dans les années 1970–1980, que propose Fontanille (2003 [1998]) en nouant ensemble deux perspectives complémentaires, la prédication existentielle et la prédication assomptive comme modes d’articulation de la présence. Il développe après Greimas et après Bertrand (1993) la notion de praxis énonciative (cf. également Fontanille et Zilberberg 1998) et met en avant la notion d’énonciation « vivante ». Nous en retenons pour notre propos qu’une pensée de la marque énonciative renouvelée doit capter à hauteur du devenir-texte la dynamique des stabilisations et déstabilisations successives du sens, les marques énonciatives se muant en des traces toujours provisoires. Un tel changement de point de vue peut constituer un changement de paradigme : en effet, en raison de sa centralité, le point de vue du discours en acte et de l’énonciation « vivante » sous-tendra, à côté de l’hypothèse d’une modélisation tensive s’attachant à rendre compte des valeurs émergeant à partir du sensible, non seulement les recherches sur la praxis énonciative, mais celles qui donneront lieu à une sémiotique du corps (Fontanille 2004, 2011). Précisément, une pensée de la marque énonciative renouvelée doit également rendre compte du soubassement sensible, de la présence corporelle de l’instance d’énonciation. Sur ces bases, mobiliser les cadres de la théorie des instances énonciatives développée par Jean-Claude Coquet, notamment dans Phusis et logos (2007), à partir des travaux de Benveniste et dans la perspective de la phénoménologie, permettra de déplacer l’angle de vue. Considérant que la manifestation expressive témoigne non seulement de l’événement de sens, mais de son expérience même, nous comptons nous attarder, à partir des marques énonciatives distillées dans le texte, sur les étapes rythmant le processus de l’instauration du sens et, plus particulièrement, sur le geste énonciatif qui fait émerger les instances d’énonciation de proche en proche. 4 Marion Colas-Blaise Enfin, il s’agira de rendre compte non plus seulement du geste énonciatif, et de l’intrication du sensible et du cognitif, mais de l’énonciation comme pratique, envisagée du point de vue de l’acte « matériel, historique et médiatique » (Dondero 2009). Au delà des « simulacres » qu’il est possible d’appréhender du point de vue de l’énonciation « énoncée », il importe de saisir la production située dans un contexte sociohistorique, économique et culturel. Elle peut être matérialisée par des inscriptions sur un objet-support. Fontanille attire l’attention sur l’objet-support en se donnant les moyens de rendre compte d’une énonciation interactive « incarnée » : … l’objet-support d’écriture intègre le texte en fournissant une structure de manifestation figurative aux divers aspects de son énonciation. Eu égard au texte-énoncé, ces propriétés de l’objet-support seront interprétées comme énonciatives. (Fontanille 2008 : 23–24) Ainsi, après une première partie consacrée à l’énonciation « énoncée », qui intègre le point de vue de la linguistique, nous chercherons à rendre compte de la dynamique énonciative, saisie à travers la textualisation,1 d’une triple manière : d’abord, au niveau même du « devenir-texte », il importera de restituer les étapes d’une mise en scène énonciative, captée au croisement des modes d’enchaînements textuels (deuxième partie) ; ensuite, il importera de rétablir à partir des marques énonciatives le geste énonciatif qui dépose dans le texte les empreintes d’une corporéité (troisième partie) ; enfin, nous nous demanderons en quoi la prise en considération du support-objet des formes d’inscription (Fontanille 2008) peut nous conduire à donner à l’acte d’énonciation un ancrage socioculturel, historique et économique (quatrième partie). Les quatre volets, qui éclairent différentes facettes de l’énonciation, exigeront des ancrages théoriques spécifiques. Ainsi, un des enjeux de cette étude sera non seulement de promouvoir un traitement « unitaire » de l’objet d’analyse – nous prendrons appui sur des extraits des Années d’Annie Ernaux (2011 [2008]) – mais de se faire l’écho de sensibilités sémiotiques différentes. 1 L’énonciation « énoncée » et le repérage des marques Adoptons, pour commencer, le point de vue de l’énonciation « énoncée », c’està-dire du texte comme un tout de sens cohésif et cohérent, achevé et stabilisé, 1 Désormais, nous entendrons par « textualisation » la dynamique de constitution du texte comme une des sémioses possibles. Texte, textualisation et pratique 5 qui accueille le simulacre de l’interlocution et confère à l’énonciation le statut de conditions de possibilité. L’énonciation présupposée est virtuelle et hypothétique. Le détour par la linguistique permet de s’interroger davantage sur les marques de la subjectivité énonciative. Les linguistes le confirment, les manifestations de la subjectivité énonciative sont sélectionnées en fonction de leur capacité à être subsumées non seulement par le centre déictique, mais par les centres modaux (Rabatel 2005), que le « je » locuteur-narrateur assume ou non les points de vue qu’ils gèrent. Aussi une théorie de la marque énonciative a-t-elle pour première tâche l’adoption de critères guidant sa reconnaissance et, si possible, sa localisation. L’urgence de la définition de tels critères est soulignée, d’une part, par la présence de subjectivèmes dans le récit benvenistien, alors même qu’il est déconnecté de la situation d’énonciation. Elle est confirmée par le phénomène de l’« effacement énonciatif », dont le statut énonciatif a été affirmé par Vion (2001) ou Rabatel (2003, 2004) et discuté par Philippe (2005 : 150). Si nous prenons le parti de ceux qui hissent l’effacement énonciatif au rang d’une stratégie énonciative, nous nous situons en effet à la lisière entre l’objectivité ou la « transparence » du dire et sa subjectivisation et nous sommes confrontés au dédoublement des positions énonciatives à travers la dissociation de l’énonciation « enchâssée » et de l’énonciation « enchâssante » : la raréfaction des subjectivèmes affectifs et axiologiques ou encore l’absence de constellations déictiques (déictiques de personne, déictiques spatiaux et déictiques temporels) ne font qu’attester indirectement l’activité, comme surplombante, de mise en texte du scripteur. C’est du moins en creux que l’« objectivation » du discours et l’« impersonnalisation », qui rend difficile l’identification de la source énonciative dans le texte, signifient à l’intérieur de stratégies énonciatives et relèvent, à ce titre, du montrer.2 On mesure toutes les implications de cette prise de position théorique : le risque du « tout est marque », dont le « rien n’est marque » (Berrendonner 1981 : 121–122) n’est que l’autre face,3 n’étant pas écarté, une des demandes qui nous sont adressées concerne, plus que jamais, la reconnaissance des marques énonciatives4 au-delà de l’émergence d’un vague niveau d’organisation, y compris de celles qui, dans le cas de l’effacement énonciatif, signalent une absence. 