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Date de création : 11.11.2010
Dernière mise à jour : 12.06.2023
220 articles


Impasse 2 - Post scriptum

Publié le 12/06/2023 à 13:06 par eudeslancien Tags : prix sur bonne base place monde coup mort

Impasse 2.   Post scriptum

 

Ukraine.

Militairement, rien de bien nouveau depuis six mois : blocage, carnage, désinformation. En revanche, retombées extérieures de la guerre significatives et parfois inattendues. Les appels à la négociation se multiplient, surtout enprovenance du « Sud global ». Mais souvent sans proposition précise sur les « contours possibles » d’un règlement du conflit.

Enkystement

Depuis l’été dernier, la ligne de front n’a guère changé qu’à la marge. Avec les succès brillants, mais sans lendemains, d’Izioum et de Kherson pour les Ukrainiens, l’acharnement autour de Bachkout, « hachoir à viande », sinon Verdun local selon les analystes, finalement aux mains des Wagner (jusqu’à quand ?). Blocage donc, mais au prix de pertes en hommes et matériel démesurées, et, ailleurs, de dégâts et destructions de plus en plus considérables et inédites (les barrages). Dans une atmosphère de désinformation échevelée de part et d’autre. L’affrontement, néanmoins, reste circonscrit par une double mise en garde des « parrains » des antagonistes : moindre allusion à la menace nucléaire sur insistance des Chinois, sanctuarisation du territoire russe exigée par les Américains.

Dans ce contexte, on attendait la contre-offensive ukrainienne, arlésienne du théâtre des opérations depuis des semaines. Elle semblait  un élément de propagande pour doper le moral de l’arrière, et un argument pour obtenir des Occidentaux toujours plus de moyens, surtout en équipements lourds, tant de défense que d’assaut. Zelensky lui-même et son état-major paraissaient hésiter devant les risques d’une opération aléatoire et coûteuse, qui se heurterait  à une défense russe très renforcée, et aux compétences tactiques, de l’avis des experts, très améliorées. Mais son imminence ou, désormais, des succès, même limités, peuvent être un atout dans une éventuelle négociation.

Résilience

Les retombées extérieures du conflit se sont révélées, au contraire, à bien des égards surprenantes. Les économies des protagonistes ont fait preuve d’une étonnante plasticité. Les sanctions occidentales, dans un premier temps du moins, n’ont guère pénalisé la Russie, qui a bénéficié de la mise en place rapide de réseaux parallèles et plus ou moins clandestins d’approvisionnement et de vente. Et continué à exporter son pétrole, à prix bradés certes, à d’autres clients, Chine, Inde, Turquie, voire Etats du Golfe,  dont une bonne part réexpédiée sur les marchés occidentaux. Quant aux importations  essentielles à son effort de guerre, elles ont afflué  via les Etats voisins, sous des formes souvent incongrues pour désossage et recyclage (équipement ménager).

Les Européens auront aussi fait face assez rapidement aux principales pénuries provoquées transitoirement par la guerre. Ils auront  modifié assez vite leur mix énergétique et leurs sources d’approvisionnement pour se passer quasi totalement du gaz russe, ce qui représentera sans doute pour Moscou le passif le plus lourd de son affrontement  avec l’Occident. L’impact de la guerre sur les prix de l’énergie et de quelques matières premières essentielles, au début considérable, s’est assez rapidement estompé, puisqu’ on retrouve depuis quelques mois les niveaux d’avant le conflit. L’inflation persistante et la stagnation/récession qu’elle induit tiennent désormais à beaucoup d’autres facteurs, le gonflement abusif des marges des entreprises, le  laxisme des politiques budgétaires des Etats, les politiques monétaires à contretemps des grandes banques centrales.

 

 

Bascule

 Plus spectaculaire encore, la bascule géopolitique du monde : désoccidentalisation, dédollarisation, émergence du Sud global et de son multi-alignement. Avec, en figures de proue, l’Inde, et plus généralement l’Asie du sud-est (Indonésie, Vietnam), les Etats du Golfe et les ambitions nouvelles de l’Arabie Saoudite, le Brésil d’un Lula en pleine madurisation, héraut  de l’après-dollar, la Turquie,  champion incontesté  du double jeu.

En regard, le carré d’as. Les deux puissances dominantes, aux performances antithétiques. La Chine, dont l’économie a souffert cruellement d’un covid mal géré, a du mal à se redresser, et, aux prises avec de lourds et multiples problèmes, ne retrouvera pas sa vigueur passée. Mais la percée diplomatique de Pékin est impressionnante : après l’Afrique et l’Amérique latine, la captation de l’Iran et son rapprochement avec l’Arabie saoudite, qui stabilise le Moyen Orient, les liens commerciaux et financiers  avec l’ensemble du monde arabe. Les USA, grands gagnants économiques de la guerre d’Ukraine,  ont repris la main en Europe et séparé pour longtemps l’Allemagne de la Russie, qu’ils espèrent saigner à blanc sans engager un soldat. Mais  leur position dominante est un peu partout contestée. Et  leur politique de sanctions tous azimuts et d’ingérence universelle est de moins en moins bien acceptée par l’ensemble des pays « émergents ».

En retrait, au contraire, la Russie et l’Union européenne. Moscou aura perdu  les « juteux marchés occidentaux », son prestige militaire, la confiance des anciens pays satellites. Dépend de plus en plus de ses ennemis « historiques » (Iran, Turquie), jusqu’à la vassalisation en ce qui concerne la Chine… voire aux camouflets (conférence avec les pays d’Asie  centrale sans elle, exclusion du projet de G4, directoire du monde !). L’Union européenne, elle, a perdu des investissements importants, et  dû diversifier à grands frais ses sources d’approvisionnement. Vassalisée de nouveau par les Etat-Unis, elle est aussi fragilisée : divergences est-ouest, sur la Russie notamment, dissentiments  franco-allemands sur presque tous les grands sujets, l’énergie en particulier, dominance croissante de l’Allemagne, elle-même en pleine recherche d’un nouveau modèle de développement. En grand retard technico-économique dans la compétition mondiale, elle irrite et perd son influence en  se mêlant de toutes les affaires du monde et distribuant des leçons au nom de valeurs supposées universelles,  que récuse  plus de la moitié de l’humanité.

Guerre et paix

Paradoxe amusant : c’est aujourd’hui le Sud global (Brésil, Etats africains, Etats du Golfe, Indonésie et Chine, bien sûr !) qui s’immisce dans les affaires purement européennes en prônant des négociations pour mettre fin à un conflit qui   perturbe le bon ordre international, considérant que les deux camps opposés partagent les torts et n’ont pas à se faire justice eux-mêmes. Beaucoup de médiateurs potentiels donc, mais assez peu de schémas précis de règlement. On peut tenter d’en esquisser les grandes lignes, après en avoir justifié l’intérêt, sinon la nécessité.

Il est vrai qu’une large fraction des élites et responsables occidentaux, surtout européens, et plus encore dans l’est du continent (sinon les peuples, mais sont-ils jamais consultés ?!) rejettent l’idée même d’une  négociation. Elle serait l’assurance que Poutine recommencera dès qu’il en aura les moyens et l’opportunité. La victoire doit être totale. Mais quelle victoire ? S’arrêter aux frontières de l’Ukraine ne garantit en rien que Moscou ne reprendra pas un jour le combat. Franchir ces frontières serait déclencher le pire (guerre mondiale, feu nucléaire ?) … et justifier le discours poutinien d’une nouvelle agression de la Russie par l’Occident et sa thèse un rien délirante d’un affrontement civilisationnel. Quelle hypocrisie, sinon franche indécence, par ailleurs, d’envoyer se battre et sacrifier jusqu’au dernier Ukrainien pour une cause qui concernerait tout l’Occident démocratique ! De plus, par ses agressions, Poutine, en vrai Gribouille, aura réveillé un Otan « en état de mort cérébrale ».Une négociation bien conduite aboutirait au pire à une paix armée, ouvrant une nouvelle ère de guerre froide, période qui fut après tout l’une des plus calmes et des moins belliqueuses de l’histoire récente.

Si négociation il y a, quelles pourraient en être les grandes lignes ?  Avec la prise de Bakhmout, Prigorine déclarait que les Russes avaient atteint leurs objectifs et que la guerre pouvait donc se terminer. Avis qui semble partagé en haut lieu. C’est une version minimaliste par rapport aux ambitions de départ. Mais Poutine pourra faire valoir qu’il a effectivement protégé des populations russes contre une « agression de l’Otan », et appréciera le maintien de la Crimée de Potemkine et de  Sébastopol dans le giron de la mère-patrie. Prétentions exorbitantes ? La Crimée est russe depuis le XVIII° siècle, et n’a été cédée à l’Ukraine, au titre de mesure  d’administration interne, qu’au milieu du XX° par un Kroutchev en mal de déculpabilisation. Et le coup de force de 2014 a tout de même reçu l’assentiment d’une très large majorité de la population locale. Le Donbass, assez mal traité par Kiev, a fait sécession depuis près de dix ans, et l’a défendue par les armes dans des conditions difficiles. Au titre des principes, le droit à l’autodétermination vaut-il moins que le respect des frontières des Etats, souvent arbitrairement fixées ?  On peut à bon droit s’interroger, surtout si la situation nouvelle assure à terme pacification et stabilité. Les Occidentaux lui ont d’ailleurs donné priorité en diverses circonstances ces dernières années. C’est l’argument « deux poids, deux mesures »,  qui fait mouche dans le reste du monde.

