Maier Michael - Atalante Fugitive
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MICHEL MAIER
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MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 2
EPIGRAMME DE L’AUTEUR
L’audacieux jeune homme emporta le trésor
Du jardin. d’Hespéros quand des mains de Cypris
Il eut reçu le triple fruit.
La vierge fuit ; il suit et lance sur le sol
La pomme qui l’attire et ralentit sa course.
Vite il bondit ; mais elle, vite, le devance,
Plus prompte que l’Eurus. Il sème devant elle
De nouveaux présents d’or. La vierge un court instant
S’attarde, mais bientôt elle fuit de plus belle,
Jusqu’à ce que, l’amant renouvelant les poids,
Noble prix, Atalante à son vainqueur se rende.
Hippomène est la force du soufre ; la vierge,
Mercure fugitif ; le mâle vainc la femme.
Lorsque, saisis d’amour, ils s’étreignent tous deux,
Au temple de Cybèle, irritant la déesse,
Elle se venge en les vêtant de peaux de lions
Qui font rougir leurs corps et les rendent sauvages.
Pour exprimer au mieux ce que fut cette course
Ma muse t’offre ici les trois voix de la fugue.
L’une est simple et durable ; elle est fruit qui retarde ;
Mais la seconde fuit, que poursuit la troisième.
Des oreilles, des yeux accueille ces emblèmes,
Puis guide ta raison vers leurs signes secrets.
J’ai mis devant tes yeux l’appât de ces images :
L’esprit doit y trouver les choses précieuses.
Les biens de l’univers, les remèdes qui sauvent
Te seront tous donnés par ce double lion.
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PREFACE AU LECTEUR.
L’homme, candide lecteur, est, de l’avis de tous, un abrégé de
l’univers par la manière dont il est composé, et il est destiné à vivre
trois genres de vies, à savoir, la vie végétative dans le sein maternel
où il croît et augmente à la manière d’une plante ; la vie sensible,
qu’il mène dans ce monde où il est conduit surtout par ses sens,
comme les autres animaux dont il diffère en ce qu’il commence à se
servir de son intelligence, bien que d’une façon imparfaite ; et enfin la
vie intelligible, dans l’autre monde, auprès de Dieu et des
intelligences qui l’assistent ou bons Anges. Dans la vie présente, plus
quelqu’un approche de la nature divine, plus il trouve de joie et de
plaisir dans les choses qui doivent être explorées à l’aide de l’intel-
ligence, réalités subtiles, merveilleuses et rares. Au contraire, plus
quelqu’un penche vers la catégorie des bêtes sans raison, et moins il
est attiré par ces réalités, et plus il est assujetti à une manière de
sentir corporelle. Nous pouvons voir des exemples de ces deux sortes
d’existences : quelques-uns, les plus savants, formés par les arts et les
sciences, s’adonnent au premier genre de vie ; la plupart se livrent au
second, c’est-à-dire aux plaisirs du corps, à la débauche, à la
gourmandise, à la magnificence extérieure et aux choses analogues.
Pour développer l’intelligence, Dieu a caché dans la nature une
infinité de secrets (arcanà) que l’on extrait, comme le feu du silex, et
que l’on met en pratique, grâce à toutes sortes de sciences et d’arts.
Parmi eux, les secrets chymiques ne sont pas les derniers mais bien
les premiers et les plus précieux de tous, après la recherche des
choses divines. Ils doivent être poursuivis, non par les charlatans de
foires et les faux chimistes qui font illusion (ils sont comme des ânes
devant une lyre, aussi éloignés que possible de toute science et de
tout dessein excellent) mais par des esprits élevés, qui ont reçu une
éducation libérale et sont nés pour explorer les réalités les plus
hautes ; ce sont là en effet des choses très subtiles, augustes, sacrées,
rares et obscures, qui, pour cette raison, doivent être saisies par
l’intelligence avant de l’être par les sens, grâce à une contemplation
profonde qui s’opère par la lecture des auteurs et leur comparaison
entre eux et avec les œuvres de la nature, plutôt qu’au moyen d’une
opération sensible ou une expérience manuelle, qui est aveugle si la
Théorie ne la précède.
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EMBLEMA I.
Portavit eum ventus in ventre suo.
(Le vent l’a porté dans son ventre)
Epigramma I.
L’embryon enfermé dans le sein de Borée
S’il apparaît un jour, vivant, à la lumière
Peut, lui seul, surpasser les labeurs des héros
Par son bras, son esprit, son corps ferme, son art.
Qu’il ne soit pas pour toi avorton inutile,
Agrippa ou Céson, mais né sous un bon astre.
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DISCOURS I.
Hermès, investigateur très diligent de tout secret naturel, donne dans
sa Table d’Emeraude une description écrite, bien que succincte, de
l’œuvre naturelle, où il dit entre autres choses : « Le vent l’a porté
dans son ventre », comme s’il disait « Celui dont le père est le Soleil, et
la Lune la mère, avant d’être produit à la lumière, sera porté par des
fumées de vent, comme l’oiseau par l’air pendant qu’il vole ». La
coagulation des fumées ou vents (qui ne sont rien d’autre que l’air mis
en mouvement) produit l’eau qui, mélangée avec la terre, donne
naissance à tous les minéraux et les métaux. Bien plus, il est établi
que ces derniers corps se composent eux-mêmes de fumées et se
coagulent immédiatement. Donc qu’il soit placé dans l’eau ou dans la
fumée, cela revient au même puisque l’une et l’autre sont la matière
du vent. Il faut en dire autant, quoique d’une façon plus lointaine, des
minéraux et des métaux. Mais, demandera-t-on, quel est celui qui
doit être porté par le vent ? Je réponds : chimiquement c’est le soufre
qui est porté dans l’argent-vif comme l’attestent Lulle au chapitre 32
du Codicille, et tous les autres ; au point de vue physique c’est le
fœtus qui doit bientôt naître à la lumière ; je dis aussi qu’au point de
vue arithmétique, c’est la racine du cube ; dans le domaine de la
musique c’est la double octave ; au point de vue géométrique, c’est le
point, principe de la ligne qui s’écoule ; à l’égard de l’astronomie c’est
le centre des planètes Saturne, Jupiter et Mars. Bien que ces sujets
soient divers, cependant, si on les compare entre eux avec soin, ils
révéleront aisément le fœtus du vent, ce qui doit être laissé à la plus
ou moins grande industrie de chacun.
Mais je désigne ainsi la chose d’une façon plus claire : tout Mercure
est composé de fumées, c’est-à-dire d’eau qui soulève la terre avec elle
dans la faible densité de l’air, et de terre qui force l’air à redevenir
une terre faite d’eau ou une eau faite de terre.
En effet, les éléments sont partout, en lui, mélangés et comprimés,
réduits l’un par l’autre en une certaine nature visqueuse ; par contre,
ils ne se séparent pas aisément, mais tantôt ils suivent vers le haut
les substances volatiles, tantôt ils demeurent en bas avec les fixes, ce
qui apparaît d’abord dans le Mercure vulgaire et aussi dans le
Mercure philosophique et les métaux fixes. Chez ceux-ci les éléments
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fixes dominent sur les volatils, dans celui-là les volatils l’emportent
sur les fixes.
Et ce n’est certes pas sans cause que Mercure est appelé et regardé
comme le messager, l’interprète des autres dieux, et, en quelque
sorte, leur serviteur courant dans l’espace intermédiaire, avec des
ailes adaptées à la tête et aux pieds. Il est en effet plein de vent et
vole à travers les airs comme le vent lui-même, ainsi qu’en général la
preuve en est faite, au grand détriment de beaucoup. Il porte le
Caducée, ceint obliquement de deux serpents, qui a le pouvoir
d’introduire les âmes dans les corps, de les en faire sortir, et d’exercer
de même de nombreux effets contraires ; ainsi il représente
parfaitement le symbole du Mercure des Philosophes.
Le Mercure est donc le vent qui reçoit le Soufre ou Dionysos, ou, si
l’on préfère, Esculape, à l’état d’embryon imparfait, tiré du sein
maternel, je dirai même des cendres du corps maternel consumé, et
porté là où il peut mûrir. Et l’embryon est le Soufre qui a été infusé
par le Soleil céleste dans le ventre de Borée pour que celui-ci le
conduise à maturité et l’enfante. Car Borée, au terme de la gestation,
mit au monde deux jumeaux, l’un à la chevelure blanche, nommé
Calaïs, l’autre aux cheveux rouges appelé Zétès. Ces fils de Borée
(comme l’écrit le poète Orphée) furent, avec Jason, au nombre des
Argonautes partis pour ramener la Toison d’Or de Colchide. Le devin
Phinée, dont les mets étaient souillés par les Harpyem, ne put être
délivré que par ces enfants de Borée. En reconnaissance du bienfait
ainsi obtenu, il annonça aux Argonautes le cours entier de leur
voyage. Or les Harpyes ne sont rien d’autre que le soufre corrupteur
qui est détruit par les fils de Borée quand ils sont parvenus à l’âge
convenable. Il devient parfait, alors qu’il était imparfait, incommodé
par les substances volatiles nuisibles. Il n’est plus alors sujet à ce mal
et indique à ce moment au médecin Jason le chemin à suivre pour
acquérir la Toison d’Or. Notre Basile s’est, lui aussi, parmi d’autres,
souvenu de ces vents. Il écrit dans la sixième clé : « Il doit venir un
vent double nommé Vulturne et ensuite un vent simple appelé Notus
qui souffleront impétueusement de l’Orient et du Midi. Quand leur
mouvement aura cessé, de manière que l’air soit devenu eau, tu
pourras être hardiment assuré que le spirituel deviendra corporel. »
Et Riplée, en la huitième porte « dit : « Notre enfant doit naître dans
l’air, c’est-à-dire, dans le ventre du vent. » Dans le même sens
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l’Echelle des philosophes dit : « Et il faut savoir que le fils des Sages
naît dans Voir. » Et au huitième degré : « Les esprits aériens s’élevant
ensemble dans l’air s »aiment mutuellement, ainsi qu’Hermès déclare :
« Le vent l’a porté dans son ventre.» Car la génération de notre enfant
a lieu dans l'air ; s’il naît dans l’air, il naît selon la sagesse :
car il s’élève de la terre en l’air et de nouveau il descend en terre,
acquérant la puissance d’en haut et celle d’en bas. »
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EMBLEMA II.
Nutrix ejus terra est.
(La terre est sa nourrice.)
Epigramma II.
On dit que Romulus téta une âpre louve,
Jupiter, une chèvre, et que c’est assuré.
Faut-il donc s’étonner si, selon nous, la Terre
A nourri de son lait le tendre fils des Sages ?
Quand d’un faible animal le lait fit ces héros,
Comme il sera donc grand, celui dont la nourrice
Est le globe terrestre !
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DISCOURS II.
Les péripatéticiens et les philosophes au jugement droit affirment
que la nourriture est changée en la substance du sujet nourri et
qu’elle lui est assimilée après et non avant son altération. Cet axiome
est regardé comme très véridique. Comment en effet la nourriture qui
est déjà, auparavant, semblable et identique au sujet nourri, aurait-
elle besoin d’un changement de sa substance ? Si un tel changement
se produisait, la nourriture ne demeurerait pas semblable et
identique. Et comment les aliments qui ne peuvent être assimilés par
le sujet nourri, par exemple le bois, les pierres et autres choses
semblables, seraient-ils pris comme nourriture ? Par conséquent la
première de ces opérations est sans objet et la seconde contraire à la
nature.
Mais qu’un homme qui vient de naître soit nourri du lait des
animaux, cela ne répugne pas à la nature : l’assimilation de ce lait
peut s’opérer, celle du lait maternel bien plus aisément, toutefois, que
celle d’un lait étranger. C’est pourquoi les médecins concluent que
l’enfant sera en bonne santé, semblable à sa mère par la substance et
par les mœurs et qu’il recevra la vigueur, s’il est toujours réchauffé et
élevé grâce au lait de sa propre mère. Leur conclusion est inverse s’il
s’agit d’un lait étranger. Telle est l’harmonie de toute nature : le
semblable trouve sa joie en son semblable et imite ses pas en toutes
choses, autant qu’il le peut, selon une sorte de consentement, de
conspiration tacites. Il en va habituellement, dans l'œuvre naturelle
des Philosophes, dont la forme est justement réglée par la nature,
comme pour l’enfant à l’intérieur du sein maternel. Et, bien que son
père, sa mère et sa nourrice elle-même lui soient assignés par voie de
similitude, cette œuvre, cependant, n’est pas plus artificielle que la
génération de n’importe quel animal. Deux semences sont unies,
suivant un certain procédé plein d’attrait, par les animaux et par les
deux sexes humains. Leur union produit, par une altération
successive, l’Embryon qui croît et se développe, acquiert vie et
mouvement, puis est nourri de lait. Pendant la période de la
conception et de la grossesse, il est nécessaire que la mère agisse avec
mesure en ce qui concerne la chaleur, l’alimentation, le repos, le
mouvement et le reste. Sinon, il s’ensuit l’avortement et la
destruction du fœtus ; ce précepte, dans « les six choses non
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produit un effet contraire à celui des autres espèces de lait qui sont
changés et ne changent pas. Car, grâce à sa vertu très puissante, il
modifie grandement la nature du sujet nourri, de même que, selon
l’opinion admise, le lait de la louve a disposé le corps de Romulus en
vue d’une nature hardie et prompte à la guerre.
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EMBLEMA III.
Vade ad mulierem lavantem pannos, tu fac similiter.
(Va trouver la femme qui lave du linge ; toi, fais comme elle.)
Epigramma III.
Toi qui aimes scruter les vérités cachées
Sache de cet exemple extraire tout l’utile :
Vois cette femme, comme elle purge son linge
Des taches, en jetant dessus de chaudes eaux.
Imite-la : ton art ne te trahira point.
L’onde lave en effet l’ordure du corps noir.
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DISCOURS III.
Lorsqueles étoffes de lin reçoivent des souillures qui les tachent et les
noircissent, comme il s’agit d’ordures faites de terre, on les enlève à
l’aide de l’élément le plus proche, à savoir, l’eau, et on expose les
étoffes à l’air afin que, grâce à la chaleur du soleil agissant en tant
que feu, quatrième élément, l’humidité en soit extraite en même
temps que les souillures. Si cette opération est répétée fréquemment,
les étoffes qui étaient auparavant sordides et fétides deviennent
pures et purgées de taches. Ceci est l’art des femmes, qu’elles ont
appris de la nature elle-même. Nous voyons en effet les os des
animaux exposés à l’air : ils sont d’abord noirs et sales, mais si la
pluie les humecte souvent et s’ils sont sèches à de nombreuses
reprises par la chaleur du soleil survenant à son tour, ils sont
ramenés à une extrême blancheur, comme le note Isaac. Il en est de
même du sujet philosophique. Toutes les crudités et les souillures qui
ont pu se rencontrer en lui sont purifiées et détruites, lorsqu’on
l’arrose de ses propres eaux. Ainsi le corps est ramené à une grande
clarté et à une grande perfection. Car toutes les opérations
chymiques, comme calcination, sublimation, solution, distillation,
descension, coagulation, fixation et toutes les autres, se réduisent à
une ablution.
En effet, qui lave à l’aide de l’eau une chose impure lui procure le
même effet que celui obtenu par tant de modes d’opérer. Car c’est par
le feu, comme le dit le Jardinier des Philosophes, que les linges du roi
Duenech, tachés par la sueur, doivent être lavés, et ils doivent être
brûlés par les eaux. On voit par là que l’eau et le feu se sont
communiqué mutuellement leurs qualités, que l’espèce du feu
philosophique n’est pas la même que celle du feu commun, et qu’il
faut penser la même chose de l’eau. Nous avons observé, au sujet de
la chaux vive et du feu grégeois, qu’ils s’embrasent dans l’eau et ne
s’éteignent nullement, contre la nature des autres corps
inflammables. Ainsi l’on affirme que le camphre, enflammé
préalablement, brûle dans l’eau. Et la pierre gagate (comme l’atteste
Anselme de Bood) s’éteint plus facilement, lorsqu’elle est enflammée,
avec de l’huile qu’avec de l’eau. Car l’eau ne peut se mélanger avec ce
qui est gras, elle cède au corps igné, à moins qu’elle ne le recouvre et
ne le submerge entièrement. Mais ceci ne peut se faire aisément
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puisque c’est une pierre et que, comme toute huile, elle gagne la
partie supérieure de l’eau. Ainsi le naphte, le pétrole et les substances
qui leur ressemblent ne craignent guère les eaux. Certains écrivent,
au sujet des charbons souterrains de Liège, que, lorsqu’ils sont en feu
sous la terre, on ne les éteint pas avec de l’eau mais en entassant par-
dessus des poussières de terre, comme le cœur. Tacite raconte d’une
semblable espèce de feu qu’elle ne put être étouffée avec de l’eau,
mais seulement avec des bâtons et des vêtements ôtés du corps. Il
existe donc une grande diversité de feux, en ce qui concerne la
manière de l’allumer et de l’éteindre. La diversité n’est pas moindre
dans le domaine des liquides, car le lait, le vinaigre, l’eau-forte, l’eau
régale et l’eau commune diffèrent grandement entre elles, dans leur
comportement à l’égard du feu. Il y a plus : la matière elle-même
supporte le feu, comme ces fameuses étoffes de fin lin tenues dans
l’antiquité pour précieuses et utilisées par les riches, qu’on lavait avec
le feu et non avec ‘ l’eau ; en d’autres termes, on les ramenait à leur
pureté antérieure, ayant brûlé les souillures. Il ne faut pas ajouter foi
aux | contes fantaisistes sur les poils du reptile nommé Salamandre,
contes suivant lesquels on en ferait des lampes. Certains donnent
pour vrai qu’une trame de tissu avait été réalisée à l’aide de talc,
d’alun de plume et d’autres matières de ce genre, et qu’on la nettoyait
avec le feu. Mais celle qui possédait cette recette (une femme
d’Anvers) l’aurait fait disparaître avec elle, par envie, et la juste
proportion n’en aurait jamais été retrouvée. Nous ne parlons pas ici
des matières combustibles. Le sujet philosophique devra être
considéré selon toutes ces différences, si l’on vient à le préparer. Car
le feu, l’eau et la matière elle-même ne seraient pas alors les éléments
communs. Pour les philosophes, en effet, le feu est eau et l’eau est feu.
Et les étoffes à laver ont la nature du fin lin ou du talc préparé, dont
la juste proportion et le procédé de préparation ne sont pas non plus
évidents pour tous. Pour les laver, ils font une lessive non avec des
cendres de chênes ou leur sel, mais avec le sel métallique, qui est plus
durable que tous les autres, non avec l’eau commune, mais avec celle
qui, sous le signe du Verseau, a été congelée en glace et en neiges, et
qui est faite assurément de parties plus ténues que les eaux
stagnantes ou fangeuses des mares, de manière à pouvoir pénétrer
davantage à l’intérieur du corps philosophique, noir et immonde, pour
le laver et le purger.
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EMBLEMA IV.
Conjunge fratrem cum sorore & propina illis poculum amoris:
(Unis le frère à sa sœur et fais-leur boire le breuvage d’amour.)
Epigramma IV.
La race des humains n’emplirait pas le monde
Si la première sœur n’eût épousé son frère.
Va, unis donc ces premiers-nés des deux parents
Afin que sur la couche on ait mâle et femelle.
De la philothésie offre-leur le nectar.
L’amour en eux engendrera l’espoir du fruit.
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DISCOURS IV.
La loi divine et civile défend à ceux que la nature unit à un degré de
consanguinité assez rapproché de contracter mariage ; tels, ceux qui
sont directement ascendants et descendants dans l’arbre
généalogique et ceux qui se rencontrent en ligne collatérale. Les
raisons de cette règle sont très certaines. Mais quand les philosophes
parlent d’unir par le mariage la mère à son fils, le père à sa fille, ou le
frère à sa sœur, ils ne disent ni ne font rien de contraire à la loi
énoncée. Car les sujets entraînent la distinction des attributs et les
causes celles des effets. En effet les personnages des Philosophes sont
en dehors de ces débats, à l’égal des filles et des filles d’Adam qui
s’épousaient mutuellement sans donner lieu à l’imputation d’un crime
quelconque. La raison principale paraît en être de faire que le genre
humain se lie et s’associe plus solidement par l’alliance et l’amitié, et
d’éviter qu’il ne se divise en factions familiales, ennemies et
héréditaires. Puisque cette cause n’atteignit pas, à l’origine, les frères
et les sœurs adamiques, rien ne s’opposa à ce qu’ils fussent unis par
le mariage. Car ils constituèrent alors, à eux seuls, le genre humain,
et personne d’autre ne vécut, en dehors d’eux et de leurs parents.
Aussi, de même qu’ils furent liés par le sang, ils durent
nécessairement s’allier par le mariage. Mais lorsque la multitude des
hommes vint à croître et fut distribuée en d’innombrables familles,
cette cause se révéla véridique et juste, entraînant que les frères ne
dussent pas épouser leurs sœurs.
Il existe, chez les philosophes, une autre raison pour que les sœurs se
marient à leurs frères : c’est la similitude de substance, afin qu’elle
soit unie à son semblable. Ce genre contient seulement deux êtres
semblables l’un à l’autre quant à l’espèce et différents quant au sexe,
dont l’un est salué du nom de frère et l’autre de celui de sœur. C’est
pourquoi ils doivent être légitimement unis en un seul mariage
suivant la même liberté, la même condition, et aussi la même
nécessité inévitable qui s’imposa aux premiers hommes consanguins.
Le frère est ardent et sec et, pour cette raison, fortement cholérique.
La sœur est froide et humide, possédant en elle beaucoup de matière
phlegmatique. Ces natures, si différentes par le degré de chaleur,
s’accordent d’ordinaire d’une façon parfaite en amour, en fécondité et
pour la propagation des enfants. Car on ne fait pas jaillir facilement
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EMBLEMA V.
Appone mulieri super mammas bufonem, ut ablactet eum, &
moriatur mulier, sitque bufo grossus de lacte.
(Place un crapaud sur le sein de la femme, pour qu’elle l’allaite et
meure et que le crapaud soit gros de ce lait.)
Epigramma V.
Sur le sein de la femme place un crapaud glacé
Pour que, tel un enfant, il s’abreuve de lait.
Tarissant la mamelle, qu’il s’enfle, énorme bosse,
Et la femme épuisée abandonne la vie.
Ainsi tu te feras un illustre remède
Qui chasse le poison du cœur, ôtant son mal.
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DISCOURS V.
L‘assembléeentière des philosophes s’accorde pour déclarer que leur
œuvre n’est rien d’autre que mâle et femelle : au mâle, il appartient
d’engendrer et de dominer sur la femme ; à celle-ci, de concevoir, de
devenir grosse, d’enfanter, d’allaiter et d’élever la progéniture, ainsi
que d’être soumise à l’autorité du mâle. Comme elle réchauffe et
nourrit, sous son sang, l’enfant conçu avant qu’il soit produit à la
lumière, elle fait de même, au moyen de son lait, lorsqu’il est né.
Ainsi la nature a préparé pour le tendre petit, dans les mamelles de
la femme, un aliment digestible et proportionné qui attend sa venue
comme premier approvisionnement, premier viatique dans cette
carrière du monde. C’est pourquoi, grâce au lait, il est nourri, il croît
et augmente jusqu’au point où il possède les instruments nécessaires
pour broyer le pain, c’est-à-dire les dents. Il est alors sevré à bon
droit, puisque la nature a pourvu à lui fournir une autre nourriture
plus solide.
Mais ici les philosophes disent qu’il faut placer sur le sein de la
femme un crapaud, pour qu’elle le nourrisse de son lait, à la manière
d’un enfant. C’est là chose déplorable et affreuse à contempler, disons
même impie, que le lait destiné à un petit enfant soit présenté au
crapaud, bête venimeuse et ennemie de la nature humaine. Nous
avons entendu et lu des récits sur les serpents et les dragons qui
tarissent les pis des vaches. Peut-être les crapauds auraient-ils la
même convoitise si l’occasion s’en offrait à eux chez ces animaux. On
connaît l’histoire d’un crapaud qui, pendant le sommeil d’un
villageois, lui occupa la bouche et l’intérieur des lèvres, de telle
manière qu’il n’eût pu être délogé par aucun stratagème, sinon grâce
à une violence qui aurait été accompagnée d’un péril mortel et qui dut
en conséquence être écarté : le crachement du venin (qui lui sert, dit-
on, d’armes offensives et défensives). On découvrit donc, pour le
pauvre homme, un remède tiré d’une antipathie, celle d’une énorme
araignée et du crapaud qui se poursuivent mutuellement d’une haine
mortelle. On le porta donc, avec le crapaud, tout droit au lieu où
l’araignée toute boursouflée avait exposé ses ouvrages tissés. Dès que
celle-ci eut aperçu le crapaud, elle descendit à la hâte sur son dos et le
piqua de son dard. Comme, à la vérité, il n’en éprouvait aucun
dommage, elle descendit une seconde fois et le perça de nouveau plus
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EMBLEMA VI.
