Vimala Thakar - Art de Mourir Tout en Vivant
Vimala Thakar - Art de Mourir Tout en Vivant
Vimala Thakar - Art de Mourir Tout en Vivant
TOUT EN VIVANT
VIMALA THAKAR
Traduit par Patrick Delhumeau
PRFACE
ldition anglaise
Les amis de Vimala de Bombay sont heureux de prsenter dans ce livre les communications
amicales de Vimalaji sur un thme trs sensible, L'Art de mourir tout en vivant . Les
membres "des amis de Vimala" ont souvent exprim un dsir de comprendre plus
profondment les divers aspects et implications de ce thme, qui est essentiel leur vie.
J.Krishnamurti a exprim dans plusieurs de ses entretiens que, moins d'apprendre l'art de
mourir tout en vivant, on ne puisse probablement pas vivre une vie pleine et sense. Les amis
de Bombay ont donc choisi ce thme pour le festival de l'amiti de novembre 1994, il eut lieu
Mont Abu et ils ont demand Vimalaji de plonger profondment dans ce thme.
Les mots "mourir" et "mort" apparaissent chargs la fois de significations apprises, d'ides
traditionnelles fausses et d'une certaine aversion. Vimalaji va systmatiquement la racine de
cette ide fausse et indique que ce qui est impliqu dans le "mourir tandis que l'on vit" c'est
vraiment la chute de tout sens de l'attachement, de l'appartenance et de la dpendance vis vis
des choses, des personnes, des situations ou des circonstances. C'est vraiment la mort du "Je"
psychologique, du "moi", de l'amour-propre et pas la mort du corps, de l'organisme
biologique.
Vimalaji explore le mythe du "moi", voir s'il est un fait ou un concept, traite de la crainte de
perdre son identit et fait merger une question trs pertinente : sommes-nous vraiment de
vritables investigateurs de la Vrit? Elle prcise qu'il y a une aspiration la libert sans
condition dans chaque personne et si seulement on permettait au mythe, l'irrel de tomber et
au processus de devenir de se terminer, alors une vie paisible et harmonieuse serait possible.
Une telle vie aurait comme consquence une croissance holistique de la personne et lui
montrerait un mode de vie alternatif.
L'amour en abondance de Vimalaji imprgne ses communications, ses entretiens et ses
rponses aux questions. Sa vie est sa faon de vivre, un Yajna sacr. Ses mots sont sa chair et
son sang ! On peut seulement inviter les lecteurs les recevoir entirement dans le rceptacle
de leur cur.
La transcription des entretiens enregistrs a t trs soigneusement faite par Shri Haridas Soni
et les amis de Vimala lui en sont trs reconnaissants. Shri Sudarshan Dheer, un graphiste
renomm a, comme toujours, apport sa touche artistique dans la slection de la photographie
et l'illustration de la page de couverture. Les amis de Vimala le remercient sincrement de son
aide.
Puisse la bndiction de Vimalaji aider se dvelopper l' Art de mourir tout en vivant chez
tous ses lecteurs.
le 15 aot 1996
Les amis de Vimala
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Traduction libre de Patrick Delhumeau, usage limit ltude personnelle. Toute reproduction interdite.
CHAPITRE 1
L'ART DE MOURIR TOUT EN VIVANT
Chaleureux accueil vous tous qui vous tes lancs dans cette aventure. D'abord pour avoir
voyag jusqu' Mont Abu, venant en montagne alors que l'hiver s'installe et deuximement,
flicitations pour votre bonne volont de participer des dialogues sur un thme aussi
sensible.
Le thme que vous avez choisi L'art et la science de mourir tandis que l'on vit est un
thme extrmement sensible. Il est sensible parce que le mot "mort" et le mot "mourir" sont
surchargs d'ides traditionnelles fausses, de prjugs et d'une relle aversion. Objectiver le
"je", le "moi", "l'amour-propre" et regarder, sans aucun attachement, le soi-disant "individu",
le "moi" et "l'amour-propre", cela n'est pas facile.
Le besoin d'austrit
Ainsi, le thme est sensible, et dans les six jours qui viennent, nous devrons cultiver une
certaine austrit pour ne pas tre heurts ou dprims quand nous serons exposs, dans les
dialogues, certaines vrits de la vie.
La vrit n'est pas une chose trs douce comme le velours. La vrit, comme les rayons du
soleil, pntre l'obscurit non seulement de l'ignorance, mais galement l'obscurit des
prfrences et des prjugs.
Elle les dissipe : les gots, les aversions, les conclusions, les thories, les croyances, qui ont
t consolids, cultives, mme choyes au cours des 30, 40, 50, 60 annes de notre vie.
Quand l'nergie pntrante de la vrit les perce et de temps en temps les met en petits
morceaux, elle les brise, cela ne nous fait pas plaisir. Ainsi, la vrit fait que vous vous sentez
mal l'aise, et se rconcilier avec ce malaise, se rconcilier avec la douleur et la souffrance,
exige de la force et de l'austrit.
La Vrit c'est comme la libert, elle fait clater toutes les cltures. Toutes les cltures
psychologiques sont enleves instantanment quand la libert nat dans le cur, quand la
vrit pntre le cerveau. On perd alors le sentiment d'appartenance une famille, une caste,
une communaut, une nation, une race. Ces cltures psychiques sont dmolies avec
l'aube de la libert, ce qui produit un sentiment d'inscurit. Car la vrit vous rend mal
l'aise, la libert produit le plus souvent un sentiment d'tre fragile et vulnrable, et tout cela
n'est pas une sensation trs agrable.
C'est pourquoi je vous demande tous d'tre vigilants et d'tre prts vous exposer
l'inconfort, l'inscurit, la vulnrabilit, au moins pour les six jours qui viennent o nous
serons ensemble. Nous partons pour un voyage verbal, nous purerons nos perceptions afin
qu'il nous soit permis de percevoir la vrit, afin de percevoir les faits comme ils sont et afin
de comprendre la vrit cache derrire les faits ou contenue dans les faits. Ce sera une grande
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joie et ce sera un vnement trs intressant de nos vies, si nous pouvons prendre part ce
voyage, ensemble.
La vie et vivre
Avant que nous ne plongions dans la recherche de ce qui meurt tout en vivant, regardons
ensemble le phnomne de la vie ? M'accompagnez-vous ? Voyons ce que nous dsignons par
les mots "vie" et "vivre". La terre vit-elle ? La terre a-t-elle une vie ? Les rivires viventelles ? Les ocans, les montagnes, les arbres, existent-ils seulement ou vivent-ils ? Puisque
vous pouvez regarder les montagnes, les ocans, les rivires, les arbres, nous commenons par
eux, et puis nous tournerons le projecteur sur nous-mmes.
Quand nous disons que nous vivons dans le cosmos et qu'il y a de la vie autour de nous, que
voulons-nous dire ? La plupart d'entre vous ont t des tudiants de l'enseignement de
J.Krishnamurti, et vous devez savoir ce que ce grand rvolutionnaire du 20me sicle,
Krishnaji, dit au sujet de la vie. Il dit : "tre reli c'est vivre". La terre est-t-elle en interaction
avec le reste des tres vivants ? Est-ce qu'elle existe seulement ou bien vit-elle galement ? La
terre a-t-elle une langue pour communiquer et une manire d'interagir avec vous ?
Il me semble que la physique a peut-tre clair la race humaine au sujet de la vie contenue
dans la terre. La terre est un tre, disent les scientifiques du 20me sicle. Elle a de la
crativit, une nergie cratrice. Quand elle nous permet de marcher sur elle, la terre inter agit
sur nous. Je ne sais pas si vous avez jamais march sur la terre, dans les champs, sur l'herbe,
avec les pieds nus. C'est pratiquement une extase d'avoir un contact si immdiat et si intime
avec la terre, le sol, l'argile, la duret des roches, les plantes de vos pieds inter agissent avec la
terre. Cette interaction produit une sorte particulire d'nergie. Quand nous marchons sur les
routes cimentes ou les planchers de bton ou les planchers carrels de la maison, ce n'est plus
le contact de la terre, de la terre vivante. Ce sont des matires mortes, les carrelages, le
ciment. Je parle de marcher dans les champs, les forts, les bois, les rochers, les escaladant,
marchant autour, le contact de la rose du matin dans l'herbe, l'interaction. Je ne vais pas
insister, sinon, je serai accuse de devenir potique.
Mais je suis une personne qui a march plus de 10.000 km dans les diffrentes rgions de
l'Inde, en diffrentes saisons ; trempe dans les fortes pluie du Kerala et brle, dessche
dans les montagnes et les dserts de l'Inde du nord ; ou en montant sur les montagnes
couronnes de neige de l'Himalaya en Inde, dans les Andes, en Amrique du Sud, au Chili, en
Norvge, et dans les Alpes en Suisse. C'est rellement une extase d'avoir une telle interaction
vivante avec la terre.
Les rivires vivent-elles ? Sont-elles relies avec le reste de la vie ? La terre a sa propre
langue de crativit, elle exprime cette crativit en permettant aux graines que nous semons
en elle de pousser et aux arbres normes de se dvelopper. La terre nourrit les racines des
arbres avec sa propre essence existentielle. Les forts sont la langue de la terre, la
communication de la terre. Les arbres ont leur propre langue de communication, les feuilles,
les fruits, les fleurs, leur parfum et ainsi de suite. J'essaye de partager avec vous le fait que le
cosmos entier est vie, il interagit avec chaque expression de la vie.
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Que la race humaine n'ait pas la vanit d'imaginer qu'elle est la seule vivre et tre en
relation. Toutes les vies sont vivantes et en relation, en interaction. N'avez vous jamais
ressenti la fluidit, la fracheur, l'lectricit contenue dans l'eau ? L'interaction entre les eaux
et les vents, l'mergence des ondulations, les vagues et les temptes ? C'est le langage des
rivires et des ocans.
Votre amie Vimala a voyag en mer de Norvge jusqu'au Cap Nord et les vagues se levaient
au sein de l'ocan, 15 mtres de haut, effrayant les curs sensibles, comme si le bateau allait
se retourner. La beaut de cette terreur a t prouve par chaque pore de son tre. Ainsi, les
ocans et les rivires ont galement leur propre langage, une langue non-verbale de
communication. Ils ont leur propre manire d'exprimer leurs nergies cratives aux tres qui
entrent en contact avec eux.
J'espre que vous tes entrs en contact avec le vide de l'espace dans votre vie, l'immensit, le
vide de l'espace.
Ainsi, la vie c'est tre, communiquer, interagir. Si le mot "vivant" a un sens, que voulons-nous
dire quand nous disons que nous vivons, que je vis ? Qu'est-ce qui vit en vous, ou en moi ?
S'il y a un "qui", nous enquterons son sujet. Nous sonderons, nous chercherons ttons et
nous dcouvrirons s'il y a un "qui" dans ce qui vit. Mais d'abord dcouvrons qui vit quand
nous disons "je" vis", "je suis vivant", "nous sommes vivants".
Commenons par le corps, la dimension biologique, son aspect physique. Les corps vivent.
Quels sont les processus qui manifestent la vitalit du corps ? La respiration, vous inspirez et
vous expirez. L'inspir et l'expir se poursuivent sans cesse. Vous tes ns avec l'inspir. Cela n'a
rien faire avec votre volont. Ce n'est pas un processus volontaire. Cela n'appartient pas au
champ de la volont. Puis il y a la vue. Il y a l'nergie de la vue contenue dans ce corps et les
instruments optiques incorpors la structure physique. Donc, on voit. Voir continue sans
cesse. Aucune volont n'est exige, aucun acteur n'est exig pour que voir ait lieu. Puis il y a
l'audition. Elle a lieu, c'est aussi un mouvement involontaire. L'apptit dpend-il de votre
volont, de vos gots et aversions ? C'est une nergie qui opre et concerne votre corps tout
entier quand vous dites "j'ai faim". La soif, le sommeil, l'nergie sexuelle, tous chappent au
domaine de la volont. C'est le langage de l'existence biologique.
Ces diverses nergies fonctionnent dans cette structure complexe, le corps, elles vivent. Elles
sont lies la terre, l'eau, au feu, l'espace, malgr vous. L'interaction constante continue
entre elles. L'apptit, la soif, le sommeil, la pulsion sexuelle, ils sont tous cycliques. Ils sont
lis l'nergie solaire et l'nergie lunaire. Ils sont lis au mouvement plantaire qui continue
dans l'univers. Merveilleuses sont l'interaction et les relations entre toutes ces nergies qui
fonctionnent, non rationnelles, non psychologiques, non volontaires. Tout cela vit. Le corps
contient le cerveau, la partie la plus sensible. Il contient galement l'nergie sensorielle et
l'nergie sexuelle. Le cerveau fonctionne. Il continue exprimer son propre contenu. Il y a des
millions de cellules contenues dans ce que vous appelez le cerveau, cet organe crbral. Il
contient ce que vous appelez la connaissance, l'exprience et les conditionnements de la
totalit de la race humaine.
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Ainsi, ds que le fait biologique de voir a lieu, la vision a lieu ou l'audition a lieu, c'est en
corrlation avec l'nergie crbrale. Ce qui est contenu dans le corps et le cerveau tant
stimuls, il commence se projeter. Ce qu'on appelle penser ou la pense n'est rien que la
projection de la mmoire, la matire contenue dans les millions de cellules du cerveau et du
corps. Ainsi le fait de nommer l'objet vu par l'organisme biologique, son identification, la
comparaison, l'valuation, se font involontairement. Voir inclut simultanment le fait de
nommer, l'identification, l'valuation et ainsi de suite. Ainsi, dans le champ crbral
galement, la projection par la mmoire de son propre contenu, en correspondance avec
chaque mouvement des sens, ne semble pas tre du domaine de la volont. Le mouvement de
la connaissance, de la mmoire traversant le corps n'exige pas un "connaisseur". Le
mouvement de la pense, la projection de la pense, n'exige pas un "penseur". Malgr vous
cela se fait et ce n'est pas de votre fait. Ainsi, les nergies des mouvements psychologiques et
des mouvements biologiques se mobilisent. Est-ce que vous appelez cela vivre ? Est-ce l
l'implication du mot "vivre" quand nous disons que nous vivons, quand nous prtendons
vivre ?
L'humanit a invent le processus de nommer et d'identifier. Il a employ l'nergie sonore
pour inventer des mots, la monnaie verbale que nous employons en ce moment. La conversion
du son en mot est aussi significative que n'importe quelle autre invention technologique de
pointe comme l'automatisation ou la cyberntique. Ainsi, il y eut le processus de la
nomination, de l'identification et puis le processus de conversion d'un vnement ou d'une
exprience concrte en ide abstraite avec l'aide des mots, l'laboration des ides, des
concepts, la composition des phrases, dressant des conclusions, formulant des thories, c'est
ce qu'a fait la race humaine depuis des millions d'annes. Avec ce processus, consistant
nommer et identifier, nous avons galement construit un autre bel aspect de notre vie : les
mesures et les symboles.
Le temps est une mesure et nous mesurons la vie avec cela. Nous mesurons l'espace avec les
mesures que nous avons cres. Nous avons fabriqu des mesures. Nous avons construit des
symboles partir du processus consistant nommer et identifier. Nous avons construit la
civilisation et la culture dont nous sommes les produits. Nous sommes le monde. Nous
sommes le contenu de ce que nous appelons le monde. Nous ne pouvons pas nous sparer de
tout cela. Ainsi, avec l'aide de tous ces processus consistant nommer et identifier, mentaliser
et conceptualiser, forger des ides, nous avons tabli les structures socio-conomiques qui
nous entourent.
L'ide, le concept d'tat, puis les systmes de gouvernement pour diriger l'tat, les lois et ainsi
de suite, tout ceci est le contexte de la vie moderne. Nous inter agissons avec ces structures :
la structure politique, la structure conomique, la structure sociale. Nous inter agissons avec
les thories, les dogmes, les traditions. Ces interactions constantes se poursuivent entre le
monde fait par l'homme et nous-mmes. Appelons-nous cela vivre ?
Quand nous disons que nous vivons, impliquons-nous l'interaction du connu en nous avec le
connu en dehors de nous ? Le connaissable en nous inter agissant avec le connaissable
l'extrieur de nous ? Les mesures contenues en nous avec le mesurable l'extrieur de nous ?
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Est-ce cela que nous appelons la vie et vivre ? Puisque vous et moi n'avons pas
personnellement cr les mesures, les symboles, les mots, leurs significations organises et
normalises, les dictionnaires, nous ne sommes pas les constructeurs de ces structures dans
lesquelles nous sommes tous ns, tout comme nous ne sommes pas les crateurs du cosmos
dans lequel nous sommes ns. L'interaction des concepts avec d'autres concepts, avec des
idaux, avec des gots et des aversions, avec des conclusions, avec des thories, des dogmes
et des traditions en dehors de nous, est-ce l l'essence de ce que nous appelons la vie et vivre ?
La mort du corps est-elle la fin de la vie ?
C'est une question trs importante que nous devons nous poser nous-mmes, la validit de
l'affirmation que "nous" vivons. Peut-tre est-ce une illusion. La vie dont nous venons de
parler, ces interactions constantes qui ont lieu, au niveau biologique, au niveau
psychologique, tout cela n'est en rien quelque chose qui vient de nous. Peut tre tous ces
lments ne sont-ils que la crote externe de notre tre, et que ce nous appelons vivre et vie,
aurait une connotation totalement diffrente. Cette interrogation sur la validit de ce
phnomne tout entier, que nous avons regard plutt minutieusement ce matin, est trs
pertinente parce que le corps est mortel. Il est n et il doit mourir, comme un arbre qui est n
doit mourir. Peut-tre qu'un arbre va mourir aprs 500 ans et le corps d'un tre humain aprs
100 ans, aprs 80 ans, 70 ans, mais il doit mourir. Il y a une fin de l'existence physique qui est
irrversible. Toutes les nergies physiques, psychologiques qui taient en mouvement, se
projettent, crent l'illusion d'une interaction, elles cesseront de bouger un jour, une certaine
heure, une certaine minute. Alors la vie meurt-elle avec elles ? Ou, y a-t-il un certain contenu
dans la vie que la mort ne peut pas toucher ? La mort implique la rupture avec toutes les
cltures, loin de toutes revendications de proprit, de toute possession, loin de toute notion
de "je" et de "moi", de "moi" et de "toi", de "moi" et de "vous". La mort est loin de tout cela.
Si les mouvements psychophysiques sont le contenu de la vie et du fait de vivre, alors nous
pouvons supposer que la vie meurt. Il y a des coles de philosophie en Inde aussi bien qu'en
Europe qui parlent de nihilisme. Elles considrent la mort comme la fin de la vie. Mais vous
avez pos la question, Est-il possible de mourir tandis que nous vivons ? Votre question,
votre thme, pointe quelque chose de trs diffrent. Vous et moi, nous ensemble, nous nous
demandons si mourir tandis que nous vivons est possible. Qu'est-ce que cette question
suppose ? Elle suppose qu'il y aurait une nergie indpendante du processus psychophysique,
du processus mcanique rptitif de l'esprit et des processus instinctifs non-rationnels du
niveau biologique. Indpendamment de tout ceci, il semble qu'il y aurait une certaine nergie
qui pose cette question. Les cellules du corps ne posent pas cette question. Le corps, la chair,
les os, les glandes, les muscles, les nerfs, ne posent pas cette question. Le processus mcaniste
rptitif de la pense ne pose pas cette question. Il ne se demande pas si "je" vais mourir. Il
semble quil y aurait une sensibilit, le rveil d'une nouvelle nergie, ou plutt d'une nergie
indpendante de tout ce qui prcde, et cest ce qui vous incite poser cette question, sachant
parfaitement bien que le corps doit mourir.