Le plan de paix en dix points de Zelensky est, au contraire, maximaliste. Base de départ compréhensible, qui permettrait à peu de frais l’abandon en cours de discussion des points les « moins acceptables géopolitiquement ». L’essentiel pour l’Ukrainien est qu’il bénéficie présentement d’une conjoncture plutôt favorable, qui risque de se dégrader. Les experts n’attendent pas de résultats décisifs de la contre-offensive annoncée, qui risque d’être très meurtrière et d’aggraver la lassitude d’une population déjà très éprouvée. L’obtention (improbable ?) d’une aide massive des Occidentaux en armes lourdes pourrait déclencher la riposte chinoise qu’on a jusqu’ici évitée. Les populations européennes partagent de moins en moins l’enthousiasme belliqueux de leurs dirigeants en faveur de la guerre. Et les responsables américains s’interrogent de plus en plus sur la pertinence d’une prolongation du conflit et d’un engagement trop massif, qui  pourrait être remis en cause à l’issue de la prochaine élection présidentielle. Dans ce momentum, l’abandon de la revendication d’un retour aux frontières initiales du pays apparait comme un levier possible plutôt qu’une capitulation déceptive. Pourquoi s’acharner à récupérer des terres irrédentistes, ruinées et vidées d’une population largement hostile ? Qui seront toujours un boulet intérieur et un handicap international. Ne vaut-il pas mieux se recentrer sur le noyau véritablement européen et historique du pays ? Mais en exigeant et obtenant en contrepartie un engagement de non-agression des Russes, des garanties  de sécurité réelles des Occidentaux (adhésion à l’Otan dès les hostilités terminées ?), un plan Marshall massif des Européens pour la reconstruction et le développement du pays, plutôt qu’une adhésion précipitée à l’Union, qui poserait de très gros problèmes sans aider à l’essentiel.

Cette malice dialectique constitue peut-être la clef pour une pacification durable de la région. On peut toujours rêver. Mais aussi déplorer qu’aucune autorité morale n’ait dénoncé solennellement un affrontement désastreux et  indigne de gens civilisés, et que fassent défaut un ou des diplomates de  bonne envergure, capables, à la façon du vieux Kissinger, de forcer le destin et de modifier le cours de l’histoire.

 

                                                                                   

Impasse(2)

Publié le 18/10/2022 à 15:14 par eudeslancien Tags : divers sur place chez mode fond

Impasse (2)    (mise à jour)

 

Divers indices  suggèrent une ouverture de Moscou à la négociation, au moins d’un cessez-le-feu ?  La Chine, l’Inde, la Turquie et quelques moindres puissances poussent manifestement en ce sens.  La clé de sortie de crise est entre les mains des USA, les seuls grands gagnants d’un conflit, dont ils auraient maintenant intérêt à hâter la fin, au moins provisoire,  les seuls aussi qui puissent calmer les bellicistes  de Kiev, de Bruxelles et d’ailleurs.

Ouverture ?

 On a généralement analysé le grand discours de Poutine lors de la célébration grandiose de l’annexion de quatre provinces ukrainiennes comme une nouvelle escalade dans le conflit. Pourtant, l’essentiel en était consacré à une diatribe contre l’Occident « colonialiste » (pas toujours injustifiée d’ailleurs). Destinée plutôt à la population russe. Mais aussi au « Sud global », assez hostile à l’impérialisme politique, économique et idéologique des « démocraties », sans toutefois s’engager vraiment  pour un camp plutôt que l’autre. La place réservée à la guerre en Ukraine y  était somme toute assez réduite, les prétentions anciennes au dépeçage du voisin abandonnées ou en sourdine. Et l’annexion précipitée des quatre oblasts plutôt une indication des bornes et éléments d’une négociation possible, d’ailleurs accessoirement évoquée, comme l’incertitude sur les frontières exactes de ces territoires. Un cessez le feu aujourd’hui stabiliserait la ligne de front actuelle entre les deux armées, qui recoupe approximativement le partage entre les zones à dominante russe ou ukrainienne. Autre indice d’ouverture possible : l’annonce qu’on ne renouvellerait pas pour l’instant le déluge de feu qui a suivi l’attentat contre le  pont de Kertch, après la nomination d’un nouveau chef de guerre à la réputation sulfureuse.

Malgré l’étroitesse de leurs relations avec Moscou,  l’Inde et la Chine, manifestement inquiets de l’évolution de la situation, ont   prodigué des conseils de modération, à Samarkand et après. Même XI s’est engagé à protéger le Kazakhstan en cas de menaces (de qui ?) contre son intégrité territoriale. La Turquie vient à nouveau d’appeler officiellement à la négociation,  proposant comme déjà sa médiation. A cette réserve croissante des tiers Etats contre une poursuite, voire une intensification, du conflit une double raison : l’agitation inconsidérée et répétée de la menace atomique ; la dégradation inquiétante de la conjoncture économique et financière internationale, dont risquent de souffrir, beaucoup plus que les USA, l’Europe, les émergents et la Chine.

Les marrons du feu

 Selon Marc Fiorentino, les USA auraient atteint cinq objectifs majeurs à la faveur (!!) du conflit ukrainien : la reviviscence de l’OTAN et son extension à des pays traditionnellement neutres ; l’augmentation des budgets militaires en Europe,  en Allemagne principalement, source de substantiels  contrats pour les industries d’armement outre-Atlantique ;  un rappel à l’ordre, sinon la mise au pas de l’Europe,  spécialement d’une Allemagne obligée à renoncer à ses tropismes russe et chinois ; un avertissement à la Chine et un affaiblissement durable de la Russie. Les trois premiers résultats ne sont pas contestés, les deux autres moins évidents. D’après MF, « les Etats-Unis veulent gagner dix ans minimum avant que l’annexion inéluctable de Taïwan par la Chine se produise, le temps de réduire la dépendance aux semi-conducteurs de l’île ». Beaucoup d’experts estiment le bon créneau d’intervention plus réduit et plus proche. Mais il est vrai que l’évolution de la guerre en Ukraine,  la  dégradation de la conjoncture économique et la traditionnelle patience des décideurs chinois devraient retarder l’échéance. Les sanctions contre la Russie, comme souvent, se révèlent assez peu efficaces, dans l’immédiat au moins. Mais la flambée des cours du pétrole et du gaz, si bénéfique jusqu'ici, masque la réalité, et sa durée reste aléatoire. A terme, Moscou  aura perdu ses colossaux marchés européens avant d’encaisser le choc de la transition énergétique. A quoi s’ajoutent un moindre accès aux hautes technologies et le départ massif d’une main d’œuvre jeune, bien formée et entreprenante. Sans évoquer une sévère perte de crédibilité de la machine militaire russe,   même si ses apparentes défaillances sont présentées ici et là comme une stratégie délibérée. Stratégie qui, en tout cas, n’aura pas affaibli les USA, le grand adversaire. Ceux-ci sortent indemnes des crises actuelles, sauf à résorber les excès de leurs politiques publiques par un resserrement monétaire. Auto-suffisants en matière énergétique, avec un dollar au plus haut par rapport à toutes les monnaies, et, selon P. Artus, un pib en volume qui progresserait de près de 25% de plus que celui de la Chine dans les trente prochaines années.

Forte de ces avantages et d’une situation privilégiée, l’Amérique a probablement intérêt désormais à une cessation des hostilités en Ukraine. Certaines déclarations officielles ou indices (fuites sur le meurtre Douguine, prudence à l’ONU sur la Crimée) semblent le confirmer. Pour parler cru, les risques deviennent plus sérieux que les retombées « positives »( ?). Crainte d’un dérapage incontrôlable, un Armageddon nucléaire, thème déjà exploité par l’opposition républicaine. Crainte de dégâts excessifs à l’économie mondiale, notamment chez les émergents, déjà fragilisés par les multiples dérèglements des deux dernières années et par l’éclipse provisoire de l’économie chinoise. Crainte d’un éclatement du consensus européen, et de réactions violentes, sociales, voire politiques, à la poussée inédite d’inflation, puis à la récession. Crainte de s’aliéner plus encore le « Sud global » par un jusqu’auboutisme  guerrier insolent et incompris, … manière de réponse aussi aux rebuffades répétées des Etats pétroliers du Golfe. Crainte même d’un possible, mais improbable, effondrement russe, avec un après-Poutine incontrôlable et plus dangereux encore que l’actuel défi.

 Bravaches

Les récents succès militaires de Kiev ont ravivé les fantasmes guerriers et punitifs des extrémistes du parti ukrainien. Sans évoquer Koutouzov, mieux vaut ne pas vendre la peau de l’ours prématurément. Ni politiquement, ni militairement. Poutine semble toujours bénéficier du soutien d’une large majorité de la population, sensible au thème de l’identité nationale et favorable à la récupération des  terres de la vieille Russie. La menace d’un putsch des nationalistes ou des militaires (sans leader évident) paraît d’autant plus improbable que « le Président est bien gardé par le tout-puissant FSO ». Militairement, puisque le mode est aux comparaisons historiques, on rappellera le précédent de la guerre russo-finlandaise de 39-40, débutant par un feu d’artifice des troupes de Mannerheim pour se conclure par une catastrophe nationale. S’ils sont aussi brillants qu’inattendus, les récents succès ukrainiens restent limités et n’ont pas provoqué l’effondrement annoncé de l’armée russe. Qui, réorganisée, mieux équipée et dirigée, retrouverait la supériorité du nombre et des moyens, et pourrait plus que rétablir une situation qu’on jugeait compromise. L’armée ukrainienne de son côté a perdu beaucoup d’hommes. Et il n’est pas sûr que la population, voire les dirigeants du pays, acceptent très longtemps les destructions massives et le sacrifice d’une large part de générations d’hommes jeunes et valides.

Envoi

Au bout du compte, après six mois de guerre, de ruines et de deuils, les antagonistes se retrouvent à très peu près dans la situation de départ. Une sorte de match nul militaire, un équilibre des forces au moins apparent et provisoire, avec des moyens et atouts différents, qui pourrait durer jusqu’au printemps prochain. Raisonnablement, la somme des dégâts et déconvenues devient telle qu’une pause paraît s’imposer, à défaut d’un règlement de fond, qui prendra du temps, si jamais il advient. Donc un cessez-le-feu négocié, appuyé par quelques grands neutres, dont l’Inde, avec à la manœuvre la Turquie et l’ONU, et Macron en mouche du coche. Et deux parrains : la Chine faisant pression sur Moscou, et les USA sur l’Ukraine. L’arrêt des hostilités, même s’il ne débouche que sur une trêve prolongée, devrait permettre une désescalade dans l’affrontement Russie-Occident, profitable aux deux parties. Mieux  vaut toujours une paix armée qu’une guerre ouverte. Est-ce le scénario de l’impossible ?