2 Au sujet de la distinction entre le montrer et le dire, cf. Wittgenstein (1993 [1921]) ainsi que les pragmaticiens Recanati (1979), Berrendonner (1981 : 121–122), Ducrot (1984 : 187–189), Nølke (1994 : 114), Perrin (2008, 2010) ou Colas-Blaise (2013a). 3 Pour Philippe, l’« “extrémisme” du tout-énonciatif » (2005 : 154) pourrait nuire à la perception de la « dimension prioritairement référentielle du style » (2005 : 147). 4 Une réponse consiste à distinguer le modalisateur traduisant un regard surplombant de la modalité (Vion 2003), celle-ci pouvant être « incorporée, selon Bally, dans le dictum sous la forme d’un adjectif de jugement ou d’appréciation » (1965 [1932] : 46). 6 Marion Colas-Blaise Tel extrait des Années d’Annie Ernaux, dont les différentes parties de cette étude proposeront des éclairages successifs, permet de le vérifier : (1) Au sortir de la guerre, dans la table sans fin des jours de fête … la mémoire des autres nous plaçait dans le monde. Hors des récits, les façons de marcher, de s’asseoir, de parler et de rire, héler dans la rue, les gestes pour manger, se saisir des objets, transmettaient la mémoire passée de corps en corps du fond des campagnes françaises et européennes. Un héritage invisible sur les photos qui, pardelà les dissemblances individuelles, … unissait les membres de la famille … Un répertoire d’habitudes, une somme de gestes façonnés par des enfances aux champs, des adolescences en atelier, précédées d’autres enfances, jusqu’à l’oubli : manger en faisant du bruit et en laissant voir la métamorphose progressive des aliments dans la bouche ouverte … empoigner les choses avec force, claquer les portes. Faire tout avec brusquerie … … parler fort et de façon grondeuse … La langue, un français écorché, mêlé de patois, était indissociable des voix puissantes et vigoureuses … (Ernaux 2011 [2008] : 940–941) Typiquement, une subjectivité « résiduelle » (Monte 2007) fait sens à l’intérieur d’une scénarisation qui orchestre, méthodiquement, le retrait du narrateur. D’une part, en effet, cette portion de texte est émaillée de subjectivèmes arrachant le mode de construction du référent à l’illusion de l’objectivité, fussent-ils discrets : ainsi, s’ajoutant aux lexèmes impliquant un jugement axiologique (« avec brusquerie », « grondeuse » …), la locution « sans fin », le groupe prépositionnel « jusqu’à l’oubli » ou l’adjectif « progressive » dénotent un ancrage aspectuel, qui double l’installation d’un centre perceptif dans le temps (« au sortir de la guerre ») et dans l’espace (« dans la table »). La négation présente dans « invisible » et « dissemblances », corrélée à des marqueurs d’orientation argumentative, peut garder la trace d’une dimension non seulement dialogale, mais dialogique. Une telle charge dialogique affleure également dans « héler dans la rue » : cette infinitive, arrachée au carcan des dépendances syntaxiques – la préposition « de » n’étant pas répétée –, peut se faire l’écho, sous une forme parfaitement anonymisée, de l’interpellation directe et orienter le lecteur vers une valeur autonymique sous-jacente. Enfin, non seulement l’effet d’abstraction, produit par le recours aux substantifs « enfance » et « adolescence », est combattu par des notations référentielles Texte, textualisation et pratique 7 précises (« aux champs », « en atelier »), qui rappellent l’importance de l’expérience somatique (cf. également « de corps en corps »), mais la phrase se charge d’une tonalité poétique à travers la reprise du substantif « enfances », qui crée comme une rime phonique et sémantique interne. D’autre part, l’instance d’énonciation monnaye le retrait du narrateur marqué surtout par l’accumulation des infinitifs (« manger … », « empoigner les choses … », « parler fort … ») présentés, du point de vue typographique, sous forme de liste. Les infinitifs appellent, en effet, deux remarques et un glissement vers un point de vue davantage sémiolinguistique. D’abord, amputés de toute indication de personne et de localisation dans le temps et dans l’espace, ils témoignent de la radicalité du geste d’effacement des marques énonciatives. En effet, plus que le retrait de l’instance sujet, ils signifient l’indétermination provisoire de la « personne généralisée, qui n’est expressément encore ni la première, ni la deuxième, ni la troisième », en amont de la « séparation » que celle-ci contient « en puissance » (Guillaume in Duffley 2002). Parallèlement, l’arrachement à la localisation dans l’espace et le temps bloque une narrativisation au moins embryonnaire. Cela n’empêche pas les infinitifs de pouvoir se charger d’une valeur exclamative et de fonctionner à l’instar des modes « pathiques » selon Maldiney (2012 [1975]). Enfin, les infinitifs s’inscrivent dans le cadre d’un régime de sens qui se définit d’abord par rapport à celui de l’assertion. Compte tenu de l’indétermination personnelle et de l’absence de toute inscription dans le temps et dans l’espace, le régime de sens dont relèvent les infinitifs est de l’ordre de la simple prise de position ou de la prise en compte (une des variantes de la prise en charge ; ColasBlaise [2011]), qu’on peut rapporter, du point de vue des modalités d’existence ou des degrés de présence des contenus dans le champ discursif (Fontanille 2003 [1998]), au mode virtualisé. Cette conception est en congruence avec la notion de présentation (Colas-Blaise 2014), à la base de la logique « présentative » qui gère un ensemble de possibles. En même temps, la mise en liste ajoute à la complexité. En effet, l’ordonnancement sous forme de liste, souvent étayé par le présentatif « il y a » ou par des démonstratifs (Colas-Blaise 2013b), permet d’introduire des éléments dans le champ du discours, en amont de toute assertion et de toute prédication. Les contenus sont proposés à l’attention tant de l’énonciateur que de l’énonciataire, avant d’être proprement assertés. La préassertion (Laurendeau 2009 : 55) correspond à l’actualisation, c’est-à-dire, en termes sémiotiques, à l’advenue en discours de contenus qui entrent dans le champ de présence et se dirigent vers le centre. Ainsi, les infinitifs mis en liste tendent à la fois du côté de la virtualisation et de l’actualisation, de la prise de position/prise en compte et de la préassertion, de la présentation et de la proposition. 