Ainsi, je suis trs heureuse qu'il y ait un groupe d'amis pour mener ces recherches srieuses,
pour oser demander si la mort est possible tandis que nous vivons. Aujourd'hui, nous
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prsentons la toile de fond. Nous regardons les implications des mots avant de nous plonger
dans cette investigation. Alors quoi notre thme revient-il ? Est-il possible de se rveiller
dans un tat o il y ait une rupture complte avec toutes les cltures psychologiques, avec
tous les sentiments d'appartenance, avec tout sens d'attachement, de dpendance vis vis des
choses, des personnes, des situations ou des circonstances ? Tout ceci peut-il tre rompu alors
que le corps vit, avant que le corps ne meure ?
La ngation de toute identification
Maintenant que nous employons les mots, rompre avec toute pense, mmoire ou
identification, n'impliquons-nous pas un genre de ngation totale, une ngation totale de toute
identification, de tout sentiment d'appartenance et de tout sentiment de scurit ? Le corps est
vivant, les processus instinctifs non rationnels continuent, le mouvement crbral consistant
ramener la substance de la mmoire l'occasion de chaque sensation continue. Mais, vivant
au beau milieu de tout cela, mourir, ce qui serait la ngation de tout sentiment d'identit,
mourir est-il possible ?
La mort psychologique n'implique-t-elle pas une absence de sentiment d'appartenance quoi
que ce soit, un non enfermement par quoi que ce soit, une absence de sentiment de
possession? La ngation de toute identification ne pourrait-elle pas tre l'implication du mot
mourir que nous voulons interroger ? Nous ne disons pas le rejet. Le rejet est l'autre face de
l'acceptation. Nous ne voulons pas non plus utiliser le terme dni. Ni dni, ni rejet, mais
ngation. Nous entrerons plus profondment dans ce mot demain. Mais nous nous proposons
de dcouvrir cette possibilit d'une totale ngation, partir de la comprhension de la nature,
de l'organisme psychophysique, de la structure, des nergies qui s'y trouvent, des mcanismes,
de comment ils oprent. Ensuite, aprs avoir compris tout cela, est-il possible de ne pas y
appartenir, pour ne pas en tre, bien que nous devions y vivre ? Est-il possible de nier tout
cela ? La ngation sans dni, la ngation sans rejet, c'est un acte extraordinaire, l'acte de
mourir que nous cherchons. Nous essayons de dcouvrir s'il est possible.
Il me semble, mes amis, qu'une telle ngation, absolue et sans condition, pourrait tre le
contenu de "mourir" alors que vous vivez. Nos relations et nos interactions sont bases sur
l'acceptation non exprime de ce qui est. Nous acceptons les traditions, nous acceptons les
concepts, les ides, les thories de dualit, de non-dualit, l'ide de l'esclavage, l'ide de
l'mancipation, l'ide de la transformation, de la mutation, et ainsi de suite.
Nous acceptons une certaine dfinition de l'mancipation, de la transformation, de la libert,
et alors nous basons notre recherche et notre exploration sur cette acceptation. Nous acceptons
l'ide de Dieu, un ou multiple, mle femelle ou neutre, et alors nous cherchons cette divinit
prdfinie. Voyez bien ceci. L'espce humaine a jou ce jeu depuis des millions d'annes.
Donc, est-il possible de s'veiller un tat de conscience niant tout pass, toute connaissance,
toute exprience, tout ce dont nous avons hrit et que nous cultivons? Est-il possible de nous
dnuder compltement au niveau psychique ? Si nous sommes attachs au connu, si nous ne
nous contentons pas de vivre dans le connu, mais si nous sommes attachs lui, si nous
sommes hants par lui, si le sentiment de vivre lui-mme dpend de la force de cet
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attachement au connu, alors naturellement la raction sera la peur. Le mot mort et le mot
mourir provoquent la peur, une rticence muette qui vous incite vous retirer l'intrieur de
vous mme et viter de relever le dfi psychique. Est-ce que le mot ngation, ngation totale
du pass contenu dans notre corps et notre cerveau, est-ce que cela provoque galement une
rticence ou une peur ? Que restera-t-il de nous, avec nous, en nous, si cet acte de ngation a
lieu ? Alors, l'intelligence sensibilise ou l'nergie sensibilise qui a pos ce thme doit
maintenant se demander, qu'est-ce qui reste quand ceci est ni ? Je n'ai pas besoin de vous
expliquer que quand nous disons la ngation de l'autorit, l'autorit du pass, l'autorit du
mouvement crbral qui ractualise la mmoire au nom de la pense, nous nions l'expression
"je pense donc je suis", nous nions que s'il n'y avait aucune pense, il n'y aurait aucune vie.
J'espre que nous nous rendons compte que nous avons assimil l'acte de vivre avec la
projection mcanique rptitive de la mmoire dans le systme sensoriel tout entier, le
systme neurologique, le systme chimique. Nous avons assimil la vie avec cela. Osons-nous
nier cette autorit, et sommes-nous disposs voir ce qui se produit si cet acte de ngation est
pos ?
Je pense que cette introduction sur la manire dont nous allons enquter, sonder et explorer,
devrait tre suffisante pour ce matin.
La crainte de la mort psychologique
Laissons de ct le mot mourir pendant quelque temps, parce que tout le monde a une certaine
rticence face ces mots mort et mourir, mme la mort de l'ego. En septembre dernier nous
tions Dalhousie. Il y avait des amis de beaucoup de pays, d'Afrique, des Etats Unis, de
l'Europe, et il y avait deux psychologues d'Allemagne. Ce couple tait venu pour la premire
fois. Nous ne nous tions jamais vus avant. Il y avait galement quelques amis d'Australie et
d'autres pays. Alors, un jour, ce couple de mdecins, peut-tre l'universit de Francfort, est
venu pour me voir. Je pouvais voir qu'ils taient nerveux. Ils m'ont dit : Madame, que se
produirait-il si l'ego, le moi, le self mourait ? La dame tait en larmes par ce qu'elle l'avait
entendu. Ils taient venus de Madras, et ils avaient t Bnars. C'tait leur premire visite,
mais ils avaient lu des livres sur la philosophie Indienne. Ils m'ont donc demand, Madame,
qu'est-ce qui va nous arriver si l'ego meurt ? Pourquoi les Indiens parlent-ils de la mort de
l'ego, du self, du je ? Comment saurons-nous ce qui nous arrive ? Il n'y aura aucune possibilit
d'prouver quoi que ce soit et ainsi de suite. J'ai alors dit : est-ce que les mots "mort" et
"mourir" vous effrayent, ou est-ce une peur base sur une certaine imagination ? Non, non.
Pourquoi parlaient-ils de la mort et de mourir ? J'ai dit, d'accord, laissons de ct les mots.
Vous savez combien nous sommes dpendants des mots. Le mot mme de mort rveille une
peur et une certaine rticence, parce que ces personnes ont t et sont toujours trs occupes
ajuster l'ego avec les structures sociales, corriger les dsquilibres du "moi", du "je", afin de
permettre l'individu de s'insrer dans les structures socio-conomiques. Ils se sont toujours
occups de cela. C'est la manire dont le psychanalyste, le psychiatre, aide les personnes
souffrant de dsquilibres mentaux chroniques. Alors, nous avons eu de longues rencontres
pendant quelques jours.
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Aussi ce matin je vous demande tous de laisser le mot "mort" de ct, s'il veille quelque
crainte. Il faut d'abord se rconcilier avec le fait de la mort, le fait de la mort comme une
partie invitable de la naissance. La naissance est le dbut de la mort et qui sait, la mort est
peut tre le dbut de la naissance.
Est-ce que le "je" est un fait ou un concept ?
Laissez-moi conclure la rencontre de ce matin en disant que vous ne pouvez pas nier un fait.
Vous pouvez nier une ide, un concept. Donc, le "moi", le "self", "l'ego" est-il un fait ou est-il
seulement un concept, une ide ? C'est la question que nous devons aborder. Le processus de
nommer et l'identification n'auraient-ils pas induit l'illusion qu'il y aurait dans le corps une
entit subtile appel "je" ou "moi", qui aurait une certaine continuit dans le temps, une
certaine permanence ? Le mouvement de la connaissance peut-il vous traverser sans crer un
"connaisseur" et le mouvement de la pense sans crer un "penseur" ? Est-ce que nous nous
identifions avec ce mouvement et nous l'appelons "je" "moi" "mien" ? Regardez bien cela.
Quand vous inspirez et expirez, le prna vital voyage dans votre corps et aprs l'exhalation il
est hors du corps. Il ne vous appartient pas. Il voyage par les cavits dans le corps, oxygne le
corps et ressort. Est-ce que, de la mme manire, la connaissance peut vous traverser, vous
donner l'nergie et la vitalit ncessaires pour affronter les dfis de la vie et s'arrter l ? Ce
sont les questions trs pertinentes, trs appropries que nous devons nous poser. Ainsi, quand
nous nous retrouverons, nous pourrons explorer si ce que vous appelez le "je", le "moi" est un
fait ou s'il a seulement un contenu conceptuel ?
Le fait est que ce corps ne peut pas tre ni, on ne peut pas tre dans le dni du corps. Il est l,
vous le touchez, vous le voyez, vous entendez le bruit qu'il fait. Ce fait ne peut tre ni rejet ni
ni. L'ide, le concept, tout ce qui s'est construit en inventant des mots et en les mettant en
ordre, cette construction verbale, cette construction mentale, cette information organise, c'est
la connaissance. La connaissance n'a rien de sacr. La connaissance verbale est quelque chose
de construit, comme les ponts ou les btiments. Les thories ont t construites, elles peuvent
tre dmolies.
Donc, avec votre aide et votre coopration il sera ncessaire de se demander si le "je", le
"moi" a une existence factuelle laquelle on doit mourir, ou bien est-ce l'expression "mort de
l'ego", "mort du moi", du "self", qui est prendre au sens figur, un langage cod reprsentant
quelque chose de trs significatif dont nous ne devrions en rien avoir peur.
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CHAPITRE 2
QUESTIONS ET RPONSES
nous employons, sans nous attacher ou devenir dpendants d'eux. Avez-vous vu comment la
vie est un flux continuel de changement ? Tout change. Un enfant nat. Voyez l'enfant d'un
jour et voyez l'enfant aprs un mois ou une anne. Voyez les changements qui ont eu lieu.
Avez-vous not les changements qui ont lieu dans votre propre corps ? Ne vous tes-vous pas
vu en tant qu'enfant, comme un jeune homme ou une jeune fille, votre belle jeunesse, puis en
tant qu'adulte mr allant vers la belle consommation de la maturit qui est la vieillesse ?
Avez-vous vu les changements physiques, les changements mtaboliques, les changements de
vos attitudes psychologiques, mme de la terminologie que vous utilisez, changements dans
vos gots, votre nourriture, votre habillement, votre environnement ? Pendant que les choses
changent dans votre corps, les changements ont lieu galement autour de vous. Nous sommes
au beau milieu du changement. Il n'y aura ni dpendance ni attachement si nous n'accueillons
pas l'ide de la permanence, si nous ne sommes pas dans cette attente que nos relations
devraient tre permanentes, qu'elles devraient avoir une continuit, une continuit inluctable.
N'est-ce pas la signification de la permanence ? Ainsi cette ide de permanence vous mne
vers l'attachement aux objets et aux personnes.
Ceux d'entre vous qui ont voyag l'tranger, pourraient avoir remarqu que les personnes en
Occident, les hommes et les femmes, ont peur de la vieillesse. Ils aiment croire que leur corps
reste jeune. Ils ne voudraient montrer aux autres aucun signe de maturit. La vieillesse les
drange motionnellement et il y a des crises l'ge de 40 ou de 60 ans et ainsi de suite. Les
gens ont peur du changement. S'il vous plat, voyez avec moi. Y aura-t-il encore une crainte si
nous comprenons la beaut du changement ? Et vous m'excuserez, si je parle de la beaut de
la mort naturelle, la fin naturelle de ce qui avait commenc en un temps donn. Pas la fin par
vos accidents dans les cits et les villes, par la vitesse inhumaine de la vie, l'effort inhumain et
les contraintes par lesquelles le corps et le cerveau doivent passer, ni le corps surmen par la
fatigue et l'puisement chroniques. Les dcs provoqus par les efforts et les contraintes, par
les accidents ou la pure fatigue, par le sur-puisement de tout l'organisme psychophysique,
ont une laideur en eux. Mais si une personne vit naturellement, spontanment, en relevant les
dfis lorsqu'ils viennent, ne crant pas d'attentes qui n'est qu'une attente psychique. Comme il
y a des attentes physiologiques, nous crons des attentes psychiques. Le corps physique a des
besoins. L'esprit cre les dsirs et la conscience sophistique cre les attentes de quelque
chose qui se produirait aprs la mort, des attentes au sujet d'un autre monde. On fabrique alors
l'ide d'une immortalit, d'une permanence, d'une ternit et ainsi de suite.
Ainsi il me semble qu'il doit y avoir une totale ngation sans condition des thories au sujet de
la mort, thories au sujet de ce qui se produit aprs la mort, la ngation totale des dfinitions
de l'ternit et l'immortalit. Si le cerveau est charg de ces mots et des motions attaches
ces mots, alors videmment il va crer une perturbation chimique. L'motion est une
perturbation dans l'quilibre chimique du corps. Une pense est une perturbation dans
l'quilibre chimique du corps. Une pense est une perturbation dans le systme neurologique.
C'est une perturbation de l'quilibre. Elle cre une tension. Ainsi, on pourrait liminer la
crainte en tant que perturbation chimique rveille par les mots et les associations
traditionnelles accompagnant ces mots, si la conscience est libre de l'autorit de ces mots.
Les mots se situent dans notre corps. Les mots sont imprims en lui. Ce matin nous l'avons vu
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assez clairement : la substance contenue dans les cellules du cerveau, dans les cellules du
corps, c'est la mmoire. La connaissance, l'exprience de toute la race humaine, est condense
en chaque corps humain en tant que mmoire, et elle continue se projeter toutes les fois que
le corps entre en contact sensoriel avec un objet ou avec un mot et ainsi de suite.
Ainsi, les mots se trouvent l'intrieur de l'empreinte, jusqu' la moelle des os, ils ne peuvent
pas tre dtruits. C'est seulement leur autorit, l'autorit qu'on leur accorde qui peut se
terminer. La comprhension limine l'autorit que nous accordons aux mots et aux ides. Elle
ne peut pas dtruire le pass. La chair, l'os, le plasma, ils contiennent le pass. Donc, la
cessation de l'autorit des mots, des ides et des concepts qu'ils reprsentent, pourrait tre une
faon d'obtenir la fin de cette rsistance ou rticence ce qu'on appelle la mort physique.
videmment, ce n'est pas une ide agrable. Mais le plaisir ou la douleur, agrable ou
dsagrable, ce sont des ractions sensorielles, rien de plus que cela. Ainsi, cela peut ne pas
tre une ide agrable. Pourquoi devrions-nous toujours avoir des ides agrables ? L'ide
peut avoir une certaine amertume. Elle peut avoir une certaine pertinence. La Vie comprend
l'acuit, la pntration, la douceur, la tendresse, la rudesse. C'est un tout organique qui
contient tout ceci. Ainsi vous ne pouvez pas grer vos peurs et cultiver la bravoure comme
l'oppos de la crainte. La bravoure est une attitude. Si vous voulez remplacer une attitude ou
une inhibition par une attitude ou une inhibition diffrente, cela peut galement devenir un
problme. Donc pour liminer la peur, il n'est pas question de la dtruire, de la remplacer, de
la contrecarrer. Mais il est question de rencontrer la vie telle qu'elle est.
Il est inutile de souhaiter qu'il n'y ait aucun changement. Il est inutile de vouloir une
continuit, parce que le temps n'a aucune ralit. La continuit, les squences d'vnements,
tout cela, ce ne sont que des ides utiles pour agir dans les structures socio-conomiques, et
traiter les questions au niveau physique. Mais rellement le temps n'existe pas. Le temps est
une mesure invente par l'humanit. Elle est trs utile comme mesure mentale et mrite d'tre
employe. La mesure a une pertinence. Mais la mesure ne signifie pas que la vie est
conditionne par cette mesure. A moins que vous prsumiez que le temps psychologique ait
une ralit, vous ne pouvez pas imposer ou superposer la continuit, l'ordre et la permanence
la Vie. Ainsi, rencontrant la ralit du sans temps, rencontrant cette ralit qu'il n'y a aucune
continuit ou ordre, on doit alors vivre dans le sans temps et vivre avec les changements qui
ont lieu. Peut-tre que cette comprhension liminera l'inhibition et nous permettra de nous
rconcilier avec la fin de la vie physique un jour, quelque part, d'une certaine faon.
Maintenant le deuxime aspect de la question tait perte d'identit, la mort de l'amour-propre
causant la perte de l'identit. Que voulons-nous dire par identit ? Nous rfrons-nous
l'image d'une personnalit que l'on doit dvelopper pour vivre dans la socit ? Vous acqurez
une connaissance verbale, vous transfrez les mots imprims sur le papier au cerveau au nom
de l'ducation. Vous introduisez l'information organise dans le cerveau de sorte que vous
puissiez agir dans les structures socio-conomique, politiques et gagner un moyen de
subsistance. Cela dveloppe une personnalit, la personnalit d'un docteur, d'un ingnieur,
d'un homme d'affaires, d'un industriel, d'un professeur, et ainsi de suite. Ainsi vous rfrezvous cette personnalit, les talents que cette personnalit a dvelopps ? Ces talents, cette
ducation ne seront pas dtruits par la mutation ou la mditation. La personnalit
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systmatiquement cultive, dveloppe, utilise, reste l, parce que c'est un instrument pour
inter agir avec la socit dans laquelle nous vivons. La seule chose qui peut-tre a lieu, c'est la
disparition de l'illusion qu'il y a dans le corps une entit subtile. Le corps a un nom, le corps a
des qualits, y compris le cerveau. Les conditionnements introduits dans le cerveau ont une
qualit, une sophistication culturelle. Cela ne signifie pas qu'il y ait une entit ayant une
identit. Je, l'individu, l'ego, tous ces mots n'indiquent pas l'existence d'une entit intrieure
subtile dans le corps. Mais on nous a dit sicle aprs sicle qu'il y a un "Jivatma", qu'il y a un
super individu, qu'il y a un "Atma" et qu'il y a un "Jivatma" et ainsi de suite. C'est ce qu'on
nous a dit. C'est ce qu'on a lu. C'est ce qu'on a entendu. Ainsi, nous sommes convaincus, sans
aucun doute que "je" est une entit dans le corps.
J'espre que nous tous qui sommes ici, nous rendons compte que ce que nous appelons l'esprit
n'est rien d'autre qu'un conditionnement construit, organis, normalis. C'est l'activit
humaine globale qui continue depuis d'innombrables sicles. Les conditionnements ont leur
propre nergie. Mais il n'y a rien comme un esprit individuel ayant sa propre identit ou
entit. Il y a une expression individuelle, l'expression du global et du collectif par une
personne particulire, avec ses propres habitudes, ses caprices, sa constitution. Ainsi, les
expressions peuvent diffrer entre cinq personnes nes et leves dans une mme famille. Il
peut y avoir des diffrences. Les expressions ont des varits innombrables. Mais ce qui est
entr dans la conscience humaine est quelque chose du collectif, quelque chose de global.