 

                                                                                            

Impasse

Publié le 15/08/2022 à 22:09 par eudeslancien Tags : mort image prix sur monde coup fond sur fond pouvoir

Impasse

(point d’étape après six mois de guerre en Ukraine)

 

Thébaïde

Depuis le plus lointain passé, mythique ou historique, les affrontements fratricides, comme les guerres de religion,  ont toujours été aussi monstrueux qu’inexpiables. Ces dernières années, la malédiction   a frappé les peuples slaves : après les slaves du sud, ceux de l’est. Avec, au départ, les mêmes incompréhensions et méprises, puis, sur fond d’hystérie, une montée aux extrêmes, que rien ne semble pouvoir enrayer. Pour l’Ukraine aujourd’hui, la prétention et l’assurance de récupérer ses territoires perdus en infligeant à Moscou une sévère  défaite, suivie d’un affaiblissement décisif de l’ogre russe, avec chute de Poutine et instauration au Kremlin  d’une vraie démocratie (à l’ukrainienne ?).  Du côté russe, la lutte finale contre le régime nazi (modèle 1942) installé à Kiev par les Américains, un déferlement militaire jusqu’à la frontière polonaise, l’annexion, outre la Crimée et le Donbass, de tout le sud du pays jusqu’à la Transnitrie, la russification  de la population restante après expulsion des récalcitrants (dixit un fier descendant du grand Tolstoï). Et entre l’Otan, Washington et Moscou, une escalade stérile et redoutable de propos irresponsables, voire injurieux, à la manière d’une rixe de voyous.Outrances et rodomontades qu’on  jugerait puériles, voire grotesques, si la situation n’était aussi dramatique. Plus sérieusement, au terme de cet affrontement qui finira bien par advenir, que restera-t-il des territoires envahis ? Plus la guerre se prolonge, surtout avec l’intensité des récents combats, plus la dévastation et la désolation s’étendent. Quelle absurdité que cette lutte à mort pour régner finalement sur un pays ravagé, exsangue et dépeuplé ? Comme le dit R. Girard, accepter un champ de ruines n’a jamais rien rapporté à personne.

Maître des horloges ?

Après sa lourde erreur initiale, Poutine  paraît avoir repris la main face au « collectif occidental ». Mais le bilan est-il si favorable ?

Militairement, la première phase de l’ « opération spéciale » ne peut être considérée comme un franc succès. Même  si Moscou invoque sa retenue à l’égard des populations civiles et  la sauvegarde du territoire, dont ne témoignent pas vraiment les destructions à Marioupol et dans le Donbass. Beaucoup y ont vu plutôt un coup dur, un rien ridicule, pour la crédibilité de la machine de guerre russe, considérée jusqu’alors comme particulièrement redoutable.  Situation et image se sont nettement redressées lors de la deuxième phase du conflit qui semble s’achever. Avec un net avantage et une supériorité manifeste des troupes d’invasion, et  des avancées substantielles dans l’est et le sud du pays. Toutefois, au prix de pertes sévères, le gros du corps de bataille ukrainien a échappé pour l’instant à l’encerclement, voire à l’anéantissement, dont il était menacé. Et la progression russe vers Odessa  semble au minimum stoppée. Après la probable occupation totale du Donbass, sans doute ardue et coûteuse par l’armée d’invasion, la ligne de front pourrait se stabiliser, et une guerre d’usure et de position (« de corsaires » ?) s’installer durablement. Poutine répugnant à une mobilisation générale, et lui préférant le recrutement de mercenaires surpayés dans les zones perdues du territoire, voire d’alliés exotiques (Nord-Corée ?). Et les Ukrainiens bénéficiant du tempo lent du conflit pour se procurer les armes lourdes qui leur font défaut et entraîner leurs troupes à s’en servir. Situation qui préfigurerait  un cessez-le-feu éventuel, prenant en compte les forces et limites des antagonistes.

 Poutine, par ailleurs, a bien ressuscité l’Otan , poussé ses membres, l’Allemagne en tête (modèle 1941 ?), à muscler et étoffer leurs capacités militaires, mais surtout provoqué un retour  en force des Américains  et leur mainmise totale sur l’organisation. Il a donc transformé en danger bien réel une menace qui restait largement virtuelle. Bascule que fort habilement il présente après coup comme la preuve du bien-fondé de son action préventive, et une justification du nouvel accès de fièvre obsidionale de son pays. Il y a du gribouille et pas mal d’inconséquence dans cette partie de judo stratégico-politique. De même lorsque Lavrov justifie une extension des buts de guerre du Kremlin par la présence d’armes lourdes en Ukraine, qu’il retrouverait au centuple s’il élargissait ses ambitions jusqu‘aux frontières polonaises.

Vis-à-vis de l’Europe également, Poutine paraît jouer excellemment, de l’arme énergétique en particulier. La cohésion retrouvée de l'Union  lors du déclenchement du conflit s’est rapidement fissurée. Entre faucons  et colombes, plus encore selon le degré de dépendance au gaz russe. Mais aussi du fait de l’instabilité politique des démocraties, qui fait la joie de Medvedev, même si la chute successive de Johnson et Draghi, voire de Macron, s’expliquent principalement par des raisons de politique intérieure. Ces points marqués, plutôt brillamment, suscitent pourtant des interrogations. Dans un premier temps,  la Russie a bénéficié à plein de l’envolée des cours de l’énergie,  les Européens finançant largement et paradoxalement son effort de guerre. Mais peut-elle vraiment à terme se passer de ses clients européens ? Elle vend à prix bradés du pétrole à la Chine et à l’Inde, qui le réexpédie avec bénéfice à l’Occident. Supprimer l‘approvisionnement en gaz des pays européens, c’est leur créer d’énormes problèmes, économiques, sociaux, voire politiques. Mais c’est aussi tuer la poule aux œufs d’or, car le gaz ne s’exporte pas sans installations appropriées, même si on envisage dans un futur lointain  une dérivation vers la Chine. Pour l’hiver prochain et pour la suite, c’est aussi accélérer la recherche de substituts aux énergies fossiles, et hâter la transition énergétique, qui implique leur abandon programmé.

A quoi s’ajoute un risque conjoncturel sérieux. Nous allons basculer quelque temps d’une économie de rareté vers une économie de surplus. Avec quelques autres facteurs, la flambée des prix de l’énergie (et de l’alimentation), largement attisée par la spéculation,  pourrait entraîner assez rapidement une récession  plus ou moins sévère, déjà amorcée aux USA, voire en Allemagne. Avec baisse consécutive des cours mondiaux, déjà sensible sur les matières premières. Et conséquemment une décrue, sinon un effondrement (provisoire, mais pas nécessairement bref) du prix du pétrole et du gaz, qui ont toujours mis à mal les économies et les finances des pays producteurs. Ceux-ci, d’ailleurs,semblent avoir senti le vent du boulet, en  refusant les hausses de production demandées par Biden, qui risquaient d’accélérer le plongeon de l’économie mondiale.

Bévues.

Sans évoquer les controverses sur la légitimité et la pertinence géo-stratégique des réactions occidentales au coup de force russe, on doit constater l'échec de  sanctions que Bruxelles et Washington n'ont pas cessé  d’alourdir . Elles se révèlent inefficaces, voire contre-productives, comme tous les précédents récents le confirment, de Cuba à l’Iran. Elles renforcent les régimes visés, rassemblant leurs populations autour de leurs dirigeants, bien qu’elles en souffrent plus qu’eux. Elles sont largement contournées, tant  par adaptation des circuits d’échanges extérieurs que par réaménagement des structures productives intérieures. Le cas russe ne dément pas ces conclusions. Possiblement très affecté à long terme, notamment par l’exode des cadres et techniciens supérieurs, Moscou, dans l’immédiat, tire profit on l’a vu, de la situation (revenus des groupes énergétiques, réserves et taux de change). Pour les Européens, au contraire, le bilan est passablement négatif. Ils auront perdu des dizaines de milliards d’investissements (modèle 1917 !) et des marchés importants. Ils payent un prix exorbitant pour leur dépendance énergétique. Avec, en prime, et pour de multiples raisons, la perspective, sinon de sombrer dans la stagflation, de subir la double peine successive de l’inflation, puis de la récession. In fine, comme le dit R. Girard, que sanctionnent les sanctions européennes, si ce n’est l’Europe en premier lieu ?  Bévue grossière, à quoi s’ajoute le renforcement de la tutelle américaine et des bénéfices que tirent les USA de cette crise, dont ils sortent grands gagnants, et sans doute désormais, maîtres du jeu politico-militaire.

Bévue  aussi que l’admission, sous quelque forme et à quelque échéance que soit, de l’Ukraine dans l’Otan. Ce serait pérenniser un motif majeur de conflit, dont nul ne sait comment il  peut  dégénérer. De même que serait une lourde erreur l’adhésion à l’Union européenne d’un pays où la démocratie et ses « valeurs » laissent beaucoup à désirer ; qui modifierait complètement l’Union en renforçant sa composante orientale, instable et aux options internationales aventureuses, sinon dangereuses ; qui l'élargirait  encore et la rendrait  trop diverse pour être vraiment viable, et qui, accessoirement, mettrait en minorité le « couple » franco-allemand.

