Exposé Rose Valland
Exposé Rose Valland
Exposé Rose Valland
SOMMAIRE
INTRODUCTION....................................................................................................................3
I. La machinerie de la spoliation nazi Paris......................................................................5
Les services et juridictions dappropriation allemands.......................................................................5
Jeu de Paume : le dpt du pillage.....................................................................................................6
Le sort des tableaux aprs le Jeu de Paume........................................................................................7
CONCLUSION.......................................................................................................................12
INTRODUCTION
Jusqu la fin de la Seconde Guerre mondiale, lAllemagne nazi entreprit un programme de
vol, confiscation, spoliation et pillage doeuvres dart et dautres biens culturels dans les
territoires occups. En raison de cette grande spoliation, une grande partie du patrimoine
artistique europen changea de mains. Ds juin 1940, avec loccupation allemande de la
France, une nouvelle voie sest ouverte pour la dprdation culturelle de ce qui tait
lpoque la capitale du march de lart : Paris. Contrairement aux politiques suivies par les
allemands dans lest de lEurope, o la spoliation suivra un caractre dappropriation
culturelle absolu, en Europe occidentale, et plus particulirement en France, les confiscations
taient diriges des secteurs trs prcis de la population tels que les juifs, francs-maons ou
opposants politiques.
Face au danger que posait la guerre, un plan de protection et dvacuation des uvres fut
tabli pour les muses franais et pour certaines collections prives. Ce plan fut men par
Jacques Jaujard, personnage qui avait particip au plan de sauvetage des collections
espagnoles lors de la guerre civile espagnole. Il sera nomm Directeur des muses nationaux
plus tard en dcembre 1939. Cependant, ds septembre 1938, les collections parisiennes ont
commenc peu peu tre mis labri dans des chteaux de province comme celui de
Chambord, qui a notamment hberg les collections du Louvre et une partie de la collection
du Jeu de Paume qui tait ce moment l le muse des coles contemporaines trangres.
Au sein de cette entreprise de sauvetage la figure dune femme ressort, celle de Rose Valland.
Sous lordre de Jacques Jaujard, elle restera au muse de Jeu de Pomme tout au long de
lOccupation pour assurer la surveillance des biens confisques ainsi que des oprations des
services allemands qui ont rquisitionn ce muse en novembre 1940. Cest grce sa
prsence parmi les allemands et sa connaissance de cette langue, quelle a pu tablir des
listes dtailles, transmises rgulirement Jaujard, de la plupart des oeuvres qui passeront
par le Jeu de Paume ainsi que dautres renseignements qui ont permis de connatre la
destination de ces oeuvres en Allemagne.
En 1961, Rose Valland publie le Front de lart, Dfense des collections franaises, 19391945, rcit critique qui raconte ces annes doccupations et son propre travail au sein du Jeu
de Paume. Dans cet ouvrage elle voque aussi des questions intressantes sur la scurit et
protection du patrimoine artistique national. Cest pourquoi, nous allons nous demander en
quoi le travail dinventorisation men par Rose Valland ainsi que le tmoignage de cette
dernire permettent de mieux comprendre les conditions de la spoliation et le pillage des biens
culturels franais, effectus par les nazis durant la Seconde Guerre Mondiale. Pour rpondre
cette question nous allons dans un premiers temps aborder lorganisation et le droulement de
la spoliation nazi Paris en gnral. Dans un second temps, nous allons nous intresser plus
spcifiquement au travail ralis par Rose Valland en utilisant des exemples plus prcis.
les autres deux organismes, et parfois il sopposera la spoliation ou informera mme les
muses des possibles incursions prvues par les autres organismes.
- L Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR)
Ilsagitdunorganismeallemanddirigpar Rosenbergds1933.L'ERRacommencses
oprationsdepillageenFrancedsjuillet1940aveclaconfiscationdelivresetarchives
appartenantdesjuifsetdesfrancsmaons.CefutpartirdOctobre1940,quelERRa
prisaussienchargelaconfiscationdesuvresdart.LepillageeffectuparlERRtaitsous
ladirectiondelaSonderstab Bildende Kunst qui avait ses bureaux Berlin et qui tait dirig
par Robert Schloz. Paris, ctait Kurt von Vehr qui assurait la direction du sige parisien de
lERR au Jeu de Paume jusqu ce quen 1943 il soit remplac dans cette tache par Hermann
von Ingram. Cependant, lautorit directe passa en ralit Hermann Goering peu aprs
linstallation de lERR au muse, lequel a t assist Paris par Bruno Lohse durant toute la
dure de lOccupation.