L'nergie sonore est convertie en mots. Les mots sont organiss grammaticalement,
linguistiquement, smantiquement. Il y a la formation des ides, en drivent des conclusions,
elles s'organisent en thorie et ainsi de suite. C'est une construction collective, organise et
normalise. Alors, o est le problme d'une perte d'identit quand il n'y a aucun esprit ou ego
individuel ? L'ego est un mot. C'est un concept. C'est une agence de contrle, une agence de
contrle verbal. Le cerveau est le contrleur du systme nerveux dans le corps. De la mme
faon, au niveau verbal, le mot "je", le mot "moi", le mot "vous", conduisent et coordonnent
la communication verbale. Donc, il n'y a aucune perte de personnalit. Peut tre, seulement
l'odeur de la vanit ou de la fiert disparatraient et il y aurait une tendresse radicalement
nouvelle et de l'humilit qui maneraient de la personne. En plus des qualits, des talents, des
capacits, il peut y avoir en plus la saveur de l'humilit. Car s'il n'y a aucune entit, il n'y a
aucune raison de perdre une identit.
Est-ce que je peux ajouter un mot de plus avant que nous procdions la deuxime question ?
Quand l'autorit du pass est totalement nie, comme j'ai pu le voir dans ma vie, cette action
de ngation, est l'une des actions les plus cratives dont un tre humain soit capable. Elle
semble tre la fin de l'autorit du pass, mais en fait, par l'action de nier cette autorit, le
nouveau vient la vie. Une nouvelle nergie, qui n'est pas une partie de l'hritage, qui n'est
pas une partie de notre acquisition, l'acquisition consciente ou la culture consciente, un genre
d'nergie inconditionnelle, une nergie vierge vient la vie. La fin de l'autorit du pass et
l'mergence du nouveau ne sont pas deux vnements diffrents. Si la fin est le bouton, alors
l'mergence du nouveau est la floraison de la fleur de la ngation. Ce ne sont pas deux
vnements diffrents, distincts, l'un contient l'autre. Donc, dans le fait de nier l'autorit de
tout le pass humain, l'nergie crative mobilise dans cette ngation produit d'elle mme une
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nouvelle dimension. Ainsi on n'est pas rendu impuissant. On peut tre vulnrable mais pas
impuissant. On n'est pas laiss pour compte dans le foss de l'isolement. Il y a la srnit de la
solitude mais il n'y a pas d'abandon dans l'isolement.
Chaque pore de l'tre, chaque fibre de la texture de votre personnalit se trouve remplie d'une
nouvelle clart, d'une nouvelle lumire, d'une nouvelle perception et de comprhension. Donc
il ne semble pas y avoir l, possibilit de perte, d'aucune faon.
L'esprit conditionn est employ au calcul, il est employ prparer le croquis de mise au
point, il est employ avoir un horaire. Il calcule : ceci est la cause, ceci est l'effet, ceci est le
temps qui spare la cause de l'effet. Donc il prpare la mthodologie, la dure, l'horaire. Nous
faisons cela. Ainsi, l'esprit conditionn veut avoir un projet : c'est d'abord la ngation, c'est la
mort de l'ego et alors immdiatement, instantanment ou aprs quelques minutes ou peu de
jours, il y a l'attente de ce qui se produira. Il veut une assurance, sinon une garantie. Il veut
une assurance l'avance. Alors, cette condition, il veut bien nier l'autorit. L'autorit c'est la
scurit. Nous avons associ la sensation de scurit cette autorit.
Donc la manipulation de la peur est lie la manipulation du pass. L'absence de crainte,
l'absence de rsistance intrieure et de rticence est lie l'autorit qui nous fait vivre. On ne
veut pas tre seul face la Vie cosmique. On veut avoir des scurits. On veut avoir quelqu'un
pour nous tenir par la main et pour nous emmener tape par tape. Puis-je dire, on veut tre
avec le connu, dans le connu, avec les assurances du connaissable. Mais mes amis, la vie et
vivre sont un mystre. C'est une histoire d'amour avec l'inconnaissable, l'incalculable,
l'innommable. Le connu et le connaissable ne sont qu'une toute petite partie de l'intgralit
organique de la Vie.
Question : Tout d'abord, Didi, je voudrais clarifier que les deux groupes n'taient pas des
jeunes et des vieux. C'taient les nouveaux venus et les rcidivistes. Ainsi, dans le deuxime
groupe il y eu des discussions intressantes et il y a deux questions. Une question a quelques
sous-questions et l'autre question est indpendant de la premire.
Dans l'entretien de ce matin, deux observations ont t faites : La Libert nat dans le cur, la
Vrit pntre le cerveau. Ainsi, dans ce contexte, la Libert et la Vrit sont-elles
synonymes ? Sinon, les vnements ont-ils lieu simultanment ou squentiellement ? Une
autre sous question est : Nous vous saurions gr d'expliquer ce que vous entendez par "cur".
Et la deuxime question est : que signifie "nergie sensibilise", parce que vous avez
mentionn que le thme a t suggr par l'nergie sensibilise du groupe de Bombay. Ainsi
nous voudrions comprendre ce qu'est l'nergie sensibilise.
Vimalaji : La Libert est le parfum de la Vrit. Ainsi, d'une certaine faon on pourrait les
considrer comme synonymes. La communion avec la Vrit survient en comprenant ce que
les mots indiquent. Les mots sont comme des enseignes. Donc, la Vrit indique par les
mots, contenue dedans ou cache derrire les mots, est de faon tangible perue par la
comprhension. L'acte de la comprhension est un acte de perception. C'est une sensibilit
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clairvoyante qui voit la Vrit indique par le mot. Elle voit trs clairement que le mot n'est
pas la chose. Ainsi grce cette sensibilit clairvoyante merge une communion avec la
Vrit inhrente au fait. Un fait est quelque chose qui survient par le contact sensoriel, il en
rsulte une sensation, celle-ci est convertie en impulsion lectromagntique dans le corps.
Ceci s'applique la totalit de la race humaine, c'est vrifiable par tous. Quand nous disons
que le soleil est un fait, que la lune est un fait, nous parlons de la relation que nous avons avec
eux. C'est vrifiable. Ainsi, les faits sont vrifiables au niveau sensoriel, tandis que la Vrit
rsultant de la perception de ce qui est indiqu par le mot dpend du rcepteur. Dix personnes
peuvent s'asseoir dans une pice o un mot ou une phrase est prononc; la signification du
dictionnaire peut-tre sue de tous, seule l'nergie sensibilise, la sensibilit, vous pouvez
l'appeler l'Intelligence si vous voulez, voit la Vrit. C'est pourquoi j'ai dit que la Vrit
pntre le cerveau. La Libert est ressentie, la Vrit est perue. La part sensible est relie au
systme chimique. Votre ami(e) ou votre aim(e) ou votre mre vous touche, c'est le contact
d'une main humaine un autre corps humain qui est le fait. Mais la sensibilit apprcie le
contact de l'aim(e), de la mre, de l'ami(e), du fils. C'est ressenti. C'est un genre de sentiment
et ce sentiment est expriment au niveau chimique. Le cur est symboliquement le centre du
systme chimique, et le cerveau est le centre du systme neurologique. Ainsi, je peux avoir dit
que la Libert nat dans le cur. On le sent mais quand vous vivez cette Libert intrieure,
vous pouvez ne pas en tre conscient. Mais la Libert intrieure provoque un changement
dans la texture de vos relations avec vos proches ou avec les autres, certains notent un
changement dans vos regards, dans vos mots, dans vos actes. Ils se rendent compte que les
inhibitions sont abandonnes. Un parfum, une tendresse, qu'on appelle l'amour, est l. Ainsi,
je peux avoir dit ce matin que la Vrit pntre le cerveau et la Libert se manifeste dans le
cur. Ceci peut aussi tre exprim en d'autres termes, mais ce matin, ce sont ces mots qui sont
venus moi. Ce n'est pas une thorie, juste un partage. C'est comme cela que a s'est exprim.
Chronologie de la Libert et de la Vrit : c'est trs difficile de gnraliser ce sujet. Les tres
humains ont diffrents tempraments. Pour certains, la raison et la rationalit sont
prdominantes. Il y a galement diffrents principes de tempraments comme Sattva, Rajas,
Tamas ou Vata, Pitta, Kapha. Des principes tellement diffrents dominent dans diffrentes
personnes et ils sont accentus par leur personnage. Ainsi, pour ceux qui sont principalement
rationnels, la raison prdomine leur tre, la perception de la Vrit prcde le sentiment de la
Libert. Mais il y en a galement d'autres pour qui le cur est dominant, particulirement
dans ce sous-continent indien, cette terre de saints, o certains ont chant et apport la Vrit
aux personnes, mme les personnes illettres, par leurs chants et leurs danses de dvotion.
Dans cette terre, je me suis aperue qu'il y a les gens qui sont domins par le cur. Ils ont un
systme chimique trs raffin. L'homme de connaissance peut ne pas avoir un systme
chimique trs raffin et peut ne pas avoir la chaleur des sentiments en lui. Et une personne qui
a une richesse motive, un certain raffinement, peut ne pas avoir un cerveau trs sophistiqu
ou un cerveau trs brillant. C'est une question de prdominance. Ainsi, dans des tempraments
domins par l'motion, la Libert est sentie comme premire et, comme corollaire ce
sentiment intrieur de Libert, la Vrit est comprise. Alors a dpend de la personne en qui
l'vnement sacr se produit : la pntration de la Vrit ou l'avnement de la Libert. Ils
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peuvent tre squentiels, mais chacun d'eux est la cause de l'autre et chacun d'eux peut tre
considr comme l'effet de l'autre.
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mmes. Ils ont le privilge d'avoir cette nergie sensibilise, illuminant leurs esprits
conditionns de temps en temps ou frquemment.
C'tait peut-tre en 1868 ou 1870 que Madame Blavatsky avait parl de l'mergence d'une
nouvelle race humaine. Ainsi cette nouvelle race humaine n'implique pas que les tres
humains paraitront diffrents ou qu'ils auront plus d'organes sensoriels que ce que nous avons,
mais cela concerne la qualit de la conscience. L'essence existentielle des tres humains est
conscience. La qualit de la conscience sera nouvelle. En mettant en vidence le vieux et en
levant le nouveau au niveau de la perception, au niveau de la comprhension, au niveau de
l'action, c'est de cette faon qu'une nouvelle race humaine mergera.
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CHAPITRE 3
QUESTIONNER L'AUTORIT DU PASS CONDITIONN
Le 20me sicle qui se termine a t l'un des sicles les plus turbulents et les plus violents de
l'histoire de l'homme. Il y a eu un certain nombre de dcouvertes et d'vnements
rvolutionnaires dans ce sicle, peut-tre dans chaque domaine de la vie sociale, collective et
individuelle. Ce sicle a vu deux guerres mondiales. Ce sicle a vu le militantisme d'tat
contrecarr par l'anarchie et l'insurrection organise des terroristes. Il a vu l'avnement et la
chute de l'empire communiste. Il a vu la construction de cet empire et sa dconstruction. Il a
mme vu la dmolition de beaucoup des thories de Marx et de Lnine. Ce sicle voit le
dlabrement du capitalisme consumriste. Il a vu des dcouvertes radicales et des
changements dans les thories de la physique, de la thorie du bigbang la dernire thorie de
cration comme tant une explosion d'un vide condens. Il a vu les changements
rvolutionnaires du champ de la psychologie. La thorie de la libido de Freud a t rejete par
certains. Certains travaillent sur la thorie de l'inconscient collectif de Jung l'institut de
recherche Jungien de Zurich. Dans le domaine des sciences conomiques galement il y a eu
des changements fondamentaux. Nous avons vu la fin de la thorie de l'apartheid et la fin de
ce gouvernement antidmocratique en Afrique du Sud. Nous avons vu l'unification des deux
Allemagnes. Nous avons vu la lutte extraordinaire qui continue au Moyen-Orient et celles de
pays comme la Yougoslavie et la Tchcoslovaquie et ainsi de suite.
Dans chaque domaine de la vie, les gens remettent en cause la validit des modes de vie
traditionnels, des modles traditionnels d'ducation, des thories et des dogmes au nom de la
religion et de la spiritualit. Partout les gens s'interrogent. Autant que je sache, la vie au 20me
sicle a t une exprience extrmement excitante et panouissante, entoure par des dfis,
des dfis sacrs partout. Ainsi, quand nous remettons en cause la validit d'accepter l'autorit
de la pense, nous rpondons aux changements qui ont lieu mme dans la science de la
psychologie.
Enqute au sujet de mourir au pass
Les gens ont considr l'esprit comme une proprit individuelle. L'ego tait une autorit
inconteste. Les psychologues tentaient d'quiper l'ego pour qu'il puisse s'insrer dans les
structures sociales, il fallait le discipliner, le contrler et ainsi de suite. Maintenant ils
dcouvrent, dans la dernire partie du 20me sicle, que l'esprit individuel est un mythe. C'est
un mythe abandonner. C'est une superstition psychologique qui doit tre laisse de ct.
Ainsi, certains d'entre nous qui sommes runis ici dans cette pice, nous explorons ensemble
comment l'autorit du pass peut tre laisse de ct. Le mouvement de l'esprit conditionn
peut-il s'interrompre seul, par ses propres moyens ? Ces quelques instants que j'ai passs
dresser devant vous le contexte global, ont t motivs par le dsir de partager avec vous le
fait que cette recherche au sujet de la mort de l'esprit, mourir au pass tandis que l'on vit, n'est
pas une petite recherche gocentre. Elle n'est pas ne d'une ambition personnelle pour le
Nirvana, l'mancipation ou la libration. Nous le faisons au nom de la race humaine toute
entire. Nous ne pouvons pas vivre isols.
Si les dcouvertes technologiques, conomiques, politiques et scientifiques affectent notre
mode de vie et ont un impact profond sur nos relations sociales, l'interrogation, l'exploration
que nous menons dans le domaine de la psychologie, ne peut tre ignore.
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une chose invitable, mais c'est mme quelque chose de souhaitable. De l'nergie est contenue
dans l'tre physique et psychologique. Nous sommes les produits du pass. Vous ne pouvez
pas fuir l'essence existentielle de votre tre. Ainsi un certain niveau, la pense, la
connaissance, le pass doivent tre employs sans devenir dpendant d'eux, sans tre hants
par eux, sans en faire une autorit. Maintenant, pourquoi ne devrions-nous pas, partir d'eux,
crer une autorit ? Que se produit-il si l'autorit est cre ? Regardons cela.
L'autorit et ses consquences
La terre entire, la plante est un vaste territoire rempli d'espace, un grand nombre de
spcimens de race humaine habitent cette plante. Donc, les conditionnements ont eu lieu
selon la rgion, selon le climat, selon la flore et la faune, les conditionnements dans le rgime,
les conditionnements dans l'habillement, les conditionnements dans les modes de
comportements physiques et psychologiques, les conditionnements dans les modles de
comportements. Ils sont d'une grande varit. La communaut humaine globale est un jardin
de tant de conceptions des conditionnements, l'Hindou, le Musulman, le Chrtien, le Juif, le
Bouddhiste, le Jain, le Sikh, le tribal et ainsi de suite. C'est un vaste jardin avec un grand
nombre de parfums, un grand nombre de saveurs.
Maintenant, si je cre une autorit partir des conditionnements Hindous, des
conditionnements brahmaniques, des conditionnements indiens et que toutes personnes
habitant en Inde crent ce sentiment collectif de l'autorit, ce sens de l'autorit m'isolera de
vous. L'Hindou est isol du Musulman parce qu'il a galement cr une autorit partir de la
conception de ses propres conditionnements. Le Chrtien catholique a son autorit qui l'isole
mme des protestants, des presbytriens, des unitariens, des mthodistes et ainsi de suite.
L'autorit existe mme chez les Bouddhistes, parmi les disciples du mahayana, du hinayana
et du theravada. De mme elle existe parmi les swetambaras et les digambaras dans la
communaut jan.
Vous voyez, du moment que vous crez un sentiment d'autorit, il est accompagn d'un
sentiment de supriorit. L'autorit vous isole. Vous devenez un prisonnier. L'autorit peut
vous mener un attachement obsdant votre mode de comportement, votre code de
conduite, votre ensemble de valeurs, et puis commence la comparaison, puis commence le
sentiment de supriorit et d'infriorit. De tels crans nous divisent. Ils ne nous permettent
pas d'entrer en relation avec l'autre. La science et la technologie ont cr cette envie de
partager le globe, de partager la plante. Supposez maintenant que je ne cre pas un sentiment
d'autorit. Est-ce qu'alors je dois tre slectif et choisir quels conditionnements sont accepter
ou rejeter ? Le 20me sicle a jou avec a galement. De beaux noms ont t donns cette
attitude, mais nous n'avons pas le temps de dvelopper ce point. Cette conviction
intellectuelle, artificielle et dlibre, que toutes les religions se valent et donc que nous
devons vivre ensemble, ainsi que d'autres attitudes semblables, ne vous mnent pas trs loin.
Elles peuvent crer un aspect formel de partager la vie mais en dedans, vous tes divis, tout
d'abord convaincu de la supriorit de votre manire, de vos valeurs et ainsi de suite. Cette
division intrieure, ce sentiment intrieur d'autorit, cet isolement intrieur qui endommage
mme l'acte d'entrer en relations, doit finir.
Mmoire fonctionnelle et mmoire psychologique
Ainsi, nous avons la responsabilit de maintenir la mmoire fonctionnelle, l'utilisation
fonctionnelle de la structure-pense, comme nous le faisons maintenant. Nous employons des
mots franais. Chacun de nous - l'auditeur et l'orateur - emploie le pass. Avec les
dictionnaires comme ouvrages de rfrence, nous nous accordons vraisemblablement sur les
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significations des mots. Par consquent, un dialogue ou une communication peut avoir lieu.
Ainsi, nous employons la structure de la pense. Nous employons la mmoire. Il n'y a rien de
mal les employer. Elles ne font aucun dommage. Une montagne s'appelle une montagne et
la rivire s'appelle une rivire, un ocan un ocan et ainsi de suite. Mais en venant aux
relations psychologiques, je maintiens la mmoire. C'est "ma" vie, c'est "mon" mari. Nous
sommes maris et il y a des relations de proprit et de possession. Donc, ds que je vois mon
mari ou mon pouse, non seulement le mot "mari" ou "pouse", ou "fils", ou "fille", se
rveille, mais cela active le sens de la possession, de possdant. Je sens que je suis
moralement autoris dominer mon mari ou mon pouse, possder mes enfants et j'essaie
de faire de mes enfants des copies carbone, "mes" copies carbone. Mon ami - lui ou elle - ne
devrait pas se tourner vers d'autres, et ainsi de suite.