Méprise, enfin, quant à l’impact sur l’opinion internationale  de la condamnation par« l’Occident » de l’intervention russe. Sa croisade pour le droit, la liberté et l’ordre international suscite beaucoup plus que des réserves dans des pays qui groupent plus de la moitié de l’humanité. Ce «reste du monde » (et les populations encore plus que les dirigeants),  travaillé par une campagne médiatique appropriée, ne parait guère convaincu par le récit occidental de la guerre en Ukraine. Il y voit un conflit entre voisins comme bien d’autres de par le monde, aux responsabilités partagées. Il estime que les méthodes d’intervention condamnées ont été largement utilisées par leurs censeurs dans le passé et ailleurs (le « deux poids, deux mesures » de Poutine). Il rejette  désormais le leadership occidental, américain surtout, la prétention des USA à être le gendarme du monde,  régent et ordonnateur des affaires de tous. A quoi s’ajoutent  en bien des endroits le prurit post/ et anticolonial et l’agacement que suscite la volonté des démocraties libérales d’imposer leurs valeurs, sociétales notamment, à des populations réfractaires ( « harcèlement condescendant »,  selon Naledi Pandor). Pour tous, la thèse russe sur l’avènement d’un monde multipolaire est largement partagée. Même si l’on peut douter que cette mutation ouvre la voie à une prédominance du tandem autocratique sino-russe. 

Impasse ?

Après six mois de conflit, la détermination des protagonistes semble inchangée. Mais, comme le dit M. Goya, en général, lorsque les dirigeants politiques se croient obligés d’annoncer qu’ils ne lâcheront rien, c’est qu’en réalité le terrain est en train de les lâcher. Au terme de ce semestre, le passif de l’opération s’est considérablement alourdi. Et pourrait s’esquisser la conviction que le temps vient de mettre un terme à un jeu perdant-perdant. Quelques signes annonciateurs semblent indiquer que les lignes bougent : l’accord sur les exportations de céréales, le changement de ton américain, que pourrait accélérer la tension autour de Taïwan, même si elle semble renforcer la collusion Poutine-Xi Jinping, et même le récent rapport d’Amnesty International sur la conduite ukrainienne des opérations.

 Militairement, on peut s’attendre à une nouvelle poussée russe pour achever la conquête du Donbass. Mais qui marquerait la limite de leur action offensive. S’ouvrirait alors la possibilité d’un cessez-le-feu à la coréenne. Et pourquoi pas à terme, la négociation de paix et de bon voisinage qu’on attend depuis la chute de l’URSS ? Mais il y faudrait un initiateur (tels Nixon et Kissinger), le rejet de l’idée que, du côté occidental,  c’est à l’Ukraine de fixer les conditions du règlement, l’abandon du dogme du respect des frontières arbitrairement fixées en 1945… et la reconnaissance des réalités historiques, par exemple qu’il y a deux Ukraine, qui devraient pouvoir choisir leur avenir, commun ou séparé.

 

                                                                                            

Eloge de l"électeur

Publié le 25/06/2022 à 18:40 par eudeslancien Tags : pari sur vie france monde coup société pouvoir

Eloge de l’électeur

 

Séisme, impasse, tragédie, quinquennat d’enfer, autant de gros mots parmi bien d’autres pour qualifier les résultats du second tour des élections législatives. Et si, bien au contraire, un électorat avisé, usant des ressources insoupçonnées du scrutin majoritaire, avait contribué à débloquer une mécanique institutionnelle passablement grippée ? Dont on dénonce et déplore depuis longtemps les dysfonctionnements tout en se gardant bien d’y porter remède.

Par ses votes (choix et rejets), l’électeur a imposé  une sorte de proportionnelle, cette sempiternelle arlésienne du débat sur la démocratie. Assurant enfin une représentation décente de citoyens pratiquement exclus du champ politique, à gauche depuis cinq ans, à la droite « extrême » depuis trente-cinq ans. Alors qu’ils constituent selon les scrutins entre un gros tiers et la moitié des votants. Exclusion de masse qui, de surcroît, concerne principalement les classes populaires, la France active des « ronds-points » et des périphéries rurales, marginalisée, ignorée, voire méprisée par les tenants progressistes du « cercle de la raison ». De sorte qu’on voit réapparaître à l’Assemblée nationale des profils professionnels longtemps absents, voire inédits : ouvriers, employés, précaires et soutiers de la société de consommation.

C’est aussi l’électeur (le peuple de gauche) qui aura finalement imposé l’union à des chefaillons  tout occupés à leurs querelles de chapelle ou d’ego. Dynamique habilement captée par Mélenchon. Mais qui a trouvé finalement ses limites, puisqu’à l’issue du vote, l’équilibre est à peu près rétabli au profit des partis du cartel qui étaient allés à Canossa s’incliner devant le chef des Insoumis. Au passage, parenthèse curieuse sur la relativité des modes de scrutin : avec une proportionnelle intégrale et prime pour le bloc arrivé en tête, Mélenchon gagnait son pari de devenir potentiellement  Premier Ministre.

Par ses votes, l’électeur aura également imposé un rééquilibrage du pouvoir, cassé sa verticalité, donné un coup d’arrêt à la « démocratie exécutive », en restituant au Parlement ses attributions longtemps confisquées : animation du débat démocratique, fabrication de la loi, contrôle de l’exécutif, et accessoirement vrai « Conseil de la refondation ». L’élection d’une assemblée composite sans majorité absolue ne constitue pas une aberration institutionnelle. C’était le schéma normalement prévu par les auteurs de la Constitution. Loin d’ouvrir une crise de régime, elle signe le retour du politique (une alternative est possible) et une normalisation de la vie démocratique. La loi serait réellement débattue par les représentants du peuple, en laissant aux « extrêmes » la possibilité de s’exprimer à la tribune plutôt que dans la rue. . Elle serait à nouveau préférée au régime des ordonnances, aux  textes de circonstance, d’urgence et d’exception permanentes, élaborés au sein de conseils secrets    dans leur composition et leur délibéré. La technocratie serait remise à son rang, subordonné.  Et le compromis substitué aux diktats enregistrés par des élus godillots.

Cette majorité relative fait craindre aussi blocage et immobilisme dans un pays ingouvernable. Elle laisse en réalité à l’exécutif une marge d’action non négligeable, bien balisée par les constituants,  et abondamment décrite ces jours-ci par des experts et gens d’expérience (Roussellier, Bazin, Urvoas). Avant le recours in extremis aux armes lourdes de la motion de censure (difficile à mettre en œuvre) et de la dissolution (aléatoire). Elle devrait redonner quelque consistance au rôle du Premier ministre, sous réserve que soit désigné un politique et non un simple technicien, aussi doué et brillant soit-il. Elle pourrait obliger le Président de la République à prendre du champ, et à moins s’impliquer dans le détail de la gestion des affaires. Mais aussi toute la classe politique à accepter et apprendre le compromis. Même les partis « extrêmes », qui se discréditeraient par une opposition trop violente et systématique dans notre monde ultra-médiatisé. Et dont la radicalité s’émousse avec leur participation, même marginale, à la conduite du pays, comme le suggèrent nombre d’expériences étrangères.

Au total, loin d’être un saut dans l’inconnu et la menace des affres de l’enfer, la crise politique ouverte par cette séquence électorale pourrait ouvrir modestement la voie à une rénovation, voire un « réenchantement » de notre démocratie. Sans surestimer les vertus du régime parlementaire ni la subtilité de l’électeur, resteront à régler quelques problèmes, et non des moindres :  foisonnement des autorités parallèles, démembrements de l’Etat, - nomocratie et empiètements du judiciaire (français et européen), - remise dans le circuit normal de la pratique référendaire, expression constitutionnelle de la volonté du peuple.  Mais, comme dit à peu près le fabuliste : «Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au [déni] exposé  ..." !

 

                                                                                         25/6/22

Faits d'armes

Publié le 02/05/2022 à 14:59 par eudeslancien Tags : image prix sur base roman place soi chez mode article pouvoir

 

 

On a beaucoup glosé sur les brillants faits d’armes de notre Président avant sa réélection de maréchal, et son triomphe pour une fois modeste, dans la crainte de lendemains batailleurs. Evocation des plus saillants de ces hauts faits.

La correction musclée, mais paternelle, infligée aux gilets jaunes, petit peuple (ou populace ?) en rébellion. Une gestion ordonnée et limpide, libérale et consensuelle de la crise sanitaire. La remise à niveau spectaculaire de l’industrie, de l’école, de l’université et de la recherche, de l’hôpital et du tribunal, de la police et de l’armée, passés en cinq ans de l’ombre à la lumière. En fin de parcours libéral, un keynésianisme débridé, qui  a, certes, favorisé l’emploi et réduit le chômage,  mais creusé monstrueusement le double déficit des comptes publics et de la balance extérieure, et conforté le bon peuple dans sa croyance à l’argent facile et la cassette publique inépuisable. Le retour de l’attractivité du territoire, grâce à quoi les géants américains de l’industrie localisent principalement outre-Rhin leurs investissements lourds en réponse aux crises internationales. Accessoirement, le reflux, sinon l’éradication de l’extrême droite à l’issue du quinquennat.

On a moins parlé  de la réticence de Macron au changement institutionnel et de sa traque maniaque de l’excellence à la française. Revue sommaire.

Pour répondre au « défi du renouveau démocratique » et à la crise de la représentation, plusieurs pistes classiques : une modification du mode et de l’agenda du scrutin des législatives, diverses formules de participation directe des citoyens. E .Macron  a récusé ou dénaturé l’une et l’autre, proposant en lieu et place  « l’invention collective d’une méthode refondée » (?).

Il agite régulièrement le hochet d’une proportionnelle-croupion, qu’on se garde bien d’instaurer. Réforme non prioritaire !. On  la ressortira sans doute à nouveau, pour faire diversion à la contestation sociale annoncée et redoutée, mais pour l’appliquer au mieux à la fin des années 20.  Sauf stratagème électoral, le président ne manifeste pas d’appétence non plus pour le référendum, surtout d’initiative populaire. Ce mode d’exercice de la souveraineté au même titre que la représentation (article 3 de la constitution),  est, il est vrai, tombé en désuétude (?) depuis plus de quinze ans, et assorti de telles conditions qu’il est inapplicable et inopérant, quand il n’est pas récusé par le juge. Macron a dévoyé, voire discrédité aussi les formules de démocratie participative qu’il a expérimentées. Etats généraux, d’où est issue une abondante littérature, jamais exploitée et enterrée dans les tiroirs des ministères. Grand débat, faire-valoir du Président auprès d’un public « panélisé », bourgeois et marginal (le « populisme » de la séduction » selon M. Gauchet). Les conventions « citoyennes » enfin, caricaturales par leur recrutement, leur encadrement, leur mode d’information, leur irresponsabilité, leur mauvaise articulation avec les pouvoirs exécutif et législatif, « leurre et précieux cache-sexe de l’étatisme technocratique » (J.T. Lesueur).