Officiellement, le muse du Jeu de Paume fut ferme et dot dune surveillance militaire ds
le 1er Novembre 1940, interdisant lentre tout franais ou allemand ne possdant pas un
autorisation de la ERR.
Pour lanne 1941, les espaces de Jeu de Paume staient rapidement remplis de nombreuses
caisses contenant des tableaux provenant des diffrentes collections. En gnrale, une fois ces
uvres catalogus et photographies par les photographes du Jeu de Paume, Rudolph Schloz
ou Heinz Simokart4, du service allemand. Par la suite, les uvres taient envoyes soit au
squestre du Louvre (salles du Louvre rserves par le gouvernement de Vichy au services
allemands nazis pour le catalogage et stockage des oeuvres), do elles taient envoyes en
Allemagne, soit envoyes directement du Jeu de Paume au territoire allemand.
Dans le btiment une salle tait rserve aux oeuvres considres par lidologie nazi comme
des productions enjuives dun art dgnr.5 Les franais lont appel la Salle des
Martyrs du a sa fonction. Elle se trouvait dans la partie la moins accessible et la plus recule
du muse, dans la salle du fond de ltage. Par ici, nombreux tableaux dartistes
contemporains sont passs, on y retrouvait des Matisse, Picasso, Braque, Lger, Soutine, Dali,
etc. Cependant, pour le Reichsmarschall, certaines de ces uvres, bien que contre lidologie
du rgime hitlrien, reprsentaient toute une conomie financire et de guerre non
ngligeable.
Le sort des tableaux aprs le Jeu de Paume
L ERR a transport depuis Paris environ 138 convois ferroviaires chargs de plus de 4, 000
caisses remplies avec duvres dart. La plus part des trains contenant ces objets artistiques
poursuivaient la mme route que celle des convois des dports juifs, mais une fois arrivs
la frontire allemande, les oeuvres poursuivaient leur propre direction. Ces tableaux taient
parfois destins aux collections prives de Hitler, ou dautres fonctionnaires dhaut rang
comme Ribbentrop ou Goering. Dautres, taient envoys dans les collections des institutions
publiques ou dans des refuges secrets regroupant les uvres destines tre utilises pour
lapprovisionnement du grand du projet du muse de Linz tant rv par Hitler.
Le Jeu de Paume na pas seulement assur une fonction de dpt, mais il a aussi t un endroit
important dexposition, compos dune grande quipe qui regroupait des militaires, des
historiens dart allemands, des photographes, etc. De nombreux dignitaires nazis, comme
Goering, venaient voir ici les uvres confisques pour ainsi slectionner celles quils
voulaient retenir. Il nest pas tonnant de voir que quand les tableaux portaient la signature
des peintres modernes quils qualifient de dgnrs , les fonctionnaires nazis prfraient
maintenir secret le fait dappropriation de certaines de ces uvres quils dnonaient
publiquement. En plus de disposer de ce butin artistique pour lapprovisionnement de ses
muses et de ses collections prives, ils ont cre un systme dchange dans lequel ils
rinsraient les uvres avec plus de valeur dans le march de lart. Cest pourquoi nombreux
de tableaux modernes des familles juives parisiennes se sont retrouves disperse partout dans
le monde.
Lorsque ces tableaux navaient pas assez de valeur pour tre vendus ou changs, ils taient
alors dtruits. Par exemple, daprs une lettre de Rose Valland du 23 juillet 1943, ce fut le
destin denviron 600 tableaux. Elle indique quun camion militaire les avait amen du
squestre du Louvre au jardin du Jeu de Paume, o ils furent brls. On trouvait dans le
bcher des peintures de Masson, Mir, Picabia, Valadon, Klee, Picasso, Lger, entre autres.6
franais ne passait pas inaperu cette poque et surtout moins au sein dun btiment de
lERR puisque ils taient en contact direct avec de hauts dignitaires allemands. En effet, son
tmoignage tait trs dangereux et risqu pour les services nazis. Pour cette raison elle utilisait
tous les prtextes possibles pour rester parmi eux et pour se promener dans le muse et de
cette faon pouvoir pour noter tout ce que lui paraissait relevant. Malgr sa discrtion, elle fut
chasse plusieurs fois du muse accuse de certains vols ou sabotages commis dans le muse.
propos de cette tache despionnage quelle avait adopte, Rose Valland se souvient que
Il sagissait surtout de savoir de quelle manire les Allemands disposaient des uvre dart
spolies -que ce ft Paris ou dans le Reich- pour le jour o nous aurions le rechercher et
les reprendre. Lorsquil devient vident que le chteau de Fssen en Bavire, qui avait
accueilli les premiers convois venant de France, ntait plus seul utilise et ne se maintenait
dans le circuit que comme une gare de triage, toute mon intention se tendit pour reprer les
nouveaux dpts dvacuation 7.
