Rapport Mettling
Rapport Mettling
Rapport Mettling
Rapport
tabli par
M. Bruno METTLING
A lattention de
Madame la ministre du Travail, de lEmploi, de la Formation
Professionnelle et du Dialogue Social
- Septembre 2015 1
AVANT-PROPOS
Par lettre en date du 25 mars 2015, le prcdent ministre du Travail, de lEmploi, de la
Formation Professionnelle et du Dialogue Social, Franois Rebsamen, ma confi la mission
d'examiner la question de l'effet de la transformation numrique sur le travail.
Cette mission intervient dans un contexte de prise de conscience de limportance socitale et
de lampleur conomique des effets de la transformation numrique, marque par diffrents
rapports commandits par le gouvernement :
rapport de lInspection Gnrale des Finances (IGF) sur la fiscalit du numrique, remis en
janvier 2013 ;
rapport Jules Ferry 3.0, remis en octobre 2014 ;
rapport sur la grammaire du succs du numrique, remis en novembre 2014 ;
rapport sur une grande cole du numrique, remis en mai 2015 ;
rapport ambition numrique par le conseil national du numrique, remis en juin 2015 ;
rapport sur leffet de la transformation numrique sur lemploi, qui doit tre remis en
dcembre 2015.
Il manquait ces tudes un examen des effets de la transformation numrique sur le monde
du travail, qui analyse la fois la faon dont elle modifie dj les formes du travail, les modalits
selon lesquelles la transition numrique est actuellement vcue et mene au sein de lentreprise, et
les conditions selon lesquelles elle pourra tre roriente lavenir pour contribuer rendre du sens
au travail et amliorer la vie au travail.
La transformation numrique fait lobjet dune grande attention au regard des atouts quelle
peut apporter au monde conomique et au monde du savoir. Mais aucune tude navait encore t
commandite par lEtat sur ses implications pour le monde du travail.
La mission a inscrit sa rflexion au cur de lentreprise pour cerner limpact de la
transformation numrique sur trois points prcis : les conditions de travail, lorganisation du travail
et le management.
Mthodologie utilise
Le travail de la mission sest structur autour dun groupe dexperts regroupant :
La mission a bnfici de lappui dterminant de lIGAS. Elle a procd par audition des
acteurs de la transformation numrique et lecture de la documentation existante.
Le travail de la mission a t complt par des tudes demandes aux grands cabinets de
conseil en stratgie (Bain & Company, The Boston Consulting Group, Mazars, McKinsey), ainsi
que dune enqute ralise par le Centre des Jeunes Dirigeants dentreprise auprs de ses 4500
adhrents.
Sans toutes ces contributions, et en particulier sans la qualit des changes et le climat de
confiance qui ont prsid aux travaux de la commission, le prsent rapport naurait pu tre tabli.
On peut souligner ainsi que les 36 prconisations et le constat qui les prcde ont t tablis dans
un climat de dialogue et dcoute tout fait remarquable entre les membres de la commission.
2
AVANT-PROPOS
Sommaire
INTRODUCTION
Principaux impacts
11
12
Temps de travail
18
Lien de subordination
23
25
31
33
Espace de travail
34
Sant au travail
35
37
Management participatif
39
40
40
42
42
48
52
58
60
CONCLUSION
62
63
64
ANNEXE N3 : BIBLIOGRAPHIE
66
68
INTRODUCTION
La transformation numrique est marque par une exceptionnelle vitesse de diffusion : le
caractre exponentiel de lacclration du rythme des innovations distingue fondamentalement le
numrique des rvolutions technologiques prcdentes.
La rvolution numrique est en effet disruptive, ce qui justifie que les efforts dadaptation
soient faits avec ambition et que la mise en uvre de ces changements soit ralise rapidement.
Pour illustrer ce caractre disruptif, la comparaison1 des dures ncessaires ce que
diffrentes technologies atteignent 50 millions dutilisateurs montre que sil a fallu 38 ans pour que
la radio parvienne ce seuil, et 13 ans pour la tlvision, ces dures de diffusion tombent 3 ans
pour linternet domicile, 1 an pour Facebook et 9 mois pour Twitter. Certes, ces diffrences sont
temprer du fait de lexistence dun certain biais ces comparaisons (croissance dmographique,
augmentation du pouvoir dachat, gratuit des services internet), il nen demeure pas moins que ces
technologies sont adoptes une vitesse trs suprieure, et leurs usages plus rapidement transmis.
Pour la premire fois depuis la rvolution industrielle, la diffusion de la technologie et de ses
usages impacte au moins autant la personne dans sa sphre prive que le travailleur dans sa sphre
professionnelle. Leur adoption dans un usage priv se droule mme avant celle sur le monde du
travail, ce qui distingue fondamentalement cette rvolution technologique de la premire en ce
quelle impacte demble lensemble des aspects du quotidien.
Pour ce qui est des entreprises, la nature de cette transformation impose donc de repenser
leur apprhension du changement. Du fait que le numrique soit un secteur principalement tourn
vers le service client et lexprience du consommateur, les outils numriques sintgrent dans
lentreprise accompagns dusages dj partiellement appropris, directement issus de la sphre
prive.
Mais la rvolution numrique implique un changement de paradigme dans le monde du
travail. Loin de se rsumer lusage doutils numriques, elle marque larrive, dans lentreprise,
de mthodes de conception, de production, de collaboration, qui sont aussi des mthodes de pense,
de travail, dorganisation.
A cet gard, il convient de distinguer les diffrents phnomnes que la notion de
transformation numrique peut recouvrir : la diffusion passive des outils numriques dans nos
vies, et particulirement dans lunivers du travail, saccompagne aujourdhui dune action
volontariste mene par les entreprises pour numriser leurs processus.
La numrisation de lconomie dpasse aujourdhui le simple emploi doutils
numriques. Ainsi, le fonctionnement en rseau, lusage de datas, la dmatrialisation, non
seulement des produits, mais aussi des processus de production et de livraison, sont autant de
changements qui bouleversent lconomie, lentreprise, et le travail des individus, tant dans les
tches et objectifs que dans la faon de travailler, les mthodes et contextes de leur
activit. Lampleur de ces changements est dautant plus grande quelle est difficile
conceptualiser selon des catgories anciennes et quelle se dveloppera dans des formes nouvelles,
difficiles anticiper.
Lenjeu pour les entreprises est donc danticiper les changements luvre pour parer les
risques quils comportent, saisir les potentialits quils reclent, et tre capables den initier
dautres afin que la performance conomique saccompagne dune amlioration de la qualit de vie
au travail.
Cest par sa capacit matriser, anticiper, orienter les diffrents changements en cours et
venir que la France saura mettre profit la rvolution numrique pour en faire une source de
dveloppement conomique et de progrs social.
Structure du rapport
Le prsent rapport sorganise autour de trois axes :
Dans une premire partie, la mission sest attache identifier les principaux impacts du
numrique sur le travail, puis en dduire les cls dune russite de la transformation numrique.
La deuxime partie prsente de manire plus dtaille limpact de cette transformation sur
les principaux lments constitutifs du contrat de travail (lieu de travail, temps de travail, lien de
subordination), mais aussi sur la qualit de vie au travail et la fonction managriale.
La troisime partie est consacre aux 36 prconisations pour la russite de la transformation
numrique au sein des entreprises.
Impacts majeurs
La modification des conditions dexercice des activits induite par ces nouveaux outils et ces
modes de travail concerne tous les mtiers sans exception, manuels ou intellectuels, mtiers de la
connaissance ou de l'exprience.
Elle ncessite souvent de dvelopper ou dacqurir de nouvelles comptences. De nouveaux
mtiers apparaissent, dautres sont amens disparatre. Si les fonctions vente/marketing et IT sont
particulirement concernes, aucune fonction de lentreprise nchappe aujourd'hui ce
changement.
Les spcificits mais aussi les difficults de cette adaptation par rapport aux volutions
traditionnelles de lentreprise tiennent ce que la vitesse exceptionnelle de diffusion ncessite un
trs haut degr dadaptation et danticipation pour viter la dqualification, facteur de rupture
numrique.
voir note 1.
CREDOC, Enqute Conditions de vie et Aspirations des Franais , La diffusion des technologies de linformation et de la
communication dans la socit franaise, dcembre 2013.
3
Cest sans doute lune des questions les plus difficiles pose par la transformation numrique
sur le travail, et son articulation avec lentreprise traditionnelle. Dans le monde entier, la souplesse,
ladaptabilit mais aussi le business model de lconomie numrique repose sur la multiplication de
lemploi hors salariat.
En France, au-del de la symbolique du million dauto-entrepreneurs4 atteint cet t, on estime
quun travailleur du numrique sur 10 exerce dj aujourdhui hors du champ du salariat et cela
devrait continuer augmenter. Les freelance, personnes exerant une activit comme travailleurs
indpendants, reprsentaient, en 2014, 18% du secteur des services aux Pays-Bas, 11% en
Allemagne et 7% en France5, en augmentation de 8,6% sur cette mme anne.
La coexistence de ces nouvelles formes de travail et du salariat, la gestion harmonieuse de la
transition de notre pays vers lconomie numrique, mais aussi une concurrence loyale supposent
que soient poss de manire trs claire et trs ferme un certain nombre de principes essentiels la
prservation de notre modle social (cf. partie 3.3)
4
INSEE, Emploi et revenus des indpendants, juin 2015. Cette tude chiffre le nombre dautoentrepreneurs 982 000 fin
2014, laissant prvoir le dpassement de la barre du million au cours de lt 2015.