Il est vrai que, dans la macronie, les représentants du peuple ne sont guère mieux traités que le peuple lui-même. Le Roi en ses conseils tient en lisière, quand il ne les ignore pas, ces godillots hors sol, de moins en moins sollicités : 180 lois promulguées en cinq ans contre 250 ordonnances. Comme l’écrit J.J. Urvoas, dans la monocratie de Macron, l’Assemblée n’aura été qu’un tabernacle vide. Ce Président n’a guère montré plus de considération pour les élus locaux. Relations heurtées, sauf dans les passes délicates de son mandat. Le millefeuille administratif, abracabrantesque, a subsisté, plutôt aggravé, avec sa lourdeur et l’éparpillement des responsabilités. Avec l’avancée aussi d’un étatisme technocratique, qui accable les collectivités locales de charges nouvelles, mais les « prive de libertés financières et d’autonomie fiscale en supprimant la taxe d’habitation et en opérant une recentralisation discrète, mais implacable (JT Lesueur).

Sur ce désintérêt pour l’institutionnel se greffe une entreprise de démantèlement  de la sphère publique, avec la casse successive des points forts de notre modèle, et la traque, partout et toujours, de l’excellence. Enumération non limitative.

Descente aux enfers d’EdF, ex-joyau de nos entreprises nationales, en butte aux pires difficultés, ballotée entre des missions , injonctions et priorités contradictoires, doublement pénalisée par le marché communautaire de l’électricité, et le financement du « bouclier » de protection du consommateur contre les hausses des prix de l’énergie. Et toujours menacée de dépeçage et tripartition par les autorités bruxelloises.

Délabrement accéléré du nucléaire (installations, image et savoir-faire) du fait de l’inconsistance et de l’inconséquence des choix (?) publics. Malgré un repentir récent du pouvoir, modeste et précaire, imposé par la crise énergétique.

Ruine et deuil de la fonction publique. Suppression de l’ENA et des grands corps, dont la préfectorale et les Inspections, à l’exclusion des judiciaires, qui pourtant empiètent de plus en plus sur les attributions de l’exécutif et du législatif. Mais aussi le corps diplomatique, par décret pris en catimini entre les deux tours de l’élection. Grande lessive, pour laisser place à un melting pot d’agents sans compétences particulières, gérés sur la base de la fonction à exercer, aux affectations incertaines au gré du copinage, du clientélisme ou des affinités politiques. Tout ce qu’avait voulu corriger le réformateur de 1945. On acte ainsi la disparition de ce qui formait l’ossature de l’Etat républicain, hauts fonctionnaires dont les talents, la classe et l’expérience étaient universellement appréciés, voire enviés, punis en réalité pour les erreurs et insuffisances des politiciens médiocres qui en font mauvais usage. L’expertise incertaine de leurs successeurs favorisera, de surcroît, le recours coûteux, voire douteux, aux cabinets de consultants privés petits et grands, et souvent étrangers. « On ne substitue pas impunément le tout fonctionnel à l’institutionnel organisé » (M. Pochard)

Perversion du mode ordinaire de sélection : l’entretien paternaliste ou technocratique en place du concours, le « vécu » plutôt que  la culture générale et le savoir, porte ouverte à l’entre-soi et au favoritisme, à toutes les complaisances. Mise aux normes de la médiocrité des plus fameux lycées d’Etat, populisme scolaire qui risque de chasser plus encore les bons éléments vers l’enseignement privé, déjà largement en tête dans le palmarès des établissements. Eviction des mathématiques de l’enseignement secondaire (au pays des médaillés Fields !), voie d’accès obligé aux formations d’ingénieurs, financiers, informaticiens, traditionnels points forts du pays. Atteinte  au génie national, qui a provoqué un tel tollé chez les scientifiques,  les grands patrons, les grandes écoles de commerce et d’ingénieurs,  que le pouvoir s’est vu contraint à un « rétropédalage » précipité, salvateur, s’il n’est pas édulcoré  et ne reste pas simplement électoral.

En résumé, un jeu de massacre, qui disloque et détruit l’architecture étatique héritée de l’époque napoléonienne, de la III° République et du Conseil de la Résistance. Une chasse à l’excellence, qui, au nom d’une idéologie faussement égalitaire, abaisse tragiquement le niveau général des connaissances et compétences,i entrave, voire interdit la promotion sociale qu’assurait tant bien que mal la méritocratie républicaine.   Avec la réélection du président on peut craindre que rien ne change, alors que tout change, et que le pire ne se perpétue. Après l’histoire (foin du roman national !) et la culture française (qui n’existe pas, sauf son épicentre quelque part au Congo), du passé on fait table rase. On continuera le combat. En marche donc vers la start-up nation, l'étatisme managérial et le démantèlement de l’Etat  (en même temps !), la monocratie consensuelle, et, cerise sur le gâteau, la souveraineté européenne sous ombrelle ( ?) américaine

 

                                                                                             

 

 

 

Politiquement confus

Publié le 17/04/2022 à 17:31 par eudeslancien Tags : pouvoir image sur vie france place monde centre enfant

Politiquement confus

Donc on rejoue la même pièce, avec les mêmes acteurs, un rien défraîchis, avec les mêmes folles promesses, les mêmes antiennes et  invectives, les mêmes excommunications. Et sensiblement les mêmes résultats, à quelques nuances près, mais significatives. Les votes protestataires, dits populistes, deviennent majoritaires, et les « extrêmes » continuent de progresser, à gauche comme à droite.

Mais en France le populisme est plutôt bon  enfant. Mélenchon n’est ni Boulanger, ni Peron, ni Chavez. Patriarche bardé de rhétorique, politicien blanchi sous le harnais, il occupe, sans plus effrayer le bourgeois, mais en tenant moins bien ses troupes, la place laissée vacante par un parti communiste  croupion. Quant à l’extrême droite véritable, antirépublicaine, antisémite, éventuellement xénophobe (au sens vrai du terme), courant marginal de chapelles rivales, elle vomit Zemmour et Le Pen, coupables de ne pas mériter ces qualificatifs, et d'être, de surcroît,  des suppôts du sionisme. Au vrai, comme l’écrit M. Gauchet, « quand on parle d’extrême droite aujourd’hui, on parle en fait d’un sujet et d’un seul : le rapport à l’immigration et à ses conséquences ». Question qui empoisonne et structure la vie politique française depuis trop longtemps pour qu’on ne tente pas de lui apporter solution en consultant le peuple souverain. De même qu’il faudra bien trouver où fixer le curseur pour éviter la dérive de l’état de droit vers le gouvernement des juges, pour rendre au peuple une souveraineté en voie de rétrécissement continu, et restaurer une juste répartition des pouvoirs (J.E. Schoettl).

Plus précisément,  le scrutin révèlerait,, dit-on,  une division de l’électorat en trois parts sensiblement égales (qui seraient quatre avec l’abstention !) : la  gauche radicale et écologiste de Mélenchon, le centre macronien, « en même temps » de droite et de gauche, la droite « radicalisée » et souverainiste de Zemmour et Le Pen. Tripartition géographique également : à Macron les grandes villes, les banlieues pour Mélenchon, la France moyenne et rurale pour Le Pen. Mais on constate aussi une concentration inhabituelle des suffrages (les trois quarts) sur trois candidats seulement, qu’explique l’ampleur inédite du vote utile et de dernier moment (30%). A l’inverse du comportement classique, l’électeur devenu tacticien, a  élimine au lieu de choisir dès le premier tour, avec les sondages pour boussole. « Siphonnage » qui a joué fortement pour chacun des trois candidats.. D’où l’on doit conclure que ce tableau en trompe-l’œil des résultats du scrutin ne traduit pas - et de loin – la physionomie véritable de la France politique. Pas plus d’ailleurs que les qualificatifs dont les candidats sont ordinairement affublés.  Revue de détail.

L’électorat de Mélenchon apparaît disparate et probablement instable. Trois parts. Le noyau dur des Insoumis aux caractéristiques connues : notamment beaucoup de jeunes, mais guère plus d'un cinquième de cette tranche d’âge compte tenu du fort taux d’abstention dans la catégorie, et les « alternatifs » du midi oriental et occidental. En second lieu, le vote utile : le « peuple de gauche » s'est refusé à ne pas figurer dans la compétition, en écartant les solutions imposées par des chefs à la démarche trop personnelle. Vote utile mportant dans les métropoles et grandes villes, où les scores écologistes et socialistes sont sans rapport avec leur niveau habituel (vois Paris et les grandes agglomérations dérées par des écologistes). Mais sans doute provisoire, à la manière des désistements classiques, avec retour au bercail, lors de scrutins moins contraints, d’électeurs qui ne souscrivent pas vraiment au programme mélenchonien. Dernière part enfin : le vote musulman, orchestré et massif (70%, deux fois plus qu’en 2017). Fruit de l’inquiétude face aux positions et propositions sur l’islam et l’immigration de la plupart des candidats de droite. Vote communautaire, qui prendra son autonomie dès qu’il pourra se passer de la médiation de tel ou tel parti de gauche. Au total, la radicalité ne concerne vraiment que les Insoumis, les votes des autres groupes répondant à des motivations différentes.

Le candidat Macron a bénéficié, lui, d’un  fort report  de voix de droite (Pécresse), des gens d’âge probablement, influencés par « l’effet drapeau » et les ralliements de nombre de caciques de « l’ancien monde » (socialistes et LR). Transfert sans doute aussi volatil et provisoire, si Macron confirme le virage à gauche de sa campagne, son keynésianisme débridé et son laxisme budgétaire, qui finiront par inquiéter  et par menacer l’épargne des possédants.