Seminate aurum vestrum in terram albam foliatam.
(Semez votre or dans la terre blanche feuillée.)
Epigramma VI.
Les paysans à la grasse terre livrent leur grain
Lorsqu’avec leurs râteaux ils l’ont bien feuilletée.
Les sages ont transmis l’art de répandre l’or
En la neige des champs tels que des feuilles minces.
Pour faire ainsi, regarde bien : vivant miroir
Le froment saura t’enseigner comme l’or germe.
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DISCOURS VI.
Platondit que la cité se compose, non du médecin et du médecin, mais
du médecin et de l’agriculteur, c’est-à-dire d’hommes aux fonctions
diverses. Il fait surtout mention du médecin et de l’agriculteur, car
leurs œuvres sont particulièrement remarquables sous le rapport de
l’imitation, de l’amélioration et du perfectionnement de la nature.
L’un et l’autre en effet prennent le sujet naturel, auquel ils ajoutent,
selon leur art, certaines choses nécessaires qui faisaient défaut, ou
encore en ôtent le superflu. Leur art à tous deux peut en conséquence
être défini (de même que la médecine par Hippocrate) comme
l’adjonction de ce qui manque et la soustraction du superflu.
L’agriculteur fait-il rien de plus, en effet, que d’ajouter au champ
laissé par la nature le labourage, la lyration, le hersage, l’engrais ou
fumure, l’ensemencement et le reste ? Ne confie-t-il pas
l’accroissement et le développement à la nature qui fournit la chaleur
du soleil et la pluie, multiplie, par ce moyen, les semences et les
amène bientôt à l’état de récoltes bonnes à être coupées ? Entre
temps, comme l’herbe pousse en abondance, il enlève les tribules5 et
tout ce qui fait obstacle, il moissonne les récoltes mûres, ôte à ce qu’il
a moissonné le superflu, c’est-à-dire la baie, la paille et autres choses
du même genre. De même le médecin lui aussi (et assurément, le
chimiste, à un point de vue différent) s’est donné pour tâche de
conserver au corps humain la santé présente, et de la ramener si elle
est absente, au moyen de divers remèdes ; il enlève la cause qui a
provoqué le mal, soigne la maladie, calme les symptômes ; si le sang
est trop abondant, il en diminue la quantité par la saignée ; s’il fait
défaut, il le restaure en ordonnant un bon régime de vie, il chasse par
la purgation les humeurs nuisibles et ainsi, de mille manières, il
imite, supplée et corrige la nature par les œuvres de l’esprit et de
l’art.
Ces choses sont bien connues. Aussi notre examen doit porter plutôt
sur les réalités chymiques. Car la Chymie témoigne des opérations de
l’agriculture par ses fins et ses modes d’opérer secrets. Les
agriculteurs ont une terre où ils sèment leurs graines. De même les
chimistes. Ils ont un fumier à l’aide duquel ils fertilisent leurs
champs ; les chimistes aussi en ont un : sans lui rien ne se ferait et il
ne faudrait espérer aucun fruit. Ceux-là ont des semences dont ils
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EMBLEMA VII.
Fit pullus à nido volans, qui iterùm cadit in nidum.
(L’oisillon s’envole de son nid et y retombe.)
Epigramma VII.
L’oiseau de Jupiter en une roche creuse
A fait son nid, s’y cache, y nourrit ses petits.
L’un d’eux veut s’envoler sur ses ailes légères,
Mais son frère, un oiseau sans plumes, le retient.
Il revient donc au nid qu’il fuyait. A tous deux
Joins la tête et la queue : ce n’est pas œuvre vaine.
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DISCOURS VII.
Le chef de file des médecins, Hippocrate, affirme qu’il n’y a pas dans
l’homme une humeur unique mais que les humeurs sont diverses et
multiples, car s’il en était autrement des maladies variées ne
pourraient pas naître. Nous pouvons remarquer que cela s’applique
véritablement aux éléments du monde. S’il n’existait qu’un seul
élément, il ne se changerait jamais en un autre, il n’y aurait ni
corruption ni génération, mais toutes choses seraient une seule
réalité immuable, et la nature ne produirait à partir de là ni corps
célestes, ni minéraux, ni plantes, ni animaux. C’est pourquoi le
Créateur suprême a disposé avec art tout ce Système du monde à
partir de natures diverses et contraires, à savoir légères et pesantes,
chaudes et froides, humides et sèches, pour que, suivant leurs
affinités, l’une se convertisse en une autre, et qu’ainsi se réalise la
composition de corps différant grandement entre eux sous le rapport
de l’essence, des qualités, des vertus et des effets. Les mixtes
imparfaits possèdent en effet des éléments légers comme le feu et l’air
et aussi des éléments lourds comme la terre et l’eau, qui s’équilibrent
entre eux d’une manière parfaitement égale de telle sorte qu’ils ne se
fuient pas mais qu’ils supportent aisément d’être pris et retenus l’un
par l’autre, le voisin par son voisin.
La terre et l’air s’opposent mutuellement et il en va de même du feu
et de l’eau. Cependant le feu nourrit de l’amitié pour l’air en raison de
la chaleur qui leur est commune et pour la terre à cause de leur
sécheresse. Ainsi tous sont reliés entre eux par des liens d’affinité ou
plutôt de consanguinité, et ils demeurent ensemble dans une
composition unique qui, si elle est riche en parties légères, élève avec
elle les parties lourdes et, si elle contient en abondance des éléments
lourds, abaisse avec elle les parties légères.
Telle est la signification des deux Aigles, l’un emplumé, l’autre privé
de plumes, dont le premier, qui a tenté de voler, est retenu par le
second. Le combat du faucon et du héron fournit de ceci une
illustration évidente. Le premier nommé, après être monté plus haut
que l’autre dans l’air grâce à son vol rapide et à ses ailes légères,
capture dans ses serres et déchire le héron dont le poids les fait
tomber tous deux à terre. Le contraire pouvait se voir dans la colombe
artificielle ou automate d’Archytas, dans laquelle les parties pesantes
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étaient soulevées par les éléments légers, c’est-à-dire que son corps de
bois était emporté vers le haut par l’air renfermé à l’intérieur.
Dans le sujet philosophique, les éléments légers l’emportent tout
d’abord sur les parties lourdes, sous le rapport de la quantité,
néanmoins ils sont vaincus par la puissance de ces dernières. Mais
après un certain temps les ailes d’aigle se déchirent et les deux
oiseaux donnent naissance à un oiseau unique et de grande taille
(l’autruche), qui est capable d’avaler le fer et court à terre,
embarrassée par son poids, plus qu’il ne vole dans l’air, bien qu’il
possède des plumes magnifiques. C’est de cet oiseau ou d’un de ses
pareils qu’Hermès écrit, comme l’atteste l’auteur de l’Aurore au chap.
V : « J’ai contemplé un oiseau vénéré des Sages, qui vole, tandis qu’il
est dans le Bélier, le Cancer, la Balance et le Capricorne ; et tu en
feras l’acquisition pour toujours à partir des vraies minières et des
montagnes pierreuses. » Senior parle du même oiseau dans la Table,
où il en voit deux, l’un volant, l’autre sans plumes ; chacun d’eux tient
dans son bec la queue de l’autre, de telle sorte qu’on ne peut les
séparer facilement. Telle est en effet la disposition de la nature
Universelle : elle soulève toujours ce qui est lourd au moyen de ce qui
est léger, et, inversement, abaisse les parties légères grâce aux
parties lourdes, comme le déclare l’auteur du Parfait Magistère.
Celui-ci a dénombré sept esprits minéraux à la ressemblance des
astres errants et autant de corps métalliques ou étoiles fixes et il
enseigne qu’il faut marier les premiers avec les seconds. C’est
pourquoi l’Aristote chymique dit : « Lorsque l’esprit aura dissous le
corps et l’âme de manière qu’ils existent dans sa propre forme, il ne
demeurera pas de corps fixe si tu ne l’as pas capturé lui-même. La
capture consiste à l’unir avec le corps dont tu as effectué la
préparation au début, car dans ce corps l’esprit est capturé et
empêché de fuir vers ce qui est au-dessus. » Dans le camphre, comme
le rappelle Bonus, les éléments légers, qui sont l’eau et le feu,
l’emportent sur les éléments pesants. C’est pourquoi on dit qu’il
s’évapore tout entier et se dissipe dans l’air. Dans l’argent-vif, les
fleurs de soufre et d’antimoine, le sel de sang de cerf, l’armoniac et les
autres substances analogues, la terre vole avec l’air dans l’alambic et
n’en est pas séparée. Dans l’or, le verre, le diamant, la pierre émeri,
les grenades et les corps semblables, les éléments demeurent toujours
unis et intacts, en présence de l’attaque du feu, et la terre retient et
garde le reste en elle. Dans les autres combustibles, il se produit une
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EMBLEMA VIII.
Accipe ovum & igneo percute gladio.
(Prends l’œuf et frappe-le avec un glaive de feu.)
Epigramma VIII.
Le ciel compte un oiseau, de tous le plus hardi,
Dont tu chercheras l’œuf, n’ayant pas d’autre soin.
Un mol blanc entoure le jaune. Avec prudence
Touche-le d’une épée de flamme (c’est l’usage).
Mars doit venir en aide à Vulcain ; il va naître
Un oiselet vainqueur et du fer et du feu.
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DISCOURS VIII.
Il est des espèces d’oiseaux multiples et variées dont les
représentants sont en nombre indéterminé et dont les noms
demeurent ignorés de nous. On rapporte qu’il existe un oiseau
gigantesque appelé Ruc qui apparaît dans une petite île de l’océan à
une époque déterminée de l’année et peut emporter avec lui dans l’air
un éléphant. L’Inde et l’Amérique donnent des perroquets de diverses
couleurs, des corbeaux et d’autres oiseaux du même genre. Mais
rechercher les œufs de ces derniers ne relève pas de l’entreprise
philosophique. Les Egyptiens se livrent chaque année à la destruction
des œufs de crocodiles et les pourchassent comme en une guerre
publiquement déclarée. Les Philosophes frappent leur œuf avec le
feu, non pour qu’il soit détruit et périsse, mais pour qu’il reçoive la vie
et croisse. Puisqu’en effet il en sort un poussin animé et vivant, il ne
faut pas parier à son sujet de corruption, mais de génération. Il cesse,
il est vrai, d’être un œuf par la disparition de la forme ovale et
commence d’être un animal bipède et capable de voler par l’apparition
d’une force plus noble.
Dans l’œuf, les semences du mâle et de la femelle sont unies
ensemble sous une seule enveloppe ou coquille. Le jaune produit le
poussin, la racine de ses membres et de ses viscères, grâce à la
semence du mâle, formatrice et opérante, qui se trouve à l’intérieur.
Le blanc fournit la matière, c’est-à-dire la trame et le moyen
d’accroissement, à l’ébauche ou chaîne du poussin. La chaleur
extérieure est le premier moteur qui, au moyen d’une certaine
circulation des éléments et de leur transformation de l’un en l’autre,
introduit une forme nouvelle, sous l’impulsion ou conduite de la
nature. Car l’eau se change en air, l’air en feu, le feu en terre.
Pendant que tous ces éléments s’unissent, une forme spécifique est
envoyée du haut des astres et donne naissance à un individu d’une
certaine espèce d’oiseau déterminée, à savoir celle à laquelle
appartiennent l’œuf et la semence qui s’y trouve infusée.
On dit qu’il est frappé à l’aide d’un glaive de feu, parce que Vulcain,
faisant office de sage-femme, fournit une issue au poussin (comme à
Pallas, sortant du cerveau de Jupiter). C’est ce qu’affirme Basile
Valentin lorsqu’il dit que Mercure fut enfermé en prison par Vulcain
sur l’ordre de Mars, et qu’il ne fut pas libéré avant d’avoir subi tout
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EMBLEMA IX.
Arborem cum fene concludein rorida domo, & comedens de fructu ejus
fiet juvenis.
(Enfermé l'arbre et le vieillard dans une maison pleine de rosée ;
ayant mangé du fruit de l’arbre, il se transformera en jeune homme.)
Epigramma IX.
Dans le jardin des sages est un arbre aux fruits d’or.
Prends-le avec notre vieillard ; enferme-les
En une maison de verre humide de rosée.
Puis laisse-les tous deux, unis, de nombreux jours :
Du fruit de l’arbre alors il se repaît (merveille !)
Pour être transformé, lui, vieillard, en jeune homme.
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DISCOURS IX.
Tous les êtres qui croissent en longueur, en largeur et en profondeur,
c’est-à-dire qui naissent, sont nourris et augmentent, parviennent à
leur point de perfection et se propagent ; ces mêmes êtres décroissent,
c’est-à-dire diminuent de force, meurent et sont entièrement détruits,
comme on peut le voir dans tous les végétaux et les animaux. C’est
pourquoi l’homme aussi, lorsqu’il est parvenu au plus haut degré
d’augmentation, connaît la décroissance, c’est-à-dire la vieillesse, par
laquelle il diminue progressivement de vigueur jusqu’au point où
survient la mort. La cause de la vieillesse est celle-là même qui fait
qu’une lampe dont l’huile est presque épuisée s’affaiblit et luit d’une
façon obscure. La lampe comprend trois éléments : la mèche, la
substance grasse et la flamme ; de même dans l’homme la mèche est
constituée par les organes vitaux, les viscères et les membres ; la
substance grasse est l’humide radical ; la flamme est la chaleur
native. La seule différence réside en ce que la flamme de la lampe est
lumineuse, mais que la chaleur native ne l’est en aucune manière, car
elle n’est pas feu mais seulement chaleur, et que la graisse est
huileuse et l’humide radical visqueux, car il provient du principe
séminal. De même aussi que la lampe s’éteint par manque d’huile,
ainsi l’homme, par l’effet de la vieillesse et sans autre maladie, tombe
dans le marasme, la déchéance sénile et, finalement, dans la mort.
On rapporte que l’aigle, embarrassé par son bec recourbé, mourrait de
faim si la nature ne lui ôtait ce bec et ne lui rendait, en quelque sorte,
la jeunesse. Ainsi les cerfs paraissent rajeunir en déposant leurs
cornes, les serpents en quittant leur peau ou dépouille, les crabes leur
carapace. Mais telle n’est pas la réalité, car l’humide radical consumé
ne leur est pas restitué et ce n’est qu’une apparence. Quant à
l’homme, il n’est rien qui le fasse rajeunir, si ce n’est la mort elle-
même et le commencement de la vie éternelle qui lui fait suite. En ce
qui concerne la forme extérieure et la restauration des forces d’une
manière quelconque, la disparition des rides et des cheveux blancs, il
en est pour affirmer qu’un remède est trouvé :
Lulle l’affirme à propos de la quintessence et Arnaud à propos de l’or
préparé.
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On ajoute que le vieillard doit être enfermé avec l’arbre, non à ciel
ouvert, mais dans une maison qui n’est pas sèche, mais humide de
rosée. On tient pour prodigieux que des arbres naissent ou se
développent dans un lieu clos ; cependant, si ce lieu est humide, il ne
fait pas de doute qu’ils dureront longtemps. L’arbre en effet a pour
nourriture une humeur et une terre aériennes, c’est-à-dire grasses,
capables de monter dans le tronc et dans les branches et d’y produire
des feuilles, des fleurs et des fruits. Tous les éléments concourent à
cette œuvre naturelle. Le feu donne en effet le premier mouvement,
en tant qu’agent efficient, l’air, la subtilité et le pouvoir de péné-
tration, l’eau la consistance mobile et glissante, et la terre, la
coagulation. Car l’air redevient eau et l’eau redevient terre si une
quantité superflue de ces éléments était montée. Par le feu j’entends
la chaleur native qui, propagée avec la semence, fabrique et forme, à
la façon d’un artisan, des fruits semblables à ceux dont provient la
semence, par la puissance des astres. Non seulement l’évaporation de
la rosée sert à humecter l’arbre pour qu’il puisse produire des fruits,
mais elle sert également au vieillard, pour que, grâce à ces fruits, il
puisse rajeunir ; en effet, la chaleur et l’humidité tempérées
amollissent, remplissent et restaurent la peau rugueuse et sèche. Les
médecins, en effet, ordonnent et prescrivent très utilement les bains
tièdes dans le marasme et la déchéance séniles. Si l’on considère bien
les choses, cet arbre est la fille du vieillard qui, comme Daphné, a été
changée en un végétal de cette sorte ; c’est pourquoi le vieillard peut à
bon droit espérer d’obtenir la jeunesse de celle dont il a causé
l’existence.
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EMBLEMA X.
Da ignem igni, Mercurium Mercurio, et sufficit tibi.
(Donne du feu au feu, du mercure à Mercure, et cela te suffit.)
Epigramma X.
A cette chaîne qui l’assemble
La machine du monde est pendue tout entière :
Le semblable toujours réjouît son semblable.
Ainsi le feu au feu et Mercure à Mercure
S’unissent : de ton art vois ici la limite.
Vulcain pousse Mercure ; mais cet Hermès ailé
Te dégage, ô Cynthie, qui libères Apollon.
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DISCOURS X.
Cettesentence, si on la prend au sens littéral prescrit seulement la
quantité de feu et de Mercure et non l’introduction dans le sujet de
quelque qualité nouvelle. En effet tout semblable ajouté à son
semblable renforce sa similitude. C’est pourquoi les médecins
affirment que les contraires portent remède à leurs contraires et que
ceux-ci sont chassés par ceux-là ; ainsi nous voyons que le feu est
éteint par l’eau et attisé par le feu qu’on lui ajoute. Le poète pense de
même quand il dit : « Et Vénus dans les vins et le feu dans le feu
exercent leur fureur. » Mais il faut répondre que feu et feu, Mercure
et Mercure diffèrent grandement entre eux. Il existe en effet chez les
philosophes de nombreuses sortes de feux comme de mercures. De
plus la même chaleur et le même froid, dès que leur lieu et leur siège
diffèrent, se distinguent de qualités du même genre. Nous voyons par
exemple que la chaleur du feu appliquée à un membre est attirée et
ôtée par une chaleur semblable, et que les membres engourdis et
presque réduits à l’état de mort par le froid de l’hiver sont restaurés
si on les plonge dans l’eau froide, sans que l’on ajoute immédiatement
une chaleur externe. De même qu’une lumière plus vive en obscurcit
une autre moins intense, une chaleur ou un froid plus violents
atténuent une chaleur, un froid plus modérés. Il importe toutefois que
la chaleur et le froid externes soient moins grands que ceux dont les
membres ou les articulations étaient affectés auparavant, sinon
l’impression provoquée serait identique à celle qui existait aupa-
ravant et. le semblable serait augmenté bien plutôt qu’extrait par son
semblable. En effet l’attraction du froid par l’eau froide et de la
chaleur ignée par la chaleur convient à la nature, étant donné que
tout changement soudain d’une qualité en son contraire est
dangereux pour elle et qu’elle l’accueille moins volontiers, tandis
qu’elle tolère celui qui se fait peu à peu et comme par degrés. Nous
affirmons qu’autre est le feu interne, principe essentiel qui existe fixé
déjà au préalable dans le sujet philosophique, et autre le feu externe.
Il faut en dire autant du Mercure. Ce feu interne l’est d’une façon
équivoque à cause de ses qualités ignées, de ses vertus et de ses
opérations, et le feu externe l’est d’une manière univoque. Il faut donc
donner le feu externe au feu interne et, de la même manière, Mercure
à Mercure pour que le dessein de l’art se réalise.
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Pour amollir ou mûrir par la cuisson tout ce qui est dur et cru, nous
utilisons le feu et Peau. L’eau dissout la dureté et pénètre dans les
parties compactes, la chaleur lui ajoute la force et le mouvement.
Cela se voit, par exemple, dans la cuisson des petits pois : par eux-
mêmes ils sont durs et compacts, mais l’eau les fait gonfler, les brise
et les réduit en purée, car la chaleur du feu raréfie l’eau par
l’ébullition et la transforme en une substance plus ténue et presque
aérienne. Ainsi la chaleur du feu résout en eau les parties crues des
fruits ou des viandes et les fait s’évanouir dans l’air avec cette eau.
De la même manière le feu et le mercure sont ici le feu et l’eau ; et
eux-mêmes sont les parties mûres et les parties crues ; celles-là
doivent être mûries par la cuisson, celles-ci doivent être purgées de
leurs superfluités par le ministère du feu et de l’eau.
Nous démontrerons brièvement ici que ces deux feux et ces deux
mercures sont avant toutes choses et seuls nécessaires à l’art.
Empédocles a posé deux principes de toutes choses : la discorde et
l’amitié. La discorde provoque les corruptions, l’amitié les
générations. On aperçoit clairement une discorde du même genre
entre l’eau et le feu, puisque le feu fait s’évaporer l’eau et
qu’inversement l’eau, si on l’ajoute au feu, l’éteint. Cependant il est
manifeste que les mêmes éléments engendrent grâce à une certaine
amitié, car, sous l’effet de la chaleur, il se produit, à partir de l’eau,
une génération nouvelle d’air et aussi un durcissement de l’eau en
pierre. Ainsi ces deux éléments, en quelque sorte primitifs, donnent
naissance aux deux autres et entraînent, par conséquent, la
production de toutes choses. L’eau fut la matière du ciel et de tous les
êtres corporels. Le feu, en tant que forme, meut et informe cette
matière. Ainsi l’eau ou mercure fournit ici la matière, et le feu ou
soufre, la forme. Pour que ces deux éléments parviennent à opérer et
qu’ils se meuvent mutuellement en dissolvant, en coagulant, en
altérant, en colorant et en rendant parfait, il a fallu avoir recours à
des adjuvants externes, sans lesquels il n’y aurait pas d’effet produit.
Car de même que l’artisan ne fait rien sans marteau et sans feu, le
philosophe est, lui aussi, impuissant s’il n’a pas ses instruments, qui
sont l’eau et le feu. Et cette eau est appelée par certains eau de nuées,
comme ce feu est dit occasionné. L’eau de nuées est sans aucun doute
ainsi appelée parce qu’elle tombe goutte à goutte, comme la rosée de
mai, et qu’elle se compose de parties extrêmement ténues. Comme la
rosée de ce mois enfermée dans une coquille d’œuf élève, dit-on, dans
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EMBLEMA XI.
Dealbate Latonam & rumite libros.
(Blanchissez Latone et déchirez vos livres.)
Epigramma XI.
De Latone on connaît les rejetons jumeaux,
Enfants de Jupiter, selon l’antique fable
D’autres la disent faite de soleil et de lune
Mêlés : elle a des taches noires sur sa face.
Donc, à blanchir Latone apprête-toi ; détruis
Ces livres ambigus qui ne font que te nuire.
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DISCOURS XI.
La diversité des auteurs dans leurs écrits est telle que les chercheurs
de la vérité concernant le but de l’art désespèrent presque de la
découvrir. En effet si les discours allégoriques sont en eux-mêmes
difficiles à saisir et causes d’erreurs nombreuses, ils le deviennent
tout particulièrement là où les mêmes termes sont appliqués à des
réalités diverses, et des termes différents aux mêmes réalités. Si l’on
veut y trouver une issue, il faut posséder un génie divin pour
apercevoir la vérité qui se cache sous de telles ténèbres, ou déployer
un travail et des dépenses infinis pour discerner ce qui est vrai de ce
qui ne l’est pas. Les philosophes affirment que l’un ne va pas sans
l’autre, qu’un esprit pénétrant ne suffit pas sans le travail manuel et
inversement, si bien que la théorie et la pratique ne doivent pas être
séparées. Nul en effet n’est doué d’une intelligence assez clairvoyante
pour éviter cent mille fois les détours, les erreurs, les méprises sur les
mots, les fausses directions aux carrefours, les ambiguïtés, et pour se
tenir dans le sentier véritable de la nature. C’est pourquoi les
philosophes disent : « Qui n’a pas encore erré n’a pas encore
commencé, et les erreurs sont les maîtres qui enseignent ce que l’on
doit faire ou non.» Ils répètent encore qu’un homme pourrait passer
toute sa vie à distiller et à redistiller, dut-il vivre mille ans, avant de
parvenir à la vérité par la seule Expérimentation. Qu’il y ait peu de
profit en dehors de l’étude et de la lecture des auteurs, le
Réformateur des insensés le donne à entendre lorsqu’il dit : « L’étude
dissipe l’ignorance et ramène l’esprit humain à la véritable
connaissance et à la science de toutes choses. Il est donc avant tout
nécessaire d’acquérir la science en étudiant cette œuvre pleine de
douceur, et d’aiguiser son esprit au moyen des paroles physiques, car
c’est en elles que réside la connaissance de la vérité. Si donc les
hommes laborieux ne méprisent pas l’étude, ils goûteront la suavité
du fruit qui en résulte. Mais ceux qui auront répugné à étudier et
auront cependant voulu travailler, qu’ils voient si leur art est
l’imitation de la nature, alors qu’ils prétendent corriger celle-ci. Il est
impossible que de tels hommes mènent à son terme parfait la
préparation des secrets des philosophes. Les sages disent d’eux qu’ils
passent à la pratique comme l’âne se dirige vers le foin, ne sachant
vers quoi il tend le museau, si ce n’est dans la mesure où il amène les
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EMBLEMA XII.