5
Donnes agrges par le McKinsey Global Institute Analysis partir dtudes dEurostat, du US Bureau of Labor
Statistics et de lOCDE. Sont compris dans la population de rfrence les travailleurs indpendants des secteurs de
linformation et de la communication, de la finance, de la recherche et dveloppement, ainsi que les services
administratifs.
Il importe plus gnralement de ne pas laisser se crer des zones de non-droit, la question est
ouverte de la reprsentation et de la dfense des intrts des personnes concernes par ces
nouvelles formes de travail, comme les organisations syndicales allemandes ont commenc le
faire (cf. encadr 2.1.4.).
Messages cls
10
les entreprises au cur de lconomie numrique reprsentent 5,5% du PIB, et 3,3% des
emplois en France : technologies de base et des infrastructures, services de
tlcommunication, applications et services informatiques, conomie du web ;
les secteurs dont le business model est dores et dj profondment impact par la
numrisation de lconomie reprsentent 12% du PIB : dition, musique, production
audiovisuelle, finance et assurance, R&D ;
les secteurs qui ont dgag des gains de productivit significatifs grce lintgration des
outils numriques, mais dont la transformation lie au numrique est loin dtre acheve
recouvrent la majorit du paysage conomique franais, avec 60% du PIB : commerce et
distribution, industrie, administration, enseignement etc ;
les secteurs dont limpact de la transformation numrique sur lemploi est plus lointain, 22%
du PIB (agriculture, bois, services la personne, restauration).
limpact sur le contrat de travail et sur ses lments constitutifs que sont le lieu et le temps de
travail, ainsi que le lien de subordination, critre du contrat de travail ;
la qualit de vie au travail, occasion daborder notamment les difficiles questions de la
rgulation des usages, de la charge de travail et de lvolution des collectifs professionnels ;
la fonction managriale enfin, celle-ci se trouvant au cur des transformations luvre.
11
2.1.
La mission sest tout dabord attache mesurer leffet de la transition numrique sur les
caractristiques fondamentales du contrat de travail (temps de travail, lieu de travail, lien de
subordination) ; puis identifier des bonnes pratiques, ou formuler des prconisations.
pour les PME ou ETI de lconomie numrique, comme Hi Media et Hi Pay7, la mission a pu
constater que le lieu de travail classique, par exemple en open space, demeurait rpandu ;
Certaines grandes entreprises ont entrepris une rflexion sur lorganisation gographique du
travail de certaines quipes dans le cadre de leur transformation numrique, avec une relle
dmarche exprimentale. Ils ont par exemple dvelopp :
Start-up uvrant dans les secteurs de la publicit digitale et des paiements en ligne.
Infographie Lvolution du coworking en 20 ans , Coworking Paris Centre, 2014.
9
Pour une dfinition du nomadisme, cf. 2.1.1.5.
8
12
tltravail domicile, avec alternance du travail dans les locaux de son employeur, et
diffrents rythmes dalternance selon la situation. Une variante est le tltravail occasionnel,
qui rpond des situations inhabituelles ou des situations durgence (grves des transports,
etc...) ;
en tl-local , cest--dire dans un centre proche de son domicile et partag avec dautres
travailleurs, pouvant parfois relever demployeurs diffrents :
le tltravail en bureau satellite, ou les tlcentres internes, qui relvent dun seul et
mme employeur ;
les sites de coworking, qui se dveloppent, mais concernent plutt des travailleurs
indpendants ;
tlmanagement , par lequel des salaris travaillent sur un site de lentreprise, sans
prsence physique permanente dun manager sur le site. Le tlmanager doit alors grer
distance une quipe localise sur des sites diffrents.
En outre, dun employeur lautre, les organisations diffrent selon, notamment :
le nombre de jours travaills distance : 48% des salaris tltravailleurs oprent distance
entre 1 et 4 jours par semaine, le plus souvent un ou deux, 15% seulement tant temps
plein14 ;
10
Source : Rapport du Centre danalyse stratgique Le dveloppement du tltravail dans la socit numrique de
demain , 2009.
11
Le tltravail nest pas en effet un statut comme lauto-entrepreneuriat : cest une simple modalit dorganisation de
lentreprise.
12
LBMG Worklabs, Le tltravail en France, 2012
13
Les trois premiers regroupements sont issus du rapport de 2009 du Centre danalyse stratgique Le dveloppement du
tltravail dans la socit numrique de demain , le dernier est issu de laccord sur tltravail France Tlcom-Orange
de 2013.
14
voir note 12.
13
lexigence ou non dune prsence physique pendant un certain nombre de jours par semaine ;
lexigence ou non dune disponibilit du manag sur une plage horaire fixe, alors que la loi
du 22 mars 2012 en fait une condition du tltravail ;
les degrs diffrents de formalisation des conditions concrtes dorganisation du travail
distance entre collaborateur et manager, l encore dtaills par la loi du 22 mars 2012.
la mise disposition plus ou moins efficace et performante doutils collaboratifs distance
(tlconfrences, visioconfrences, wiki, IM15, etc.).
La mission a relev les points de tension suivants dans le cadre du tltravail salari16:
difficult pour le manager de passer dune culture du contrle par la prsence une culture
du contrle par le rsultat des tches effectues ;
risque disolement des tltravailleurs, susceptible daccentuer la difficult verbaliser les
soucis rencontrs dans la ralisation dune tche ;
risque de dlitement du collectif ;
risque de perte du sentiment dappartenance lentreprise et du capital cognitif de
lentreprise.
Les rsultats de la rcente enqute Obergo17 sur le tltravail tel qu'il est vraiment pratiqu
montrent lapptence croissante pour ce mode de travail, mais aussi les principaux souhaits
damlioration des tltravailleurs :
95% estiment que leur qualit de vie est meilleure, mais 61% ressentent une augmentation du
temps de travail ;
plus de souplesse est demande dans le choix du nombre de jours en tltravail (ceux qui ont
une journe en tltravail et qui souhaiteraient en avoir deux) ;
plus de souplesse demande dans le choix des jours en tltravail ;
tensions croissantes lies au tltravail avec les quipes en poste.
La loi du 22 mars 2012, base sur laccord national interprofessionnel de juillet 2005, prvoit
le cumul de toutes les rgles du Code du Travail avec celles spcifiques au tltravail. Ce
cadre plus rigide que le travail salari classique et conu avant lmergence du Web 2.0 et du
Cloud incite des entreprises sortir du salariat, et faire tltravailler hors lien de
subordination et donc protection lgale et conventionnelle du droit du travail et protection
sociale allant avec - des free lances et autre travailleurs indpendants.
Pour viter cet ventuel effet de substitution pour les nouveaux travailleurs, la mission
prconise que les partenaires sociaux se saisissent dune modification de laccord national
interprofessionnel sur le tltravail qui a t sign en juillet 2005 pour viser autoriser des
exprimentations plus en adquation avec ltat actuel des technologies (cf. prconisation
n26).
15
Instant Messaging.
Car lANI de juillet 2005 comme la loi du 22 mars 2012 ne visent par dfinition que les salaris. Or rien ninterdit un
chef dentreprise de faire travailler un free-lance (franais ou tranger) en tltravail.
17
Source : Observatoire du tltravail et de lErgostressie (Obergo), 4me enqute sur les impacts du tltravail, juin 2015.
16
14
18
En amont, il va de soi que la mise en tltravail ne peut intervenir quelques semaines aprs lembauche : le
collaborateur doit connatre de lintrieur le fonctionnement et la culture de lentreprise et de son service, et avoir dj
nou des relations avec ses collgues. La plupart des accords collectifs prvoient ainsi une anciennet dau minimum six
mois parmi les conditions dligibilit.
15
19
Pour le tltravailleur dont laccident se produit dans un tlcentre ou sur un site de coworking, la prsomption
dimputabilit sapplique.
20
Article L. 411-2 du code de la scurit sociale et articles L. 1222-9 L. 1222-11 du code du travail.
21
Accord sur le dveloppement de la qualit de vie au travail du 31 mai 2012, avenant tltravail, Areva.
22
Car le risque rel vise moins le tltravailleur lui-mme (chute dans lescalier) que son environnement. A titre
dexemple, les circuits lectriques dun vieil appartement sont beaucoup moins srs que ceux dun bureau. Sur ce terrain
sensible, une inspection pralable (scurit + ergonomie) est une condition de lligibilit au tltravail.
16
son champ dapplication, car tout travail rgulier distance ne constitue pas du tltravail ;
les conditions dentre et de sortie du dispositif ;
lamnagement et le suivi de la charge et du temps de travail ;
la formation et la gestion des carrires ;
la protection de la sant et de la scurit des salaris ;
les outils et matriels ncessaires lexcution du travail ;
la prservation de la vie prive.
Ainsi, le nomadisme est une forme dorganisation du travail distance pouvant se distinguer
du tltravail en ce quil ne prsente pas de rgularit des moments et des localisations de
travail :
le collaborateur nomade ne dispose pas de bureau ddi dans les locaux de la socit ;
souvent charg de fonctions commerciales, la vocation du collaborateur nomade est dtre au
plus proche de ses clients.
Si les principes de base de lorganisation des statuts de nomadisme sont proches de ceux du
tltravail, la frquence des dplacements professionnels impliqus par un statut de nomade a
conduit au dveloppement de bonnes pratiques spcifiques pour contrer les risques daccidents sur
le temps de trajet et une jurisprudence spcifique qui rtablit pour les salaris nomades une
prsomption dimputabilit.
