Alchimie Digby - La Poudre de Sympathie

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CHEVALIER DIGBY

LA POUDRE DE SYMPATHIE

DISCOURS FAIT EN UNE CELEBRE ASSEMBLE,


PAR
CHANCELIER DE LA REINE GRANDE BRETAGNE, &C.
TOUCHANT LA GUERISON
des Plaies par la Poudre de Sympathie.

A PARIS,
Chez CHARLES OSMONT, dans la grande Salle du Palais, du ct de la Cour des
Aydes, lEcu de France.
M.DC.IXXXI
Avec privilge du Roi.

CHEVALIER DIGBY

LA POUDRE DE SYMPATHIE

INTRODUCTION
Si nous consultons les modernes traits dart mdical, ils nous rpondront que la poudre
de sympathie est une chimre dont on est revenu depuis longtemps et quil ne faut rien
croire de ce qui a t dit et crit sur cette matire.
Cette poudre, ajoutent les mmes traits, qui passait autrefois pour avoir la proprit de
gurir les blessures mme distance, lorsquon la jetait sur le sang extra-vase du bless,
ntait autre chose que du sulfate de cuivre (vitriol) pulvris.
Nous ignorons quelles tudes se sont livrs sur la poudre de sympathie les auteurs des
dits traits, et sur quelles preuves ils appuient la ngation de ses proprits, mais la
dfinition quils en donnent nous montre elle seule quils ont pch par ignorance.
Ainsi comprise, il est certain que la poudre de vitriol ne peut avoir aucune action
curative sur lorganisme humain : ses proprits lui tant surtout donnes par les
diffrentes oprations auxquelles on la soumettait et qui paraissent inconnues de nos
auteurs.
Ces oprations ont pourtant une importance considrable, puisque cest delles seules
que dpend lefficacit du produit.
Nous nignorons pas que les pratiques de ce mode opratoire sembleront puriles ou
ridicules aux esprits superficiels et aux adeptes de lenseignement officiel.
Aussi nest-ce point & eux que nous nous adressons. Cest seulement aux curieux, aux
chercheurs, aux savants de bonne foi qui, dabord surpris par les thories de ces Ecoles
dOccultisme dont limportance grandit chaque jour, malgr les railleries et les
anathmes doit leur dbut a t accueilli, ont ensuite reconnu quil y a dans la nature
autre chose que ce qui est enseign par les Acadmies ; quil se produit chaque instant
des phnomnes inexplicables dont la cause dterminante doit tre des lois naturelles
encore inconnues, et qui, dans la mesure de leur savoir et de leurs moyens, ont entrepris
la recherche de ces lois. Laction de la poudre de sympathie agissant distance sur les
plaies et les cicatrisant semble appartenir cet ordre de phnomnes.
Nous avons personnellement entrepris de longues recherches sur ce sujet, nous avons
tent de nombreuses expriences, et comme il sest justement produit ce tait que les
affirmations des auteurs anciens se sont trouves en contradiction avec celles des
auteurs modernes et que les premires ont t confirmes par le rsultat de nos
expriences, nous avons rsolu de reproduire et de publier les deux plus curieux traits
crits sur ce sujet. En les livrant au public nous justifions dabord notre uvre de
vulgarisation ; nous donnons ensuite au lecteur curieux le moyen de contrler par lui2

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mme nos expriences, et nous offrons lamateur de rarets bibliophiliques une uvre
artistique, reproduction exacte de ldition possde par la Bibliothque Nationale.
Pour la commodit de la lecture, nous avons seulement supprim les s longues,
employes dans lancienne dition.
Cette reproduction est divise en deux parties : la premire comprend le Discours fait
en une clbre Assemble par le chevalier Digby, chancelier de la Reine de la GrandeBretagne, touchant la gurison des plaies par la poudre de sympathie.
A ct du sujet faisant le fonds de son discours, lauteur rapporte une foule de faits
curieux, tablit lorigine de nombreuses lgendes et dictons courant encore nos
campagnes et donne un aperu considrable des connaissances physiques et chimiques
de son poque.
La seconde, plus technique, est la Dissertation touchant la poudre de sympathie,
traduite du latin du sieur Papin, docteur en mdecine de la ville de Blois, par le sieur
Rault.
A cette seconde partie, nous avons ajout les expriences qui nous sont personnelles,
indiqu la marche que nous avons suivie pour la prparation de la Poudre et relat les
gurisons que nous avons obtenues par son emploi.
G. DEMAREST.
NOTICE HISTORIQUE
Sir KENELM DIGBY, philosophe et chimiste anglais, est n Gothurst, dans le comt
de Duckingham, en 1603, et est mort en 1665.
Devenu orphelin trois ans, il fut lev dans la foi prottante et dploya de bonne heure
des capacits remarquables. En 1623, il fut nomm gentilhomme de la Chambre par le
roi Charles Ier , qui professait pour lui une grande estime. En 1628, la tte dune
escadre quipe ses propres frais, il alla combattre les Algriens et les Vnitiens, en
guerre avec les Anglais et sacquit, par lheureuse russite de ses oprations, une grande
rputation de courage et dhabilet. En 1636, il vint en France et se convertit la
religion catholique. Lorsque clata la rvolution en Angleterre, Digby ayant embrass le
parti du roi, fut emprisonn par ordre du Parlement. Mis en libert en 1643, sur
lintercession de la reine de France, il migra dans ce dernier pays, y fut accueilli avec
une bienveillance extrme et jouit de lamiti de Descartes et dautres savants franais.
Aprs la Restauration, il retourna en Angleterre, fut fort en faveur auprs de Charles IL,
mais parut peu la cour, et, jusqu sa mort, se consacra tout entier ses travaux
philosophiques.
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Digby avait pous la fille dEdouard Stanley, Venetia Anastasia, clbre par sa beaut
vritablement extraordinaire. Pour lui conserver ses charmes, Digby, qui croyait aux
thories alchimiques et qui avait mme engag Descartes chercher un moyen de
prolonger indfiniment la vie, inventa des spcifiques et des cosmtiques de tout genre.
On dit mme que, pendant un temps, il ne fit manger la belle Venetia que des chapons
nourris avec des vipres, simaginant que ce genre de nourriture avait des vertus
merveilleuses. Digby ne put apprcier la valeur de ses inventions, car Venetia Anastasia
mourut la fleur de Page.
Ses principaux ouvrages, dans lesquels il fait preuve dun savoir trs tendu, sont :
Confrences avec une dame sur le choix dune Religion (1651); Trait sur la nature des
corps (1644) ; Trait sur lme prouvant son immortalit (1644); Trait de
lattachement Dieu ; Des gurisons des blessures par la poudre de sympathie (1658);
Discours sur la vgtation des plantes (1661).
DISCOURS TOUCHANT LA GUERISON DES PLAIES, PAR LA POUDRE DE
SYMPATHIE.
E CROIS MESSIEURS, que vous demeurerez tous daccord avec moi
quil est ncessaire, pour bien pntrer et connatre un sujet, dmontrer en
premier lieu sil est tel comme on le suppose ou quon se limagine :
Car ne perdrait-on pas inutilement et son temps et sa peine de s^occuper rechercher les
causes de ce, qui nest peut-tre quune chimre, sans aucun fondement de vrit.
Il me semble avoir leu en quelque endroit de Plutarque quil propose cette Question,
Pourquoi les chevaux qui pendant quils taient poulains, ont t poursuivis par le loup,
et se sont sauvs force de bien courir, sont plus vites que les autres. A quoi il rpond
quil se peut faire que lpouvante et la frayeur que le loup donne aune jeune bte, lui
fait faire toutes sortes defforts pour se dlivrer du danger qui la presse : et ainsi la peur
lui dnoue les jointures, lui tend les nerfs, et lui rend souples es ligaments et autres
parties qui servent la course ; de telle sorte quil sen ressent tout le reste de sa vie; et
en devient bon coureur. Ou peut-tre (dit-il) cest que les poulains qui sont
naturellement vtes se sauvent en fuyant, au lieu que les autres qui ne le sont pas tant,
sont attraps par le loup, et deviennent sa proie. Et ainsi, ce nest pas que pour avoir
chapp du loup ils en soient plus vtes ; mais cest que leur vitesse naturelle les a
sauvs du loup. Il en donne encore dautres raisons : et la fin il conclut, que peut-tre
aussi la chose nest pas vritable.
Je ne trouve pas redire, Messieurs, ce procd en des propos de table, o le principal
dessein de la conversation est de se divertir doucement et agrablement, sans y mler la
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svrit des raisonnements forts, qui tiennent les esprits bands et attentifs. Mais en une
Assemble si clbre que celle-ci, o il y a des personnes si judicieuses et si
profondment savantes, et qui en cette rencontre attendent de moi que je les paye de
raisons solides : Je serais bien marri, quaprs avoir fait mes derniers efforts pour
claircir comment la Poudre, quon appelle communment de Sympathie, gurit
naturellement et sans magie, les plaies, sans quon y touche, et mme sans quon voie le
bless ; lon rvoqut en doute, si telle gurison se fait effectivement ou non.
En matire de fait, la dtermination de Inexistence et de la vrit, dpend du rapport que
nos sens nous en font. Celle-ci est de cette nature : Car ceux qui en ont vu leffet et
lexprience, et ont t soigneux den examiner toutes les circonstances requises, et se
sont satisfaits aprs avoir reconnu quil ny a point de supercherie, ne doutent point que
la chose ne soit vritable. Mais ceux qui nont point vu de semblable exprience, sen
doivent rapporter au rcit et lautorit de ceux qui assurent les avoir vues. Jen
pourrais produire plusieurs dont je suis tmoin oculaire, et mme, quarum pars magna
fui. Mais comme un exemple certain et avr en laffirmatif, est convaincant pour
dterminer la possibilit et vrit de quelque matire dont on doute ; je me contenterai,
pour ne vous pas ennuyer prsentement, de vous en rapporter un seulement sur ce sujet;
Mais ce sera lun des plus illustres, clatants, publics, et avrs, qui ait jamais t, ou
qui puisse tre ; non seulement pour les circonstances remarquables qui sy trouvent ;
mais aussi pour les mains bien au-dessus du commun, entre lesquelles toute laffaire
sest passe. Car la gurison dune fcheuse blessure a t faite par cette Poudre de
Sympathie en la personne dun homme qui tait illustre, tant pour ses belles lettres que
pour son emploi : Toutes les circonstances ont t examines et pluches fond, par un
des plus grands et des plus savants Rois de son temps, le Roi Jacques dAngleterre, qui
avait un talent particulier, une industrie merveilleuse discuter les choses naturelles, et
pntrer dans leur fond : Par son fils le dfunt Roi Charles :
Par le dfunt Duc de Bouquingan, leur premier ministre : Et enfin le tout a t enregistr
dans les mmoires du grand Chancelier Bacon, pour ajouter en forme dAppendice
son histoire naturelle. Et je crois, Messieurs, que quand vous aurez entendu cette
histoire, vous ne maccuserez pas de vanit, si je mattribue dtre lintroducteur en ces
quartiers du monde, de cette faon de cure. Voici donc comment laffaire se passa.
Monsieur Jacques Hovvel, secrtaire du Duc de Bouquingan (assez connu en France par
ses crits, et particulirement par sa Dendrologie, traduite en Franois par M. Baudouin,
ce me semble) survint un jour comme deux de ses meilleurs amis se battaient en duel. Il
se mit aussitt en devoir de les sparer : Il se jette entre eux deux, et de sa main gauche
saisit les gardes de lpe de lun des combattants, pendant que de sa droite nue il
empoigne la lame de lautre. Eux, transports de furie chacun contre son ennemi, font
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leurs efforts de se dfaire de lempchement que leur ami commun leur donnait de se
tuer lun lautre ; Et lun tirant brusquement son pe, qui ne pouvait pas tre retenue
par la lame, coupe jusqu los tous les nerfs, muscles et tendons du dedans de la main
de M. Hovvel ; et mme temps lautre dgage sa garde, et porte un coup destramaon
la tte de son adversaire, qui va fondre sur celle de son ami, lequel pour parer le coup,
hausse la main dj blesse, qui par ce moyen fut coupe autant par le dehors, comme
elle tait au dedans. Il semble quune trange constellation rgnait alors contre lui ; qui
faisait rpandre son sang par les armes de ses meilleurs amis; qui en leur sens rassis
auraient hasard tout le leur pour garantir celui de leur ami. Au moins cette effusion de
sang involontaire, dtourna celle quils sefforaient de faire lun contre lautre : Car
voyant le visage de Monsieur Hovvel tout couvert de sang tomb de sa main leve, ils
accourent lui pour lassister, et aprs avoir visit ses blessures, ils les bandent de lune
de ses jarretires, pour tenir closes les veines qui taient toutes coupes et saignaient
abondamment. Ils le ramnent chez lui cherchant un Chirurgien, et le premier venu
servit pour lui mettre le premier appareil. Pour le second, quand se vint ouvrir la plaie
le lendemain, le Chirurgien du Roi y fut envoy par sa Majest qui affectionnait
beaucoup ledit sieur Hovvel. Jtais log tout proche de lui. Et un matin comme je
mhabillais, quatre ou cinq jours aprs cet accident, il vint en ma chambre pour me prier
de lui donner quelque remde son mal ; dautant (dit-il) quil avait appris que jen
avais de trs bons pour semblables occasions ; et que sa blessure tait en si mauvais tat,
que les Chirurgiens apprhendaient que la gangrne ne sy mt : ce quarrivant, il lui
fallait couper la main. En effet son visage tmoignait la douleur quil endurait, laquelle
il disait tre insupportable, mais avec une inflammation extrme. Je lui rpondis, que je
le servirais volontiers : mais que quand il saurait de quelle faon je pensais les blesss,
sans avoir besoin de les toucher ou de les voir, peut-tre il ne le voudrait plus, parce
quil croirait cette manire de gurir, ou superstitieuse, ou inefficace. Pour la dernire
(dit-il) les grandes merveilles que plusieurs personnes mont racont de votre
mdicament, ne me laissent point douter de son efficace : Et pour la premire, tout ce
que jai dire est compris en ce proverbe Espagnol, haga se elmilagro, y hagalo
Mahoma. Je lui demandai donc quelque pice dtoff ou de linge sur laquelle il y aurait
du sang de ses plaies.
Il envoya incontinent qurir la jarretire qui lui avait servi de premier bandage : Et
cependant, je demandai un bassin deau, comme si je me voulais laver les mains, et prit
une poigne de poudre de vitriol que je tenais en un cabinet sur ma table, et jy fis
promptement dissoudre. Aussitt la jarretire me fut apporte, je la mis dans le bassin,
remarquant bien ce que faisait cependant Monsieur Hovvel : Il parlait un
Gentilhomme en un coin de ma chambre, sans prendre garde ce ce que faisais ; et tout
lheure il tressaillit, et fit une action comme sil sentait en lui quelque grande
motion : Je lui demandai ce quil avait, et ce quil sentait. Je ne sait (dit-il) ce que jai,
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mais je sais bien que je ne sens plus de douleur : Il me semble qu^une fracheur agrable
comme si ctait une serviette mouille et froide, spand sur ma main, ce qui ma t
toute linflammation que je sentais. Puis donc, lui rpliquai-je que vous sentez un si bon
effet de mon mdicament, je vous conseille dter tous vos empltres ; tenez seulement
la plaie nette et en un tat modr et tempr de chaud et de froid. Ceci fut aussitt
rapport Monsieur de Bouquingan, et peu aprs au Roi, qui furent tous deux fort
curieux de savoir la suite de laffaire, qui fut, quaprs dner jtai la jarretire hors de
leau et la mis scher un grand feu.
A peine tait-elle bien sche (et pour cet effet, il fallait quelle et t premirement
bien chauffe) que voil le laquais de Monsieur Hovvel qui me vint dire que son matre
sentait depuis fort peu de temps autant de douleur que jamais, et encore plus grande,
avec une douleur si extrme, comme si sa main et t parmi les charbons ardents. Je lui
rpondis que quoi que cela ft arriv prsent, il ne laisserait pas de se bien porter dans
fort peu de temps ; que je savais la cause de ce nouvel accident; et que jy donnerais
ordre, et que son Matre serait dlivr de sa douleur et inflammation, avant quil pt tre
de retour chez lui pour len assurer. Mais quen cas que cela ne ft pas, quil revnt
men advenir, sinon quil navait que faire de retourner. Avec cela, il sen va, et
linstant je remets la jarretire dans leau : sur quoi, encore quil ny et que deux pas
chez son Matre, il le trouve tout fait sans douleur, et mme avant quil y arrivt, elle
tait entirement cesse. Pour faire court, il neut plus de douleur, et dans cinq ou six
jours sa plaie fut cicatrise et entirement gurie. Le Roi Jacques se faisait
ponctuellement informer de tout ce qui se passait en cette cure : Et aprs quelle fut
acheve et parfaite, il voulut savoir de moi comme elle stait faite, mayant
premirement raill (ce quil faisait toujours de trs bonne grce) de Magicien et de
Sorcier. Je lui rpondis que je serais toujours prt faire tout ce que sa Majest
mordonnerait : Mais que je le suppliais trs humblement de me permettre avant que de
passer outre, de lui dire ce que lAuteur de qui javais appris le secret dit au grand Duc
de Toscane sur semblable occasion. Ctait un Religieux Carme nouvellement venu des
Indes et de la Perse, Florence, et mme il avait t en la Chine ; qui ayant fait de
merveilleuse cures avec sa poudre, depuis son arrive en Toscane, le Duc lui tmoigna
quil serait bien aise de rapprendre de lui. Ctait le pre du grand Duc qui rgne
aujourdhui. Le Religieux lui rpondit que ctait un secret quil avait appris en lOrient,
et quil croyait quil ny avait que lui qui le st en Europe, et quil mritait quil ne ft
pas divulgu. Ce qui ne se pourrait pas faire, si son Altesse se mlait de lexercer ;
dautant quil ne le ferait point de ses mains : et que sil y employait son Chirurgien ou
autre valet, il y aurait en peu de temps bien d^autres personnes qui le sauraient aussi
bien que lui. Sur quoi son Altesse ne le voulut plus presser l-dessus. Mais quelque
mois aprs, jeus le moyen de faire un trs important plaisir ce Religieux, ce qui fut
cause quil ne me voulut pas refuser son secret : Et la mme anne il sen retourna en
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Perse. De sorte que je crois tre maintenant le seul en toute lEurope qui sache ce secret.
Le Roi me rpliqua que je napprhendasse point quil le divulgut, car il ne se fierait
personne en faisant exprience de cette cure ; mais la ferait toujours de sa main propre,
et que je lui donnerais de ma poudre. Ce que je fis, et linstruisis de toutes les
circonstances, et sa Majest en fit plusieurs preuves, en toutes lesquelles elle eut une
singulire satisfaction. Cependant, Monsieur de Mayerne son premier Mdecin, veillait
pour dcouvrir ce quil pouvait de ce secret, et la fin il parvint savoir que le Roi se
servait de Vitriol. Alors il maborde, et me dit quil navait os me demander mon secret
parce quil avait su que javais fait difficult de le dire au Roi. Mais cette heure quil
avait appris de quelle matire il se fallait servir, il esprait que je lui communiquerais
toutes les circonstances de ce quil fallait faire. Je lui rpondis que non seulement cette
heure, mais sil me let demand ds le commencement, je lui aurais franchement tout
dit. Car entre ses mains il ny avait point de danger quun tel secret se prostitut. Et en
suite je lui dis le tout. Peu aprs il sen alla en France pour voir une belle terre quil
avait nouvellement achete proche de Genve, qui est la Baronie dAubonne. En ce
voyage il alla voir Monsieur le Duc de Mayenne, qui depuis longtemps avait t son
grand ami et Protecteur ; et lui enseigna ce secret. Le Duc en fit plusieurs expriences,
qui en toutes autres mains que dun Prince si pieux et si Religieux auraient pass pour
effets de Magie et dEnchantement. Aprs la mort du Duc (qui fut tu au sige de
Montauban) son Chirurgien qui le servait faire cette cure, vendit ce secret plusieurs
personnes de condition, qui lui en donnrent des sommes considrables ; de sorte quen
peu de temps il devint riche par ce moyen. La chose tant ainsi tombe en plusieurs
mains, ne demeura pas longtemps en termes de secret ; mais peu peu elle sest
tellement divulgue, qu peine y a-t-il aujourdhui un barbier de village qui ne la sache.
Voila donc, Messieurs, la Gnalogie de la Poudre de Sympathie en nos quartiers, et
une histoire notable dune cure fuite par cette Poudre : Il est temps dsormais de venir
la discussion, qui est de savoir comment cela se fait. Il faut avouer que cest une chose
merveilleuse, que la plaie dune personne blesse puisse tre gurie, ou son
inflammation et douleur augmente par lapplication dun remde appliqu un
morceau de linge, ou une pe mme en grande distance. Et il ne faut pas douter que si
aprs une longue et profonde spculation de toute lconomie et enchanement des
causes naturelles qui peuvent tre juges capables de produire un tel effet, on tombe la
fin sur les vritables ; il faut quelles aient des ressorts et des moyens dagir bien subtils
et bien dlis : jusqu cette heure, elles ont t enveloppes des tnbres, et juges
tellement inaccessibles que ceux qui se sont mls den parler ou den crire (au moins
ceux que jai vu) se sont contents den dire quelques gentillesses ingnieuses, sans
traiter la matire bien fonds, et plutt pour montrer la vivacit de leur esprit et la force
de leur loquence, que pour satisfaire leurs Lecteurs ou auditeurs, en leur enseignant
comment la chose se fait. Ils veulent que nous prenions pour argent contant, des termes
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que nous nentendons point, et ne savons pas ce quils signifient. Ils nous payent de
convenances, de ressemblances, de Sympathie, de vertus magntiques et de semblables
paroles, sans nous expliquer ce que ces termes veulent dire. Ils croient avoir bien russi
sils persuadent faiblement quelquun que la chose se peut faire par une voie naturelle,
et sans avoir recours lintervention des dmons ou esprits : Et ils ne prtendent en
aucune sorte avoir trouv des raisons convaincantes pour dmontrer comment cela se
fait. Si je nesprais, Messieurs, pouvoir gagner autre chose sur vos esprits ; je veux
dire, que si je ne croyais vous pouvoir persuader que par des paroles, je ne laurais pas
entrepris. Je sais trop bien, Quid ferre rcusent, quid valeant humeri. Un tel dessein
demande grand feu, vivacit et pointes de conceptions, volubilit de langage, proprit
dexpressions, pour insinuer comme par surprise, ce quon ne saurait emporter de pied
ferme, et par des raisons froides, quoi que solides. Un discours de cette nature ne se doit
pas attendre dun tranger, qui se trouve oblig de dire ses sentiments en une langue ; en
laquelle il a peine dexprimer ses conceptions ordinaires. Nanmoins, Messieurs, ces
considrations ne mempcheront pas de me charger dune entreprise qui pourra
sembler quelques-uns bien plus difficile que celle que je viens de dire ; savoir, de
bien prouver et convaincre que cette gurison quon appelle de Sympathie, se peut faire
naturellement ; et de vous montrer lil, et faire toucher au doigt, comment elle se
fait. Vous savez, Messieurs, que les persuasions se font par des arguments ingnieux,
qui tant exprims de bonne grce, chatouillent plutt limagination, quils ne satisfont
lentendement. Mais les dmonstrations sont bties sur des principes certains et
prouvs ; et quoi quelles soient grossirement nonces, nanmoins elles convainquent,
et les conclusions en sont tires avec ncessit. Elles procdent comme une visse
attache contre une porte pour labattre, ou sur une lame de mtal pour y imprimer la
marque de la monnaie, chaque tour quelle fait, elle ne sapproche que de peu, et quasi
insensiblement ; et ne fait gures de bruit, ni ne requiert pas une si grande force pour la
tourner : mais son effort, quoi que lent, est si invisible, qu la fin elle abat la porte, et
fait limpression profonde dans la plaque dor ou dargent : Au lieu que des coups de
marteaux ou de barres (auxquels se peuvent comparer les discours ingnieux et
conceptions fleuries des beaux Esprits) demandent des bras de Gants, font beaucoup de
bruit, et au bout du conte, produisent peu deffet. Pour entrer donc en matire ; Je posera
y premirement (selon la mthode des dmonstrations gomtriques) six ou sept
principes comme pierres fondamentales, sur lesquelles je btirai mon difice : Mais
aussi, je les tablirai si bien et si fermement, quon ne fera pas difficult de me les
accorder. Ces principes, seront comme les roues de la machine dArchimde, par le
moyen de laquelle un enfant tait capable dattirer sur la terre la grosse caraque du Roi
Hieron, que cent paires de bufs avec toutes les cordes et chables de son Arsenal, ne
pouvait pas faire seulement branler. Et par le moyen de ces principes, jespre de
conduire ma conclusion bon port.
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Le premier principe donc sera Que lorbe ou sphre de lair est rempli de lumire. Sil
tait besoin de prouver en cet endroit que la lumire est une substance matrielle et
corporelle, et non une qualit imaginaire et incomprhensible (comme plusieurs de
lcole le prtendent) je le ferais avec assez dvidence. Je lai fait suffisamment en
quel-quautre trait qui a t publi depuis quelques annes. Et ce nest pas une nouvelle
opinion : Car plusieurs Philosophes des plus estims parmi les anciens lont avance et
mme le grand Saint Augustin en sa troisime Eptre Volusien tmoigne quil est de
ce sentiment. Mais pour notre affaire prsente, que la lumire soit lune ou lautre, cest
assez dexpliquer son cours, et les voyages quelle fait, dont nos sens nous rendent
tmoignage. Il est vident que sortant continuellement de sa source, qui est le Soleil, et
slanant avec une merveilleuse vitesse de tous cots par lignes droites ; l, ou elle
rencontre quelques obstacles en son chemin par lopposition de quelque corps dur et
opaque, elle se rflchit, elle saute de l, ad angulos quale, et reprend un autre cours
par une autre ligne droite, jusqu ce quelle ait bricol vers un autre ct par le choc
dun autre solide; et ainsi elle continue faire de nouveaux bonds a et l, tant quenfin
tant chasse de tous cots par les corps qui sopposent son passage, elle se lasse et
steint. Tout de mme donc que nous voyons une balle en un jeu de paume, qui tant
pousse par un puissant bras contre une des murailles, saute de l lopposite, tant que
souvent elle fait le circuit de tout le jeu de paume, et achev son mouvement proche du
lieu o elle lavait commenc. Nos yeux mmes sont tmoins de ce progrs de la
lumire, quand par rflexion elle illumine quelque endroit obscur o elle ne peut pas
parvenir directement : ou quand sortant immdiatement du Soleil et battant sur la Lune
ou sur quelque autre des plantes, les rayons qui ny peuvent pas entrer rejaillissent
jusqu notre terre (car sans cela nous ne les pourrions pas voir) et l est rflchie,
rompue et brise par autant de corps comme elle en rencontre en ses rflexions diverses.
Le second principe sera, Que la lumire frappant ainsi sur quelque corps, les rayons qui
ny entrent pas bien avant, mais qui rebondissent de la superficie de ce corps, en
dtachent et emportent avec soi quelques petites particules ou atomes, tout de mme que
la balle dont nous venons de parler, emporterait avec elle quelque humidit des
murailles contre lesquelles elle bricolerait, si le pltre qui les enduit, tait encore humide
; et comme elle emporte en effet quelque teinture du noir dont ces murailles sont
colores. La raison de ceci est, que la lumire, ce feu si subtil et ratifi, venant avec une
si merveilleuse vitesse (car ses dards sont dans nos yeux quasi aussitt que sa tte est
leve dessus ntre Horizon ; faisant ainsi tant de milliers de lieues en une espace
imperceptible de temps) et battant plomb sur le corps qui lui est oppos, elle ne peut
pas manquer dy faire quelques petites incisions, proportionnes sa raret et subtilit :
Et ces petits atomes dcoups et dtachs de leur tronc, tant composs des quatre
Elments (comme tous les corps du monde le sont) le chaud de la lumire sattache et
sincorpore avec les parties humides, visqueuses et gluantes desdits atomes, et elle les
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emporte bien loin avec soi. Inexprience nous montre cette vrit, aussi bien que la
raison. Quand on met quelque linge ou drap humide scher devant le feu, les rayons
igns frappant l dessus, ceux qui ny trouvent point dentre, mais rflchissent hors de
l, emportent avec eux des corpuscules humides, qui forment une espce de brouillas
entre le linge et le feu. De mme, le Soleil illuminant son lever la terre, qui est
humecte par la pluie ou par la rose de la nuit, ses rayons lvent un brouillas qui
monte peu peu jusquaux sommets des collines ; et ce brouillas se rarfie mesure que
le Soleil a plus de force de le tirer en haut, jusqu ce qu la fin nous le perdons de
vue, et il devient partie de lair, qui cause de sa tnuit nous est invisible. Ces atomes
donc, sont comme des Cavaliers monts sur des coursiers ails qui vont bien loin ;
jusqu ce que le Soleil se couchant, retire leurs Pgases, et les laisse tous sans
monture, et alors ils se prcipitent en foule vers la terre do ils taient attirs : la plus
grande part et les plus pesants tombent la premire retraite du Soleil, et cest ce quon
appelle le serein, lequel quoi quil soit trop subtil pour tre vu, on ne laisse pas pourtant
de le sentir, comme une infinit de petits marteaux qui frappent nos testes et nos corps,
principalement de ceux qui sont avancs en lge ; car les jeunes, cause du
bouillonnement de leur sang et de la chaleur de leur complexion, poussent hors deux
abondance desprits ; lesquels tant plus forts que ceux qui tombent du serein, les
repoussent et les empchent dagir avec si grand effet sur les corps do ces esprits
sortent, comme ils font sur ceux qui tant refroidis par lge, nen sont pas garantis par
une si forte manation desprits qui sortent deux. Le vent qui souffle et qui est port de
tous cts, nest autre chose quun grand fleuve de semblables atomes attirs de
quelques corps solides qui sont sur la terre : et puis sont ballotts a et l, selon quils
rencontrent des causes pour cet effet. Il me souvient davoir une fois vu oculairement
comment le vent sengendre : Je passais le mont Cenis pour aller en Italie, sur le
commencement de lt; et jtais dj la moiti de la montagne comme le Soleil se
levait, beau et lumineux. Mais devant que de voir son corps (que les montagnes me
cachaient encore) je remarquai ses rayons qui doraient le sommet du mont Viso, qui est
une Pyramide de rocher, bien plus haute que le mont Cenis, et que toutes les montagnes
qui lenvironnent. Plusieurs mmes sont dopinion que cest une des plus hautes
montagnes du monde, aprs le Pic de Tnriffe dans la Canaries, et elle est toujours
couverte de neige. Je remarquai donc, qu lendroit qui tait clair des rayons du
Soleil, il se formait un brouillas, qui au commencement ne paraissait pas de plus grande
tendue quune grosse poule : mais qui peu peu saugmenta tant qu la fin tout le
sommet non seulement de cette montagne, mais aussi de celles qui sont autour, furent
couvertes dune nue. Jtais dj arriv au plus haut du mont Cenis, et me trouvant en
la ligne droite qui passait du Soleil au mont Viso, je marrtai pour le regarder, pendant
que mes gens achevaient de monter : car ayant plus dhommes porter ma chaise
quaucun deux, javais fait plus de diligence queux. Je ny fus pas longtemps que le
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LA POUDRE DE SYMPATHIE