Lapis, quem Saturnus, pro Jove filio devoratum, evomuit, Pro
monumento in Helicone mortabilus est positus.
(La pierre que Saturne avait dévorée à la place de son fils Jupiter et
qu’il avait vomie est posée sur l’Hélicon, monument pour les mortels.)
Epigramma XII.
Tu veux savoir pourquoi les poètes souvent
Parlent de l'Hélicon, de sa cime à gravir ?
Un monument se trouve en son sommet ; la Pierre
Que Saturne engloutit, pour son fils, et vomit.
Tu erres en prenant ces mots ainsi qu’ils sonnent.
Car de Saturne ici c’est la Pierre chymique.
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DISCOURS XII.
Nous rencontrons l’allégorie de Saturne interprétée de diverses
manières. Les astronomes en effet l’ont appliquée à l’astre le plus
haut dans l’ordre des planètes, les apprentis chimistes, au métal le
plus bas, à savoir le plomb. Les poètes païens l’ont tenu pour le père
de Jupiter et le fils du Ciel ; les mythologues ont vu en lui le temps.
Tous paraissent avoir pensé d’une façon juste à leur point de vue et
possédé des justifications satisfaisantes de leur opinion. Cependant
ils n’expliqueront pas ce que l’on raconte encore de Saturne : pourquoi
il a avalé et vomi ses enfants, ainsi qu’une pierre à la place de
Jupiter, pourquoi il est l’inventeur de la vérité, pourquoi il a pour
attributs la faux, le serpent, la couleur noire, la tristesse et possède
des jambes flageolantes. Les mythologues croient donner de cela
l’interprétation la plus excellente : le temps, disent-ils, découvre la
vérité et l’arrache aux ténèbres, il s’écoule en se déroulant comme un
serpent, il anéantit toutes choses par la mort, comme à l’aide d’une
faux, il dévore ses enfants c’est-à-dire toute les choses qu’il a
engendrées, il ne peut digérer, c’est-à-dire faire disparaître
entièrement les pierres dures, donc, en quelque sorte, il les vomit.
Certes, ces explications conviennent partiellement, mais elles ne
cadrent pas avec la totalité du sujet, de la vérité et des circonstances.
Les philosophes expérimentés déclarent pour leur part que Saturne
est le premier à se présenter dans leur œuvre ; s’il est vraiment là, on
ne peut se tromper et la vérité a été trouvée dans les ténèbres. Selon
eux il n’est rien de plus excellent que le Noir. C’est pourquoi ils disent
: « Toute couleur qui surviendra après la noirceur est digne d’éloges
dans l’Assemblée des philosophes. Et lorsque tu auras vu ta matière
devenir noire, réjouis-toi car c’est le principe de l’œuvre ». « Et dès
qu’elle devient noire, nous disons que c’est là la clé de l’œuvre, car
celle-ci ne se fait pas sans la couleur noire » selon le Rosaire citant
Arnaud. Et le Miroir affirme : « Lorsque tu te seras mis à l’ouvrage,
fais en sorte d’obtenir au commencement la couleur noire, et tu seras
alors assuré que tu pourris et que tu suis la voie droite. » Et peu
après : « Cette noirceur est appelée Terre ; elle s’obtient par une
cuisson légère, réitérée le nombre de fois nécessaire jusqu’au moment
où le Noir apparaît à la surface ». C’est pourquoi les mêmes affirment
que Saturne a pour domaine la terre. Mercure l’eau, Jupiter l’air, et le
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EMBLEMA XIII.
Æs Philosophorum hydropicum est,& vul lavarisepties in fluvio, ut
Naaman leprosus inJordane.
(L’airain des Sages est hydropique et il veut être lavé sept fois dans le
fleuve, comme Naaman le lépreux dans le Jourdain.)
Epigramma XIII.
L’airain des sages souffre, hydropique et bouffi :
Il désire les eaux qui portent le salut.
Comme dans le Jourdain Naaman perdit sa lèpre
Il se lave en ses propres eaux, trois, quatre fois.
Précipite tes corps au sein des douées ondes,
Ils y trouveront vite un remède à leurs maux.
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DISCOURS XIII.
Que Naaman le Syrien, sur l’ordre du Prophète, se soit rendu en
Judée et se soit baigné sept fois dans le fleuve Jourdain, il faut
l’attribuer à sa confiance dans les paroles du prophète, mais qu’il ait
été guéri de sa lèpre par cette ablution, c’est un miracle de la toute-
puissance divine. Car la lèpre, qui s’attaque au sang et aux racines
des membres de l’homme, est une sorte de chancre universel qui ne
peut être guéri ou chassé par des lotions externes, encore moins par
de l’eau froide comme celle du Jourdain. Il y a de même une espèce de
miracle à ce que l’airain des philosophes souffrant d’hydropisic en soit
délivré par des lotions d’eau, et qu’il soit en outre amené de
l’imperfection à la perfection, de la maladie à la santé, au point de
pouvoir impartir cette santé à d’autres malades. Il n’existe pas dans
la nature d’autre exemple semblable et le chemin ordinaire de la
nature ne la conduit pas à produire la teinture très parfaite des
philosophes si elle n’est gouvernée par l’artiste et si les sujets
convenables ne lui sont administrés avec l’agent externe. De même
réduire les luxations n’est pas le propre de la nature, mais de l’art.
Pourtant, dans la génération de l’homme, l’os sacré s’ouvre d’une
façon qui tient du miracle pour que le fœtus puisse sortir comme par
une porte : le Dieu Très Bon et Très Grand opère là par la nature un
effet qui dépasse la nature. De même la réalisation de la Pierre peut
également paraître hyperphysique bien qu’elle soit en vérité
physique. C’est pourquoi le Philosophe dit dans le Rosaire : « Sache
que notre pierre est aérienne et volatile, qu’elle est froide et humide
dans son aspect visible, chaude et sèche dans son aspect caché. Cette
froideur et cette humidité qui apparaissent sont une fumée aqueuse
qui corrompt, noircit, se détruit et détruit toutes choses, fuit le feu.
La chaleur et la sécheresse cachées constituent un or chaud et sec,
c’est une huile très pure qui pénètre les corps ; cela ne fuit pas le feu,
car la chaleur et la sécheresse de l’Alchymie teignent et rien d’autre.
Fais donc en Sorte que la froideur et l’humidité aqueuse qui sont
manifestées deviennent pareilles à la chaleur et à la sécheresse
cachées, de manière qu’elles s’unissent, s’allient et deviennent
ensemble une seule substance qui pénètre, teint, s’enfonce très
profondément. Ces humidités doivent être détruites par le feu et les
degrés de feu avec une douée modération, une digestion convenable et
tempérée. »
56
MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 57
Si ces paroles sont vraies, comment pourra-t-il être libéré des eaux
par les eaux ? Mais il faut répondre qu’il existe certaines eaux
chaudes et sèches en qualité, comme le sont nombre d’eaux
thermales, dans lesquelles l’airain philosophique doit être lavé. C’est
ce qu’ils veulent dire par ces mots : « Lave avec le feu et brûle avec
l’eau. » Car le feu qui lave et l’eau qui brûle ne diffèrent l’un de l’autre
que par le nom ; leurs effets et leurs opérations se rejoignent. Nous
connaissons les méthodes essayées pour guérir les hydropiques : les
priver de toute boisson pendant six mois, les ensevelir dans du sable
chaud ou de la bouse de vache, les enfermer à l’intérieur ou au fond
d’un four chaud, les faire transpirer, et d’innombrables autres moyens
allant jusqu’aux eaux thermales desséchantes, telles que celles de
Carisbad et de Wiesbaden, non loin de Mayence. De même notre
malade devra être traité successivement par les eaux, l’air chaud des
fours, le fumier, le sable et l’abstinence de boisson. Ce sont en effet
des remèdes très efficaces dans les deux cas ; ils doivent être
appliqués ici comme la. Dans tous ces traitements c’est la chaleur qui
opère, fait sortir et disparaître les eaux superflues à travers leurs
émonctoires et même les pores du corps. Car la chaleur extérieure
excite la chaleur intérieure, c’est-à-dire les esprits vitaux, pour
chasser comme excrément mutile l’humeur nocive qui jusque-là
agissait en ennemie et supprimait la chaleur naturelle. Il faut
procéder avec beaucoup de soin et de précaution dans cette cure pour
éviter qu’un des viscères ne soit lésé pendant qu’on porte secours à un
autre. Dans la fièvre quarte (pierre de louche du médecin, suivant
Platon) nous avons vérifié que les humeurs épaisses et visqueuses
comme la gomme ou la glu des arbres se rassemblent en venant des
veines et de la masse sanguine et descendent par la veine cave ou
grande veine jusque dans la profondeur du dos. Là elles obstruent les
veines d’évacuation qui extraient du sang l’humeur séreuse, ou tout
au moins elles en bouchent les portes ; le fonctionnement de ces
veines s’en trouve gêné et il demeure dans le corps une plus grande
quantité d’humeur séreuse, en sorte que, si l’on n’y veille, l’hydropisie
peut se déclarer même si au début les autres viscères étaient intacts.
Les diurétiques ne peuvent ici servir que peu ou pas du tout ; les
purgatifs moins encore, à moins qu’au bout d’un certain temps il ne se
fasse une diminution et une évacuation. Les sudorifiques eux-mêmes
sont manifestement nuisibles, car ils évacuent les parties les plus
subtiles, n’atteignent pas les plus épaisses et, si on les continue,
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EMBLEMA XIV.
Hic est Draco caudam suam devorans.
(Voici le dragon qui dévore sa queue.)
Epigramma XIV.
Aiguillonné par la sinistre faim, le poulpe
Ronge ses membres, et l’homme se repaît de l’homme.
Tandis que le dragon mord et mange sa queue,
Il a pour aliment une part de lui-même.
Dompte-le par le feu, la faim et la prison ;
Qu’il se mange et vomisse, et se tue et s’enfante.
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MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 60
DISCOURS XIV.
Les Anciens ont affirmé que le serpent qui a dévoré un autre serpent
devient un dragon, car il exerce sa cruauté sur sa propre race, comme
le fait le voleur ou l’assassin. On sait qu’en Afrique il en est de si
nombreux et de si gros qu’ils dévorèrent une grande partie de l’armée
d’Alexandre. Chez les Asacliéens, peuple de l’Ethiopie, il en naît de
très grands, qui, entortillés a la façon de claies, s’efforcent, de leurs
têtes dressées, d’atteindre de meilleures nourritures. Les rois des
Indes nourrissaient, dit-on, deux dragons, l’un de quatre-vingts,
l’autre de quatre-vingt-dix coudées de taille. Il résulte en outre d’une
observation faite par des auteurs de notre époque que l’on rencontre
encore des dragons semblables près de l’Angola, et qu’ils peuvent
égaler d’énormes mâts de navires. On rapporte de môme que des
montagnes de l’Inde et de l’Afrique renferment une grande abondance
d’or, mais qu’elles sont gardées par des dragons de manière que nul
n’atteigne l’or et ne l’emporte. Les dragons en effet se rassemblent au
bord des sources et des ruisseaux qui descendent des montagnes et,
par la même occasion, ils montent la garde auprès de l’or. C’est
pourquoi les philosophes placent tant de dragons et de serpents
auprès de leurs trésors, comme la Toison d’or, le Jardin des
Hespérides, et aussi auprès d’autres parmi leurs personnages ou
sujets chymiques, Cadmus, Saturne, Esculape, Mercure dont le
caducée est ceint de deux serpents, mâle et femelle. Par les dragons
ils n’entendent rien d’autre que les sujets chymiques. C’est pourquoi
ils déclarent : « Les montagnes donnent Rebis et des dragons, la terre
donne des fontaines. » Ils ajoutent que le dragon dévore sa queue,
faisant allusion à sa faim extrême. D’autres l’interprètent de l’année
qui revient sur elle-même et décrit un cercle, mais cette image fut
d’abord appliquée par les philosophes chimiques à leurs sujets. Par ce
dragon ils veulent signifier le serpent qui dévore un autre sujet de
son espèce et qui est proprement appelé soufre, comme cela est
attesté en d’innombrables endroits. Lulle déclare dans son Codicille
au chapitre 31 : « C’est là le soufre, mon fils, et ce sont la vipère et le
dragon qui dévorent leur queue, le lion rugissant et le glaive acéré,
qui coupe, tue et brise toutes choses. » Et le Rosaire : « Le dragon ne
meurt pas s’il n’est tué avec son frère et sa sœur. » Et un peu plus loin
: « Le dragon est l’argent-vif extrait des corps qui possède en lui corps,
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MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 61
âme et esprit. Cette eau reçoit encore le nom d’eau fétide après la
séparation des éléments. »
On raconte que le serpent dévore sa queue parce qu’il absorbe la
partie de lui-même qui est mouvante, vénéneuse et humide, si bien
que, sans queue, il paraît ensuite plus volumineux et plus lent, car
son mouvement et son agilité ont en grande partie leur origine dans
sa queue. Tous les autres animaux s’appuient sur des pattes, mais les
serpents, les dragons et les vers de ce genre remplacent les pattes
absentes en contractant et en déployant leur corps ; comme l’eau
répandue, ils décrivent des cercles déterminés, s’inclinant tantôt d’un
côté et tantôt de l’autre, ainsi qu’on peut le voir de la plupart des
fleuves qui, à la manière des serpents, infléchissent leur cours et le
courbent en cercles. Ce n’est donc pas sans raison qu’ils ont donné à
l’argent-vif le nom de serpent et qu’ils ont attribué des serpents à
Mercure, puisqu’il semble traîner une queue et qu’il s’élance tantôt
d’un côté tantôt de l’autre, avec une masse mouvante. Car comme le
serpent se glisse, ainsi fait Mercure qui pour cette raison possède des
ailes aux pieds et à la tête. En Afrique, dit-on, les serpents sont ailés
et ils dévasteraient tout s’ils n’étaient ravagés par l’ibis. C’est
pourquoi l’ibis est rangé au nombre des images sacrées de
l’Egypte »en raison à la fois des services manifestes qu’il rend à tout
le pays et d’une propriété cachée comprise seulement de quelques-
uns.
On dit que ce dragon, après s’être mordu la queue, rejette sa vieille
peau et en reçoit une nouvelle en même temps que la jeunesse, si bien
que la nature a concédé une plus grande longévité non seulement aux
corneilles, aux corbeaux, aux aigles et aux cerfs, mais aussi à la race
des serpents. La fourmi en vieillissant acquiert des ailes, comme
aussi de nombreux vers. L’homme, lorsqu’il vieillit, est confié à la
terre et, renaissant à partir de la terre, il sera consacré à la vie
éternelle. Avec n’importe quel serpent brûlé on fait une poudre qui se
révèle très efficace contre tous les poisons». L’on doit faire un antidote
à l’aide de ce dragon une fois qu’il a dévoré sa queue (appendice
ordinairement amputé chez les vipères), et ce sera un très puissant
remède (alexipharmacon) contre les maux de la fortune et du corps.
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MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 62
EMBLEMA XV.
Opus siguli, consistens in sicco & humido, te doceat.
(Que l’œuvre du potier, qui se compose de sec et d’humide,
t’instruise.)
Epigramma XV.
Vois comme le potier d’un mouvement rapide
Meut l’axe de sa roue pour façonner ses vases.
Du pied, il mêle l’eau à l’argile, et tempère
A chaque instant la soif de cette poudre sèche,
Fondant son art entier sur ces deux éléments.
Instruit par cet exemple, imite-le ; prends soin
Entre la terre et l’eau de garder l’équilibre.
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DISCOURS XV.
De même que notre globe a pris la forme d’un corps rond par l’effet de
l’union étroite de la terre et de l’eau, ainsi l'œuvre du potier paraît
tout particulièrement composée des mêmes cléments, le sec et
l’humide, de manière que l’un soit tempéré par l’autre. Si la terre
était sans eau, l’océan, la mer, les lacs, les fleuves, les fontaines
n’existeraient pas auprès d’elle ; elle-même ne porterait aucun fruit,
mais demeurerait stérile. D’autre part si l’eau n’était pas recueillie
dans les cavités de la terre mais entourait celle-ci, elle couvrirait
facilement la terre entière, qui demeurerait inhabitable. Mais comme
l’une a pénétré dans l’autre d’une façon tout amicale et que grâce a
leur mutuelle étreinte l’eau a modéré la sécheresse de la terre et la
terre l’humidité de l’eau, la fertilité et la commodité de chacun des
deux éléments sont mises en lumière. De semblable manière le potier
mélange du limon à l’eau pour en faire une masse propre à être
modelée ; il façonne celle-ci à l’aide de sa roue et l’expose à l’air pour
qu’elle se dessèche peu a peu. Puis il ajoute la violence du feu afin que
ses vases acquièrent une dureté convenable et s’affermissent en une
pierre durable, capable de résister à l’eau et au feu.
Les philosophes attestent que l’on procède de la sorte dans l'œuvre
naturelle et qu’il faut donc prendre exemple sur les potiers. Dans les
deux cas il y a une grande affinité entre le sec et l’humide, c’est-à-dire
entre la terre et l’eau. Mais nous ne doutons pas que le mode de
cuisson ainsi que la matière et la forme des éléments qui doivent être
mis en composition ne diffèrent considérablement. Les terres cuites
des potiers ont une forme artificielle ; la teinture des philosophes
possède une forme entièrement naturelle, dont la noblesse l’emporte
d’autant plus sur celle des vases que la matière est plus excellente.
Dans les deux cas il s’agit certes d’un ouvrage de terre, mais dans
l'œuvre philosophique il n’est rien, dit-on, qui ne réclame le ciel de
l’air, tandis que dans Vautre domine une terre grasse et impure.
Dans les deux cas le résultat est une pierre, ici commune, et là,
philosophique. Abusée par ce nom, une certaine personne enferma
dans un panier pour une durée déterminée une grande quantité de
pierres artificielles ou briques et dans un autre des silex blanchâtres ;
elle procéda sur ces pierres à des conjurations diaboliques, au moyen
desquelles les unes auraient dû être converties en argent et les autres
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EMBLEMA XVI.
Hicleo, quas plumas non habet, alter habet.
(Les plumes dont l’un de ces Lions est dépourvu, l’autre les possède.)
Epigramma XVI.
Vainqueur des quadrupèdes, le Lion, cœur et griffe
puissants,
Sait combattre sans peur et déguiser sa fuite.
Tu placeras sous lui une Lionne ailée
Qui vole, et dans son vol veut emporter le mâle.
Mais lui se tient à terre immobile et l’arrête.
Par cette image, apprends le chemin de nature.
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DISCOURS XVI.
Le Lion, comme le fait connaître l’expérience, surpasse les autres
animaux, non seulement par sa taille et sa vigueur corporelle, mais,
plus encore, par sa générosité. Si, au cours d’une chasse, il est aperçu,
il rougit de tourner le dos et recule peu a peu lorsqu’il est accablé par
le nombre. Mais une fois hors de la vue des chasseurs, il prend
rapidement la fuite, estimant (me d’être caché le préserve de la honte.
Il s’abstient de Lundi en fuyant, mais non quand il poursuit une
proie. Ses os sont solides et bien loin d’être vides. On les dit si durs
que, lorsqu’on les heurte, ils produisent du feu, comme l’acier et le
silex. Il redoute par-dessus tout le feu. Il paraît tirer sa substance de
la nature du soleil. Par son impétuosité et sa chaleur il l’emporte sur
tous les autres animaux, comme le soleil l’emporte sur les astres. En
outre ses yeux apparaissent toujours enflammés et largement
ouverts, comme le soleil regarde la terre d’un œil largement ouvert et
enflammé. La lionne combattant pour ses petits fixe les yeux à terre,
pour ne pas s'effrayer à la vue des épieux. Lorsque le lion flaire
l’adultère du léopard, il livre au supplice la lionne infidèle et s’élance
de toutes ses forces pour se venger. C’est pourquoi la lionne lave dans
un fleuve sa faute et l’odeur de celle-ci ou bien, se sentant coupable,
elle accompagne son amant dans sa fuite.
Les philosophes, contemplant la nature admirable de cet animal, ont
présenté diverses allégories, qui sont comme des écritures
hiéroglyphiques attestant leur œuvre secrète. Ayant constaté que le
lion est un animal constant, ferme, sans ruse ni soupçons, ils lui ont
assimilé la partie la plus noble de leur composition philosophique.
Comme lui, elle ne fuit pas. Les os du lion sont solides. De même elle
est fixe et ne connaît pas la défaite. De même que la lionne n’est pas
toujours libre et a l’abri du reproche d’adultère, la Lune ou Mercure
n’est pas exempte de toute tache, mais elle est unie par les ignorants
tantôt à telle matière, tantôt à telle autre, et ce qui est ainsi réalisé
est une union adultère entre des matières de nature discordante
plutôt qu’un véritable mariage. Les petits du léopard et de la lionne
ne possèdent pas de belles crinières autour du col et des épaules ;
cette parure est réservée aux enfants qui ont été conçus du lion. Que
l’on unisse donc la lionne philosophique à son époux légitime, et il
naîtra un lionceau authentique et généreux que l’on reconnaîtra
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EMBLEMA XVII.
Orbita quadruplex hoc regit ignis opus.
(Le quadruple globe régit cette œuvre du feu.)
Epigramma XVII.
Toi qui veux imiter l’œuvre de la nature,
Recherche quatre globes enfermant en leur sein
Un feu léger qui les anime. Le plus bas
T’évoquera Vulcain, et le suivant, Mercure.
La troisième orbe est le domaine de la Lune.
La plus haute, Apollon, t’appartient ; on la nomme
Feu de nature. Cette chaîne Dans l’art saura guider ta
main.
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DISCOURS XVII.
Les philosophes ont fait mention en de nombreux endroits des quatre
sortes de feux nécessaires à l’œuvre naturelle, ainsi Lulle, l’auteur de
l’Echelle, Riplée et une multitude d’autres. « Et parlant alors des
feux, (dit l’Echelle), Raymond s’exprime ainsi : « Il faut remarquer
qu’il y a ici des opérations contraires’, car si le feu contre nature
dissout l’esprit du corps fixe en eau de nuée et contracte le corps de
l’esprit volatil en terre coagulée, inversement le feu de nature coagule
l’esprit dissous du corps fixe en terre sphérique et résout le corps de
l’esprit volatil rendu fixe par le feu contre nature, non en eau de nuée
mais en eau philosophique. » Riplée parle plus clairement de ces feux
dans les termes suivants : « Il y a quatre sortes de feux que tu dois
connaître : le feu naturel, le feu innaturel, le feu contre nature et le
feu élémentaire qui enflamme le bois. Ce sont ces feux que nous
utilisons et pas un de plus. Le feu contre nature doit torturer les
corps. C’est le dragon, je te l’affirme, brûlant avec violence comme le
feu infernal. Le feu de nature est le troisième menstrue. Il est présent
au sein de toutes choses. Nous appelons innaturel le feu occasionné,
comme la chaleur des cendres et des bains destinée à putréfier. Sans
ces feux tu n’amèneras rien à la putréfaction de manière que ta
matière soit séparée et à la fois proportionnée à une nouvelle
conjonction. Fais donc à l’intérieur de ton verre un feu qui brûle
mieux que le feu élémentaire. » Telles sont leurs paroles.
On parle ici de feux parce qu’ils possèdent une vertu ignée, le feu
naturel en coagulant, le feu innaturel en dissolvant, le feu contre
nature en corrompant, et le feu élémentaire en fournissant la chaleur
et le premier mouvement. On observe entre eux un ordre selon lequel
ils s’enchaînent ; le second est excité à agir par le premier, le
troisième par le second, le quatrième par le troisième et le premier à
la fois. Ainsi l’un est agent et l’autre patient, et le même est à la fois
agent et patient selon le point de vue. Ce que l’on observe dans les
anneaux ou les poinçons de fer reliés entre eux par un aimant et rat-
tachés par une attraction mutuelle se voit aussi dans ces feux. Le feu
élémentaire, tel l’aimant, envoie sa puissance à travers le second, et
le troisième jusqu’au quatrième, et le premier les unit et les fait
demeurer reliés l’un à l’autre, jusqu’à ce que l’action interne entre les
feux supérieurs soit achevée. Le premier est, de nom et réellement, le
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Ces quatre feux sont enfermés dans des sphères ou cercles, c’est-à-
dire que chacun a son propre centre duquel ou vers lequel tend son
mouvement, et cependant on les observe reliés en partie par la nature
et en partie par l’art, de telle sorte que l’un sans l’autre ne fait que
peu de chose ou rien, et qu’en outre l’action de l’un est passion de
l’autre et inversement.
