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Des espaces d'appropriation

2008, MédiaMorphoses (Bry-sur-Marne), 2008, 22 …

Devant un jeu vidéo1, un néophyte dans le domaine vidéoludique ne sait s'y retrouver. À part le fait de reconnaître l'iconisme de plusieurs représentations, l'organisation des signes visuels et auditifs, tout comme la terminologie employée, semblent incompréhensibles pour ...

médiamorphoses dossier Maude Bonenfant Des espaces d’appropriation Des espaces d’appropriation Maude Bonenfant, université du Québec à Montréal (UQAM) L’espace de jeu affecte les utilisateurs. Mais il ne faut pas perdre de vue que les joueurs affectent, eux aussi, l’univers ludique. D evant un jeu vidéo 1, un néophyte dans le domaine vidéoludique ne sait s’y retrouver. À part le fait de reconnaître l’iconisme de plusieurs représentations, l’organisation des signes visuels et auditifs, tout comme la terminologie employée, semblent incompréhensibles pour quiconque n’est pas initié à cet univers ludique. Les jeux vidéo ont leur langage propre, ils organisent leurs signes de manière particulière à partir de règles énoncées plus ou moins explicitement (par les joueurs et/ou les concepteurs) 2. Les signes sont présentés, disposés et régulés spécifiquement et se voient accorder les mêmes caractéristiques que tout autre langage : une stabilisation des significations en même temps qu’une évolution constante dans leur formulation. Le jeu vidéo est un langage que les joueurs connaissent et qui se transforme au fil des créations, des innovations, des usages. L’apprentissage du langage vidéoludique dépend de la construction de l’encyclopédie du joueur, c’est-à-dire de l’ensemble des connaissances et expériences d’un individu ou d’une collectivité auxquelles l’individu se réfère pour construire le sens du monde qui l’entoure (Eco, 1984). Le joueur, par ses expériences et ses connaissances du monde et du jeu, construit sa propre encyclopédie qui sera sans cesse réutilisée pour reconnaître, comprendre et interagir avec le jeu. Plus les joueurs expérimentent les jeux vidéo, plus ils acquièrent des connaissances leur permettant d’interpréter le langage et d’agir sur le jeu. L’apprentissage du langage vidéoludique s’avère donc essentiel d’un point de vue cognitif et physiologique pour pouvoir « jouer le jeu » : reconnaître les signes, savoir quoi en faire et être apte à les utiliser grâce aux différents périphériques d’entrée (manettes, clavier, souris, etc.). L’encyclopédie est ainsi la base référentielle servant à l’apprentissage et à l’utilisation du langage des jeux vidéo – de manière unique pour chacun –, la connaissance du langage et son usage sont distincts. Le fait de connaître le langage ne garantit pas ce que l’on en fera. Si la mise en place des signes des jeux vidéo se trouve fixée par les concepteurs, les rapports que le joueur entretient avec le jeu sont, eux, imprévisibles. L’apprentissage progressif que le joueur fait du jeu lui permet de l’utiliser pour ses propres fins et plus le joueur maîtrise le langage des jeux vidéo, plus il est en mesure de s’approprier le jeu tel qu’il le désire en engageant des processus cognitifs et créatifs qui peuvent garantir l’exercice de sa liberté. Le sujet, même placé au cœur d’un cadre solide, se construit un espace de jeu pour faire sien l’univers qui lui est présenté. La pratique des joueurs définit ainsi ce que sont les jeux vidéo et ce, dans un processus en constant devenir qui n’est pas (entièrement) contrôlé par les concepteurs (Malaby, 2007). La définition de l’espace d’appropriation Une définition donnée au mot « jeu » est d’ailleurs l’interstice entre deux pièces, soit un espace libre encadré par des barrières définies. Dans le monde vidéoludique, le joueur est contraint par des règles et des limitations qui régissent les frontières du jeu (cadre conceptuel, technologique, relationnel ou autres), mais, à l’intérieur de ces bornes, existe un espace de mouvement nécessaire à l’existence du jeu où un va-et-vient dynamique