8 Marion Colas-Blaise 2 La mise en scène énonciative Le tournant épistémologique produit par l’introduction de la notion d’énonciation « vivante » (Fontanille 2003 [1998]) nous invite à dépasser le niveau du texteénoncé, conçu comme un tout de sens constitué, en appréhendant le « devenirtexte », c’est-à-dire la composante proprement textuelle ou textualisante du processus de la textualisation. Il s’agit de montrer en quoi ce dernier, plutôt que de gérer la solidarisation d’un plan du contenu déjà donné et d’un plan de l’expression (Greimas et Courtés 1979), en commande la constitution même. Le détour par la linguistique pourrait s’avérer utile une nouvelle fois.5 Cependant, visant à creuser la notion d’énonciation « vivante », nous convoquons un cadre théorique davantage sémiolinguistique. La sémiotique du discours de Fontanille nous donne les moyens de serrer de plus près la manière dont la manifestation textuelle orchestre le « déclin », l’« émergence », la « disparition » ou l’« apparition » de grandeurs sémiotiques pourvues de modes d’existence différents dans le champ du discours (Fontanille 2003 [1998] : 290–292).6 Il s’agit pour nous de faire l’expérience des modulations en fonction de l’énergie qui se déploie dans l’étendue du texte, de manière continue ou heurtée, lisse ou avec des à-coups, de ses ralentissements et ses accélérations, de ses arrêts temporaires, liés à une intensification, mais aussi de ses relances, de l’événement de parole et de sa négociation dans le temps et dans l’espace transphrastique. La tâche du récepteur n’est pas aisée, dans la mesure où, contrairement à la peinture de Géricault donnant à voir le « dépassement, l’empiètement, la “métamorphose du temps,” … parce que les chevaux ont en eux le “quitter ici, aller là” [H. Michaux], parce qu’ils ont un pied dans chaque instant » (Merleau-Ponty 1964 : 47, cité dans Coquet 1991 : 197), le mouvement du texte verbal arraché à sa complétude – son simulacre ? – est nécessairement reconstitué a posteriori. Nous sommes ainsi amenée à reconfigurer les marques énonciatives en traces, toujours provisoires, attestant les étapes d’un processus en gestation. Dans une perspective derridienne au sens large, l’existence de la trace se résume à ce moment de répétabilité qui contient ce qui appartient au passé et ce qui est à venir. Plutôt que de creuser l’absence et l’antériorité du geste énonciatif, les traces sont conçues ici comme des lieux d’« incarnation » de la dynamique, où l’arrêt précaire prépare la remise en branle ; elles sont toujours tendues entre le 5 Cf. la notion de « texture » (Halliday et Hasan 1976) et, plus récemment, les travaux d’Adam (not. 1997, 2006). 6 Fontanille (2003 [1998] : 290–292) identifie au niveau de la praxis un acte d’orientation ascendante (tension entre le mode virtuel et le mode réalisé) et un acte d’orientation descendante (tension entre le mode réalisé et le mode virtualisé). Texte, textualisation et pratique 9 ne … plus et le ne … pas encore, si leur seule réalité est interstitielle, ou entre le encore et le déjà, si l’accent est mis sur la cohésion textuelle. Il faut privilégier le passage, qui ne peut se penser, en définitive, que grâce au tournant épistémologique qui met au défi une sémiotique du continu et, au premier chef, l’aspectualisation. Celle-ci ne doit pas se résumer à la juxtaposition d’intervalles prévue par la sémiotique d’obédience greimassienne, mais elle doit rétablir, au-delà des « saisies-arrêts », la « variation continue des équilibres tensifs » ainsi que le « balayage » (Greimas et Fontanille 1991 : 10) homogénéisant les étapes qu’il est possible de distinguer par discrétisation. Les traces sont alors des points de fixation provisoires, de cristallisation du déjà dit mais aussi d’anticipation de l’à-venir textuel où, sans s’abolir, elles passent à l’arrière-plan. Une approche « dynamiciste » est ainsi appelée à articuler ensemble le continu et le discontinu, la génération de formes sémantiques7 qui ne sont pas déjà présupposées, mais se constituent et se réinventent sans cesse entre prise, déprise et reprise énonciatives. Concrètement, scrutons, au fil des phrases et des portions de texte qui en assurent la cohésion, les formes que le verbe revêt, jusqu’à son absence. Le verbe et ses entours, dirons-nous, soucieuse, à rebours de la pensée de l’énonciation « énoncée », de renoncer à terme aux unités discrètes, au profit du « suprasegmental » mis dans le jeu, notamment, par les phénomènes de rythme. On assiste à un mouvement de potentialisation et de virtualisation du contenu narratif, qui se traduit par le « déclin » et la « disparition » du verbe conjugué. L’acte d’orientation descendante – un mouvement tensif décadent, selon Fontanille (2003 [1998]) et Zilberberg (2000) –, se conjugue toutefois avec un acte d’orientation ascendante – un mouvement tensif ascendant : la potentialisation et la virtualisation sont corrélées avec la « montée en puissance » de l’infinitif, son « émergence » progressive (de la virtualisation à l’actualisation), avant la restitution finale – l’« apparition » – du verbe conjugué. Ainsi, dans la troisième phrase de notre extrait, le verbe conjugué est relégué dans la proposition relative adjective déterminative, en tant que prédicat du groupe nominal qui constitue l’élément central d’une proposition nominale. La quatrième phrase permet de franchir un pas : l’atténuation de l’image-temps selon Guillaume s’accentue avec la phrase nominale dont l’absence de tout verbe conjugué renforce la résistance au narratif, pour ainsi dire au-delà de toute morphologie et de toute syntaxe verbales. Les substantifs « habitude » et « geste », qui supposent une inscription dans une durée plus ou moins longue, ou le participe passé « précédées », où la « détension » est 7 Au sujet d’une approche « dynamiciste », cf. Visetti (2004) : il part d’une « co-générativité, où chaque terme participe à la génération de l’autre, et subsiste en lui comme en filigrane ». 10 Marion Colas-Blaise importante, manifestent une temporalité « impliquée », selon les termes de Guillaume. Toutefois, parallèlement, le verbe refait son entrée sous les dehors de l’infinitif : il « émerge » dans la deuxième phrase de notre extrait, à l’intérieur des groupes nominaux sujets, où il fonctionne comme un complément du nom. Ensuite, l’accumulation et la structuration particulière de la forme nominale du verbe sous forme de liste confirment cette « émergence », qui va de pair avec la « disparition » des contenus exprimés par le verbe conjugué. Il appartient à la phrase finale, au-delà du blanc textuel, qui signale une rupture, de parfaire le cycle, de l’actualisé au réalisé (verbe conjugué). On se demandera si les apparitions, disparitions et modulations qui gèrent différents modes d’advenue à la présence ne peuvent pas se lire comme une narrativisation pour le moins embryonnaire, comme une dramatisation de la mise en scène énonciative instaurant non seulement des tensions, des conflits entre points de vue, mais des relations proprement interactantielles. 