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EMBLEMA XVIII.
Ignire ignis amat, non aurificare, sed aurum :
(Le feu aime à enflammer, For à transformer en or.)
Epigramma XVIII.
Tout agent qui opère en la nature lance
Sa force en cercle et cherche à la multiplier.
Le feu brûle ce qu’il rencontre. Rien ne saurait
Réaliser une œuvre noble sans sa cause :
Si l’or ne brûle pas, le feu ne peut dorer.
Chaque chose connaît le germe qu’elle porte.
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DISCOURS XVIII.
La manière d’opérer de la nature dans tous les individus de l’univers
est d’employer un procédé simple pour accomplir un mouvement
simple. On le voit dans l’anatomie du corps humain : un muscle n’y
exerce qu’un seul mouvement d’attraction ou d’expansion, l’un étant
opposé à l’autre, si bien que, lorsqu’on veut faire décrire un cercle à
un membre, cela s’opère au moyen de muscles variés placés
circulairement. De même l’opération du feu est unique et simple : elle
est d’échauffer et d’enflammer, et même d’assimiler et de brûler
toutes les choses auxquelles on l’applique, si elles sont combustibles.
D’où les paroles Avicenne au Livre de la coagulation des Pierres : « Ce
qui tombe dans les salines devient sel, et ce qui tombe dans le feu
devient feu tôt ou tard, suivant la puissance des composants actifs et
la résistance des passifs. » Il existe un lieu en Arabie qui donne sa
propre couleur à tous les corps qui s’y trouvent. Ainsi chaque chose
dans la nature possède une vertu infusée en elle naturellement, par
laquelle elle agit sur ce qui lui est mélangé ou appliqué, en altérant
sa nature et sa forme. Ce que la génération par propagation des
semences est chez les végétaux et les animaux, est représenté, dans
les corps simples ou composés de mélanges, par l’infusion ou
l’assimilation de leur vertu.
Le soleil, lumière du ciel, projette sur la terre des rayons de lui-même
qui, rassemblés dans des miroirs concaves ou ardents, démontrent
qu’ils sont produits par une cause semblable et apparaissent comme
des formes du soleil susceptibles d’être projetées. Il en résulte que les
rayons du soleil ne sont rien d’autre qu’une flamme ignée, répandue
et dispersée en une vaste étendue. Cette flamme, recueillie et de
nouveau condensée en elle-même par des instruments concaves,
translucides et circulaires ou par des miroirs réfléchissants, concaves
et en acier, brille comme la flamme et brûle tout ce qu’elle rencontre.
De la même manière, dans un certain corps élémenté, est dispersée
une certaine vertu semblable à une vapeur. Si on la rassemble et
qu’on l’attire en une seule chose, elle devient eau et cette eau devient
terre. C’est pourquoi Avicenne dit, à l’endroit cité plus haut : « De
l’eau se fait la terre, elle est vaincue par les qualités de la terre, et
inversement. Il est en effet une certaine chose dont se servent
quelques hommes ingénieux lorsqu’il veulent coaguler une chose
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sèche : elle est composée de deux eaux et est appelée lait de vierge,
parce que son effet est très assuré. » Telles sont ses paroles. Il en est
qui s’engagent à pouvoir doubler ou multiplier la puissance de la
pierre magnétique ; nous avons vu une de ces pierres incluses dans
un poids d’argent d’une livre à peine qui attira et porta une ancre de
fer de vingt-huit livres. Cela n’aurait pas été possible s’il n’y avait eu
en elle une vertu augmentée et rendue plus forte, ce qui se fit sans
aucun doute en rappelant en quelque sorte les forces dispersées en un
seul point ou pôle, ou en les attirant d’un grand corps dans un plus
petit.
Il s’en trouve d’autres pour affirmer qu’il est possible d’infuser et de
retenir l’émanation sulfureuse de Saturne dans le mercure vulgaire
jusqu’à ce que celui-ci se coagule, et de réaliser ainsi une pierre
plombifique qui transforme d’une façon continue le mercure commun
en plomb. Certains se vantent de savoir faire du cuivre à partir de
l’odeur de cuivre au moyen de l’antimoine ou de son régule étoile, et
d’avoir même ainsi réalisé tous les métaux en l’espace de temps
nécessaire pour manger un œuf. On doit leur accorder le crédit qu’ils
méritent, bien qu’il ne me paraisse y avoir là rien de vraisemblable.
Plus audacieux, sinon nécessairement plus heureux, sont ceux qui
s’efforcent de tirer l’or de l’or, suivant la parole du Poète d’or : « Qui a
au cœur le désir de l’orge sème précisément de l’orge, mais c’est dans
l’or qu’est la semence de l’or ». Chaque chose dans la nature possède
certes un certain pouvoir de se multiplier, mais celui-ci ne s’actualise
que dans les végétaux et les animaux, et nullement dans les métaux
minéraux, pas plus ceux qui sont enfouis dans la terre que les
météores. Parmi les plantes, certaines, nées d’une petite graine,
donnent couramment mille graines ou plus, se multipliant et se
propageant de cette manière, et cela chaque année. Les animaux
aussi ont une progéniture selon la nature de chacun. Mais pour ce qui
est de l’or, l’argent, le plomb, l’étain, le fer, le cuivre ou l’argent-vif,
jamais on ne les a vus se multiplier de cette façon, bien qu’on les
rencontre très souvent transmués l’un dans l’autre et ennoblis.
Cependant les philosophes affirment que le principe de la
transformation en feu réside dans le feu, de même que celui de la
transformation en or se trouve dans l’or : mais on recherche la
teinture au moyen de laquelle l’or se fait. Il faut la rechercher dans
ses propres principes et ses générations, et non dans les principes de
corps étrangers. Car si le feu produit le feu, le poirier, un poirier, et le
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EMMBLEMA XIX.
Si de quattuor unum Occida, subito mortuus omnis erit.
(Si des quatre tu en fais périr un, aussitôt tous seront morts.)
Epigramma XIX.
Quatre frères se tiennent en une longue file :
Tout le poids de la terre est aux mains du premier ;
Les autres ont pour part l’eau, l’air, le noble feu.
Pour les faire périr cause la mort d’un seul.
Unis dans un commun trépas ils disparaissent,
Car la nature les lia d’étroites chaînes.
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DISCOURS XIX.
Suivant la fable imaginée par les poètes, Géryon était un roi
d’Espagne doté d’un triple corps ; il possédait des bœufs de couleur
pourpre à la garde desquels étaient préposés un chien bicéphale et un
dragon à sept têtes. On dit que Géryon est le fils de Chrysaor, né lui-
même du sang de Méduse, et que le Dragon est l’enfant de Typhon et
d’Echidna. Comme ces contes, si on les prend à la lettre, ne
s’accordent à aucune vérité historique ou matérielle mais qu’ils
confirment toutes les allégories chimiques, c’est à bon droit que nous
les avons ajoutés a celles-ci. Par le triple corps de Géryon nous
entendons trois faces vues en un seul père, selon le sentiment
d’Hermès, ou, comme le veulent d’autres, quatre faces qui se
rapportent aux quatre éléments. Du carré en effet il faut faire un
triangle, et de même qu’un cercle a donné naissance au carré, le
triangle doit revenir à la forme circulaire. II règne entre les corps de
Géryon et les éléments une telle consanguinité, une telle conjonction
naturelle, que si l’on a vaincu ou tué l’un d’eux, les autres tombent et
se putréfient d’eux-mêmes, sans qu’on ait a fournir un effort manuel
quelconque.
A propos des êtres au corps double il est connu que si l’un meurt,
l’autre dépérit de son côté. Ainsi nous avons vu en Italie un enfant de
quatre ans doté d’un double corps, qui cachait dans son propre corps
la tête de son frère qui lui était accolé ; les autres organes pendaient
jusqu’à l’ombilic où ils étaient reliés, nés ensemble. Et si l’on touchait
avec une certaine force dans la région des pieds ou des mains celui
qui formait excroissance et qui était porté par l’autre, étant beaucoup
plus petit, le plus grand éprouvait de la douleur, de même qu’il
sentait la faim si le petit était privé de nourriture. Telle est l’alliance
étroite, la sympathie de nature selon laquelle les membres et les
parties d’un corps unique ou né lié à un autre ont des rapports entre
eux et sont affectés en eux-mêmes les uns par les autres. Si l’un est
sain et indemne, les autres ne demeurent pas forcément sains et
indemnes, mais si l’un est atteint, les autres souffrent avec lui et
périssent du même mal. Ainsi lorsque quelqu’un réalise un gain
important, son voisin n’en tire aucun avantage, mais s’il subit un
incendie, il en résulte pour le voisin beaucoup de mal. Car si le mur
du voisin est en feu, l’affaire te concerne.
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MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 79
Que le meurtre de l’un des quatre frères entraîne la mort des trois
autres, une telle proposition ne sonne pas faux, car cela peut se
produire de plusieurs manières : ou bien, nés simultanément du
même père et de la même mère, ils ont connu des fins d’existence
identiques, comme l’avaient été leurs débuts, ainsi que nous l’avons
lu à propos de certains hommes, en raison peut-être de l’inclination
des astres ; ou bien parce qu’ils adhèrent l’un à l’autre non seulement
par l’esprit mais aussi par les membres du corps ; ou bien par
l’épouvante de l’esprit, une vive imagination, au cours d’une épidémie
; ou bien encore à la suite d’un vœu scellant une alliance. En Inde,
sous la domination du fameux grand Mogol (celui qui y règne
actuellement est le neuvième descendant de Tamerian), habite un
peuple païen portant le nom de Pythagoriciens qui, depuis les temps
antiques jusqu’à ce jour, observe cette coutume que, si le mari vient à
mourir, sa femme est brûlée par le feu, ou, comme cela se passe
aujourd’hui, vit dans le plus complet déshonneur, abandonnée de tous
et comme tenue pour morte. Le but de cette institution fut
d’empêcher que les femmes ne portent atteinte à la vie de leurs maris
par le poison si elles ne voulaient pas mourir elles-mêmes.
Ainsi, dans l’œuvre philosophique, lorsque l’un des frères meurt, les
autres périssent par le feu, non sous la contrainte mais
spontanément, pour que les survivants ne demeurent pas dans la
tristesse et le déshonneur. Et si l’on frappe l’un d’eux avec un bâton,
un fer ou une pierre, il entreprendra une guerre intestine avec ses
frères, comme on le voit dans l’histoire des fils de la Terre nés des
dents du dragon, lorsqu’ils se dressèrent contre Jason et ailleurs
encore contre Cadmus, et ainsi tous s'entre-tuent et tombent. Touche
en effet ou blesse celui qui porte l’air, et lui-même se dressera contre
deux à la fois, ceux qui sont le plus proches de lui, le porteur d’eau et
le porteur de feu, mais ceux-ci s’opposeront à la fois au porteur de
terre et à celui qui entama le premier combat, jusqu’à ce qu’ils s’in-
fligent et reçoivent des blessures mutuelles par lesquelles ils
s’éteignent. On les a en effet comparés à des frères, car plus forte et
plus vive est leur affection, plus ils sont irréconciliables une fois qu’ils
ont commencé à se haïr ; alors ils se poursuivent jusqu’à la mort, de
même que le miel le plus doux engendre la bile la plus amère dans un
estomac trop échauffé ou un foie corrompu. Tue donc le vif, mais de
manière à ressusciter le mort, sinon cette mort de la victime ne t’aura
servi à rien. Car la mort le révélera au moment où il ressuscitera, et
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EMBLEMA XX.
Naturam natura docet, debellet ut ignem.
(La nature enseigne à la nature à combattre le feu.)
Epigramma XX.
La flamme, ce dragon qui tout dévore, brûle
D’altérer la beauté charmante de la vierge.
Elle est baignée de pleurs, quand un homme la voit,
Court à l’infortunée en lui offrant son aide ;
Lui tendant son écu, il marche à l’ennemi
Et lui enseigne à mépriser de tels assauts.
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DISCOURS XX.
C'est, chez les philosophes, un symbole commun et un signe de
reconnaissance mutuelle, que la nature guide la nature, l’enseigne, la
gouverne, la domine, comme la maîtresse son élevé, la dame sa
suivante, la reine sa sujette, disons même la mère sa fille et la
parente sa parente. L’expérience quotidienne montre le degré de
vérité de cet adage dans l’éducation des enfants, parmi les hommes et
dans d’autres actions comme l’enseignement des lettres, l’exercice de
l’autorité, etc. Pline dit des rossignols que, tandis qu’ils chantent, ils
s’instruisent mutuellement, s’écoutent, s’observent, s’imitent, se
vainquent, se plaignent lorsqu’ils sont vaincus, et que, parfois, l’un
d’eux ayant connu la défaite, sa gorge se brise, il périt et tombe au
milieu de son chant. Nous voyons aussi comment les oiseaux de
toutes espèces habituent et préparent progressivement au vol leurs
petits encore tendres et démunis de plumes, pour que non seulement
la nature, mais également l’art et l’expérience placent en eux
l’habitude du vol, bien que seule la nature leur ait donné le pouvoir et
les organes nécessaires pour exercer cette action, sans lesquels ni
l’apprentissage ni l’art n’auraient de place ou de fondement. Ainsi la
jument apprend la course aux poulains, le chien enseigne à ses petits
à aboyer, le renard montre ses tours aux siens. On ne rencontre
aucune nature, aucune espèce naturelle, animée et sensible, qui ne
conduise, instruise et gouverne une antre nature, à savoir ses petits,
et qui ne souffre d’être dominée de son côté par une autre nature, sa
mère. Chez les végétaux nous ne remarquons pas de règle semblable ;
on observe cependant que l’habitude et la main de l’homme ont sur
eux un grand pouvoir. Car pendant que la moisson est en herbe, on
peut la débarrasser des chardons inutiles et de l’ivraie, pendant que
l’arbre est encore une tige mince on peut le couper et le contraindre à
volonté pour le faire croître,
De même dans les métaux et les sujets philosophiques une nature en
maintient une autre dans le feu, l’y conserve et l’y protège. Cela est
connu des fondeurs et des vérificateurs de métaux, maîtres de choix
dans le domaine des choses naturelles. Lorsque l’argent et l’or sont
encore tendres et spirituels, comme ils disent, mélangés dans leurs
minières à la cadmie, l’arsenic et l’antimoine ravisseur, le fer qu’on
leur ajoute est d’une grande utilité et remplit l’office d’accoucheur, si
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EMBLEMA XXI.
Fac ex mare & fœmina circulum, inde quadrangulum, hinc
triangulum, fac circulum & habebis lap. Philosophorum.
(Du mâle et de la femelle, fais un cercle, puis, de là, un carré, et
ensuite un triangle ; fais un cerclé et tu auras la Pierre des
Philosophes.)
Epigramma XXI.
Du mâle et de la femme, fais-toi un cercle unique,
D’où surgit le carré aux côtés bien égaux.
Construis-en un triangle, à son tour transformé
En sphère toute ronde. La Pierre alors est née.
Si ton esprit est lent à saisir ce mystère,
Comprends l’œuvre du géomètre et tu sauras.
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DISCOURS XXI.
Platon, ce très illustre philosophe, a enseigné que les connaissances
qui sont les fondements de tous les arts et de toutes les sciences sont
comme gravées et imprimées en acte dans l’esprit humain, et qu’en se
les rappelant, en se les répétant, chacun peut saisir et connaître tous
les enseignements. Pour le prouver il met en scène un enfant encore
tout jeune, inculte et ignorant les lettres et il dispose les
interrogations qui lui sont posées sur la géométrie de telle manière
que l’on voit l’enfant faire des réponses justes à toutes les questions
et, bon gré mal gré ou à son insu, parvenir au cœur du sanctuaire
d’une science si ardue. Il en conclut que toute science, toute doctrine
ne commence pas par être apprise et recueillie par les enfants, mais
qu’ils ne font que se la rappeler et la dérouler dans leur esprit, au
moyen du souvenir (recordatione), et il feint de rapporter ceci ù sa
grande année, grâce à laquelle, selon lui, quarante-huit mille années
solaires plus tôt les mêmes personnes, les mêmes actions se sont
présentées d’une façon identique avant la révolution du ciel. Mais il
n’échappe à personne que ce sont là des sortes de rêveries sans aucun
fondement de vérité. Nous ne nions pas qu’il y ait, placées en nous,
certaines étincelles des connaissances, et de pures virtualités qu’il
faut actualiser par l’apprentissage et l’enseignement ; mais, qu’elles
soient de telle nature et de telle importance que, sans aucune culture
préalable, elles constituent les pépinières des arts et des sciences,
nous refusons de l’admettre.
Mais, demanderont d’autres, d’où sont donc sortis les arts cl les
sciences, si les hommes ne les ont pas découverts ? Ont-ils été
transmis a l’origine du haut du ciel ou par les dieux des païens ? Je
réponds qu’une chose est d’affirmer que les cendres recouvrent des
braises ardentes en une quantité telle que, si seulement on les met au
jour en enlevant les cendres, elles suffisent à cuire nos aliments et à
chauffer nos membres refroidis, mais qu’autre chose est de dire que là
sont cachées seulement de petites étincelles qui, avant d’être utilisées
pour la cuisson et le chauffage, doivent être stimulées et augmentées
au moyen de leurs propres aliments par l’art et l’industrie des
hommes, faute de quoi elles peuvent s’éteindre facilement et être
entièrement réduites à l’état de cendres froides. Cette dernière
opinion est celle des Aristotéliciens et la première celle des
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EMBLEMA XXII.
Plumbo habito candido fac opus mulierum, hocest, Coque.
(Après t’être procuré du plomb blanc, opère l’œuvre des femmes, c’est-
à-direcuis.)
Epigramma XXII.
Tu aimes retirer grand fruit d’un peu de peine ?
De neige enduis le noir visage de Saturne.
La matière d’un plomb très blanc t’apparaîtra.
Tu n’auras plus alors que le travail des femmes.
Elles placent au feu leurs chaudrons. Cuis de même,
Mais il faut que la truite en ses eaux se dissolve.
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DISCOURS XXII.
On place aux carrefours des statues de Mercure en même temps
qu’une indication, et une inscription pour conduire dans le bon
chemin les voyageurs hésitants. De même aussi les philosophes
parsèment leurs livres allégoriques et ambigus de quelques phrases
incisives pour que l’investigateur de la vérité soit, grâce à elles,
prévenu et comme conduit par la main sur le véritable sentier. Le
présent titre emblématique est l’une d’elles. Le sens en est que de
l’airain philosophique on doit faire du plomb, et avec le plomb, de
l’étain, que Geber appelle plomb blanc, en même temps qu’il enseigne
comment on passe de Saturne à Jupiter en lavant avec Mercure. C’est
pourquoi il faut ajouter foi à cet indice, tout semblable qu’il soit à un
radotage de vieillard, pour le cas où il révélerait où se trouvent les
bœufs philosophiques, puisque, dit-il, les montagnes les détenaient, et
qu’ils étaient sous ces montagnes. Beaucoup en effet, comme l’atteste
Arnaud dans sa Nouvelle Lumière, au chapitre Ier, errent dans les
montagnes sans connaître ces animaux. Pourtant ils sont vendus
publiquement à un prix minime. Au sommet des montagnes, même
l’été, on observe parfois des neiges et très souvent des nuages qui, à la
façon d’une vapeur ou d’une eau, lavent le plomb noir et le changent
en blancheur. Au fond des vallées, dans leur creux, on trouve des
cristaux de glace congelés et durcis, en même temps que la pierre
spéculaire et le talc dont l’usage est recommandé pour la blancheur et
l’agrément du teint, si l’on en fait une huile. Mais l’on y trouve
surtout un clair Mercure qui court ; bien préparé, il guérit Saturne de
ses taches et le porte sur le trône de Jupiter. Mais Saturne et Jupiter
ne doivent pas être entendus comme des corps vulgaires, car les
métaux vulgaires n’entrent pas dans l’œuvre physique, mais ce sont
des corps préparés et rendus naturels au moyen d’une longue
préparation.
Saturne est le père de tous les Gentils, ou plutôt de tous les hommes
d’or et la première porte des secrets. Son fils Jupiter lui succéda, il
mit fin au règne de son père et lui ôta sa virilité afin, évidemment,
qu’il n’engendre plus d’enfants. De son membre viril projeté dans la
mer naquit Vénus, la plus belle des femmes. De Jupiter, qui est le
plomb blanc préparé, naquirent les autres planètes : Mars de Junon,
Mercure de Maïa fille d’Atlas, roi de Mauritanie, la Lune et le Soleil
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EMBLEMA XXIII.
Aurum pluit, dum nascitur Pallas Rhodi, & Sol concumbit Veneri.
(Il pleut de l’or tandis que Pallas naît à Rhodes et que le Soleil
partage la couche de Vénus.)
Epigramma XXIII.
Rhodes, certes, vantait un étrange prodige,
Mais les Grecs nous en sont garants.
Ils rapportent qu’une pluie d’or tomba des nues
Au lieu où le Soleil et Vénus s’étreignaient
Et quand Pallas sortit du cerveau de son Père.
Ainsi, comme les eaux du ciel,
Que l’eau descende dans son vase
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DISCOURS XXIII.
Ce serait folie d’affirmer, à moins de l’entendre allégoriquement, qu’il
a parfois plu de l’or sur la terre. Il n’existe pas dans les nuages de
fleuves aurifères ou de cavités contenant des minerais d’or, où on
pourrait le dire engendré, et l’or n’est pas assez léger pour pouvoir
être attiré avec les vapeurs. Mais le langage figuré admet et excuse
tout ceci. S’il est vrai que Pallas est réellement née du cerveau de
Jupiter et que le Soleil s’est uni en adultère à Vénus, il est exact au
même degré qu’il est également tombé une pluie d’or. Ce n’est pas que
nous doutions de la réalité de ces deux événements, mais pour rejeter
le sens littéral de ce qui est dit par allégorie. Si en effet nous
adhérons aux paroles de cet emblème dans leur nudité rien n’est plus
absurde, mais si nous envisageons leur esprit, rien n’est plus vrai.
Rhodes est une île primitivement appelée Ophiouse à cause de
l’abondance de ses serpents et dite ensuite Rhodes par allusion aux
rosiers qui y fleurissent, et enfin Colossicole à cause du Colosse du
soleil qui s’y trouvait et qui fut compté au nombre des sept merveilles
du monde. C’est pourquoi les anciens philosophes tirèrent certaines
paraboles de l’île de Rhodes : leur matière mercurielle se comporte
comme un serpent quand elle est crue, mais une fois préparée et
cuite, elle revêt ensuite la couleur pourpre de la rosé. Pour la même
raison ils lui ont attribué une pluie d’or, parce que le Soleil ou Apollon
partageait la couche de Vénus. Cette figure fournit aux Rhodiens,
remplis d’orgueil à la pensée que si de grands dieux s’étaient occupés
chez eux de procréer des enfants, l’occasion d’ériger une sorte d’idole
du soleil d’une grandeur et d’un prix incroyables. En effet ce Colosse
de soixante-dix coudées était, au rapport des historiens, placé de telle
sorte que les navires pouvaient passer entre ses jambes, voiles
déployées. Ses doigts égalaient des statues ordinaires et peu
d’hommes furent capables d’entourer son pouce. L’auteur de ce
colosse fut Charès Lyndien, élève de Lysippe, qui le réalisa en douze
ans. Abattu par un tremblement de terre au bout de cinquante-six
ans, il fut, même à terre, un sujet d’émerveillement. On raconte que
le sultan d’Egypte, ayant occupé Rhodes, chargea 900 chameaux de
l’airain de cette statue.
Ce que le soleil est parmi les planètes, dit le Philosophe, voilà ce
qu’est l’or parmi les métaux. Et cette suprématie est attribuée au
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EMBLEMA XXIV.
Regem lupus voravit & vitae crematus reddidit.
(loup a dévoré le roi, et, consumé, il l’a rendu à la vie.)
Epigramma XXIV.
Efforce-toi de capturer le loup vorace.
Pour l’apaiser, à ce glouton jette le corps
Du roi ; puis place-le sur un bûcher ; le feu
Excité par Vulcain le réduira en cendres.
Opère ainsi souvent et tu verras le roi,
Doté d’un cœur de lion, surgir, fier, de la mort.
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DISCOURS XXIV.
Tout le monde connaît l’appétit et la voracité du loup. Lorsqu’en effet
les aliments viennent à lui faire défaut, il mange de la terre, au degré
extrême de sa faim. On dit aussi qu’il remplit son ventre de la même
manière lorsqu’il doit attaquer des troupeaux nombreux, afin que,
rendu plus pesant par cette sorte de fardeau, il soit moins facilement
repoussé et oppose une plus forte résistance. Lorsqu’il a pénétré dans
les étables, il ne se contente pas de tuer ce qui suffirait à son ventre,
mais il étrangle ici et là, au hasard, toutes les bêtes des troupeaux
dans son extrême avidité. Il est consacré à Apollon et aussi à Latone
parce qu’il l’a assistée quand elle enfantait : car Latone n’aurait pas
pu enfanter sans la présence du loup. C’est donc à juste titre que le
loup est réputé agréable à Apollon dont il a célébré la naissance. C’est
aussi parce que ses yeux luisent la nuit et lancent des traits de
lumière.