Dans les relations psychologiques, la mmoire des mots nous empche de regarder la
personne. Alors vous ne pouvez pas regarder votre mari ou votre pouse, comme tres
humains. Vous ne pouvez pas couter l'autre personne. Il est ou elle est le client et je suis
l'avocat, l'homme d'affaires, le consommateur, le producteur, l'intermdiaire. Alors la
mmoire cre un sentiment d'tre autoris utiliser la proprit et la possession. Alors j'exerce
ce caractre possessif. Dans les affaires, dans l'industrie, je paye trs habilement la fidlit
aux thories de profit et de perte. Je veux dgager de plus en plus de bnfices, pas en tant que
moyen de subsistance, mais parce que le gain, de plus en plus, est un signe de prestige. Je dois
avoir un solde bancaire de plus en plus lev. Ainsi le travail ou la profession au niveau
conomique, non seulement dans l'industrie mais aussi le travail de professeur ou de
reprsentant des personnes devant la loi, ne demeure pas au niveau de gagner un moyen de
subsistance. Il est transform en avidit pour l'argent, de n'importe quelle faon, par intrt
pour l'argent, dans l'intrt du plaisir. Vous voyez, comment les mots et la mmoire
psychologique endommagent la qualit de la conscience. Aprs tout, l'argent doit tre gagn
comme moyen de subsistance un niveau convenable, un niveau raisonnablement
confortable. Mais aujourd'hui vous ne pouvez pas soutenir que vous gagnez un moyen de
subsistance. Vous devez parler de gagner de l'argent par tous les moyens. Alors vous dites
qu'il y a de la corruption et vous nommez des comits d'anti-corruption et ainsi de suite. C'est
un jeu ridicule que la race humaine joue pathtiquement avec elle-mme ! C'est un jeu
d'aveuglement pathtique et dchirant, individuel et collectif.
Donc est-ce que nous pouvons jeter au niveau psychologique et employer au niveau physique,
l'autorit du pass, l'autorit de la structure-pense, l'autorit des ides, du je et du non-moi,
avec ses dcorations : avec l'argent, les connaissances ou le prestige ? C'est une responsabilit
complexe. Vous ne pouvez pas chapper la partie motive de votre tre, en desschant
toutes les motions au nom de la puret ou du clibat ou pour telle ou telle autre raison. Vous
priveriez alors la vie humaine de sa richesse, de sa chaleur et de sa tendresse. Vous ne pouvez
pas chapper la rationalit et aller de nouveau dans la primitivit des croyances et de la
crdulit. De la mme faon, vous ne pouvez pas vous enfuir, vous ne pouvez pas chapper
la responsabilit d'employer la pense et la connaissance un certain niveau et en mme
temps vous ne devez pas leur permettre de fonctionner au niveau psychologique, et encore
moins au niveau trans-psychologique.
Qu'est-ce que le niveau trans-psychologique ? Nos relations avec la vie cosmique autognre, autopropulse, ce phnomne cosmique autorgul, la vie multi-universelle, interagissant parmi des douzaines de systmes solaires et plantaires. Ainsi, quand nous devons
dcouvrir nos relations organiques, la nature de nos relations avec cette vie cosmique autognre, si nous sommes chargs de mots, si nous sommes chargs de traditions, alors nous
essayerons de mesurer cette divinit, ce phnomne auto-produit de la vie cosmique. Nous
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essayerons de la mesurer avec nos propres mots. Nous essayerons de la mesurer en termes
d'unit et de multitude. Nous nous permettrons de l'appeler Brahman ou Ishvara, Dieu ou
Allah. Nous essayerons de savoir si elle est informe ou avec une forme. Nos perceptions
refltent nos limitations intrieures mais nous les imposerons cette Vie cosmique.
Donc, il devient plus que ncessaire de nous librer de l'autorit de toutes les mesures, de tous
les symboles et de tous les mots ce niveau de l'enqute et de l'exploration, exactement
comme nous devons tre libres de ces associations au niveau psychologique. Sinon, nous ne
pourrons jamais nous regarder les uns les autres en dehors de notre espace intrieur. Vos mots
et votre mmoire d'hier, faite d'loge et de flatterie, ou de critique et de condamnation,
viendront entre vous et moi. Nous ragirons selon les comportements d'hier. Il n'y a aucune
issue la misre humaine et la souffrance si nos relations sont rgies, propulses, modules
et commandes par des souvenirs.
Utiliser le pass objectivement
Alors, est-il possible d'utiliser le pass objectivement, en connaissant ses limitations, en
connaissant sa nature conditionne ? Est-il possible d'employer le pass au niveau biologique,
au niveau physique, au niveau social quand nous devons traiter avec les structures faites par
l'humanit, les institutions humaines et tout cela ? Si nous ne sommes pas attachs, si nous ne
sommes pas dpendants du pass, alors une belle retenue survient, sans abstinence, sans
insistance, sans aucune attitude dogmatique. C'est seulement la dpendance qui cre un
dsquilibre intrieur et, mes amis, le dsquilibre est une impuret. Chaque dsquilibre est
une impuret. Ainsi, nous devons nous instruire pour employer le pass, pour pouvoir l'utiliser
dans son domaine relatif, sans tomber dans les dsquilibres provoqus par l'attachement, la
dpendance, l'avidit, la convoitise ou la mesquinerie. Alors en se tournant vers l'autre niveau,
le psychologique, est-il possible de percevoir l'tre humain dans le prsent, l'aujourd'hui, que
ce soit l'pouse ou le mari, les enfants ou le voisin ou n'importe qui d'autre ? Est-il possible de
regarder la personne, sans que votre perception soit pollue par la mmoire ? Votre perception
peut-elle tre libre ?
Nous avons un ami en Amrique du Sud, un biologiste - le Dr. Umberto, qui a crit un livre
sur la chimie de la connaissance. Qu'arrive-t-il la chimie de votre corps quand vous voyez ?
La qualit de votre connaissance affecte-t-elle l'objet que vous voyez ? C'est un beau livre. Le
Dr. Umberto a particip nos sminaires sur la synthse de la science et de la spiritualit au
Chili, en Argentine et galement dans quelques pays europens. La chimie de la connaissance
! Un autre ami, Fritjof Kapra, a crit non seulement au sujet du Tao de la Vie, mais galement
au sujet de la danse des innombrables nergies. Il l'appelle la danse de Shiva. Ainsi, quand
l'esprit est exempt des dsquilibres provoqus par la mmoire, alors il peut y avoir une
communion entre vous et moi. Si nous sommes enchans, si notre intelligence, notre
sensibilit est enchane la mmoire, alors videmment, la perception ne peut pas tre une
perception factuelle. Elle sera tordue, lgrement ou intensment. Une dformation dans la
perception aura comme consquence une raction tordue. Elle ne vous permettra pas de
"rpondre", parce que la rponse est quelque chose qui est exempte de raction. La rponse
est ne dans l'espace de la libert intrieure alors que les ractions sont les mouvements du
pass en vous. Vous tes programm ragir de certaines manires. Alors vous ne ragissez
pas ! Les ractions vous emploient pour s'exprimer elles-mmes. Voyez bien ceci, s'il vous
plat. Nous traitons de la physique de la conscience. La spiritualit traite de la physique de la
conscience. Car s'il y a la physique de la matire, il y a galement la physique de l'nergie. La
mditation ce n'est rien d'autre qu'harmoniser toutes les nergies, les exercer sans aucun
dsquilibre. Alors la vie devient harmonieuse. L'harmonie est le chant de la vie, lordre est
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son expression dans les relations relles, et l'amour en est son parfum.
Ainsi, ce matin nous avons regard ce sicle turbulent et violent, et nous avons vu comment il
y a eu des turbulences dans chaque domaine de la vie. Nous avons galement examin et
interrog la validit de tout. Cela avait t fait d'une manire crue par les Hippies et les
Beatles. Cette interrogation a t pose, non d'une si belle manire, par ceux qui exploraient la
libert sexuelle. Elle a t pose par la jeunesse de l'Europe pour consolider les forces de la
rationalit vers la fin des annes 60. Cette interrogation a t faite par mon ami Dubcek en
Tchcoslovaquie, remettant en cause l'autorit mme de l'empire communiste si puissant. Elle
a t galement faite par mon ami Lech Walesa en Pologne. Il est devenu le fondateur du
mouvement Solidarnosc. Cela a t une vritable question sacre, brisant les images
projetes, brisant les crans de l'hypocrisie. Ils ont de la chance ceux qui ont vcu le 20me
sicle. L'interrogation a t galement faite par Mikhal Gorbatchev, qui a parl de la
coexistence non-idologique des deux blocs. C'tait en 1987. C'est un sicle beau et trs
excitant, quand l'autorit de l'esprit a t interroge. On a dcouvert que chaque mouvement
mental est mcanique, que ce soit dans le domaine physique, psychologique ou soi-disant
spirituel.
Le mouvement mental est en lui-mme la projection du pass. Il ne devient pas plus pur ou
plus juste simplement parce qu'on l'oriente sur le soi-disant divin. L'esprit c'est le pass. On
peut ne jamais accder au prsent par le pass. C'est une dcouverte du 20me sicle. La
deuxime dcouverte cest qu'il n'y a pas d'esprit ou d'ego individuel. Il n'y a que des modles
crbraux, des modles de comportement neurochimiques introduits dans l'tre humain et
indfiniment rpts. Ces deux dcouvertes dans le domaine de la psychologie, ainsi que les
dcouvertes de la science et de la technologie nous obligeant vivre avec les ordinateurs, les
cerveaux lectroniques, tout cela nous a obligs nous interroger pour dcouvrir s'il y a
quelque chose de spcifique aux tres humains, en dehors des cerveaux programms et des
structures biologiques conditionnes. Y a-t-il quelque chose de plus? Y a-t-il quelque libert ?
Bien, le partage est sans fin. Mais l'horloge m'indique que nous devrions conclure la session
de ce matin. Vous m'avez donn une occasion de partager avec vous les perceptions les plus
secrtes et la comprhension la plus sacre. C'est comme partager la chair et le sang de la vie.
Ce ne sont pas des entretiens. Je ne suis pas une autorit pour donner des discours ou des
entretiens. Je partage avec des amis, et ce partage est mditation.
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CHAPITRE 4
QUESTIONS ET RPONSES
Question : Ce matin une observation trs fine a t faite : l'aspiration pour la libert sans
conditions existe en chaque personne. Elle est inne. Ainsi, il tait question que pour quelques
rares personnes cette aspiration fleurit et s'accomplit d'elle-mme parce que ce sont des
investigateurs trs srieux. Pour quelques autres l'aspiration n'est ni trs srieuse ni trs faible,
donc elle existe et ils en ont conscience. Dans la plupart des cas les personnes ne sont mme
pas conscientes qu'une telle aspiration puisse se trouver en eux. Comment expliquer cette
diffrence dans les diverses personnes ? Est-il possible d'intensifier cette aspiration
consciemment et de la transformer en un dsir immdiat et urgent pour la libert sans
conditions ? Il y avait galement une sous-question : Est-ce que le dsir pour la libert est un
dsir comme un autre ? Car n'est-il pas contradictoire qu'une telle aspiration existe pour la
libert alors qu'on dit souvent que tant qu'un dsir existe, la Vrit ne peut pas pntrer le
cerveau. Ainsi, mme le dsir pour la libert devrait-il tre abandonn l'tape finale. Cette
interprtation est-elle correcte ?
Vimalaji : La question formule par le groupe fait qu'il est ncessaire de regarder la nature
fondamentale de la Vie. Ce que nous appelons la Vie, la Vie cosmique, au niveau du
macrocosme, semble se dcouvrir sans cesse, indiquant ainsi son contenu sans fin. Le
mouvement de la Vie cosmique semble tre le mouvement d'une crativit inpuisable se
manifestant en diverses formes, modalits, objets. Nous sommes ns de cette crativit.
Nous ne sommes pas ns du pch ou dans le pch. Nous sommes ns dans le bonheur de la
crativit. Nous partageons l'nergie crative avec la Vie. Ainsi, quand il a t dit ce matin
que l'essence existentielle, au cur de notre tre, est l'aspiration pour la libert sans
conditions, on pourrait aussi dire l'amour ou la vrit sans conditions, on pourrait employer
d'autres mots galement, quand on a dit que l'aspiration est l au cur de notre tre, on a
voulu dire que la crativit, l'nergie crative a besoin de se dcouvrir, se rvler ou se
manifester elle-mme. La libert sans conditions est la nature de la Vie. La vrit est la nature
de la Vie. L'amour et la compassion sont la nature de la Vie. Tous sont des synonymes de la
crativit inpuisable de la Vie. Puisqu'elle est inpuisable, parce qu'elle s'accomplit en se
manifestant, dans ce pays les personnes sages d'autrefois ont employ le terme Divinit .
La Vie est la Divinit elle-mme, et au cur de notre tre est cette Divinit, voulant
s'exprimer sous forme de libert, d'amour et de compassion sans conditions. moins que cela
ne se produise, il n'y a pas de paix, cette paix invincible ou harmonie en nous-mmes.
Vous avez correctement remarqu que les gens ne sont mme pas conscients de cela. Les
personnes en Europe, en Amrique, en Australie ne sont pas conscientes de cela, parce
qu'elles ont t conditionnes croire que l'homme est n dans le pch, du pch, et que
l'humanit a besoin d'un rdempteur, d'un sauveur pour venir laver leurs pchs avec son
propre sang. Ainsi la conscience de cette nature essentielle ou essence existentielle n'est pas l
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dans les pays occidentaux. Je ne dirai pas la mme chose pour le Moyen-Orient ou les pays
Orientaux. C'tait l. Et mme en Inde, il y a encore deux sicles, mme l'illettr et le plus
pauvre des pauvres avait conscience de la Divinit de la Vie en lui et l'extrieur de lui. Cette
conscience a disparu au cours de ces deux derniers sicles o le systme ducatif occidental
s'est rpandu ici. La conscience de notre propre nature essentielle ou de l'essence de notre tre
doit tre rveille par l'ducation. Dans ce pays ils l'appelaient Sanskara. Qui suis-je, que
suis-je, qu'est-ce que la vie, qu'est-ce que la mort, qu'est-ce que ce mystre de la relation? Ces
questions ont t abordes dans les familles et les coles, pas dans la langue moderne de la
physique et de la psychologie, mais dans une langue trs simple. Mais il est vrai
qu'aujourd'hui, l'heure o nous sommes, la conscience a t recouverte par le culte du
matrialisme, le culte consumriste, le culte des plaisirs sensuels et psychologiques. Mais
cette essence tant l, il est possible, en fournissant une atmosphre approprie, la maison et
dans les coles, de rveiller cette conscience. Swami Vivekananda avait l'habitude de dire :
l'ducation est l pour la manifestation de la Divinit en dedans. C'est le but de l'ducation.
Maintenant, certains en sont conscients de temps en temps, ils s'en rendent mme compte,
mais cette aspiration ne devient pas un dsir intense et profond consumant leur tre entier.
Cela reste comme un vux pieux. Cela peut rester comme une ambition intellectuelle. Cela
peut aussi rester comme un dsir de thsauriser : vouloir acqurir, obtenir. Mais cela ne
devient pas la flamme d'un dsir ardent. Pourquoi en est-il ainsi ? Si une personne est
intellectuellement convaincue et comprend les implications de la mditation, de la
transmutation ou de la transformation, pourquoi cela ne devient-il pas un dsir ardent ? Nous
n'avons pas besoin d'aller voir trs profondment pour dcouvrir la cause, parce que la raison
est trs simple. Il n'y a pas la volont de payer le prix de la consommation de cette aspiration.
Si le dsir devient vraiment ardent et que l'on s'achemine en direction de la consommation de
ce dsir ardent, on a peur que le statu quo, social et conomique, soit boulevers. On
apprhende, parce que l'inconnaissable, l'incalculable, l'innommable crativit toute
imprgnante, ne peut pas tre commande, contrle, manipule par notre activit crbrale.
La pense ne peut pas la commander. La pense ne peut rien lui dicter, elle ne peut la
commander. Ainsi on a peur de l'avenir. Que m'arrivera-t-il si vraiment la mutation
psychologique a lieu et si ce contenu actuel de la conscience, la structure de la pense, ses
mouvements, ses sauvegardes, ses mcanismes de dfense, toutes ces valeurs disparaissent
jamais ? Que se produira-t-il ? Il n'y a pas de volont de laisser aller le connu moins que
l'inconnu et l'inconnaissable puissent tre reconnus sur une carte, prvus, tablis, autant
aujourd'hui que demain. Ainsi la rticence payer le prix de la croissance et de la floraison de
cette aspiration est le vritable obstacle.
Intellectuellement nous pouvons savoir que nos sens et nos organes sensoriels ne sont pas les
derniers critres de la vrit de ce que nous percevons. Les impressions que les sens nous
rapportent, les organes sensoriels, sont inachevs. Elles peuvent tre souilles par nos modes
et attitudes subjectifs. Nous savons tout cela, mais le contact sensuel avec le monde objectif,
avec le monde matriel nous donne une sensation de scurit. Nous aimons croire que ce que
nous voyons est l'absolue ralit. Nous aimons croire que sous le changement est quelque
chose d'inchangeable. Donc il y a une rticence se rconcilier avec les changements qui ont
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que le dsir, qui a activ l'nergie de l'aspiration soit seulement pour apprendre et dcouvrir la
nature de la vrit, alors pourquoi y aurait-il un mouvement vers l'extrieur, pourquoi y auraitil un mouvement thsauriseur ? Si vous devez devenir un diplm ou un universitaire
suprieur, alors vous devez vous livrer un mouvement de thsaurisation. Vous acqurez la
connaissance, vous acqurez des diplmes, vous passez par les concours et ainsi de suite.
Mais apprendre ne peut srement pas tre un mouvement thsaurisateur.
La Vrit toute pntrante est en moi et je suis entour par elle, elle est partout. Elle peut donc
tre dcouverte intrieurement. Ainsi, l'aspiration active devient un dsir, si c'est la seule
motivation de l'tude et de la dcouverte. La dcouverte personnelle de la Vrit est le
contenu de la religion. Le dsir d'apprendre et de dcouvrir par nous-mmes pourrait tre
l'issue, mais nous n'avons aucune patience, nous avons t forms acqurir. Nous avons lu
des livres pour l'acquisition, nous coutons des entretiens, nous rassemblons des ides, puis
nous choisissons, nous rejetons, nous comparons. Ainsi, savoir est plus important pour nous
que comprendre. Quand on est investi dans l'tude, alors il n'y a aucun stockage de
connaissances.
Puis-je passer quelques minutes sur le mot tude et voir comment il mne la dcouverte ?
Prenons le mot "silence". J'ai lu sur lui, j'ai entendu parler de lui. Mais maintenant comment
est-ce que j'apprends ? Verbalement, j'ai l'information, mais cette information n'est qu'une
connaissance thorique au sujet du silence. Elle n'a aucun lien direct avec lui. Il n'y a aucune
rencontre directe, aucun contact, aucune intimit avec le fait du silence. La description du
silence n'est pas le contenu du silence. La description n'est pas ce qui est dcrit, le mot n'est
pas la chose. Donc je me dis, bien, j'ai eu tellement de connaissances au sujet du silence,
maintenant je voudrais l'tudier. Je vais m'asseoir. Si le silence, au sujet duquel j'ai lu et
entendu, est la discontinuit du mouvement mental, je me donne une occasion pour que ce
mouvement mental en moi cesse. Laissez-moi lui donner une occasion. Vous ne pouvez pas
avoir une technique ou une mthodologie ou une formule pour rveiller le silence. Le silence
n'est pas le rsultat de ma volont ou de mon action. Ce n'est pas l'effet d'une cause. C'est peut
tre une dimension de la vie, comme le temps est une dimension de la vie. Peut tre que le
silence est une dimension de la vie. Peut tre que le bruit est une extension du silence. Donc
comment j'apprends ? Je mets de ct les livres, je mets de ct toute autorit et je consacre
un certain temps tre seul avec la Vie en moi et autour de moi. Permettez-lui de se produire.
