Anatomie Des Émotions
Anatomie Des Émotions
Anatomie Des Émotions
Summary
Staub F, Bruggimann L, Magistretti P, Bogousslavsky J. [Anatomy of emotions.] Schweiz Arch
Neurol Psychiatr 2002;153:34453.
The study of emotion had been relegated to
the fringes of neuroscience until quite recently
because it was too subjective and irrational for
the intellectual stiffness of modern science. Since
about thirty years, the studies relating to emotions and underlying neural mechanisms have
considerably multiplied utilising behavioural
paradigms with normal subjects, clinical evaluation
of patients suffering from neurological or psychic
disorders, observations of patients with definite
brain lesions and finally, using the most advanced
and noninvasive technology available to capture
revealing images of the living brain responding to
emotions: functional brain neuroimaging.
In this paper we describe the famous historical
contributions to the comprehension of the links
between brain and emotions. The oldest experimental demonstration of these links was carried
out at the beginning of the twentieth century
by Cannon and Bard who showed that the surgical ablation of a cats neocortex induced nonmotivated aggressive behaviour called sham
rage. Klver and Bucy described behavioural
modifications generated by the ablation of portions
of temporal lobes in monkeys. After lobectomy,
animals developed a submissive and docile behaviour and hypersexuality as well as hyperorality.
The case of Phineas Gage first described by
Dr Harlow is also very famous as first description
of personality changes after prefrontal damage.
These case studies carried out on man and animal
lead to the establishing of assumptions on the
Correspondance:
Fabienne Staub
Ser vice de neurologie
CHUV
Rue du Bugnon, 27
CH-1011 Lausanne
e-mail: fabiennestaub@hotmail.com
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Introduction
La localisation de fonctions mentales dans le cerveau nest pas nouvelle. Il y a 200 ans, Franz Joseph
Gall (17581828) tablissait les bases de la phrnologie (de phrenos = esprit et logos = tude). Il
pensait que les facults intellectuelles et morales
taient innes et que leurs manifestations dpendaient de lorganisation du cerveau. Chaque sentiment ou facult mentale tait suppose tre dpendante dun organe crbral plus ou moins
dvelopp, dveloppement interne qui se refltait au niveau de la forme du crne. Le lecteur
pourra par exemple constater (fig. 1) que la
destructivit sige au dessus de loreille et
lamour physique (amativeness) la naissance
de la nuque! Depuis lors, mais essentiellement
au cours des deux dernires dcennies, la neurologie du comportement a considrablement progress dans la connaissance du substrat anatomique des fonctions mentales et des motions,
qui vont nous intresser plus spcialement ici.
Les chercheurs ont dlaiss le cphalomtre1
au profit de lexprimentation animale et humaine,
de ltude de la pathologie crbrale et, plus rcemment, des techniques dimagerie fonctionnelle
qui permettent de visualiser le fonctionnement du
cerveau dans une situation donne (tche motrice
ou cognitive, tats mentaux).
Le problme de la dfinition
Dfinir ce quest une motion nest pas une tche
aise puisquil sagit de caractriser laide de
mots des manifestations qui associent une exprience mentale, et donc subjective par essence,
des manifestations corporelles et physiques essentiellement ressenties. En outre, bien que le concept
dmotion soit lobjet dune connaissance populaire et universelle, il reste trs approximativement dfini puisquil couvre un champ smantique
vaste et mal dlimit. Ltymologie du mot motion, du latin ex-movere qui signifie mouvement vers lextrieur, ne nous aide pas beaucoup
dans cet exercice de dfinition, bien quelle puisse
suggrer cette incitation laction que peuvent
provoquer ces tats affectifs intenses que sont les
motions.
Le dictionnaire le Petit Robert dfinit prcisment lmotion comme un tat affectif intense,
caractris par une brusque perturbation physique
1 Il sagit dun appareil (sorte de casque) invent par
Herbert Spencer (18201903) et destin amliorer la
mesure des caractristiques du crne.
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Figure 1
Localisation des fonctions mentales selon F. J. Gall
(17581828). Adapt de Sabbatini RME. Phrenology,
the histor y of brain localization. Brain & Mind, Electronic
Magazine of Neuroscience, mars 1997.
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Syndrome de Klver-Bucy
En 1938, les travaux de Klver et Bucy [4] ont permis une avance supplmentaire dans la comprhension des liens entre cerveau et motions. Ces
auteurs ont amen une des premires preuves
exprimentales de limplication dune partie du
cerveau dans la rgulation des comportements
motionnels en procdant lablation bilatrale de
vastes portions du lobe temporal (incluant lamyg-
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Phineas Gage
Le cas de Phineas Gage est galement clbre. Il
sagit dun jeune homme de 25 ans qui, en 1848, en
Nouvelle-Angleterre, subit un accident de travail.