On jette à ce loup tenaillé par une horrible faim le corps du roi
inanimé, non pour qu’il le dévore entièrement et le réduise à néant,
mais pour que, par sa propre mort, il lui restitue la vie et les forces. Il
y a en effet dans la queue du loup je ne sais quelle puissance d’amour
que l’on infuse au roi à demi-mort, qui devient par là très agréable
aux yeux de tous les hommes, retrouvant sa santé et sa beauté
antérieures. Les Hyrcaniens ne nourrissaient pas les chiens en vue
d’un autre usage et ils leur donnaient à dévorer ceux dont la vie était
achevée, comme le rapporte Cicéron. Ainsi les Massagètes livrent en
proie aux chiens ceux qui sont morts de maladie. Les philosophes,
eux, jettent leur roi au loup. Ils n’ont pas adopté l’usage des Sabéens
de traiter les corps des défunts comme des ordures, ni celui des
Troglodytes qui liaient le crâne du mort à ses pieds, le jetaient dehors
et le confiaient à la terre, sans considération de lieu. Mais les
philosophes ont préféré se conformer ici à la coutume des Mages qui
n’inhumaient pas les cadavres des leurs sans qu’ils eussent été
préalablement déchirés par les bêtes féroces. Ils ont également suivi
l’habitude des Indiens qui se faisaient brûler vifs, ornés de couronnes
et chantant les louanges des dieux, pour ne pas être surpris par la
vieillesse. Mais le destin final de l’homme imposait cette coutume à
tous ces peuples sans espoir de résurrection, sans renouvellement de
la vie. Les philosophes ont adopté cet usage dans un sentiment bien
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différent : ils savent en effet d’une façon très certaine qu’une fois le
roi mort, dévoré par le loup, il réapparaîtra vivant, jeune et robuste,
et que le loup sera brûlé à sa place dans le feu. Car tuer le loup est
chose aisée quand il s’est alourdi le ventre de la sorte, et le roi bien
que mort possède la vigueur de Mars ou de Cycnus : on ne peut ni le
blesser ni le faire disparaître.
Mais où faire la chasse à ce loup, et où prendre le roi ? Les
philosophes répondent que le loup erre ça et là dans les montagnes
cherchant à saisir une proie ; il faudra, selon eux, le faire sortir de sa
caverne et le garder pour cet usage. Le roi, venant de l’Orient, finit
par succomber, accablé par la fatigue d’un long voyage. En outre le
chagrin hâte sa mort, car les étrangers ne lui rendent aucun honneur
et ne lui manifestent que peu d’estime, si bien qu’il est vendu comme
esclave pour quelques pièces d’or. Il faut prendre un loup provenant
d’un pays froid. Les loups sont plus cruels lorsqu’ils naissent dans des
régions froides, par comparaison à ceux d’Afrique ou d’Egypte : le
froid extérieur provoque en effet chez eux une faim plus grande. Le
roi ainsi dévoré renaît avec un cœur de lion et peut alors dompter
toutes les bêtes sauvages. Et, bien qu’au milieu de ses six frères il soit
le plus vil d’aspect, parce que le plus jeune de tous, il n’en parviendra
pas moins au terme de bien des épreuves et des tribulations au plus
puissant des règnes. C’est pourquoi Gratien dit dans le Rosaire : « Il
est en alchimie un certain corps noble que l’on fait passer d’an maître
à un autre maître. Il y a, en son commencement, misère et vinaigre,
mais, en son terme, joie et allégresse. » Et Alain, au même endroit : «
Entre toutes choses, il faut en choisir une, de couleur livide, qui a une
apparence métallique, limpide et liquide ; c’est une chose humide et
chaude, aqueuse et brûlante, c’est une huile vivante et une teinture
vive, une pierre minérale et une eau de vie d’une efficacité admirable.
»
Les rois ne sont pas toujours en sûreté lorsqu’ils voyagent hors des
frontières de leur royaume. Quand ils sont reconnus, s’ils veulent se
cacher, ils sont tenus pour des traîtres par leurs ennemis qui les
mettent en prison ; s’ils s’avancent à découvert sans armée, ils sont
traités de la même fâcheuse manière. Ce roi Indien a connu
semblable sort, ou il l’aurait connu s’il n’était mort auparavant. C’est
en cela que consiste la première opération de lavage, de sublimation,
d’ennoblissement, que les philosophes pratiquent pour que la seconde
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EMBLEMA XXV.
Draconon moritur, nisi cum fratre & forore sua interficiatur, qui sunt
Sol & Luna.
(Le dragon ne meurt que s’il est tué par son frère et sa sœur, qui sont
le soleil et la lune.)
Epigramma XXV.
Abattre le dragon n’est pas une œuvre aisée,
Car bientôt il revit et rampe sur le sol.
Il n’est qu’un seul moyen : que son frère et sa sœur
Frappent sa tête de leurs massues.
Le frère a nom Phœbus et la sœur est Cynthie.
Il détruisit Python, Orion mourut par elle.
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DISCOURS XXV.
Lors de la conquête de la Toison d’Or, il fallait en premier lieu tuer le
dragon ; mais beaucoup abordèrent cette épreuve sans succès : ils
furent vaincus par le dragon et tués par son venin mortel. La cause
de cette défaite fut qu’ils n’étaient pas assez protégés contre ce
poison, ni instruits du stratagème à employer pour venir à bout du
dragon. Mais Jason (Médecin) ne négligea aucune sorte de remède ; il
en reçut plusieurs de Médée (conseil de l’intelligence) et, entre autres,
les images du Soleil et de la Lune ; il sut s’en servir avec bonheur et
acquit ainsi la victoire avec la récompense, c’est-à-dire la TOISON
D’OR. Le dragon fut donc anéanti par le Soleil et la Lune ou leurs
images, chose que les philosophes enseignent en divers endroits.
Ainsi l’auteur du Rosaire rapporte les paroles d’autres écrivains : «
Hermès. Le dragon ne meurt que s’il est tué par son frère et sa sœur ;
non par l’un d’eux seulement, mais par tous les deux qui sont le Soleil
et la Lune. Aristote. Mercure ne meurt jamais s’il n’est tué à l’aide de
sa sœur, c’est-à-dire qu’il faut le coaguler à l’aide de la Lune ou du
Soleil. Note que le Dragon est l’argent-vif extrait des corps, ayant en
lui corps, âme et esprit, dont il dit : « Le Dragon ne meurt que s’il est
tué à l’aide de son frère et de sa sœur, c’est-à-dire le soleil et la lune,
ou encore le soufre que l’on a extrait et qui possède en lui la nature
humide et froide de la Lune. Ainsi meurt le Dragon, c’est-à-dire
l’argent-vif extrait des mêmes corps au commencement ; c’est l’eau
permanente que l’on obtient après la putréfaction et la séparation des
éléments ; cette eau est encore appelée d’un autre nom, eau fétide. »
Et tous les autres philosophes s’accordent avec celui-ci, si bien qu’il
n’est pas besoin d’alléguer leur autorité en détail.
Les Egyptiens vénéraient un dragon dans le temple d’Apollon, à
cause du meurtre de Python. Le dragon témoigne une inimitié et une
hostilité innées à l’éléphant dont il assaille les yeux et la gorge,
jusqu’au moment où l’éléphant tombe et, du même coup, tue le dragon
sous la masse de son corps. C’est de là que provient le sang de dragon
amené dans nos contrées. Le dragon possède des yeux qui ont la
valeur de gemmes. Son regard est très perçant et très éclatant. C’est
pourquoi il est souvent préposé à la garde des trésors ; il veille par
exemple sur les fruits des Hespérides et, comme on l’a dit, sur la
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EMBLEMA XXVI.
Sapientias humanœ fructus Lignum vitœ est.
( Le fruit de la sagesse humaine est l’arbre de vie.)
Epigramma XXVI.
Il n’est chez les humains de sagesse plus grande
Que celle qui produit et richesse et santé.
En sa main droite sont de longs jours de vie saine
Et la gauche contient des monceaux de trésors.
Si quelqu’un, par l’esprit et le bras, sait l’atteindre,
Elle sera pour lui fruit de l’arbre de vie.
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DISCOURS XXVI.
Cicéron a décrit de façon admirable dans les termes suivants la
différence essentielle qui distingue l’homme des autres espèces
animales : « L’homme est né pour raisonner comme l’oiseau pour voler
et le cheval pour courir. » En effet les lions, les ours, les tigres
s’exercent et se mettent en valeur par - leur férocité, les éléphants et
les taureaux par leur vigueur, les aigles, les faucons et les éperviers
par la chasse qu’ils livrent aux oiseaux et par l’agilité de leurs ailes.
Mais l’homme les surpasse, et il surpasse tous les autres animaux par
sa raison, par les démarches de son esprit et de son intelligence.
Aussi il n’existe pas chez les bêtes de férocité, de robustesse, d’agilité
ou d’autre propriété qui ne puisse être adoucie, domptée ou devancée
grâce à la raison. La raison n’est pas en effet quelque chose d’humain,
né de l’humus, mais, comme dit le poète, une parcelle du souffle divin,
envoyée du ciel dans un corps humain. On l’appelle tantôt mémoire,
tantôt faculté intellectuelle ; si l’usage ou l’expérience s’y ajoutent, la
Sagesse, qui est le bien le plus précieux de l’homme, prend naissance.
L’usage est dit le père et la raison ou mémoire, la mère d’un si noble
enfant, d’où ce dicton populaire : « L’usage m’a engendré, mais j’ai été
enfanté par la mémoire, ma mère ». Mais quelle est donc la sagesse
véritable et la plus digne d’être recherchée par l’homme, étant donné
qu’il existe à ce sujet une infinité d’opinions et que chacun la rapporte
à ses propres imaginations ? Il faut répondre que la Sagesse, les
choses divines qui concernent le salut de l’âme étant toujours
exceptées, n’est pas faite, dans le domaine des choses humaines, des
arguties des sophistes, des propos oratoires et fleuris, de la sonorité
poétique des vers, des subtilités critiques des grammairiens, qu’elle
ne réside pas indifféremment dans le bien et dans le mal, dans les
ruses et les parjures, les tromperies et les mensonges, la dureté de
cœur et la sueur des pauvres, l’habileté à entasser l’argent et les
biens, mais qu’elle n’est rien d’autre que la connaissance vraie de la
Chymie jointe à la pratique, laquelle est la chose la plus utile au
genre humain.
Telle est la Sagesse qui domine toutes choses, qui pénètre à droite
jusqu’à l’Orient, à gauche jusqu’à l’Occident, et embrasse la terre
entière. Salomon, au Livre de la Sagesse, parle d’elle de façon spéciale
: « Ceux qui sont ses proches demeurent éternellement, et ceux qui sont
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sorte le chemin qui y conduit, qu’elle porte des fruits utiles pour cette
vie, fruits qui ne peuvent lui faire défaut, tels que la santé, les biens
de la fortune et de l’âme. Sans eux en effet l’homme, même encore
vivant, est mort ; il ne diffère guère d’une brute, quand bien même il
représente, dans sa partie extérieure, celui qu’il devrait être dans sa
partie supérieure et qu’il n’est pas.
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EMBLEMA XXVII.
Qui Rosarium intrare conatur Philosophicum absque clave,
assimilatur homini ambulare volentiabsq ; pedibus.
(Celui qui tente d’entrer sans clé dans la Roseraie des Philosophes est
comparé à un homme qui veut marcher sans pieds.)
Epigramma XXVII.
La Roseraie des Sages s’orne de mille fleurs,
Mais de puissants verrous ferment toujours sa porte.
Sa clé unique est, pour le monde, chose vile :
Si tu ne l’as, tu veux courir privé de jambes.
Tu affrontes en vain les pentes du Parnasse
Quand sur le sol uni tu te tiens à grande peine.
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DISCOURS XXVII.
Il est écrit d’Erichthonios qu’il naquit de la semence répandue à terre
alors que Vulcain était aux prises avec Pallas, déesse de la Sagesse,
et que ses pieds étaient non d’un homme mais d’un serpent. Ils lui
ressemblent, ceux qui, sans le concours de Pallas, et comptant
uniquement sur l’aide de Vulcain, engendrent des enfants qui sont de
toute évidence des avortons sans pieds, qui ne peuvent ni s’alimenter,
ni être utiles à autrui. Il est lamentable de voir un homme avancer à
la manière d’un quadrupède, c’est-à-dire en se servant à la fois des
pieds et des mains ; mais il est bien plus lamentable encore de le voir
entièrement privé de jambes et utilisant, à leur place, les bras. Ils
paraissent avoir dégénéré et être passés à l’état de vers, puisqu’ils
avancent à la manière des vers et des serpents. Les deux jambes sont
en effet des membres faisant partie de l’organisme humain, sans
lesquels on ne peut marcher d’une façon véritable, de même qu’on ne
peut voir sans yeux, ou saisir sans mains les choses tangibles. De la
même manière la Médecine, aussi bien que n’importe quel art
opératif, possède, dit-on, deux jambes sur lesquelles elle se tient :
l’expérience et le raisonnement ; si l’une ou l’autre fait défaut, l’art
est mutilé, bancal, il n’est pas parfait dans ses traditions et ses
préceptes et il n’atteint pas son but.
La Chymie trouve par-dessus tout sa joie dans deux sujets (qui lui
tiennent lieu de jambes) : l’un est la clé, l’autre la courroie du verrou.
Par eux, la roseraie philosophique, fermée de tous côtés, s’ouvre, et
son accès est offert à ceux qui entrent d’une façon légitime. Si l’un
d’eux fait défaut, celui qui veut
entrer sera semblable à un homme infirme des pieds qui s’efforcerait
de devancer un lièvre à la course. Qui s’introduit sans clé dans ce
jardin qu’une clôture ou une haie ceignent de toutes parts imite le
voleur qui, venant dans la nuit ténébreuse, ne discerne rien de ce qui
pousse dans la roseraie et ne peut jouir des biens qu’il voulait
dérober. La clé est en effet une chose très vile que l’on appelle pierre
connue dans les chapitres, elle est la racine de Rhodes sans laquelle
le germe ne peut pousser, le bourgeon se gonfler, la rosé fleurir et
déployer ses mille pétales. Mais, dira-t-on, où faut-il rechercher cette
clé ? Je réponds avec l’oracle qu’on devra la rechercher là où l’on
affirme que furent retrouvés les ossements d’Oreste, LA OU l’on
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écrits une, deux ou trois fois seulement, car ils sont frustrés de
l’intelligence de ces livres et de tout leur soin et, ce qui est le plus
fâcheux, ils perdent les biens, le travail et le temps qu’ils ont consacrés
à cet art ». Et, peu après : « Alors qu’on pense avoir opéré et posséder le
monde, on se retrouvera n’ayant rien dans les mains ».
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EMBLEMA XXVIII.
Rex balneaturin La conico sedens, Atrâque bile liberatur à Pharut.
(Le roi se baigne, assis dans le bain laconien ; il est délivré de sa bile
par Pharut.)
Epigramma XXVIII.
Le Roi Duenech (qui du lion vert porte les armes)
Sévère dans ses mœurs était gonflé de bile.
Il mande alors vers lui Pharut, grand médecin
Qui lui promet la guérison et d’une source
Prescrit l’onde aérienne ; on voit alors le roi
Se laver longuement sous la voûte de verre
Et la rosée emporte enfin toute sa bile.
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MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 112
DISCOURS XXVIII.
Il y a dans l’homme trois cuissons : la première dans le ventricule, la
seconde dans le foie et la troisième dans les veines. Il est, de même,
un nombre égal d’évacuations générales des excréments qui
correspondent aux cuissons et chassent chaque jour leurs
superfluités. La première se fait par l’intestin et se rapporte à la
première cuisson, la seconde s’effectue par l’urine, et la troisième par
l’expiration du corps entier ou transpiration. Ces deux dernières
correspondent respectivement à la deuxième et à la troisième
cuissons. Dans la première de celles-ci s’élabore le chyle, dans la
seconde, le chyme et dans la troisième une rosée ou substance rorale
qui apparaît dans chacune des parties du corps. Les premières de ces
excrétions, nommées fèces, sont épaisses, bilieuses, grasses. Elles
sont expulsées par le derrière, à travers l’intestin, et, lorsqu’elle ne
circulent pas, on les chasse soit avec douceur, soit avec une force
moyenne, soit encore avec violence, à l’aide de purgatifs ou de
laxatifs. Les excréments de la seconde catégorie sont liquides et de
consistance plus subtile ; ils sont bilieux et salés. Ils sortent des
veines par les reins et la vessie comme par des aqueducs. La
substance de ces organes révèle l’urine. Les superfluités de la
dernière classe sont encore beaucoup plus subtiles et, pour cette
raison, sortent la plupart du temps d’elles-mêmes, par expiration, de
pores extrêmement ténues ou sont véhiculées avec les humeurs
liquides, comme la sueur. Elles sont stimulées au moyen de
sudorifiques de même que les précédentes le sont par les diurétiques.
Les Grecs et les Romains de l’antiquité se préoccupèrent beaucoup de
l’évacuation de cette troisième sorte d’humeurs. C’est pourquoi ils
eurent recours à tant d’espèces de jeux et d’exercices, comme la
friction matinale de tous les membres, les onctions d’huile, la lutte,
l’art du pugilat, les concours de course, les jeux de balle à la paume,
au filet et de grand jeu, les lotions et les bains quotidiens dans les
rivières ou les établissements de bains artificiels. Pour faciliter ceux-
ci, on avait construit à Rome des édifices si magnifiques qu’il est
davantage en notre pouvoir de les admirer que de les imiter. Les
thermes de Dioclétien dont il subsiste encore des restes importants et
qui sont, si je ne me trompe, consacrés aux archanges, peuvent
attester la grandeur, la magnificence et la splendeur de ces ouvrages.
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MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 114
L’artiste doit veiller à éviter une telle erreur et à choisir avant toutes
choses le véritable enfant royal, bien qu’il ne resplendisse pas
d’ornements d’or et qu’il ait un vêtement méprisé et vil, un teint
livide et mélancolique ; il ne faut pas pour ces raisons le rejeter ou
prendre un autre à sa place. Car s’il est parfaitement lavé, sa nature
excellente et royale apparaîtra bientôt comme on le vit chez Cyrus,
Paris, Romulus, qui furent élevés chez des paysans. Il faut prendre
soin que le bain soit laconien, c’est-à-dire vaporeux et sudorifique, que
l’eau ne durcisse pas les chairs tendres et n’obstrue pas les pores, ce
qui apporterait plus de dommage que de profit et empêcherait l’effet
attendu de se produire. Que nul ne s’inquiète des vêtements royaux
que le sujet doit revêtir après le bain. Comme autrefois la fille
d’Alcinoüs présenta des vêtements à Ulysse naufragé et nu, il y aura
quelqu’un pour lui en envoyer de très précieux, afin qu’on puisse,
comme il le mérite, reconnaître en lui le fils du Soleil.
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EMBLEMA XXIX.
Ut Salamandra vivitigne siclapis.
(Comme la salamandre, la Pierre vit du feu.)
Epigramma XXIX.
La salamandre au cœur du feu vit plus puissante
Et ne craint nullement tes menaces, Vulcain.
Comme elle, née d’un feu sans déclin, notre Pierre
Ne cherche pas à fuir la flamme impitoyable.
Celle-là, froide, éteint l’incendie et sort libre.
La Pierre est chaude : elle aime donc chaleur pareille.
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MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 116
DISCOURS XXIX.
Il est deux éléments dans lesquels les animaux habitent : l’eau et
l’air, et deux autres sans lesquels aucun être animé ne peut subsister
: la terre et le feu. Les deux premiers en effet possèdent une nature
moyenne et tempérée en ce qui concerne les qualités premières et les
qualités secondes, tandis que les deux derniers au contraire ont une
nature extrême : ce sont des corps ou bien trop épais, ou bien trop
subtils, ce qui fait que leur épaisseur rend impossible la présence
d’autres corps, tandis que leur subtilité la rend possible mais pénètre
ces corps et les brûle. Si des hommes vivent dans des cellules et des
fosses souterraines, cela est dû à l’air qui descend jusque-là et remplit
ces lieux pour éviter qu’ils ne soient vides. Mais ici nous parlons de
chacun des éléments pris en lui-même. Dans l’eau vivent les poissons
dont le nombre, la variété et la fécondité sont incroyables ; c’est même
là que se rencontrent les plus grands de tous les animaux. L’air fait
vivre les hommes, les quadrupèdes, les oiseaux, les vers et les
insectes. Tout ce que l’on dit des esprits qui errent dans les parties
cachées de la terre relève d’un domaine différent ; car ce ne sont pas
des animaux. Dans le feu, dit-on, vit la seule salamandre. C’est un
ver qui rampe ; elle ressemble assez au lézard, mais sa démarche est
plus lente, sa tête plus grande et sa couleur différente. Je me
souviens d’avoir vu une bête semblable dans les Alpes, au Mont-
Splug. Après des orages et des pluies elle s’avançait hors des cavernes
rocheuses et s’attardait sur le chemin. Un paysan m’indiqua son nom
: Ein Moich. Elle avait autour d’elle une humidité tenace et visqueuse
grâce à laquelle elle circule dans le feu sans dommage.
Mais la salamandre philosophique est bien différente de l’autre, bien
qu’elle lui soit assimilée. Elle naît en effet dans le feu ; il n’en va pas
de même de l’autre, mais si elle tombe dans le feu, sa froideur et son
humidité abondantes et intenses empêchent qu’elle ne soit brûlée sur-
le-champ et lui permettent de traverser librement la flamme. L’une
est chaude et sèche, l’autre froide et humide. Toute chose en effet
rappelle la chaleur du sein de sa mère, imite son lieu naturel et sa
patrie : le feu ne produit rien que de chaud et de sec, c’est-à-dire de
semblable à lui-même. Inversement, des cavernes humides et froides,
des roches remplies par les pluies sort ce ver froid. La première
salamandre se plaît dans le feu, en raison de sa ressemblance de
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MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 117
nature, la seconde l’éteint, car elle lui est opposée et, pendant quelque
temps, écarte d’elle son action. On dit que l’on voit s’envoler des fours
où l’on traite le cuivre à Chypre un pyrauste engendré dans le feu.
Mais personne ne saurait croire à la véracité d’un tel fait, sinon sur le
mode allégorique. Car le feu détruit et corrompt les corps de tous les
animaux si on le continue, puisqu’il brûle même la terre et la
transforme en verre, réduit en cendres les bois résistants ainsi que
tous les composés, sauf quelques-uns comme les substances
mercurielles qui, ou bien demeurent intactes, ou bien s’envolent tout
entières dans le feu, sans qu’aucune séparation de parties ait lieu en
elles.
Vulcain est un bourreau intraitable : il convoque tous les mixtes
composés de divers éléments pour les éprouver et les juger, en
exceptant quelques-uns de sa compétence, comme en vertu d’un
privilège, d’un induit de l’impératrice Nature. Il ne possède aucun
droit de juridiction sur ces derniers, à moins d’adjoindre d’autres
conseillers à son Aréopage ; telles sont les salamandres face à sa
violence qu’elles ne redoutent pas. Avicenne, dans la Porte, énumère
divers tempéraments de corps qui tous manquent d’équilibre et sont
par conséquent susceptibles d’être corrompus par le feu et les autres
atteintes. Une seule chose, à son avis, est parfaitement équilibrée ;
elle possède autant de chaud que de froid, autant d’humide que de
sec, non en poids mais en justice, comme disent les médecins. C’est la
chose qui est plus passive qu’active. Si le feu s’efforce d’y résoudre
l’eau qui lui est opposée en air qui est proche de lui, la terre ne
permet pas cette résolution, car elle est incorporée à l’eau. Et le feu
interne du composé apporte son suffrage au jugement de la terre car
il témoigne à la terre une intime amitié. Le jugement de Vulcain
cesse donc de s’exercer. Le dieu utilise encore un autre détour et tente
de consumer la terre et de la réduire en cendres comme il en a
l’habitude. Mais l’eau qui est unie à la terre obtient une exception à
son encontre : elle montre qu’elle est unie à la terre, que l’air lui est
uni, que de l’autre côté de la terre se trouve le feu. En conséquence,
qui voudrait incinérer la terre réduirait également en cendres les
autres éléments ; et Vulcain, déjoué de la sorte, suspend son
jugement pour ne pas être la risée de tous.
Ce corps est semblable à la très véritable salamandre en qui les
éléments sont équilibrés par la violence des vertus. Le Rosaire
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EMBLEMA XXX.