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brouillas sembla sabaisser doucement vers le lieu o jtais, et je commenai sentir


comme une petite fracheur qui me donnait sur le visage, lors que je le tenais tourn de
ce ct-l. Quand tome ma troupe fut assemble autour de moi, nous allumes descendre
de lautre ct du mont Cenis, vers Suze ; et mesure que nous descendions, nous
sentions trs perceptiblement que le vent se roidissait notre dos, car le chemin nous
obligeait daller vers le ct o le Soleil tait. Nous rencontrmes des passagers qui
montaient par o nous descendions ; Ils nous dirent que plus bas le vent tait trsimptueux et quil les avait fort incommods, leur soufflant au visage et dans les yeux ;
mais qu mesure quils montaient, ils le trouvaient moins fcheux. Et de notre ct,
quand nous arrivmes au lieu o ils nous avoient dit que le vent tait si violent, nous
trouvmes comme une espce de tourmente : et il saugmentait toujours en descendant,
jusqu ce que le Soleil stant avanc, ne lattirait plus par cette ligne l, mais causait
le vent en un autre quartier. Les gens du pays massurrent que cela se faisait toujours
ainsi, quand quelque accident extraordinaire et violent ne dtournait point son cours
accoutum, qui est qu une certaine heure du jour le vent slever un certain rumb ; et
quand le Soleil est parvenu un autre point, un autre vent se lev et ainsi de main en
main il change de rumb jusquau Soleil couchant qui apporte toujours le calme, si le
temps est beau ; et que le vent vient toujours de lendroit du mont Viso, oppos au
Soleil. Et ils nous dirent aussi que le vent journalier est toujours plus fort vers le bas de
la montagne, que vers le haut : dont la raison est vidente : cest que le mouvement
naturel de tout corps (de mme que celui des choses pesantes) saugmente toujours en
vitesse, mesure quil savance vers son centre : et ce, en nombre impair (comme
Galile la ingnieusement dmontr ; je lai aussi fait en quelque autre trait) cest
dire, si dans le premier moment il savance dune aune, dans le second il savancera de
trois aunes, dans le troisime de cinq, dans le quatrime de sept, et ainsi toujours il
continue saugmenter en la mme sorte: ce qui provient de la densit et de la figure du
corps descendant, agissant sur la cessibilit du Mdium. Et ces corpuscules qui causent
le vent du mont Viso, sont denses et terrestres ; caria neige tant compose dparties
aquatiques et de parties terrestres unie ? ensemble par le froid, lors que la chaleur des
rayons solaires les dsunit et les spare, les visqueuses senvolent avec eux, pendant que
les terrestres (trop pesantes pour monter bien haut) tombent incontinent en bas, Ceci me
fait souvenir dune chose assez remarquable, qui marriva pendant que jtais avec ma
flotte dans le port de Scanderonne Alexandrette, lextrmit de la mer Mditerrane.
Lon descend l pour aller Alep et Babylone. Javais dj fait ce que je mtais
propos de faire en ces mers : jtais venu bout de tout mon dessein avec heureux
succs, et il mimportait de revenir en Angleterre le plutt qu^il me serait possible ; et
dautant plus, que tous mes Navires taient demeurs fracassez dun combat que javais
eu depuis peu de jours en ce port, contre une puissance formidable, qui, bien que la
victoire me ft enfin demeure, ne laissa pourtant pas dans une si furieuse dispute, de
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LA POUDRE DE SYMPATHIE

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mettre ma flotte en grand dsordre, et de remplir mes vaisseaux dhommes blesss. Pour
aviser donc de la route la plus expdiente pour venir au plutt en un lieu o je pusse me
rparer et tre en sret ; je fis assembler tous les Capitaines, les Pilotes et les Mariniers
expriments de ma flotte : et leur ayant propos mon dessein, tous unanimement furent
davis que le plus sr tait de descendre vers le Midi, et de ctoyer toute la Syrie, la
Jude, lEgypte et lAfrique, et par ce moyen nous rendre lembouchure du dtroit de
Gibraltar : et quallant ainsi proche de la terre, nous aurions rglement toutes les nuits
un petit vent de terre (quils appelaient une brise) lequel nous ferait faire en peu de
temps notre voyage ; et que nous ne serions pas en si grand danger de rencontrer la
flotte de France ni celle dEspagne, car lAngleterre tait alors en guerre contre ces deux
Royaumes, et nous avions avis que ces flottes nous attendaient en bon quipage sur les
ctes, pour se venger de ce que nous avions fait au prjudice de ces deux nations,
pendant seize mois que nous avions t les Matres en ces Mers.
Ce que nous avions raison de tacher dviter (disaient-ils) puisque nous tions
dsormais plutt en tat demployer ce qui nous restait de forces rechercher en
diligence quelque bon port, o nous pussions en sret rparer nos dbris, que de nous
hasarder de nouveaux combats ; car on pouvait bien dire que nous nen avions eu que
trop en un si long voyage. Mon opinion tait toute contraire la leur. Je croyais que
notre meilleur serait de monter vers le Septentrion et de cingler le long de la cte de la
Cilicie, de la Pamphylie, la Lydie, la Natolie ou lAsie Mineure, traverser lembouchure
de lArchipelague, laisser la Mer Adriatique droite, passer par la Sicile, lItalie, la
Sardaigne, la Corsique, le Golfe de Lion, et ctoyer toute lEspagne : leur remontrant
que ce nous serait une grande honte de nous dtourner de notre meilleur route, pour
viter la rencontre de nos ennemis ; puis que nous restions venus en ces quartiers, que
pour les chercher par tout o ils seraient : et que la protection dont Dieu par sa bont
avait daign nous assister dans tant de combats en allante nous tait un sujet desprer
avec joie une aussi bonne issue de ceux qui nous pourraient arriver en retournant. Quil
ny avait point de doute que la route que je leur proposais ; considre simplement en
soi, ne ft sans comparaison la meilleure et la plus expditive pour sortir de la Mer
Mditerrane et gagner lOcan : dautant (leur disais-je) quencore que nous ayons des
brises de la terre pendant que nous serons sur les ctes de Syrie et d^Egypte, nous nen
aurons point du tout sur la cte de Lybie, o sont ces affreux sables quon appelle les
Syrtes, qui sont dune trs-grande tendue : cette cte-l nayant aucune humidit (car il
ny crot ni arbre ni herbe ; et il ny a que des sables mouvants, qui couvrirent et
enterrrent autrefois tout coup la puissante Arme du grand Roi Cambises.) Or o il
ny a point dhumidit, le Soleil ne peut rien attirer pour en former du vent. De sorte que
nous ne trouverons jamais-l (principalement en t) dautre vent que le rgulier qui a
son cours de lOccident, en rOrient, selon le cours du Soleil (le pre des vents) si ce
nest quand il en vient dextraordinaire, ou de la terre dItalie, qui est vers le Nord, ou
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LA POUDRE DE SYMPATHIE