Alors on va rencontrer le mouvement des penses, le mouvement de la mmoire, le
mouvement de l'imagination, les ides sur l'avenir, sur le pass. Je serai confront tout cela
mais je m'assieds l pour apprendre et dcouvrir. Alors, je ne serai pas dcourag par
l'exposition du contenu de moi-mme, la substance contenue dans ma conscience. Je m'assois,
me dtends et je laisse cette exposition avoir lieu.
Ainsi, l'tude exige un contact ou une rencontre intime avec le fait. Le mot n'est pas le fait. Le
mot "Dieu" n'est pas la Divinit. Le mot "Dieu" n'a en soi aucune saintet. Donc, quand on ne
permet pas la flamme du dsir de se dplacer vers l'extrieur, vers une ide, vers un objet,
vers une personne, elle s'exerce alors pour apprendre et dcouvrir, et, vu qu'il n'y a pas l de
dualit, vu qu'il n'y a pas l de mouvement thsauriseur, il n'y a aucune fatigue ni aucun
puisement. Restant au centre de notre tre, demeurant avec la flamme de ce dsir, on est
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transport dans une dimension de non-dualit, de non-division. Ainsi, le dsir comme nergie
allant vers les objets extrieurs devient source et cause de souffrance et de douleur, c'est lui
qui cre le rseau des esclavages. Mais l'nergie du dsir investie dans la perception intrieure
se trouve convertie en une envie irrpressible.
Vous savez, nous avons peur de la libert. Nous avons peur de la vrit, nous avons peur de la
libert, nous avons peur de la vie, nous avons peur de la mort. Et cette crainte a t inculque
en nous, elle a t seme en nous au nom de la religion, au nom de l'thique, de la morale, de
la scurit conomique et de la scurit psychologique.
Ainsi, intellectuellement nous voudrions tre libres. alors qu'motionnellement nous
continuons consolider et nourrir le rseau des esclavages. Pouvons-nous approfondir ce
point pendant quelques minutes ? J'ai vu que le mouvement mental est un mouvement
mcanique rptitif. J'ai vu que c'est un mouvement conditionn. J'ai vu que toute la
connaissance se compose de superbe concepts et d'ides greffs sur la perception. C'est notre
vie. J'ai vu le tout cela. Maintenant, aprs avoir vu tout ceci, est-ce que tous ces piges
disparaissent ? Si la naissance il y a de l'humanit en moi, alors l'Indianit, l'Hindouit, la
Christianit sont des conditionnements. Avons-nous la volont de vivre cette humanit nue et
d'entrer en rapport avec les autres tres humains en tant humains, sans prfrence et
prjugs ? Sommes-nous prts nous fonder sur cela, pour tre enracins dans cette pure
humanit de notre tre, pour tre en rapport avec les autres sur ce registre ? Le fait de dire
d'un cot que ce sont des conditionnements et de l'autre continuer d'employer ces prfrences
et prjugs comme scurit dans nos relations avec les autres, tout cela ne cre-t-il pas une
contradiction qui puise notre nergie, notre vitalit ?
Nous comprenons que l'unit de la famille est un bel arrangement existant dans la socit
humaine depuis d'incalculables sicles. Elle permet des tres humains d'avoir un dbouch
pour exprimer leur impulsion sexuelle, d'avoir cette proximit o le "je", le "moi" et le "mien"
peuvent se satisfaire harmonieusement. Pour apprendre, pour s'ajuster, pour s'adapter, pour
donner, pour prendre, c'est une disposition faite par la socit. Mais le fait d'tre le mari ou la
femme de, le pre ou la mre de, n'est pas la vrit absolue. C'est un rle qu'on a pris. Afin de
satisfaire diverses impulsions, l'environnement et les relations se sont installs. Comprenonsnous bien ceci ? Et pouvons-nous regarder les membres de notre famille comme des tres
humains ayant leurs propres personnalits, ayant besoin de libert, sans vouloir les dominer,
sans dpendre de eux ? Regardez mme les chercheurs qui ont soif de transformation, Mukti,
Moksha, Nirvana. Regardez les quand ils sont dans des liens de parent. La comprhension de
la vrit est mise de ct et nous permettons ces conditionnements de polluer nos
perceptions, de souiller nos rponses. Alors comment ce dsir de libert ou cette aspiration
pour la libert et pour la vrit, l'amour et la compassion, comment cela peut-il se
matrialiser, comment cela peut-il advenir, fleurir dans ces conditions? Non, nous disons que
nous nous librerons d'abord et qu'ensuite nous laisserons tomber tout cela. D'abord entrer
dans l'tat transform, puis cela se fera ensuite. Mais partir du moment o la comprhension
intellectuelle de la vrit a eu lieu, pourquoi crez-vous un dlai entre la comprhension et
l'action? C'est ce dlai spontan entre la perception de la vrit et le fait de vivre cette vrit
qui est le terreau de toute la souffrance.
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Il se trouve justement qu'aujourd'hui c'est l'anniversaire de la mort de Vinobaji avec qui j'ai
travaill troitement pendant dix annes. Quand il s'est rendu compte que son cur ne
fonctionnait pas correctement, son cur n'tait pas dans une trs bonne forme, il a appel les
membres de l'Ashram. Son frre Balkobaji et Dada Dharmadhikari se trouvaient donc tre
prsents. C'tait en 1982, le 15 novembre, lorsqu'il mourut. Mais une semaine avant cela, il
les a appels et il a dit en Marathi : J'ai consult les mdecins, mon cur ne peut pas
continuer longtemps. Donc partir d'aujourd'hui j'arrte de parler. Je ne toucherai mme pas
une goutte d'eau et je ne prononcerai plus un mot. Il a ralis l'approche de la mort, et il a
voulu se prparer pour l'vnement de la mort. Il n'a pas voulu tre tu. Il a voulu mourir.
Ainsi, aucune nourriture, aucune eau, aucun discours. Il m'a demande. Je voyageais quelque
part, et je dcommandai alors tous mes programmes, Je suis alle Pavnar. C'tait son
cinquime jour sans aucune eau ni aucune parole. Et ce jour de 1982, le matin, il dit, Rama,
Krishna, Hari et il partit. Il a dit, je pars. Voyez sa comprhension de la vrit et comment il
vivait cette vrit. Il a vcu glorieusement et a remis son corps la mort.
C'est ainsi qu'tait morte une autre personne appele Krishna Prem en 1965 Mirtola, dans
l'Uttar Vrindavana en Himalaya. C'tait cette faon de faire bon accueil la mort. C'tait
aussi ainsi que Socrate l'avait accueillie il y a des sicles, quand le poison lui fut donn, il a
commenc observer l'effet du poison dans son corps.
Dire verbalement que nous savons que la mort est une partie de la vie et que tout ce qui est n
meurt, est une chose, mais vouloir lui faire bon accueil quand les symptmes de son arrive
commencent se manifester est totalement autre chose. Savoir verbalement que la Divinit
imprgne tout et nous imprgne galement, c'est une chose, mais permettre cette Divinit
qui veut embrasser tous et chacun dans l'amour et la compassion, permettre toutes les
frontires et cltures faites par l'homme d'tre dmanteles, permettre la vrit de
dmanteler les structures que nous avons bties autour de nous-mmes, c'est une autre
histoire. Aprs avoir vu le faux en tant que faux, nous ne laissons pas tomber le faux. Nous
nous y accrochons. C'est pourquoi, bien que l'aspiration soit potentiellement l, comme
essence de la Vie dans chaque tre humain, l'humanit a jusqu' prsent systmatiquement
accumul des blocages, de beaux obstacles sur le chemin, pour que cela ne se produise pas.
Pour finir, Monsieur, on nous a dit depuis des milliers d'annes que nous avons besoin d'un
Guru ou d'un Matre. On nous a dit qu' moins que vous ne vous rendiez auprs d'un Guru, ou
d'un Matre, aucun Matre ou Guru ne pourra provoquer votre mancipation. On nous a dit
que ce n'est pas quelque chose qui peut nous arriver, mais quelque chose qui sera provoqu
par la grce d'un Guru. D'o cette ide que c'est le privilge d'un petit nombre d'tre libre et
de provoquer la libert d'autres personnes, les lus, c'est cette ide qui cra galement bien des
inhibitions chez nous. Comment est-ce que je puis tre libre ? Cela pourrait-il m'arriver moi
? C'est l'autorit de cette ide qui cra un genre d'incapacit psychologique.
Avez-vous vu des personnes handicapes physiques ? Mais pour la plupart d'entre nous, nous
ne nous rendons pas compte que nous sommes des handicaps psychiques. Ainsi nous
pensons que la libert sans conditions, Mukti, Moksha, c'est quelque chose que nous ne
pouvons qu'implorer. Nous devrions aspirer elle, et quelqu'un d'autre nous la donnerait, nous
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guidant vers elle. Ainsi nous pensons que la grce est exige. L'autorit de l'ide de grce ne
produit pas ncessairement l'humilit vritable, mais elle produit la faiblesse et la dpendance.
Voyez bien cela s'il vous plat, c'est la substance de notre vie qui nous incite courir d'un
professeur l'autre, d'une thorie un dogme, d'une mthodologie une technique. Nous
sommes la recherche des techniques, des mthodes, des matres qui nous l'apporteront. Nous
ne voyons pas que la perception de la Vrit elle-mme nous rend libres. La Libert n'est pas
le rsultat ou la rcompense d'une action. C'est le parfum de la comprhension, moins que
vous n'crasiez la comprhension au nom des traditions, des thories et des dogmes. Ainsi il
me semble qu'tre une lumire pour soi-mme, vivre la lumire de sa propre comprhension,
aussi petite que soit cette comprhension, c'est la seule manire pour que se ralise cette
aspiration.
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CHAPITRE 5
UN MODE DE VIE ALTERNATIF
Je me demande combien d'entre nous sont srieusement intresss par l'acte de vivre, par la
qualit de notre conscience manifeste dans cet acte, la qualit de nos relations avec la nature
et avec nos semblables, les tres humains aussi bien que non-humains. Si vous n'tes pas
intress par la qualit de la conscience manifeste dans la vie, alors peut-tre que cette
conversation n'aura pas beaucoup d'importance pour votre vie quotidienne.
Si nous sommes seulement intresss pour provoquer un changement compartiment et partiel
de notre comportement, si nous sommes seulement intresss pour reformer ici et l notre
faon de nous comporter parce que notre comportement actuel ne nous rapporte pas ce que
nous voulons comme consquences dsires ou rsultats, alors ces discussions n'auront pas
beaucoup d'importance pour notre vie quotidienne. Il est question ici d'une rvolution
qualitative fondamentale dans le contenu de la conscience, dans la qualit de la conscience, et
dans la dynamique des relations humaines.
Ainsi, esprons que nous sommes srieusement intresss par ce qui vit et ce qui meurt, par ce
qu'est la mditation, par ce qu'est la mutation. J'espre que nous nous rendons compte que la
vie est un mouvement tout comme la marche est un mouvement. Vous ne serez plus au mme
endroit si vous avez march pendant une heure, une demi-heure ou mme quelques minutes.
La marche est un mouvement holistique. Physiquement vous vous tes holistiquement loign
de l'endroit o vous tiez. Vous ne pouvez pas tre deux endroits simultanment. Ainsi, la
marche vous loigne du point o vous tiez. De la mme manire, dans la mutation il y a un
mouvement holistique du contenu de la conscience, de la qualit de votre mouvement dans les
relations, dans vos attitudes, dans vos approches. Ce n'est pas l'assimilation intellectuelle de
nouvelles ides. La spiritualit est une science de la vie. Elle n'implique pas seulement un
mouvement crbral et mental, mais elle implique la vie entire. Vos relations votre rgime,
votre corps, au sommeil, votre verbalisation, tout. L'engagement intellectuel dans une
idologie ou dans un mode de comportement n'est srement pas le contenu d'une vie
religieuse ou spirituelle.
Rforme et rvolution
Puissions-nous nous rendre compte de la diffrence entre une rforme et une rvolution. La
religion est une rvolution holistique. La spiritualit est une rvolution holistique. Elle n'a pas
de contenu motionnel, pas d'attachement des personnes ou des thories, des modles, il
n'y a pas se conformer intellectuellement quelque idologie, thorie ou conclusion. Tout
cela n'est que processus juvnile. Ainsi, en tant qu'tres humains adultes et responsables,
regardons le thme que vous avez pris, d'un angle lgrement diffrent ce matin.
Nous irons autour du thme, faisant Pradakshina , sondant, creusant, explorant, de sorte
que l'interrogation amne des solutions. Les solutions ne sont pas toutes faites. Elles ne sont
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pas stockes dans un certain livre ou un certain cerveau. Les solutions sont les consquences
d'essais et d'interaction alerte avec les dfis de la vie.
Nous ne sommes pas les premiers nous interroger, nous enqurir ou explorer. La race
humaine, aprs avoir dpass le tribalisme et aprs avoir tabli une socit humaine, a cherch
des manires d'en finir avec les souffrances psychiques et physiques, la famine et la douleur.
Dans cette recherche, la race humaine a dvelopp des religions organises et
institutionnalises, des techniques, des mthodes, des recettes pour contrler la misre, la
douleur, en disciplinant le corps, le cerveau, l'esprit. Les diffrentes manires de faire se sont
dveloppes au Japon, en Chine, au Tibet, en Inde, au Moyen-Orient, dans les pays
catholiques et ainsi de suite. Mais cela ne nous a pas aid, nous l'espce humaine, en finir
avec la douleur et la souffrance psychique. Le mouvement des relations a t crateur de
tensions. Il a produit des conflits et des tensions intrieurs. Tous nos efforts pour thoriser au
sujet du plaisir, du bonheur ou de la batitude se sont rvls simplement futiles. La race
humaine est pratiquement aussi violente qu'elle l'tait l'ge du tribalisme. Elle est avide,
lascive, mesquine. Ainsi, l'agressivit, la violence, la haine, les carnages continuent-ils dans
les groupes organiss mais galement chez les personnes isoles non-organises. Les
manuvres et manipulations pour les petits intrts gocentriques, utilisant l'argent ou la
puissance pour l'exploitation des autres, tout ceci continue. Nous pouvons nous tourner vers
tous les pays, y compris l'Inde et nous constatons que la race humaine gmit, mme dans la
richesse, malheureuse l'intrieur, mme dans la richesse. Ainsi, la question d'en finir avec la
misre psychique et la souffrance au beau milieu des relations, au beau milieu de la vie socioconomique, est le nud de la question. C'est le nud de notre thme.
Donc, regardons les faits de notre soi-disant vie. Sommes-nous si srs que nous sommes
vivants et que nous vivons, je me demande seulement si nous vivons ! Par exemple, nous nous
levons le matin et nous nettoyons le corps, puis nous prenons le petit djeuner. Veuillez voir,
ces actes ne sont-ils pas accomplis la lgre, ngligemment. Nous les identifions, ceci est la
manire Gujarati de les faire, la manire Marathi de les faire, la manire Hindoue de les faire,
la manire Brahmine de les faire. Est-ce que nous ne suivons pas un code de conduite
introduit en nous et donc de faon inattentive, lors du nettoyage des dents, du bain ou du
repas ? La relation n'est pas l, parce qu'on agit en suivant des habitudes qui sont graves dans
les cellules de notre cerveau, dans notre mmoire.
Le pass se projette lui-mme
Ainsi, c'est le pass qui agit. Le pass nous emploie, vous et moi, pour se projeter au niveau
sensuel, au niveau verbal, au niveau mental. Quand nous parlons, quand nous parlons les uns
avec les autres, nous rendons-nous compte de la manire dont nous parlons ? Nous rendonsnous compte de la faon dont nous employons les mots, l'intonation, l'accent, la
prononciation, l'attaque, le volume de la voix ? Ou jetons-nous autour de nous des mots,
partir des traditions familiales, des traditions de notre caste, des traditions de notre
communaut ? Nous rendons-nous compte de ce que nous voulons dire, nous ? Les mots que
nous mettons sont-ils en harmonie et compatibles avec l'intention intrieure ? Sont-ils en
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harmonie avec nos actes, ceux qui s'expriment au niveau sensible ? Ou n'y a-t-il aucune
cohrence, aucune harmonie, aucune relation entre la motivation et l'expression, et entre
l'expression et l'action ? Si nous observons comment cela s'est pass tout au long de la
journe, nous verrons que dans le mouvement des relations, c'est seulement le pass qui se
projette par nous.
Nous avons des motivations. Nous avons t levs de telle manire que les codes de
conduite, les valeurs, mme les motivations, les mcanismes de dfense, tout cela a t
inculqu en nous, introduit dans notre systme. Nous avons accept tout cela. Ainsi, quand
nous rencontrons une autre personne, nous avons certaines motivations, nous faisons certains
calculs. Les relations deviennent des lieux de ngociation, de manipulation, l'occasion de
manuvrer des tres humains. Alors videmment, aucune relation ne se produit. Aucune
relation n'a lieu. Nous nous protgeons les uns des autres, nous ne nous rencontrons pas. C'est
un genre d'attitude dfensive, un principe de prcaution. Il n'y a l aucune spontanit, aucune
franchise, aucune rceptivit, parce que nos parents et nos professeurs nous ont dit : Sois sur
tes gardes, les gens peuvent tricher, ils peuvent te tromper. Ainsi, mme avant de se
rencontrer et d'inter agir, la crainte est l. Donc quand vous rencontrez une personne vous
prenez d'emble une position votre avantage. Cela se produit mme avec les proches. Est-ce
cela vivre ? Nous pouvons observer ce qui se produit dans tous les domaines, et nous verrons
que tout le temps, c'est le pass qui se projette. Les motivations c'est le pass, une projection
du pass.
Raction et rponse
Maintenant regardons les ractions. Nous ragissons au lieu de rpondre. Ds que l'autre dit
ou fait quelque chose, le mcanisme de dfense est en alerte, et ce qu'on nous a dit, ce que
nous avons lu et ce que nous avons entendu, monte en nous et nous ragissons aux mots, aux
gestes, plutt qu' la situation globale.
La rponse est la situation globale. Elle est ne d'une conscience de la situation toute entire,
celle qui nous a runis. La raction est une rplique gocentrique au comportement de l'autre.
Cette raction peut, mme trs modrment, trs habilement contenir la vengeance. Ainsi, la
raction rplique, se venge mme parfois, esquivant souvent la question, le dfi. La rponse
est ne de la conscience de la situation toute entire. Donc, ignorant la mauvaise conduite ou
le dsquilibre dans les expressions de l'autre personne, vous concentrez vos nergies sur la
chose, le mot, le travail, le dfi qui vous a runi, vous et l'autre personne, et vous rpondez
cela. La raction est partielle. elle est ne d'une partie de vous, mais la rponse est le
mouvement de votre tre tout entier, de votre vigilance, de votre attention. Ainsi, les
motivations, les calculs, les ngociations, qui sont les projections du pass, le plus souvent
aboutissent des ractions, qui sont galement un mouvement du pass.
Donc, quand rencontrons-nous le prsent ? La Vie est une communion avec le prsent
intemporel. La Vie est une communion avec l'ternit qui apparat dans le soi-disant prsent.
moins qu'il y ait une communion avec cela, le prsent intemporel qui est ternit, comment
pouvons-nous dire que nous vivons ? Nous sommes seulement des instruments, des
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instruments humains pour projeter et perptuer le pass. C'est une vie d'occasion. Ce n'est pas
une vie personnelle de premire main. Et videmment, une telle vie de seconde main, une
telle projection, une telle rptition, cause une usure norme dans le systme nerveux, dans le
cerveau. La personne est toujours fatigue. Au lieu d'tre rgnre par la rtroaction
renvoye par le prsent, nous sommes fatigus. Le mouvement des relations, qui est le
contenu de la vie, nous fatigue. C'est le ct pathtique de notre vie. S'il vous plat, voyez
avec moi, le contenu brut et douloureux de notre vie quotidienne. Cette attitude dfensive
produit des soupons. Nous sommes mfiants les uns envers les autres. Nous avons des doutes
mme avec le meilleur de nos amis. Nous avons peur de la trahison. Nous avons peur des
personnes qui nous quittent. Nous avons non seulement peur de perdre de l'argent et du
pouvoir, mais encore plus que nos relations deviennent amres cause des soupons, des
doutes et des craintes que nous avons au sujet des autres.