stimule le joueur, le poussant à poursuivre l’exercice du jeu. Si le joueur ne devait obéir qu’à des impératifs prédéterminés, sans avoir aucune latitude pour proposer des choix ou laisser aller le hasard, par définition, il n’y aurait pas de jeu. Le jeu est nécessairement basé sur l’incertitude du résultat final et le joueur possède une marge à l’intérieur de laquelle il peut influencer son expérience de jeu. La 63 64 médiamorphoses Des espaces d’appropriation définition même du jeu, telle qu’elle est proposée par Colas Duflo, est ainsi « l’invention d’une liberté dans et par une légalité 3 ». L’espace de liberté est l’espace de jeu comme tel, soit l’espace d’appropriation. L’espace d’appropriation est un lieu de formulation et de construction du sens où le joueur perçoit, interprète et évalue le jeu avant d’interagir avec les éléments du jeu. L’espace d’appropriation est donc l’espace de liberté permettant au joueur de devenir le créateur de sa propre expérience ludique. Le mot appropriation signifie d’ailleurs « l’état de ce qui est adapté à quelque chose 4 » et l’action d’approprier est « de rendre propre à un usage, à une destination 5 ». L’appropriation est en fait un espace plus ou moins créatif du sujet pour interpréter le monde et éventuellement l’adapter (plus ou moins consciemment) à son usage. Dans l’espace de l’appropriation se déroule le processus de médiation : le monde est interprété à partir du point de vue du sujet, à partir de sa propre encyclopédie. Le sujet n’est pas un simple relais dans le monde, mais devient un hybride (Latour, 1991) qui aménage les représentations qui y circulent. L’espace d’appropriation rend possible non seulement le déploiement du jeu puisque, par définition, il permet l’existence d’un espace de jeu (de mouvements) mais, de plus, il permet les détournements de sens et d’utilisation. Le détournement de sens s’opère lors de l’interprétation : un sens second se substitue au sens initial voulu, par exemple par les concepteurs, ou le modifie. Au contraire, le détournement d’utilisation n’est pas provoqué par une interprétation singulière, mais bien par l’usage second d’un élément qui ne possédait pas cette fonction initialement. Le joueur considère soit la fonction des éléments, soit leur nature – ce qui lui permet alors de les détourner de leur fonction initiale. Ces façons de s’approprier le jeu qui, souvent, ne sont pas prévues par les concepteurs et éditeurs de jeux, permettent un équilibre entre ce que le jeu propose et la façon dont le joueur en dispose. Grâce à cet espace de liberté, le joueur singularise son expérience ludique, car il s’investit dans un espace de jeu où il trouve la latitude nécessaire pour se réaffirmer en tant qu’être humain. Si un cadre borne l’interprétation et l’usage, le joueur est toujours libre de « jouer le jeu » et de faire ce qu’il veut de ce jeu. dossier Maude Bonenfant L’étendue de l’espace d’appropriation L’étendue du cadre du jeu définit en partie la superficie de l’espace d’appropriation. Certains jeux offrent peu d’espace de jeu (comme, par exemple, Tétris) alors que d’autres jeux offrent un espace très vaste (comme, par exemple, World of Warcraft). En outre, l’évolution des jeux vidéo de certains genres, comme les jeux dits d’action, d’aventure, les jeux de rôle et les jeux sportifs, tendent majoritairement vers une expansion de cet espace d’appropriation – c’est-à-dire un élargissement du « possible » et du « virtuel », au sens deleuzien des termes. Il y a davantage de possibilités interactives (le possible) et de puissance créatrice (le virtuel) dans World of Warcraft que dans Tétris. Alors que, d’un côté, le joueur se voit offrir une aire de jeu préalablement codifiée et portant en elle sa propre structure dont plusieurs éléments se présentent comme inaltérables, d’un autre côté, le joueur a la possibilité de délimiter lui-même le cadre du jeu par le développement d’aptitudes et d’attitudes lui permettant de s’approprier le jeu grâce au possible et au virtuel du jeu. Il doit donc y