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du fonds de lEthiopie, o sont les montagnes de la Lune, et la source et les cataractes


du Nil. Mais alors si nous tions proches des Syrtes, le vent dItalie nous ferait
infailliblement faire naufrage. Je raisonnais ainsi selon les causes naturelles, pendant
que ceux de mon Conseil de guerre se tenaient fermes leur exprience. Ce qui fut
cause que je ne voulus rien faire contre le sentiment unanime de tous : car encore que la
disposition et rsolution de toutes choses dpendt absolument de moi, il me semblait
nanmoins quon me pourrait justement accuser dopinitret et de tmrit, si je
voulais prfrer mon avis seul lavis commun de tous les autres.
De sorte que nous prmes cette route-l, et allmes heureusement jusquaux Syrtes de
Lybie. Mais en cet endroit, nos brises nous manqurent, et durant trente-sept jours nous
nemes pour tout vent que quelques Zphyrs qui venaient du Ponant, o nous devions
aller. Nous fmes contraints de nous tenir lAncre tout ce temps l, avec beaucoup
dapprhension que le vent ne nous vint avec bourrasque du ct du Nord. Car cela
arrivant, nous tions perdus; dautant que nos Ancres n*auraient pu tenir ferme dans ces
sables mouvants ; car sous leau ils sont de mme nature que sur le sec ; et ainsi nous
aurions t jets sur cette cte et y aurions fait naufrage. Mais Dieu qui a voulu que
j^eusse lhonneur de vous entretenir aujourdhui, me dlivra de ce pril. Et au bout de
trente sept jours nous remarqumes le cours des nues bien haut dans lair qui venait du
Sud-Est, au commencement assez lentement, mais dheure en heure, il se htait et se
pressait de plus en plus : de sorte quau bout de deux jours le vent qui stait form bien
loin de l dans lEthiopie, arriva comme une grande tempte au lieu o nous tions ; et
nous mena bientt au lieu o nous devions aller ; car moins de venir avec cette
imptuosit et cette force, il se serait dissip et perdu, avant que darriver au bout dune
si longue traite. De ce discours nous pouvons conclure que par tout o il y a du vent, il y
a aussi des petits corpuscules, ou atomes qui ont t attirs des corps qui sont aux lieux
do vient ce vent par la force du Soleil et de la lumire : et que ce vent nest en effet
autre chose que de tels atomes agits et pousss quelque part avec imptuosit. Et ainsi
les vents se ressentent toujours des lieux do ils viennent ; comme sils viennent du
Midi, ils sont chauds ; sils sont Septentrionaux, ils sont froids ; si de la terre seule, secs;
si de la marine, humides; si des lieux qui produisent des substances odorifrantes, ils
sont odorifrants, sains et agrables ; comme lon dit de ceux qui viennent de lArabie
heureuse qui produit les pies, les parfums et les gommes de bonne senteur; et comme
celui qui vient de Fomenay et Vaugirard Paris en la saison des Ross, qui est tout
parfum ; au contraire ceux qui viennent dendroits puants comme des lieux sulfureux
de Pozzuolo, sentent mauvais ; et ceux qui viennent de lieux infects, portent la
contagion avec eux.
Mon troisime principe sera, que lair est plein partout de ces corpuscules ou atomes :
ou plutt ce que nous appelions notre air, nest autre chose quun mlange et une
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confusion de semblables atomes, o les parties ariennes dominent. Il est notoire quil
ne se trouve point actuellement dans la nature aucun Elment pur et sans mlange des
autres : car le feu externe, et la lumire agissants dun ct, et le feu interne de chaque
corps poussant aussi de son ct, font ce merveilleux mlange de toutes choses en toutes
choses. Dans cette grande tendue o nous plaons lair il y a un espace suffisant et une
libert assez grande pour faire ce mlange. Lexprience aussi bien que la raison, nous
le confirme. Jai vu des petits vipereaux, nouvellement sortis des ufs o ils taient
engendrs, et qui navaient pas un pouce de longueur, qui aprs les avoir conservs dans
une grande cucurbite couverte dun papier li lentour, afin que par nul accident ils ne
pussent sortir, mais pleins de petits trous dpingle, afin que lair y peut entrer
librement, se sont augments en substance et en quantit si prodigieusement en six, huit
ou dix mois de temps, quil nest pas croyable : et plus sensiblement durant la saison des
Equinoxes, lors que lair est plein de ces atomes thrs et balsamiques qui leur donnoient leur vertu balsamique et rajeunissante, quils attirent puissamment. De l vient
que le Cosmopolite a eu raison de dire que, Est in are occultus vit cibus. Ces petits
vipres navoient que lair seul pour se nourrir, et nanmoins avec cette viande subtile
ils devinrent en moins dun an longs de plus dun pied, et gros, et pesants proportion.
Le Vitriol, le Salptre, et quelques autres substances saugmentent de mme faon par
lattraction de lair seulement. Il me souvient que pour quelque occasion il y a dix-sept
ou dix-huit ans javais besoin dune livre ou deux de bonne huile de tartre ; ctait
Paris, o je navais point alors de laboratoire ni dOprateur. Je priai donc Monsieur
Ferrier (homme universellement connu par tous les curieux) de men faire, car il nen
avait point alors de faite ; mais la devant faire exprs, et la calcination du tartre se
faisant aussi facilement de vingt livres comme de deux, et sans presque augmenter la
dpense, il en voulut faire en mme temps une plus grande quantit, afin den avoir pour
lui mme. Quand il me rapporta, elle sentait si fort leau de ros, que je me plaignis de
lui de ce quil y avait ml de celte eau, vu que je Pavais pri de la faire purement par
dfaillance, ou exposition lair humide; car je croyais fermement quil eut dissout le
sel de tartre dans leau de ros. Il me jura quil ny avait ml aucune liqueur, mais quil
avait laiss le tartre calcin dans sa cave dissoudre de soi mme : ctait en la saison
des ross, et il semble que lair tant plein des atomes qui se tirent des ross, et se
changeant en eau par lattraction puissante du sel de tartre, leur odeur se rendait sensible
au lieu o ils staient amassez ensemble ; comme les rayons du Soleil brlent, quand
ils sont rassembls par un miroir ardent. Il arriva encore une autre merveille touchant
cette huile de tartre, qui pourra servir prouver une proposition que nous navons pas
encore touche; mais pour ne pas interrompre le fil de cette histoire, je vous la dirai ici
par avance : cest que, comme la saison des ross se passait, Rdeur deau de ros
svanouissait aussi de cette huile ;en sorte que dans trois ou quatre mois elle fut tout
fait passe. Mais nous fmes bien surpris, quand lanne suivante la maison des ross,
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LA POUDRE DE SYMPATHIE

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elle retourna aussi forte quauparavant ; et puis vers lhiver elle se perdit encore ; et
depuis elle a toujours gard le mme ordre. Cest pourquoi Monsieur Ferrier la garde
comme raret singulire et je nai moi-mme sentie chez lui lt dernier. Nous avons
Londres une malheureuse et fcheuse confirmation de cette doctrine, car lair y est plein
de semblables* atomes. La matire dont on fait le feu en cette grande ville, est
principalement de charbon de terre, quon fait venir de Neufcastel et dEcosse. Ce
charbon contient en soi une grande quantit de sel volatile trs acre, qui tant emport
avec la fume, se dissipe dans lair et len remplit tout. Il en est tellement charg, que
quoi quon ne le voie pas, on saperoit de ses effets ; il gte les lits, les tapisseries, et
les autres beaux meubles, sils sont de quelque couleur belle et clatante : cet air
fuligineux la rend ternie en peu de temps : si on ferme une chambre sans y entrer durant
quelques mois, et quon veuille ensuite faire nettoyer tout ce qui y est, on verra une folle
farine noire, qui couvre tous ces meubles, comme on en voit une blanche dans les
moulins et aux boutiques des boulangers, mme elle entre dans les coffres, et se voit
bien apparemment sur le linge ou le papier, et sur semblables choses blanches qui y sont
enfermes; caries rabats et les manchettes sy salissent plus en un jour, quen dix en la
campagne hors de ltendue de cette fume ; et on voit dans cette ville au Printemps,
quand les arbres sont fleuris, toutes les fleurs blanches salies dune suie noire. Or
comme cet air est ce que les poumons de tous les habitants attirent pour se rafrachir, il
fait que le flegme quon crache de la poitrine, est tout noir et fuligineux, et lcret du
sel de cette suie y fait un effet trs-funeste ; car il rend tous les habitants de cette-ville
forts sujets aux inflammations, et la fin lulcration des poumons. Il est si mordicant
et corrosif, que si on met des jambons, ou du buf, ou autre chair, fumer dans le&
chemines, il les sche tant et si-tt quil les gte. Ceux donc qui ont les poumons
faibles, sen ressentent bientt, do vient que quasi la moiti de ceux qui meurent
Londres, meurent poumoniques et phtisiques crachant le sang continuellement de leurs
poumons ulcrs. Au commencement de cette maladie, la gurison est bien aise. Il ny
a qu les envoyer en quelque lieu o il y ait un bon air. La plupart vont Paris, savoir
ceux qui ont le moyen de faire la dpense du voyage ; et il recouvrent bientt leur sant
parfaite.
La mme chose, quoique moins fortement, arrive dans la Ville de Lige ou de mme
qu Londres, le commun peuple ne brle que de ce charbon de terre, quon appelle de
la houille. Paris mme, quoique lair du pays y soit trs excellent, nest pas tout fait
libre de quelques incommodits semblables.
Les boues excessives et puantes de cette vaste ville, mlent beaucoup de mauvais aloi
la puret de son air, le remplissant par tout des atomes corrompus qui en sortent,
lesquels pourtant ne sont pas si pernicieux que ceux de Londres. Lon y remarque que la
vaisselle dargent la plus nette et la plus polie, expose lair, devient en peu de temps
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livide et sale : ce qui ne provient dautre chose que de ces atomes noirs (vraie couleur de
la putrfaction) qui sy attachent ; et plus le mtal est poli et luisant, plus ils sont
visibles. Je connais une personne de condition (il est fort de mes amis) qui est log en
un endroit, o dun ct de la maison est une petite rue qui nest habite que de pauvres
mnages, et o il ne passe que trs-peu de charrettes et jamais de carrosses.
Les voisins du derrire de sa maison ntant gures propres, vident leurs immondices au
milieu de la rue, qui par ce moyen est toute charge de monceaux de boue. Aprs un
longtemps, les tombereaux qui sont ordonns pour emports les boues par tout, viennent
aussi l. Quand ils remuent ces ordures fermentes, vous ne pouvez vous imaginer
quelle puanteur et quelle infection se fait sentir par tout. A linstant les gens de ce mien
ami accourent pour couvrir dtoffe spongieuse et frise, de laine ou de coton, sa
vaisselle dargent et ses chenets, que ses servantes tiennent fort propres et luisants : car
sans cela, en un moment le tout serait noir, comme sil tait enduit dune peau dlicate
dencre. Rien de cela toutefois ne se voit dedans lair ; mais ces expriences
convainquent videmment quil est plein partout de semblables atomes. Je ne puis
mempcher dajouter encore ici une autre exprience, qui est que nous voyons par les
effets que les rayons de la Lune sont froids et humides. Il est certain que ce qui est
lumineux de ces rayons vient du Soleil, la Lune nayant point de lumire en soi, comme
en fait foi son Eclipse qui se fait lorsque la terre tant oppose entre elle et le Soleil,
empche quil ne lclaire de sa lumire ; et alors elle est toute noire et obscure.
Les rayons donc qui viennent de la Lune, sont ceux du Soleil, qui frappant sur elle, sont
rflchis jusqu nous, et apportent des atomes de cet astre froid et humide, qui
participent de la source do ils viennent. Si on leur expose donc un miroir concave ou
un bassin poli qui les assemble, vous verrez quau lieu que ceux du Soleil brlent en
semblable conjoncture) ceux ci tout au contraire rafrachissent et humectent
notablement, et mme laissent sur le miroir une substance aquatique, visqueuse et
gluante. Il semblerait que ce ft une chose vaine de se laver les mains dans un bassin
dargent bien poly, o lon ne verrait point leau ni autre chose que la rflexion des
rayons de la Lune : et nanmoins, si on continue faire cela quelque espace de temps,
on se trouvera les mains toutes humides ; cest mme un remde infaillible pour faire
tomber les porreaux des mains, quelque grand nombre quil y en ait, pourvu quon le
ritre plusieurs fois. Concluons donc de tout ce discours, et de toutes ces expriences,
que lair est plein ces atomes qui sattirent des corps par le moyen de la lumire qui en
rflchit, ou qui en sortent par la chaleur naturelle et intrieure de ces mmes corps qui
les chasse dehors. Il semblera peut-tre impossible quil puisse y avoir une si grande
manation de corpuscules, qui soient tellement rpandus dans lair, et soient emports si
loin par un flux continuel (pour le dire ainsi) sans que le plus souvent le corps do ils
viennent, en souffre aucune diminution perceptible; car quelquefois elle est fort visible
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comme dans lvaporation de lesprit de vin, du musqu, et de semblables substances