Si vous allez chez une personne, soi-disant sainte ou religieuse, et dites, Comment faire
pour commander ma colre ? Elle vous dit, Chantez cette incantation (ce mantra), dix
fois, puis la colre sera contrle. Sommes-nous intresss par cela ? Je suis une personne
trs lascive et je demande : Comment puis-je cultiver le clibat ? Alors certaines
techniques sont donnes pour contrler l'nergie sexuelle, et nous sommes satisfaits de ces
techniques et de cet tat de clibat artificiel. Nous ne nous dveloppons pas de faon
holistique, mais nous satisfaisons de rsultats et de changements partiels. Cette satisfaction
avec des changements provisoires, cette satisfaction prouve lors de l'volution des codes de
conduite et de comportement, prouve lors de ces changements obtenus avec des techniques
et des mthodes, cette satisfaction vous empche d'prouver le besoin d'une libert totale et
sans conditions. La libert totale et sans conditions, l'amour et la compassion sans conditions,
la vitalit sans conditions et la passion de vivre, nous chappent parce qu'elles exigent une
transmutation, une transformation drastique, radicale, holistique de notre comportement
sensoriel, de notre expression verbale, des faons de penser et des rponses donnes aussi
bien l'intrieur qu' l'extrieur.
Comment nos propres conditionnements sont-ils crs ?
Regardons maintenant la manire dont nous vivons quotidiennement. D'un ct, nous
acceptons d'tre pris en otages par le pass, et de l'autre, nous continuons crer des
conditionnements. Nous continuons nous conditionner. Nous continuons nous limiter,
nous conditionner, nous polluer, crant ainsi une nouvelle projection (Prarabdham), un
nouveau destin pour nous-mmes.
Comment faisons-nous cela ? Voyez cette drle et trs trange manire dont nous le faisons.
Nous nous rencontrons et quelque chose nous fait mal. On peut tre bless par des mots
dsagrables ou perus comme insultants. Donc, il est trs naturel de se sentir mal suite un
tel comportement. Mais, le mot a t dit, la phrase a t dite, et cette expression a eu lieu en
une fraction de seconde. Elle est termine. Mon observation du mal ressenti est galement
enregistre en un instant, je ne le laisse pas s'en aller. Je convertis ce qui est arriv,
l'vnement, en exprience, je l'value et forme un jugement de valeur au sujet de l'autre
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personne, tout ceci est converti en mmoire. Ainsi, le rsidu de cette interaction douloureuse
reste.
Quelqu'un est flatteur, fait des loges. Il est trs naturel et sain de se sentir heureux son
gard, comme vous aviez ressenti la douleur propos de l'autre. Nous ne sommes pas des
rochers et des pierres pour ne pas sentir ces sensations de plaisir ou de douleur. Mais aprs
avoir vcu le plaisir compltement, je convertis l'exprience en mmoire, encore un rsidu.
Ainsi, la prochaine fois que nous nous retrouvons, j'ai un prjug, un genre de retrait
psychologique envers la premire personne, et pour la seconde, je joue la franchise et la
rceptivit. Je chercherais mme la compagnie de cette personne qui m'a flicit ou flatt.
Donc, partir de ce rsidu, la substance de la mmoire, attirance et aversions se dveloppent.
J'aime telle personne, je dteste telle personne. Ce n'est pas un fait. Le plaisir et la douleur eux
sont les ralits de la vie ressentie. Ils sont invitables, et il n'est pas mme souhaitable de les
viter. Ils sont la richesse de la vie. Mais nous crons des gots et des dgots. Ceci ne se
produit pas qu'avec une personne, mais avec toutes les personnes que vous tes amens
rencontrer. La civilisation, soi-disant moderne, industrialise, oriente vers la technologie,
oblige les personnes vivre sur beaucoup de plans diffrents simultanment. Le pre de
famille, la personne religieuse, la personne conomique, la personne politique, sont obligs
d'avoir des contacts, des contacts d'affaires professionnelles, des contacts religieux et ainsi de
suite. Ainsi, la fin de la journe, la psych est trs lourde. Elle est charge de tout ces
rsidus, des conditionnements. Ils sont quotidiennement convertis en gots, aversions, puis en
prfrences et prjugs, puis en attachements et haines.
Voyez, comment l'acte de la vie commence nous conditionner, parce que nous ne savons pas
vivre. Ainsi, pris comme victime par le pass, nous crons un rseau de conditionnements
dans lequel nous nous emptrons chaque jour que nous vivons. Que l'on ait 50 ou 60 ans, il y
a ce lourd rseau des prfrences, des prjugs, des attachements et des haines. Est-ce cela
vivre ? Nous sommes facilement satisfaits de tout ceci. Nous sommes satisfaits par les
techniques et les mthodes de manipulation, utilisant et exploitant les gens de sorte qu'ils ne
s'en aperoivent mme pas. Nous ne nous occupons pas de ce que nous sommes et de ce que
nous faisons pendant toute la journe : les calculs, les ngociations, les manipulations,
manuvrant nous-mmes et les autres. C'est seulement si nous ne sommes pas satisfaits de
cette vie, qu'alors la question de la mditation ou de la mutation devient pertinente.
Autrement, ce n'est qu'un exercice intellectuel pour un petit nombre de privilgis, ou un
divertissement motionnel pour ceux qui sont d'une nature sophistique.
Un mode de vie alternatif
Maintenant supposons que nous ne soyons pas satisfaits, alors la mditation est un mode de
vie alternatif. La spiritualit est une culture humaine alternative base sur l'harmonie, base
sur l'ordre. Ainsi, supposer que nous soyons vraiment, vritablement intresss par un mode
de vie alternatif, comment nous duquons-nous pour ce mode de vie alternatif ? Pas en
acceptant les enseignements de Ramakrishna, Ramana Maharshi, Krishnamurti ou de tous les
x, y ou z comme des idologies, pas non plus en essayant de se conformer certaines
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traditions, qu'elles soient vieilles, nouvelles ou ultra modernes, pas non plus en adoptant de
nouveaux modes de comportement, mais en essayant de dcouvrir par nous-mmes s'il y a un
mode de vie alternatif. Que se produira-t-il si nous ne sommes pas dsinvoltes et ngligents
face chaque mouvement de notre vie ? Supposons que nous soyons vigilants et attentifs,
lorsque nous nous brossons les dents ou prenons un bain, lorsque nous prenons un repas,
parlons un ami, lorsque nous nous occupons d'une vache ou d'un cheval, lorsque nous
dactylographions une lettre pour rpondre un client. Qu'arrivera la qualit de la conscience
s'il y a vigilance et attention ? Quand nous agissons partir de l'habitude, nous ne sommes pas
attentifs. C'est une activit mcanique automatique. Nous parlons notre mari, notre pouse,
nos enfants partir de l'habitude, partir de la tradition. Il est trs difficile d'en arriver des
relations de premire main en particulier avec le mari, l'pouse et les enfants, c'est trs rare
d'en arriver l. Ils sont tous les objets de la conservation et de la projection du pass, ils ne
sont pas lis au prsent dynamique.
Ainsi, que se produira-t-il si je suis vigilant et attentif ? Je n'ai besoin d'aucune habitude, Je
n'ai besoin d'aucune rptition. Je suis vigilant et attentif. Donc, je porte toute mon attention,
toute ma sensibilit dans tout ce que je fais. C'est une science exprimentale. Il n'est
aucunement question d'tre en accord ou en dsaccord avec ce qui est dit. Si on est vigilant et
attentif ds le moment o l'on s'veille jusqu'au moment o l'on va dormir, qu'est-ce que cette
attention et cette vigilance feront la qualit de ma conscience ? videmment, les modles de
mmoires et d'habitudes, le pass, ne seront pas ncessaires. Il n'est aucunement ncessaire de
se rapporter au pass. La vigilance, l'attention vous mettent en communion avec le prsent.
Vous regardez la personne, vous coutez la personne. Vous n'coutez pas vos propres
ractions, motions, attitudes et approches. Maintenant comment est-ce que je rponds ce
qui est dit ? Les relations ne sont plus alors un champ de bataille. Rencontrer l'autre ou vivre
avec l'autre n'est plus un combat. Ainsi, quand il y a vigilance et attention, alors il n'y a plus
d'attitude dsinvolte, de mesquinerie, de duret, parce que vous respectez la vie. Vous
respectez chaque expression de la vie.
Nous avons eu un ami trs prcieux en Europe, Albert Schweitzer, il est all en Afrique.
Certains de nos amis sont galement alls l et ont travaill avec lui. Un jour nous lui avions
demand : Albert, quelle est votre religion ? C'tait une personne fantastique, intressante,
bouillonnante d'humilit et amicale. Alors il a dit : Le respect de la Vie est ma religion. Si
vous avez du respect pour la Vie, si vous tes reconnaissant la Vie d'tre vivant, de
rencontrer des personnes, d'inter agir les uns avec les autres, de relever des dfis, si cette
reconnaissance est l, vous ne serez jamais dsinvoltes, vous ne ferez rien minablement,
ngligemment ou durement, que vous attachiez les lacets de vos chaussures ou que vous vous
peigniez les cheveux. Cette reconnaissance, cette humilit, cette vnration, rvolutionnent
vos attitudes et votre faon de voir en mme temps que votre comportement.
Si on est vigilant, sensible et attentif, quoi qu'on fasse, alors la rfrence au pass devient
inutile. Dans cette vigilance, dans cette sensibilit, dans cette attention, l'intelligence
commence fonctionner parce que vous n'tes pas alourdis par le pass, les motivations, les
calculs, les normes, les jugements de valeur. Vous n'tes alourdis par rien. Il y a de l'espace,
ce libre espace intrieur dans la conscience et l'intelligence, l'intelligence organique est
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active ; elle avait t balaye intentionnellement ou simplement occulte par le poids des
habitudes, le pass, la structure de la pense. Maintenant, vous regardez les personnes d'une
manire tout fait frache. Vous n'tes pas crass sous le poids des mouvements de la
pense. La vigilance, l'attention vous ragaillardit. C'est seulement dans cette fracheur qu'il y a
une communion avec le prsent. Vos perceptions ne sont plus pollues, dformes, tordues.
Vous pouvez voir le fait comme il est, vous pouvez couter votre ami, votre pouse, votre
mari, couter leurs mots, sans y mlanger vos positionnements, votre point de vue et vos
jugements de valeur. Vous savez, nous crons habituellement beaucoup de dsordre partir
de toutes ces petites choses de la vie.
Un sens de la ralisation ne laisse aucun rsidu
Quand l'attention et la vigilance sont l, la communion avec ce qui est, la communion
instantane avec la ralit de la vie, vous donne un sentiment de ralisation. Nous parlons d'un
mode de vie alternatif. Le mouvement mme de l'action, exprimant votre attention, exprimant
votre sensibilit et votre reconnaissance envers la vie, vous donne un sentiment de ralisation,
mme si l'interaction avec des dfis de la vie, avec les personnes, cause la douleur ou le
plaisir, si elle cause l'honneur ou l'humiliation, si elle apporte le succs ou l'chec en termes
de valeurs sociales. Il y a un sentiment de ralisation dans le plus vivant de nous-mmes.
L'acte de vivre, l'acte de rpondre, l'acte de relever les dfis, tout cela donne un norme
sentiment de ralisation. Vous savez, c'est une bndiction d'tre vivant. C'est une bndiction
d'avoir l'occasion de vivre, de voir, d'entendre, d'interagir les uns sur les autres. Quand il y a
ce sentiment de ralisation au cur la vie, indpendamment des consquences de l'action ou
de l'interaction, en termes de succs ou chec, richesse ou pauvret, alors cette ralisation
reprsente un vnement vraiment fantastique. Ce sentiment de ralisation n'a aucun rsidu
porter l'actif de notre mmoire. Vous avez vcu et vous tes mort. Le sentiment de
ralisation est la mort.
Ainsi, vous avez vcu et vous tes mort la douleur, au plaisir. L, il ne reste aucune
mmoire projeter vers le moment suivant, le prochain mouvement. Ainsi, l'vnement ayant
eu lieu un moment "T" de votre temps psychique, il ne projette pas son ombre sur le
moment suivant. Ce qui se produit pour nous habituellement, c'est que quelqu'un nous dit
quelque chose le matin et la journe entire est gche. Nous tranons avec nous la mmoire,
nous la portons de la maison au bureau, du bureau la maison, dans le train, dans l'autobus,
dans la voiture. Quelque chose qui nous ennuie, nous irrite, nous drange, a lieu. Les tres
humains ne sont pas fabriqus sur notre commande. Ils sont ce qu'ils sont. Il y a une varit
innombrable de tempraments, d'innombrables particularits, physiques et psychologiques.
Donc, quelque chose se produit et nous le portons la mmoire, nous en prenons soin, nous le
stockons dans la mmoire. Dans un mode de vie alternatif, l'occasion mme de vivre et
d'interagir l'un sur l'autre, l'occasion de manifester votre attention, votre intelligence
organique, votre sensibilit, tout cela donne un sentiment de ralisation. Puis c'est fini.
Ainsi, c'est aprs l'avoir vcu que je partage cela avec vous. Ce n'est pas une thorie. C'est un
mode de vie trs pragmatique et pratique qui vous garde de l'encrassement. La salet de la
mmoire, l'encombrement d'un grand nombre de souvenirs rend la conscience plutt laide.
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Mais cette manire alternative de vivre la maintient propre. Cette propret intrieure s'appelle
l'innocence. Il n'y a rien dfendre, rien projeter. Donc il y a l'extase de l'innocence
contenue dans la propret intrieure, quand les actes de votre vie ne laissent pas de cicatrices
dans la mmoire. La conscience n'a aucune cicatrice en mmoire. Elle est propre et frache.
Il n'est pas ncessaire que j'explique qu'au niveau fonctionnel, quand vous devez agir en tant
que membre de la socit, que ce soit en qualit d'agriculteur, de mcanicien, d'industriel ou
d'homme d'affaires, il est absolument indispensable d'avoir une mmoire fonctionnelle, cette
acuit du cerveau qui est la capacit d'employer les connaissances et l'exprience passe.
Nous devons distinguer le fonctionnel du psychique. C'est la partie psychologique de la
mmoire qui nous puise. C'est la partie psychologique de la vie qui cause souffrances et
douleur, et ceux parmi vous qui ont tudi les Yoga Sutras de Patanjali ont pu comprendre ce
fait. Au moins avez-vous pu voir le sutra : Klesha Nivritti Kaivalyam . Il n'y a aucune autre
dfinition de Klesha Mukti, l'mancipation, la transformation des Klesha. Klesha Mukti c'est
Klesha Nivritti. La libration de la douleur psychique, de la souffrance. La douleur physique,
la souffrance physique, la maladie physique, ce sont des parties invitables de la vie, mais la
douleur et la souffrance physiques n'ont pas besoin de causer la douleur et la souffrance
psychiques.
Douleur psychique et douleur physique
J'ai partag avec beaucoup de groupes un vnement trs significatif et percutant de la vie de
J. Krishnamurti. C'tait 1982 Ojai, en Californie. Krishnamurti avait sa session de dialogue
le matin. Peut tre avait-il parl de la fin de la souffrance et de la douleur. Ds que son
allocution fut termine, une personne dans l'assemble s'est leve. Elle a dit, Krishnaji, vous
parlez trs bien de la fin de la souffrance, de ceci et de cela. Je suis en train de mourir du
cancer. Comment mettre fin ma douleur ? Et Krishnamurti l'a regard et lui a dit :
Monsieur, vous ne mourez pas, vous tes debout. Asseyez-vous s'il vous plat Cette
rponse peut sembler trs dure certains. Mais ce n'tait pas une rponse dure. Il dit :
Actuellement vous tes debout, vous vous asseyez. Et le cancer est dans le corps. Il doit tre
trait. Il n'y a pas besoin d'auto apitoiement. Il n'est pas ncessaire d'veiller la piti des
autres. Si c'est une maladie irrversible alors la fin est proche. Rencontrez-la, rencontrez-la
comme un homme.
C''tait sa manire de secouer les gens, les tenant par les paules, les rveillant de leur
somnolence, de leur passivit, les rveillant la ralit de la vie. Et cette mme personne,
J.Krishnamurti, souffrant d'un cancer du foie et du pancras, tait dans un hpital Los
Angeles, quelques jours avant sa sparation finale de la plante. Et il avait une douleur
indescriptible dans le corps. Donc le docteur lui a dit : Krishnaji, svp permettez- nous de
vous donner un calmant. Prenez le svp. Et Krishnaji a regard le docteur et dit : Monsieur,
la douleur ne fait-elle pas partie de la vie ? Vivons avec elle. Voyez-vous ce qu'est la vie ? La
douleur n'est-elle pas partie intgrante de la vie, Monsieur ? Traversons la.
La Vie exige de l'audace autant que de la vnration pour la Vie. L'audace est exige pour
relever le dfi, pour ne pas l'esquiver.
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CHAPITRE 6
QUESTION ET REPONSE
Question : On a observ que si une personne est vigilante, attentive et sensible dans le
prsent, vivant dans le prsent, alors cette personne ne sera pas victime du pass et rien dans
la relation ou les effets des relations ne laissera de rsidu.
Il y a deux questions : Une au sujet du pass et une au sujet de l'avenir. Mme si une personne
est attentive, vigilante, sensible, elle a toujours des rsidus de ses expriences antrieures.
Dans la relation elle rencontre une personne, et la mmoire prcdente est l'origine d'une
raction. Maintenant il y a trois ou quatre manires dont ces ractions seront manifestes ou
non. La plupart d'entre nous sommes inattentifs, non alertes. Ainsi, la raction se manifeste
certainement et laisse encore un rsidu. Maintenant, supposez qu'une personne soit vigilante
et attentive, elle sait que cette raction a surgi ou est en train de surgir. En voyant cet homme,
ou en tant encore en relation avec cette personne, la raction, le rsidu, est si fort, que malgr
sa conscience que ceci ne devrait pas se produire, la raction se manifeste et alors il y a regret,
culpabilit. Ces nouveaux rsidus s'accumulent encore.
Maintenant une autre personne qui a expriment davantage, comme vous l'avez si bien dit,
vivant cette vie dans le prsent, elle est consciente du fait que cette raction a surgi mais elle
n'admet pas que la raction se manifeste, ce qui signifie que cette raction est l mais qu'elle
est supprime. Cette suppression demeurera galement comme un rsidu. Maintenant nous
comprenons que dans le cas d'une personne qui est vraiment trs attentive, vigilante et
sensible, mme lorsque la mmoire passe stimule sa raction, elle soit si attentive qu'il n'y a
aucune suppression, mais qu'elle observe la raction surgissant dans sa psych et puis, en
raison de son attention, de sa vigilance, la raction retombe d'elle-mme sans aucune
suppression. Est-ce que ceci se produit ? Est-ce la faon dont le pass ne nous prend pas pour
victime si nous sommes assez vigilants et attentifs ? C'est la premire question.