Une barre de fer pntre dans sa joue gauche, lui
perce la base du crne et traverse lavant de son
cerveau avant de ressortir par le dessus de sa tte,
lsant les rgions ventrales et mdianes de ses
lobes frontaux. A la suite de cet accident, Gage
subit une modification radicale de sa personnalit
sans atteinte notable de ses fonctions cognitives.
Alors quil tait connu pour son srieux, sa force de
caractre et sa modration, il devient capricieux,
impulsif, grossier et dhumeur changeante.
La cas de Gage est trs intressant car il est le
premier qui nous apprend quelque chose sur les
liens entre la personnalit et les parties antrieures
du lobe frontal. Il montre comment, en dpit de
capacits intellectuelles intactes, un sujet peut
devenir incapable dutiliser ses facults de jugement dans la vie quotidienne et dadapter son
comportement des choix. Aprs son accident,
Gage dveloppe une sorte dincomptence dans
les relations sociales et il devient incapable de
prendre des dcisions cohrentes et finalises.
La description de son mdecin, le docteur John
Harlow, fait mention dune perte de lquilibre
entre facults intellectuelles et pulsions animales.
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Figure 2
palo-mammalien
motions
reptilien
prservation
de soi
Figure 3
Cortex
cingulaire
Fornix
Corps
calleux
Thalamus
Septum
Hippocampe
Hypothalamus
Amygdale
Corps
mammillaire
dcrire sont largement interconnectes et quaucune nest elle seule responsable dun tat motionnel spcifique. Cette implication simultane
et multidirectionnelle ne permet pas dtablir une
reprsentation simple et linaire des processus
motionnels et rend difficile une conceptualisation globale de la squence et des niveaux de
traitement.
Le circuit de Papez
En 1937, lanatomiste James Papez [6] dcrit un circuit neural baptis de son nom (circuit de Papez)
et suppos constituer le substrat anatomique des
motions. Pour tablir sa thorie, il se base
essentiellement sur lautopsie de cerveaux de
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Figure 4a et b
Lamygdale
Il sagit dune petite structure en forme damande
situe dans la profondeur du lobe temporal, dans
sa partie antro-infrieure. Lamygdale est le point
de convergence de tous les messages sensoriels
en provenance des aires associatives spcifiques
(vision, audition et tact). Elle possde des affrences avec lhippocampe, les noyaux septaux les
rgions prfrontales et les noyaux dorso-mdians
du thalamus. Cette richesse de connections lui
confre un rle crucial dans la mdiation et le
contrle des principaux tats affectifs tels que
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La rgion septale
La rgion septale est prsente trs tt dans lvolution philogntique, elle constitue la premire
bauche du tlencphale. Dun point de vue anatomique, elle constitue une troite aire corticale
qui se situe juste en avant de la commissure antrieure et du thalamus, sous le rostrum du corps
calleux. La rgion septale est connecte avec
lensemble des formations primitives, aussi bien
limbiques quhmisphriques. Chez lanimal, la
stimulation de cette rgion induit une srie de
manifestations sexuelles, en particulier drections
et djaculations chez le mle, comportements qui
sont lis la prservation de lespce. Chez lhomme, la stimulation de cette mme aire ninduit pas
de comportement sexuel mais provoque habituellement une impression subjective de chaleur et de
plaisir, souvent consonance sexuelle.
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Lhypothalamus
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par consquent la mise en place de rponses stratgiques et avantageuses. Cette thorie constitue
une proposition originale concernant limplication
des tats somato-vgtatifs dans des processus
cognitifs complexes et la spcificit fonctionnelle
du cortex prfrontal ventro-mdian.
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Conclusion
Dans cet aperu gnral de neuroanatomie des
motions, seules les principales structures crbrales classiquement associes aux mcanismes
motionnels ont t mentionnes, de mme que
notre description des dsordres motionnels sest
limite aux manifestations les plus frquemment
observes. Rappelons cet gard que si les troubles comportementaux ou affectifs peuvent tre
flagrants lors de la phase aigu en neuropathologie, leur intensit peut diminuer trs sensiblement par la suite. Dans certains cas par contre,
ces troubles constituent les seules manifestations
cliniques du dysfonctionnement crbral [27]. Les
tudes menes jusqu prsent dans le but didentifier les soubassements crbraux des conduites
motionnelles ou dassocier des symptmes psychologiques latteinte dune rgion crbrale
particulire ont soulev au moins autant de questions quelles nont apport de donnes concluantes au plan thorique. Nanmoins, il existe ce jour
une somme considrable darguments suggrant
que les motions sont sous-tendues par des struc-
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Rfrences
1
Terzian H, Dalle Ore G. Syndrome of Klver-Bucy reproduced in man by bilateral removal of temporal lobes.
Neurology 1955;5:37380.
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25 Mayberg HS, Brannan SK, Tekell JL, Silva JA, Mahurin RK,
McGinnis S, et al. Regional metabolic effects of fluoxetine in major depression: serial changes and relationship to clinical response.
Biol Psychiatr y 2000;48:83043.
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