volatiles. Mais cette objection sera nulle et les deux prcdents principes se rendront
plus croyables, quand nous en aurons pos un quatrime, qui sera que tout corps pour
petit quil soit est divisible jusqu linfini. Non pas quil ait actuellement des parties
infinies (car le contraire de cela se peut dmontrer), mais quil se peut toujours diviser
et subdiviser en nouvelles parties, sans jamais parvenir la fin de sa division. Et cest
en ce sens que nos Matres nous enseignent que la quantit est infiniment divisible. Ceci
est vident qui considrera profondment lessence et la raison formelle de la quantit,
qui nest autre chose que divisibilit.
Mais parce que cette spculation est fort subtile et Mtaphysique, je me servirai de
quelques dmonstrations Gomtriques pour prouver cette vrit, car elles
saccommodent mieux limagination. Euclide nous enseigne par la dixime
proposition de son sixime livre, que si on prend une ligne courte et une autre longue, et
que la longue soit divise en plusieurs parties gales entre elles, la petite peut tre
divise en autant de parties aussi gales entre elles, et chacune de ces parties encore en
autant dautres, et chacune de ces dernires en autant; et ainsi toujours, sans jamais
parvenir ce qui ne peut plus tre divis. Mais supposons (quoi quil soit impossible)
quon puisse tant diviser et subdiviser une ligne qu la fin on parvienne des
indivisibles, et voyons ce qui en arrivera. Je dis donc que puisque la ligne se rsout en
indivisibles, elle en doit tre compose. Voyons si cela se vrifie. Pour cet effet je
prends trois indivisibles, lesquels pour les distinguer, soient A B et C, (car si trois
millions dindivisibles font une longue ligne, trois indivisibles en composeront une
courte.) Je les mets donc de rang. Premirement, voila A pos, puis je mets B auprs de
lui, en sorte quils se touchent : je dis quil faut ncessairement que B occupe la mme
place que A ou quil noccupe pas la mme. Sil occupe la mme place, les deux
ensemble ne font point dextension : et par mme raison ni 3, ni 3000 nen feront point,
mais tous ces indivisibles suniront ensemble et le rsultat de tout ne sera quun seul
indivisible. Il faut donc que ntant pas tous deux en mme place, mais pourtant se
touchant lun lautre une partie de B touche une partie de A et lautre partie ne le touche
pas. Jy ajoute donc lindivisible C dont une partie touchera la partie de B qui ne touche
point A, et par ce moyen B est le copulant ou mdiateur entre A et C pour faire
extension. Pour faire ceci, vous voyez quil faut admettre des parties en B et aussi dans
les deux autres, qui par voire supposition sont tous indivisibles. Ce qui tant absurde, la
supposition est impossible. Mais pour rendre la chose encore plus claire, supposons que
ces trois indivisibles font une extension et composent une ligne : la proposition dj
cite dEuclide dmontre que cette ligne peut tre divise en trente parties gales, ou en
autant quil vous plaira. De sorte quil faut accorder que chacun de ces trois indivisibles
peut tre divis en dix parties ; ce qui est contre la nature et la dfinition dun
indivisible. Mais sans la diviser en tant de parties, Euclide dmontre par la dixime
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proposition de son premier lment, que toute ligne se peut partager en deux parties
gales. Mais celle-ci tant compose dindivisibles de nombre impair, il faut que la
partageant en deux, il y ait un indivisible, plus dun cot que de lautre; ou que celui du
milieu soit partag en deux moitis. De sorte que celui qui nie que la quantit ne se
puisse diviser linfini, sembarrasse en des absurdits et impossibilits
incomprhensibles : et au contraire, celui qui laccorde ne trouvera point
dimpossibilit, ni dinconvnient que les atomes de tous les corps qui sont dans lair,
ne puissent tre diviss, tendus et ports une merveilleuse distance. Nos sens font foi
en quelque faon. Il ny a aucun corps au monde (que nous sachions) si compacte, si
pesant, et si solide que lor. Et nanmoins quelle trange tendue et division ne se
peut-il point rduire? Prenons une once de ce mtal massif; ce ne sera quun bouton
gros comme le bout dun de mes doigts. Un batteur dor fera mille feuilles ou davantage
de cette seule once. La moiti dune de ces feuilles suffira dorer toute la surface dun
lingot dargent de trois ou quatre onces ; donnons ce lingot dor ceux qui prparent le
fil dor et dargent pour en faire du passement, et quils le mettent dans leurs filires
pour le tirer la plus grande longueur et subtilit quils peuvent, ils pourront le rduire
la grosseur dun cheveu ; et ainsi ce filet aura peut-tre un demi-quart de lieue
distendue, et encore davantage. Et en toute cette longueur, il ny aura pas lespace dun
atome dans la superficie qui ne soit couvert dor. Voil une trange et merveilleuse
dilatation de cette demy-feuille. Faisons de mme de tout le reste de cet or battu. Il est
constant que par ce moyen, ce petit bouton d^or peut tre tant tendu quil arrivera de
cette ville de Montpellier Paris, et pourra mme passer au del. En combien de
millions de millions datomes ne se pourrait point couper cette ligne dore, par des
ciseaux dlis ? Or il est ais comprendre que cette extension et divisibilit faite par
des instruments grossiers de marteaux, de filires, de ciseaux, nest pas comparable
celle qui se fait par la lumire et par les rayons du Soleil. Car il est certain que si cet or
peut tre tir une si grande longueur par des roues et par des filires de fer, quelquesunes de ces parties pourront aussi tre emportes par les coursiers ails dont nous avons
parl tantt; jentend, par les rayons qui volent dans un moment depuis le Soleil jusqu
la Terre. Si je napprhendais de vous ennuyer par ma longueur, je vous entretiendrais
de ltrange subtilit des corpuscules qui sortent du corps vivant, par le moyen desquels
nos chiens dAngleterre suivront lodorat, durant plusieurs lieues la piste dun homme
ou dune bte qui aura pass par l quelques heures auparavant; et ainsi trouveront
lhomme ou la bte quon cherche. Et non seulement cela, mais ils trouveront dans un
grand monceau de pierres celle que cette personne aura touche de sa main. Il faut que
dessus la terre et sur cette pierre il sattache quelques parties matrielles du corps qui y a
touch, et nanmoins ce corps ne se diminue point sensiblement non plus que lambre
gris et les peaux dEspagne qui envoient hors deux leur odeur cent ans durant, sans
diminuer ni en quantit, ni en odeur. En notre pays, on a accoutum de semer toute une
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campagne de mme sorte de grains, savoir une anne dorge, lanne suivante de
froment, la troisime de fves, et la quatrime on laisse la terre en friche pour la fumer
et pour la remettre en bon tat par lattraction quelle fait de lesprit vital qui est dans
lair ; et puis lon recommence de nouveau par ce mme ordre. Or, lanne quelle est
couverte de fves, ceux qui voyagent pendant quelles sont en fleur, les sentent dune
fort grande distance, si le vent est favorable. Cest une odeur suave, mais fade, et la
longue dplaisante et enttante. Mais Rdeur du Romarin qui vient de la cte
dEspagne, va bien plus loin. Jai voyag par Mer le long de ces cotes trois ou quatre
fois, et jai toujours remarqu que les mariniers savent quand ils sont trente ou
quarante lieues de ce continent (je ne me souviens pas exactement de la distance), ils ont
cette connaissance par lodeur vive de Romarin qui en vient. Je lai senti moi-mme
aussi fort que si jeusse eu une branche de Romarin dans la main, et cela nous est arriv
deux ou trois jours auparavant que nous pussions dcouvrir la terre : il est vrai que le
vent tait contraire. Quelques histoires nous marquent que des vautours sont venus de
deux ou trois cents lieues lodeur des charognes des corps morts qui taient rests sur
la terre, aprs une sanglante bataille. Et lon savait que ces vautours taient venus de si
loin, parce quil ny avait point de ce genre doiseaux plus prs. Ils ont lodorat trs-vif,
et il faut que les atomes pourris et puants de ces corps morts, aient t emports dans
lair aussi loin que cela ; et que ces oiseaux ayant une fois attrap cette odeur laient
suivie jusqu sa source damant quelle est plus forte, mesure quelle est plus proche.
Nous finirons ici ce que nous avions dire touchant la grande tendue des corpuscules
qui sortants par le moyen du Soleil et de la lumire de tous les corps composs des
quatre lments, remplissent lair et sont emports une distance merveilleuse du lieu et
du corps dont ils ont leur source et leur origine. La preuve et lexplication desquelles
choses a t jusquici le but et la vise de tout mon discours.
Maintenant, Messieurs, il faut sil vous plait, que je vous fasse voir que ces corpuscules
qui remplissent et composent lair, sont quelquefois attirs par une route tout fait
diffrente de celle que leurs premires causes universelles leur dvoient faire tenir. Et ce
sera notre cinquime Principe. On peut remarquer dans le cours et dans lconomie de la
nature, plusieurs sortes dAttractions, comme celle qui se fait par Succion, par laquelle
jai vu une balle de plomb au fond dun long fusil exactement travaill, suivre lair,
quune personne suait lembouchure du canon, avec une telle imptuosit et roideur,
quelle lui cassa les dents. Lattraction de leau ou du vin qui se fait par un Siphon, est
semblable celle-ci : par son moyen on fait passer une liqueur dun vase dans un autre
sans la troubler et sans en faire monter les fces. Il y a une autre sorte dattraction qui
sappelle magntique, par laquelle laimant attire le fer. Une autre Electrique, quand le
Carab, ou le Jayet attire la paille. Une autre de la flamme, quand la fume dune
chandelle teinte attire la flamme dune brlante, et la fait descendre pour allumer celle
qui est teinte. Une autre est de Filtration, quand un corps humide monte par un autre
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corps sec, ou que le contraire se fait. Et enfin quand le feu ou quelque chose chaude
attire lair et ce qui est ml avec lui.
Nous parlerons seulement ici des deux dernires espces dattraction. Jai assez
expliqu les autres en un autre lieu. La Filtration pourra sembler celui qui ne la
considre pas assez attentivement, et qui nen examine pas toutes les circonstances, une
merveille cache de la nature ; et une personne dun raisonnement mdiocre et limit,
lattribuera quelque vertu et proprit occulte, et se persuadera que dans le filtre il y a
une secrte sympathie qui fait monter leau contre sa nature : mais celui qui lexaminera
comme il faut observant tout ce qui sy fait, sans omettre aucune circonstance, il verra
quil ny a rien de plus naturel, et quil est impossible quil arrive autrement. Et il faut
faire le mme jugement de tous les plus profonds mystres et des secrets les plus cachs
de la Nature, si on prenait peine de les dcouvrir, et si on les examinait comme il faut.
Voici donc comment la filtration se fait: on met une longue languette de drap ou de
coton, ou de quelque matire spongieuse, dans une terrine deau ou dautre liqueur,
laissant pendre par-dessus le bord de la terrine, une bonne partie de la languette. Et lon
voit bien-tt monter leau par le drap, et passer par dessus le bord du vaisseau et
dgoutter par le bout den bas de la languette, sur la terre ou dans quelque vaisseau.
Et les jardiniers se servent mme de cette mthode, pour arroser en t peu peu leurs
fleurs ou jeunes plantes ; comme aussi les Apothicaires et Chimistes, pour sparer les
liqueurs de leurs fces ou rsidences. Pour comprendre les raisons de ce que leau
monte ainsi, regardons de prs et en dtail tout ce qui sy fait. La partie du drap qui est
dans leau, devient mouille, cest--dire reoit et imbibe leau parmi ses parties
premirement sches et spongieuses. Ce drap senfle et se gonfle en recevant leau ; car
deux corps joints ensemble, demandent plus dplace que ne ferait lun diceux sil tait
seul. Considrons cette enflure et extension augmente dans le dernier filet de ceux qui
touchent leau, savoir en celui qui est en superficie ; lequel, pour tre distingu des
autres, soit marqu par les deux bout (comme une ligne) et soit A. B. et le filet qui suit
immdiatement et est au-dessus de lui, soit C. D. et le suivant E. F. puis G. H. et ainsi
jusqu lextrmit de la languette. Je dis donc que le filet A. B. se dilatant et
grossissant par le moyen de leau qui entre dans ses fibres, sapproche peu peu du filet
C. D. qui est encore sec, parce quil ne touche pas leau, Mais quand A. B. est tellement
grossi et enfl par leau qui y entre, quil remplit tout le vide et toute la distance qui tait
entre lui et C. D. et que mme il presse contre C. D. cause de son extension plus
grande que ntait lespace comprise entre eux deux ; alors il mouille C. D. pour ce que
le filet A. B. tant comprim, la partie extrieure de leau qui tait en lui venant tre
pousse sur C. D. y cherche place, et entre dans ses fibres; et les mouille tout de mme
comme au commencement sa partie extrieure et plus leve tait elle-mme devenue
mouille. C. D. tant ainsi mouill, se dilatera comme a fait A. B. et par consquent
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pressant contre E. F. il ne peut manquer de faire le mme effet en lui, qui lavait
prcdemment reu en soi par lenflure et dilatation dA. B. et ainsi de main en main
chaque fil mouille son voisin jusquau dernier filet de la languette. Et il ne faut point
craindre que la continuit de leau se rompe en montant cette chelle de cordes, ny
quelle recule en arrire, car ces chelons si aiss grimper, lui rendent la monte fort
facile ; et les fibres laineuses de chaque fil semble quasi lui tendre la main chaque
marche pour laider monter aisment. Et ainsi la facilit daller contremont jointe la
fluidit de leau et la nature de la quantit qui tend toujours lunit des substances et
des corps quelle revt, lorsque! ny a pas quelque cause plus puissante pour la rompre
et diviser, fait que cette eau se tient tout dune pice, et passe par dessus le bord de la
terrine : aprs quoi, son voyage est encore plus ais : car elle va son penchant naturel en
descendant toujours en bas, et si le bout de la languette pend plus bas, hors de la terrine,
que nest la superficie de leau dans la terrine, leau dgoutte en terre, ou dans quelque
vaisseau soumis : comme nous voyons quune corde pesante tant pendue sur une
poulie, le bout qui est le plus long et le plus pesant, tombe terre et enlev lautre plus
court et plus lger, le faisant passer par dessus la poulie. Mais si le bout extrieur de la
languette et qui est hors de la terrine, tait horizontal avec la superficie de leau, et ne
pendait pas plus bas quicelle, leau se tiendrait immobile comme deux bassins dune
balance o il y aurait gal poids en chacun deux. Et si lon vidait de leau qui est dans
la terrine en telle sorte que sa superficie devint plus basse, que la pointe de la languette ;
en ce cas-l leau montante tant devenue plus pesante que la descendente de lautre
ct hors de la terrine, elle rappellerait celle qui tait dj sortie et preste tomber, et la
ferait rebrousser chemin, et tourner en arrire sur ses pas, et rentrer dans la terrine pour
se remler leau qui y est. Vous voyez donc tout ce mystre qui dabord tait si
surprenant, d-ploy et rendu aussi familier et naturel que de voir une pierre tomber
den haut ; il est vrai que pour en faire la dmonstration avec une rigueur exacte et
complte, il y faudrait ajouter encore quelque autre circonstance ; ce que jai fait au long
en quelque autre discours, o jai trait cette matire exprs. Mais ce que jen viens de
dire, suffit en cette occasion, pour donner quelque teinture du moyen par lequel cette
Attraction si clbre se fait.
LAutre Attraction qui se fait par le feu, lequel attire lair ambiant, avec les corpuscules
qui sont dans lair, va de cette sorte. Le feu agissant selon sa nature (qui est de pousser
une continuelle rivire ou exhalaison de ses parties, du centre la circonfrence, et hors
de sa source) emporte quant et soi lair qui lui est adjoint et attach aux cts ; comme
leau dune rivire entrane avec soi de la terre du canal ou lit par lequel elle coule. Car
lair tant humide, et le feu sec, ils ne peuvent moins faire que de sattacher et se coller
lun lautre. Or il faut quun nouvel air vienne des lieux circonvoisins; pour remplir la
place de celui qui est emport par le feu; car autrement il y aurait du vide en cet entredeux ; ce que la nature abhorre. Ce nouvel air ne demeure gures en la place quil vient
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remplir; car le feu qui est en un continuel courant et manation de ses parties, lemporte
aussitt avec lui, et attire ce nouvel air : et ainsi il se forme un constant et continuel
courant dair, tant que laction de feu continue. Nous voyons journellement lexprience
de tout ceci. Car si on fait bon feu dans une chambre, il ai tire lair par la porte et par les
fentres : lesquelles si lon ferme, mais que nant-moins il y ait quelque fente ou
crevasse par o lair puisse entrer, en sapprochant dicelle, on entendra un bruit et
sifflement que lair fait en se pressant pour y rentrer (qui est la mme cause qui produit
le son des orgues et des flageolets) et qui se tiendrait entre ces fentes et le feu, il
sentirait une imptuosit de ce vent artificiel qui le morfondrait et glerait du ct o il
frappe. pendant quil se brlerait de lautre ct qui est devers le feu ; et une chandelle
de cire tenue en ce courant de vent, se fonderait et se gterait par sa flamme souffle
contre la cire, en un quart dheure, laquelle chandelle tant en lieu calme o sa flamme
puisse monter tout droit, durerait quatre heures brler.
Mais sil ny a point de passage par o lair puisse entrer dans la chambre, alors une
partie de la vapeur du bois qui se devrait convertir en flamme et monter par la
chemine, descend contre sa nature (pour suppler au dfaut de lair) dans cette
chambre, et la remplit de fume ; et la fin le feu stouffe et steint faute dair. De l
vient que les Chimistes ont raison de dire que lair est la vie du feu, aussi bien que des
animaux. Mais si lon met un bassin ou sceau deau devant le feu sur le foyer, il ny
aura point de fume dans la chambre, encore quelle soit si bien ferme, quil ny puisse
point entrer dair. Car le feu attire des parties de cette eau (tant une substance liquide et
aise mouvoir et remuer de sa place) lesquelles se rarfient en air et font par ce
moyen la fonction de lair. Tout ceci se voit plus videmment, si la chambre est petite :
car alors lair qui y est compris, est plutt enlev et emport. Et cest cause de cette
attraction que lon fait de grands feux aux chambres o il y a eu ds meubles ou des
gens pestifrs, pour les dsinfecter, car cette inondation d*air qui y est attir par le feu,
balaye les murailles, le plancher, et tous les endroits de la chambre, et dtache les
corpuscules pourris, actes, corrosifs et vnneux qui sont les infections qui sy tenaient
attaches, et les attire dans le feu, o ils sont on partie brls, et en partie emports par
la chemine, avec les atomes du mme feu, et de la fume qui en sort. Cest par ce
moyen que le grand Hippocrate (qui pntrait si avant dans la Nature) dsinfecta et
gurit de la peste une province ou rgion entire, y faisant faire par tout de grands feux.
Or cette manire dAttraction se fait non seulement par le feu simple, mais aussi par ce
qui en participe ; cest dire par les substances chaudes. Et ce qui est la raison et la
cause de lune, lest aussi pareillement de lautre. Car les esprits ou parties ignes
svaporant de telle substance ou corps chaud, emportent quant et eux lair adjacent, qui
doit ncessairement tre nourri par un autre air, ou par quelque matire qui tienne lieu
de lair comme nous avons dit du bassin ou sceau deau mis devant le feu pour
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empcher la fume. Cest sur ce fondement que les Mdecins ordonnent lapplication
chaude des pigeons, ou jeunes chiens, ou autres animaux chauds aux plantes des pieds,
Ou pouls des mains, ou lestomac ou nombril de leurs malades, pour tirer hors de leurs
corps des vents ou mauvaises vapeurs qui les infectent. Et en temps de peste et
dinfection universelle de lair, on tue les pigeons, les chats, les chiens, et semblables
animaux chauds, qui font continuellement une grande transpiration et vaporation
desprits, parce que lair, par lattraction qui se fait, prenant la place des esprits qui sont
sortis en cette vaporation, les atomes pestifrs et infects qui sont pars dans lair, et
qui viennent avec lui, sattachent leurs plumes, leur poil, ou leurs fourrures. Et pour
cette mme raison, nous voyons que le pain venant tout chaud du four, attire soit la
mousse de la futaille (qui gte le vin) si on le met ainsi chaud sur le bondon ; et que les
oignons et semblables corps fort chauds qui exhalent continuellement leurs parties
ignes (ce qui se connat par la force de leur odeur) deviennent entachs de F infection
de lair si on les y expose : qui est un des signes pour reconnatre si toute la masse de
lair est universellement infecte. Et lon peut rduire ce chef, la grande attraction de
lair qui se fait par les corps calcins, et particulirement par le tartre rendu tout ign par
lextrme action du feu sur lui, qui sy amasse et se corporifie parmi son sel. Car jai
remarqu quil attire soi neuf fois plus pesant dair, que ce quil pes lui-mme. Car si
vous exposs lair une livre de sel de tartre bien calcin et brl, il vous rendra dix
livres de bonne huile de tartre, attirant et corporisant ainsi lair qui lentoure, et ce qui
est ml parmi lair : comme il arriva lhuile de tartre de Monsieur Ferrier, dont jai
parl ci-devant. Mais il me semble que tout ceci est peu, au prix de lattraction de lair
qui se faisait par le corps dune certaine Religieuse Rome, dont Petrus Servius,
Mdecin du Pape Urbain huitime, fait mention dans un livre quil a publi touchant les
accidents merveilleux quil a remarqus en son temps. A moins dun tel garant, je
noserais pas produire cette histoire ; encore que la Religieuse me lait confirme ellemme, et que bon nombre de Docteurs de la Facult de Mdecine de Rome me laient
aussi assure. Ctait une Religieuse qui par excs de jeunes, de veilles et dOraisons
mentales, stait tellement chauff le corps, quil semblait quelle ft toute en feu, et
que ses os taient tous desschs et calcins. Cette chaleur donc, ce feu interne, attirant
lair puissamment; cet air se corporifiait tout dans son corps, comme il fait dans le sel de
tartre : et les passages y tant tous ouverts, il aboutis-soit de tous cts l o est lgout
des srosits du corps, qui est la vessie, et de l elle le rendait en eau parles urines, et ce
en une quantit incroyable : car elle rendit durant quelques semaines, plus de deux cens
livres deau toutes les 24 heures. Avec cet illustre exemple je mettrai fin aux
expriences que jai avances pour prouver et expliquer Fat-traction qui se fait de lair
par les corps chauds et igns qui sont de la nature du feu.
Mon sixime Principe sera, que quand le feu ou quelque corps chaud attire lair, et ce
qui est dans lair ; sil arrive quil se trouve dans cet air des atomes disperss qui soient
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de semblable nature au corps qui les attire, lattraction de tels atomes se fait bien plus
puissamment que sil ny avait que des corps de diffrente nature : et ces atomes
sarrtent, sattachent et se mlent volontiers avec ce corps : la raison de ceci est la
ressemblance et convenance quils ont de lun avec lautre. Si je nexpliquais pas en
quoi consiste, et ce que, veut dire cette ressemblance et convenance ; je mexposerais
pareille censure et blme que celle dont jai tax au commencement de mon discours
ceux qui parlent vulgairement et la lgre de la Poudre de Sympathie, et de semblables
merveilles de la nature. Mais quand jaurai clairci ce que je veux dire par telle
convenance et ressemblance, jespre que vous serez entirement satisfaits. Je pourrais
vous faire voir quil se trouve plusieurs sortes de ressemblances, qui causent union
parmi les corps : mais je me contenterai de parler ici seulement de trois des plus
notables. La premire ressemblance sera touchant le poids, par laquelle les corps de
mme degr de pesanteur sassemblent ensemble. La raison de cela est vidente ; car si
un corps tait plus lger, il occuperait une situation plus haute que lautre moins lger ;
comme au contraire si un corps tait plus pesant, Il descendrait plus bas quun moins
pesant. Mais ayant mme degr de pesanteur, il se tiennent fort bien ensemble dans un
mme quilibre, comme lon peut voir lil en cette gentille exprience que quelques
curieux produisent, pour donner entendre comment les quatre Elments sont situs
lun par dessus lautre selon leur poids ou pesanteur. Ils mettent dans une fiole de
lesprit de vin teint de couleur rouge, pour reprsenter le feu ; de lesprit de trbenthine
teint en bleu, pour lair : de leau commune teinte en vert, pour reprsenter llment de
leau : et de lmail en poudre, ou de la limaille de quelque mtal solide, pour tenir lieu
de la terre. Vous les voyez lun sur lautre, sans aucun mlange. Et si vous les brouills
soudainement ensemble par quelque violente agitation, voil un vrai Chaos, une
confusion telle quil semble quil ny ait aucuns des atomes de ces corps qui ne soient
ple-mle sans aucun rang. Mais cesss cette agitation, et vous voyez incontinent aprs
chacune de ces quatre substances aller en son lieu naturel, rappelant et unissant tous
leurs atomes en une masse dun ordre fort distinct, de sorte que lon ny voit plus le
moindre mlange possible.
La seconde ressemblance des corps qui sentre attirent et sunissent, est de ceux qui sont
de semblables degrs de raret et densit. La nature et leffet de la quantit, est de
rduire lunit toutes les choses esquelles elle se trouve, si ce nest que quelque autre
puissance plus forte (comme de diffrentes formes substantielles qui la multiplient), ne
lempchent. Et la raison de cela est vidente : car lessence de la quantit est la
divisibilit ou une capacit tre divise qui vaut autant comme qui dirait tre faite
plusieurs; do il sen suit que delle-mme elle nest pas plusieurs : elle est donc dellemme et de sa nature, une extension continue. Puis donc que la nature de la quantit en
gnral tend unit et continuit ; il faut que les premires diffrences de la quantit,