La deuxime question se rapporte galement une telle personne qui est vigilante et attentive.
Un vnement a lieu dans ses relations. De cet vnement ressort un sentiment de douleur ou
de plaisir. Maintenant la question est : Le cerveau enregistre-t-il l'vnement, parce qu'alors il
restera dans la mmoire ? Le cerveau enregistre-t-il galement les consquences
psychologiques de cet vnement ? Si cet enregistrement, mme des consquences
psychologiques, a lieu, alors les vnements et les effets sont tous deux l dans la mmoire.
Mais la piqre ne sera-t-elle pas prsente, de sorte que la mmoire ne stimule aucune raction
l'avenir ? Que se produit-il ?
Vimalaji : On se dveloppe dans l'tat de vigilance et d'attention. Commenons par l. Quand
vous aimez quelque chose, disons que vous aimiez la musique ou jouer au cricket ou au
tennis, alors la vigilance est l sans effort. La rceptivit sensible est l sans avoir besoin de
faire un effort conscient. Si vous aimez nager, alors pendant cette priode d'interaction avec
de l'eau de la rivire ou de l'ocan, il y a de l'attention et de la vigilance sans aucun effort de
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volont, sans aucun effort conscient. Ainsi il semble, n'est-ce pas, que s'il y a amour de la vie,
amour pour le mouvement de la vie, alors la vigilance et l'attention pourraient tre l sans
faire aucun effort conscient. Deuximement, l'attention, la sensibilit, la vigilance, exigent
que dans nos relations au corps et la manire dont nous rpondons aux besoins du corps
nous soyons scientifiques. Si nous suralimentons ou sous-alimentons le corps, si nous
permettons au corps de dormir trop longtemps ou pas assez, si nous ne fournissons pas au
corps l'exercice qui lui est ncessaire tous les niveaux : musculaire, glandulaire ou
neurologique et bien d'autres, si nous n'oxygnons pas le sang par le Pranayama ou quelques
exercices de respiration, alors le corps et ses organes, les systmes autonomes l'intrieur du
corps deviennent lents. Ils deviennent lents non seulement dans la vieillesse, ils peuvent
devenir trs lents mme dans la prime jeunesse. Si nous ne vivons pas scientifiquement, si
nous vivons seulement en suivant les traditions avec crdulit ou si nous vivons
ngligemment, si nous nous livrons avec excs aux plaisirs sensuels ou plaisir sexuel, alors les
systmes autonomes l'intrieur du corps commencent se rigidifier. La rigidit, la rigidit
physique et biologique ne permet pas la vigilance ou l'attention d'tre mobilise.
Nous pouvons avoir le dsir d'tre attentifs et pendant un instant ou deux, il peut y avoir un
tat d'attention, mais la vigilance et l'attention comme dimension naturelle de conscience
exige un corps lastique et flexible. Il exige des relations harmonieuses entre les divers
systmes du corps. Notre demeure est un organisme trs complexe. C'est le deuxime facteur.
Et troisimement, c'est quand nous ne vivons plus selon les modles d'habitude, les modles
de la tradition, quand nous ne sommes plus dpendants d'eux ou attachs eux, alors
seulement cette vigilance ou cette attention est possible.
Maintenant nous supposons que la vigilance, l'attention, la sensibilit soient prsents, mais il y
a l'lan norme des milliers d'annes contenues dans le corps qui nous accable et nous oblige
dire quelque chose ou ragir. Nous savons que c'est le pass, mais l'lan nous accable.
C'est l'exprience de tous les investigateurs et explorateurs. Aprs ce moment de raction, il
peut y avoir un regret, peut tre un repentir, mais ce qui est fait ne peut pas tre dfait. Ainsi,
si c'est l'tat dans lequel on se trouve, que peut-on faire ? Sans parler des trois facteurs
prcdents qui doivent tre pris en compte, peut-tre on pourrait passer autant d'heures que
possible avec soi, autant qu'il est possible selon la situation dans laquelle on vit. On passe ce
temps avec soi sans aucun projet : ni savoir, ni prouver, ni obtenir, ni acqurir quoi que ce
soit. Dtendez-vous dans un tat non-actif volontaire pour sensibiliser l'organisme. Une
nergie autre que l'nergie de la pense, une nergie autre que l'nergie de l'effort est
ncessaire, parce que nous avons lu des livres, nous avons cout des entretiens, nous avons
contempl, nous avons rflchi mais le pass nous accable.
Pour rduire ou mme supprimer le dlai entre la conscience de l'lan et l'action, nous devons
compter sur la coopration d'une autre nergie et cette nergie peut tre contenue dans ce que
nous appelons silence. Quand vous vous asseyez et vous dtendez, permettez-vous d'tre dans
un tat de non-connaissance, de non-faire, de non-exprimentation, alors toutes les tensions,
les divisions, les conflits, les contradictions retombent d'elles-mmes. Le silence est l'tat de
plnitude. Dans cet tat vous n'tes vtu d'aucun rle, les rles sociaux que vous devez
assumer, le rle de mari, d'pouse, de pre, d'ingnieur, d'avocat, de mdecin, d'homme
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d'affaires. Nous devons endosser tant de rles afin de vivre dans la socit. En ces moments
d'intimit, de solitude, ils tombent. Seule votre tret reste. Seulement votre humanit
demeure. Ainsi, passer progressivement plus de temps dans cette solitude, dans cette totale
non-action ou relaxation, peut sensibiliser le systme tout entier.
Ainsi, avant que le pass, le contenu de la pense, les mcanismes de dfense ou le modle de
raction clate hors de vous travers les mots ou les actes, c'est contenu. On note que cela
surgit et que l'observation a un dynamisme pour le contenir. Supposons que cela ne soit pas
contenu alors qu'arrive-t-il ? Si je suis dans cette position et que des ractions s'chappent par
mes lvres ou s'expriment par des mots ou des actes, je m'en rends compte, je vais vers la
personne et lui dis : Je suis dsole, je ne vous ai pas rpondu. J'ai ragi votre attitude.
D'une manire trs modeste, d'une manire trs humble, je vais faire des excuses. Il est trs
difficile pour les tres humains modernes d'avoir l'humilit de faire des excuses. Mais si vous
allez vers la personne et dites, Je suis dsol pour ce qui s'est produit. Vous avez peut-tre
commis une erreur, mais j'en ai rajout. Si vous dites cela, alors il n'y a aucune trace de
culpabilit. Ce peut tre votre employ. Ce peut tre votre enfant. Ce peut tre votre voisin.
Ce peut tre n'importe qui dans le monde. Soit vous tes dur et ngligent l'gard de vos
faons de faire et vous vous en fichez. Soit vous notez ce qui a eu lieu, vous le reconnaissez,
le regardez soigneusement, doucement et le remplacez. C'est la manire de prsenter ses
excuses dans la situation.
Donc, si nous sommes submergs, apprenons demander pardon, pas comme une formalit,
pas de paroles en l'air, pas comme une obligation, mais vritablement de la totalit de notre
tre. C'est de cette manire que l'on peut s'duquer. Ainsi, le pass est amoindri. Il ne peut pas
tre jet. Il ne peut pas tre dtruit. Il est l, mais il est inoprant, rvolu, et aprs avoir
demand pardon, aucune conscience de culpabilit n'est laisse. Donc il n'est nul besoin de
laisser quelque rsidu. Aucun sdiment n'est laiss.
Quand quelqu'un est submerg et que les ractions se manifestent et qu'on note qu'il y a une
pointe de douleur, de remords, de repentir, cette pointe de remords ou de repentir deviendra-telle un rsidu ? C'est une question trs profonde. Que se produit-il dans ce moment de repentir
ou de remords ? L'amour-propre n'est-il pas bless ses propres yeux ? Comment puis-je faire
ceci ? J'ai cout beaucoup d'entretiens, j'ai observ, je suis rest en silence, en mditation.
Comment ceci a-t-il pu m'arriver moi ? Comment ai-je pu faire cela ? Comment cela m'est-il
arriv ? Vous savez, on focalise sur le moi et pas sur l'vnement. Ainsi, nous devons analyser
la nature de la piqre. Est-ce que ce sont des remords pour ce qui s'est produit, pour le
dsquilibre ? Pour le vrillage, la distorsion dans ce qui a eu lieu ? Est-ce que ce sont des
remords pour la demi vrit, le demi mensonge, qui a eu lieu ? Sont-ce des remords ou une
blessure de mon amour propre ? L'amour-propre, l'ego est hypersensible. Il a sa propre image,
et il croit qu'il n'est pas capable de faire de telles choses non quilibres. Ainsi quand il note
qu'une telle chose s'est produite alors il souffre. Ce mal de l'amour-propre n'est pas la piqre
des remords. S'il vous plat voyez bien cela avec moi. Nous devons tre impitoyablement
honntes avec nous-mmes. Comme la loi, la vrit ne respecte aucune personne. N'est-ce pas
la fiert et la vanit de l'amour-propre qui sont ainsi blesses ses propres yeux ? N'est-ce pas
de l'apitoiement ? Voyez, cela s'est encore produit, j'ai essay tant et tant de fois et j'ai encore
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L'enregistrement n'a pas besoin d'tre une mmoire psychologique. C'est la nature de notre
organisme, un organisme plus sensible qu'un appareil lectromagntique. Ainsi tout est
enregistr. Si un enfant est dans l'utrus de sa mre, les vnements qui surviennent dans la
vie de la mre sont enregistrs dans la conscience de l'enfant. La qualit de la conscience de
l'enfant est dtermine jusqu' un degr trs important pendant ces neuf mois de grossesse.
Ainsi l'enregistrement ne peut pas tre vit, n'a pas besoin d'tre vit. Ce n'est pas un
mouvement volontaire. Ce n'est pas ce que vous cherchez. C'est quelque chose que vous ne
pouvez pas viter. Quand on l'enregistre ainsi simplement et pas avec motion, cela n'entame
pas le vide du silence en dedans. Cela n'affecte pas la qualit de la conscience.
Donc on doit commencer si on veut faire le voyage en soi, si on est intress par la
mditation, qui est un retour la maison, qui est un voyage de l'go conceptuel vers l'essence
factuelle de notre tre. Si on est intress par cela, alors on peut commencer par le tout dbut,
devenir conscient du corps. Nous savons beaucoup de choses sur le corps. Nous pouvons
connatre la physiologie, les rgles d'hygine, l'anatomie, mais la connaissance, ce n'est pas
seulement tre au courant des savoirs, des informations organises sur le corps. Pour tre
rellement au courant du corps, vous devez l'observer, vous devez tre en contact avec lui, en
communion avec lui. Comment le corps se comporte-t-il ? Que se produit-il quand on se
rveille ? Le sommeil qu'a-t-il fait au mtabolisme tout entier ? L'apptit que fait-il, non
seulement au corps mais au cerveau ? Que se produit-il quand il y a la soif ? Qu'arrive votre
tre tout entier quand la pulsion sexuelle devient puissante et veut vous emprisonner et vous
tenir ? Que se produit-il ? On doit tre au courant du corps, voir le genre de nourriture qui est
conforme ses besoins, ne pas lui imposer un rgime qui ne lui convient pas. On doit
observer comment les mots dits, entendus ou lus affectent la qualit de l'esprit. Qu'arrive-t-il
quand vous lisez une fiction suspens ? Qu'arrive-t-il quand vous lisez des romans ?
Qu'arrive-t-il quand vous lisez des essais srieux dans un trait philosophique ? Qu'arrive la
qualit de l'tre quand les mots entrent dans le cerveau et que leur signification atteigne le
systme chimique du corps ? Que se produit-il ? L'interaction entre les mots, la signification
et mon systme physique, l'avons-nous jamais observ ? Nous ne sommes pas du tout au
courant du corps. Nous devons nous mettre au courant de ce qui a lieu dans l'organisme. C'est
la premire tape. Pour cette auto-ducation, on doit dcouvrir la faon qui nous conviendra le
mieux. Il y a beaucoup de manires dont cette ducation peut avoir lieu. Combien de prises de
nourriture, solides et liquides, sont-elles ncessaires ? Quel sorte de rgime est ncessaire
pour le corps, et est aim par lui ? La Vie ne consiste pas seulement en grandes thories et
dogmes. Elle est faite de dtails minutieux qui sont grs avec la prcision et l'exactitude d'un
musicien, d'un artiste, d'un peintre, d'un sculpteur, qui finalement enrichissent l'acte de vivre.
Maintenant je me tournerai vers le niveau verbal. Comment est-ce que je parle ? Combien estce que je m'expose la vibration de la parole d'autres personnes ? Qu'est-ce que parler me
fait, quand je vibre toute la journe de bavardage, de flicitations de moi-mme, de critiques
des autres ? Qu'avons-nous l'habitude de faire ? Nous sommes dpendants de la verbalisation.
Nous devons raliser ce qu'est ce processus de verbalisation. Le corps est plein de sons
comme ceux du cosmos. Tout est vibration, un grand choix de sons, et quand une pense se
rveille en vous, le son devient un mot, voyage avec votre souffle et sort par la bouche. Mais
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avant que le bruit soit converti en mot et avant que le mot soit articul, c'est tout un voyage.
Quelque chose a eu lieu en vous, une certaine nergie a agi en vous. Avez-vous prouv
comment, si vous parlez pendant une demi-heure, une heure, une chaleur supplmentaire, une
chaleur sche, a t produite par le corps ? C'est une chaleur diffrente de celle produite par
un travail physique comme marcher, courir, travailler avec ses mains dans les champs et ainsi
de suite. C'est une sorte diffrente de chaleur. Quand vous parlez trop ou que vous tes
motionnellement drang, contrari, irrit, et que vous parlez, alors il y a une sorte de
chaleur qui est produite. Si vous continuez vous inquiter, ruminer le pass, tre
angoiss de l'avenir, alors il y a galement une chaleur artificielle dans le corps qui cause des
symptmes, des maladies psychosomatiques qui peuvent ne pas devenir organiques mais
peuvent tre des dsordres fonctionnels. Ainsi, tre au courant du rapport du corps avec la
verbalisation, tre prcis dans ce que vous dites, penser ce que vous dites et dire ce que voulez
dire, c'est d'une grande beaut. L'nergie du son exprime par des mots est une nergie trs
puissante.
Nous devons galement prendre conscience de l'esprit. Nous employons les mots esprit, je,
moi. Avons-nous jamais observ comment il agit ? Nous connaissons des thories de
psychologie. Mais l'avons-nous observ ? Connaissez-vous vraiment ce qu'est l'esprit ?
L'esprit est-il un organe quelque part dans le corps comme le cur, les poumons, la moelle
pinire, le foi, etc. ? O est l'esprit ? Est-ce un organe ? Ou est-ce la somme des
conditionnements imprgnant le corps entier ? Comment fonctionne-t-il ? Qu'est-ce qui
pense ? Nous ne sommes pas conscients des faits, de ces processus, de ces mouvements. Nous
avons un savoir sur eux, mais nous ne les avons pas vus, regards, observs. Donc il me
semble que la prise de conscience l'aide de l'observation est une part importante de l'autoducation. Alors on limine les dformations, les dsquilibres sont corrigs. Vous avez mis
tous ces mouvements sur une base trs scientifique. La spiritualit est une recherche
holistique, pas seulement intellectuelle, pas un emballement motionnel.
Dans une premire tape, nous tablissons un mode de vie scientifique. Il diffrera d'une
personne l'autre, selon les tranches d'ge. Vous ne pouvez pas avoir un code de discipline
rouleau compresseur pour la race humaine toute entire. Chacun doit dcouvrir son chemin
intrieur et le suivre. Vous tes le chemin et vous y marchez. Vous tes le chercheur,
l'tudiant, votre vigilance et votre attention sont les professeurs qui vous guident.
Deuximement, si on veut vraiment concentrer ses nergies sur l'exploration et la dcouverte
de la nature de la ralit ultime, sur la nature de l'essence de notre tre, alors on doit viter
d'avoir une vie sociale inutile, des changes inutiles, des runions, des entretiens, des
responsabilits inutiles, que ce soit par ambition, cause de l'insistance de soi-disant amis, ou
de membres de notre famille etc. Si on veut focaliser toutes les nergies, on doit faire
attention ce que la vitalit ne soit pas disperse dans un grand nombre de directions
injustifies. Vous gardez la dpense de l'nergie vitale au minimum, de sorte que quand vous
vous asseyez pour la mditation ou le silence, l vous avez la vitalit suffisante, une nergie
suffisante est votre disposition.
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Ce n'est pas une question de volont, c'est une question qui concerne votre organisme entier.
C'est une question de conservation de la vitalit, la conservation de l'nergie. Nous vivons
tellement ngligemment, de faon tellement irrflchie ! Peut-tre que Ramakrishna ou
Ramana Maharshi, ou n'importe quel autre saint, Gnaneshwara, Nanaka ou Kabir ont eu plus
de vitalit que nous n'en avons. Mais quelle que soit la vitalit et l'nergie qui tait leur
disposition, elle a t focalise sans aucune dfaillance ; elle a t concentre sur cet acte de
dcouverte, sur l'acte de l'exploration. Ainsi, minimiser la vie sociale, minimiser les
responsabilits secondaires est ncessaire. Et mfiez-vous, c'est un terrain glissant. Quand on
commence conomiser l'nergie, rduire au minimum la verbalisation et la vie sociale, les
membres dans la famille commencent tre mfiants. Que se produit-il ? Il n'y a aucune
dmonstration d'amour. Il y a de l'amour mais il n'y a aucun attachement. Il n'y a aucun sens
de la possession, de proprit. Traditionnellement nous croyons que dans une famille, les
relations devraient tre empreintes de dpendance et d'attachement, et que l'attachement
devrait tre raffirm maintes et maintes fois pour inciter l'autre personne croire que lui ou
elle est accept et ainsi de suite. Vous connaissez les jeux que nous jouons.
Alors, quand il y a retenue et non suppression, et quand il y a de la vigilance et de la
sensibilit, lorsquon est submerg, on ne supprime pas les ractions. La vigilance, l'attention
est invite devenir si puissante qu'elle peut contenir les ractions. Cela sensibilise et donne
de l'nergie l'organisme. Les ractions ne sont pas supprimes. C'est donc une tape qui
comporte beaucoup de risques et de dangers. On est susceptible d'tre mal compris, ce que
l'on fait ou dit est mal interprt, ce n'est pas le moment de se justifier, de se dfendre ou de
discuter avec les autres. Ce n'est pas une question de discussion. On prend soin de la famille
et des responsabilits organisationnelles, institutionnelles, etc. On ne les ignore pas. On n'est
pas indiffrent. Cette retenue est telle qu'il n'y a plus d'excs ni motionnels ni intellectuels. Il
n'y a aucun exhibitionnisme non plus. Alors, cette retenue dans la vie du chercheur, sans
aucune trace de suppression, ni d'indulgence, dveloppe une puissance, une force et une
vitalit. Ainsi on prend conscience du connu. La conscience devient comprhension. Et l'on se
rconcilie avec ce qui est. On n'est pas press de changer de force. On n'est pas press de
s'imposer des contraintes ou de prononcer des vux. On a de la patience. On laisse la
comprhension et la sensibilit fleurir, s'panouir. C'est une chose tendre qui est survenue.
Personne ne nous avait dit que la comprhension a le pouvoir de provoquer la transformation.
Sans effort mental cela a lieu. Il nous appartient de percevoir et de comprendre. Cette tape de
la "perception qui comprend" est la premire et la dernire tape. Le repos est pris en compte
par le dynamisme contenu dans la vrit du fait et dans la vrit de votre comprhension.