avoir une certaine part de volonté (consciente ou inconsciente) de la part du joueur d’interpréter le jeu, de suivre les règles ou de les transformer. Or, même en suivant les règles à la lettre, le joueur donne forme au jeu et rend possible l’existence même du jeu. Le joueur affecte le jeu, mais est aussi affecté par le jeu d’une manière qui n’est jamais statique. Son expérience de jeu, d’une partie à l’autre, d’une fois à l’autre, ne sera jamais la même, car l’encyclopédie (perceptuelle, conceptuelle et affective) du joueur évolue et, donc aussi, l’interprétation qu’il fera du jeu : cette expérience de jeu est indissociable des autres expériences qui forment l’individu. En ce sens, et pour reprendre le même exemple, World of Warcraft est plus susceptible d’être affecté et d’affecter le joueur que Tétris, par le fait même que World of Warcraft présente plus de cas d’appropriation. Des exemples d’appropriation Tous les jeux vidéo offrent un espace d’appropriation – qu’il soit restreint ou large – et plusieurs cas démontrent explicitement une appropriation originale faite par des dossier Maude Bonenfant joueurs. Ces actes d’appropriation peuvent s’exprimer dans une perspective purement ludique, mais aussi esthétique, éthique, sociale, politique et économique, ceux-ci contribuant à construire la culture ludique dans laquelle ils s’inscrivent. Le joueur s’approprie les éléments du jeu d’abord pour améliorer son expérience vidéoludique, mais parfois aussi pour amuser la communauté des joueurs. Ainsi, parallèlement à la croissance de popularité des sites d’échange de vidéos tel que YouTube, une des appropriations actuellement très populaires chez les joueurs est de produire de courts films à l’intérieur des univers des jeux vidéo et de les diffuser sur l’Internet. L’intérêt de ces vidéos réside, pour le spectateur, dans leur aspect humoristique et/ou dans le degré de difficulté à les réaliser. Ainsi, à partir du jeu World of Warcraft, Bionic (pseudonyme du joueur) a produit une vidéo sur la chanson I am too sexy de Right Said Fred et selon la plus pure tradition des vidéoclips 6. Dans cette vidéo, l’avatar, c’est-à-dire le personnage, se promène et danse au rythme de la musique, accompagné par des avatars de sexe féminins qui semblent impressionnées par cet « homme trop sexy ». La codification des vidéoclips est reprise et adaptée à l’univers des jeux vidéo et le jeu devient le « studio » de production d’un apprenti chanteur. Dans le même ordre d’esprit, le jeu Half Life 2 a servi de toile de fond à un joueur pour former un domino géant à l’intérieur même de l’espace de jeu 7. Le joueur a ramassé des objets du jeu (portes, pneus, barils, etc.) et, en tirant un coup de feu initiateur, a mis en branle, via son avatar, le domino. En suivant le mouvement des objets avec son avatar, le joueur a enregistré cet exploit puis l’a diffusé sur l’Internet. Il a ainsi fait un usage inusité des objets en 3D présents pour le jeu en les détournant de leur fonction initiale d’éléments scénaristiques. Un autre joueur, présenté sous le pseudonyme de Lytha, avait précédemment réalisé un « exploit » similaire dans le jeu Thief II 8. Pour pouvoir se rendre sur le toit d’un bâtiment, le joueur a pris vingt-sept caissons présents dans un tableau du jeu pour les empiler les uns au-dessus les autres et pour y grimper avec son avatar. Lytha s’est ainsi rendu dans un lieu du jeu supposé inaccessible, simplement pour avoir la satisfaction de s’y être rendu et de voir ce que les concepteurs avaient prévu comme décor à cet endroit. médiamorphoses Des espaces d’appropriation Si ces exemples sont plutôt à caractère ludique, d’autres exemples ont une portée principalement artistique. Par exemple, le projet Blinkenlights de Berlin 9, en 2001 et 2002, a permis à des joueurs possédant un téléphone portable de jouer à Pong sur un immeuble : des lumières s’allumaient et s’éteignaient selon les commandes passées par les joueurs avec les touches de leur portable, reproduisant ainsi le jeu. Ce projet grandiose