3 La composante expérientielle de la textualisation À présent, nous sommes face à un autre défi : dans quelle mesure le point de vue d’une théorie de l’énonciation « énoncée » renouvelée, qui déplace l’attention sur la textualisation, peut-il gérer la sortie de l’immanence (au sens où l’entendent Greimas et Courtés [1979]) et reconnaître à l’énonciation un caractère autre que purement présupposé, virtuel et hypothétique ? À condition de considérer que la textualisation ne se ramène pas à une mise en forme aux plans de l’expression et du contenu, mais intègre à leur solidarisation une composante expérientielle, ajoutons-nous dans l’immédiat, soulignant par là l’importance, pour notre propos, de la théorie des instances énonçantes de Coquet8. Si l’attention se porte sur l’acte de produire un énoncé (Benveniste 1974 : 217), celui-ci devient saisissable dans sa « réalité » à travers la restitution, en deçà de l’acte de décrire le monde, qui incombe aux prédicats cognitifs, de ces prédicats somatiques qui disent le sensible et notre prise sur le monde : « … la prédication, écrit Coquet (2011 : 102), a capacité à prendre en charge les expériences corporelles (et non seulement les expériences de pensée, spécifiques du logos), à “dire” (Merleau-Ponty) le contact avec le monde, à dire avec le corps ce qu’il en est du monde ». Ainsi, les infinitifs dans Les Années, mais aussi le mouvement plus erratique de leur accumulation, l’énumération sans ordre apparent, qui défie tout principe 8 Même si, dans le sillage de Benveniste, Coquet développe une théorie du discours, plutôt que du texte. Texte, textualisation et pratique 11 de régularité autre que vaguement thématique et formel, disent l’insistance du corps, l’intimité du corps avec les corps des autres, dépositaires d’une mémoire. Ils traduisent le glissement de l’individuel vers le collectif dans lequel il s’abîme, l’immédiateté de la plongée dans un sentir partagé, dans une empathie qui consiste à « se mettre à [l]a place » de l’autre, « éventuellement, au plan des valeurs, de l’axiologie » (Rabatel 2015 : 122). Les infinitifs et leur empilement peuvent revêtir une modalité pathique. L’affleurement de la prise sensible appelle à moduler la notion de sujet. Coquet (2007 : 16–17) propose une typologie élémentaire à trois niveaux : le sujet est caractérisé par la présence du jugement ; le quasi-sujet, instance intermédiaire, se signale par la quasi-présence du jugement, c’est-à-dire par un « affaiblissement réversible du jugement » ; quant au non-sujet, il correspond à l’instance pré-judicative du phénoménologue, en amont de l’état de sujet, mais aussi, écrit Coquet, à une instance dont le rôle social est pourvu d’une fonction identitaire. Si nous considérons que l’infinitif manifeste le non-sujet à la surface du texte, c’est pour plusieurs raisons : à cause de l’indétermination de la personne et d’une matrice narrative tout au plus embryonnaire, ainsi que nous l’avons suggéré, mais aussi de la logique présentative et propositionnelle engagée, qui favorise les possibles et ne « monte » pas encore jusqu’au jugement assertif. À cela s’ajoutent l’expression du corps, mais aussi, d’un autre point de vue, la pression anonymisante du social, même si celle-ci ne constitue qu’une étape vers l’émergence d’une instance de sujet qui cherche à se constituer de proche en proche à travers la fictionnalisation du substrat sociologique et historique. C’est en articulant l’intime avec l’extime que Rabatel cherche à cerner les visées propres d’une œuvre qui est aux antipodes d’une autobiographie personnelle ou d’un témoignage collectif purement rétrospectif. Car il s’agit moins de restituer une époque et une histoire passées que de comprendre ce qui nous a fait être, vivre, ce qui peut nous aider à avancer encore. Il s’agit de s’inventer de nouvelles histoires et un nouvel avenir partagé. (Rabatel 2015 : 125) En même temps, la « traduction » des prédicats somatiques en prédicats cognitifs incombe non plus au non-sujet, mais au quasi-sujet (ou au sujet), en charge de la dimension du logos9 Même si l’énumération et la mise en liste combattent toute velléité de commentaire surplombant et offrent leur plan de manifestation au 9 Cf. Coquet (2016) : l’ « instance projetée », appelée « instance d’origine (l’auteur) », produit un discours défini par ses composantes : en régime d’autonomie, premier pôle, l’instance de base, le non-sujet, réceptacle de l’expérience corporelle … ; deuxième pôle, le sujet ou le quasi-sujet qui explicitent, dans la dimension du logos, les expériences corporelles. En régime d’hétéronomie, les deux forces irrépressibles, l’une qui s’exerce du dedans, le tiers immanent …, l’autre du dehors, le tiers transcendant …, dimension du logos. 12 Marion Colas-Blaise sensible, le décalage dans lequel s’engouffre la « traduction » fait que le « filtre du texte » peut « moduler et … refaçonner l’expérience » (Bertrand 2011 : 3). C’est une telle rétroaction du logos sur l’expérience que Rabatel (2015 : 116–117) observe chez Annie Ernaux : l’exposition socialisée de l’intimité ne fait qu’accroître, en retour, sa compréhension et une nouvelle appropriation. Si le point de vue de la textualisation telle que nous la concevons vise à dépasser le clivage entre le paradigme du sujet « réel », phénoménologique et linguistique, et cet autre paradigme qui renvoie, rappelle Bertrand (2011 : 75), « aux formes objectivées et descriptibles des relations qui articulent le sens », nous pouvons cerner les contours d’une pensée non plus seulement de la marque, ni même de la trace, mais de l’empreinte. Affirmer le primat du corps, c’est, en effet, se donner les moyens de convertir les traces en « empreintes » (Fontanille 2011 : 156)10 rendant visible une « absence » et donnant corps à ce qui relève, en sémiotique greimassienne, d’une présupposition. Dans un texte, plus l’empreinte donne forme au sensible, plus elle est propre à conférer au geste énonciatif de la « réalité ». Mais essayons de prendre toute la mesure des conséquences du choix théorique de l’empreinte : penser, de manière analogique, les mots comme des objets pourvus d’une enveloppe transformée en surface d’inscription rétensive et protensive,11 c’est non seulement leur donner un substrat sensible, mais activer le postulat de permanence et de changement. Or, se tourner vers l’usage et la praxis énonciative qu’il informe, c’est supposer un fond collectif sur lequel le dire singularisant se détache. Si la textualisation mobilise également une composante praxique responsable des déterminations doxiques, génériques, intertextuelles,12 celle-ci trouve son ancrage dans un vivier de formes et, plus largement, dans l’expérience d’un être-là. D’une part, selon Fontanille (2014 : 7, 10), la praxis énonciative « “navigue” entre des strates textuelles potentielles, entre diverses formes immanentes, entre des isotopies qui sont en compétition, entre plusieurs devenirs possibles des trames narratives, pour les conduire vers 10 Pour autant qu’on nous accorde de comparer les mots à des objets. Fontanille (2004 : 160) envisage de franchir le pas, en sens inverse, pour ainsi dire : « En ce sens, l’empreinte est l’équivalent d’une trace énonciative (pour autant qu’on puisse assimiler un objet et une langue !), et le réseau des empreintes est l’inscription, dans l’objet énoncé, de la chaîne répétitive des pratiques (les actes d’énonciation) dont il a été l’instrument, le lieu ou l’occasion … ». 11 L’empreinte met en œuvre une logique temporelle particulière : le présent textuel auquel s’associe une présence noue ensemble, dans un sens husserlien, des rétentions et des protentions. Elle témoigne de la densité du maintenant, riche de ce qui doit être retenu encore et de ce déjà qui est anticipé. 