Rsum Un enjeu fondamental de la gestion des dchets solide Kinshasa est la collecte, le traitement et la valorisation des sachets en plastique. Pour cela, ISF a expriment loprationnalisation dune filire pilote de recyclage comme modle de dveloppement conomique et d'assainissement. Le projet apporte son appui toutes les tapes de la chane dactivits qui mne la valorisation des sachets plastiques, en proposant des solutions innovantes telles quune collecte ralise par des acteurs indpendants, une centralisation des dchets dans des comptoirs dachats, une transformation par des techniques simples et accessibles et une revente lindustrie locale. Le projet vise la multiplication de ce type de filire, en collaboration avec les acteurs privs et institutionnels de lassainissement Kinshasa. Cette multiplication ncessite une capitalisation et une diffusion des savoirs-faire. Abstract A fundamental issue of solid waste management in Kinshasa is collection, treatment and recovery of plastic bags. To do this, ISF has experienced the set up of a pilot recycling industry as a model of local economic development and sanitation. The project provides support for all stages of the chain of activities leading to the recovery of plastic bags by offering innovative solutions such as a collection made by independent actors, centralized waste in comptoirs dachats, a transformation with simple and accessible technics and a resale to local industry. The project aims the multiplication of this kind of industry, in collaboration with private and institutional stakeholders of sanitation in Kinshasa. This multiplication also requires capitalization and know-hows diffusion.
1. Introduction Kinshasa compte aujourdhui environ 8 millions dhabitants, ce qui en fait lune des capitales les plus peuples dAfrique, mais elle ne dispose daucune politique concerte pour son assainissement solide, en termes de collecte des dchets, de leur transfert vers des dcharges, de leur traitement et de leur valorisation. Cet tat de fait conduit lenvahissement de lespace public par les dchets, et, parmi eux, les sachets plastiques, massivement utiliss pat la population, sont particulirement visibles et dommageables. En effet : - Ils favorisent la propagation de la malaria : les sachets obstruent les caniveaux, entranant la stagnation de l'eau et, partant la prolifration des moustiques. - Ils contribuent aux inondations, au mauvais tat des voies de circulation et lenclavement des quartiers : les sachets enfouis impermabilisent le sol et lvacuation de leau pluviale est essentiellement reporte sur des caniveaux sous dimensionns, dfectueux ou inexistants ; lors des pluies, leau dvale en rivires se frayant un passage dans les rues, sinfiltre dans les maisons et endommage les revtements routiers quand ils existent. - Cette impermabilisation des sols nuit galement la production agricole urbaine. - Llevage souffre galement de labondance des plastiques avec des consquences mortelles pour les chvres et les autres animaux qui stouffent avec les sachets. - Sans ramassage organis des dchets, les initiatives particulires tendent incinrer ces plastiques, polluant dangereusement lenvironnement ; les fumes sont nocives pour la population. - Les plastiques qui jonchent les rues enlaidissent la ville, un point que Kin la belle a, en quelques dcennies, t renomme Kin la poubelle . A noter que le gouvernement dcrte rgulirement linterdiction ou la taxation des producteurs de sachets mais ces politiques restent lettres mortes. Pourtant, le plastique est une matire premire rcuprable avec une valeur conomique, et il est possible de transformer ce problme dassainissement en une opportunit de cration dactivits gnratrices de revenus pour les populations les plus pauvres. Alors que beaucoup dacteurs Kinshasa et en Afrique recyclent les plastiques durs (rcipients, bassines, ...), ISF constate que les sachets sont rarement rcuprs en raison : - de leur lgret et de leur volume qui complique une logistique de ramassage et de transport particulire ; - des difficults rencontres au niveau du nettoyage : les sachets emprisonnent les salets et leur lavage ncessite une importante main duvre confronte un travail pnible et fastidieux ; le lavage (en rivire) ajoute une problmatique de salubrit du lieu de travail et ncessite de grands espaces pour les scher. Avec l'ONG congolaise Umoja Dveloppement Durable , ISF sest propos de relever ces dfis. ISF exprimente donc depuis janvier 2007 ladaptation de la collecte et des techniques de recyclage des sachets plastiques au contexte Kinois, en essayant de maximiser la rentabilit conomique. 