explorait les possibilités interactives des nouvelles technologies, entre autres avec le langage des jeux vidéo. L’artiste Guillaume Reymond réalise, quant à lui, « la plus grande partie de Space Invaders de la planète 10 » à l’été 2006 à Fribourg, en Suisse. Avec soixante-sept figurants servant de « pixels » au jeu, les vaisseaux et projectiles du jeu sont reproduits dans une salle de spectacle, les humains se déplaçant au rythme du scénario du jeu. Le résultat est diffusé sous la forme d’un court-métrage et remet en question la nature des pixels dans le langage des jeux vidéo. Guillaume Reymond et les artistes de Blinkenlights ont ainsi détourné le sens initialement donné à ce type de jeu pour dépasser le simplisme de leurs règles dans une mise en scène extraordinaire. Pong devenait un objet de la ville que tous les quidams pouvaient observer et, dans Space Invaders, l’humain devenait le corps même du jeu. D’autres formes d’appropriation sont des manifestations politiques (au sens large du terme, soit du « vivre ensemble ») dont la visée est soit à l’intérieur, soit à l’extérieur du jeu. Dans certains jeux de rôle joués en réseau, des joueurs se rassemblent, grâce à leur avatar, pour protester contre une situation, exactement à la manière de manifestants sortant dans les rues. Ainsi, en 2000, les joueurs du jeu Venise se sont donné rendez-vous à une heure précise dans un endroit du jeu pour manifester, auprès de l’éditeur du jeu, la compagnie Cryo, leur mécontentement par rapport aux bogues et incohérences de ce jeu 11. Plus récemment, les joueurs de Second Life manifestaient devant le bureau pixellisé que le Front National a ouvert dans le jeu pour démontrer leur désaccord quant à la position adoptée par ce parti politique 12. Second Life est d’ailleurs la nouvelle aire de jeu pour l’exploration des nouvelles formes d’appropriation. On a même parlé des premiers actes de « terrorisme » dans ce jeu… 65 66 médiamorphoses Des espaces d’appropriation En fait, plusieurs des joueurs expérimentés, surtout s’ils apprécient le jeu, tenteront toutes les manœuvres possibles pour évaluer jusqu’où les concepteurs sont allés dans la création du jeu. Ils exploreront toutes les possibilités interactives, y compris les bogues... Ainsi, des joueurs bien malins ont découvert, dans le jeu Team Fortress (un mod basé sur l’engin de Quake), une faille leur permettant, s’ils choisissaient la classe d’avatar des soldats, de franchir des distances « anormalement grandes » en profitant de l’onde de choc de grenades qu’ils faisaient exploser en direction d’un mur ou d’un ravin (ce que les joueurs ont appelé le conc jumping) 13. Inutile de dire que les joueurs usant de ce truc possédaient alors un avantage indéniable sur l’autre équipe. Cette appropriation s’est d’ailleurs répandue dans plusieurs jeux et a suscité bien des débats à caractère éthique : sommes-nous confrontés à un usage acceptable ou à une tricherie ? Certains ont jugé la situation comme contrevenant aux règles du jeu alors que d’autres lui ont fait honneur, dont les concepteurs de Team Fortress II qui ont inclus cette fonctionnalité dans la deuxième version du jeu. Il est intéressant de constater que les appropriations originales faites par les joueurs sont souvent reprises par les concepteurs et les éditeurs de jeux vidéo dans les versions subséquentes des jeux. Par exemple, dans le jeu EverQuest I, les joueurs ont commencé à effectuer du troc et de la vente d’objets possédés dans le jeu, développant du même coup une facette économique au jeu (l’appropriation à caractère économique n’est pas en reste !). Sony, l’éditeur du jeu, a alors mis en place, pour EverQuest II, la plateforme Station Exchange 14, « the official secure marketplace for EverQuest II players 15 », inspirée par le célèbre eBay. L’éditeur de jeu s’est, à son tour, « approprié l’appropriation » faite par les joueurs de ce jeu. Les vases sont communicants et l’échange entre les concepteurs et les joueurs est constant : les concepteurs proposent de nouveaux environnements