Le troisième bloc est plus hétérogène, du fait notamment de la percée relative d’E. Zemmour. Comme beaucoup de candidatures météoriques du passé (Million, Pasqua-Villiers, Chevènement), la bulle euphorique s’est dégonflée aussi vite qu’elle s’était formée. Et paradoxalement au profit à la fois de Mélanchon (vote musulman) et de M. Le Pen, déportée vers le centre par l’abrupt et l’intransigeance de son concurrent direct. Celle-ci a bénéficié par ailleurs de l’adoucissement de son image (féminine), de sa campagne  de proximité sans tapage, de l’édulcoration de ses positions régaliennes, mais surtout, parce qu'elle s'est adaptée à son électorat, d’un programme économique et social de gauche, voire d’extrême gauche, dans un moment  particulièrement défavorable au pouvoir d’achat des populations les moins favorisées..

Car, comme l’écrit  J.F. Kahn, « la forte droitisation apparente du pays concerne le régalien », dont la gauche apparemment n’a cure. A quoi s’oppose une « forte gauchisation apparente sur l’économique et le social ». Or, en ces temps de graves perturbations de tous ordres, la fin du monde (ou d’un monde) importe moins que la fin du mois, selon la formule expressive des Gilets jaunes. Et dès lors le régalien reste en sourdine, s’il ne passe pas décidément à la trappe. Marine Le Pen l’a compris, d’où sa remontée étonnante dans les sondages. Accessoirement, l’écologie  - canal historique ou converti de fraîche date, comme notre Président – doit faire face au même défi. La transition énergétique porte en elle l’orage social : atteinte grave au niveau de vie, et nouveau déclassement des classes moyennes et populaires.

Finalement, que retenir de ce scrutin ? Pas tout à fait le triomphe de la « radicalité », ni l’éclipse totale du vieux monde politique. Pour la France, une tendance à la « gauchisation » dans un univers de plus en plus incertain et troublé. La perspective d’un succès étriqué pour un centre attrape-tout, - une sorte de troisième force ressuscitée -, et une  marginalisation des mouvements contestataires, pourtant majoritaires, toujours exclus pratiquement de la représentation nationale.  Mais aussi, quel que soit l’élu, le risque et la menace de lendemains turbulents, sinon tumultueux. Révolution, dirait Macron ?

                                                                                        

Holodomor ?

Publié le 07/03/2022 à 18:01 par eudeslancien Tags : mort course prix sur plat bonne france place monde coup amis divers

  

 

L’entrée des troupes russes en Ukraine, rupture brutale, sinon inédite (précédents US et autres), de l’ordre international,  est condamnable et assez unanimement condamnée. Mais les responsabilités occidentales et ukrainienne dans cette crise majeure ne sont pas moins évidentes, qu’il s’agisse de l’OTAN, des autorités américaines ou de Kiev.  Quoi qu’il en soit, il semble clair que  ce coup de force, « pire qu’un crime, est une faute », à terme  une  erreur lourde,   étonnante de la part du Kremlin.

Erreur de diagnostic d’abord. L’opération de police prévue et annoncée, brève et ciblée,  a fait long feu. Et, pour vaincre la résistance inattendue d’une large fraction de la population, fait place à  une guerre véritable, fratricide, avec son cortège de désastres.  Kiev semble espérer que la réprobation internationale, voire interne (retour en Russie des cercueils des soldats morts) imposera l’arrêt des combats. Vu la détermination de Poutine et son obstination, semblent plus vraisemblables, cependant,  une intensification des hostilités, la mise en oeuvre de moyens  lourds, des destructions massives, jusqu’à la défaite des forces adverses et la mise au pas du pays (démembrement et protectorat, voire annexion).

Erreur de manœuvre, sinon « dégringolade stratégique »  surtout. Pour un bénéfice immédiat,- de taille il est vrai, puisqu’ il obtiendra (provisoirement ?) la réunification recherchée des trois Russies, le maître du Kremlin  hypothèque lourdement l’avenir, gros des conséquences les plus fâcheuses, et les plus opposées à ses objectifs politiques.

Inventaire succinct (sans même évoquer la dégradation de l’image de la Russie dans  l’opinion, ni le discrédit des amis de ce pays, partisans de son retour dans le concert européen, toute choses dont Poutine, évidemment, n’a cure).

 Résurrection d’un Otan en état de « mort cérébrale », à la remorque de ses  membres les plus aventureux. Renforcement de sa capacité de nuisance  pour la Russie , de son attrait pour des pays jusqu’ici non engagés (Suède, Finlande), mais, plus ecore, de la sujétion de ses membres à la politique et aux intérêts économiques américains (gaz, armement notamment). Avec une plus grande implication des USA dans les affaires européennes, malgré la priorité accordée à la zone Pacifique.

Cohésion retrouvée, au moins provisoirement et en apparence, de l’Union européenne, que Moscou avait toujours cherché à diviser. Fin ( ?) notamment du tropisme pro-russe de l’Allemagne, et révision de sa politique énergétique et commerciale.

Réarmement allemand et feu vert à de possibles interventions militaires extérieures (hommes et/ou matériels), hantise de toujours des stratèges du Kremlin. Relance un peu partout de la course au nucléaire  civil et militaire.

Tempête économique, financière et monétaire. La défense des « valeurs » comme l’usage de la force ont un prix. Il sera sans doute plus élevé que ne l’envisagent les experts, vu l’ampleur inédite des sanctions occidentales et des mesures de représailles russes qui se dessinent et devraient se durcir encore, quelle que soit l’évolution du conflit. Tous les protagonistes seront lourdement pénalisés. Plus spécialement : perspective de « chaos financier et géopolitique » sur les marchés de l’énergie, déjà passablement perturbés. Alimentant, avec quelques autres facteurs, une poussée majeure d’inflation, ferment redoutable de déstabilisation sociale et politique (« l’inflation mère des révolutions »).

Ukrainisation. Depuis Anne de Kiev, on dispute, sans conclusion probante, de l’identité ukrainienne ou russe de ce morceau de territoire, plat, fertile et sans frontières, aux peuples divers, avec ses villes phares de Kiev et d’Odessa. Poutine s’est décidé à trancher le débat par le fer et  le feu. Ce nouvel Holodomor aura provoqué une « ukrainisation » accélérée du pays, déjà largement amorcée par la « révolution » de Maïdan, puis les sécessions du Donbass et de la Crimée. Dans le scénario du pire, néanmoins le plus probable, l’Ukraine sera soumise, et sans doute démembrée. Les experts estiment qu’avec le soutien de 10 à 15% de la population (Russes, anciens communistes, opportunistes) le pays peut être « tenu », surtout en régime autocratique.  Mais subsistera un ressentiment formidable et périlleux. Au total, la « Grande Russie » aura été reconstituée, mais avec sur ses marges (Biélorussie, Ukraine, Kazakhstan) des populations majoritairement hostiles et potentiellement révoltées.

Péril jaune. On fait grand cas de l’alliance sino-russe, recours qui permettrait à Moscou de réorienter son commerce et ses relations vers la Chine. Effectivement, celle-ci achète (ra) (à prix bradés !) pétrole, gaz et autres céréales, dont elle n’a pas suffisance. Mais, malgré « l’amitié sans limites » entre les deux leaders maximaux, elle ménage ses clients occidentaux et reste assez réservée sur ce partenaire aux  foucades imprévues, voire dangereuses. De son côté, la Russie ne peut (à terme) se résoudre à une trop grande dépendance de ce voisin surpuissant. L’histoire et la géographie enseignent que les intérêts communs de ces alliés de fraîche date pèsent moins que les risques de friction, voire de conflit : à propos de la Sibérie, sous-peuplée et riche de ressources qui manquent à sa gigantesque voisine ; en Asie centrale, terrain de chasse et zone-tampon pour les deux protagonistes (« deux crocodiles dans le même marigot ! »).

Ubris. Poutine commet une erreur d’échelle, source des autres, en surestimant les capacités de son pays et de son peuple, et probablement les siennes propres. Monstrueusement surarmée certes, la Russie reste un nain économique (pib de l’Espagne), une économie de rente, riche de la seule exportation de quelques matières premières, avec la précarité, sinon la malédiction, qui s ‘attache à ce type de spécialisation. Mais surtout un pays qui connait un déclin démographique calamiteux, rapide et sans doute irréversible. Au total, une grosse puissance moyenne, pas tellement plus que cette France, dont Poutine moquait les prétentions devant deux de nos derniers présidents. Nettement dépassée dans la cour des grands malgré son enflure militaire, elle ne dispose pas de la masse critique suffisante pour gérer les affaires du monde selon son bon plaisir, ni  dicter sa conduite, voire mettre sous sa loi, une Europe trois fois plus peuplée et à l’économie surpuissante.

Moralité (s)

N’est pas Pierre le Grand ou Staline qui veut. L’anachronisme est source d’erreurs de jugement et de mauvaises décisions ;  nous ne sommes ni en 1938, ni en 1933 ou en 1942. W. Fodorovski évoque trois issues possibles de la crise actuelle : une guerre mondiale, une ère de sanctions, une désescalade. La seconde perspective, de guerre froide dure et prolongée, semble la plus probable, avec, possiblement, dérive à la nord-coréenne d’un côté, et stagflation ravageuse de l’autre. Mais, avec un peu (beaucoup !) de bonne foi, de bonne volonté, de bon sens et de réalisme, l’amère tragédie et l’affrontement hystérique auxquels nous assistons, pour des motifs somme toute mineurs, pourraient déboucher sur la désescalade. Il n’est pas interdit de rêver.