2. Contenu et mthodes Objectifs du projet Suite la mise en place avec succs d'une filire pilote de recyclage comme modle de dveloppement conomique et d'assainissement, lobjectif du projet est de multiplier les filires artisanales spcialises dans les oprations de rcupration et de recyclage des dchets plastiques, adapts aux contraintes du milieu urbain en Afrique. Outre son impact environnemental, le projet cherche contribuer au dveloppement conomique local via lappui un rseau dinitiatives prives (micro entreprise) de collecte, de tri, de dchiquetage, de lavage et de schage. Ces initiatives, parfaitement intgres dans le paysage communautaire locale, constituent une source avantageuses dapprovisionnement en plastique recycl pour les industries de fabrication de produits finis (tuyaux, isolant lectrique, arrosoirs, seaux, ). Les plastiques recycls viennent en remplacement, partiel ou total de matire premire neuve. Utilisation de technologies appropries Le projet applique une mthodologie base sur lutilisation de techniques appropries au contexte local, cest--dire - des techniques simples et adaptes : la fabrication, le fonctionnement, lentretien et la maintenance des machines et des outils passe essentiellement par le march local (pice de rcuprations, savoir-faire locaux, ) ; - des transfert Sud Sud pour ladoption de nouvelles technologies : capitalisation dexpriences en Egypte, au Mexique, en Afrique de lOuest, Cette mthodologie garantit une certaine accessibilit financire linvestissement. Dun point de vue matire , les dchets viss sont les sachets plastiques en polythylne, de haute ou basse densit (PEHD n2 ou 4). Pratiquement, il sagit des sachets deau vendus massivement dans les rues. Approche filire Le projet aborde toutes les tapes de la chane dactivits qui mne la valorisation des sachets plastiques. Une filire complte couvre les oprations suivantes : 1 la collecte (et ventuellement le tri) par un rseau de collecteurs indpendants ; 2 la centralisation, le triage et le 1 er traitement (dcrassage, dcoupe) par des comptoirs d'achat ; 3 la transformation : le dchiquetage, le lavage, le schage et lagglomration (granuls) par des micro- entreprises ; 4 la vente pour la fabrication de produits finis. A chacune de ces tapes, le projet tente dapporter des solutions innovantes : 1. Linitiative communautaire La collecte a lieu la source, l o les dchets sont jets par la population. Elle nimplique pas dinvestissements physiques de la part du projet : les habitants du quartiers, organiss ou non, ramassent les plastiques dans les rues, chez leurs voisins, dans les marchs, aux arrts de bus, dans les caniveaux, , et les vendent. Si les revenus de cette vente sont trs variables dune personne lautre car elle est totalement dpendante de linitiative personnelle et de la motivation cest nanmoins lactivit qui implique le plus de personnes : plusieurs centaines de collecteurs en tirent des revenus complmentaires. Les collecteurs vendent les sachets aux comptoirs d'achat au prix de 0,1,$/kg. 2. Les comptoirs dachat La centralisation de la collecte se fait au niveau des comptoirs dachat rpartis dans plusieurs zones de la ville. Les comptoirs naissent de linitiative de particuliers (entrepreneurs) qui mobilisent un rseau de collecteurs. Ils jouent le rle dintermdiaire et de grossiste. Ils garantissent le tri slectif. Vis--vis des ateliers de transformation, qui ils revendent par units de 50 kg minimum, les comptoirs sont responsables de la qualit et de la propret des plastiques. Aprs le dcrassage, les comptoirs ralisent un 1 er traitement des dchets. Il sagit dune dcoupe des sachets en grands morceaux. Linvestissement est limit : un espace de parcelle, une balance, quelques sacs en raphia. A partir dun certain volume de vente, les comptoirs constituent des micros entreprises familiales disposant dune vritable organisation. Dans ce cas, ils parviennent produire suffisamment pour investir. Les campagnes de sensibilisations menes par le projet sont diriges vers les populations avec le slogan le plastique, cest de largent . Les initiatives personnelles sont alors encourages et soutenues : sur la quinzaine de comptoirs dachat-vente crs initialement, 9 sont devenus de fournisseurs rguliers du site de transformation. 3. Le site de transformation A Kinshasa, les comptoirs dachat approvisionnent un site de transformation concurrence de 6 tonnes/mois. Le projet subventionne lachat de la matire 1 re plastique dont le prix dachat est de 0,2 USD/kg. Ce prix est lgrement suprieur celui du march car il correspond une exigence en termes de qualit et de tri et de prparation que le projet prfre externaliser ce niveau (sachets exempts deau et de sable notamment). Par ailleurs, subventionner cet achat de matire premire, c'est rmunrer un service de collecte qui est payant dans les pays industrialiss. L'tat ne jouant pas son rle en matire de gestion des dchets, c'est la socit civile qui supple. Pour viter les poches qui retiennent les crasses lors du lavage et qui retiennent leau lors du schage, les sachets sont dcoups en petit morceaux dans un broyeur ou dans une dchiqueteuse - agglomrateur (moulin axe vertical avec couteaux tournant, type tondeuse et couteaux fixes sur les parois de la cuve). Le dchiquetage, surtout lorsquil est ralis dans un broyeur axe horizontal quip dun tamis, permet galement de dcrasser les plastiques en secouant le sable qui y restait coll.