12 Au sujet de cette composante, cf. Colas-Blaise (2015). Texte, textualisation et pratique 13 la manifestation » ; toute praxis énonciative « comporte … une capacité de stabilisation ou de déstabilisation des formes, en somme des procédures d’iconisation … ». D’autre part, dans le cas des pratiques et des stratégies, la manifestation signifiante est la transformation de l’« expérience originaire » qui fait remonter vers l’avant de la séparation du sujet et de l’objet. Il nous semble que la distinction, par Bordron (2011), entre plusieurs strates d’organisation du sens – indicielle, iconique et symbolique – permet de rendre compte de l’empan du geste énonciatif13. L’iconisation correspond à ce stade anté-subjectif ou anté-objectif où une première jonction entre éléments s’opère, antérieur à l’identification de l’objet et à la cofondation du sujet et antérieur à l’expression de la sensation dans la forme prédicative du jugement. Des catégories, écrit Bordron (2002 : 659) « constituent un champ défini par des intensités, des extensions, des relations, des permanences et des changements ». Nous inspirant librement de sa pensée, nous associons à l’étape iconique le devenir des formes. Ainsi, les sons dont, aspectuellement, il est possible de reconnaître les phases inchoative, durative et terminative, peuvent être décrits comme des formes en devenir, dotées d’une matière, qui se stabilisent et se déstabilisent brusquement ou de proche en proche. Plus largement, il est possible de rendre compte des modulations sonores, des étirements et des ralentissements, des accélérations, voire des syncopes, bref des phénomènes de tempo et de rythme, qui sont suprasegmentaux, des accents et des inaccents, des densifications et des dé-densifications. Enfin, les modes d’existence des grandeurs sémiotiques dans le champ du discours permettent de rendre compte des étapes de la « (re)prise de forme » à travers ces strates multiples dont fait état Fontanille (2014). Les grandeurs sémiotiques qui s’esquissent, émergent et se détachent sur le fond de la substance du contenu sont dotées de contours qui se raffermissent à mesure qu’elles circulent dans le monde et entre les sujets et garantissent une reconnaissance minimale. Quant à l’expérience « originaire », on peut l’approcher à la lumière de la strate indicielle selon Bordron, qui relève encore du registre de l’hypothèse, où quelque chose est simplement pressenti, où le « il y a » est tendu vers le « il y a quelque chose ». Un deuxième extrait des Années d’Annie Ernaux permet de retrouver les empreintes textuelles de l’expérience sensible, de la « connivence » avec le monde qui comprend une énonciation non subjective, anonyme, manifestée sous les dehors du pronom indéfini on, mais aussi du discours direct (libre), qui troue le tissu du texte. Elle correspond à une poussée encore collective, où 13 Cf. Bordron (2002) au sujet d’un rapprochement entre la « prise énonciative » et la « prise perceptive ». 14 Marion Colas-Blaise rien ne distingue le je de l’autre, à l’éclosion d’une force qui prépare la constitution du sujet et de l’objet :14 (2) Cependant on grandissait tranquillement, « heureux d’être au monde et d’y voir clair » au milieu des recommandations de ne pas toucher aux objets inconnus et de la déploration incessante à propos du rationnement, des coupons d’huile et de sucre, du pain de maïs lourd à l’estomac, du coke qui ne chauffe pas, Y aura-t-il du chocolat et de la confiture à Noël ? (Ernaux 2011 [2008] : 938) On se tient ici à la lisière entre le « il y a (quelque chose) » et le « il y a ceci », là où le geste anté-thétique est relayé par le geste thétique, dont le démonstratif serait une trace textuelle15. Lyotard (1988 : 93, 97) vise ce lieu et cet instant intersticiels quand il écrit que la peinture de Barrett Newman inaugure un « monde sensible » : « le commencement est qu’il y a … (quod) », « “il y a” avant toute signification de ce qu’il y a ». 4 Du support au dispositif Il faut franchir un ultime pas. Fontanille cherche à dépasser les limites du texteénoncé et du double plan d’énonciation mis en place – l’énonciation « énoncée » et l’énonciation comme présupposé hypothétique – en prenant en considération un autre niveau de pertinence : celui du support, en relation avec l’objet. C’est au niveau des pratiques que les manifestations des énonciations de l’objet-support sont observables. Dans les limites de cette étude, nous nous attarderons sur les médiums, que Fontanille (2008 : 23) rattache conjointement aux niveaux de pertinence de l’objet et de la pratique, avant de nous demander en quoi le dispositif permet de penser la situation sémiotique davantage, en relation avec 14 On peut considérer que le on et, surtout, les infinitifs (exemple 1) renvoient à cette « subjectivité prépersonnelle », selon Merleau-Ponty (1945 : 295), qu’est le corps : ce corps, dont le monde, l’espace comme milieu prédonné, « marque » la place (1945 : 294) et qui, à travers la prise du sujet sollicité, confère à l’espace son sens. Cf. notamment Breeur au sujet de l’« ambiguïté » entre la subjectivité prépersonnelle et la subjectivité temporalisante de la conscience, mais aussi au sujet du « milieu intersubjectif » grâce auquel peut se penser la différenciation avec autrui. Se référant à Merleau-Ponty, il parle de « désingularisation » du sujet « débordé de sens », au profit d’un « champ transcendantal “anonyme”, “universel”, “impersonnel” etc. qui sous-tend notre rapport au monde et au temps » (1998 : 243). 15 Cf. également Coquet (2007 : 231–232) au sujet du « il y a » qui « salue une naissance … Ce qui apparaît, “cela,” est l’occasion d’une rencontre ». Texte, textualisation et pratique 15 ce qu’en analyse du discours on peut appeler le contexte discursif et nondiscursif.16 Distinguant le support de la pratique médiatique, on peut définir le médium à partir de la substance (phonique, graphique, par exemple) selon Hjelmslev, prise en charge par la forme sémiotique, et du support – de l’« espace de présentation », selon Bachimont (2010 : 139) – qu’elle réclame (l’air, la feuille, le corps…)17. Le médium est constitué, pour le moins, d’un support et d’inscriptions sur le support. Celles-ci mettent alors en œuvre la médiation corporelle (la main et ses prothèses … ), les machines (la machine à écrire … ) et les appareils enregistreurs (l’appareil photographique … ), jusqu’au quatrième stade qui correspond, note Vouilloux (2015), au codage numérique. Considérons plus particulièrement la différence entre le support imprimé et le support numérique à la lumière des manifestations variables, selon les supports convoqués, de la « raison graphique » selon Goody (1979). Ainsi, dans l’extrait (1) des Années d’Annie Ernaux, la mise en liste des actions accomplies dans l’espace de la page imprimée donne un maximum de visibilité à ce type de structuration de la pensée. On y opposera telle autre expérience du listage qui, grâce au déroulement – à la « constitution » progressive – du texte dans l’espace écranique, suite à la pression exercée sur la souris, permettrait de retrouver la vivacité du geste de sa production.18 Plus largement, l’approche sémiotique du médium fait valoir sa spécificité par rapport à la médiologie en mettant l’accent non seulement sur les « procédés d’encodage et de mise en circulation des signes et des hommes » (Debray 2014 : 14), mais sur l’incidence du choix du support sur la textualisation elle-même. Le modèle de la textualisation qui, ainsi que nous l’avons suggéré, articule : – une composante textuelle au sens étroit du terme (choix de thèmes, de lexèmes, de constructions morphosyntaxiques, etc.). ; 16 Cf. Kerbrat-Orecchioni (2002 : 134–136) au sujet du contexte linguistique ou nonlinguistique. 