Ainsi, BNP Paribas prvoit, dans son accord sur le nomadisme conclu en 2013, une
formation spcifique sur le risque routier, ainsi quune prvention spcialise sur les risques
psycho-sociaux auxquels sont exposs les nomades.
17
le travail connect distance, permis par lusage de plus en plus rpandu des smartphones
dans le cadre professionnel, soulve deux difficults :
sur le plan juridique, il peut crer des situations pouvant contrevenir la directive
n2003/88/CE, telle que transpose en droit franais et prvoyant notamment des temps
minimum de repos quotidien et hebdomadaire, la dure maximale de travail, etc.
sur le plan de la qualit de vie lie au travail, larticulation entre vie prive et vie
professionnelle se complexifie. Les salaris peuvent ainsi travailler deux-mmes hors
temps de travail ; mais aussi tre sollicits sur les temps rservs au temps de repos
quotidien ou hebdomadaire, voire pendant les vacances ;
linverse, des lments de la vie prive peuvent sinscrire plus naturellement dans le
temps dit travaill . 47% des actifs dclarent ainsi faire un usage la fois professionnel
et personnel des outils numriques sur leur lieu de travail.23
23
CREDOC, Enqute Conditions de vie et Aspirations des Franais , La diffusion des technologies de linformation
et de la communication dans la socit franaise, dcembre 2013.
24
Article L.3121-43 du Code du Travail : Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'anne, dans la
limite de la dure annuelle de travail fixe par l'accord collectif prvu l'article L. 3121-39 :
1 Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions
ne les conduit pas suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'quipe auquel ils sont
intgrs.
2 Les salaris dont la dure du temps de travail ne peut tre prdtermine et qui disposent d'une relle autonomie
dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilits qui leur sont confies.
25
voir dfinition note 24 sur larticle L3121-43 du Code du travail.
18
Leur temps de travail se dcompte alors en nombre de jours travaills, et non plus en
heures ; et leur RTT se calcule galement en jours de repos supplmentaires. Mais ces salaris
restent soumis aux obligations en heures de repos quotidien (11 heures minimum) et hebdomadaire
(35 heures minimum).
La mission a constat que le dispositif de forfait jours tait globalement adapt aux
salaris prcits26 directement concerns par la transformation numrique.
Or le forfait jours est n en janvier 2000, dans un environnement dans lequel lusage du
numrique tait beaucoup moins intensif : absence de smartphone comme de web 2.0.
Et ce dispositif novateur a fait lobjet dun usage parfois abusif, rgulirement censur par la
Cour de cassation, que ce soit pour labsence dautonomie relle des salaris ou pour non-respect
des obligations de repos quotidien et hebdomadaire. Au nom de la sant, la jurisprudence a ainsi t
amene annuler un grand nombre daccords de branche instituant les conventions de forfaits en
jours.
Lanalyse des motifs dannulation27 montre limportance cruciale dtre notamment
dans une logique :
le forfait jours est la rponse la plus adapte aux salaris autonomes28 du numrique (cf.
supra) : il faut donc le scuriser ;
la disparition progressive de la notion de au temps et au lieu de travail pour ces salaris
ncessite de complter la mesure du temps de travail par une mesure de la charge de travail,
dont les modalits sont difficiles mettre en uvre : cest lenjeu majeur de lvolution du
travail qui se profile, caractrise par le travail en mode projet et des attentes vis--vis des
26
19
salaris en termes de rsultats Cest galement cette mesure de la charge de travail qui
permettra de garantir la protection de la sant du salari, notamment le respect dun temps de
repos suffisant ;
la situation des salaris du numrique , qui se connectent distance toute heure et
nimporte quel jour comporte des risques vidents de contrevenir au temps de repos
quotidien (11h) et hebdomadaire (35h), dont la finalit relve de la protection de la sant des
salaris.
Or ce forfait jours sappuie sur la directive europenne sur le temps de travail qui prvoit la
possibilit de drogations aux dures de travail maximales mais aussi aux temps de repos pour les
salaris dots dun niveau dautonomie ncessaire lexercice de leurs responsabilits29. Le
lgislateur franais n'a toutefois pas permis ces drogations au temps de repos.
tenant aux personnes (article 17.1) : Dans le respect des principes gnraux de la
protection de la scurit et de la sant des travailleurs, les tats membres peuvent droger aux
articles 3 6 lorsque la dure du temps de travail, en raison des caractristiques particulires de
l'activit exerce, n'est pas mesure et/ou prdtermine ou peut tre dtermine par les
travailleurs eux-mmes, et notamment lorsqu'il s'agit de cadres dirigeants ou d'autres personnes
ayant un pouvoir de dcision autonome 30;
tenant lactivit du salari (article 17.3) : il peut tre drog aux articles 3, 4, 5, 8 31
dans 21 cas, dont les activits caractrises par la ncessit dassurer la continuit du service ou
de la production , parmi lesquelles les activits de recherche et de dveloppement 32.
Il serait ds lors souhaitable que le lgislateur franais prenne en compte dans ses futurs
travaux la ralit vcue par les salaris du numrique concerns33, en dfinissant un cadre quilibr,
cest--dire scurisant la situation juridique dans laquelle ils se trouvent tout en satisfaisant aux
exigences en matire de sant au travail (cf. prconisation n11).
une volont de la part des salaris de matriser la fluidit entre les deux sphres. Mais
tous les salaris nont pas le mme pouvoir de ngocier et de rguler la frontire, car les
facteurs qui linfluencent sont nombreux : catgorie socio-professionnelle, ge, sexe,
horaires atypiques/variables, composition de la famille, habitudes, quipement/usages...
il est de la responsabilit de lemployeur dassurer le respect de la sant et la scurit
des salaris, notamment en garantissant les temps de repos.
savoir se dconnecter au domicile est une comptence qui se construit galement un
niveau individuel (des rapports au temps, longs construire et plutt stables) mais qui a
29
20
dans certaines entreprises, larticulation entre vie prive et vie professionnelle est faite
tacitement, la porosit tant accepte et trouvant son quilibre dans un attachement trs fort
aux jours de RTT.
principe dun droit la dconnexion en permettant aux salaris de ne pas rpondre aux
sollicitations (ex. La Poste, lAPEC, Syntec) ;
enfin, certaines entreprises (cf. encadr ci-dessous) ont dcid de rguler ces pratiques par
des dispositifs techniques rigides, par exemple en fermant les serveurs de messagerie
pendant le week-end. Dans ce cas, lentreprise porte la responsabilit de la rgulation.
Pourtant, 72 %37 des cadres travaillent dans des entreprises qui n'ont pris aucune mesure de
rgulation de la communication via les outils numriques et plus d'un tiers ont le sentiment de ne
bnficier d'aucun droit la dconnexion. Cest ce constat qui a motiv son inscription au sein de
laccord national interprofessionnel du 19 juin 2013 relatif lamlioration de la qualit de vie au
travail (article 17).
35
Catgorie socio-professionnelle.
Enqute 2013 Conditions de vie et Aspirations des Franais , du CREDOC (Centre de Recherche pour lEtude et
lObservation des Conditions de vie).
37
Francis Jaurguiberry, Dconnexion volontaire aux technologies de linformation et de la communication, 2013. Ce
document est un rsum du rapport final DEVOTIC remis lAgence Nationale de Recherche.
36
21
38
DATCHARY C., Grer la dispersion: un travail collectif, Sociologie du Travail, Elsevier, 2008.
Fdration des syndicats des mtiers de la prestation intellectuelle, du Conseil, de lIngnierie et du Numrique.
40
Voir notamment la directive 2003/88CE qui fixe la dure minimale journalire de repos onze heures.
41
Recherches conduites par Daimler AG avec le dpartement psychologie de lUniversit de Heidelberg en 2010 et 2011
sur le sujet A Multilevel Approach to Occupational Health Promotion.
39
22
Lien de subordination
Le lien de subordination est caractris par lexcution dun travail sous lautorit dun
employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, den contrler lexcution et de
sanctionner les manquements de son subordonn 42.
Cette subordination sentend, aux termes dun arrt de la Cour de cassation43, au sens
juridique : la seule dpendance conomique ne suffit pas en droit franais.
La Cour de cassation a nanmoins admis un certain assouplissement en reconnaissant que
des sujtions priphriques (de lieu, dhoraires, obligation de rendre compte, etc.) affectaient la
prestation de travail dun professionnel autonome (dans son aspect technique) et que celles-ci
suffisaient constituer un lien de subordination.
Mais le droit du travail tant dordre public, la requalification par le juge en contrat de travail
est automatique si un free-lance ou un autoentrepreneur travaille au quotidien dans des conditions
de subordination par rapport son donneur dordre (voir pour un auto-entrepreneur, CS, 6 mai
2015, n 13-27.535).
Or, bien avant la transformation numrique, les modalits de management ont t
considrablement bouleverses lorsque les organisations en mode projet se sont mises en place. En
lespce, ds lors que le manager hirarchique nest pas ncessairement le chef de projet, il ne
contrle plus directement :
Avec lentreprise employeur regroupant bien les trois critres, le lien de subordination nest
pas juridiquement remis en cause.
Mais ds lors que le manager conserve lvaluation du manag, lie juridiquement au
pouvoir de sanction, sans que celle-ci ne soit ncessairement assise sur la matrise des directives
excuter et sur sa capacit en contrler la bonne excution, le lien de subordination devient
parfois une zone de tension dans les organisations bases sur le management de projet. La
transformation numrique ne fait quajouter une nouvelle complexit au management de projet, et
acclre donc les volutions dtailles ci-aprs au 2.3.