Sol indiget lunâ, ut gallus gallinâ.
( Le soleil a besoin de la lune comme le coq de la poule.)
Epigramma XXIX.
Soleil, tu ne fais rien si ma force ne t’aide,
Comme le coq est impuissant loin de la poule.
Et moi, lune, à grands cris j’invoque ton secours
Comme on entend la poule réclamer le coq.
Bien fou qui prétendrait affranchir de leurs liens
Des êtres que Nature a commandé d’unir.
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DISCOURS XXX.
Avicenne, au Livre de l’Ame, prévient à plusieurs reprises que seuls
doivent être utilisés dans l’art les œufs des poules qui ont été
couvertes par le coq. Cela veut dire que le sujet féminin n’est
d’aucune valeur sans la vertu masculine et qu’inversement le coq est
inutile sans la poule. Ces deux sexes en effet doivent être unis dans
l’enclos philosophique pour que la multiplication ait lieu. Les
philosophes utilisent la comparaison du coq parce que ce volatile
correspond parfaitement à la puissance du soufre, plus qu’aucun
autre mâle parmi les oiseaux, puisqu’un seul coq peut être le maître
d’un grand nombre de poules et qu’il ne supporte pas aisément la
présence d’un rival sur le même fumier, estimant qu’il est pour toutes
un compagnon convenable et suffisant. C’est l’oiseau de Mars ; il
provient de la métamorphose de l’enfant Gallus qui devait observer le
soleil pour l’empêcher de surprendre l’adultère de Mars et de Vénus,
comme le racontent les poètes. Il est extrêmement Martial dans le
combat qu’il livre jusqu’à la mort à son adversaire. Dans l’œuvre
philosophique, il figure le Soleil comme la poule représente la Lune.
C’est pourquoi il est aussi nécessaire d’unir le Soleil à la Lune que de
joindre le coq à la poule. Le coq est également consacré au soleil : il se
lève à sa venue et va dormir en même temps que lui. Il regarde
constamment le ciel et il dresse vers le haut ses queues, recourbées
comme des faux. Il lutte, pour les poules, contre les serpents. Il est le
héraut de la lumière et Latone le chérit parce qu’il l’assista dans ses
couches. Latone mit au monde le Soleil et la Lune et ainsi le coq est
approprié à la mère et au fils.
Mais le Soleil, la Lune et Latone s’accordent avec les sujets
chimiques. Il en est de même du coq et de la poule. Car ceux-ci sont
issus d’un œuf et ils produisent à leur tour des œufs qui écloront en
petits poussins. De la même manière les philosophes possèdent des
œufs qui se transforment en oiseaux de la même espèce, à condition
qu’on leur fournisse une chaleur tempérée, semblable à celle de la
poule qui couve, fournie d’une façon continue. Alors que chez les
autres oiseaux le mâle aussi se pose sur les œufs, le coq seul se
considère comme exempt de ce devoir, de cette charge. Ainsi le soin et
la peine de faire éclore les œufs et d’élever les petits incombent
entièrement à la poule. On peut observer l’empressement et la
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EMBLEMA XXXI.
Rex natansin mari, clamansaltâ voce ; Qui me eripiet, ingens
praemium habebit.
(Le Roi nageant dans la mer crie d’une voix forte : Qui me sauvera
obtiendra une récompense merveilleuse.)
Epigramma XXXI.
Accablé par le lourd diadème, le Roi
Nage en la vaste mer, criant d’une voix forte :
Pourquoi ne m’aidez-vous ? Pourquoi n’accourez-vous,
Quand, délivré des eaux, je puis vous rendre heureux ?
Rendez-moi, par votre sagesse, à mon royaume,
Et vous ne craindrez plus souffrance ou pauvreté.
DISCOURS XXXI.
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ses ennemis, non par la guerre, mais par son humanité, non par la
tyrannie, mais par la clémence qui lui est propre et naturelle.
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EMBLEMA XXXII.
Corallus sub aquis ut crescit & aëreinduratur, sic lapis.
(Comme le corail croît sous les eaux et durcit à l’air, ainsi fait la
Pierre.)
Epigramma XXXII.
Sous les flots siciliens croît une molle plante
Dont les branches, par la tiédeur des eaux, se multiplient.
Le Corail est son nom ; elle apparaît durcie
Lorsque Borée, du pôle âpre, lance le gel.
Changée en une pierre aux rameaux abondants
Elle est rouge et semblable à la Pierre Physique.
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DISCOURS XXXII.
Les philosophes donnent à leur pierre l’épithète de végétale, parce
qu’elle végète, croît, augmente et se multiplie à la manière d’une
plante. Cela semble aux ignorants étrange et éloigné de la vérité, car
il est évident que les pierres ne végètent ni ne croissent de cette façon
et ne ressemblent en rien aux métaux liquéfiables. Mais ceux-là se
trompent en jugeant de la sorte : ils pensent que ce qui est ignoré
d’eux n’existe pas dans la nature, mesurant l’immensité de l’univers à
leur propre capacité. Qui aurait jamais cru qu’une pierre pût se
développer sous les eaux ou qu’une plante engendrée en un tel lieu
pût se pétrifier, si l’expérience et le témoignage constant des écrivains
n’étaient là pour le confirmer ? Où se trouve donc cette force
pétrifiante, cette force colorante qui durcit et teint le corail : est-ce
dans les eaux, dans l’air ou dans la terre ? Il est vraisemblable qu’il
s’agit, comme ils l’affirment, d’une plante molle et flexible tant qu’elle
est dans l’eau, et cependant de nature terrestre qui, lorsqu’on la
coupe et qu’on l’expose aux vents froids, devient cassante comme une
pierre. Alors en effet l’air froid et sec dessèche les abondantes parties
aqueuses (car ces vents du nord apportent avec eux la sécheresse), et
le reste du corps, qui est terrestre, est coagulé par les qualités
terrestres de ces vents : la froideur et la sécheresse. En effet, dans le
domaine des vertus propres à chaque élément, la terre est seule à
posséder le pouvoir de coaguler, qui ne réside ni dans l’eau ni dans
l’air.
La mer donne en outre, en d’autres lieux, trois pierres médicinales
qui proviennent en partie du genre végétal, en partie du genre
animal, ou qui plutôt sont extraites des domaines secrets de la
nature. Ce sont les perles, l’ambre jaune et l’ambre gris. L’origine et
le mode de récolte des perles nous sont connus, mais non ceux des
deux autres pierres. On recueille l’ambre jaune sur les rivages de la
Suède, après que le Circius ou Corus a soufflé violemment. Il jaillit
sans doute dans la mer des veines de la terre, à la façon de bulles, ou
bien la mer l’entraîne comme en lavant, et il est rejeté par les flots
sur le rivage, car nous avons vu des minerais de fer et d’argent
adhérant à l’ambre, ce qui n’a pu se faire que dans là terre. Quant à
la présence de mouches, de moucherons, d’araignées, de papillons, de
grenouilles et de serpents dans certaines parcelles, elle provient de
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les mains des ignorants. Mais il faudra le couper sous les eaux avec la
plus grande prudence, pour éviter qu’il ne perde son suc et son sang,
et qu’il ne demeure rien qu’un chaos terrestre, sans sa véritable
forme. En cela réside toute la difficulté de s’emparer du corail.
Cependant il en est peut-être une autre : je veux parler de l’humidité
superflue qui tue la pierre si on ne la sépare, car elle ne laisse pas
apparaître le rouge corallin et, tant qu’elle est présente, ne permet
pas la coagulation.
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EMBLEMA XXXIII.
Hermaphroditus mortuo similis, in tenebris jacens, igne indiget.
(L’Hermaphrodite, semblable à un mort et gisant dans les ténèbres, a
besoin de feu.)
Epigramma XXXIII.
Cet être bicéphale au sexe double, image
Funèbre, a cet aspect quand l’humide lui manque.
Caché dans la nuit sombre, il réclame du feu.
Si tu lui en fournis, il revit aussitôt.
Le feu détient toute la force de la Pierre,
L’or et l’argent, celles du soufre et du mercure.
Hermaphroditus mortuo similis, in tenebris jacens, igne
indiget.
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DISCOURS XXXIII.
Lorsque sévit le froid de l’hiver, c’est ici l’un des secrets de la nature,
les grenouilles et les hirondelles gisent comme mortes, submergées
par les eaux, tandis qu’à l’arrivée du printemps elles recouvrent le
sens et le mouvement, accomplissant les opérations de la vie
sensitive. Si, même en pleine saison des brouillards, on place à l’air
chaud ou dans une étuve celles que l’on a trouvées dans l’eau, elles se
mettent bientôt à remuer, comme en été. Cela prouve qu’il ne leur
manque rien d’autre que la chaleur externe par laquelle la chaleur
interne enfermée à l’intérieur puisse être excitée et actualisée. Les
philosophes parlent de la même manière de leur Hermaphrodite qui,
gisant dans les ténèbres, offre l’apparence de la mort et a besoin de la
chaleur du feu. On dit qu’il gît dans les ténèbres parce qu’il est
abandonné au sein d’une nuit d’hiver opaque et froide, c’est-à-dire
qu’il demeure dans le Noir, qui est le signe du froid ; de là il doit être
amené au Blanc grâce à une plus grande intensité de feu et, en
augmentant encore celui-ci, au Rouge. En effet, comme le dit Bodillus
dans la Turba : « Rien ne s’engendre sans chaleur ; un bain d’une
chaleur intense fait périr, mais s’il devient froid, il fait fuir ; par
contre, s’il est tempéré, il convient au corps et lui est agréable. »
Bonellus dit au même endroit : « Tous les êtres qui vivent meurent
aussi : telle est la volonté de Dieu. C’est pourquoi la nature à qui
l’humidité a été enlevée ressemble à un mort, tandis qu’elle est
abandonnée dans la nuit. Cette nature a alors besoin du feu jusqu’à ce
que son corps» et son esprit soient changés en terre et deviennent à ce
moment semblables à un mort dans son sépulcre. Cela étant accompli.
Dieu lui rend l’esprit et l’âme ; débarrassée de toute infirmité, notre
nature se trouve affermie et purifiée. Il faut donc brûler sans peur cette
chose, etc. » Par conséquent le feu qui détruit toutes choses construit
celle-ci. A tout le reste il apporte la mort, et à ceci la vie. C’est ici
l’unique Phénix qui est restauré par le feu, rénové par les flammes,
qui sort des cendres, rendu à une vie nouvelle. Connu des seuls
philosophes, il est brûlé et rappelé à la vie, quelles que soient les
rêveries que d’autres nourrissent sur je ne sais quel oiseau qui
n’existe nulle part et n’a jamais été vu, si ce n’est d’une manière
fabuleuse.
L’Hermaphrodite dont parlent les philosophes possède une nature
mixte, masculine et féminine ; l’une se transforme en l’autre sous
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EMBLEMA XXXIV.
In balneis concipitur, & in aëre nascitur, rubeus vero factus graditur
supcraquas.
(Elle est conçue aux bains, naît dans l’air, et, devenue rouge, marche
sur les eaux.)
Epigramma XXXIV.
Enfant conçu aux bains, en naissant elle brille
Dans l’air, puis voit les eaux sous ses pieds, rutilante.
Sur le sommet des monts, elle se vêt de blanc,
Celle qui des savants est l’unique souci.
Elle est pierre sans l’être, et, noble don du Ciel,
Sait rendre bienheureux l’homme à qui Dieu l’accorde.
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DISCOURS XXXIV.
L‘opinion des hommes ou leur flatterie attribue à certains mortels des
naissances particulièrement merveilleuses mais à coup sûr
fabuleuses. Ainsi Alexandre le Grand serait le fils, non de Philippe de
Macédoine, mais de Jupiter Hammon ; Remus et Romulus seraient
nés de Mars, et Platon de la vierge Périctione séduite par une
apparition d’Apollon. C’est ainsi que les païens ont voulu démontrer
leur origine divine, de même encore que Thessalos, fils du médecin
Hippocrate, s’efforce de l’aire croire entre autres aux Athéniens qu’il
tire son origine d’Apollon. Mais nous demeurons incrédules à leur
égard, sachant bien que ceux à qui ils prétendent faire remonter leur
race n’ont existé ni comme hommes, ni comme dieux. Et s’il s’agit de
héros qui ont pu paraître parmi les mortels comme des êtres divins,
nous nous rendons compte que de tels récits ont été inventés par
l’adulation de leurs sujets, de leurs disciples, et de tous ceux qui ont
vanté leurs exploits au monde, et qu’ils ont été introduits dans
l’opinion du vulgaire par des écrits mensongers. Mais c’est dans des
conditions toutes différentes que les philosophes attribuent à leur fils
une conception et une naissance inhabituelles. Celui-ci possède en
effet, par rapport à tous les autres êtres nés dans le monde, cette
particularité que sa conception a lieu aux bains et sa naissance dans
l’air.
Les femmes stériles par excès de froideur et de sécheresse peuvent,
nous le savons, tirer grand profit des bains chauds et devenir ainsi
capables de concevoir, mais, que cette dernière opération doive se
produire ou se soit produite pendant le bain, on ne l’a jamais entendu
dire. Cela paraît n’appartenir qu’à cet enfant, en raison de la capacité
très particulière d’une nature admirable. On dit ailleurs que sa
conception a lieu au fond du vase et sa naissance dans l’alambic.
Cette affirmation offre plus de clarté. En effet, les eaux du bain, s’il
en est, se trouveront, non au sommet ou au milieu, mais au fond du
vase, tandis que, dans l’alambic, les vapeurs sont aériennes. Dès que
la conception a eu lieu, il monte donc dans l’alambic et il naît dans la
couleur blanche. Au fond c’est le noir qui domine ; le Rosaire en parle
en ces termes : « La conception a lieu lorsque la terre se résout en
poussière noire et commence à retenir une petite quantité de
mercure. Alors en effet le mâle agit sur la femelle, c’est-à-dire l’azoth
sur la terre. » Et peu après : « La conception et les fiançailles ont lieu
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Celui dont nous parlons purifie toutes les eaux de leurs obstacles et
de leurs souillures, non par un décret mais par un acte, et s’avance
librement sur elles. De plus il les coagule (ce qui est davantage) afin
qu’elles soient assez dures pour porter son char, elles qui auparavant
ont porté des navires. Il met les montagnes au même niveau que les
plaines et ne craint pas les flammes du feu et, ainsi, il se rend
librement où il veut, des colonnes d’Hercule aux colonnes de
Dionysos, aux confins les plus reculés de l’Inde.
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EMBLEMA XXXV.
Ceres Triptolemum, Thétis Achillem, ut sub egne morariassuesecit,
sic artifex lapidem.
(Par Cérès et Thétis, leurs mères, Triptolème et Achille furent
accoutumés à rester dans le feu ; l’artiste agit de même avec la
Pierre.)
Epigramma XXXV.
Vois Achille, dur au combat, et Triptolème :
Ils bravent les ardeurs du feu grâce à leurs mères.
Dans la nuit, la divine Cérès et Thétis
Les durcissaient aux flammes et, quand venait le jour,
De leur sein généreux leur prodiguaient le lait.
Ainsi la bienheureuse médecine des sages
Comme un enfant à la mamelle
Doit être accoutumée à s’éjouir du feu.
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DISCOURS XXXV.
Lycurgue, le fameux législateur des Spartiates, montra par un
exemple oculaire au peuple convoqué en assemblée pour un spectacle
l’importance de l’habitude et de la pratique, qu’elles soient bonnes ou
mauvaises. Il présenta deux petits chiens provenant de la même
portée et plaça devant eux un plat rempli de pâtée et un lapin.
Voyant la nourriture et le lapin, l’un des chiots délaissa la première
et courut à la poursuite du second parce qu’il avait été dressé à le
faire, tandis que l’autre, négligeant le lapin, vida le plat comme il en
avait, de son côté, l’habitude. Apres quoi : « Vous voyez ici. dit
Lycurgue, l’importance de l’éducation et des habitudes données dès le
plus jeune âge, même chez ceux que la nature a produits égaux et
semblables. Il convient donc d’amender la nature de cette manière et
de la diriger vers le mieux, car elle est de cire et peut être aisément
inclinée vers le vice ou la vertu. »
Cette loi, dont Lycurgue a démontré la vérité dans le domaine de la
cité, se vérifie également en physique. Chez les hommes et les
animaux sans raison, des exemples quotidiens manifestent dans le
monde entier l’importance de l’habitude. Chez les végétaux aussi de
tels faits se rencontrent en assez grand nombre. II est plus rare d’en
constater chez les minéraux et les métaux. Malgré cela, les
philosophes fixent leur pierre en l’accoutumant au feu qui lui
convient, comme ils l’indiquent en d’innombrables endroits. Il faut en
effet la nourrir de feu, comme l’enfant est nourri de lait sur le sein de
sa mère. C’est pourquoi Emigan dit : « Regardez l’enfant que sa mère
allaite, et ne l’empêchez pas. » Et Bodillus : « L’embryon extrait (du
sein) ne se nourrit pas d’autre chose que de lait et de feu, par lui-
même et progressivement, tant qu’il est un petit enfant, et, dans la
mesure où il est consumé plus entièrement, ses os s’affermissent et il
est amené au stade de la jeunesse ; quand il y parvient, c’est assez
pour lui. » Et Arnaud dans le Rosaire (L. 2, Ch. 7) : « Il importe
toutefois que la médecine elle-même soit rôtie assez longtemps sur le
feu et nourrie comme un enfant sur le sein. »
Les plus anciens philosophes ont voulu démontrer les mêmes vérités
dans les allégories de Triptolème et d’Achille qui furent habitués à
demeurer étendus et à être endurcis sous le feu, car tous deux ne
désignent rien d’autre que le sujet philosophique, sinon ce ne serait
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Emblema XXXVI.
Lapis projectus est in terras, & in montibus exaltatus, & in aëre
habitat, & in flumine pascitur, id est, Mercurius.
( La Pierre a été projetée à terre et exaltée sur les montagnes ; elle
habite dans l’air et se nourrit dans un fleuve qui est le Mercure.)
Epigramma XXXVI.
La Pierre, vil rebut, gît. dit-on, sur les routes
Afin que riche et pauvre puissent l’y ramasser.
D’autres l’ont située au sommet des montagnes,
Dans les brises de l’air, ou bien buvant aux fleuves.
Ces figures ne mentent point, mais je t’engage
A rechercher de tels présents sur les hauteurs.
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DISCOURS XXXVI.
Tous ceux qui ont entendu citer, fût-ce une seule fois, le nom et la
puissance de la Pierre, à moins de demeurer entièrement incrédules,
ont coutume de demander où l’on peut la trouver, afin de courir vers
elle en suivant en quelque sorte la voie droite. Les philosophes
répondent d’une double façon : ils disent d’abord qu’Adam l’emporta
avec lui hors du Paradis, qu’elle est en toi, en moi, et en tout homme,
que les êtres qui volent l’apportent avec eux des lieux éloignés. Ils
déclarent ensuite qu’on la trouve dans la terre, les montagnes, l’air et
les fleuves. Dans laquelle de ces deux voies faut-il donc s’engager ?
Dans l’une et l’autre, mais de la manière qui convient à chacune. La
seconde pourtant nous sourit davantage et nous paraît plus sûre.
On dit que la pierre est jetée à terre, parce que l’élément terre
apparaît d’abord dans le corps obscur et noir ; ensuite parce qu’elle
est chose vile et de peu de prix, foulée aux pieds sur le chemin des
voyageurs, et jusque dans le fumier. C’est pourquoi le Rosaire déclare
: « Si je la nommais par son nom propre les sots ne croiraient pas que
c’est elle. » Et Morien répond à Calid qui veut savoir si on la trouve en
grande quantité : « Cela ne fait défaut, comme dit le Sage, ni au riche,
ni au pauvre, ni à l’homme généreux, ni à l’avare, ni à l’homme qui
marche, ni à celui qui est assis. Car cela est jeté sur les chemins et
foulé aux pieds sur ses tas de fumier ; nombreux sont ceux qui dans le
passé ont fouillé les fumiers pour l’en extraire, mais ils ont été déçus
dans leur entreprise. » Mundus dit aussi dans la Turba. ; « Si les
marchands la connaissaient ils ne la vendraient pas à si bas prix. » Et
Arnaud déclare que l’on peut se procurer la pierre pour rien, en aussi
grande quantité que l’on veut et qu’il ne faut interroger personne à ce
sujet. Et tout cela est vrai. Qui en effet, s’il n’est inhumain, refusera
la terre et l’eau à qui lui en demande ? Comme les très antiques
Cimbres avaient demandé de tels présents aux Romains et n’avaient
pu les obtenir, leurs troupes se répandirent, ils entrèrent en Italie et
massacrèrent des milliers de Romains avec leurs consuls, comme
l’attestent les histoires. Car la Terre est ce qu’il y a de précieux en
tant que mère et ce qu’il y a de plus vil en tant que matière dernière
des choses putréfiées. Rien de plus vil que le limon ou la fange, et ce
n’est pourtant rien d’autre que de la terre mélangée d’eau. Quoi de
plus commun qu’une motte de terre ? Et cependant Euripyle, fils de
Neptune, l’offrit en présent d’hospitalité aux héros Argonautes, en les
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accueillant. Lorsqu’elle eut été, non refusée, mais acceptée d’un cœur
reconnaissant, et ensuite dissoute dans l’eau, elle fut pour Médée
l’occasion de nombreuses prophéties. Il faut en effet dissoudre la terre
dans l’eau, autrement l’une et l’autre demeurent sans pouvoir.
La pierre est ainsi jetée à terre ; toutefois elle n’y reste pas méprisée,
mais elle est exaltée sur les montagnes, l’Athos, le Vésuve, l’Etna et
leurs pareils qui vomissent des flammes, et que l’on voit en très grand
nombre en diverses parties du globe. Car en eux brûle un feu
perpétuel qui sublime la pierre et la porte à la dignité suprême. De
même que sa croissance se fait dans les montagnes sous une forme
grossière, à partir du soufre et de l’argent-vif, elle mûrit et se parfait
au sommet des monts où pousse également une herbe sans laquelle le
feu ne peut être tempéré. Si l’on jette cette plante humide et froide
dans le feu, la violence de celui-ci est atténuée par son contraire. La
pierre passe des montagnes dans Pair où elle trouve une demeure.
L’air en effet devient pour elle une maison qui l’entoure, ce qui
correspond ni plus ni moins au fait qu’elle est portée dans le ventre
du vent et qu’elle naît dans l’air, expressions dont nous avons déjà
parié.
Enfin elle s’alimente dans les fleuves, c’est-à-dire que Mercure
s’alimente dans les eaux. C’est pourquoi les Grecs pratiquaient des
hydrophories en son honneur, car la matière de la Pierre des
philosophes est l’eau, comme le dit le Rosaire, et cela doit être
entendu de l’eau de ces trois. C’est pour cette raison que Mercure est
également appelé tricéphale, à savoir marin, céleste et terrestre,
parce qu’il est présent dans l’eau, la terre et l’air. On dit qu’il fut
élevé par Vulcain et qu’il a un penchant prononcé pour les larcins,
parce que Mercure apprend à supporter le feu, lui qui est volatil et
emporte avec lui ce à quoi il est mélangé. Il dicta autrefois leurs lois
et leur enseignement aux Egyptiens, et aussi la religion aux prêtres
de Thèbes et à une grande partie du monde, car c’est à partir des
réalités chymiques que les Egyptiens eurent leur organisation
politique et leur culte, de même que les Grecs et les Romains, de
même aussi qu’une multitude de nations, comme on l’a démontré plus
longuement ailleurs. Mercure tua Argus avec une pierre et changea
Battus en pierre indicatrice. Pourquoi m’étendre ? Les volumes des
auteurs chymiques n’enseignent rien d’autre que Mercure et ils
confirment suffisamment son pouvoir par ce simple petit vers :
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EMBLEMA XXXVII.
Tria sufficiunt admagisterium, fumus albus, hoc est, aqua, leo viridis,
id est, aes Hermetis,& aqua fœtida.
( Trois choses suffisent pour le magistère : la fumée blanche, qui est
l’eau, le lion vert ou airain d’Hermès, et l’eau fétide.)
Epigramma XXXVII.
Pour notre magistère il nous faut trois semences :
Onde infecte, vapeur neigeuse et Lion vert.
Les autres éléments sortent de l’eau : les Sages
En retirent leur Pierre ; elle est principe et terme.
L’airain d’Hermès est le Lion vert, la Pierre connue
Des chapitres des Livres, l’eau et la fumée blanche.
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DISCOURS XXXVII.