qui sont la raret et la densit, produisent un semblable effet dunit et de continuit es
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corps qui conviennent en mme degr dicelles. Pour preuve de quoi, nous voyons que
leau sunit et sincorpore aisment et fortement leau, lhuile lhuile, lesprit-de-vin
lesprit-de-vin, le vif-argent au vif-argent ; mais difficilement lhuile et leau se
peuvent-elles unir ; ni aussi le mercure lesprit de vin, et autre corps de dissemblable
densit et tnuit. La troisime ressemblance des corps qui les unit et les fait se tenir
fortement ensemble, est celle de la figure. Je ne veux pas ici me servir de lingnieuse
pense de ce grand personnage, qui veut que la continuit des corps rsulte de quelques
petits accrochements qui les tiennent ensemble, et qui sont diffrons aux corps de
diffrente nature. Mais pour ne mtendre pas trop diffusment en chaque particularit
(japprhende que je ne laie dj trop fait) je dirai seulement en gros comme chose
vidente, que chaque sorte de corps affecte une figure particulire. Nous le voyons
clairement parmi les diffrentes sortes de sel. Pilez-les sparment, dissolvez, coagulez
et changez-les tant quil vous plaira, ils reviennent toujours aprs chaque dissolution et
coagulation leur figure naturelle, et chaque atome du mme sel, affecte toujours la
mme figure. Le sel commun se forme toujours en cubes faces quarres. Le sel nitre
en colonnes six faces. Le sel ammoniac en hexagone six pointes, de mme que la
neige est sexangulaire. Le sel durine en pentagone : quoi Monsieur Davisson attribue
la figure pentagonaire de chacune des pierres qui se trouvrent en la Vessie de Monsieur
Pelletier, au nombre de plus de quatre-vingt. Car la mme cause efficiente immdiate,
qui est la Vessie, avait imprim son action et dans ces pierres et dans le sel de lurine. Et
ainsi de plusieurs autres sels. Les Distillateurs ont remarqu que sils reversent sur la
tte morte de quelque distillation, leau qui en a t distille, elle sy imbibe, et sy
runit incontinent : au lieu que si vous y verss quelque autre eau, elle surnage, et a
grande peine de sy incorporer. La raison est que cette eau distille, qui semble un corps
homogne, est pourtant compos de corpuscules de diffrentes natures, et par
consquent de diffrentes figures (comme les Chimistes le montrent lil) et ces
atomes tant chassez par laction du feu hors de leurs chambres, et comme des lits qui
leur taient appropris avec une trs exacte justesse, quand ils reviennent leurs
anciennes habitations, cest dire ces portes quils ont laiss vides dans les ttes
mortes, ils sy accommodent, en se joignant aimablement, et se commensurent
ensemble. Et le mme arrive quand il pleut aprs une grande scheresse; car la terre boit
incontinent cette eau qui en avait t attire par le Soleil : au lieu que toute autre liqueur
trangre ny entrerait quavec difficult. Or qu^il y ait des pores de diffrentes figures
dans des corps qui semblent tre homognes, Monsieur Gassendi laffirme, et tache de
le prouver par la dissolution des sels de diffrentes figures dans leau commune. Quand
(dit-il, ou cet effet) vous y aurez dissout du sel commun autant quelle en peut
prendre, supposons par exemple une livre ; si vous y en mettez encore un scrupule
seulement, elle le laissera entier au fond, comme si ctait du sable ou du pltre ;
nanmoins elle dissoudra encore une bonne quantit de sel nitre. Et quand elle ne
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touchera plus ce sel, elle dissoudra autant de sel ammoniac ; et ainsi dautres sels de
diffrentes figures. Quoi que cen soit de la vrit de ce particulier (que jai examin en
quelque autre endroit) nous voyons que par lconomie de la nature, les corps qui
possdent semblables figures, se mlent plus facilement, et sunissent plus fortement.
Qui est la raison pourquoi ceux qui font de la colle forte pour recoller les vases rompus
de porcelaine, ou de cristal, ou semblables matires, mlent toujours parmi leur colle de
la poudre de semblable corps quest celui quils veulent raccommoder. Et les Orfvres
mmes quand ils veulent souder ensemble des pices dor ou dargent, mlent toujours
semblables mtaux dans leurs soudures.
Ayant ainsi parcouru les raisons et causes pourquoi les corps de semblable nature
sattirent plus puissamment que les autres, et pourquoi ils sunissent plus promptement
et plus fortement ensemble ; voyons selon notre Mthode, comment lexprience
confirme mon raisonnement : car aux choses physiques, il se faut rapporter en dernier
ressort Inexprience ; et tout discours qui nest pas soutenu par l, doit tre rpudi, ou
au moins souponn pour illgitime. Cest une pratique ordinaire, que quand un homme
sest brl, par exemple la main, il la tient quelque espace de temps au feu ; et par ce
moyen, les corps ou atomes igns du feu de la main se mlant, et sattirants les uns les
autres, et les plus forts (qui sont ceux du feu) remportant par dessus les autres, la main
se trouve beaucoup soulage de linflammation quelle souffrait. Cest un remde
ordinaire (quoi que fcheux mais pour un mal plus fcheux) que ceux qui ont lhaleine
mauvaise tiennent la bouche ouverte lembouchure dun priv, le plus quils peuvent,
et par la ritration de ce remde, ils se trouvent enfin guris, la grande puanteur du
priv attirant soi et emportant la moindre, qui est celle de la bouche. Ceux qui ont t
mordus ou piqus dun vipre ou dun scorpion, tiennent sur la piqre un scorpion, ou
une tte de vipre crase, et par ce moyen le poison qui par une espce de filtration
savanait pour gagner le cur, retourne en arrire sur ses pas, et revient sa principale
source, o il y en a plus grande quantit, et laisse la partie blesse entirement dlivre
de ce venin. En temps de peste lon porte autour de soi de la poudre des crapauds, ou
mme un crapaud ou araigne vive (enferme en quelque vaisseau commode) ou de
larsenic, ou quelque autre semblable substance venimeuse ; laquelle attire soi
linfection de lair, qui autrement pourrait infecter la personne qui la porte. Et cette
mme poudre de crapauds attire aussi soi tout le poison dun charbon pestilentiel. Le
farcin est une humeur venimeuse et contagieuse dans le corps dun cheval ; pendez-lui
un crapaud autour du col dans un sachet, et il sera guri infailliblement ; le crapaud qui
est le plus grand venin attirant soi le venin qui est dans le cheval.
Faites vaporer de leau dans une tuve ou autre chambre bien ferme ; sil ny a rien
qui attire cette vapeur, elle sattachera partout aux murailles de ltuve, et mesure
quelle se refroidit, se recondense l en eau : mais si vous mettez un bassin ou sceau
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plein deau en quelque. endroit de ltuve, il attirera soi toute la vapeur qui remplissait
la chambre, en sorte quaprs cela, on ny trouvera rien de mouill. Si vous distills du
mercure (qui se rsolvant en fume, passe dans le rcipient) mettez-en un peu dans la
rigole de la chape, et tout le Mercure de lalambic samassera l, et rien ne passera dans
le rcipient. Si vous distills lesprit de sel ou de vitriol, ou le baume de souffre, et
laisss le passage libre entre lesprit et la tte morte, do il est sorti les esprits
retourneront la tte morte, qui tant fixe et ne pouvant monter, les attire soi. En notre
pays (et je crois que cest le mme ici) lon fait provision pour toute lanne de pts de
Cerfs et de Daims, en la saison que leur chair est meilleure et plus savoureuse, qui est
durant le mois de Juillet, et Aot ; lon les cuit dans des pots de terre, ou crote dure de
seigle, aprs les avoir bien assaisonns dpices et de sel ; et tant froids, on les couvre
six doigts de hauts de beurre frais fondu, pour empcher que lair ne les entame. On
remarque pourtant, toutes les diligences quon peut faire, que quand les btes vivantes
qui sont de mme nature et espce sont en Rut, la chair qui est dans ces pots sen ressent
puissamment, est grandement altre, et a le got fort, cause de ces esprits bouquains
qui sortent en cette saison des btes vivantes, et sont attirs par la chair morte de leur
mme nature. Et alors on a la peine dempcher que cette chair ne se gte. Mais cette
saison tant passe, il ny a plus de danger pour tout le reste de lanne. Les marchands
de vin remarquent en ce pays-ci et par tout o il y a du vin, quen la saison que les
vignes sont en fleur, le vin qui est dans la cave fait une fermentation, et pousse une
petite lie blanche (quil me semble quon appelle la mre) la superficie du vin ; lequel
est en dsordre jusqu ce que les fleurs des vignes soient tombes ; et alors cette
agitation ou fermentation stant apaise, tout le vin revient en ltat o il tait
auparavant. Et ce nest pas daujourdhui seulement quon a fait cette remarque : car
(pour ne rien dire de plusieurs autres qui en parlent) Saint-phrem le Syrien, dans son
dernier Testament (il y a prs de treize cens ans) rapporte cette mme circonstance du
vin, qui souffre une agitation et fermentation dans le tonneau mme temps que les
vignes exhalent leurs esprits la campagne : et se sert ainsi dun pareil exemple des
oignons secs qui germent dans le grenier, quand ceux qui sont sems dans le Jardin
commencent sortir de la terre et embaumer lair de leurs esprits. Voulant indiquer par
tels exemples connus de la nature, la communication qui est entre les personnes
vivantes et les mes des morts. Cest que ces esprits vineux qui manent des fleurs
remplissent lair de tous cts (comme les esprits du Romarin dEspagne dont nous.
parlions tantt) ils sont attirs dans les tonneaux par le vin qui leur tient lieu de source,
et qui a abondance de semblables esprits. Et ces nouveaux esprits volatiles survenants,
excitent les esprits les plus fixes du vin, et y causent une fermentation, comme si on y
versait du vin doux ou du vin nouveau. Car en toute fermentation il se fait une
sparation des parties terrestres, et des parties huileuses, qui se rejettent hors des parties
essentielles ; et ainsi les plus lgres montent la superficie, et les plus pesantes
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deviennent en lie tartareuse qui tombe au fonds. Mais si en cette saison lon na pas
assez de soin de garder le vin dans un lieu propre et bien tempr, et de tenir les
vaisseaux pleins et bien bouchs, et faire les autres diligences qui sont ordinaires aux
Tonneliers ; lon court risque de voir le vin sempirer beaucoup : parce que ces esprits
volatiles venant svaporer, ils emportent avec eux les esprits du vin quils ont excits
et avec lesquels ils se sont mls. Tout de mme que lhuile de tartre de Monsieur
Ferrier. attirant les esprits volatiles des ross rpandus dans lair en leur saison, souffrait
une nouvelle fermentation et faisait tous les ans une nouvelle attraction de semblables
esprits, cause de laffinit que cette huile avait contracte avec ces esprits en sa
premire naissance; et puis aprs en tait priv, comme la saison se assoit. Et cest pour
cette mme raison quune nappe ou serviette, tache dune meure ou de vin rouge, est
aisment nettoye en la lavant la saison que ces plantes fleurissent ; au lieu qu tout
autre temps ces taches ne cdent point la lessive, mais ce nest pas seulement en
France et aux lieux o les vignes sont proches du vin que cette fermentation se fait. En
Angleterre, o nous navons pas assez de vignes pour en faire du vin, la mme chose
sobserve, et encore quelque particularit davantage. Quoi quon ne fasse pas de vin en
notre pais, nous en avons pourtant en trs grande abondance qui sy apporte de dehors.
Il en vient principalement de trois endroits, des Canaries dEspagne et de Gascogne. Or
ces rgions tant en diffrons climats et degrs de latitude et par consquent lune plus
chaude que lautre, et o les mes-mes arbres et plantes fleurissent plutt les unes que les
autres, il arrive que cette fermentation de nos diffrons vins savance plus ou moins,
selon que les vignes dont ils proviennent fleurissent plutt ou plus tard en leur pays,
tant conforme la raison que chaque vin attire plus volontiers les esprits des vignes
dont il provient que des autres. Je ne saurais mempcher en cette occasion de faire une
petite digression pour dvelopper un autre effet de la nature que nous voyons assez
souvent, et qui nest pas moins curieux que le principal que nous traitons. Il semblera
peut-tre avoir ses causes et ses ressorts encore plus obscurs ; nanmoins ils dpendent
en plusieurs circonstances des mmes principes, quoi quen dautres aussi ils soient
diffrons. Cest touchant les marques qui arrivent aux enfants, quand leurs mres durant
leurs grossesses ont envie de manger de quelque chose. Pour y procder dans mon ordre
accoutum, jen proposerai premirement quelque exemple. Une Dame de haute
condition que plusieurs de cette Assemble connaissent (au moins par rputation) a sur
son col la figure dune meure, aussi exacte comme un Peintre ou un Sculpteur la
pourrait reprsenter : car elle nen a pas seulement la couleur, mais aussi la grosseur,
avanant par-dessus la chair, comme si elle tait en demi relief. La mre de cette Dame
tant grosse delle, elle eut envie de manger des mres ; et son imagination en tant
remplie, la premire fois quelle en vit, il lui en tomba une par accident sur le col ; on
essuya aussitt et avec soin le sang de cette mre, et elle nen sentit autre chose pour
lors ; mais lenfant tant n, on aperut la figure dune meure sur son col, au mme
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endroit o le fruit tait tomb sur celui de la mre ; et tous les ans la saison des mres,
cette impression, ou pour dire mieux, cette excroissance senfle, grossit, dmange, et
devient enflamme. Une autre fille qui avait une semblable marque, mais dune fraise,
en tait encore plus incommode : car en la saison des fraises, non seulement elle
dmangeait et senflammait. mais elle se crevait comme un abcs, et il en dcoulait une
humeur cre et corrosive : jusqu ce quun habile chirurgien lui ta tout, jusquaux
racines, par le moyen dun cautre, et depuis cela, elle na jamais senti aucun
changement en cet endroit, qui lincommodait tant auparavant, ny tant rest quune
simple cicatrice.
Or donc, tchons de pntrer si nous pouvons, les causes et raisons de ces merveilleux
effets. Pour commencer, je dis que dans les actions de tous nos sens, il y a une
participation matrielle et corporelle, cest--dire que quelques atomes du corps qui
agissent sur les sens, entrent dans leurs organes qui leur servent de tuyaux pour les
conduire et les porter au cerveau et limagination. Ceci est vident aux odeurs et aux
saveurs. Et pour ce qui est de loue ; lair extrieur agit, cause un mouvement dans la
membrane ou tympan de loreille, qui donne un semblable branle au marteau qui y est
attach ; lequel battant sur son enclume, cause un rciproque mouvement de lair
enferm au dedans de loreille : et ce mouvement de lair est ce que nous appellerons le
son. Pour la vue, il est vident que la lumire rflchie du corps qui se voit, entre dans
les yeux, et ne peut quelle namne avec soi quelques manations du corps mme qui la
rflchit ; selon ce que nous avons tabli dans le second principe. Il reste seulement de
montrer que le semblable se fait dans le plus grossier de nos sens qui est lattouchement.
Car sil est vrai, comme nous lavons montr, que tout corps envoy une continuelle
manation datomes hors de soi, il ny reste plus de difficult. Mais pour rendre cette
vrit encore plus manifeste, et ter toute la possibilit den douter, je la veux montrer
videmment lil, et chacun en peut faire lexprience en un quart dheure sil a cette
curiosit, et encore en moins de temps.
Je crois que vous savez la grande affinit qui est entre For et le vif argent ; si For le
touche, le mercure sattache lui, et le blanchit en sorte quil ne semble plus tre or,
mais argent seulement. Si vous jetez cet or blanchi dans le feu, sa chaleur chasse le
mercure, et lor retourne sa premire couleur ; mais si vous rpts ce procd
plusieurs fois, For se calcine, et alors vous le pouvez broyer et rduire en poudre. Et il
ny a aucun dissolvant au monde qui puisse bien calciner et brler le corps solide de
lor, que le mercure, je parle de celui qui est dj form par la nature, sans mengager
parler de celui dont est fait mention dans les secrets des Philosophes. Prenez donc du
mercure en quelque cuelle de porcelaine ou autre vase propre, et manis-le avec les
doigts dune main, et si vous avez une bague dor lautre main, elle deviendra blanche
et charge de mercure, sans que vous len approchiez en aucune faon. De plus, si vous
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mettez une lame dor ou un cu dor en votre bouche, et que vous mettiez seulement le
doigt dun de vos pieds dans du mercure, et ly teniez un peu, lor qui est en votre
bouche sera tout blanc et couvert de mercure : et si vous mettez cet or au feu pour en
faire vaporer tout le mercure, et que vous ritriez cette procdure assez de fois, vtre
or sera calcin, comme si vous aviez joint corporellement le mercure par amalgame. Et
tout cela se fera encore plus vite et plus efficacement, si au lieu de mercure commun,
vous vous servez de mercure dantimoine, qui est bien plus chaud et bien plus
pntrant : et mme en le chassant par le feu, il emportera avec lui une bonne quantit
de la substance de lor : de sorte que rptant souvent cette ope-ration, il ne vous restera
plus dor pour continuer ces preuves. Si donc le mercure froid pntre ainsi par tout le
corps, on ne doit pas trouver trange que les subtils atomes dun fruit compos de
beaucoup de parties ignes, y aillent plus aisment et plus vite. Je vous ferai encore voir
dans la suite comment semblables esprits et manations, pntrent aussi soudainement
dans lacier, quoi que si dur et ai froid ; e: quils font l leur rsidence durant plusieurs
mois et plusieurs annes. Dans un corps vivant, comme est celui de lhomme, les esprits
internes aident et contribuent beaucoup de facilit aux esprits de dehors, tels que sont
ceux du fruit, pour faire aisment leur voyage jusquau cerveau. Le grand Architecte de
la nature, en fabriquant le corps humain, chef-duvre de la nature corporelle, y a mis
des esprits internes, comme des sentinelles, pour rapporter leurs dcouvertes leur
Gnral, cest dire limagination, qui est comme la matresse de toute cette famille,
afin que lhomme puisse savoir et reconnatre ce qui se fait hors de son Royaume, dans
le grand monde; et quil puisse viter ce qui lui pourrait nuire, et rechercher ce qui lui
est utile. Car ces sentinelles ou esprits internes, et tous les habitants des organes
sensitifs, nen sauraient juger seuls. De sorte que si la pense ou limagination est
fortement distraite quelque autre objet, ces esprits internes ne savent pas seulement si
lhomme a bu le vin quil vient davaler ; sil a vu quelque personne, qui vient de le
saluer, pendant quil la regardait fixement ; sil a ou lair quon venait de chanter ou
jouer sur les violons auprs de lui. Car les esprits internes portent toutes leurs
acquisitions limagination ; et si elle nest pas plus fortement occupe sur quelque
autre objet, elle en forme des ides ou des images, dautant que les atomes de dehors
rapports par ces esprits internes notre imagination btissent l un difice pareil, ou
plutt un modle en petit, tout fait ressemblant aux grands corps do ils sortent. Et si
notre imagination na plus affaire de ces atomes significatifs pour le prsent, elle les
range en quelque lieu propre dans son magasin, qui est la mmoire, do elle les peut
rappeler et reprendre quand il lui plait. Et si cest quelque objet qui cause
limagination quelque motion, et qui la touche de plus prs que le commun des objets
qui y entrent, elle renvoy ses satellites, les esprits internes, aux confins pour lui en
rapporter des nouvelles plus particulires : et de l vient que quand un homme est
surpris par la vue inopine de quelque personne, ou dun objet qui a dj une place
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minente dans son imagination, soit de dsir, soit diversion, alors cet homme change
aussitt de couleur, et devient rouge, puis ple, puis rouge encore, par diverses fois,
selon que ces ministres qui sont ces esprits internes, vont vite ou lentement vers lobjet,
puis sen retournent avec leurs rapports vers limagination qui est leur matresse. Mais
outre ces passages dont nous parlons, qui vont du cerveau aux parties externes du corps
par le moyen des nerfs, il y a encore un grand passage du cerveau au cur, par lequel
les esprits vitaux montent du cur au cerveau pour tre faits animaux; et par celui-ci,
limagination envoy au cur une partie de ces atomes quelle a reu de quelque objet
externe ; et ils font l une bullition parmi les esprits vitaux; lesquels selon la nature des
a tonnes survenants, ou font un panouissement et dilatation au cur ou bien ils le
resserrent et attristent ; et ces deux actions diffrentes et contraires sont les premiers
effets gnraux, desquels proviennent puis aprs les passions particulires; qui ne
requirent pas que je les poursuive plus loin en cet endroit, layant fait fort
particulirement autre part, o jai trait cette matire dessein. Outre ces passages, qui
sont communs tous les hommes et les femmes, il y en a un autre tout particulier aux
femmes, qui est, de leur cerveau la matrice : par lequel il arrive parfois quil monte au
cerveau des vapeurs si violentes et en si grand nombre, quelles empchent les actions
du cerveau et de limagination, et causent des convulsions et des folies, et autres
merveilleux accidents ; et par le mme canal, les esprits ou atomes passent avec grande
libert et vitesse la matrice, quand il en est besoin.
Maintenant, considrons comme limagination forte dune personne, agit
merveilleusement sur celle dun autre qui la plus faible et passive. Nous voyons toute
heure que si une personne baille, tous ceux qui la voient bailler, sont excits faire de
mme. Si lon se rencontre parmi des personnes qui rient avec excs, on a de la peine
sempcher de rire, quoiquon ne sache pas le sujet pourquoi les autres rient. Si lon
entre dans une maison o tout le monde est triste, on devient mlancolique ; car comme
disait celui-l, Si vis meflere, dolendum est primum ipsi tibi. Les femmes et enfants tant
fort humides et passives, sont les plus susceptibles de cette contagion dsagrable de
limagination.
Jai connu une femme qui tant fort mlancolique et sujette aux maux de mre, se
croyait possde, et faisait dtranges actions, qui parmi les moins aviss passaient pour
effets surnaturels et dune possde. Ctait une personne de condition ; et tout cela lui
fut caus par un grand ressentiment quelle eut de la mort de son mary. Elle avait auprs
delle quatre ou cinq jeunes Damoiselles, dont quelques-unes taient ses parentes,
dautres la servaient en sa chambre. Toutes celles-ci devinrent possdes comme elle, et
faisaient daussi prodigieuses actions. On spara ces jeunes filles de sa vue et de sa
communication, et comme elles bavaient pas encore contract de si profondes racines
du mal, elles furent toutes guries par labsence seule de ce qui les infectait : et cette
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Dame mme fut aussi gurie par le Mdecin, qui lui purgea ses humeurs atrabilaires, et
remit sa matrice en bon tat. Il ny avait point l de fourberie ni de dissimulation. Je
pour-rois faire un long et notable narr de semblables choses arrives aux Religieuses
de Loudun : mais layant autrefois fait en un discours particulier mon retour de leur
pays, o je discernai le tout fort exactement, je nen dirai point davantage pour cette
fois, et je najouterai cette matire autre chose, sinon de vous souvenir que lorsquil y
a deux luts, ou deux harpes proches lune de lautre, accordes mme ton, vous
touchs une corde en une des harpes, une autre qui lui est consonance en lautre harpe,
se remuera en mme temps, quoi que personne ne la touche. De quoi Galile a fort
ingnieusement rendu la raison.
Pour donc appliquer notre matire tout ce que jai rapport sur ce sujet : Je dis que
puisquil est impossible que deux personnes spares soient si proches lune de lautre
comme est lenfant de sa mre, lorsquil est encore dans son ventre : on peut conclure
de l que tous les effets dune imagination forte et vhmente, agissants sur une autre
faible, passive et tendre, doivent tre plus efficaces en la mre agissante sur son enfant,
que quand les imaginations dautres personnes agissent sur celles qui ne leur sont de
rien.
Et comme il est impossible quaucun Matre de Musique, pour expert et exact quil soit
puisse jamais accorder en consonance deux harpes lune avec lautre, si parfaitement
que faille grand Matre de lUnivers les deux corps de la mre et de lenfant; aussi suitil par consquent, que la concussion qui se fait de la principale corde de la mre, qui est
son imagination, doit produire un plus grand branlement dans la consonante de lenfant
(savoir aussi son imagination) que ne fait la corde touche dun luth sur la corde qui lui
est consonante dans lautre. Et quand la mre envoy des esprits quelque partie de son
corps, il faut que dautres de semblable nature aillent semblable partie du corps de son
enfant. Or donc rappelons en notre mmoire comment limagination de la mre est
remplie de ces atomes corporels qui viennent de la meure ou de la fraise qui lui tait
tombe sur le col ou sur le sein ; et son imagination tant alors en grande motion par
cet accident, il arrive quelle doit envoyer une bonne partie de ces atomes au cerveau de
lenfant, et aussi pareille partie de son corps comme celle o elle a reu le premier
coup, et entre laquelle et son cerveau, passent de si frquents et si vtes messagers
comme nous avons dpeint. Lenfant aussi de son ct (qui a ses parties accordes en
consonances avec celles de sa mre) ne peut faillir dobserver le mme mouvement
desprits entre son imagination et son col, ou son sein. que fait sa mre entre les siens; et
ses esprits tant accompagns des atomes de la meure que sa mre lui a envoys son
imagination, ils font une impression profonde et permanente en sa peau dlicate : pour
lequel effet, celle de sa mre est trop dure. Comme si lon tire un pistolet charg de
poudre seulement, contre du marbre, la poudre ne fait autre effet que le salir un peu,
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mais il est incontinent nettoy en le frottant : au contraire si lon le dcharge contre le