Sagissant des cas de travail distance, le contrle de lexcution peut constituer une zone de
tension et rapidement se rduire un contrle des livrables. Le risque est alors de transformer
progressivement lobligation de moyens en une obligation de rsultat.
42
43
23
le salariat multi-employeur, qui concerne plus de deux millions dactifs, avec notamment des
groupements demployeurs, qui permettent aux entreprises de partager du personnel tout en
ayant un objectif de scurisation des parcours professionnels des salaris pluriactifs. Trs
concentr sur des secteurs prcis (agriculture, travail domicile), son impact global reste
ce jour limit ;
le partage de salaris sous forme de prt temporaire de main duvre entre entreprises
institu par la loi Cherpion de juillet 201145. Sous utilis, il offre pourtant des opportunits
des entreprises en sous-effectifs comme en sur-effectifs. Pour les salaris volontaires, cest
une opportunit valorisante dapporter un savoir-faire une nouvelle quipe et de sortir
dune situation de routine ou dennui lie une priode de sous activit. Diffrentes
plateformes numriques se mettent en place susceptibles de simplifier lorganisation du prt
(ex : Pilgreem.com ou flexojob.com).
44
Cette typologie reprend celle prsente par le rapport du COE (Conseil dOrientation pour lEmploi) sur lvolution
des formes demplois.
45
Article 40 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024408887&categorieLien=id
24
Son intrt rside dans la volont de proposer une solution dont lusage est simple
pour les entreprises et incluant une rgulation supplmentaire des risques de partage de
salaris : clauses dinterdiction de dbauchage, de confidentialit, etc.
Cette solution apporte de la souplesse au salariat, et rpond aux problmatiques de
variations de charge, de pnurie de comptences pointues, etc.
Enfin, du ct des travailleurs, on observe, selon lInstitut National des Statistiques et des
Etudes Economiques (INSEE)46, une augmentation progressive du travail non salari en France,
mme si elle reste moins marque que dans le reste de lEurope. Cette augmentation est pour partie
subie, consquence dun chmage massif (self employment) pour partie choisie et rpondant un
fort besoin dautonomie. Dans le premier cas, certains travailleurs indpendants, du fait de leur trs
forte dpendance conomique, se trouvent de facto dans une situation proche du lien de
subordination sans bnficier de la protection du salariat. Plusieurs dispositifs se situent aux
frontires de lemploi indpendant et de lemploi salari. Ces formes demploi plus rcentes sont :
46
le portage salarial lgalis en avril 2015 qui permet aux cadres souhaitant dvelopper une
activit autonome de bnficier des protections du salariat, et aux entreprises qui y font appel
de ne pas prendre de risque en matire de prt illicite de main d'uvre ;
les coopratives dactivit et demploi (CAE), qui sont des coopratives dentrepreneuriat
collectif. Leur statut a t consolid par la loi sur lconomie sociale et solidaire de juillet
2014. Elles scurisent la cration dentreprise en donnant au crateur le statut dentrepreneur
salari de la cooprative dont il peut par la suite devenir actionnaire (ex : Coopaname). Le
crateur reoit un salaire proportionnel au chiffre daffaires ralis. Outre la protection
sociale attache au statut de salari, il trouve dans la cooprative un cadre et un
accompagnement qui font souvent dfaut aux travailleurs indpendants.
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/REVAIND15_a_VE_panorama.pdf
25
mais cest surtout lauto-entreprenariat qui a connu un grand engouement la cration de son
statut mais qui parat rencontrer aujourdhui une limite son dveloppement, notamment en
raison du plafonnement du chiffre daffaires : 80.300 par an pour les activits
commerciales, 32.100 pour les activits librales ou de prestation de services.
Dans le cas de lauto entreprenariat comme dans les CAE, les rmunrations que ces
travailleurs indpendants russissent se verser restent souvent bien infrieures au SMIC.
LINSEE indique ainsi quau bout de trois ans dactivit en statut dauto-entrepreneur, 10% dentre
eux parviennent dgager un salaire suprieur au SMIC.48 Mais toujours selon lINSEE, le tiers
des entres en statut dauto-entrepreneur se ferait dans la perspective dun complment de revenu
au travail salari49.
Par ailleurs, la mission tient souligner la forte progression de crations de SCOP et SCIC 50,
mme si leur nombre reste limit lchelle de lconomie franaise. Ce dveloppement peut tre
vu comme un indicateur dune volont croissante dtre la fois salari et impliqu dans la gestion
de son entreprise.
47
26
Il convient en outre de signaler que ces nouvelles formes demploi posent la question du
rgime social des indpendants (RSI) dont relve aujourdhui la grande majorit des
travailleurs indpendants. La complexit de gestion a engendr des dysfonctionnements
critiques :
le crash informatique de 2008 qui a suivi la fusion de lUrssaf 51et du RSI a dbouch sur
4 ans de lourds dysfonctionnements du systme de cotisation (74% des indpendants ont
prouv au moins une difficult avec le RSI entre 2008 et 2014) ;
Cest pourquoi la mission sinterroge sur lorganisme de gestion de ces nouvelles formes
demploi.
La mission a donc constat la grande diversit des cadres juridiques dj existants
susceptibles dapporter une forme de flexibilit aux entreprises, ou dautonomie aux
travailleurs sans crer de linscurit. Cadres dont certains semblent pour lheure nettement
sous-utiliss.
La monte en charge de ces nouvelles formes de travail constitue une volution positive
pour dvelopper les nouveaux emplois issus du numrique et sortir du sous-emploi dont
souffre notre pays. Elle doit tre intgre notre systme de protection sociale, mais cela
suppose la transformation voire la cration dinstitutions sociales qui nexistent pas (cf.
prconisation n15).
Cette question est, au demeurant, dbattue dans beaucoup dautres pays, comme aux
Etats-Unis ou en Allemagne.
51
27
Rflexion engage par le Department of Labor de ladministration Obama sur les dfinitions du salari
et du travailleur indpendant
Dans la plupart des pays du monde dvelopp, une des consquences principales du
dveloppement de lconomie numrique sur les nouvelles formes demploi rside dans la
multiplication du recours des entreprises des travailleurs indpendants, vitant ainsi lapplication
des rgles tatiques, mais aussi conventionnelles applicables au travail salari.
La division Wage and Hour du dpartement du travail amricain a manifest53 son
inquitude face laugmentation, ces dernires annes, du nombre derreurs de classification des
travailleurs entre indpendants et salaris, ainsi que du msusage, par certaines entreprises, de cette
zone grise du droit du travail.
Une classification errone en travailleur indpendant impacte principalement la protection
sociale de lintress, mais entrane galement une perte de recettes fiscales pour lEtat. Par
ailleurs, une utilisation frauduleuse de la part des entreprises dun statut dindpendant en lieu et
place dune activit salarie pose galement un problme de concurrence dloyale par rapport
leurs concurrentes dclarant comme salaris lensemble de leurs travailleurs.
Le gouvernement amricain va sassocier ladministration fiscale (IRS54) ainsi qu 22
Etats partenaires pour analyser cette problmatique selon deux angles principaux : le partage
dinformations de la part des entreprises, et la clarification de la dfinition des formes de travail
salaries et contractuelles indpendantes.
Ainsi, la dfinition de la forme de travail concerne fera lobjet dun examen de lactivit
exerce et des modalits quotidiennes qui lencadre. Par exemple, si lactivit du travailleur est la
mme que celle de la socit qui lemploie, et sil ne dispose daucune autonomie dans le choix des
tches accomplir ni dans lorganisation de son temps de travail, il sera alors considr comme
salari. De mme lexclusivit de lactivit dun travailleur pour une seule entreprise, ou son travail
pour plusieurs socits pourraient devenir un des critres permettant de clarifier cette dfinition.55
53
Employee or Independent Contractor, David Weil, administrateur de la division Wage and Hour du Department of
Labor, 15 juillet 2015.
54
Internal Revenue Service.
55
Patrick Thibart, avocat associ au sein du cabinet Jeantet.
28
Dbats des partenaires sociaux allemands sur les nouvelles formes demplois
En juin 2015, loccasion du dialogue national sur lavenir du monde du travail lre du
numrique, les deux grandes confdrations patronales allemandes, le BDA et le BDI, ont
formalis un document numrant leurs positions sur la question.
Outre leurs demandes de gains de flexibilit et de limitation de linfluence syndicale pour la
digitalisation de lentreprise, elles ont discut notamment de la protection des nouveaux statuts de
travail de type crowdworkers.
Elles considrent que si le cadre de travail classique est maintenu, les autres formes de
travail qui vont apparatre ne doivent pas tre limites par un excs de rgulation . Le BDA et le
BDI refusent par exemple de discuter dun statut et dune protection spcifique pour les
crowdworkers, qui effectuent souvent des micro-tches domicile via une plate-forme
informatique.
Face cette prise de position, les partenaires sociaux ont mis en garde contre une vision de
lvolution du monde du travail qui risque de transformer chaque salari en petit entrepreneur ,
faisant exploser les standards sociaux et la protection du travail.
Le syndicat de la mtallurgie allemande IG-Metall a, pour sa part, lanc sa plateforme
FairCrowdWork Watch 56le 1er mai 2015. Ce site offre la possibilit aux crowdworkers de noter
les entreprises concernes notamment sur les conditions de travail et la rmunration, dchanger
entre eux sur les expriences acquises dans cette forme de travail, mais aussi de bnficier de
conseils juridiques de la part du syndicat.