17 Pour Coccia (2010 : 43), « un medium n’est rien d’autre que ce qui est capable d’accueillir les formes de manière immatérielle ». Et il ajoute que l’air, l’eau, le miroir, la pierre d’une statue peuvent devenir « medium pour une forme qui existe à l’extérieur d’eux » (2010 : 46). Cependant, nous envisageons moins l’« extériorité » de la forme que sa constitution à travers, notamment, l’inscription sur un support médial. 18 Même si l’ajustement entre le « modus operandi de la production de l’objet sémiotique et celui de son exploration sensori-motrice » (Dondero et Fontanille 2012 : 34) tient de l’illusion ou du paradoxe, en raison de la multiplication des « intermédiaires » (algorithmes, encodage binaire, iconicité des caractères apparaissant sur l’écran, éditorialisation des contenus). Plutôt que de « naturaliser » les processus de production et de diffusion, il est urgent, écrit Berra (2012), de « prendre conscience toujours davantage du maniement des objets ». 16 – – Marion Colas-Blaise une composante expérientielle (le positionnement du sujet sensible et percevant dans le monde) ; une composante praxique (qui concerne les déterminations doxiques, génériques, intertextuelles, à mettre en relation avec la praxis énonciative) s’enrichit ainsi d’une composante pratique, médiale et médiatique qui, à son tour, influe sur et détermine la mise en texte. L’idée est, en effet, que la textualisation est infléchie par le choix d’un médium, d’un mode de diffusion médiatique et, plus largement, d’un dispositif, en rapport avec le contexte social, historique, économique et culturel. Bref, il faut prendre en compte l’acte d’énonciation, l’énonciation comme pratique nécessairement située. Ainsi, l’expression « œuvre agie » (Fourmentraux 2005 : 116) résume le changement de statut de l’œuvre numérique. Il s’agit d’être attentif à la labilité du texte numérique au gré des interventions de l’internaute, qui contraste avec la stabilité relative du texte imprimé. Elle se traduit non seulement par une disposition et une mise en forme du texte éminemment changeantes, mais par des (re)configurations qui, dans le cas du récit interactif, de l’arborescence et de l’hypertextualité, par exemple, mettent à contribution toutes les strates du parcours génératif du sens. La « lecture-(ré)écriture » donne un retentissement maximal à l’énonciation « vivante ». Elle prend les allures, en réception, d’un processus – d’une « poétique processuelle » (Audet 2014–2015) – continûment relancé. Mais pour articuler le médium avec le dispositif social, considérons encore Les Années, en focalisant l’attention sur la réédition du texte, sous le titre Écrire la vie (2011), dans la collection Quarto (Gallimard). Il faut évaluer le poids symbolique d’un ouvrage qui emprunte des traits à la rétrospective, en faisant dialoguer, dans un même espace, des œuvres parfois distantes. Un ouvrage qui répond lui-même à des contraintes génériques qu’Annie Ernaux, en troquant la traditionnelle biographie contre un photojournal, est prompte à bousculer. Il signifie ainsi en tant qu’objet médiatique (renouvelant partiellement une tradition) sur le fond d’une politique éditoriale19. Elle témoigne de protocoles communicationnels impliquant, plus particulièrement, un positionnement par rapport à la Pléiade20. Ils doivent être en accord avec des patrons sociohistoriques et économiques et réagir à la mise en péril de la culture 19 Cf. la collection Quarto Gallimard, spécialisée dans les intégrales présentées sous forme compacte, illustrée et sans appareil critique. 20 On lit ainsi sur la toile que « la volumineuse et accueillante collection d’intégrales [ou presque] de Gallimard » est entre autres un « réceptacle enthousiaste des inédits ou surplus que n’a pas pu intégrer la Pléiade ». Texte, textualisation et pratique 17 livresque à une époque où une forme d’écriture multimédia interactive et mobile (Baetens 2009 : 86), bien que minoritaire, commence à faire valoir ses droits. Le geste de l’intégrale rétrospective, lestée d’une biographie, qui donne à la fonction auctoriale un éclat particulier, doit être évaluée à l’aune de la redistribution de celle-ci sous une forme collaborative, à son impersonnalisation par l’écriture sur le web, voire à son anonymisation. C’est tâter la lisière entre le médium et la pratique médiatique, là où la « prise de forme de forces signifiantes », en laquelle se résume le médium, signifie à la lumière de ces « flux d’énoncés et de visibilités dans une situation historique donnée » que régissent les dispositifs (Vouilloux 2015). Le mot « dispositif » est lesté des définitions qu’ont proposées Foucault et Deleuze. Au regard d’une théorie de l’énonciation comme pratique située, trois aspects paraissent essentiels. Foucault pourvoit le terme d’une extension maximale en visant un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit, aussi bien que du non-dit … (Foucault 1976–1988 : 299) Il ouvre ainsi l’option d’une appréhension de l’« institution » elle-même, soit de tout le « social non discursif » (1976–1988 : 301) dont il étudie le pouvoir de contrainte. Ensuite, si le dispositif est le « réseau » qu’il est possible, selon Foucault (1976–1988 : 299), d’établir entre des hétérogénéités, la notion non seulement d’« agencement » (Deleuze 1986 : 45) machinique, mais de « rhizome » (Deleuze et Guattari 1976 : 18–19) emporte avec elle l’idée de proximités inattendues et du creusement de la distance entre des choses proches. À la suite de Foucault et de Deleuze, Vouilloux définit le dispositif comme un agencement résolument hétérogène d’énoncés et de visibilités qui lui-même résulte de l’investissement d’un ensemble de moyens appelé à fonctionner stratégiquement au sein d’une situation (d’un champ de forces). (Vouilloux 2005 : 28 ; 2014 : 45) En plus des contraintes, le dispositif ouvre sur un éventail de possibles. On entrevoit un troisième aspect : le dispositif ouvre l’espace où se logent différents types de « performativité » (Kessler 2006), à travers la mise en contact de l’humain et du non-humain, du sujet et de la machine, aux confins du dialogue entre le technologique21 et le symbolique, quand guette la « désubjectivation » 21 Au sujet de l’agencement et de la technique, voir aussi la « critique des dispositifs » et l’insistance sur le modèle théâtral machinique (cf. notamment Mathet 2001). On se reportera enfin, d’un point de vue philosophique, à Bachimont (2010). 