Photos 1 et 2: Dchiquetage avec un broyeur (quip dun moteur diesel) Dans le milieu liquide, le polythylne (PE) flotte alors que les sables, papiers, adhsifs et autres coulent. Les sachets dchiquets sont donc placs dans des cuves de 2 4 m, monte sur un muret de briques et quipe dun systme dagitation compos dune hlice verticale entrane par un petit moteur lectrique tournant vitesse modre (60 120 tours/minutes). La matire valorisable est rcupre par crmage avec un filet de pche ou un paniers linge.
Figure 1 et Photo 3 : Cuve de lavage et manipulation des plastiques avec un filet de pche Suite au lavage, les plastiques sont essors pour vacuer le maximum deau. Lessoreuse peut tre fabrique localement partir dun tambour de machine laver.
Photos 4 et 5 : Essorage Le plastique lgrement humide doit maintenant tre totalement sch. Pour cela, deux possibilits co-existent : - le schage au soleil et la ventilation naturelle sur une dalle bton ou sur des tables de schage superposables (claies) dont le plateau est fait de toiles de moustiquaire ; - le schage en four quip de grilles de ventilation basses et hautes permettant la circulation de lair. La matire lave et sche est conditionne dans des sacs raphia avant lagglomration.
Photos 6, 7 et 8 : Four de schage, avec tiroir pour retirer les plastiques et modle de roulette de loto Lagglomration consiste densifier les flocons de film plastique en comprimant la matire sous forme de petits granuls qui seront alors transformables directement par injection ou extrusion. Cette opration se ralise au moyen dun moulin caf gant , c'est--dire une cuve de cylindrique de 80 100 litres, perce dans son fond, et quipe dune hlice couteaux tournant rapidement (1.500 tours minutes). Lors de son passage dans cette machine, la matire est tire, dchire et chauffe. Cet chauffement provoque un ramollissement entranant alors la rtractation puis la densification sous forme de petites boulettes dures.
Photos 9, 10 et 11 : Dtails de lagglomrateur 4. La vente Les ventes sont ralises auprs des industries kinoises du plastique qui intgrent dans leurs produits de 20 100% de matire recycles. Le projet est en charge de dvelopper les dbouchs pour la matire et veille la qualit du granul (densit, granulomtrie) afin doffrir des solutions pour les filires autonomes implantes dans la ville. 3. Rsultats et discussion Sur base dun investissement (machines et outils) de 25.000 US$ pour le site de transformation, le projet permet de recycler environ 2 tonnes de dchets plastiques par semaine. Au prix de revente de 1.000 US $/tonne, le site est proche du seuil de rentabilit, amortissement compris. Aprs cette phase pilote dexprimentation et de test de robustesse des machines, le projet est en phase de multiplication de filires : incubation, business plan, coordination des micro-entreprises, formations en gestion, etc. De nombreux facteurs externes peuvent freiner lenthousiasme du projet : manque de discipline dans la maintenance prventive et curative, pannes lectriques, difficults de trouver des sous-traitants ou certaines pices, lenteurs administratives, fluctuations des prix sur le march.... Lensemble de ces facteurs externes fragilisent le projet et peuvent compliquer latteinte des rsultats attendus. Le montage dune telle filire ncessite donc une analyse pralable relativement fine des risques encourus. 4. Conclusion Le projet a dmontr la rentabilit dune telle filire, ainsi quun rapport cots/impact intressant. Cependant, pour encore renforcer sa prennit, le projet ralise limportance du partenariat avec les acteurs privs et institutionnels pour minimiser les risques. Par ailleurs, des synergies sont dveloppes avec les acteurs intervenant grands frais dans des projets dassainissement durgence comprhensibles dans le contexte kinois (essentiellement les curages de caniveaux, travaux Haute Intensit de Main duvre). Lapproche dISF propose une prennisation de laction en incitant les autorits publiques investir dans une filire de recyclage intgre en mettant disposition un terrain et en sensibilisant ses habitants. Enfin, il est vident que la fabrication de produits finis offre une forte valeur ajoute permettant de renforcer lindpendance de la filire en offrant des alternatives de dbouchs la matire. Le projet prvoit dvoluer en ce sens.