Cette initiative vise couvrir cette nouvelle forme de travail dans le champ de sa
reprsentation. Le prsident dIG-Metall, Detlef Wetzel, a motiv cette dcision par linquitude
quil nourrit sur le sujet du travail en crowdworking qui chappe pour le moment aux cadres
juridiques du travail ainsi quaux accords collectifs sur les salaires.
Source :
56
http://www.faircrowdwork.org
29
30
volont de remplacer en partie lusage du courriel par les rseaux sociaux dentreprise (ex.
Atos) ;
principe de lexemplarit des managers (ex. Areva, Orange Ozone) ;
exprimentations autour de la prise de conscience de lmetteur (ex. Je suis absent, le
courriel que vous venez de menvoyer sera supprim : soit vous vous adressez mon
collgue qui prend le relais, soit vous renvoyez votre courriel mon retour Dans la
majorit des cas, le collgue qui prend le relais nest pas contact) ;
possibilit pour les salaris de se connecter, mais en diffrant leur envoi de courriels (ex.
Renault) ;
configuration des outils (ex. suppression du pop-up darrive du courriel pour respecter son
caractre asynchrone).
Ces dmarches conduisent des prises de conscience, mais plus rarement de rels changements
dusage.
Au niveau des branches, trois accords prvoient une utilisation raisonnable des dispositifs de
rgulation des outils numriques : branche de la bijouterie, joaillerie, orfvrerie57 branche des
personnels des agences gnrales dassurance58 , et branche des entreprises de courtage dassurance
et/ou de rassurance59. Dans cette dernire, il est mme prvu que cette utilisation soit
expressment voque lors de lentretien annuel obligatoire.
57
Accord du 31/01/2014.
Accord du 30/10/2014.
59
Accord du 19/11/2014.
60
Accord sur la prvention des risques psychosociaux lAPEC, 28 fvrier 2013.
58
31
61
62
32
rappel des exigences de dontologie et dthique : il est noter que ces rgles
dontologiques sont adaptes aux lgislations de chaque pays.
Le choix de ce mode de rgulation douce se base sur le constat que les collaborateurs
hautement diplms et fortement numriss 92% de diplms du suprieur se sont dj
appropris eux-mmes le digital. Lobjectif, sil ne peut tre celui de lenseignement dusages, est
donc d enseigner une conscience digitale .
Lapproche exprimentale semble aujourdhui la voie la plus approprie la mise en
place dune rgulation des usages des outils numriques en entreprise. Certaines mesures
peuvent ainsi aider les salaris se protger contre certains risques majeurs, notamment en
agissant sur les flux de messagerie.
63
Pour une premire recension, cf. tude exploratoire des facteurs de la charge de travail ayant un impact sur la sant
et la scurit : tude de cas dans le secteur des services IRSST Octobre 2010- pages 5 8.
Voir galement ANACT, Travail et Changement, n 307, 2006
Mieux
valuer la charge de travail,
http://www.anact.fr/portal/pls/portal/docs/1/30387.PDF.
64
Agence Nationale des Conditions de Travail.
65
Voir sa revue Travail et Changement, n 307, 2006
Mieux
valuer la charge de travail,
http://www.anact.fr/portal/pls/portal/docs/1/30387.PDF.
66
Exemples : National Aeronautics and Space Administration Task Load Index ; Subjective Workload Assessment
Technique.
33
de renforcer le collectif ; espaces collaboratifs, espaces de pause djeuner type loft ; espaces
de dtente, etc. ;
damliorer la qualit de vie au travail : espaces de silence pour les travaux ncessitant une
forte concentration ;
damliorer linnovation et la qualit du travail : espaces de runion ; espace R&D proches
des business units oprationnelles ; incubateurs au sein des murs, etc.
67
68
34
la ncessit dvoluer, de complter une logique de temps de travail par une logique de
charge de travail, en particulier pour les travailleurs du savoir et du numrique ;
le rle essentiel du management de proximit dans la gestion de la transformation
numrique.
Sur le plan juridique, le code du travail ne comprend que peu de dispositions sur les risques
dits psycho-sociaux proprement dits. Mise part la lgislation spcifique sur les harclements
et certaines autres infractions (violences, abus de vulnrabilit), cest le droit commun de la sant
au travail qui sapplique : notamment lobligation gnrale de prendre les mesures ncessaires pour
assurer la scurit et protger la sant des travailleurs73, que les juges franais ont qualifie
dobligation de rsultat74 pour lentreprise.
69
35
le droit et le devoir de dconnexion, dvelopps supra, peuvent constituer une rponse une
meilleure articulation entre vie prive et vie professionnelle ;
la ncessit de complter la logique de temps de travail par celle de charge de travail, qui est
lune des conclusions importantes des travaux de la mission. Une prconisation ad hoc sera
dtaille dans la troisime partie du rapport.
Par ailleurs, le compte-rendu de certaines des auditions menes par la commission rejoignent
galement les prconisations du rapport relatif au bien-tre et lefficacit au travail :
le management de proximit est identifi comme lacteur principal de la prvention des
risques psycho-sociaux ;
le dialogue social, plus que les dispositifs lgislatifs ou rglementaires, est remis au centre
dans la construction des conditions de sant au travail ;
la transformation numrique peut tre lopportunit de renforcer le collectif au sein de
lentreprise.
La transformation numrique peut tre un facteur daccroissement des risques psychosociaux lorsque les risques lis au collectif de travail sont insuffisamment apprhends, mais
les travaux de la mission montrent quelle peut galement avoir un effet de levier car les
conditions de la russite de la transformation numrique peuvent aussi tre des vecteurs de
lamlioration de la qualit de vie au travail.
75
Cf. Synthse de lanalyse des accords signs dans les entreprises de plus de 1000 salaris, Direction Gnrale du
Travail, avril 2011.
36
la capacit humaine faire adhrer la stratgie, conduire son quipe, soutenir le collectif,
tre attentif au dveloppement de ses collaborateurs, conduire le changement ;
lorientation rsultats, business, la vision stratgique.
sinscrire dans une gestion de projet diffrente de lorganisation hirarchique qui prvalait
jusquici ;
relayer la demande croissante de reporting, lie la mise sous tension des entreprises dans
un environnement plus incertain ;
grer des prestataires de service, en plus de leurs propres quipes et de la gestion de projet.
grer des collectifs temporaires amens se dissoudre moyen terme. Ce modle, dsign
sous les termes de modle Hollywood pour son origine dans la production
cinmatographique, dsigne la constitution dune quipe aux comptences complmentaires
uniquement runie pour la dure ncessaire lexcution dun projet.
dune part, une demande croissante dautonomie, de libert, correspondant aux valeurs
fondatrices des pionniers de lconomie numrique (autonomie, libert, fin du travail en
silos et des hirarchies, horizontalit, valuation par les pairs, fonctionnement par projet,
empowerment du salari.) mais aussi la culture des jeunes gnrations ;
le manager doit grer une diversit croissante de ressources internes et externes, avec
notamment :
des projets en collaboration avec des start-ups innovantes dans le but de rester en pointe
de linnovation technologique (cf. les exemples de Nike ou Tesco mis en exergue par le
cabinet de conseil Bain & Company) ;
Exemples de pratiques de collaboration avec des start-ups et des talents externes proposs par le
cabinet Bain & Company
La socit Nike a notamment lanc le programme Nike + Accelerator, qui regroupe au sein
dun programme de 3 mois des start-ups crant des produits ou services lis aux activits de Nike.
Ce dispositif est complt par le Fuel Lab, un espace de tests de ces innovations destination de
ces start-ups et des partenaires de Nike, qui leur fournit ressources et monitoring.
Les objectifs ici poursuivis visent rester la pointe de la technologie, sans pour autant internaliser
intgralement ces activits de recherche et dveloppement.
La socit britannique Tesco organise pour sa part des vnements trimestriels appels TJam qui offrent lopportunit aux start-ups de prsenter leurs produits et services des
techniciens seniors de Tesco, ces derniers pouvant ainsi changer sur les problmatiques et les dfis
rencontrs par la marque.
A lissue de ces vnements, Tesco peut ainsi proposer un banc dessai, des investissements
voire une opportunit de licence aux start-ups participantes.
La start-up amricaine de construction automobile Local Motors a rendu disponible en open
source son logiciel de design et dingnierie (CAO76) Design1 pour la conception de ses
nouveaux modles. Ce modle lui permet ainsi de fonctionner avec une quipe rduite 12
concepteurs, grce lapport dune communaut de prs de 13 000 contributeurs.
La construction de cette communaut a galement permis la start-up de proposer dautres
industriels du secteur de soumettre des projets sur cette plateforme, sous un format de
crowdsourcing. Le constructeur franais BTwin ou encore lamricain Peterbilt ont ainsi pu
dvelopper des designs grce ce modle, designs aujourdhui en phase de dveloppement.
76
38
77
MALLARD A., Lencadrement face au dveloppement des interactions en rseau. Quelques rflexions sur
le travail des managers dans les organisations fortement marques par les TIC, in Pierre-Michel Riccio et
Daniel Bonnet (dir.), TIC et innovation organisationnelle, Journes dtude MTO, Presses des Mines, 2011.
39
The Boston Consulting Group : Spotify comme exemple du modle de lentreprise agile
Le modle dorganisation agile adopt par Spotify repose sur le fonctionnement de
squads , soit de petites quipes de collaborateurs runies par une communaut dintrts et de
comptences.