visage dun homme, les grains de poudre pntrent dans sa peau, et sy attachent et y
demeurent rellement imprims durant toute sa vie, et se font connatre et voir par leur
propre couleur noire bleutre quelles conservent toujours. De mme les petits grains ou
atomes du fruit qui ont pass du col de la mre son imagination, et de l pareil
endroit de la peau de lenfant, se logent l et y demeurent continuellement, et servent de
source pour attirer les atomes de pareil fruit pars dans lair en leur saison (comme le
vin dans le tonneau ou en une lche sur du linge, attire soi les esprits volatiles des
fleurs des vignes en leur saison) et en les attirant, la partie de la peau o ils rsident, se
fermente, senfle, dmange, senflamme, et mme quelquefois se crev.
Mais pour rendre encore plus considrable la merveille dcs marques denvie (puisque
nous sommes sur ce sujet] je ne saurais me passer de toucher encore une autre
circonstance, qui pourrait sembler dabord porter ce miracle de nature au del des
causes que jen viens de donner : mais en effet, aprs lavoir bien examine, nous
verrons quelle dpend absolument des mmes principes. Cest que souvent de fois il
arrive que limpression de la chose dsire se. fait sur lenfant, sans quelle louche, ou
tombe sur le corps de la mre : il suffit que quelque autre chose tombe ou batte
limprvu sur quelque partie du corps de la femme enceinte, pendant que telle envie
domine dans son imagination, et la figure de la chose ainsi dsire, se verra ensuite
imprime sur la mme partie du corps de lenfant, que celle de la mre qui a reu le
coup. La raison de ceci est, que les atomes de la chose de sire enlevs par la lumire,
vont au cerveau de la femme grosse par le canal des yeux, aussi bien que dautres
atomes plus matriels, provenant de lattouchement corporel, iraient l par la conduite
des nerfs. Et de ces corpuscules, la mre forme en son imagination un modle complet
du gros et total do ils manent. Que si la femme nest attaque quintrieurement, ces
atomes qui sont en son imagination, ne font autre voyage qu son cur, et de l
limagination et au cur de lenfant, et ainsi ne causent quun renforcement del
passion en tous deux, laquelle peut tre mue une imptuosit si violente, que si la
mre ne jouit de lobjet dsir, cette passion peut causer la ruine de tous les deux, au
moins les prjudicier notablement en leur sant, et faire une grande altration dans leurs
corps. Cependant, si quelque coup inopin surprend la mre en quelque partie de son
corps, les esprits qui rsident dans le cerveau, sont incontinent envoys l par son
imagination, comme il arrive, non seulement en ces cas denvie, mais en tous autres
semblables coups de surprise aussi bien parmi les hommes que parmi les femmes, et ces
esprits sy transportent avec autant plus dimptuosit que la passion est plus violente :
de mme quune personne qui aime passionnment une autre, court prompte-ment la
porte chaque fois que quelquun y vient heurter, ou que Hylax in limine latrat, esprant
toujours que cest celle qui occupe entirement ses penses (car, qui amant ipsi sibi
omnia fingunt) qui lui vient rendre visite. Et ces esprits meus par ce coup inopin, tant
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alors mls avec les corpuscules ou atomes de la chose dsire qui occupait si
puissamment sa fantaisie, ils les mnent quant et eux la partie frappe de son corps, et
encore la mme partie du corps de lenfant, aussi bien qu son imagination. Et aprs
cela tout ce qui en arrive, est la mme chose, aussi bien lenfant qu la mre, comme
quand la meure ou la fraise tomba sur le sein ou sur le col des Dames dont je vous ai
entretenu.
Permettez-moi, Messieurs, de prolonger ma digression encore dun mot, pour vous
raconter un accident merveilleux, connu de toute la Cour dAngleterre, en confirmation
de lactivit et impression que fait limagination de la mre sur le corps de lenfant dont
elle est grosse. Une Dame ma parente (ctait ma Nice de Fortescu, fille du Comte
Arondel) me venait voir quelquefois Londres. Elle tait fort belle et bien faite ; et elle
le savait bien, y prenant grande complaisance, et tant bien aise non seulement de
conserver son agrment, mais encore dy ajouter ce quelle pouvait. Elle se persuadait
que les mouches quelle mettait sur son visage lui donnaient beaucoup dornement :
cest pourquoi elle tait fort soigneuse den porter des plus curieuses. Mais comme il est
bien difficile de tenir une modration aux choses qui dpendent plutt de lopinion que
de la nature, elle en portait avec excs, et sen chargeait tout le visage. Quoique cela ne
me revins gures, et que jeusse pu prendre la libert de lui en dire mon sentiment, et
quelle laurait trouv bon : nanmoins il ne me sembla pas tre de saison de lui dire
rien qui la pt contrister ou choquer le moins du monde, pendant quavec tant de bont
et de douceur elle me venait rendre ses agrables visites. Je mavisai toutefois un jour
de len railler de telle faon, quelle nen ft point mcontente, me souvenant que
ridentem dicere verum quid vetat ; Et ainsi je fis tomber notre discours sur sa prsente
grossesse, lui recommandant davoir soin de sa sant, dont elle tait assez ngligente,
selon la coutume des jeunes femmes vigoureuses, qui ne savent encore ce que cest que
dtre sujettes aux indispositions. Elle me remerciait de mon soin, me tmoignant
quelle ne croyait pas quelle dt rien faire dextraordinaire pour sa sant qui tait si
bonne, quoi quelle ft grosse. Au moins, lui dis-je, vous devriez donc avoir gard
votre enfant. O pour cela, dit-elle, il ny a rien que je ne fasse de ce qui pourra
contribuer son bien. Mais cependant, lui rpliquai-je, voyez combien de mouches
vous ports au visage ; navez-vous pas peur que votre enfant ne naisse avec de
semblables marques sur le sien? Mais quel danger y a-t-il, dit elle, et quel rapport que
mon enfant naisse avec des taches au visage, parce que je porte des mouches ? Vous
navez pas donc ou dire, repartis-je, les merveilleux effets que font les imaginations des
mres sur le corps de leurs enfants pendant quelles sont grosses ; Je men vais vous en
raconter quelques-uns. Et ainsi je lui fis rcit de plusieurs histoires sur ce sujet, comme
de celle de la Reine Ethiopienne qui accoucha dun enfant blanc, quon attribuait au
portrait de notre Dame quelle avait la ruelle de son lit, et auquel elle avait grande
dvotion : lautre dune femme qui accoucha dun enfant velu pour semblable raison
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dun portrait de saint Jean-Baptiste au dsert, habill dune tunique de poil de chameau.
Je lui racontai aussi ltrange antipathie que le dfunt Roi Jacques avait contre une pe
nue, dont on attribuait la cause, ce que quelques Seigneurs dEscosse entrrent un jour
par violence dans le cabinet de la Reine sa mre durant quelle tait grosse de lui, et
faisait des dpches avec son premier Ministre qui tait Italien, lequel ils turent coups
d*pe et le jetrent ses pieds : et furent si barbares, que peu sen fallut quils ne
blessassent aussi la Reine, qui esprait sauver son ministre en se jetant entredeux : au
moins la peau lui fut lgrement entame en divers endroits. Bucanan fait mention en
son Histoire de cette Tragdie.
Tant y a que le Roi Jacques son fils eut une telle aversion durant toute sa vie dune pe
nue, qu^il ne la pouvait voir sans une extrme motion Et quoi que trs courageux en
toutes autres circonstances, il ne se put jamais vaincre en ce dfaut particulier. Je m
souviens que quand il me donna lOrdre de Chevalier, et que ce vint la crmonie de
me toucher lpaule avec la pointe dune pe, il ne se pt pas contraindre de la
regarder, mais tourna la tte dun autre ct, de sorte quau lieu de me toucher lpaule,
il faillit me donner de la pointe dans les yeux, net t que Duc de Bouquingan, qui
savait bien ce qui en arriverait, la guida avec sa main, comme elle devait aller. Je lui
allguai plusieurs semblables histoires, pour lui faire comprendre quune sorte
imagination de la mre, pouvait faire quelque notable impression sur le corps de son
enfanta son grand prjudice. Et aprs cela, considrez lui dis-je, comment vous tes
toujours attentive vos mouches ; vous les avez continuellement prsentes votre
imagination ; vous vous estes regarde plus de dix fois dans votre petit miroir, depuis
que vous estes dans cette chambre, navez-vous pas sujet dapprhender que votre
enfant naisse avec le visage charg de taches semblables vos mouches, ou plutt que
tout le noir qui est partag en plusieurs petites portions ne sassemble en une, et lui
vienne au milieu du front, au lieu le plus apparent et le plus remarquable de son visage :
Une tache aussi grande quun cu dor aurait belle grce en cet endroit : Ah, mon Dieu !
dit-elle, plutt que cela marrive, je ne porterai plus de mouche durant ma grossesse. Et
de fait, tout lheure elle les ta et les jeta toutes.
Quant ses amis la voyaient aprs cela tout fait sans mouches, ils lui demandaient do
venait quelle, qui tait reconnue pour la plus curieuse de la Cour en matire de
mouches, les avait quittes tout coup, et quelle nen portait plus ; Elle leur rpondait
que son Oncle en qui elle avait beaucoup de crance, lui avait assur que si elle en
portait durant sa grossesse, son enfant vien-droit au monde avec une tache noire au
milieu du front, large comme un cu dor. Cette apprhension lui tait si vivement
grave dans limagination, quelle y rvait continuellement. Et ainsi cette pauvre Dame
qui avait si peur que son enfant net quelque marque au visage ne pt nanmoins
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empcher quil ne naquit avec une tache noire tout au milieu du front, de la grandeur et
de la faon quelle se les -toit toujours figure dans son imagination. Ctait une fille,
au reste fort belle, et il y a peu de mois que je lai vue, portant toujours cette marque de
la force de limagination de sa mre. Je ne veux pas vous entretenir, Messieurs, de la
femme de votre voisinage Carcassonne, qui depuis peu de mois accoucha dun
prodigieux monstre, ressemblant exactement un singe extraordinaire quelle prit
plaisir de voir souvent pendant sa grossesse, car vous devez savoir lhistoire mieux que
moi : ni aussi de celle de Saint-Maixent, qui ne pouvant tre dtourne daller voir
durant sa grossesse un malheureux enfant dune pauvre passagre, qui naquit sans bras,
accoucha au bout de son terme dun semblable monstre, qui neut pas seulement
quelque petite excroissance sortante des paules, pour marquer les endroits do les bras
dvoient tre descendus : et moins de celle qui voulant voir lexcution dun criminel
qui eut le col coup, en prit tellement lpouvante, et limpression en demeura si
vivement imprime dans son imagination, qu linstant elle tomba en travail denfant,
et peine la pt-on transporter en son logis, quelle y accoucha quelques semaines
devant son terme, dun enfant qui avait la tte spare du corps, toutes les deux parties
versant encore du sang, outre celui qui en tait dj abondamment dcoul et rpandu
dans la matrice de la mre, comme si le coup du Bourreau ne venait que tout
frachement dtre donn sur ce pauvre petit corps. Ces trois exemples, et plusieurs
autres bien avrs, que je vous pourrais allguer quoi quils tmoignent clairement
ladmirable force de limagination, mengageraient trop avant si je voulais tacher den
clairer les causes et den dvelopper les difficults qui sy trouveraient bien plus
grandes quen aucuns des prcdons exemples dont je vous ai entretenu : dautant que
ces esprits ont eu la force de causer des changements essentiels et si pouvantables dans
des corps entirement achevs de former en toute leur perfection, et quil semble quon
puisse croire quen quelquun deux il y ait eu transmutation dune espce en une autre
et introduction dune nouvelle forme informante dans la matrice sujette, dune nature
totalement diffrente de celle qui y avait t la premire : si au moins ce que la plupart
des Auteurs nous disent du temps de lanimation de lenfant au ventre de la mre, est
bien dtermin et vritable. Cette digression a t dj trop longue. Est modus in rbus,
sunt certi denique fines, Quos ultra citraque nequit consister e rectum.
Pour retourner donc au grand canal et fil de notre discours, les expriences et exemples
que je viens de rapporter en suite et en confirmation des raisons que javais allgues,
nous montrent assez que les corps qui tirent les atomes disperss dedans lair attirent
plus puissamment ceux qui sont de leur nature, qu ils ne font les htrognes ou
trangers. comme le fait le vin, les esprits vineux, lhuile de tartre fermente dun levain
de ross, les esprits volatiles des ross, la chair de cerf ou de daim en pts, les esprits
de venaison de semblables btes, et ainsi des autres que je viens de vous dduire.
LHistoire des Tarentules, au Royaume de Naples, est fameuse. Vous savez comment le
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venin de cette bte montant par la blessure de ceux qui en ont t piqus, jusqu leur
cerveau et leur cur, excite en leur imagination un imptueux dsir dentendre
certains airs mlodieux ; car ils se plaisent presque tous des airs diffrents. Quand
donc ils ont ou chanter un air qui leur plait, ils dansent incessamment, et par ce moyen
ils suent abondamment, tellement que cette sueur fait vaporer une bonne partie du
venin, outre que le son de la musique excite un mouvement et cause une agitation parmi
les esprits ariens et vaporeux qui sont dans le cerveau, et dedans et autour du cur, et
diffus par tout le corps de ceux qui lentendent, proportionnment la nature et la
cadence de telle musique :
comme quand Thimothe emportait Alexandre le Grand avec vhmence telles et
telles passions quil voulait : tout de mme aussi que quand le son dun Luth fait
trembler les cordes dun autre, par les mouvements et tremblements quil cause dans
lair, sans autrement les toucher ou y approcher. Nous voyons aussi, sou-ventes fois,
que des sons qui ne sont que des mouvements de lair, causent semblables mouvements
dans leau.
Comme quand le son aigu qui est caus en frottant fort avec le doigt sur le bord dun
verre plein deau, excite un frmissement, tournoiement et rejaillissement de quelques
gouttes deau, comme si elle dansait la cadence de ce son. Et le son harmonieux des
cloches, aux pays o lon les fait aller en musique, et certains airs, fait le semblable
sur la superficie calme des rivires voisines, et principalement la nuit, quand il ny a
point dautre mouvement qui choque et rompe celui-ci. Car lair tant contigu ou plutt
continu leau, et leau tant fort susceptible du mouvement, il se fait dans leau un
mouvement semblable celui qui tait commenc dans lair. Et le mme contact qui est
entre lair agite et leau, qui par ce moyen est semblablement agite, se fait aussi entre
lair agit, et les esprits vaporeux qui sont dans le corps de ceux qui ont t mordus par
la Tarentule, lesquels esprits sont par consquent mus par cet air agit, cest--dire, par
ce son, et ce dautant plus efficacement que cette agitation ou son, est proportionne la
nature et temprament des blesss. Et cette agitation interne de ces esprits et vapeurs,
aide les dcharger du venin vaporeux de la Tarentule qui est ml parmi tous leurs
humeurs : de la mme manire que les eaux croupissantes, et les airs corrompus et
putrfis par le repos et parle mlange dautres mauvaises substances, se raffinent et se
purifient par le mouvement. Mais lhivers arrivant qui engourdit ces btes, ils ne se
sentent plus de ce mal. Mais au retour de la saison en laquelle ils avoient t piqus, leur
mal revient et il faut quils dansent comme ils faisaient lanne prcdente. La raison est
que la chaleur de lt chauffe, aigrit et rehausse le venin de la bte, de sorte quelle
redevient malicieuse et furieuse comme auparavant, et ce venin chauff svaporant et
se rpandant dans lair, le levain de ce mme venin qui reste encore dans le corps de
ceux qui ont t piqus, lattire soi, et il se fait une fermentation qui infecte aussi les
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autres humeurs, dont la fume venant monter au cerveau de ces pauvres Malades, elle
y produit ces tranges effets. Il n^est pas moins connu aux endroits o il y a de gros
chiens ou dogues (comme en Angleterre) que si un homme a t fort mordu dun de ces
chiens, on tche de le tuer, encore quil ne soit pas alors enrag, de peur que le
devenant, le levain de cette colre canine qui reste dans le corps du mordu, nattire soi
les esprits enrags du mme chien en suite de quoi lhomme le deviendrait aussi. Et ceci
se pratique non seulement en Angleterre o il y a des dogues si dangereux , mais aussi
en France selon le rapport du Pre Cheron, Provincial des Carmes de ce pals, en son
Examen de la Thologie Mystique, nouvellement imprim, et que je viens de lire. Je ne
vous dirai rien des ns artificiels que Fon fait de la chair de quelque autre homme pour
remdiera la difformit de ceux qui un froid extrme a fait perdre les leurs propres ;
lesquels nouveaux ns ?e pourrissent aussitt que les personnes de la substance desquels
ils taient pris viennent mourir comme si ce peu de chair hante sur un autre visage
vivait des esprits quelle attire de sa premire source ou racine. Car encore que ceci soit
constamment affirm par des Auteurs considrables, je ne my arrterai pas en ce
discours, o je navance rien que je naie vu moi-mme, ou qui ne soit avr par une si
solide tradition, que ce serait une faute den douter.
Mais il est temps que je vienne mon septime et dernier Principe. Cest le dernier tour
de la vis, qui comme jespre abattra entirement la porte qui nous dfendait lentre
la connaissance de ce merveilleux mystre, et qui imprimera une marque lgitime sur la
doctrine que javance, pour la faire passer pour bonne monnaye. Ce principe est, que la
source dcs esprits, ou le corps qui les attire soi, entrane aussi avec eux ce qui les
accompagne, et ce qui est attach, coll et uni eux. Cette conclusion ne demande
gures de preuves, tant vidente de soi-mme. Sil y a des doux, des pingles et des
rubans attachs au bout dune longue corde, ou dune chane, ou sil y a du goudron ou
de la cire, de la gomme ou de la glu, et que je prenne cette chane par un bout et lattire
vers moi jusqu ce que le bout loign vienne entre mes mains, il ne se peut faire que
je naie aussi en mme temps les doux, les pingles, les rubans, le goudron, et tout ce
qui y est applique.
Je men vais donc vous rapporter seulement quelques expriences avres en
consquence de ce principe, qui confirmeront encore trs puissamment les prcdentes.
La grande fertilit et richesse dAngleterre, consiste en pturages pour la nourriture du
btail. Nous en avons les plus beaux du monde, et aussi abondance danimaux, et
principalement de bufs et de vaches.
Il ny a si pauvre mnage, qui nait quelque vache pour leur fournir du lait. Cest la
principale nourriture des pauvres gens, aussi bien quen Suisse. Cest pourquoi ils sont
grandement soigneux du bon tat et de la sant de leurs vaches. Sil arrive quen faisant
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bouillir du lait, il se gonfle tant quil rpande par dessus le polon et tombe dans le feu,
la bonne femme ou la servante abandonne linstant tout ce quelle faisait, et accourt au
polon quelle retire du feu, et mme temps prend une poigne de sel, quon tient
toujours au coin de la chemine, pour le garder sec, et le jette dessus cette braise o le
lait stait rpandu. Demandez-lui pourquoi elle fait cela, et elle vous dira que cest pour
empcher que la vache qui a rendu ce lait, nait mal au pis : car sans cela elle laurait
dur et ulcr, et pisserait du sang, et enfin elle serait en hasard de mourir. Non pas que
telle extrmit lui arrivt la premire fois, mais nanmoins elle en souffrirait du mal ;
et si cela arrivait souvent, la vache ne manquerait pas den mourir la fin. Il pourrait
sembler quil y a quelque superstition ou folie en ceci. Linfaillibilit de leffet garantit
de la dernire : et pour la premire, plusieurs croient que la maladie de la vache soit
surnaturelle et dun effet de quelque sorcellerie, et ainsi que le remde que je viens de
dire est superstitieux : mais il est ais de les dsabuser de cette persuasion, en leur
dclarant comment la chose va selon les fondements que jai proposs.
Le lait tombant sur les charbons ardents, est converti en vapeur, qui se disperse et se
filtre par tout dans lair ; et l elle fait rencontre de la lumire et des rayons solaires qui
remportent encore plus loin, et augmentent et tendent sa sphre dactivit. Cette vapeur
de lait, nest pas simple ni seule, mais elle est compose datomes de feu qui
accompagnent la fume ou vapeur de ce lait, et se mlent et unissent avec lui. Or la
sphre de cette vapeur stendant jusquau lieu o se trouve la vache qui a donn le lait,
son pis qui est la source do ce lait est sorti, attire soi cette vapeur, et elle sy arrte et
sy attache, et avec elle. les atomes igns qui laccompagnent. Le pis est une partie
glanduleuse, et fort tendre, et par consquent fort sujette linflammation : ce feu donc
rchauffe, lenflamme et le fait enfler, et par consquent le fait devenir dur, et la fin
ulcr. Le pis enflamm et ulcr est proche de la vessie, laquelle par consquent il endame aussi ; et cela fait couvrir les anastomoses des veines qui aboutissent l; et partant
elles regorgent et jettent leur sang dans la vessie, de laquelle il se vide et sort la faon
ordinaire de lurine. Or aux vaches, pisser le sang est un mal funeste et irrmdiable.
Mais do vient que le sel remdie tout cela ? Cest quil est dune nature trscontraire au feu : celui-ci tant chaud et volatile, lautre froid et fixe, de sorte que l o
ils se rencontrent ensemble, le sel abat le feu il le prcipite et tue son action. Ce que
lon peut remarquer dans un accident assez ordinaire. Les chemines qui sont charges
de suie, prennent feu aisment. Le remde quon y apporte sur le champ est de tirer un
coup de fusil dans la chemine : et cela fait dtacher et tomber la suie brlante, et le
dsordre cesse : mais si lon na point de fusil ou bton feu, on jette quantit de sel sur
le feu den bas; et cela matte et empche les atomes du feu qui autrement monteraient
incessamment et se joindraient ceux den haut, lesquels par ce moyen manquant de
nourriture, se consument et viennent rien. La mme chose arrive aux atomes qui sont
en train daccompagner la vapeur du lait. Le sel les prcipite et les trangle sur la place.
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Et si quelques uns se sauvent et schappent par le grand effort quils font et sen vont
avec cette vapeur, ils sont pourtant accompagns des atomes et esprits du sel qui
sattachent eux, qui comme bons lutteurs ne quittent jamais leur prise, quils naient le
dessus de leur adversaire. Et vous remarquerez en passant quil ny a point de plus
excellent baume pour la brlure que lesprit de sel en quantit modre. Il est donc
constant quil est impossible demployer aucun moyen plus efficace pour empcher le
mauvais effet du feu au pis de la vache, que de jeter sur son lait rpandu parmi les
charbons une quantit suffisante de sel. Cet effet touchant la conservation du pis de la
vache en suite de la brlure de son lait, me fait souvenir de ce que plusieurs personnes
mont dit avoir vu en Angleterre. Quand les Mdecins examinent le lait dune nourrice
pour lenfant de quelque personne de condition, ils lprouvent par divers moyens
devant que juger dfinitivement de sa bont : comme par le got, par lodorat, par sa
couleur, par sa consistance, etc. Et quelques-uns le font bouillir mme jusqu
lvaporation, pour voir sa rsidence, et autres accidents de circonstances qui se
reconnaissant et se discernent mieux par ce moyen.
Mais celles, au lait desquelles on a fait cette dernire preuve, se sont senties fort
tourmentes la mamelle et au sein, et particulirement pendant quon faisait bouillir
leur lait : et partant aprs avoir une fois endur ce mal, elles ne voulaient plus consentir
quon emportt de leur lait hors de leur vue et prsence ; quoi quelles se soumissent
volontiers toute autre preuve que celle du feu. Pour confirmer cette exprience de
lattraction que le pis de la vache fait du feu ensemble avec la vapeur du lait brl, je
men vais vous en dire une autre de semblable nature, dont jai moi-mme vu la vrit
plus dune fois, et que vous pouvez exprimenter facilement. Prenez les ordures dun
chien toutes les fois quil en fera, et jets-les toujours dans le feu ,au commencement
vous le verrez seulement un peu chauff et mu, mais dans peu de temps vous le verrez
comme sil tait tout brl, pantelant et tirant la langue, comme sil venait de courir
longtemps. Or ce mal lui arrive cause que ses intestins attirant la vapeur de son
excrment brl, et avec cette vapeur, les atomes du feu qui les accompagnent ; ils
saltrent et senflamment, de sorte que le chien ayant toujours la fivre, et ne pouvant
plus prendre nourriture, ses flancs se resserrent et se rtrcissent ; et la fin il en meurt.
Il ne serait pas propos de divulguer cette exprience parmi quelques personnes et
nations trop sujettes sen servir mal. Car la mme chose qui arrive aux btes
arriverait aux hommes, si on faisait de mme avec leurs excrments. Il arriva une chose
remarquable ce propos une personne de mes voisins pendant mon dernier sjour en
Angleterre. Il avait un fort bel enfant et fort dlicat, et afin d^y pouvoir avoir toujours
lil, il fit venir la nourrice chez lui.
Je le voyais souvent, car ctait un homme de grande intrigue dans les affaires, et javais
alors besoin dun tel personnage. Un jour je le trouvai fort triste, et la femme toute
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plore : de quoi demandant la raison, ils me dirent que leur petit se portait fort mal ;
quil avait la fivre, et le corps tout enfla me ; ce qui se voyait la rougeur du visage :
qu tout propos il faisait des efforts pour aller la selle, et pourtant quil ne faisait
gures de matire, qui tait toute charge de sang, et quil se rebutait de tter. Et ce qui
les mettait plus en peine, tait quils ce pouvaient conjecturer aucune cause
vraisemblable de tout ce dsordre ; car sa nourrice se portait fort bien, avait son lait tel
quils le pouvaient souhaiter, et en toutes autres choses on avait eu les soins quil fallait.
Je leur dis sur le champ que la dernire fois que javais t chez eux. javais remarqu
une particularit dont javais alors dessein de les avertir : mais que sur lheure quelque
autre chose men avait dtourn, et que puis aprs je ne me souvins plus de la leur dire.
Ctait que lenfant ayant fait signe de vouloir tre mis terre, aussitt quil y fut, laissa
tomber ses ordures, et la nourrice prit incontinent une pelles de cendres et braise, dont
elle les couvrit, et puis jeta le tout dans le feu. La mre se mit me faire excuse de ce
quon avait t si ngligent corriger cette mauvaise habitude de lenfant ; disant que
comme il avanait en ge, il sen corrigerait de lui-mme. Je lui rpliquai que ce ntait
pas pour cette considration l que je lui tenais ce discours, mais pour trouver la cause
du mal de leur enfant, et ensuite le remde. Et l dessus je leur fis rcit dun semblable
accident, qui tait survenu deux ou trois ans auparavant un enfant dun des plus illustres
Magistrats du Parlement de Paris, qui tait lev en la maison dun Mdecin de grande
rputation en cette mme ville. Je leur dis aussi ce que je viens de vous rapporter,
Messieurs, touchant les excrments des chiens. Et je leur fis faire rflexion sur ce quils
a voient ou dire diverses fois, et qui se fait assez souvent en notre pays. Cest que dans
les villages o il fait toujours bien crott durant lhiver, sil arrive quil y ait quelque
fermier qui soit plus propre que les autres, et qui tienne plus nettement les avenues de sa
maison que ses voisins, les goujats sont bien aise dy venir la nuit, ou quand il fait
obscur, pour y lcher leur ventre, doutant quen tels villages il ny a gure s de
commodit daisment : outre quen tels lieux ainsi proprement accommods, ces
galants de goujats sont hors de danger de senfoncer dans la boue, qui autrement leur
pourrait monter par dessus les souliers : mais les bonnes mnagres en ouvrant au matin
la porte du logis, y trouvent un prsent dont lodeur mal gracieuse les transporte de
colre. Celles qui ont t instruites ce jeu, vont incontinent rougir une broche ou une
pelle dans leur feu, puis lenfoncent ainsi chaude dans lexcrment, et quand le feu en
est teint, ils la rchauffent de nouveau, et rptent souvent la mme chose. Cependant,
le fripon, qui a fait cette salet, sent une douleur et colique aux boyaux, une
inflammation au fondement, une envie continuelle daller la selle, et peine en est-il
quitte quil ne souffre une fcheuse fivre durant tout ce jour-l, ce qui est cause quil
na garde dy retourner une autre fois. Et ces femmes pour stre ainsi garanties de
semblables affronts, passent ignoramment pour sorcires, et pour avoir fait pacte avec le
Diable, puis quils tourmentent de la sorte les gens, sans les voir ni les toucher. Ce
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Gentilhomme ne rejeta pas ce que je lui venais de dire, et fut encore davantage confirm
quand je lui dis quil regardt au fondement de son enfant, que sans doute il le trouverait
fort rouge et enflamm, et que le visitant, on vit aussitt quil tait tout charg de
postules, et comme excori.
Il ne passa gures de temps que ce pauvre petit mignon languissant ne fit avec grande
douleur et pitoyables cris, quelque peu de matire, laquelle au lieu de permettre quelle
ft jete dans le feu, ou couverte de braise, je la fis mettre dans un bassin deau froide,
que je fis porter en lieu frais. Ce quon continua de faire chaque fois que lenfant leur
en donnait sujet, et il commena damender lheure mme, et dans deux ou trois jours
il se porta trs bien. Mais craignant de vous trop ennuyer, je ne vous entretiendrai plus
que dune exprience, assez familire en notre pays ; et aprs je ferai un sommaire de
tout ce que je vous ai dit, pour vous faire voir la force et la valeur de la conclusion de
tout ce discours. Nous avons donc, comme je vous ai dj dit, dexcellents pturages,
qui nourrissent et engraissent si abondamment le btail, quil arrive souvent que les
bufs en acquirent une si excessive surcharge de graisse, quelle vient enfin
stendre en grande quantit sur leurs jambes et mme sur leurs pieds : ce qui leur cause
des apostumes sous la plante des pieds, lesquelles jettent beaucoup de pus et de matire
pourrie : ce qui empche ces bufs de pouvoir marcher. Les propritaires sont bien
marris dcela, car quoi que leurs bufs nen valent pas moins manger, ils y trouvent
toutefois mal leur compte, dautant que ne les pouvant pas mener Londres (o est le
grand dbit des bufs gras, pour toute lAngleterre, comme Paris lest pour lAuvergne,
la Normandie et autres endroits de la France) il les faut tuer sur le lieu, o leur chair ne
vaut pas la vendre, la moiti (et moins encore) de ce quelle se vendrait Londres.
Voici donc le remde ce mal. Il faut prendre garde o le buf, ou vache, ou gnisse,
pose en terre le pied malade, la premire de-marche quil fait aprs stre lev le
matin, et en ce mme endroit il faut couper une motte ou gazon de toute la terre
comprise sous ltendue dudit pied, et mettre cette motte sur un arbre, ou dans une haie
expose au vent de bise. Et si ce vent vient souffler sur cette motte de terre, le buf
sera guri parfaitement dans trois ou quatre jours : mais si on lexpose au Midi, et que le
vent du Sud-Ouest rgne (qu Toloze on appelle dAutant, Montpellier le Marin, en
Italie le Scirocro) son mal saugmentera. Ces circonstances ne vous sembleront pas
superstitieuses quand vous aurez considr que par le repos de la nuit, la matire ou pus
samasse en quantit sous le pied malade du buf, lequel venant ensuite faire sa
premire de-marche le matin, il presse dabord son pied apostum contre terre, sur
laquelle cette matire ou pus simprime et sattache fortement et en abondance. Cette
terre ou gazon tant mise et expose en lieu propre pour recevoir le vent sec et froid de
la bise, les atomes froids et secs de ce vent se mlent avec le pus ; lequel tendant ses
esprits par tout dans lair. le pied ulcr, qui en est la source, les attire ; et avec iceux, il
attire aussi ces atomes froids et secs, lesquels le gurissent, dautant que ce mal ne
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requiert autre chose que d*tre dessch et rafrachir. Mais si lon expose ce gazon de
terre un vent chaud et humide, il doit faire un effet tout contraire.
Voil, Messieurs, toutes mes roues formes. Javoue quelles sont mal limes et peu
polies, mais voyons pourtant si les assemblant et montant, elles feront marcher la
machine, que si ces roues bien assembles entranent la conclusion, cette inbranlable
carraque bon port, vous aurez la bont de pardonner mon langage grossier et rudes
expressions, et passant par dessus les paroles, vous vous contenterez del pure vrit des
choses. Appliquons donc ce que nous avons dit ce qui se pratique quand on pense une
personne blesse, avec la Poudre de Sympathie. Considrons Monsieur Howel bless
la main et cette grande inflammation survenue sa blessure. Lon prend sa jarretire
couverte du sang sorti de la plaie, on la trempe dans un bassin deau o lon a dissout du
Vitriol, et lon tient le bassin, de jour dans un cabinet la chaleur modre du Soleil du
Printemps, et la nuit au coin de la chemine, de sorte que le sang qui est la jarretire
soit toujours en un temprament naturel, ni plus chaud, ni plus froid que le degr requis
un corps sain. Que faut-il donc (selon la doctrine que nous venons dtablir) quil
arrive de tout ceci ?
Premirement, le Soleil et la lumire attireront dune grande distance et es-tendue, les
esprits du sang qui sont sur la jarretire. Et la chaleur modre du foyer qui agit
doucement sur la composition (qui revient la mme chose comme si lon portait le tout
sec en sa pochette, pour lui faire sentir la chaleur tempre du corps) fait pousser au
dehors ces atomes, comme leau qui samasse en rond en la filtration, et pousse ce qui
monte, pour le faire aller plus vite et plus aisment, et les fait se dilater et se filtrer, et
ainsi marcher eux-mmes bien loin dans lair, pour aider ainsi lattraction du Soleil et
de la lumire. Secondement, les esprits du Vitriol incorpor avec le sang, ne peuvent
manquer de faire le mme voyage avec les atomes de ce sang. Tiercement, la main
blesse expire et exhale cependant continuellement abondance desprits chauds et igns,
qui dbondent comme une rivire hors de la blessure enflamme, ce qui ne se peut faire
que la plaie nattire consquemment lair qui lui est le plus proche. Quatrimement cet
air attire dautre air le plus prochain, et celui-ci encore dautre : et ainsi se fait un
courant dair attir tout autour de la blessure. Cinquimement, avec cet air viennent
enfin les atomes et les esprits du sang et du Vitriol, lesquels taient diffus et rpandus
bien loin dans lair par lattraction quen avait faite la lumire ou le Soleil. Et mme
peut-tre que ds le commencement lorbe ou sphre de ces atomes et esprits stendait
dans cette grande distance sans avoir besoin de lattraction de lair ou de la lumire pour
les y faire venir. Siximement, ces atomes de sang, trouvant leur propre source et la
racine originaire do ils venaient, sarrtent et sattachent-l et rentrent ainsi dans leurs
lits naturels, et demeures primitives au lieu que lautre air nest que passager, et
svapore aussitt quil vient ; comme quand il est emport par la chemine, aussitt
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quil est attir dans la chambre par la porte. Septimement les atomes du sang stant
joints insparablement avec les esprits vitrioliques, tant ceux-l que ceux-ci simbibent
conjointement ensemble dans tous les recoins, fibres et orifices des veines qui se
trouvent dcouvertes dans la plaie du malade, confortent cette plaie, et enfin la
gurissent imperceptiblement. Or pour savoir pourquoi un tel effet ou gurison arrive si
heureusement, il faut examiner la nature du Vitriol, il est compos de deux parties, lune
fixe, lautre volatile. La fixe qui est son sel, est cre, mordicante, et en quelque degr
caustique. La volatile est anodine, douce, balsamique et astringente et cest pour cela
quon se sert du Vitriol, comme dun souverain remde dans les collyres pour les
inflammations des yeux, et quand ils sont corrods et comme corchs dune humeur ou
de fluxion acre et brlante : et de mme dans les injections, o il gurit bientt les
excoriations, et dans les meilleurs empltres pour tancher le sang et incarner les plaies.
Mais ceux qui savent tirer lhuile douce .du Vitriol, qui est sa pure , partie volatile,
savent quil ny a point en toute la nature un baume qui soit pareil cette huile. Car ce
baume ou huile douce gurit en trs-peu de temps toutes sortes de blessures qui ne sont
pas mortelles : il gurit et consolide les veines rompues de la poitrine, et jusquaux
ulcres des poumons, maladie incurable sans ce baume. Or cest cette partie volatile du
Vitriol qui est emporte seule par le Soleil (le grand distillateur de la nature) et qui par
son moyen se dilate dans lair, et que la blessure ou la partie lse attire et incorpore
avec son sang, avec ses humeurs, et avec ses esprits : cela tant on ne peut attendre autre
effet de ce Vitriol volatil, sinon quil ferme les veines, quil arrte le sang, et quen peu
de temps, il gurisse la plaie.
La mthode et manire primitive de se servir de ce remde Sympathique, tait de
prendre seulement du Vitriol (mme le plus commun) comme il venait des Droguistes,
sans aucune prparation ou adition quelconque ; et le faire dissoudre dans de leau de
fontaine ou plutt de ploy, en telle quantit quy trempant du fer poli (par exemple un
couteau) il sone tout chang de couleur, comme sil tait chang en cuivre. Et dans cette
eau on mettait tremper quelque linge tach du sang de la blessure quon voulait gurir,
si le linge tait sec ; mais sil tait encore frais et humide du sang, il ne fallait que le
saupoudrer avec de la poudre dlie de semblable Vitriol, en sorte que celte poudre
sincorport et imbibt dedans le sang encore humide ; et garder lun ou lautre en lieu
tempr ; savoir la poudre en une bote dans la pochette, et leau (qui nadmet point
cette commodit) en quelque chambre o la chaleur soit modre. Et chaque fois que
lon met nouvelle eau vitriolique ou nouvelle poudre nouveau linge ou autre toffe
ensanglante, la personne sentait nouveau soulagement ; comme si alors sa plaie avait
t effectivement pense par quelque souverain mdicament. Et pour ce sujet lon
resterait cette faon de penser soir et matin.