vidéoludiques 16 et les joueurs, par leur usage des jeux, définissent en partie ce que sera le développement des prochaines générations de jeux. L’espace d’appropriation permet des actions à petite échelle ayant potentiellement des effets à grande échelle. dossier Maude Bonenfant Comment fonctionne l’appropriation ? Tous ces exemples ne constituent pas des exceptions ou de rares manifestations de l’appropriation dont les joueurs font preuve, mais représentent bien la manière dont la communauté des joueurs utilise les jeux pour leurs propres fins. À l’intérieur du cadre qui lui est offert, le joueur occupe une place centrale où son pouvoir décisionnel détermine en partie ce que sera le jeu. Le joueur a un pouvoir sur le jeu, le pouvoir étant entendu au sens que lui donne Foucault, c’est-à-dire comme « la multiplicité des rapports de force qui sont immanents au domaine où ils s’exercent, et sont constitutifs de leur organisation 17 ». Le joueur a parfois un pouvoir sur le jeu et le jeu a parfois un pouvoir sur le joueur. Seul ce déplacement des relations de pouvoir permet au jeu de s’élaborer : le joueur trouve un certain plaisir à se laisser mener par le jeu ou à mener le jeu. Ce déplacement des relations de pouvoir est permis seulement si le joueur et le jeu (via les concepteurs et les autres joueurs) possèdent une certaine forme de liberté : « Le pouvoir ne s’exerce que sur des “sujets libres”, et en tant qu’ils sont “libres” — entendons par là des sujets individuels ou collectifs qui ont devant eux un champ de possibilité où plusieurs conduites, plusieurs réactions et divers modes de comportement peuvent prendre place 18. » Ainsi, le joueur a une liberté d’interprétation et d’action qu’il exerce dans l’espace d’appropriation du jeu grâce au renversement possible des rapports de force entre, d’une part, l’ordre du jeu et, d’autre part, le joueur qui semble y être soumis. Comme le propose Michel de Certeau dans L’Invention du quotidien (1980), les individus ne sont jamais entièrement soumis à l’ordre établi. Les individus « fabriquent » les usages et ce qu’ils font des produits (au sens large) se soustrait au système de production. En fait, De Certeau met en lumière cet écart entre la production de l’image et les procès d’utilisation, écart où les individus développent leurs « manières de faire » : « Ces “manières de faire” constituent les mille pratiques par lesquelles des utilisateurs se réapproprient l’espace organisé par les techniques de la production socioculturelle 19 ». Autant de ruses, de tactiques, de procédures qui échappent aux « structures technocratiques » et que l’individu développe pour s’approprier le monde de médiamorphoses dossier Maude Bonenfant Des espaces d’appropriation façon originale – pour créer du « jeu ». On croit souvent que Foucault (Michel), Histoire de la sexualité, tome 1 : La les usagers – comme les joueurs – sont passifs et soumis à Volonté de savoir, Paris : Gallimard, coll. « Tel », 1994 [1976]. la discipline des produits consommés. Pourtant, de Latour (Bruno), Nous n’avons jamais été modernes. Essai Certeau, en se basant sur Foucault et Bourdieu, expose la d’anthropologie symétrique, Paris : La Découverte/Poche, manière dont les pratiques populaires de créativité quoti- coll. « Sciences humaines et sociales », 1997 [1991]. dienne constituent la contrepartie des encadrements de la Malaby (Thomas M.), « Beyond Play : a new approach to « mégalopole électronicisée et informatisée ». L’individu s’immisce dans les « marges de manœuvre » que l’ordre établi semble lui imposer : « [l’individu] se crée un espace de jeu games in games and culture », Sage publications, vol. 2, no 2, avril 2007, p. 95 à 113. pour des manières d’utiliser l’ordre contraignant 20 » et ce, en Notes faisant résonner cet ordre sur un autre registre. 