Ces quipes sont diriges par un type de management nouveau, le coach agile , lequel se
caractrise par deux principes :
78
Rgles informelles lorigine, pouvant devenir une charte tablissant des rgles de conduite et des comportements
adopter dans la communication par outils numriques. Ncessairement distinctes du rglement intrieur permettant de
crer des rgles disciplinaires opposables, ces chartes taient particulirement populaires durant la premire vague du
numrique mais sont parfois tombes en dsutude par manque dactualisation aux nouveaux mdias : leurs rgles
doivent en effet ne pas tre technocaptives , car lies la technologie du moment. Voir ce sujet louvrage Netiquette
de Virginia Shea, 1994.
41
36
le niveau de formation lusage du numrique dans le cadre du travail reste trs insuffisant ;
seuls 23% des actifs concerns jugent que la formation continue les a trs bien prpars
lutilisation des technologies de linformation dans le cadre de leur travail79 ;
la formation doit constituer un effort rcurrent et durable : car de nouvelles technologies font
en permanence irruption dans lentreprise, obligeant les salaris monter en comptence
chance rgulire, ce mouvement nayant pas vocation se stabiliser ;
la transformation numrique recle des gisements demplois nouveaux pour nos entreprises
si elle est conduite avec agilit et rapidit : ce qui rend plus ncessaire encore la formation
voque prcdemment.
Lurgence de cette action est importante si lon veut viter que les emplois et les business
models ne soient trop impacts mme si lurgence est variable selon les secteurs.
La mise en uvre de cet effort dducation numrique doit tre encadre par les objectifs
suivants :
79
Rapport CREDOC 2013, La diffusion des technologies de linformation et de la communication dans la socit
franaise .
42
la formation aux nouvelles formes de travail, plus transversales, plus horizontales plus
coopratives, tendant vers le modle de lentreprise agile ;
la mise en place dune ducation numrique continue dans les entreprises, soit dun
dispositif permanent daccompagnement des salaris ;
Prconisation n2 : Lancer une consultation des branches pour mesurer leurs besoins
en formation.
Il sagit dinviter les branches professionnelles, dans un dlai de 6 mois, procder :
une apprciation des besoins sur leurs qualifications et leur cur de mtier ;
une valuation de leffort financier de formation quappelle la transformation numrique ;
une mise jour priodique de ces valuations.
Lusage des outils numriques permettant aux entreprises de raliser des conomies
substantielles sur leurs efforts de formation, il serait logique de rallouer ces moyens dans un grand
plan de mobilisation de la formation afin daccompagner la transformation numrique. Lannexe
n4 dcrit limpact de la mise en uvre de ce type de formation par IBM et Ple Emploi.
Cette forte mobilisation des moyens de la formation doit aussi tre engage afin dviter les
risques de fracture. Il est propos de mettre en place des formations ddies tant aux jeunes quaux
entreprises de manire lutter contre le risque que le secteur du numrique ne devienne un secteur
dexclusion, notamment en terme de mixit.
La situation trs htrogne dans les PME et ETI80 justifie un effort daccompagnement
consquent et doit constituer la grande priorit de la formation professionnelle.
Si les travaux de la puissance publique, appuys par les recommandations de ce rapport,
peuvent saisir les besoins gnraux et transversaux pour russir la transformation numrique, il faut
complter cette vision dune dfinition prcise des besoins en qualifications et en formation,
secteur par secteur, par la consultation des partenaires sociaux de chaque branche professionnelle.
Une priode de six mois pourrait ainsi tre alloue aux partenaires sociaux pour faire
remonter les besoins spcifiques intersectoriels et sectoriels : ils pourraient ensuite btir, dans une
logique collaborative avec le ministre du Travail, un cahier des charges visant prciser
larticulation de leffort dducation numrique prvu dans la prconisation n1.
80
43
81
Sil nexiste pas de dfinition consensuelle de la littratie numrique, le terme de littratie provient du concept de
littratie informationnelle qui dsigne laptitude comprendre et utiliser linformation crite dans la vie courante, la
maison, au travail et dans la collectivit en vue datteindre des buts personnels et d'tendre ses connaissances et ses
capacits selon lOCDE. Applique au numrique la littratie sappuie sur trois piliers : la capacit utiliser les outils
numriques, la capacit comprendre, de faon critique, le contenu numrique ainsi que la capacit pouvoir produire
des contenus grce aux outils numriques.
82
Jules Ferry 3.0, btir une cole crative et juste dans un monde numrique Rapport du Conseil national du
Numrique.
44
3.2
83
Enqute McKinsey 2014 sur les entreprises franaises et le numrique, enqute mene sur un chantillon reprsentatif
de 500 entreprises franaises, dont 325 PME.
45
46
Enfin, le management de proximit tant lchelon nodal des tensions dans lentreprise, il
importe quil soit soutenu par le top management.
Prconisation n9 : Intgrer
transformation numrique.
lobjectif
de
parit
hommes/femmes
dans
la
tant donn le dsquilibre existant dans les cohortes actuellement en formation dans les
mtiers du numrique, le risque encouru dans la transformation numrique est aussi de transmettre
ce dsquilibre au sein des mtiers de lentreprise.
Il existe du point de vue de la mission un risque majeur, du fait des strotypes quant
laccs aux mtiers techniques, dexclure massivement les femmes des nouveaux emplois
numriques alors mme que de nombreux emplois seront dtruits dans les mtiers
traditionnellement fminiss (marketing, RH, communication), recrant ainsi une situation trs
dsquilibre du point de vue de lgalit professionnelle.
Ainsi, lducation numrique devra galement sattacher permettre dassurer la promotion
de la diversit/fminisation de lconomie numrique.
Enfin, les entreprises peuvent mettre en place des dispositifs visant compenser les dficits
constats en termes de parit.
Par ailleurs, le secteur du numrique offre un gisement potentiel demplois pour les
personnes disposant dun plus faible niveau de formation. Les organismes de formation et autres
dispositifs daccompagnement des jeunes, notamment des jeunes en dcrochage scolaire, doivent
orienter tout particulirement les jeunes filles vers ces mtiers, en dpassant les strotypes attachs
aux mtiers fminins faible qualification.
47
Lenseignement doit prparer les futurs salaris arbitrer en fonction des situations et
selon les avantages attendus des diverses approches propritaires ou plus ouvertes et
coopratives.
Le modle de linnovation numrique est en effet de rpondre des dysfonctionnements ou
des attentes manant directement des usages que le consommateur fait des produits do lenjeu de
ne pas fermer le processus dinnovation au public. Cest par ce changement dattitude que plus
dentreprises franaises pourront sorienter vers un tat dinnovation permanente et de captation
des apports de la multitude 84.
Cette diversification des formations doit notamment sappuyer sur les professionnels
des entreprises innovantes pour la construction des rfrentiels dvaluation.
modifier larticle L.3121-39, avec les prcisions que devraient contenir les accords collectifs
de branche ou dentreprise autorisant laccs au forfait jours pour satisfaire aux exigences de
respect de la sant ;
prciser larticle L.3121-46 ce quil faut entendre par charge de travail ; en y ajoutant son
suivi et un droit dalerte individuel permettant de mettre rapidement fin dventuelles
drives.
Face au constat dress au 2.1.2.1 sur ladquation du forfait jours avec les besoins des
entreprises engages dans la transformation numrique, particulirement bien adapt aux
travailleurs du savoir, la mission prconise des dispositions lgislatives permettant de scuriser
court-terme ce dispositif.
Cr en janvier 2000, et assoupli en 200386et 200887, le forfait jours couvre aujourd'hui 47%
des cadres franais, dont beaucoup y sont attachs en raison des jours de congs supplmentaires
ainsi obtenus. Il a sans doute contribu laugmentation du temps de travail moyen des cadres
concerns, qui atteint prs de 46,4 heures par semaine88.
Or, depuis deux ans, dix conventions collectives de branche sur les douze ayant donn lieu
des contentieux ; ont t censures par les juges : son utilisation est aujourd'hui devenue incertaine.
Nombre dentreprises craignant dtre en infraction, il convient que la loi dfinisse mieux ses
conditions daccs. A dfaut, elles pourraient tre tentes dexternaliser leurs nouveaux emplois
vers un travail non-salari, en France mais aussi ltranger.
Pour la Cour de cassation centrant son analyse sur la sant, laccord collectif donnant accs
au forfait jours doit garantir que lamplitude et la charge de travail restent raisonnables, et
assurer une bonne rpartition, dans le temps, du travail de lintress (Soc. 7 juillet 2015).
84
Lge de la multitude, Colin & Verdier, 2013. Les auteurs introduisent dans cet ouvrage la notion de captation de la
multitude qui recoupe lenjeu dutiliser les capacits de cration de valeur dindividus qui ne sont ni employs ni
mandats par lentreprise.
85
voir dfinition note 24 sur larticle L.3121-43 du Code du travail
86
Loi Fillon du 17 janvier 2003 (L. no 2003-47).
87
L.n2008-111.
88
Etude publie dans DARES (Direction de lanimation de la recherche, des tudes et des statistiques), Analyses n048,
juillet 2015, Les salaris au forfait annuel en jours.
48
Par ailleurs, les modes de travail des collaborateurs en forfait jours89 du secteur du
numrique, concerns par la mission, conduisent un dcalage de plus en plus vident entre la
ralit du travail et le cadre juridique, pos par la directive de 200390. Cest pourquoi, il faut, dune
part, assurer un cadre juridique stabilis au forfait jours franais, dautre part, prendre en compte la
ralit de ces modes de travail, sagissant en particulier des temps de repos tout en satisfaisant,
enfin, aux exigences en matire de sant publique.
Si lon veut que lEurope ne rate pas le tournant de lconomie numrique, il est
indispensable de procder aux adaptations ncessaires, au niveau europen comme au niveau
national.