Toujours est-il, elle reprsentait aussi un avantage pour les allemands puisquelle connaissait
bien le muse et son fonctionnement, elle tait donc sous la responsabilit des gardiens de
chauffage, du nettoyage et des manutentions. 8 Avantage que peu peu que la fin de la guerre
se rapprochait, se retournait contre elle. Dailleurs, plusieurs fois on lui a demand de signer
une attestation qui lengageait ne rien dvoiler sur les activits au Jeu de Paume. De mme,
on sait aussi que von Behr avait dcid de la dporter en Allemagne pour la liquider avant la
fin des hostilits, cause du au dangereux tmoignage quelle reprsentait.
Les uvres et collections prives confisques ayant pass par le Jeu de Paume
Le gouvernement nazi visait ds son arrive Paris les grandes collections franaises:
Rothschild, Bernheim, David-Weill, Rosenberg, Strauss, qui seraient spolis, en vertu des lois
appliqus contre les juifs. Par exemple le 10 mars 1942 9, Rose Valland envoie une liste
Jacques Jaujard des Oeuvres dart moderne indpendant qui sont encore au muse du Jeu de
Paume qui ntaient pas conformes lesthtique du III me Reich. Cette lettre nous renseigne
7 Le Front de lart, Dfense des collections franaises, 1939-1945, p.102
8 Ibidem, p.103
9 Les Carnets de Rose Valland. Les pillage des collections prives duvres dart en France durant la Seconde Guerre
mondiale, p. 51-55
certes sur les uvres qui auraient servi comme monnaie dchange mais aussi sur la nature
des collections qui passaient par le Jeu de Paume. Elle cite ici 30 uvres de collection Kahn,
20 uvres de la collection Rothschild, 19 uvres de la collection Levy-Benzion, 15 uvres
de la collection Rosenberg-Bernstein, Bordeaux, 13 uvres de la collection Watson, 6 uvres
de la collection Lowenstein, 5 oeuvres de la collection Rosenberg Paris, entre autres.
Dans le chapitre XIII du Front de lArt, Valland sintresse la question de la confiscation
dune collection et choisi lexemple du pillage de collection Schloss, que nous allons aussi
approfondir. Il faut dabord revenir sur lidentit dAdolphe Schloss. Il tait un austrohongrois naturalis franais qui stait install Paris au dbut du XX me. sa mort en 1911,
il laisse sa femme et ses quatre enfants une riche collection compose de 333 tableaux dart
flamand et hollandais du XV, XVI et XVIIme sicle.10 Cette collection correspondait
parfaitement aux gots esthtiques du IIIme Reich et lidologie nationaliste-socialiste de ses
membres. En 1943, la collection fut repre, par les services des recherches allemands et
leurs auxiliaires franais, dans le chteau de Chambon, prs de Tulle, un endroit en zone
libre . Les Allemands, ne pouvant pas directement les confisquer, ils envoient des agents de
la section spciale de la Gestapo franaise, connus comme la bande des Bonny-Lafont
pour le faire. Aprs quelque mois de dlibration, la collection est envoye au Commissariat
gnral aux questions juives (CGQJ) Paris sous lautorisation de Pierre Laval, Premier
ministre du gouvernement de Vichy. Une fois que ces oeuvres arrivent sur Paris, pour donner
une apparence lgale, les Allemands dsignent un administrateur-liquidateur pour les vendre.
Certains de ces tableaux se sont sauvs du pillage car ils furent ingnieusement achets par la
Direction des muses nationaux et le reste par les Allemands, qui transfrent les oeuvres dart
au muse de Jeu de Paume comme dhabitude
Cet exemple, nous montre, en effet, quel point les accords internationaux face aux exigences
allemandes taient inutiles.11 Comme Rose Valland dit : Le mieux tait davoir lair
daccepter les ordres de loccupant -puisquil ntait pas possible de faire autrement- tout en
singniant troubler leur application .