1. Par « jeu vidéo » est entendu tout jeu conçu expressément pour un support électronique. Sont donc exclus les jeux qui sont des versions numériques de jeux de carte, de table, de hasard, etc. 2. Le mot « langage » n’est pas synonyme de « langue » et son sens est celui donné par Ferdinand de Saussure : le langage est un système de signes (Cours de linguistique générale, Paris : Payot, coll. « Grande bibliothèque Payot », 1995 [1916], p. 33). 3. Duflo (Colas), Jouer et philosopher, Paris : Presses universitaires de France, coll. « Pratiques théoriques », 1997, p. 57. 4. Le Grand Robert de la langue française, Paris, 2001 [1951-1966]. 5. Le Robert, dictionnaire historique de la langue française, Paris, 2000 [1992]. 6. World of Warcraft too sexy, http://www.youtube.com/ watch?v=ePx57vkg5zI (consulté le 24 mai 2007). 7. Half Life 2 Dominos, http://www.break.com/index/halfdomino.html# (consulté le 24 mai 2007). 8. Roof Climbing – Reaching the “Impossible”, http:// www.lytha.com/thief/t2demo/roof.phtml, (consulté le 24 mai 2007). 9. http://www.blinkenlights.de/interactive.fr.html 10. Game Over Project – Space Invaders, http://www.notsonoisy.com/ spaceinvaders/ (consulté le 24 mai 2007). 11. Le journal L’Alsace Multimédia rapportait le fait en 2004 (le lien électronique est aujourd’hui disparu). 12. Marie Lechner, Manifs anti-FN sur Second Life, http:// www.ecrans.fr/spip.php?article681, publié le 11 janvier 2007 (consulté le 24 mai 2007). 13. Killjoy’s Corner – Concing guide, http://killjoy.planetfortress. gamespy.com/ concguide1.htm, (consulté le 24 mai 2007). 14. http://stationexchange.station.sony.com/ 15. « Le marché officiel et sécuritaire pour les joueurs de EverQuest II » (notre traduction). 16. Les concepteurs ont d’ailleurs bien compris ce type d’appropriation des joueurs et placent parfois à des endroits plus ou moins cachés des « œufs de Pâques » (easter eggs). Ces « clins d’oeil » ou caméos placés ici et là dans les jeux vidéo peuvent prendre des formes diverses tels que des messages, des dessins, des sons, etc. que seuls les « initiés » découvrent et comprennent. Par exemple, dans une version du jeu The Legend of Zelda – Ocarina of Time, un avion du jeu StarFox y a été introduit (Zelda vs Star Fox, http://www.gamespot.com/pages/filter/ video_player.php ? id=dyMzljTx5bsKvzDc, consulté le 24 mai 2007). 17. Foucault (Michel), Histoire de la sexualité, tome 1 : La Volonté de savoir, Paris : Gallimard, coll. « Tel », 1994 [1976] p. 121-122. 18. Foucault (Michel), « Le sujet et le pouvoir », Dits et écrits II (19761988), Paris : Gallimard, coll. « Quarto », 2001 [1982], p. 1056. 19. De Certeau (Michel), L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire (nouvelle édition), Paris : Union Générale d’Éditions, coll. 10/18, 1980, p. 14. 20. Ibid., p. 77. Ainsi, l’interprétation et l’utilisation que fait le joueur des jeux vidéo sont toujours garantes de la « marge de manœuvre » que le joueur s’approprie, même si le jeu semble être, a priori, un système contraignant et totalement imposé par les concepteurs. Le jeu ne sera pas entièrement transformé par les pratiques du joueur (là n’est certainement pas l’objectif, sinon, pourquoi jouer ?), mais il sera certainement adapté à la signification que le joueur lui donnera et à l’usage qu’il en fera. Le joueur est la condition du jeu (de la forme que le jeu prendra lors de son actualisation) mais, en même temps, il faut demeurer lucide : le jeu conditionne aussi le joueur à une certaine forme d’expérience ludique... Bibliographie Certeau (Michel de), L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire, Paris : Union Générale d’Éditions, coll. 10/18, 1980. Saussure (Ferdinand de), Cours de linguistique générale, Paris : Payot, coll. « Grande bibliothèque Payot », 1995 [1916]. Duflo (Colas), Jouer et philosopher, Paris : Presses universitaires de France, coll. « Pratiques théoriques », 1997. Eco (Umberto), « Dictionnaire versus encyclopédie » in Sémiotique et philosophie du langage, Paris : PUF, coll. « Quadrige », 2002 [1984 (Semiotica e filosofia del linguaggio)], p. 63 à 87. Foucault (Michel), « Le sujet et le pouvoir », Dits et écrits II (1976-1988), Paris : Gallimard, coll. « Quarto », 2001 [1982], p. 1041 à 1062. 67