18 Marion Colas-Blaise (Agamben 2014 [2006] : 28). On y verra une manière de repenser la domination exercée par le dispositif foucaldien. Nouons ensemble les fils qui ont été dégagés. Il nous semble que la prise en considération, en plus du médium, du dispositif défini comme un ensemble de contraintes et de possibles, de déterminations, mais aussi de mises en branle et d’activations potentielles, permet de rendre compte de l’acte d’énonciation, singulier ou collectif et, plus largement, d’une pratique : dans une situation sémiotique et dans un contexte discursif et non-discursif donnés, celle-ci négocie, grâce à la technique, des rapports intersubjectifs à une plus ou moins grande échelle (composante médiatique), mais infléchit aussi jusqu’à la textualisation elle-même. D’une part, plus que jamais, à la notion du texte comme un tout de signification clos et stabilisé se substitue celle d’une textualité ouverte, infiniment malléable. D’autre part, raisonner en termes de pratiques d’instanciation historique (Dondero 2009) pour la littérature imprimée elle-même22 suppose analyser les propriétés de l’énonciation, d’un côté, en solidarisant le plan du contenu et celui de l’expression, et, de l’autre, en ouvrant sur les ordres de causalité historiques, sociaux et culturels et les conditions d’effectuation (à la base, par exemple, d’une réédition ou d’une intervention sur Internet). Finalement, la structure matérielle du dispositif permet de montrer en quoi une « organisation dans l’espace » (Bachimont 2010 : 144) commande à l’énonciation comme pratique schématisante et en projette le développement dans le temps. 5 Conclusion Adoptant le point de vue de la réception, nous nous sommes proposé, dans cette étude, de négocier le passage de l’énonciation énoncée (renouvelée) à l’énonciation comme pratique, en mettant l’accent sur la conversion des marques textuelles non seulement en traces/empreintes, mais en « tracés », dont il est possible de suivre le développement « comme s’il [le parcours] était en train de se faire devant nous » (Dondero 2009), et en conférant au texte un ancrage socioculturel et technique. Nous avons fait le choix d’aborder ce changement de paradigme à travers un modèle de la textualisation articulant quatre composantes : textuelle (des choix thématiques, lexicaux et grammaticaux), expérientielle (le geste énonciatif inscrivant le sensible dans le texte), praxique 22 Comme le note Dondero (2009), l’« allographique regagne une gestualité d’instanciation avec l’exécution », à laquelle nous rapportons par exemple la (ré)édition. On peut aussi se demander si, non sans paradoxe apparent, le récit interactif sur internet ne donne pas une réalité supplémentaire à la gestualité énonciative. Texte, textualisation et pratique 19 (les énonciations collectives, voire anonymes) et pratique (la part médiale/ médiatique de l’acte d’énonciation). Élargissant l’empan de l’instanciation, qui met en œuvre l’énonciation en/comme acte, nous avançons qu’elle gagne à être déclinée le long de ces quatre axes. Dans ce contexte, articuler la notion de médium, courante en sémiotique contemporaine, avec celle de dispositif, c’est-à-dire avec un agencement d’hétérogénéités socioculturelles, économiques et institutionnelles, en relation avec la technique, permet de sentir le poids des contraintes, mais aussi, et surtout, de faire valoir les potentialités auxquelles l’acte d’énonciation, à travers la gestion des flux ou des forces et la création de résistances locales, de points de stabilisation et de déstabilisation dans un contexte donné, confère un degré de réalité. Références Adam, Jean-Michel. 1997. Genres, textes, discours : Pour une reconception linguistique du concept de genre. Revue belge de philologie et d’histoire 75(3). 665–681. Adam, Jean-Michel. 2006. Texte, contexte et discours en questions. Pratiques 129–130. 21–34. Agamben, Giogio. 2014 [2006]. Qu’est-ce qu’un dispositif ? Paris : Éditions Payot & Rivages. Audet, René. 2014–2015. Écrire numérique : du texte littéraire entendu comme processus. Itinéraires. http://itineraires.revues.org/2267 (consulté le 12 mars 2015). Bachimont, Bruno. 2010. Le sens de la technique : Le numérique et le calcul. Paris : Éditions Les Belles Lettres. Baetens, Jan. 2009. Études culturelles et analyse médiatique. Recherches en Communication 31. 79–91. Bally, Charles. 1965 [1932]. Linguistique générale et linguistique française. Berne : Franke. Benveniste, Émile. 1974. Problèmes de linguistique générale II. Paris : Gallimard. Berra, Aurélien. 2012. Faire des humanités numériques. In Pierre Meunier (dir.), Read/write book 2. Une introduction aux humanités numériques, 25–43. Marseille : OpenEdition. Berrendonner, Alain. 1981. Éléments de pragmatique linguistique. Paris : Minuit. Bertrand, Denis. 1993. L’impersonnel de l’énonciation. Praxis énonciative : Conversion, convocation, usage. Protée 21(1). 25–32. Bertrand, Denis. 2011. Présentation. Littérature 163. 3–6. Bordron, Jean-François. 2002. Perception et énonciation dans l’expérience gustative. L’exemple de la dégustation d’un vin. In Anne Hénault (dir.), Questions de sémiotique, 639–665. Paris : PUF. Bordron, Jean-François. 2011. L’iconicité et ses images. Paris : PUF. Breeur, Roland. 1998. Merleau-Ponty, un sujet désingularisé. Revue Philosophique de Louvain 96(2). 232–253. Coccia, Emanuele. 2010. La vie sensible, Martin Rueff (trad.). Paris : Payot et Rivages. Colas-Blaise, Marion. 2011. Les types et régimes de la prise en charge : De la linguistique de l’énonciation à la sémiotique du discours. In Patrick Dendale & Danielle Coltier (éds.), La prise en charge : Études théoriques et empiriques, 37–54. Bruxelles : De Boeck, Éditions Duculot. 20 Marion Colas-Blaise Colas-Blaise, Marion. 2013a. Quand montrer, c’est ne pas dire : Une approche sémio-linguistique. In Hugues de Chanay, Marion Colas-Blaise & Odile Le Guern (éds.), Dire/montrer : Au cœur du sens, 45–66. Chambéry : Université de Savoie. Colas-Blaise, Marion. 2013b. Dynamiques de la mise en liste. Une approche sémio-linguistique. In Sophie Milcent-Lawson, Michelle Lecolle & Raymond Michel (éds.), Liste et effet liste en littérature, 33–44. Paris : Classiques Garnier. Colas-Blaise, Marion. 2014. La démonstration scientifique entre image logique et image figurative. Visible 11. 11–36. Colas-Blaise, Marion. 2015. L’interprétation au risque du genre. In Driss Ablali, Ayoub Bouhouhou & Ouidad Tebbaa (éds.), Les genres textuels, une question d'interprétation ?, 125–143. Limoges : Lambert-Lucas. Coquet, Jean-Claude. 1991. Temps ou aspect? Le problème du devenir. In Jacques Fontanille (dir.), Le discours aspectualisé, 195–212. Limoges : Presses universitaires de Limoges. Coquet, Jean-Claude. 1997. La quête du sens : Le langage en question. Paris : PUF. Coquet, Jean-Claude. 2007. Phusis et logos. Une phénoménologie du langage. Paris : Presses universitaires de Vincennes. Coquet, Jean-Claude. 2011. Les prédicats somatiques. Notes de conférence. Littérature 163, 102–107. Coquet, Jean-Claude. 