                                   

                                                                                             

 

 

Florilège 2/22

Publié le 18/02/2022 à 17:43 par eudeslancien Tags : monde texte sur france argent homme travail société mort histoire centre femmes mali

 S'il [Jadot] voulait mettre en oeuvre son projet d'énergie renouvelable comme en Allemagne, cela voudrait dire 2% du territoire consacré aux éoliennes et aux panneaux solaires. Il y aurait immédiatement quatre millions de Français dans la rue.            (D. Cohn Bendit)

  Ne pas sous-estimer l'influence allemande. L'Allemagne dépend du gaz, mais la Russie dépend de l'argent du gaz. Le deuxième argument en faveur des Européens est Swift, le système européen de transactions financières. Sortir la Russie du système serait un problème non seulement pour Poutine..., mais aussi pour toute l'économie russe.   (d°)

  Imaginez-vous des troupes russes stationnées à la frontière mexicaine ou canadienne ?     (Ch. Bless)   .... Comment réagiraient les USA si le Canada envisageait de s'èloigner d'eux et de rejoindre une alliance pilotée par Moscou ?   (M. Bock Côté)

  Macron incarne les contradictions de la France, mais demeure étranger à son génie. Son vrai point faible, le voilà.      (J. Julliard)

 Ch. Albanel, qui a rédigé le texte [discours de Chirac au Vel'd'Hiv'], reconnait -  ce  qu'elle regrette tout en le justifiant - qu'elle a préféré écrire que "la France" plutôt que "Vichy" avait "commis l'irréparable", en partie pour des raisons de style - et ainsi éviter une répétition.    ( J M Bastière)

  La France humble, silencieuse et au travail ...    (E. Macron)

  Ce n'est pas l'épidémie qui a provoqué la fermeture de la Chine, mais la volonté politique de fermer la Chine qui a instrumentalisé l'épidémie.      (N. Baverez)

  Le véritable ennemi de la démocratie, c'est la fragmentation de la puissance publique, la désinstitutionnalisation de la société. ... L'échappement vers le centre, autrement dit, en politique française, vers le vide.    (A. Teyssier)

  Quoi qu'il en soit, le ou la président-e n'aura convaincu avec son programme qu'une minorité de Français (au plus 25 à 30%). Personne ne pose cela comme le problème fondamental de la politique en France.  La classe politique actuelle  est incapable de penser coalition.    (D. Cohn Bendit)

  Ainsi la promotion de l'homme enceint [émoticônes]  contribue à l'effacement du féminin, ce qui est plutôt cocasse à une époque qui prône la "visibilité" des femmes....  Le plus frappant dans cette histoire  est l'alliance de l'inclusivité et du capitalisme, du woke et de la Silicon Valley.         (E. Bastié)

  Entre l'excès des droits et l'excès de la surveillance, le libéralisme nous a projetés dans la nef des fous.    (Ch. Jaigu)

  Ce que je crains plus encore que le bruit   des bottes, c'est le silence des pantoufles.    (M. Frisch)

  Depuis soixante ans, nous avons mené 19 guerres sur trois continents et 13 grades opérations de police internationale dans le but de montrer que nous sommes toujours une nation qui compte.    (M. Goya)

  Nos intérêts [ à propos du Mali], c'est la sécurité de nos concitoyens,  ce n'est pas de régenter uns région immense, dont les problèmes le sont tout autant.    (G. Araud)

  C'est de l'aspiration à l'individualisme que la démocratie est née ; c'est de son triomphe absolu sous l'effet du progrès économique qu'elle est aujourd'hui menacée de mort.   ...  On largue les dernières amarres [libre choix du nom] et les généalogistes sont assurés du plein emploi pendant des décennies.        (J. Julliard)

  Revenir enfin à la politique dans une campagne que la figure du "roi-père" vise évidemment à dépolitiser. Et pour cela, il faut commencer par nommer l'adversaire pour ce qu'il est, au vu de son bilan réel et au delà des faux semblants et des repentirs tardifs : le candidat inespéré d'une social-démocratie ultra : ultra-étatiste, ultra-normative et ultra-dépensière.     (Ch. de Voogd)

  Que se passe-t-il quand la loi obéit aux cas particuliers ? Au lieu d'être une règle que viennent confirmer des exceptions, elle devient une régularisation de l'exceptionnel et ce faisant elle entérine le drame tout en prétendant le dédramatiser.   (F. Hadjadj)

 

 

Florilège 1/22

Publié le 09/01/2022 à 12:25 par eudeslancien Tags : pouvoir prix sur bonne vie france saint monde mode fond femme société demain femmes

Il s'agissait autrefois de rassembler  la collectivité nationale autour d'une figure symbolique [commémorations]. Il s'agit maintenant de faire un geste politique ou de satisfaire un groupe, une famille, une frange de la nation, Aznavour pour les Arméniens, Simone Veil pour les femmes et les juifs, Joséphine Baker pour la diversité. C'est le signe d'une nation ethnicisée, parcellisée, émiettée. Quant à la cour des Invalides, la banalisation de ce lieu militaire, solennel et religieux risque bien d'en faire la salle des pas perdus de la gare Saint Lazare.    (P. Nora)

Pour Zemmour, la France n'est que l'exutoire de ses turpitudes et tortures excentrées.   (A. Pradié)

Les graphiques de l'OCDE sont sans appel. Sur à peu près tous les sujets, la France est toujours à la traîne de la moyenne des pays développés.     (J. Olivier Martin)

Le fameux "deterrent", c'est-à-dire la dissuasion du faible au fort, est plus que jamais un concept exclusivement défensif, qui met en principe le détenteur de la bombe à l'abri de toute agression d'une autre puissance, mais qui ne lui permet nullement d'imposer sa volonté dans les autres cas de figure.    (J.Julliard)

Aujourd'hui l'ascenseur social est clairement en panne. Mais supprimer l'ENA, c'est prendre le problème à l'envers. Un ascenseur, cela se prend au rez-de-chaussée. Pas au huitième étage....  Dans notre pays, il y a beaucoup d'intelligence et pas assez de caractères.    (B. Attali)

Sans doute l'interdiction du cumul des mandats a-t-elle amplifié le divorce entre l'Etat et les maires, en rompant tout lien -donc tout motif de se ménager- entre les élus locaux et l'Assemblé Nationale.    (G. Perrault)

Quand on débarque de l'autre bout du monde, et qu'on vous dit que votre voisin est raciste, à moitié débile, à fond dans la consommation, son objectif de vie étant de  bouffer et de regarder la télé, on ne va pas épouser ses valeurs. Quand tu es respecté culturellement, tu crées les conditions de l'assimilation des autres...  Il n'y a plus besoin d'être en démocratie s'il n'existe que des minorités.       (Ch. Guilluy)

La première mesure écologique est d'arrêter de faire venir des produits de Chine en cargo....    La gestion par la peur consiste à promettre l'apocalypse, qu'elle soit démocratique (retour des années trente), écologique ou sanitaire. Et puisque les élites ne veulent ou ne peuvent pas répondre au ressentiment des classes populaires, elles tiennent les populations par la peur.    (d°)

Loin d'être une anomalie, la "désintermédiation" tend à devenir la norme qui s'impose à tous. Haro sur les intermédiaires (syndicalistes, parlementaires, représentants de l'autorité  publique). On veut être en relation directe avec autrui, avec le chef.    (J.P. Robin)

A mon sens, le problème principal [désorganisation de l'Etat]  est celui de la décomposition des services en agences indépendantes, supposées -en bonne logique libérale- améliorer son fonctionnement en adoptant les normes de l'entreprise, ce qu'on appelle le "new public managment". La réalité, c'est la constitution de féodalités... Bref, un Etat éclaté.    (M. Gauchet)

L'impact du choc des prix est particulièrement violent dans l'Union européenne, qui acquitte le prix fort pour avoir aligné sa politique énergétique sur celle de l'Allemagne, dont la sortie précipitée du nucléaire a débouché sur un quadruple échec : énergétique avec un déficit de production de plus de 10% pour la consommation prévue en 2030 ; économique avec la dilapidation de 500 milliards d'euros ; écologique avec le recours au lignite ; stratégique avec la dépendance au gaz russe.    (N. Baverez)

Conceptualiser, c'est généraliser. L'approche sociologique des fractures françaises, c'est une chose ; mais nier le bloc politique que constituent les gens ordinaires, c'est noyer le poisson.    (Ch. Guilluy)

Le pessimiste n'est pas d'abord celui qui s'attend au pire dans l'avenir, mais celui qui tient que la catastrophe est déjà là...  De son côté, l'optimiste n'est pas celui qui tient que tout ira mieux demain, mais celui qui prétend, à l'instar de Leibniz, que nous vivons d'ores et déjà dans le meilleur des mondes possible.    (L. Ferry)

Le paradoxe ultime du néoféminisme, n'est-ce pas de promouvoir un objet (la femme) qu'on veut en même temps déconstruire ?   (E. Bastié)

Dès lors que l'on veut faire la démocratie par le droit et non plus le droit par la démocratie, le pouvoir échappe aux institutions politiques et se trouve transféré de plus en plus aux juridictions et aux autorités indépendantes. C'est ce modèle que promeut l'Union européenne, qui se construit sur la dépolitisation de la société et de l'économie.    (H. Guaino)

La société des hommes est obligée de s'arrêter pour ne pas fatiguer le personnel hospitalier.    (F. Beigbeder)

Nous retrouvons un modèle d'équilibre entre les puissances qui rappelle celui d'avant 1914, mais à l'époque chaque puissance connaissait le mode d'emploi, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.    (G. Araud)

L'objectif transversal de ce projet réside dans sa capacité à renforcer le lien social à l'échelle du voisinage, en développant un véritable protocole de démocratie contributive qui permettra d'aboutir à un collectif de citoyens engagés, et à créer de nouveaux espaces de convivialité à l'échelle de proximité.    (projet Oasis)

L'oblomovisme ("l'appel à la pantoufle") français va-t-il lui aussi mener à un état de dépendance ? Là est le grand paradoxe de notre époque où l'on brandit le souverainisme pour ne plus regarder la réalité en face, et où l'on prépare notre assujettissement à force de ne plus vouloir se colleter avec le monde.    (E. Gernelle)

 

 

Brèves d'écritoire 11/21

Publié le 22/11/2021 à 12:21 par eudeslancien Tags : paris livre sur bonne vie afrique france place coup chez enfants fond femme société divers annonce pouvoir

Peuple et politiques 

 

Dans un récent éditorial, F.O. Giesbert regrettait la disparition des « politiques de premier plan » et  la dégradation rapide de l’image du politique dans l’opinion. Pour lui rendre le pouvoir et la confiance populaires, il suggérait trois mesures fortes. Commentaire.

