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Son mari aimait filmer tout ce qui avait des ailes. Les oiseaux, les papillons, les avions, même les mouches. Ce goût pour tout ce qui volait et qui ne semblait pas avoir de rapport avec le reste de son oeuvre avait de quoi rendre perplexe l'ignorante qu'elle reconnaissait être en matière d'art. - Qu'est-ce que cette scène vient faire là ? lui avait-elle demandé un jour. Après les images d'un pont écroulé et de gens en larmes lors des funérailles, on voyait soudain l'ombre noire d'un oiseau sur le fond du ciel. - Comme ça, avait-il répondu. Ça vient comme ça. Après, je me sens mieux.
– Han Kang, La végétarienne
Elle se contentait, semblait-il, d'être la spectatrice de tout ce qui lui arrivait. Ou peut-être se passait-il en elle des choses si horribles que personne ne pouvait les soupçonner, leur existence parallèle au quotidien étant si insoutenable qu'elle ne lui laissait plus assez d'énergie pour s'intéresser, découvrir ou réagir.
– Han Kang, La végétarienne
Où cours-tu ? Dans le ventre de la bête
Vers qui ? Le visage tremblant du reflet
Que cherches-tu ? L'orgasme et sa répétition d'étriers
Que fais-tu ? Je tatoue l'air avec des paroles invisibles
De quoi parles-tu ? De la haute cime de l'instant et des larmes comestibles qu'elle engendre
– Juliette Mouquet, Je connais une étoile qui a soif
Mathilde aimait le cinéma, si passionnément que cela la faisait souffrir. Elle regardait les films sans presque respirer, le corps tout entier tendu vers les visages en Technicolor. Quand, au bout de deux heures, elle quittait le noir de la salle, l'agitation des rues la heurtait. C'était la ville qui était fausse, incongrue, c'était le réel qui lui apparaissait comme une fiction triviale, comme un mensonge. Elle jouissait du bonheur d'avoir vécu ailleurs, d'avoir effleuré de sublimes passions et en même temps bouillonnait en elle une forme de rage, une amertume. Elle aurait voulu entrer dans l'écran, vivre des sentiments qui aient la même matière, la même densité. Elle aurait voulu qu'on lui reconnaisse sa dignité de personnage.
– Leïla Slimani, Le pays des autres
I do not come like rain as a tribute or symbol for earth's becoming I come as a woman dark and open some times I fall like night softly and terrible only when I must die in order to rise again.
– Audre Lorde, The women of Dan dance with swords in their hands to mark the time when they were warriors (The Black Unicorn)