La construction de tout édifice requiert trois choses essentielles ; si
l’une d’elles fait défaut l’ouvrage ne peut en aucune manière être
parfait ; ce sont le fondement, les murs et le toit. Il faut autant de
parties pour compléter le composé philosophique, et elles sont ici
nommées par leur nom propre. L’auteur de l’Aurore dit au chapitre 20
en parlant de la séparation des Eléments : « La terre est laissée à
cette place pour que les trois autres éléments puissent prendre racine
en elle ; si elle-même n’était pas, les éléments n’auraient pas de
fondements pour construire dessus une nouvelle maison aux trésors. »
Ce fondement est appelé ici eau fétide ; celle-ci est la mère de tous les
éléments, au témoignage du Rosaire, c’est à partir d’elle que les
philosophes le préparent, je veux dire l’Elixir, au commencement et à
la fin. Elle est dite fétide parce qu’elle dégage une puanteur
sulfureuse et une odeur de sépulcres. C’est l’eau fameuse que Pégase
fît naître en frappant le Parnasse de son sabot, celle que la montagne
de Nonacris en Arcadie fait jaillir de la roche, celle qu’on ne peut
conserver que dans un sabot de cheval, à cause de sa très grande
force. C’est l’eau du dragon, comme l’appelle le Rosaire, qui doit être
réalisée dans l’alambic sans rien y ajouter, et dont la fabrication
s’accompagne d’une extrême puanteur. Certains, ayant entendu ces
paroles, se sont appliqués à distiller des excréments humains ou ceux
d’animaux ; ils ont bien éprouvé une extrême puanteur dans cette
opération, mais ont trouvé des excréments dans les excréments.
Pourtant ne pense pas que les philosophes soient des scarabées qui
opèrent dans les excréments. Sache que la puanteur, s’il en existe, se
change bientôt en un puissant parfum, comme Lulle l’atteste de sa
quintessence à laquelle il attribue une odeur si suave, lorsqu’elle est
confectionnée selon les règles, que, mise à la partie supérieure de la
maison, elle attire à elle et arrête les aigles volants. Il place sa
quintessence dans le fumier dont la chaleur très douce provoque le
dégagement de ce parfum. Certains ont essayé d’y parvenir avec du
vin très fort, mais sans succès, et, en conséquence, ils ont accusé Lulle
de mensonge, alors qu’eux-mêmes devaient plutôt être taxés de
sottise, eux qui ne goûtèrent jamais au vin de Lulle. Mais l’excellent
poète d’or a mieux compris Lulle, lui qui chante ainsi au Livre 1 de la
Chrysopée :
Mais celui-là n’entendit même pas ce que l’auteur semblait dire
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EMBLEMA XXXVIII.
Rebis, ut Hermaphroditus, nascitur ex duobus montibus, Mercurii &
Veneris.
(Le Rebis, comme Hermaphrodite, naît de deux montagnes : celle de
Mercure et celle de Vénus.)
Epigramma XXXVIII.
Les vieux récits font de Rebis un être double :
Androgyne, mâle et femelle en un seul corps.
Il est, né sur le double mont, Hermaphrodite
A Mercure enfanté par l’auguste Vénus.
Ne le méprise pas pour son sexe ambigu :
Cet homme-femme un jour te donnera le roi.
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DISCOURS XXXVIII.
Comme on demandait à Socrate quelle était sa patrie, il répondit qu’il
était cosmopolite ou citoyen du monde. Il voulut indiquer par là que,
bien que né de corps à Athènes, il parcourrait librement, par son
esprit, le monde entier et tout ce qu’il contient, puisque le sage a pour
patrie la terre entière pour qu’il y vive bien. Si l’on demande aux
philosophes quelle est la patrie de leur Hermaphrodite, ils répondent
qu’il est cosmique (mundanum), qu’il est visible dans tous les coins du
monde, là où l’on trouve les Eléments ; c’est bien le fils des Sages, lui
qui possède avec eux une patrie commune. Cependant il n’arrive pas
que l’on naisse à deux ou plusieurs reprises, nul ne fait son entrée
pour la première fois à cette lumière en des lieux divers mais en un
seul ; comme Socrate est tenu pour Athénien, le Rebis est réputé être
l’habitant de deux monts qui sont ceux d’Hermès et de Vénus, d’où
aussi le nom d’Hermaphrodite qu’on lui donne, à cause de ses deux
parents. Ses lares aussi sont dans les montagnes, sa patrie est élevée
et il descend donc d’êtres de haute naissance. Certes, ce n’est pas un
facteur dénué d’importance, si l’on veut accomplir de grandes choses,
qu’une patrie noble et puissante, dans laquelle les citoyens sont
préférés aux étrangers et portés aux charges publiques pour éviter
qu’ils ne demeurent dans l’obscurité, — comme cela se produit dans
les endroits modestes —, et faire que rejaillisse sur eux quelque chose
de l’éclat de leur patrie, mais il est plus grand encore de se distinguer
par ses propres vertus, même si l’on appartient à une pauvre maison,
et de procurer soi-même de la lumière à son pays. C’est ainsi que ces
montagnes, qui sont inconnues de beaucoup, acquièrent de la
renommée grâce à l’Hermaphrodite, à ses illustres exploits et à son
nom célèbre à travers toute la terre. Qui en effet, ayant tant soit peu
pratiqué les livres des philosophes, n’a pas reconnu le Rebis ? Qui n’a
pas vu ou aperçu l’androgyne à deux têtes ? Il s’est fait connaître
certes, jusqu’aux Indes et sa renommée s’est répandue plus loin que
celle du roi Alexandre lui-même.
Nombreux sont ceux qui partent de régions lointaines pour voir et
interroger quelque savant, ou encore un homme fameux pour sa
compétence dans le domaine militaire, l’art ou la science. Mais bien
plus nombreux sont ceux qui se rendent à ces monts du Rebis, pour
peu qu’ils sachent en quel endroit on peut les rencontrer. Morien
raconte lui-même dans son livre avec quel zèle et quel soin, après
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« Car l’ascension n’est pas aisée pour qui veut gagner les hauteurs
escarpées ;
Une abondante sueur le fait disparaître ; sans sommeil, privé de
l’olivier nocturne,
II dépérit, et détruit tout ce qu’il avait jusqu’alors loué le plus en lui-
même,
Celui qui désire recevoir l’honneur du feuillage éternel. »
Aussi n’est-il pas étonnant que sur dix mille un seul mène à leur
terme ces travaux d’Hercule, plante son pied sur la cime du mont, et
reçoive la récompense immortelle du laurier. Que tous ceux qui sont
ouverts à l’enseignement, adonnés à la vertu et aux lettres, et qui
possèdent un esprit bon tirent leur joie de ce prix, et que les porcs et
les chiens en soient privés, tel doit être notre seul souhait.
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EMBLEMA XXXIX.
Ocdypus Sphynge superata & trucidato Lajo patre matrem ducit in
uxorem.
(Œdipe, ayant vaincu le sphinx et mis à mort son père Laïus, fait de
sa mère son épouse.)
Epigramma XXXIX.
Le sphinx qui effrayait Thèbes par ses énigmes
Fut réduit par Œdipe à se donner la mort.
Celui-ci dut nommer l’être qui le matin
A quatre pieds, deux à midi, et trois le soir.
Vainqueur, il doit tuer Laïus qui lui résiste,
Et de celle qui est sa mère il fait sa femme.
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DISCOURS XXXIX.
Le philosophe Bacasser déclare dans la Turba : « Ce que vous
recherchez n’est pas de peu de prix. Vous recherchez le plus grand des
trésors, le présent le plus excellent de Dieu. Et reconnaissez, ô
chercheurs, ce que les philosophes ont indiqué tout à l’heure en disant
; que ce qui est DROIT ne se discerne pas sans erreur, et rien
n’engendre plus de souffrance dans le cœur que l’erreur dans cet art
et dans cette œuvre ; car tandis que l’on pense avoir opéré et posséder
le monde, on se retrouvera les mains vides. » Les anciens philosophes
ont voulu montrer les mêmes vérités en proposant l’image du
SPHINX qui représente l’obscurité et les complications de l’œuvre.
C’est pourquoi, dans les mystères isiaques que les Egyptiens
célébraient en l’honneur d’Osiris, des prêtres mitres, la tête et tout le
corps rasés, portant une tunique Manche et un vêtement de lin,
dressaient sur le devant de l’autel une statue du Silence nommée
Sigalion, afin que ces mystères soient cachés et demeurent inconnus
du peuple ; les assistants recevaient le commandement de se taire et
de tourner les yeux vers cette image. Dans le même but ils ajoutaient
aux angles de l’autel des statues de SPHINX qui signifiaient la
connaissance secrète des choses sacrées. Boissard le démontre à
partir des Anciens. Le sphinx en effet est une espèce de monstre très
obscur qui propose des énigmes aux Thébains, et non seulement à
eux, mais comme il le fit auparavant aux Egyptiens, il en propose à
tous ceux qui aspirent a cet art après eux, et il monte la garde dans
les livres des philosophes comme devant les portes de Thèhés. Si
quelqu’un échappe à ce monstre, celui-ci ne lui causera aucun mal,
mais l’homme qui s’appuyant sur l’audace de son courage ou de ses
talents tente de dénouer ses énigmes prépare, s’il échoue, sa propre
mort, c’est-à-dire de la douleur pour son cœur et du dommage pour
ses biens, pour s’être trompé dans cette œuvre. Celui qui applique ces
allégories à l’histoire possède un champignon à la place du cerveau et
un melon à la place du cœur, comme dit le Comique, et ne juge pas
plus sainement que celui qui s’égare alors qu’il est sur le droit sentier.
Ces choses sont par trop puériles et dignes de vieilles femmes si on
les prend à la lettre ; saisies différemment elles sont des témoins et
des marques d’une doctrine profonde. On dit, il est vrai, qu’il existe en
Afrique des bêtes monstrueuses nommées sphinx, mais ce n’est pas
d’elles qu’il est question ici, bien que leur origine et leur nom
semblent avoir été empruntés à celles qui nous occupent. Le sphinx
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EMBLEMA XL.
Ex duabus aquis, fac unam, & eritaqua sanctitatis.
(Des deux fontaines fais-en une seule : ce sera l’eau de sainteté.)
Epigramma XL.
D’une gorge limpide sort une double source :
En l’une est la tiédeur d’une urine d’enfant,
Mais la seconde est fraîche : on la nomme eau de Vierge.
Donne-leur même cours en unissant leurs ondes :
Ce ruisseau mêlera les vertus des deux sources,
Comme de Jupiter Ammon
La fontaine est chaude et glacée.
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DISCOURS XL.
Les prodiges opérés par les eaux sont si grands et si nombreux qu’un
gros volume pourrait à peine les contenir ; divers auteurs en ont
traité en des endroits variés. Mais on célèbre par-dessus toutes les
autres les deux eaux philosophiques, en affirmant d’elles que non
seulement elles les égalent mais qu’elles les surpassent toutes par
leurs propriétés et leurs pou-voirs. Le Sybaris, l’Axus de Macédoine,
le Mêlas de Béotic sont des fleuves qui rendent noirs les troupeaux
qui boivent de leurs eaux. Par contre le Crathis, le Clitumne de
Mévanie et le Céphise les font passer de la couleur noire a la blanche.
Les eaux de Sinuesse en Campanie mettent fin à la stérilité de l’un et
l’autre sexes. Le fleuve Afrodisius rend les femmes stériles. La source
Caburc en Mésopotamie possède une eau à l’odeur agréable. L’eau
d’Anygrum dans le Péloponnèse dégage une forte puanteur. La source
de Jupiter Hammon devient tour à tour froide le jour, chaude la nuit,
tiède le matin et le soir. Sans nous attarder aux autres, disons que les
eaux des philosophes procurent tous les effets, même les plus
contraires les uns aux autres. Lulle en parle au Livre de la
Quintessence (3e distinction : incération) ; « Ainsi il y a dans l’art, dit-
il, une double considération : il faut réaliser, à partir de la nature
d’un seul métal, deux liquides de composition contraire ; l’un aura
une vertu qui fixe, coagule et durcit, l’autre sera volatil, instable et
mou. Ce second liquide est durci, fixé, coagulé par le premier. De ces
deux liquides il sort une pierre coagulée, fixe et durcie, qui possède le
pouvoir de coaguler ce qui n’est pas coagulé, de durcir ce qui amollit
et d’amollir ce qui est dur. » Ces paroles font apparaître la nature de
ces deux eaux et pourquoi il faut les réduire en une seule. La pierre
est en effet appelée eau parce qu’elle fond, et inversement l’eau est
dite pierre parce qu’elle broie. Ces eaux sont amenées de divers
endroits, moyennant parfois un long parcours, comme on peut le voir
à Rome aux alentours de l’Eau de la Vierge et d’autres fontaines
artificielles, et il faut ensuite les faire confluer et se mêler pour que,
de deux, elles deviennent une seule. Si en effet la vertu de l’une est
chaude et celle de l’autre froide, elles acquerront des vertus mixtes si
on les mélange, et leurs pouvoirs se tempéreront de façon admirable.
De là naîtront des eaux médicinales et thermales très efficaces qui
combattront les maladies et les affections de toutes sortes et
ramèneront l’homme à une santé vigoureuse.
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EMBLEMA XLI.
Adonis ab apro occiditur, cui Venus accùrrens tinxit Rotas sanguine.
(Adonis est tué par un sanglier : Vénus accourt vers lui et teint les
rosés de sang.)
Epigramma XLI.
De son père, Myrrha mit au monde Adonis,
Bien-aimé de Cypris : un sanglier l’accable.
Vénus court : un rosier blesse sa belle jambe ;
La rose blanche alors de ce sang devient rouge.
Les Syriens, l’univers pleurent avec la déesse.
Sous de douées laitues elle place le mort.
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DISCOURS XLI.
Nous avons suffisamment exposé et réfuté ailleurs la façon
particulièrement impropre dont certains mythologues expliquent
l’allégorie d’Adonis, tantôt en rapprochant ce personnage du soleil et
le sanglier qui le fit périr de l’hiver piquant, tantôt en le rapportant
aux semences des céréales, qui demeurent six mois sous la terre chez
Proserpine et un temps égal chez Vénus. Nous proclamons ici avec
l’unanimité des auteurs que sons Adonis on entend le soleil
philosophique. D’où ces petits vers :
Et tout n’est qu’une même chose,
Dionysos, Soleil, Adonis.
Et Orphée :
Toi qui jouis de noms divers. Adonis,
Père des germes, et à la fois garçon et jeune fille.
Tout cela ne doit s’entendre en aucune manière du soleil céleste, mais
du soleil philosophique. Celui-ci en effet exprime l’un et l’autre sexe,
mais non celui-là. Ainsi ils attribuent à Dionysos et au soleil les
même propriétés qu’à Adonis et inversement, de même qu’à Osiris.
Adonis est tué par un sanglier, c’est-à-dire par le vinaigre très aigre
ou eau dissolvante dont les dents féroces et foudroyantes enserrent
Adonis. Le soleil philosophique est en effet blessé à mort par ce
sanglier, il se résout et se divise en morceaux. Mais Vénus s’efforce de
porter secours a son amant et, comme il était mort, elle le plaça et le
garda au milieu de laitues. Osiris est de même tué par Typhon, et il
est coupé en divers morceaux qu’Isis, épouse d’Osiris, recueille et
ensevelit après les avoir rassemblés. Le même deuil qui en Egypte
suivait la mort Osiris suivait celle d’Adonis en Syrie et dans les
royaumes voisins. Là où l’on entendait pendant plusieurs jours des
lamentations et des gémissements survenaient ensuite des
manifestations de joie et des danses, parce que, pensait-on, celui qui
avait été mort était de nouveau en vie et transporté au ciel. C’est de
là que naquit la vanité de leur religion ou superstition païenne qui
connut un immense développement, le diable lui en fournissant
l’occasion et lui procurant de faux miracles.
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EMBLEMA XLII.
In Chymicis versanti Natura, Ratio.Expericntia & lectio, fini Dux,
scipio, perspicilia & lampas.
(A celui est versé dans la Chymie, la nature, la raison, l’expérience et
la lecture doivent tenir lieu de guide, de bâton, de lunettes, de lampe.)
Epigramma XLII.
Que la nature soit ton guide, que ton art
La suive pas à pas ; tu t’égares loin d’elle.
Que l’esprit soit ta canne ; affermissant tes yeux
L’expérience au loin te donnera de voir.
La lecture, flambeau brillant dans les ténèbres,
T’éclaircira l’amas des mots et des matières.
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DISCOURS XLII.
Les accidents qui peuvent survenir aux voyageurs sont innombrables,
surtout s’ils décident de faire route à pied, la nuit, dans des endroits
glissants et dangereux. Pour une telle entreprise quatre choses sont
requises comme absolument nécessaires, sans parler de l’argent
indispensable et d’un corps robuste. Il faut d’abord un compagnon ou
un guide qui n’ignore pas les lieux que l’on doit traverser. Car si un
ignorant conduit lin autre ignorant il leur arrive la même chose
qu’aux aveugles, et ils sont tous deux précipités, sinon dans la fosse,
du moins dans des erreurs et des chemins détournés. Il faut en
second lieu un bâton ou une canne qui serve à se protéger du chemin
glissant, pour qu’il ne soit pas source de dommages. Troisièmement
des yeux sains : les voyages de ce genre sont en effet très périlleux
pour les aveugles ou ceux qui ont les yeux malades. Quatrièmement,
une lampe ou une torche allumée, afin de pouvoir discerner les
endroits incertains de la route.
De la même manière, si quelqu’un entreprend un voyage des plus
difficiles pour rechercher la Médecine des Sages, il désirera avoir avec
lui, outre les ressources et la vigueur corporelle, quatre choses
parallèles à celles mentionnées plus haut et leur correspondant
respectivement, à savoir la nature, la raison, l’expérience et la
lecture. Si l’une de ces choses fait défaut, le reste ne sera que d’une
aide médiocre ou nulle. Car ce sont là comme les quatre roues du char
philosophique qui lui permettent d’avancer : il ne peut lui manquer
une roue, car dans ce cas rien ne lui sert d’exister encore. La nature
présuppose les corps naturels et les esprits, sujets préalablement
fournis par la nature, sur lesquels Fart agit ensuite en préparant
cela, en le purifiant et en le rendant habilement tel qu’on puisse en
faire ce que l’art promet comme terme. Ainsi le potier prend de l’eau
et de la terre, le verrier des cendres et du sable, celui qui prépare les
métaux, le fer, le cuivre, l’étain, le plomb, l’argent ou l’or, le tanneur,
des peaux brutes, et ainsi de suite. C’est ainsi également que l’artiste
chymique porte les yeux sur ses matériaux : les uns connaissent
parfaitement les leurs dès le premier jour, à d’autres, lorsqu’ils
commencent, ils demeurent souvent ignorés durant de nombreuses
années, pour ne pas dire pendant toute leur vie. La nature, certes,
désigne du doigt les matières, mais nombreuses sont les choses qui
obscurcissent l’impression de la nature, de telle sorte qu’on ne peut
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EMBLEMA XLIII.
Audiloquacem vulturem, qui neutiquam te decipit.
(Prête l’oreille au vautour qui parle : il ne te trompe nullement.)
Epigramma XLIII.
Occupant le sommet d’une haute montagne
Un vautour crie sans cesse : On me dit noir et blanc ;
Je suis encore jaune et rouge et ne mens pas.
C’est aussi le corbeau qui sait voler sans ailes
Dans la nuit ténébreuse aussi bien qu’en plein jour.
L’un ou l’autre sera la tête de ton œuvre.
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DISCOURS XLIII.
Nous entendons tous les jours parler ici et la d’oiseaux dotés de la
parole ou rivalisant avec la voix humaine, perroquets, corbeaux,
choucas, pies. Ainsi Pline écrit qu’à son époque, lorsqu’il publia son
Histoire, Agrippine, femme de l’empereur Claude, possédait une grive
qui imitait les paroles des hommes. Les jeunes Césars avaient de leur
côté un étourneau et des rossignols exercés aux langues latine et
grecque, qui disaient continuellement des choses nouvelles et
prononçaient même de longues files de mots. Il n’est pas rare de
rencontrer des oiseaux de ce genre et ils paraissent maintenant moins
dignes d’admiration, étant donné que l’entraînement et l’exercice
peuvent faire parler et bavarder tous les oiseaux dotés d’une langue
assez large. Pourtant ce vautour dont les philosophes font mention
n’a pas appris en s’exerçant les paroles qu’il peut lui arriver de
proférer, mais sa propre nature les exprime tacitement. Les
philosophes disent qu’il crie sans cesse et proclame d’une voix forte
qui et quel il est. Il imite en cela les grands princes qui tiennent
toujours à déclarer leurs titres et leur lignée au début de leurs
proclamations, non par quelque trait d’orgueil, mais à cause des
autres. Ils font ainsi savoir à tous l’autorité en vertu de laquelle ils
gouvernent et le droit d’hérédité qu’ils revendiquent.
De même il est important de connaître les couleurs, marques, en
quelque sorte, de ses armes et de ses titres, dont jouit l’oiseau
philosophique, et par lesquelles il surpasse tous les autres. « Je suis,
dit-il, selon le Rosaire qui cite Hermès, le noir du blanc et le jaune du
rouge, et assurément je suis véridique et non menteur. » II se déclare
noir, blanc, jaune et rouge, et il l’est véritablement, car bien qu’il ne
possède pas encore les trois dernières couleurs d’une façon actuelle, il
en attend l’héritage. C’est pourquoi Rosinus déclare au Livre des
Interprétations divines : « Prends la pierre qui est noire, blanche,
rouge, jaune, l’oiseau merveilleux qui vole sans ailes dans la noirceur
de la nuit et dans la clarté du jour. Car de l’amertume qui est dans sa
bouche on tire une coloration, et de son sang on tire une eau pure,
comme le dit Alexandre : « Prends la Pierre de quatre couleurs, mon
fils. » Les livres des philosophes répètent à satiété que toutes ces
couleurs, qui sont les principales, se trouvent dans la pierre en ordre
successif.
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les présages. Mais pourquoi fait-il son nid sur une montagne et
pourquoi, s’y étant posé, crie-t-il de la sorte ? Rosinus répond d’après
Rhasis et dit : « Considère les très hautes montagnes qui sont à droite
et à gauche et montes-y. C’est là que l’on trouve notre, pierre ; elle est
aussi sur une autre montagne qui porte toute espèce de plantes
aromatiques, et les esprits ou espèces. » Morien : « Gravissez les hautes
montagnes plantées d’arbres car notre pierre s’y trouve et y est cachée.
» Et Hermès ; « Prenez la pierre bénie, broyez et lavez la pierre rouge
d’où on l’extrait. On la trouve sur les montagnes, et quelquefois surtout
dans les cloaques anciens. »
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EMBLEMA XLIV.
Dolo Typhon Csyridem trucidat, artùsque illius Hinc inde dissipat,
sed hos collegit Isis inclyta.
(Typhon tue Osiris par traîtrise et disperse ses membres mais
l’auguste Isis les rassemble.)
Epigramma XLIV.
Dionysos en Grèce, en Syrie Adonis,
En Egypte Osiris, sont le soleil des Sages.
Isis, épouse, sœur et mère d’Osiris
Unit ses membres saints déchirés par Typhon.
Mais le phallus se perd au fil de l’eau marine :
Le soufre qui donna le soufre n’est plus là.
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DISCOURS XLIV.
L‘allégorie d’Osiris a été ramenée par nous à sa véritable origine, qui
est chymique, et expliquée de façon complète en un autre endroit, à
savoir le premier Livre des Hiéroglyphes. C’est pourquoi nous jugeons
inutile de répéter ici les mêmes choses (bien qu’il faille dire les
mêmes choses à propos des mêmes choses). Nous entreprendrons
néanmoins ici un discours parallèle qui se tiendra toujours et
demeurera à l’intérieur de l’enceinte de l’antique chymie (qui a été
célébrée et figurée tout entière par les poètes). Me persuaderas-tu
qu’Osiris est un dieu ou un roi égyptien ? Je ne le croirai pas, même si
tu me persuades de le croire. Tout autre en effet est l’odeur des chiens
et tout autre celle des porcs, comme le dit le proverbe. Je nie donc
absolument qu’il soit un dieu, et tu te rangeras à mon avis, à moins
d’être un païen ou d’avoir une opinion déviée de la droite raison. Il ne
fut pas non plus un roi : toutes les circonstances exposées ailleurs le
démontrent. Il est le soleil, mais le soleil philosophique, et ce nom
qu’on lui trouve attribué ça et là dans les livres a été interprété du
soleil extérieur par le vulgaire qui ne connaissait pas d’autre lumière
que cette lumière du monde.