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Mais maintenant la plupart de ceux qui se servent de ce remde de Sympathie, font


diligence devoir du Vitriol romain ou de Cipre, puis ils le calcinent blancheur au
Soleil. Et outre cela, aucuns y ajoutent de la gomme Tragaganthe, facile est inventis
addere. Pour moi jai vu daussi grands et merveilleux effets du seul vitriol de dix huit
deniers la livre, comme de la poudre quon prpare aujourdhui plus chrement.
Toutefois je ne blme point la prsente pratique, au contraire je la loue, car la raison
lappuie. Premirement, il semble que le plus pur et meilleur vitriol doit faire le
meilleurs effets. 2. Il semble que la calcination modre, comme est celle du Soleil, te
lhumidit superflue du vitriol, laquelle ne fait que laffaiblir, et mme cette calcination
ne touche aucunement ce qui en est bon : comme qui ferait cuire un bouillon clair,
jusqu ce quil devienne en gele ou consomm, il le rendrait plus nourrissant. 3. Il
semble que lexposition quon fait du Vitriol au Soleil, pour ly calciner, rend ses esprits
plus disposs tre emports dans lair par le Soleil, quand il en est besoin, car on ne
peut pas douter que quelque partie de ce feu thr des rayons Solaires, ne sincorpore
avec le Vitriol (comme on voit lil, en calcinant lAntimoine par un miroir ardent,
car il augmente beaucoup de son poids, quasi de la moiti). Et en ce cas, la partie de
cette substance lumineuse qui demeure dans le Vitriol ainsi calcin, sera fort dispose
tre enleve en lair par semblable lumire et rayons Solaires : comme nous voyons que
pour faire quune pompe attire mieux leau dun puits, on y jette premirement un peu
deau par en haut : or la lumire enlevant facilement cette substance qui lui est connaturelle, elle enlev quant-et-quant plus aisment ce qui est incorpor avec icelle. 4.
Ces rayons Solaires corporifis avec le Vitriol, lui peuvent communiquer encore
quelque vertu plus excellente quelle navait : comme nous voyons que lAntimoine
calcin au Soleil, devient, de poison quil tait auparavant, un trs-souverain et
balsamique mdicament, et un trs-excellent corroborant de la nature. 5. La gomme
Tragaganthe, ayant une facult glutinante, et tant au reste trs-innocente, peut aider
consolider plutt la plaie.
Je pourrais, Messieurs, ajouter ce que je viens de vous dire, plusieurs trs importantes
considrations touchant la forme et lessence du Vitriol ; dont la substance est si noble
et lorigine si admirable, quon peut avec bonne raison dire que cest un des plus
excellents corps que la nature ait produit. Les Chimistes nous assurent que ce nest autre
chose quune corporification de lesprit universel qui anime et perfectionne tout ce qui
existe en ce monde sublunaire, lequel est abondamment attir par un Aimant appropri ;
par le moyen duquel jai moi-mme en peu de temps, par la seule exposition dicelui
lair, fait attraction de plus de dix fois son poids dun Vitriol cleste, merveilleux en
puret et vertu : privilge, qui na t donn qu lui et au pur Salptre vierge. Mais
pour anatomiser comme il faudrait la nature de ce transcendant individu peut nanmoins
dire en quelque faon universel et fondamental tout corps) il serait requis un discours
beaucoup plus ample que tout ce que je vous ai encore dit : mais comme je vous ai dj
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entretenu si longtemps, ce me serait une extrme indiscrtion dabuser de votre bont