Prendre en compte la ralit des modes de travail des salaris connects distance et
autonomes dans lorganisation de leur travail quotidien tout en respectant les dispositions
proposes par la directive europenne est une des missions cls que les autorits publiques
doivent se fixer pour les mois qui viennent afin de supprimer les dsquilibres observs au
sein de la communaut des travailleurs du numrique, notamment en ce qui concerne les
temps de repos.
Par ailleurs, il convient dadapter la fiscalit des entreprises aux opportunits offertes par le
numrique.
La France dispose de nombreuses entreprises de qualit dj engages dans la transformation
numrique et leur contact avec les start-ups constitue pour elles un facteur dacclration de leur
transformation, notamment dans leurs modes de travail. Paralllement, de nombreux salaris sont
tents par laventure de lentrepreneuriat, notamment dans le secteur numrique, mais peuvent
rester freins dans leur lan compte tenu du caractre protecteur du CDI.
Enfin, notre pays doit rapidement crer un cosystme favorable encourageant lessaimage
digital et linvestissement des entreprises dans les start-ups.
89
49
Prconisation n14 : Supprimer la rfrence aux avantages en nature pour les outils
numriques.
La mission recommande la simplification et lallgement de la rglementation en supprimant
toute rfrence aux avantages en nature pour les quipements des salaris (smartphones, tablettes)
ainsi que pour certains frais lis au nomadisme.
Pour lheure, le cadre rglementaire est contraignant et freine les entreprises qui ont besoin
de dvelopper les usages de leurs salaris afin de rpondre aux besoins des clients. Ainsi, la
rglementation sur les moyens attribus aux salaris pour leur permettre deffectuer leur mission
dans le cadre du nomadisme devrait tre redfinie et largie tant pour les prts de matriels que
pour les remises gratuites, sans pour autant impacter lentreprise tant au niveau de lIS91 et de la
TVA92 que de la CVAE93.
Au-del des besoins de lentreprise, lquipement des salaris des grandes entreprises peut
jouer un rle de catalyse pour dvelopper la culture numrique une chelle plus large.
Prconisation n15 : Rinscrire les nouvelles formes de travail dans notre systme de
protection sociale.
Dans le prolongement du compte personnel dactivit, construire puis garantir un cadre
juridique pour favoriser lexercice de nouvelles formes de travail en dfinissant un socle de droits
attachs la personne et sa contribution indispensable au financement de notre systme de
protection sociale.
Une personne en emploi sur dix exerce en effet une forme de travail indpendant en France
et cette proportion progresse rapidement dans les secteurs les plus impacts par la transformation
numrique. Selon les chiffres fournis par The Boston Consulting Group la mission, le nombre de
freelance a augment de 85% en France entre 2004 et 2013.
La porosit entre ces nouvelles formes de travail et une activit salarie classique devient de
plus en plus importante : alternative en matire de statuts, mais aussi parfois cumul : la dernire
enqute sur le travail indpendant mene par lInsee en fvrier 2015 montre ainsi quun tiers des
auto-entrepreneurs exercent galement une activit salarie pour complter leurs revenus94.
Au vu de ces volutions des modes de travail comme de la diversification des parcours
professionnels, il est ncessaire de favoriser un dveloppement harmonieux de ces nouvelles
formes demplois et dactivits, en construisant un socle de droits attachs la personne et
transfrables dune entreprise lautre et/ou dun statut lautre, afin de lever les freins la
mobilit intra et inter entreprise.
91
50
La mission est convaincue dun double besoin de laccs une protection sociale pour les
nouvelles formes de travail, mais aussi de leur participation au financement gnral de la protection
sociale, ce niveau de protection devant tre tabli en rapport avec le niveau dactivit.
Les conditions de mise en place dun tel rgime pourront faire lobjet dune tude ad hoc
autour de diffrents scenarii construire. Les avantages dune telle volution seraient :
Lobjectif est de mettre en place une plateforme unique qui permette lindividu, tout au
long de sa vie professionnelle, dans et hors salariat, davoir accs lensemble de ses droits sous
format numrique.
3.4.
pour le salari et pour le manager : de se sensibiliser sur leur usage des outils numriques ;
pour lentreprise : de mettre leur disposition des formations en ce sens ;
que soit dveloppe une vraie rflexion dans le cadre de la ngociation collective sur la
charge de travail. Le dialogue social et la construction daccords doivent permettre de
clarifier les droits et devoirs de lentreprise et les conditions de mise en uvre de cette
mesure.
La bonne articulation entre vie professionnelle et vie prive est une condition majeure de la
russite de la transformation numrique, pour que celle-ci puisse rellement permettre une
amlioration de la qualit de vie.
Or, savoir se dconnecter est une comptence qui se construit galement un niveau
individuel mais qui a besoin d'tre soutenue par l'entreprise.
Avec laccs linformation partout, tout le temps, pour tous, il existe un risque de surcharge
cognitive et motionnelle, avec un sentiment de fatigue, dexcitation. Se pose en creux la question
des risques psycho-sociaux, ainsi que lenjeu de concurrence du temps dattention disponible.
On observe une profonde transformation de la relation au travail avec le mlange dans un
mme temps des temps de la dcision, de la rflexion et de laction. Un travailleur en runion peut
tre amen rpondre un SMS, prendre une dcision par courriel, tout en coutant ce qui est dit
et en rflchissant la suite de la runion.
Il est galement important de travailler sur la mise en place dune rgulation collective de la
surcharge informationnelle (solidarit, rciprocit entre salaris au niveau des quipes).
Au sein de lentreprise, diffrentes dmarches, pas forcment juridiques mais tout aussi
efficaces, doivent encourager la dconnexion : chartes, configuration par dfaut des outils, actions
de sensibilisation (ex. exemplarit des managers). Elle pourra galement permettre aux salaris de
sexprimer sur lutilisation des outils numriques dans leur travail au sein des espaces de discussion
dtaills dans la prconisation n25.
Enfin, la mission sattache rappeler quil ne sagit pas de substituer au droit de
dconnexion, qui doit devenir le plus effectif possible, le devoir de dconnexion mais bien de
le complter.
Cela passe notamment par le dveloppement de dispositifs de rgulation interne des usages
des outils numriques associant systmatiquement les utilisateurs sur le contenu, la finalit et les
rgles dutilisation de ces outils, ainsi que la mise en uvre des projets.
53
la mise en place dun diagnostic partag par lensemble des acteurs du rseau de prvention
sant ;
la dfinition dun certain nombre dindicateurs de prvention des RPS98, lesquels devront
tre de trois types99:
la fixation dune priodicit de ces valuations afin que lvolution de ces indicateurs puisse
inflchir la stratgie de prvention.
95
Sauveteur-secouriste du travail.
Directions rgionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de lemploi.
97
Caisses dassurance-retraite et de la sant au travail.
98
Risques psycho-sociaux.
99
Cette typologie se base sur celle issue de larticle 15 de lAccord national interprofessionnel du 19 juin 2013, Vers
une politique damlioration de la qualit de vie au travail et de lgalit professionnelle .
96
54
55
dclarations la CNIL100, etc), il doit tre encadr pour ne pas tre vcu comme
intrusif ;
contrle des rsultats : ncessit dun encadrement qualitatif en amont et en aval des
rsultats fournis.
Prconisation n27 : Dvelopper, en lien avec les collectivits territoriales, des tiers
lieux pour accueillir les nouvelles formes de travail.
Par ailleurs, la mission considre que le dveloppement des tiers-lieux au plus prs du
domicile des travailleurs participerait opportunment de lamnagement du territoire, dont les
collectivits territoriales ont fort intrt se saisir. Ainsi, il convient de faire du dveloppement des
tiers-lieux une priorit et dencourager les collectivits locales aussi bien rurales quurbaines
multiplier et diversifier ces lieux en sassurant des conditions daccs conomiquement
raisonnables.
La collectivit territoriale peut ainsi garder ou attirer sur son territoire des populations qui
autrement seraient obliges de migrer vers des bassins demplois plus denses.
Le salari se voit galement offert la possibilit de limiter ses trajets domicile/lieu de travail
et gagner ainsi en qualit de vie et en productivit.
En encourageant le dveloppement de tiers-lieux ouverts, les grandes entreprises peuvent
aussi participer, dans une logique de filires solidaires et damnagement du territoire, la
diffusion du numrique.
100
56
Prconisation n30 : Encadrer strictement lusage des donnes relatives aux salaris.
Le monde des ressources humaines nchappe pas au dveloppement des Big Data. Les
entreprises disposent de plus en plus dinformations sur leurs salaris (courriels, messageries
instantanes, appels tlphoniques, pages visites) comme sur les candidats lembauche. De
plus, certaines entreprises mettent en place des capteurs susceptibles de leur apporter des
informations sur les comportements de leurs salaris.
Le recueil de ces masses dinformations ouvre de nombreuses pistes, dont certaines sont dj
activement explores pour :
103
57
cette collecte de donnes ne porte-t-elle pas en elle le risque de surveillance des salaris, et
dans lhypothse positive, comment lencadrer ?
le salari peut-il avoir accs ses donnes de travailleur tout au long de sa vie
professionnelle pour connatre son score demployabilit, et, le cas chant, pouvoir mieux
se valoriser ?
de la mme manire peut-il avoir accs aux donnes lies son profil sur les rseaux de type
LinkedIn (nombre de consultations de son profil, par qui) ?
jusquo ces plateformes dHR analytics peuvent-elles collecter, stocker et croiser des
donnes ?
en parallle du quantified self mobilis sur une base individuelle et dans une perspective de
rflexivit personnelle (sur ses performances sportives, sur son sommeil), apparat un
quantified self au travail (mesure de lhumeur par exemple) plus ou moins contraint, ce qui
soulve des questions sur le droit des salaris obtemprer ce genre de mesure et avoir
accs aux rsultats de ces mesures.