2016. L’énonciation, fondement de la phénoménologie du langage. In Marion Colas-Blaise, Laurent Perrin & Gian Maria Tore (éds.), L’énonciation aujourd’hui : Concept clé des sciences du langage, 292–299. Limoges : Lambert-Lucas. Courtés, Joseph. 1998. L’énonciation comme acte sémiotique. Nouveaux Actes Sémiotiques 58– 59. 7–60. Debray, Régis. 2014. Point barre. Médium 40. 3–35. Deleuze, Gilles. 1986. Foucault. Paris : Minuit. Deleuze, Gilles & Felix Guattari. 1976. Rhizome : Introduction. Paris : Minuit. Dondero, Maria Giulia. 2009. Le texte et ses pratiques d’instanciation. Actes Sémiotiques. http://epublications.unilim.fr/revues/as/3207 (consulté le 12 mars 2015). Dondero, Maria Giulia & Jacques Fontanille. 2012. Des images à problèmes : Le sens du visuel à l’épreuve de l’image scientifique. Limoges : Presses universitaires de Limoges. Ducrot, Oswald. 1984. Le dire et le dit. Paris : Minuit. Duffley, Patrick J. 2002. L’infinitif peut-il rester verbe tout en ayant l’incidence interne ? In Ronald Lowe (éd.), Le système des parties du discours. Sémantique et syntaxe, Actes du Neuvième Colloque de l’Association internationale de psychomécanique du langage, 40– 47. Québec : Les Presses de l’Université de Laval. Ernaux, Annie. 2011 [2008]. Les années. In Écrire la vie. Paris : Gallimard. Floch, Jean-Marie. 1995. Identités visuelles. Paris : PUF. Fontanille, Jacques. 1998. Avant-propos. Nouveaux Actes Sémiotiques 58–59. 3–6. Fontanille, Jacques. 2003 [1998]. Sémiotique du discours. Limoges : Presses Universitaires de Limoges. Fontanille, Jacques. 2004. Soma et séma : Figures du corps. Paris : Maisonneuve & Larose. Fontanille, Jacques. 2008. Pratiques sémiotiques. Paris : PUF. Fontanille, Jacques, 2011. Corps et sens. Paris : PUF. Fontanille, Jacques. 2014. L’énonciation pratique : Exploration, schématisation et transposition. Colloque Common’14, Liège, 24–26 septembre 2014. http://www.lucid.ulg.ac.be/confer ences/common14 (consulté le 12 mars 2015). Fontanille, Jacques & Claude Zilberberg. 1998. Tension et signification. Hayen : Pierre Mardaga. Texte, textualisation et pratique 21 Foucault, Michel. 1976–1988. Le jeu de Michel Foucault, entretien avec Dominique Colas, Alain Grosrichard, Guy Le Gaufey, Jocelyne Livi, Gérard Miller, Judith Miller, Jacques-Alain Miller, Catherine Millot, Gérard Wajeman. In Dits et écrits II. Paris : Gallimard. Fourmentraux, Jean-Paul. 2005. Art et Internet : Les nouvelles figures de la création. Paris : CNRS Éditions. Geninasca, Jacques. 1997. La parole littéraire. Paris : PUF. Goody, Jack. 1979. La raison graphique : La domestication de la pensée sauvage. Paris : Les Éditions de Minuit. Greimas, Algirdas Julien & Joseph Courtés. 1979. Sémiotique : Dictionnaire raisonné de la théorie du langage. Paris : Hachette. Greimas, Algirdas Julien & Jacques Fontanille. 1991. Avant-propos. In Jacques Fontanille (dir.), Le discours aspectualisé, 5–16. Limoges : Presses Universitaires de Limoges. Halliday, Michael Alexander Kirkwood & Ruqaiya Hasan. 1976. Cohesion in English. London : Longman. Kerbrat-Orecchioni, Catherine. 2002. Entrée « contexte ». In Patrick Charaudeau & Dominique Maingueneau (dirs.), Dictionnaire d’analyse du discours, 134–136. Paris : Seuil. Kessler, Frank. 2006. Notes on dispositif. http://www.let.uu.nl/~Frank.Kessler/personal/notes %20on%20dispositif.PDF (consulté le 12 mars 2015). Landowski, Eric. 1997. Présences de l’autre. Paris : PUF. Laurendeau, Paul. 2009. Préassertion, réassertion, désassertion : Construction et déconstruction de l’opération de prise en charge. Langue française 162. 55–70. Lyotard, Jean-François. 1988. L’Inhumain : Causeries sur le temps. Paris : Éditions Galilée. Maldiney, Henri. 2012 [1975]. Aîtres de la langue et demeures de la pensée. Paris : Bibliothèque du Cerf. Mathet, Marie-Thérèse (dir.). 2001. La scène : Littérature et arts visuels. Paris : L’Harmattan. Merleau-Ponty, Maurice. 1945. Phénoménologie de la perception. Paris : Gallimard. Merleau-Ponty, Maurice. 1964. L’œil et l’esprit. Paris : Gallimard. Monte, Michèle. 2007. Poésie et effacement énonciatif. Semen 24. http://semen.revues.org/ 6113 (consulté le 12 mars 2015). Nølke, Henning. 1994. Linguistique modulaire : De la forme au sens. Paris-Louvain : Peeters. Perrin, Laurent. 2008. Le sens montré n’est pas dit. In Merete Birkelund, Maj-Britt Mosegaard Hansen, & Coco Norén (éds.), L’énonciation dans tous ses états : Mélanges offerts à Henning Nølke à l’occasion de ses soixante ans, 157–187. Berne : Peter Lang. Perrin, Laurent. 2010. L’énonciation dans la langue. Ascriptivisme, pragmatique intégrée et sens indiciel des expressions. In Vahram Atayan & Ursula Wienen (éds.), Ironie et un peu plus : Hommage à Oswald Ducrot pour son 80ème anniversaire, 65–85. Frankfurt am Main : Peter Lang. Philippe, Gilles. 2005. Le style est-il une catégorie énonciative? In Jean-Michel Gouvard (éd.), De la langue au style, 145–156. Lyon : Presses Universitaires de Lyon. Rabatel, Alain. 2003. L’effacement énonciatif dans les discours représentés et ses effets pragmatiques de sous- et de sur-énonciation. Estudios de Lengua y Literatura francesas 14. 33–61. Rabatel, Alain. 2004. Effacement énonciatif et effets argumentatifs indirects dans l’incipit du Mort qu’il faut de Semprun. Semen 17. 111–132. Rabatel, Alain. 2005. La part de l’énonciateur dans la construction interactionnelle des points de vue. Marges linguistiques 9. 115–136. http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs00433337/en/ (consulté le 12 mars 2015). 22 Marion Colas-Blaise Rabatel, Alain. 2015. Le jeu fictionnel de l’intériorité et de l’extériorité autour des images et photographies dans Les Années. In Cécile Narjoux & Claire Stolz (éds.), Fictions narratives du XXe siècle : Approches rhétoriques, stylistiques et sémiotiques. La Licorne, 112, 115– 128. Rennes : Presses universitaires de Rennes. Recanati, François. 1979. La transparence et l’énonciation. Paris : Seuil. Vion, Robert. 2001. « Effacement énonciatif » et stratégies discursives. In Monique De Mattia & André Joly (éds.), De la syntaxe à la narratologie énonciative, 331–354. Paris : Ophrys. Vion, Robert. 2003. Le concept de modalisation : Vers une théorie linguistique des modalisateurs et des modalités. Travaux de linguistique 18. 209–229. Visetti, Yves-Marie. 2004. Le continu en sémantique : Une question de formes. Cahiers de praxématique 42. 39–73. Vouilloux, Bernard. 2005. Du dispositif. In Philippe Ortel (éd.), Discours, image, dispositif : Penser la représentation, II, 15–31. Paris : L’Harmattan. Vouilloux, Bernard. 2014. Ce que nos pratiques nous disent de nos œuvres : À travers poétique et esthétique. Paris : Hermann. Vouilloux, Bernard. 2015. Médium(s) et média(s). Le médial et le médiatique. Actes du colloque « Création, intermédialité, dispositif », Université de Toulouse, 12–14 février 2014 (à paraître). Wittgenstein, Ludwig 1993 [1921]. Tractatus logico-philosophicus, Gilles Gaston Granger (trad.). Paris : Gallimard. Zilberberg, Claude. 2000. Esquisse d’une grammaire du sublime chez Longin. Langages 137. 102–121.