(qui mavez cout jusquici avec tant de patience et dtention) si jentreprenais dentrer
en nouvelle matire, ou membarquer en nouvelles questions. Cest pourquoi remettant
cela une autre fois (quand il vous plaira me lordonner) et revenant pour le prsent la
considration gnrale de cette Cure. Jachverai ce discours aprs que je vous aurai
encore dit deux ou trois mots qui ne sont pas de peu dimportance, pour confirmation de
tout ce que jai ci-devant annonc. Je vous ai dduit les causes merveilleuses des grands
effets de cette Poudre de Sympathie, ds leur premire racine. Ces causes fondamentales
sont tellement enchanes lune lautre, quil semble quil ny ait point entre elles
aucun dfaut ni interruption dans toute leur suite : mais nous serons encore fortifis
dans la croyance de leur vertu et efficace, et que ce sont elles qui produisent
vritablement leffet de tant de belles cures, si nous considrons que lors quon pratique
quelque changement en lune de ces causes ou en toutes ensemble, nous voyons et
apercevons incontinent un effet tout diffrent du premier. Si je navais jamais vu une
montre ou Horloge, je serais bien surpris et tonn de voir une main ou aiguille marquer
rgulirement les heures sur la platine du Quadrant, et quelle se tourne et fait sa ronde
entire toutes les douze heures sans que je voie rien qui pousse cette aiguille. Mais si je
regarde de lautre ct, je vois des roues, des ressorts, et des contrepoids qui sont en
continuel mouvement : ce quayant considr, je souponne incontinent que ces roues
sont la cause du mouvement ou tournoiement de laiguille ; quoi que je ne puisse pas
discerner ni reconnatre comment ces roues mouvantes font mouvoir laiguille du
Quadrant, cause de la platine qui est entre les deux. Je raisonne donc ainsi en moimme, disant que tout effet doit ncessairement avoir une cause; et que tout corps
remu, doit aussi recevoir par ncessit son mouvement de quelque autre corps qui le
touche. Or je ne vois point dautres corps qui fassent mouvoir et tourner laiguille du
Quadrant, que les roues : partant je suis fortement persuad que ce sont elles qui font
tourner laiguille. Mais aprs que jaurai arrt le mouvement de quelquune de ces
roues, ou t le contrepoids, ou laissant en libert la roue arrte, laiguille retourne
immdiatement son train ordinaire, et que faisant aller plus vite quelque roue avec
mon doigt, ou que changeant le contrepoids, laiguille se hte et savance proportion
plus quelle ne faisait : alors je suis convaincu et entirement satisfait, et je conclus
absolument, que ces roues ou contrepoids sont la vritable cause du mouvement de
laiguille. De mme, si empchant laction de quelquune des causes que jai tablies
pour le vritable fondement de la Poudre de Sympathie, jaltre, retarde ou empche la
gurison de la place, je puis conclure hardiment que les causes susdites sont les
lgitimes et vritables, et quil nen faut point chercher dautres. Examinons donc notre
affaire par ce biais-l. Jai dit que la lumire emportant ces atomes de Vitriol et de sang,
et les dilatant une grande tendue dans lair, la plaie les attire et est dabord soulage,
et puis ensuite gurie par les esprits du Vitriol qui est balsamique. Mais si vous mettez
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le bassin ou la poudre avec le linge tach du sang, dans une armoire faite dans une
muraille en quelque coin dune chambre froide, ou en une cave o la lumire ne donne
jamais, et do lair ne sort point, et partant est corrompu, et sent le relent, en ce cas-l,
la plaie ne sentira aucun effet de cette poudre : et le mme arrivera, si ayant mis en
quelque coin le bassin ou la poudre, vous les couvrez avec beaucoup de couvertures
paisses, touffantes et spongieuses, qui imbibent les atomes qui en pourraient sortir, et
qui retiennent la lumire et les rayons qui y entrent et qui sy arrtent et sy perdent.
Aussi, si vous laisss congeler en glace leau vitriole o le linge est tremp, le bless
sentira au commencement un grand froid sa plaie, mais quand le tout est glac, il ne
sentira ni bien ni mal, dautant que ce froid congelant constipe les pores de leau
laquelle ne laisse point alors transpirer ou sortir les esprits. Si on lave le linge tach, en
vinaigre ou lessive, qui par leur acrimonie pntrante emportent tous les esprits du sang,
devant que de lui appliquer le Vitriol, il ne fera aucun effet ; mais si lon ne le lave que
deau simple, il ne laissera pas de faire quelque chose, car elle nen emporte pas tout,
nanmoins leffet nen sera pas si grand, comme si le linge navait point t lav du tout
; car alors il est plein de tous les esprits du sang. La mme cure se fait appliquant le
remde lpe qui a bless la personne, si ce nest que lpe ait t fort chauffe au
feu, car il ferait vaporer tous les esprits du sang ; ce qui rendrait lpe inhabile pour
cette cure. Et voici la raison pourquoi Fon peut penser lpe : Cest que les esprits
subtils du sang, pntrent dans la substance de la lame de lpe, jusqu ltendue que
la lame a t porte dans le corps du bless, et ils font l leur rsidence, sans que rien les
en puisse chasser, except, comme jai dit, le feu. Pour preuve de quoi, tenez-la sur un
rchaud de feu modr, et vous verrez sortir du ct de la lame oppos au feu, une petite
humidit qui ressemblera la tache que lhaleine fait sur un miroir ou sur la mme lame
polie : et si vous la regards travers quelque verre qui grossit beaucoup les objets,
vous verrez que cette rose desprits consiste en de petites bulles ou vessies enfles. Et
quand une fois elles seront vapores entirement, vous nen verrez plus sur cette pe,
si elle ntait pousse de nouveau dans quelque corps vivant. Ni mme ds le
commencement vous ne les verrez autre part, que prcisment sur la partie de la lame
qui est entre dans la plaie. Cette subtile pntration de ces esprits dans le dur acier, aide
la croyance de lentre de semblables esprits dans la peau dune femme grosse,
comme je vous avais promis, en traitent le sixime principe, de remarquer en son lieu.
Or donc pendant que ces esprits sont dans Ppe, elle servira gurir le bless : mais
aprs que le feu les a une fois chassez, le remde appliqu cette pe, ne fera rien du
tout. De plus si quelque chaleur violente accompagne ces atomes, elle enflamme la
blessure ; mais le sel commun y peut remdier, lhumidit de leau humecte la plaie, et
le froid cause le frisson la personne blesse. Pour confirmer toutes ces particularits,
je vous pourrais dire plusieurs notables histoires. Mais jai dj trop exerc votre
patience, et partant je nen ferai point ici de mention ; mais je moffre den entretenir en
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particulier ceux de cette digne Assemble, qui pourraient avoir la curiosit de les
entendre.
Je finis donc, Messieurs, en vous reprsentant que tout ce mystre se gouverne par voie
et circonstances naturelles, quoi que par des esprits et ressorts trs-subtils. Il me semble
que mon discours vous a assez videmment montre quen cette cure il nest pas besoin
dadmettre une action par un Agent distant du patient, je vous ai trac une relle
communication de lun lautre, savoir dune substance balsamique qui se mle
corporellement avec la plaie. Cest une chtive lchet et petitesse de cur, et une
crasse ignorance dentendement, de prtendre quelque effet de magie ou de charme, et
de limiter toutes les actions de la nature la grossiret de nos sens, quand nous navons
pas suffisamment considr ni examin les causes et principes sur lesquels il convient
fonder notre jugement. Il nest pas besoin davoir recours un Dmon ou un Ange
pour cette difficult :
Nec Deus intersit, nisi dignus vin-dice nodus. Incident.
FIN
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