Si des exprimentations sont mener dans ce domaine, le dveloppement des big data en
appelle galement des mesures de rgulation.
Pour rsumer, le dveloppement des big data sur la relation client commence atteindre les
donnes concernant les salaris eux-mmes. La mission considre que cette approche prdictive
peut apporter des progrs (relation personnalise pour les salaris, amlioration des processus
internes) mais aussi des risques importants (contrle, non-respect de la vie personnelle). Elle
recommande donc une disposition lgislative clarifiant lusage des donnes concernant ou
provenant des salaris, rendant notamment obligatoire la publication dune charte des donnes
salaris opposable dans chaque branche/entreprise.
Dune manire plus gnrale, limportance que prendra la gestion des donnes personnelles
des salaris invite :
consacrer le droit individuel accder aux donnes les concernant et procder, le cas
chant, leur rectification ;
explorer les conditions dans lesquelles ils peuvent avoir accs ces dernires pour leur
propre usage.
Par ailleurs, il importe de rflchir, au sein de lentreprise, une gouvernance intgrant des
organisations syndicales, afin de les associer la dfinition et au contrle de ces usages.
3.5.
58
En outre, la mission est davis que le dialogue social peut tre relanc en saisissant la
transformation numrique comme une opportunit pour co-construire les enqutes et permettre aux
IRP de se consacrer pleinement leur rle danalyse et de co-construction des rponses sociales au
sein de lentreprise.
Prconisation n32 : Favoriser laccs aux outils numriques des partenaires sociaux.
Lamlioration du dialogue social travers le numrique devra saccompagner dune
rflexion sur les conditions daccs des syndicats aux outils numriques dont le principe a dj t
dfini par disposition lgislative104.
Les organisations syndicales pourront bnficier de la mise leur disposition de moyens
techniques pour la mise en place doutils de communication numrique dans le but daccrotre leur
visibilit et damliorer lchange avec les salaris.
La mise en uvre de ces moyens de communications devra tre clairement encadre par un
accord ngoci avec la direction qui permettra notamment de dfinir les conditions de bon usage de
ces outils (encadrement de la frquence et de la taille des supports de communication).
Par ailleurs, limplantation de ces outils sera accompagne dune formation leur usage. Les
organisations syndicales devront aussi clairement identifier un ou plusieurs responsables de ces
moyens de communication.
Selon les moyens disposition de lentreprise, ces outils pourront par exemple prendre la
forme :
dun espace ddi sur lintranet de lentreprise avec possibilit dabonnement des
collaborateurs au(x) site(s) ddi(s) aux organisations syndicales (flux RSS105) ;
de courriels dinformation (newsletters, push-mails etc) priodicit rgulire ;
dautres outils collaboratifs dfinir (plateformes collaboratives dchange etc).
104
Article L.2142-6 du Code du travail : Un accord d'entreprise peut autoriser la mise disposition des publications et
tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la
messagerie lectronique de l'entreprise .
105
Really Simple Syndication, les flux RSS sont des fichiers qui servent stocker un certain nombre de contenus et pages
web.
59
3.6.
le dport du travail vers le client : de plus en plus nombreuses sont les entreprises qui
mettent leur client contribution dans la ralisation du service (montage de meuble,
passage en caisse). Ceci impacte aussi bien la relation client que le travail des salaris.
thme connexe mais distinct, le travail passif du client : lactivit du client via les
services en ligne lamne gnrer des traces et donnes qui sont ensuite valorises par la
plateforme qui fournit le service (notamment par la revente aux data brokers). Il existe un
dbat quant une potentielle reconnaissance de cette activit comme dune forme de
travail.
les relations sociales dans lentreprise tendue : De plus en plus dentreprises travaillent
avec un cosystme dacteurs, individuels ou collectifs, qui ne sont pas de simples soustraitants, mais dans une dmarche dinnovation ouverte, de co-conception et/ou de coproduction. De fait, cela peut amener un dcalage entre la communaut dappartenance
salariale et la communaut de travail au quotidien.
Ces questionnements appellent la mise en place de moyens dobservation, notamment
travers le financement de travaux de recherche (ANR ou autres), mais aussi ports par des
institutions comme lANACT ou par les organisations syndicales, de manire anticiper,
accompagner ou orienter les volutions venir.
La France doit se doter de sa propre capacit de recherche et danalyse des mutations des
formes de travail. A cet effet, il faut donc se doter des moyens de mettre en uvre un cadre
dexprimentations pour disposer dune relle vision stratgique sur ces sujets-l. Cela suppose que
les moyens de la recherche soient mobiliss en ce sens-l, pour pleinement entrer dans une logique
danticipation et non plus de raction.
60
106
Zukunftsdialog, dont lobjectif affich est de raviver et donner corps la dmocratie participative.
61
CONCLUSION
A lissue de ces travaux, lauteur du prsent rapport souhaite partager les convictions
suivantes :
La transformation numrique est dabord une chance, une opportunit pour permettre la mise
en place progressive de nouvelles organisations du travail plus transversales, plus souples, de
nouveaux modes de fonctionnement, plus coopratifs et plus collectifs qui rpondent des
maux, des excs de lentreprise daujourdhui et d'un modle taylorien bout de souffle.
Cela suppose la mise en place, pour avancer au rythme souhaitable, d'outils nouveaux, une
coopration entre acteurs de l'cosystme, une transformation culturelle profonde des
entreprises qui reste pour l'essentiel engager.
Comme toute transformation majeure, elle comporte des risques quil convient danticiper,
de prvenir, notamment via le dialogue social et un effort d'ducation au numrique de
grande ampleur. La rgulation des usages des outils numriques dans le ncessaire quilibre
vie prive-vie professionnelle est, de ce point de vue, une question absolument centrale,
notamment pour les cadres.
Il est urgent de mettre fin ce paradoxe qui voit plusieurs millions de salaris de nos
entreprises amens adapter leur quotidien de travail la diffusion des outils numriques,
sans que cette question nait t rellement aborde au niveau national, que ce soit dans le
cadre du dialogue interprofessionnel ou des rcents dbats lgislatifs. La prochaine
confrence sociale est une opportunit pour mettre fin ce paradoxe et engager cette
rflexion nationale.
Les 36 prconisations de ce rapport et le constat qui prcde ont t tablis dans un climat de
dialogue et dcoute qui rend lauteur du prsent rapport confiant sur la capacit dfinir une
voie quilibre permettant dadapter le cadre de nos pratiques en entreprise et de notre
lgislation sociale afin que notre pays puisse capter la part de bnfices (notamment en
termes demplois) attendus de la transformation numrique. Cela ncessite :
quune attention particulire soit porte la situation des emplois des plus fragiles en
entreprise de manire ce quanticipation et formation permettent de limiter les risques
de dqualification et d'exclusion ;
Bruno METTLING
62
ANNEXE N1
63
ANNEXE N2
64
65
ANNEXE N3
RAPPORTS
BIBLIOGRAPHIE
67
ANNEXE N4 :
RETOUR DEXPERIENCE SUR LA CONDUITE DE
DISPOSITIFS DE FORMATION DIGITALE PAR IBM ET
POLE EMPLOI
Dans le cadre de la transformation digitale de la formation interne, Ple emploi,
accompagn par IBM France, a mis en place de nouveaux dispositifs de formation fonds sur
une mthode collaborative.
Cette digitalisation de la formation va bien au-del du classique e-learning et de la
formation prsentielle traditionnelle que nous connaissons bien, elle transforme de faon
significative la manire d'aborder la formation et permet la mise en place de la "pdagogie
inverse".
Tout en gardant la notion de groupe d'apprenant dans une salle de formation
(habituellement compos de groupes de 12 apprenants et d'un formateur) le modle mis en
place chez Ple emploi est un modle hybride qui favorise fortement la collaboration entre les
groupes d'apprenants, les formateurs et les sachants mtiers.
Cette approche du rseau social d'apprentissage a un impact majeur sur la conception et
l'ingnierie de formation. Alors que, dans une formation prsentielle traditionnelle, le contenu
d'une journe de formation est souvent cr autour d'une prsentation de 80 diapositives (c'est
le maximum que peut absorber un apprenant au cours d'une journe de formation), ou quune
formation dite "e-learning" cr le contenu, fini et fixe du savoir transmettre (ce qui n'est pas
sans poser de problme concernant la maintenance de la formation), la "pdagogie inverse"
permet, par un accs direct aux sachants mtiers, l'ensemble de la communaut des
formateurs et la communaut des apprenants, une plus grande flexibilit, une plus grande
pertinence des connaissances transmises et autorise une personnalisation de la formation
mme pour des dploiements de plusieurs milliers d'apprenants.
Le "stagiaire" en formation est acteur de sa progression et personnalise son
apprentissage.
Il est apparu vident, lors de la mise en uvre du programme stratgique Ple emploi
2020 , que la rvolution numrique de loffre de services de ple emploi devait
saccompagner dun virage numrique en interne au travers de lutilisation du numrique au
quotidien par les agents et encadrants, notamment au travers de la formation interne
(acculturation interne).
Ainsi, depuis le dbut de lanne 2015, Ple Emploi a intgr dans son offre de
formation interne cette nouvelle modalit de formation digitale dite de pdagogie inverse .
Elle a permis, par exemple :
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