La libration et la restitution des uvres
Dans les annes qui on suivi la fin de la guerre, les allis et dautres organisations de
restitution ont commence avec la tache denquter sur la localisation prcise des dpts
allemands des uvres confisques pour ainsi mettre en place des mcanismes de restitution.
Cest peu avant la fin dfinitive de la guerre que ces les listes des uvres et la localisation des
dpts allemands fait par Rose Valland, communiqus aux Allis, ont vritablement chang le
destin de nombreuses uvres dart qui auraient pu tre bombardes et dtruites par ces
derniers.
Daprs les listes de Rose Valland, les plus importants de ces dpts se trouvaient dans les
chteaux de Louis II de Bavire, Neuschwanstein, Hohenschwangau, Herrenchiemsee, et
au Fhrerbau. Les uvres plus secondaires se trouvaient dans les dpts de Buxheim, de
Nikolsburg en Tchcoslovaquie, de Kgl et de Seisseneg en Autriche. 12 Les Chef duvres
destins au muse Linz ont t retrouves dans les mines autrichiennes dAltausse et la
collection de Goering a t retrouve Berchtesgaden. Les objets retrouvs furent rassembls
dans des dpts provisoires qui se trouvaient Dsseldorf en zone britannique, Munich et
Wiesbaden en zone amricaine et Baden- Baden en zone franaise.
En France, se cra officiellement la Commission de Rcupration Artistique (CRA) le 23
janvier 1945, sous la direction de Albert Henraux, vice-prsident du Conseil des Muses
nationaux. Les services
jusquen aot 194613; parmi ses membres on retrouve notamment Jacques Jaujard et Rose
Valland. De plus, elle se rend en Allemagne pour identifier toutes les uvres quelle a pu voir
passer par le Jeu de Paume et intgre la 1ere arme du gnral de Lattre Tassigny.
Avec le retour denviron de 60 000 uvres spolies, la CRA organise en 1946 une exposition
intitule Les Chefs-duvre franais retrouvs en Allemagne par la Commission de
Rcupration Artistique et les services allis , dans le Muse de lOrangerie, endroit charg
dune fort valeur symbolique puisquil tait situ en face du Jeu Paume, lieu important car il a
vu partir beaucoup duvres vers lAllemagne pendant lOccupation, et que ce moment l
les voyait nouveau retourner.
CONCLUSION
En conclusion, nous pouvons affirmer que les renseignements fournis par Rose Valland ont
rsult dune importance capitale. Dabord parce que, comme on a pu le constater, ils nous
permettent davoir une connaissance plus directe sur lorganisation et le fonctionnement des
services allemands chargs du pillage des biens culturels en France. En effet, on apprend que
le Jeu de Paume a jou un rle fondamental dans ce pillage, en tant que lieu intermdiaire
entre la France et lAllemagne.
troitement li ces vnements se sont aussi mis en place dautre mesures pour la protection
des biens culturels lors dun conflit arme international comme le fut la Seconde Guerre
Mondiale. Parmi ses mesures on retrouve la cration dinstruments juridiques en droit
international, qui furent instaurs pour la premire fois dans les Protocoles de la Convention
de la Haye de 1954 et que parmi ses rgles, il y a une qui interdit lexportation des biens
culturels dun territoire occup lors dun conflit arm ainsi que la rtention de ces derniers au
titre de dommages de guerre.
En plus, nous pouvons dire quen termes de ce quon appelle aujourdhui la conservation
prventive, Rose Valland a ralis un travail dexception. Son travail dinventorisation, de
rpertorisation et de restitution nous montre quel point llment humain peut tre lun de
plus grands dangers pour la prennit des biens culturels, ou, au contraire, comme dans le cas
de cette femme, lun de plus grands protecteurs de ces derniers. Son travail aid
sauvegarder et assurer la prennit de nombreuses oeuvres que sans ces informations auraient
pu tre dtruites ou jamais retrouves.
BIBLIOGRAPHIE
Sources et ouvrages :
-
E. POLACK et P. DAGEN, Les Carnets de Rose Valland. Les pillage des collections
prives duvres dart en France durant la Seconde Guerre mondiale, Lyon, Fage
ditions, 2011.
Articles :
-
Webographie :
-
Das Bundesarchiv
(http://www.bild.bundesarchiv.de/cross-search/search/_1427235401/)