Admettre à nouveau le cumul des mandats, école unique de contact avec l’électeur et d’apprentissage de la gestion publique, en même temps que contrepoids bienvenu de la province par rapport à Paris et au centralisme jacobin et présidentiel, tout en favorisant la  relation entre les divers échelons du pouvoir.

Revenir au septennat et à l’architecture initiale de la V° République. Dissocier élections législative et présidentielle, ce qui rééquilibrerait les pouvoirs : en restituant au Parlement autorité et marge de jeu ; en réduisant la toute-puissance d’un Président en campagne électorale permanente, donc tenté de privilégier la communication, sinon la distribution de « sucettes » à toutes les strates de la société. Sans toucher à l’élection au suffrage universel, que récusaient ou incriminent beaucoup de bons esprits (M. Debré, P. Mazeaud, JL Bourlanges), mais qui reste une des seules prérogatives du modeste citoyen.

Mettre un frein à la judiciarisation de la vie politique : pour une justice indépendante, mais non partisane (à l’image du Parquet financier), et la restauration de la responsabilité politique et non pénale des hommes publics (b.a.ba à l’origine de la démocratie représentative). Mais aussi mettre le holà à la fédéralisation rampante de l’Union européenne par l’extension exorbitante et continue des domaines d’intervention d’instances juridictionnelles, à la légitimité démocratique  incertaine. Revenir aussi à une application rigoureuse du principe de subsidiarité, qui redonnerait  aux exécutifs nationaux l’autorité et l’espace de liberté qui leur sont progressivement refusés (moindres à certains égards qu’aux Etats dans la fédération américaine !).

Trois mesures néanmoins insuffisantes pour rétablir la confiance du citoyen dans la démocratie. Si on ne rend pas sens et place à la souveraineté populaire, qui peut être un gage et une assurance d’efficacité dans l’action. Par le recours au referendum d’initiative populaire (à la suisse), plutôt qu’aux exercices d’une démocratie participative, trop souvent biaisée, sinon manipulée. RIP cher aux « gilets jaunes », dont la récusation paraît tout de même singulière dans un système géré et orienté à coup de sondages et de rév( et f)érence    aux réseaux sociaux. Un tel appel au peuple permettrait de corriger une démocratie représentative qui ne représente rien, qu’un cercle restreint de citoyens privilégiés. Comment accepter  que le substrat du pouvoir repose sur moins d’un quart de l’électorat, quand, par exemple, la droite dite extrême en regroupe entre un tiers à quarante pour cent, mais n’est ni représentée ni entendue ? Sans aller jusqu’aux excès des systèmes israélien, voire allemand, l’introduction d’une dose très  substantielle de proportionnelle réduirait la « verticalité » du pouvoir, obligerait les uns et les autres au compromis,  et redonnerait sa légitimité à notre démocratie défigurée.

Les modifications institutionnelles ne sont certes qu’un adjuvant. Elles restent un facteur essentiel de réhabilitation de la politique et des politiques.

 

 

 

               

Etouffe-chrétien

 

Une fois encore  - est-ce la bonne ? -, l’Eglise catholique se voit confrontée à ses turpitudes. Le rapport Sauvé l’amène à reconnaître une responsabilité « systémique » dans l’inconduite de certains de ses clercs, et à garantir l’indemnisation des victimes, même en bradant son ( ?) patrimoine. Jugeons plutôt.

De l’énorme pavé (2000 pages), fruit des travaux de la commission Sauvé, on aura retenu finalement la conclusion phare : le décompte de 216.000  mineurs victimes de prédateurs ecclésiastiques de 1950 à 2020. Annonce qui a provoqué la sidération indignée de l’opinion et des médias, et un « tsunami » dans l’Eglise catholique, acculée à admettre son implication institutionnelle et financière.

Comme pour l’actuelle pandémie, et bien d’autres pathologies sociales, la référence à un indicateur unique, supposé synthétique, ne suffit pas à rendre compte du phénomène examiné, si elle ne le rend pas plus obscur. On peut s’étonner par exemple que l’évaluation soit si précise pour une période aussi  longue, étant donné la méthode de sondage retenue pour appréhender des comportements aux multiples dimensions (la gamme étendue des abus sexuels).

 Le nombre d’exactions couvre une période de 70 ans, dont la moitié avant 1970. Ce qui, pour les cinquante dernières années, donne une moyenne de prédations de l’ordre de deux mille par an. Et donc frise le non-évènement, même si l’on doit fermement condamner les auteurs de ces turpitudes. Cette attention au temps long pose d’autres problèmes. De la rétroactivité éventuelle des sanctions et de la prescription des crimes ou délits. Cette dernière retenue par la justice dans un cas d’ « inceste » sur mineur, qui a récemment défrayé la chronique. Pour les abus les plus nombreux, comment remonter si loin en arrière, alors que beaucoup, sinon la plupart des acteurs, bourreaux ou victimes, sont morts ou hors d’âge, que les mémoires sont incertaines et les preuves difficiles à rassembler ? Enfin, mais c’est une manie de l’époque, il y a quelque anachronisme à transposer à un passé déjà lointain, nos conceptions, voire nos marottes,  actuelles. Comme le notait Ch. Delsol, l’esprit du temps a changé. Avant 1970, l’institution, toutes les institutions, prévalaient sur l’individu. Des écarts que le consensus estimait alors véniels sont aujourd’hui criminalisés ; c’est un « progrès de civilisation ». Sans oublier, au passage, que la pédophilie fut glorifiée tout au long du XX° siècle par nombre de littérateurs, largement pratiquée, mais hypocritement ignorée (tourisme sexuel en Afrique du Nord ou dans le sud-est asiatique), avant d’être revendiquée à coup de pétitions par les maîtres à penser et à vivre des années soixante-huitardes. Au surplus, quelle distance entre les oies blanches adolescentes d’avant 68/80 et nos enfants qui, par la vertu de « l’éveil » scolaire et de la pornographie, sont plus informés sur le sexe que nos grands- parents, voire nos parents !

Plus qu’au prétexte, somme toute mineur et marginal, de ce psychodrame porté sur la place publique, peut-être vaut-il mieux s’intéresser à ses acteurs. Les membres de la commission Sauvé, sauf quelques catholiques d’avant-garde, étaient assez peu christianisés, voire areligieux. Il est assez gaulois (à tous égards) qu’ils s’érigent en censeurs et restaurateurs autorisés d’une Eglise en perdition ou qu’ils prétendent réformer le droit canon. Et qu’ils concourent à rendre le fond de l’air plus hostile  encore à une religion catholique, dénoncée et caricaturée de toutes parts, comme personne n’oserait le faire contre les religions dites du Livre.

Leurs propositions de laïcisation et féminisation constituent une divine surprise pour les catholiques « progressistes »,  si même ils ne  les ont pas inspirées.  Mais on  ne voit pas bien, par exemple, en quoi renoncer au célibat des prêtres « guérirait » des pédophiles, quand quatre sur cinq des abus condamnés concernent des mineurs de sexe masculin ; la femme n’est pas leur problème,  éventuellement un alibi ou une couverture. Quant à la féminisation des cadres ecclésiaux, on peut douter, depuis Diderot jusqu’aux Jeunes Filles en Uniforme, qu’elle limite les sévices sur les mineurs de sexe féminin.

La hiérarchie ecclésiastique, enfin, courbe l’échine et tend l’autre joue au soufflet, en mettant genou en terre. A moins qu’elle ne se réjouisse secrètement des fenêtres de tir qu’ouvrent le scandale et le débat. Vatican III après Vatican II ! La route vers un délitement accéléré d’une religion vidée peu à peu de sa substance. Vers une sorte d’arianisme modernisé, qui facilite le retour des dieux païens,  à moins qu’elle n’offre, comme au premier millénaire en Espagne ou au Moyen-Orient, un terreau propice à la revanche de l’Islam.

 

 

A droite, toute !

 

Des voix autorisées, politologues et autres sondeurs, nous assurent, enquêtes à l'appui, que l'Europe a viré à droite. Constat assez étonnant et paradoxal. La social-démocratie, donnée pour moribonde (un grand cadavre à la renverse !), est au pouvoir, sous des modalités diverses, un peu partout sur le continent : pays scandinaves, péninsule ibérique, Italie, et désormais Allemagne.Les élections récentes dans ces deux pays ont même acté un recul de la droite plutôt spectaculaire, dans toutes ses composantes. La gauche italienne l'a emporté, souvent de loin, dans toutes les grandes villes.  Outre Rhin, la CDU  est tombée à un plus bas historique (l'original socialo-écologiste préférable à sa copie merkélienne ?!). Nombre de personnalités du parti ont été battues dans leurs fiefs traditionnels. Et même la circonscription de Mme. Merkel (Rûgen) a basculé dans l'autre camp.

Seuls bémols à cette déconvenue des conservateurs et des populistes. Une très forte abstention en Italie, où le parti de Salvini paye les erreurs à répétition de sa direction. En Allemagne, un score modeste, même s'il est en progrès, des socialistes, une avance finalement limitée des écologistes, une gauche tout de même minoritaire. Et, au pouvoir, un attelage "feux tricolores" improbable, avec risque de fragilité et d'inefficacité malgré le sens du compromis tant vanté chez nos voisins.

A l'issue de ce bref tour d'horizon, faut-il, au vu des sondages, chercher la droite, supposée dominante en Europe, avec une lanterne ? N'est-elle pas d'ailleurs minoritaire au Parlement de l'Union.  Quant à la France, souvent décalée politiquement, elle semble faire exception. Simple retard à l'allumage ?