Le soleil des philosophes tire son nom du soleil du monde parce qu’il
contient les propriétés naturelles qui descendent de ce soleil céleste
ou qui lui conviennent. Le soleil est donc Osiris, Dionysos, Bacchus,
Jupiter, Mars, Adonis, Œdipe, Persée, Achille, Triptolème, Pélops,
Hippomène, Pollux». La lune, de son côte, est Isis, Junon, Vénus, la
mère d’Œdipe, Danaë, Déïdamie, Atalante, Hélène, et aussi Latone,
Sémélé, Europe, Léda, Antiope, Thalie. Et ce sont les parties du
composé qui avant l’opération est appelé pierre et du nom de tout
métal, magnésie. Apres l’opération son nom est Orcus, Pyrrhus,
Apollon, Esculape. L’artiste est Hercule, Ulysse, Jason, Thésée,
Pirithoüs. Innombrables sont les travaux et les périls dont ces
artistes épuisèrent la coupe. Voyez les travaux d’Hercule, les
navigations errantes d’Ulysse, les périls de Jason, les entreprises de
Thésée et la rétention de Pirithoüs. Il y a là un volume considérable
de matière et d’enseignement où l’on voit, à toutes les pages, aller et
venir Vulcain, Mercure et Saturne, ce dernier comme père et cause de
tous, Mercure, comme matière et forme, Vulcain comme agent.
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EMBLEMA XLV.
Sol & ejus umbra persiciunt opus.
(Le soleil et son ombre achèvent l’œuvre.)
Epigramma XLV.
Le soleil, clair flambeau du pôle, ne peut vaincre
La densité des corps : une ombre à l’opposé
Demeure. Elle est la plus vile des choses
Et pourtant l’astronome en tire maint profit.
Mais le Soleil avec son ombre fait aux Sages
Un don meilleur : il achève l’œuvre de l’or.
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DISCOURS XLV.
Comme dans un palais rond ou de forme sphérique un feu allumé en
un seul endroit se propage jusqu’à l’ensemble des murailles et éclaire
à la ronde les parties supérieures et inférieures à l’exception de celles
où une table, placée au milieu, l’arrête en s’interposant et provoque
une ombre ténébreuse, ainsi le soleil placé dans le beau palais du ciel
ou théâtre ciselé illumine de ses rayons toute la concavité du ciel avec
les corps diaphanes et pouvant recevoir la lumière qui sont contenus
en lui, c’est-à-dire toutes les étoiles errantes et fixes, sauf à l’endroit
où la densité de la terre intermédiaire l’en empêche. La en effet
l’ombre noire et ténébreuse que l’on appelle nuit persiste jusqu’à ce
que la présence du soleil la mette en fuite et qu’à sa place la lumière
soit répandue et contemplée. Par conséquent l’ombre et la nuit sont la
privation ou absence de la lumière solaire, et le jour est au contraire
son irradiation et son expansion de tous côtés. C’est l’ombre qui ne
peut supporter la vue du soleil et pour cette raison fuit et se cache
tantôt d’une partie de la terre tantôt d’une autre, selon que le soleil
est à l’opposé. Le soleil et l’ombre ne se sont jamais vus, bien que cela
puisse se faire à n’importe quel moment, si la nature l’admettait.
Mais le soleil, comme s’il avait entendu dire qu’elle est son ennemie,
la poursuit constamment dans sa fuite et ne peut pas la saisir, car
elle n’est jamais fatiguée, ainsi que Buchanan l’a bien chanté dans
son Poème Sphérique.
A l’imitation et à l’exemple de ce grand soleil et de son ombre, les
philosophes ont observé que leur soleil possède aussi une ombre
noire, nébuleuse et fugitive. C’est pourquoi Hermès dit : « Mon fils,
extrais du rayon son ombre » ; c’est-à-dire : veille à faire tourner ton
soleil au moyen du premier mobile auquel Vulcain commande, pour
que cette partie aussi de la terre, qui est maintenant recouverte par
l’ombre et la nuit, jouisse de la claire lumière du soleil. Si en effet le
mouvement premier ne faisait pas décrire un tour au firmament
entier du ciel avec tout ce qu’il contient en chaque jour naturel, c’est-
à-dire en vingt-quatre heures, et si le soleil n’était mû que par son
mouvement propre, secondaire et annuel, les Antipodes qui se
trouvent au-dessous de nous auraient en l’espace de six mois une
seule nuit et nous un seul jour et ensuite, inversement, ils auraient le
jour et nous la nuit ; l’année tout entière se composerait alors d’un
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EMBLEMA XLVI.
Aquilae duae, una ab omi, altera ab occasu conveniunt.
(Deux aigles venus l’un de l’Orient, l’autre de l’Occident se
rencontrent.)
Epigramma XLVI.
De Delphes Jupiter un jour lança deux aigles
Aux plages de l’Aurore, à celles d’Occident.
Comme il voulait scruter ce lieu, centre du monde,
La fable dit qu’à Delphes ils revinrent tous deux.
Ce sont là les deux pierres : celle de l’Orient
Et celle du Couchant, qui aiment à s’unir.
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DISCOURS XLVI.
Cicéron rapporte au livre De la Nature des Dieux qu’un très ancien
Apollon, né de Vulcain, était le gardien d’Athènes. Et certes cette
opinion est très véridique si, comme on doit le faire, on la transporte
dans le domaine de l’allégorie, car Vulcain produit le soleil
philosophique qui est Apollon. Mais l’opinion a prévalu qu’il est né de
Jupiter. Alors que Latone portait dans son sein les jumeaux Apollon
et Diane conçus par elle de Jupiter, Junon jalouse envoya Python,
serpent horrible et d’une taille monstrueuse, pour poursuivre et
tourmenter la future mère. La pauvre femme, après avoir erré
longtemps, fut enfin amenée par sa barque dans File d’Ortygie chez
sa sœur Astérie qui régnait là. Et bien que cette île fût presque
entièrement inondée par la mer, elle offrit une place à Latone en
couches, et fut pour ce motif appelée Délos (visible) alors qu’elle était
auparavant αδηλοσ (obscure). Latone y mit donc au monde ses
enfants. Diane sortit la première de son sein et s’offrit comme sage-
femme à sa mère en travail pendant qu’elle enfantait son frère
Apollon. Et c’est pour cette raison que les femmes enceintes
invoquaient sa puissance divine tandis qu’elles accouchaient et
qu’elles l’appelèrent Lucine ou Ilitliyie, parce qu’elle montrait là
lumière aux nouveau-nés, après leur avoir ouvert les yeux. Apollon
naquit donc et, devenu adulte, il mit à mort au moyen de ses flèches
Python, qui avait tourmenté sa mère ; il tua les Cyclopes parce qu’ils
avaient fabriqué pour Jupiter un foudre destiné à causer la mort de
son fils Esculape : celui-ci, foudroyé par Jupiter, fut précipité par lui
dans les Enfers, pour avoir rendu la vie à Hippolyte mis en pièces par
ses chevaux.
Nous avons démontré en de nombreux endroits le caractère purement
chymique de ces récits. En effet, Latone, Cynthie, Apollon et Python
sont les sujets requis par l’art, qui se comportent de cette manière les
uns à l’égard des autres, ainsi qu’on l’a dit. Comme ces choses avaient
été divulguées par les écrits des anciens poètes, Orphée, Linos,
Musée, Homère, elles fournirent aux ignorants l’occasion de rendre
un culte à Apollon et de le vénérer. C’est ainsi qu’Apollon fut honoré
en de nombreux endroits d’Europe et d’Asie et que d’innombrables
temples furent érigés en son honneur. Delphes en particulier posséda
un temple vénérable, objet d’un antique culte, où rois et princes
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avaient fait déposer des statues d’or massif et d’argent, très pesantes
et très ouvragées, ainsi que d’autres dons précieux qui, pour des
raisons religieuses, étaient cachés aux yeux des hommes de toutes
conditions, dans des trésors. Pausanias rapporte qu’un squelette de
bronze d’un art admirable fut suspendu à la voûte du temple par
Hippocrate. Le fameux trépied fut également consacré à Apollon par
Pélops lors de son mariage avec Hippodamie, fille du roi d’Elide
Oenomaos ; Mulciber avait fabriqué ce trépied et en avait fait don à
Pélops. Il avait été dressé au milieu du temple. La Pythie recevait,
assise sur ce siège, le souffle du Démon qui s’élançait hors d’une
profonde cavité. Saisie par cette inspiration, elle prophétisait et
rendait des réponses à ceux qui voulaient savoir le déroulement des
choses futures.
Delphes était située en Béotie, aux racines du Parnasse. Près du
temple se trouvait une fontaine prophétique, Cassiotis. Si l’on
approchait d’elle des torches ardentes, elles s’éteignaient ; si on les en
éloignait, elles s’allumaient tout à coup et concevaient des flammes.
L’eau de cette fontaine procurait, quand on l’avait bue, le pouvoir de
prédire l’avenir. Mais la vie de ceux qui la buvaient était abrégée.
Comme pour ces raisons on accourait vers l’oracle de Delphes (le
toutes les parties de l’Europe et de l’Asie, les poètes feignirent que ce
lieu fût au centre de la terre et ils le prouvèrent par l’exemple de
Jupiter qui en avait fait l’expérience en y lâchant deux aigles. Bien
que cette fable ne s’appuie pas sur la foi de l’histoire, il n’est pourtant
pas étranger à la vérité de l’attribuer aux réalités chymiques, en
particulier puisque Apollon tout entier est, comme on l’a dit, (l’origine
chymique, bien qu’un démon ait ensuite, sous ce nom, confirmé la
superstition et rendu des oracles. Les deux aigles sont les deux
pierres dont l’une vient de l’orient et l’autre de l’occident, ce que les
philosophes ont démontré de multiples façons. Jupiter les lâcha
comme étant les porteurs de ses armes. L’aigle paraît être l’ami
d’Apollon ou du soleil, puisqu’il soumet ses petits à l’épreuve du soleil
et les fait périr comme étant dégénérés s’ils ne peuvent soutenir sa
vue. On dit que ses plumes mêlées à d’autres choses ne pourrissent
pas, qu’elle dévorent les plumes des autres oiseaux et admettent
facilement la dorure. Il ne meurt ni de vieillesse, ni de maladie, mais
de faim. En effet, la pointe recourbée de la partie supérieure de son
bec l’empêche, en croissant, de prendre de la nourriture. Après s’en
être défait, il se plonge trois fois dans une fontaine et de cette
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EMBLEMA XLVII.
Lupus ab Oriente & Canis ab Occidente venientes te invicem
momorderunt.
(Le loup d’Orient et le chien d’Occident se sont mutuellement
mordus.)
Epigramma XLVII.
Du lieu où le soleil se lève un loup survient.
Un chien surgit du point où dans la mer il plonge.
Tous deux gonflés de bile et furieux, ils se mordent.
La rage et son rictus se peignent sur leur face.
Ce sont données à tous partout, toujours, pour rien,
Les deux pierres jumelles que tu dois posséder.
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DISCOURS XLVII.
Les philosophes font mention en un grand nombre d’endroits de deux
pierres qui sont données pour rien ; ainsi Isaac, Arnaud et d’autres.
Parmi ceux-ci Avicenne dit qu’elles gisent rejetées dans le fumier et
négligées par la multitude, et que, si on les unit, elles accomplissent
l’œuvre. Certains vantent le mercure occidental qui se met au-dessus
de l’or et le vainc. Mais, de tous, c’est l’auteur du Conseil du Mariage
du Soleil et de la Lune qui décrit le mieux ces deux pierres en citant
l’épître Aristote. Il dit « qu’il y a dans cet art deux pierres principales,
une blanche et une rouge, d’une nature admirable. La blanche
commence à se montrer à la surface des eaux au coucher du soleil, se
cachant jusqu’à minuit, après quoi elle tend vers la profondeur. La
rouge opère de son côté d’une manière inverse : elle commence à
monter sur les eaux au lever du soleil jusqu’à midi, et ensuite elle
descend au fond. » Ces pierres sont donc les aigles dont il a été
question, qui furent lâchés par Jupiter à Delphes.
Ce sont aussi le loup et le chien venant de régions différentes ou
opposées de la terre. L’un a mordu l’autre et tous deux sont devenus
enragés, comme Rhasis l’atteste dans son épître. Ces pierres sont le
très véritable bezoar ; la plus excellente est envoyée par l’Inde
Orientale et se tire du ventre des bêtes féroces ; l’autre, de moindre
efficacité cependant, est produite par l’Inde Occidentale, péruvienne ;
on l’emprunte aux animaux apprivoisés. Ainsi l’Orient donne un loup
très féroce qui tue le chien familier des hommes, ce qui veut dire que
le soufre vient de l’Aurore et le mercure du pays d’Hespérie ; celui-
ci est mol et facile à manier, celui-là, cholérique et emporté. Ces deux
pierres, dès qu’elles se heurtent l’une l’autre, commencent à s’infliger
des morsures réciproques. Le chien, remarquable par sa grande taille,
remporte la première victoire en terrassant le loup et en le rendant à
demi-mort. Mais après cela le loup recouvrant des forces jette le chien
à terre et, pendant qu’il est au sol, l’accable jusqu’à la mort. Pourtant
il reçoit auparavant du chien des blessures non moins graves et non
moins mortelles que celles qu’il lui avait infligées, jusqu’à ce que tous
deux soient achevés et tués par leurs morsures mutuelles. Au sujet
du loup, Rosinus dit à Euthicia : « C’est un soldat vainqueur de deux,
robuste, d’un grand prix et d’une très grande force, transperçant les
corps lorsqu’il se trouve en face d’eux ; il est blanc dans son apparition
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EMBLEMA XLVIII.
Rex abaquis potatis morbum. a medicis curatus sanitatem obtinet.
(Le Roi, ayant bu des eaux, a contracté un mal et, soigné par les
médecins, il obtient la santé.)
Epigramma XLVIII.
Riche en peuples, en biens, un roi aimait les eaux
D’une source, et s’en fit apporter par ses gens.
Il en boit longuement ; ses veines s’en emplissent.
Pâle, il est assisté par de grands médecins.
Et quand ils l’ont purgé par la sueur, le ventre,
La bouche, on voit ses joues qui se teignent de roses.
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DISCOURS XLVIII.
Alors que Xerxès, le fameux et très puissant roi de Perse, conduisait
son armée à travers des lieux secs et incultes sous la chaleur ardente,
il ne cracha pas quelques gouttes d’eau trouble qu’un soldat lui
présentait, mais il les but avec beaucoup de plaisir et récompensa
celui qui lui avait apporté cette offrande par un très riche présent. Et
certes si quelqu’un à notre époque même (ainsi que l’attestent
certaines histoire » très récentes) voyage aux confins de la Perse, il ne
trouve que rarement, dit-on, des fontaines d’eau douce, car les eaux
stagnantes y sont salées et le sol lui-même présente une grande
abondance de substance salée à sa surface. De même le roi dont les
philosophes ont fait mention est tourmenté par la soif et a donné
l’ordre qu’on lui prépare une grande quantité d’eau douce et, quand
on la lui a apportée, il boit jusqu’à satiété, comme chacun peut le voir
d’après l’allégorie de Merlin. La guérison du roi malade et ayant
perdu toute couleur est entreprise par divers médecins. Les Egyptiens
chassèrent les humeurs encore crues en faisant boire leurs
médecines, humeurs dont Hippocrate affirme qu’on doit les purger
quand elles ont subi une coction, à moins qu’elles ne soient fluides et
mobiles. Alors en effet il faut les faire sortir rapidement pour éviter
qu’elles n’attaquent et n’assaillent des parties ou des viscères plus
nobles. C’est de là que sont survenus chez le roi des symptômes
dangereux, comme la lipothymie et la syncope. Les médecins
alexandrins arrivant les derniers auprès d’un mal devenu chronique
furent tenus pour plus heureux puisqu’ils rendirent le roi à sa santé
primitive.
Prodiguer des soins à un si grand roi paraît chose nécessaire,
puisque lorsqu’il a été guéri il offre à son médecin une main
bienveillante et un visage serein. Noua lisons qu’un grand nombres
de guérisons furent récompensées par divers rois de façon
magnifique. Ainsi Démocrite reçut deux talents de Polycrate, tyran de
Samos ; Erasistrate (qui, selon Pline, fut le disciple de Chrysippe et
eut pour mère la fille d’Aristote), pour avoir guéri le roi Antiochus que
rendait malade l’amour de sa belle-mère Stratonice, obtient cent
talents de son fils Ptolémée ; Jacques Coctier, médecin du roi de
France Louis II. reçut de celui-ci, comme honoraires, une pension
mensuelle de quatre mille couronnes ; et nous ne faisons pas mention
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EMBLEMA XLIX.
Infans Philofophicus tres agnoscit patres, ut Orion.
(L’enfant des philosophes compte trois pères, comme Orion.)
Epigramma XLIX.
La Fable nous apprend qu’Hermès, Vulcain, Phœbus
Dans une peau de bœuf jetèrent leur semence,
Et que le grand Orion eut à la fois trois pères.
De trois pères aussi naît l’enfant de Sagesse :
Le Soleil le premier, et Vulcain le second ;
L’homme habile en son art est le troisième père.
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DISCOURS XLIX.
Les femmes qui se prostituent à différents hommes conçoivent
rarement des enfants viables à cause du mélange des diverses
semences. Car la nature, dans la génération de l’homme et des
animaux, n’admet que très rarement la superfétation. C’est pourquoi
toute progéniture, qu’elle se compose d’un ou de plusieurs sujets, naît
d’un père et d’une mère uniques, comme cela résulte des histoires et
du sort de ceux qui en jugent autrement, celui en particulier de cette
fameuse Marguerite, femme d’Herrmann, comte d’Henneberg, qui, en
l’an 1276, mit au monde trois cent soixante-cinq enfants. Tous
reçurent au baptême le nom de Jean pour les garçons, et celui
d’Elisabeth pour les filles. Ils moururent ensuite et leur tombeau peut
encore être vu, ainsi que le bassin de cuivre dans lequel ils furent
baptisés, et l’inscription relatant l’histoire, dans l’église de Lausdun,
à un mille de distance de La Haye, dans la direction de la mer, en
Hollande. On dit que la cause de ce prodige fut la suivante : la
comtesse voyant une pauvre femme porter dans ses bras des enfants
jumeaux l’avait appelée adultère, tenant pour impossible que
plusieurs enfants conçus ensemble eussent un seul père, et estimant
qu’ils en avaient nécessairement plusieurs. La pauvresse, qui se
savait pure d’une telle faute, lui avait alors lancé une imprécation et
elle avait conçu en un seul moment et d’un seul homme autant de fois
qu’il y a de jours dans l’année.
C’est là certes un miracle qui a pour cause la vengeance divine ; mais
dans l’œuvre philosophique ce qui est en d’autres circonstances
contraire à la nature est facilement admis sous le manteau de
l’allégorie. Ici en effet un enfant unique est dit avoir trois pères ou
deux, et autant de mères. C’est pourquoi Raymond, que cite le
Rosaire, déclare : « Notre enfant a deux pères et deux mères, parce
qu’il est nourri avec amour, de toute la substance, dans le feu, et pour
cette raison, il ne meurt jamais. » De même Dionysos est appelé «
Bimater » (qui a deux mères), lui que Jupiter tira, avant qu’il fût
parvenu à maturité, du ventre de sa mère consumée, pour le coudre
dans sa cuisse, de sorte que son père devint sa mère.
Mais cet enseignement est mieux mis en lumière dans la conception
d’Orion qui est né, dit-on, des semences d’Apollon, de Vulcain et de
Mercure mélangées et enfermées dans une peau de bœuf pendant dix
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EMBLEMA L.
Dracomulierem, & haec illum interimit, simulque sanguine
perfunduntur.
(Le dragon tue la femme et la femme le dragon ; tous deux sont
inondés de sang.)
Epigramma L.
Du dragon venimeux creuse profond la tombe :
Que la femme l’embrasse en une forte étreinte.
Tandis que cet époux goûte les joies du lit
Elle meurt, et la terre ensemble les recouvre.
Le dragon à son tour est livré à la mort ;
Son corps se teint de sang : vrai chemin de ton œuvre.
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DISCOURS L.
La demeure des dragons se trouve dans les cavernes de la terre, mais
celle des hommes est sur la terre et dans l’air qui en est tout proche :
ce sont là deux éléments contraires que les philosophes commandent
d’unir pour que l’un agisse sur l’autre. D’autres entendent ceci de la
femme, comme Basile dans la 2ème Clé : « Il n’est pas utile en effet, dit-
il, que l’aigle place son nid dans les Alpes, car le froid des neiges ferait
mourir ses petits au sommet des montagnes. Mais si ta ajoutes à
l’aigle le dragon froid qui a longtemps possédé son habitation dans les
pierres et qui sort en rampant des cavernes de la terre, et si tu les
places tous deux sur le siège infernal, alors Pluton fera souffler le vent,
et il fera jaillir du dragon . froid un esprit igné volatil qui, par sa
grande chaleur, brûlera les ailes de l’aigle et excitera le bain
sudorifique au point que la neige fondra au sommet des montagnes et
deviendra eau. Que l’on prépare avec cette eau le bain minéral qui doit
procurer au roi fortune et santé ». Il est étrange assurément que le
dragon froid émette un esprit igné. Cependant l’expérience atteste la
véracité de ce fait dans les serpents brûlés qui émettent une flamme
empoisonnée atteignant les assistants. Et ce n’est pas pour rien que
les dragons gardiens des trésors chimiques sont représentés
vomissant des flammes, comme celui de la Toison d’Or, celui du
Jardin des Hespérides, celui de Cadmus et ceux qui leur ressemblent.
Ce dragon habite dans les lieux resserrés des pierres souterraines ; il
faut le prendre là et le joindre à un aigle ou à une femme, à celle-ci
dans un sépulcre, à celui-là, si tu le préfères, dans son nid : car la
nature du dragon est, en d’autres circonstances, d’attaquer les œufs
de l’aigle et de livrer à l’aigle une guerre meurtrière.
Il est arrivé, au rapport d’écrivains grecs, qu’un dragon ait aimé une
jeune fille et partagé sa couche. Qu’y a-t-il donc d’étonnant à ce que
les philosophes veuillent que leur dragon doive être renfermé avec
une femme dans une caverne ? Greverus unit les dragons rouges et
noirs au fond de l’abîme de la montagne, il les brûle par le feu, et, les
noirs venant à périr, il dit au gardien de la montagne de les
rassembler de partout et de les porter sur la montagne. Merlin, dans
sa Vision, (à moins qu’elle ne soit une fiction) fait mention d’un
dragon blanc et d’un dragon rouge. Ces dragons, quels qu’ils soient,
qu’il y ait là une femme ou un dragon femelle, agissent l’un sur
l’autre jusqu’à ce que tous deux meurent et qu’ils laissent sortir le
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MICHEL MAIER ATALANTE FUGITIVE 197
sang des blessures dont ils sont couverts. On entend ici par dragon
l’élément de la terre et du feu et par femme celui de l’air et de l’eau.
C’est pourquoi Le Son de la Trompette dit « que le dragon est la
matière qui demeure au fond après que l’eau en a été séparée par
distillation ». Et, citant les paroles d’Hermès : « L’eau, de l’air qui
existe entre le ciel et la terre est la vie de toutes choses. En effet l’eau
elle-même résout le corps en esprit, de mort qu’il était le rend vivant et
réalise le mariage de l’homme et de la femme. En effet il réalise tout le
bienfait de l’art ». Et il parle également de la terre en ces termes : « Et
comprends encore que cette terre même que nous foulons n’est pas le
véritable élément, mais elle est élémentée par son véritable cinquième
élément ; et la cinquième substance élémentaire ne s’éloigne pas de son
corps élémenté duquel la ferre a été formée ». Et peu après : « Mais au
centre de la terre sont la vierge et l’élément véritable que le feu ne
pourra brûler. C’est le dragon dont nous parlons, qui s’insinue
jusqu’au centre de la terre. Comme la chaleur y est grande, il conçoit
en lui une ardeur enflammée par laquelle il brûle la femme ou l’aigle
».
La femme ou l’aigle est l’eau aérienne ; certains la nomment aigle
blanc ou céleste et s’affairent à la réaliser au moyen du Mercure
vulgaire ou des sels sublimés, suivant en cela la direction de certains
qui sont aveugles dans cet art et font semblant d’être des lynx. « Mais
je te déclare en vérité, dit le comte Bernard dans son Epître, qu’aucune
eau ne dissout l’espèce métallique par réduction naturelle, si ce n’est
celle qui demeure permanente en matière et en forme, et que les
métaux eux mêmes peuvent coaguler à nouveau. » Et peu après : «
L’eau ne convient pas aux corps dans les solutions lorsqu’elle ne
demeure pas en eux dans les coagulations ». Et un peu plus loin : « Je
te déclare en vérité que l’huile qui incère et unit naturellement les
natures et introduit naturellement la médecine dans les autres corps à
teindre n’est pas composée d’un corps étranger, mais qu’elle l’est
seulement à partir des entrailles du corps à dissoudre ». Donc une fois
que l’on a saisi cela, on comprend l’aigle et la femme, comme aussi le
dragon et les secrets de l’art presque entier, secrets que nous avons
en ouvrant peut-être trop largement le sein de la nature, exposé et
manifesté dans ces pages aux fils de l’enseignement, afin qu’ainsi
GLOIRE SOIT RENDUE A DIEU.
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