Donc il y a plusieurs manires de s'instruire. Si par naissance, gntiquement, l'organisme
d'une personne est plus fort physiquement et/ou intellectuellement, l'intensit et la vitesse
avec lesquels l'ducation a lieu sera diffrente par rapport une autre personne dont
l'organisme aura moins d'intensit et de vitalit. Ainsi, mme lorsque la personne comprend,
la chaleur du systme chimique, la partie motive, la partie motionnelle n'est pas l. Ou en
tous cas beaucoup moins que dans le cas du premier. Alors, quoique ce deuxime type d'tre
humain peroive la vrit et comprenne la vrit, sa vie a besoin de plus de temps, de temps
chronologique. Le changement ne se produit pas instantanment.
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Dans le cas de ceux dont les impulsions biologiques sont trs fortes et puissantes, ceux dont la
vitalit crbrale et chimique est trs puissante, la comprhension et la transformation, la
comprhension et la mutation n'exigent pas de dlai. Cela peut tre presque instantan. Dans
le cas de ceux qui n'ont pas cette intensit ni une profonde sensibilit, la comprhension est
exactement la mme que dans le premier cas. C'est clair, mais la sensibilit, le systme
chimique du corps, ne rpond pas. Elle ne peut pas suivre le systme neurologique. Par
consquent elle peut ncessiter un certain temps chronologique en termes de jours, de
semaines ou de mois. Mais on ne devrait donner aucune importance ce temps
chronologique. Aprs tout, le temps de la montre ou du calendrier est une cration humaine.
C'est pour notre commodit que nous l'avons cr. Nous avons voulu mesurer l'ternit et
nous avons cr la mesure du temps, d'o les jours, les semaines, les mois, qui dans le cadre
de la maturit spirituelle n'ont aucune signification, aucune importance. On doit comprendre
de quel temprament on est physiquement et mentalement, parce qu'on peut tre lent dans tout
ce qu'on fait. Ainsi, il me semble extrmement important d'avoir conscience de son
temprament pour ne pas se juger trop durement. On ne devrait pas estimer que cela se
produit instantanment pour certains mais pas du tout pour moi. Ce qui stimulerait nouveau
une dynamique d'acquisition par rapport la Vrit, la Ralit, la Divinit, qui ne peuvent tre
acquises. Les rvlations prennent du temps. C'est tout ce que cela signifie. Nous devons donc
avoir de la patience avec nous-mmes.
J'ai approfondi ces points parce que je vois dans cette assemble un grand nombre de visages
nouveaux que je ne crois pas avoir rencontr auparavant. Pour eux, pour tablir une relation
entre eux et moi, j'ai pens que faire rfrence quelques tapes pratiques, dans la faon dont
on peut procder, tait ncessaire. Et l'horloge nous dit assez pour aujourd'hui !
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CHAPITRE 7
QU'EST-CE QU'UN VRITABLE INVESTIGATEUR ?
Nous devons sonder dans notre propre tre et nous interroger trs honntement, peut-tre
mme impitoyablement, si nous voulons que la vrit se rvle ou que le mystre de la vie se
dcouvre nous. Ainsi ce matin, si vous voulez bien, demandons-nous individuellement et
collectivement si nous sommes vraiment de vritables investigateurs.
Investigation et recherche
Apprcions-nous la diffrence entre l'investigation et la recherche ? Cherchons-nous quelque
chose ou sommes-nous dans une attitude d'interrogation au sujet de quelque chose ? La
motivation de base est-elle, tant au niveau du conscient que du subconscient, de raliser
quelque chose, d'obtenir quelque chose, d'arriver quelque part ? Il y a un monde de diffrence
entre le mouvement de l'investigation, de l'exploration, de l'apprentissage et celui de la
recherche, pour arriver quelque part ou raliser quelque chose. N'avons-nous jamais regard la
diffrence de base entre ces deux mouvements, au nom de l'investigation ? Quelle sorte de
mouvement a t ou continue tre en moi ? Seul le connu peut tre cherch.
L'Inconnaissable ne peut pas tre cherch. La signification d'un mot n'est pas cherche. Elle
doit tre comprise et non cherche. S'il y avait une destination fixe, en un lieu spcifique dans
l'espace, alors vous pourriez l'atteindre ou y arriver. La Ralit finale, la Divinit, le Brahman,
l'Intelligence Suprme, est-elle fixe, situe quelque part dans le soi-disant inconnu o l'on va ?
La transformation, la mutation ou la mditation est-elle un vnement dont on puisse faire
l'exprience ?
Il est trs important de poser ces questions et d'tre avec elles pour dcouvrir la nature de
notre motivation derrire la soi-disant investigation. Peut-tre, croyons-nous que nous
sommes un interrogateur alors que rellement nous cherchons quelque chose. La Ralit estelle connaissable ? Alors vous pourrez aller d'une connaissance une autre. Vous pourrez
aller des Vedas et des Upanishads au Dharmapada. Vous pourrez aller de la Bible au Coran,
ou vers des professeurs modernes et vers leurs livres. Est-ce connaissable ? Alors vous serez
tout le temps bien occup aller d'une varit de la connaissance une autre. Est-ce trouvable
? Il y a bien eu des sciences comme le Yoga Tantrique, le Mantra Yoga , le Laya Yoga, le
Nada Yoga, le Bhakti Yoga, le Rajah Yoga, et ainsi de suite, qui peuvent induire des
expriences sans administrer aucun produit chimique dans le corps. Avoir de telles
expriences avec les Tantras, les Mantras, le Nada, le Laya, a-t-il jamais caus la moindre
transcendance de la conscience de l'ego ? Ont-ils caus une transformation dimensionnelle,
qui pourrait tre vrifiable dans la vie manifeste ? Il est trs difficile pour une personne ne
en Inde de ne pas tre influence par la connaissance verbale des thories religieuses et des
critures saintes et spirituelles. Il est trs difficile d'chapper aux Vedas, aux Upanishads, aux
six coles et systmes de philosophie indienne (Nyaya, Yoga, Vaisheshika, Mimansa, Vedanta
et Samkhya). Il est trs difficile d'chapper la vaste mythologie promue par la communaut
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Hindoue. Tous ces mots et ces ides, ces thories et ces dogmes ont t dverss dans nos
mmoires.
Le contenu de la mmoire pour des personnes ordinaires comme vous et moi est trs
chaotique. La mmoire est pleine d'ides non digres, de mots et de concepts non assimils.
Ces mots, ces thories, n'ont jamais t appliqus dans notre vie quotidienne, ils n'ont jamais
t corrls avec l'acte de vivre. Ils se situent l dans la mmoire d'une manire chaotique.
Naturellement, cette foule chaotique d'ides et de thories, de descriptions et de dfinitions,
crent une confusion intellectuelle et des perturbations motionnelles. Le contenu de la
mmoire est trs lourd pour les personnes nes en Inde. La psych est fortement charge. tre
fortement charg ne cre pas vraiment de problme, mais la mmoire est galement trs mal
organise, elle est dsordonne, chaotique. Il est donc trs difficile pour un Indien, quelle que
soit la religion laquelle il appartienne, de s'chapper de l'influence de cette mmoire. Ainsi,
nous pouvons tre intellectuellement convaincus, bien que nous puissions ne pas nous
l'avouer, qu'il y a un Dieu personnel qui peut tre ador, alors qu'une autre personne sera
convaincue que la Divinit est le Brahman impersonnel et abstrait. Nous pouvons tre
intellectuellement convaincus que nous ne pourrons pas avancer sans nous rendre prs d'un
Guru ou d'un Matre. Nous pouvons bien parler d'une recherche sans autorit. Nous pouvons
bien parler de la libert sans condition, mais l'intrieur, nous cherchons la protection d'un
Matre, d'un Guru. Tous ces facteurs fonctionnant au niveau subconscient peuvent gner la
vritable recherche et sa sincrit. Parfois nous pouvons en tre conscients mais notre
slectivit vis vis du pass ne nous aide pas beaucoup.
Ainsi, sommes-nous interrogateurs ou cherchons-nous quelque chose ? Si nous cherchons
quelque chose, nous pourrions trouver ce que nous cherchons. Mais le chemin de la
recherche, le chemin d'apprendre et de dcouvrir la signification de la vie, de dcouvrir la
signification des relations, de dcouvrir le contenu ou le mystre de l'interrelation de chaque
expression de la vie, c'est trs diffrent du mouvement thsauriseur de celui qui cherche
quelque chose, qui veut raliser ou obtenir quelque chose, qui veut arriver quelque part. Il est
absolument ncessaire, n'est-ce pas, que la conscience soit dnude de tout son contenu avant
que nous commencions mme nous enqurir ou regarder autour ? Pour un scientifique qui
veut conduire une recherche dans le domaine de la physique ou de la chimie, de la biologie ou
du gnie gntique, le pass est l, mais il n'a aucune prsomption au sujet des consquences
et des rsultats de son exploration et de son exprimentation. Il n'y a aucune destination fixe
vers laquelle le scientifique travaille. La recherche ne peut pas tre une vritable enqute si la
destination est prdfinie, dcrite, localise, prdtermine.
Ainsi, est-il possible nous de dire: Oui, les Vedas, les Upanishads, la Gita, le Mahabharata
sont l. Le Dharmapada, les enseignements de Mahavira et des Dix Gourous des Sikhs sont
l. C'est peut-tre vrai, ce nest peut-tre pas vrai. C'est peut-tre juste, c'est peut-tre pas
juste. Sans les rejeter ou les accepter, puis-je commencer m'enqurir et me renseigner sur
la nature de la Ralit ? Est-il possible de me mettre dans un tat de non-connaissance et de
non-exprience ? C'est un travail trs audacieux de se lancer dans l'apprentissage et de
dcouverte du contenu de la Ralit par soi-mme. Et comment fait-on cela ? En remettant en
cause la validit, l'exactitude de tout ce qu'on fait du matin au soir. Quelle est la nature de
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mon comportement ? Quelle est la texture de mes relations avec mon corps, avec la nature et
avec d'autres personnes ? Les mouvements doivent tre regards et observs, vus
profondment. Avons-nous la patience de faire cela ? Ou voulons-nous des raccourcis ?
Voulons-nous des choses prtes l'emploi ? Mditations et librations en pilules, en bote et
en bidon prts l'emploi ? Recherchons-nous des raccourcis ? Sommes-nous en recherche de
changements priphriques et superficiels ? a n'a pas d'importance s'il faut des jours et des
semaines pour dcouvrir le contenu de notre recherche. On doit la dcouvrir.
Celui qui est satisfait par l'approche traditionnelle et conventionnelle qui consiste accepter
l'autorit des Vedas, de la Bible, du Coran, il peut suivre cette voie, mais on doit savoir qu'on
suit le pass, on cherche le connu. Comme cela a t connu par les anctres, je le saurais
galement. Cela a t prouv par eux, je l'prouverai galement. L'exprience et le savoir
sont des activits relatives au pass.
Puisque la connaissance verbale notre disposition est trs vaste, nous ne prenons pas la
peine de l'tudier. Nous entendons parler d'elle, nous en avons connaissance, mais ce qui est
lu n'est pas ncessairement compris. Ce qui est entendu n'est pas ncessairement compris.
Professeur, Guru, disciple
Ce matin je voudrais prendre un exemple. Si on doit tudier le Samkhya, le Yoga, le Nyaya, le
Vaisheshika, on a besoin d'un professeur, parce que la langue sanscrite antique des Vedas et
des Upanishads est trs diffrente du sanscrit moderne. Le Arsha sanscrit, le sanscrit des
Rishis, des Sages, est trs diffrent. Il a une grammaire diffrente. Mme diffrent de votre
Panini, Saayan ou le Tikas et le Vritis crits par Prabhakara. Ainsi, vous avez besoin d'un
professeur pour vous enseigner le Samkhya Karika, les Yoga Sutras, le Mimansa, le Yajna, le
Yaga. Pour tudier tout cela vous avez besoin d'un professeur. Si vous voulez tudier le Hatha
Yoga ou le Mantra Yoga ou le Tantra, vous avez besoin d'un professeur, qui s'est spcialis
dans ces branches du Yoga. Il y a alors des relations de professeur tudiant. Le point de
contact c'est apprendre la philosophie ou acqurir la technique et la comptence, la technique
des Mantras, du Tantra, des Yantras. Il est trs dangereux de cultiver ces choses sans les
conseils et la surveillance d'une personne, d'un professeur, d'un guide qui s'est spcialis, qui
a pass des annes les exprimenter, parce que ces sciences sont bases sur diffrentes
nergies contenues dans le corps humain. Les sciences enseignent comment sparer ces
nergies pour la purification, pour activer, pour vitaliser l'tre. Ainsi vous avez besoin d'un
professeur et il vous enseigne le Shastra, la science du Yoga, les techniques, les mthodes. Ce
ne sont pas des choses acqurir par des livres ou des commentaires de lecture sur ces
sciences. Mais un tel professeur ne peut pas s'appeler Guru ou Matre. Il y a une diffrence
entre un professeur et un Matre. Dans notre psychisme nous avons les mots Guru et Shishya,
mais on se demande si nous avons vraiment regard ces mots et avons compris profondment
le contenu de ce que ces mots veulent nous communiquer.
Le mot Guru est un mot cod en science de la spiritualit, c'est comme dans les Upanishads
ou les Vedas, il y a des centaines de mots cods qui doivent tre dchiffrs, qui doivent tre
compris. Nous pensons qu'un Guru est ncessaire et nous commenons en chercher un, nous
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nous mettons en chasse. Et nous cherchons un Guru avec notre esprit conditionn, avec notre
cerveau conditionn, peut-tre pour satisfaire nos exigences psychologiques. Il y a une
diffrence entre un besoin psychologique et une aspiration spirituelle. L'aspiration spirituelle
est l pour la libert, pour l'amour, pour la vrit. Un besoin psychologique peut tre l pour
un soulagement, pour une consolation, pour une protection, pour obtenir un repos et une
dtente provisoire de l'effort et de la contrainte de la vie dans une socit cruelle et dure.
Ainsi quand nous commenons regarder autour et chercher un Guru, nous mesurons la
personne avec notre esprit conditionn et nous formons un jugement de valeur, en valuant
consciemment ou inconsciemment si nos besoins psychologiques seront satisfaits. Voyez
comment nous jouons un jeu avec nous-mmes. C'est quelque chose de trs srieux. Le mot
Guru, le mot shishya, la runion des deux est l'un des vnements les plus saints et les plus
sacrs qui peuvent se produire pendant la vie d'un tre humain. Mais comme on n'a pas tudi,
on ne fait pas attention pour entrer dans la profondeur du mot, son importance, sa
signification, sa pertinence. Ainsi nous tranons le mot vers le bas avec l'esprit et la recherche
conditionns. Il me semble que si nous sommes dans l'tat de shishya, de disciple, si la
recherche est l toute entire, imprgnant notre tre entier, alors nous nous intressons
l'tude, nous dcouvrons, et puis advienne que pourra. Mais si la vrit nous drange et
drange le statu quo de notre vie sociale, si la perception de la vrit nous dpouille des
sentiments du "je" et du "mien", si elle pulvrise le sentiment d'appartenance une famille,
une communaut, une caste, une nation, une idologie, alors pour beaucoup, il n'y a plus
d'envie d'apprendre ni d'explorer.
Cependant si la bonne volont est l, mme la volont d'offrir tout le connu et l'exprience
individuelle et collective sur l'autel de l'exploration, alors avant mme de rencontrer un
Matre, vous tes devenu un disciple.
Examinez Svp le mot disciple en latin et sa signification. C'est une grande responsabilit
d'tre un disciple. Un disciple n'est pas un suiveur. Un suiveur est press de se conformer,
pour imiter, pour rapprocher son comportement de celui de son soi-disant matre. Un
chercheur peut devenir un suiveur trs facilement. Une personne ambitieuse peut devenir un
suiveur trs facilement, parce qu'alors elle n'a pas exercer sa capacit d'interrogation,
d'exploration, d'approfondissement. Le suiveur ne doit pas tre vulnrable. Il ne doit pas
passer par cette priode d'inscurit et de vulnrabilit. Ainsi est-il facile de suivre. Et ne
sachant pas punir les grandes personnes pour leur ambition, le destin les punit ainsi que leurs
disciples, parce que les enseignements sont tordus et pervertis dans les mains des disciples
ambitieux. La vitalit vierge et la puret des enseignements se trouvent endommages. Je
ressens beaucoup de compassion pour de tels investigateurs. La Vie est trop prcieuse pour la
gaspiller dans des critiques ou des condamnations.
Audace et humilit
Ainsi quand une personne est habite par le besoin d'avoir une rencontre de premire main,
une rencontre avec la vrit de la Vie, un contact avec le mystre du tout et l'interrelation de
la Vie, l'unit et le tout de la Vie, alors la vie de cette personne se trouve remplie de l'nergie
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Ainsi, dans la vie d'une personne qui a permis au mystre de fonctionner sur elle, qui a permis
au tout de la Vie d'oprer sur elle, a lieu la transcendance de la conscience du je, de la
conscience de l'ego, la transcendance de la conscience de "je suis celui qui fait", de "je suis
l'auteur de ma vie et de mon exprience". Il n'y a aucun connaisseur, aucun exprimentateur,
aucun auteur. L l'Intelligence suprme imprgnant le cosmos prend en charge cet tre, la vie
de cette personne. La transcendance se manifeste dans la vie quotidienne. Les mots "je",
"moi", "pas moi" pendant la vie d'une telle personne ne correspondent plus rien et n'ont plus
aucune importance psychologique. Ces termes ne sont plus employs qu'en rfrence au
corps. Il n'y a plus aucune identification au niveau psychologique. Une telle personne est
appele Guru dans ce pays.
Les professeurs, les spcialistes, les occultistes ne sont pas des Gurus. Ils ont pu avoir cultiv
des puissances occultes. Mais les puissances, quelles soient sensorielles, ou crbrales ou
extra-sensorielles, sont des puissances. Ainsi, les personnes avec des Siddhis, des personnes
avec la capacit de faire Shaktipat sur d'autres, les spcialistes, les professeurs sont trs
diffrents dun Matre, dun Guru.
Runion de Guru et du Shishya
Une personne dont la personnalit, dont l'tre, est captur par l'Intelligence cosmique ou
suprme, par le Tout, par l'interrelation mystrieuse dans la complexit de ce Tout, cette
personne est charge de l'nergie de l'amour et de la compassion, de l'nergie de l'Unit et du
Tout, exactement comme la vie de l'investigateur est charge de l'nergie de l'interrogation, de
l'approfondissement, de la recherche.
Ainsi, les mouvements de ces deux nergies ou de ces deux personnes, l'investigateur et
l'mancip, les mouvements de leurs vies semblent tre rgls par lIntelligence cosmique, et
ils se rencontrent. Sans aucun effort conscient de l'un ou de l'autre, ils sont rassembls par la
Vie. Aucun investigateur vritable n'est jamais rest sans Guru. Comme il offre son
questionnement au Matre, le Matre fait une proposition de sa comprhension. S'il y a un
abandon, il est mutuel, il est rciproque, S'il y a un dvouement, il est rciproque, mutuel. Il
n'y a aucune obligation, parce les deux s'accomplissent dans cette interaction.
Il y a une histoire au sujet de la vie d'Adya Shankaracharya. Ce garon de cinq ans tait venu
en marchant du Kerala vers le Nord, jusqu'aux rives de la rivire Reva ou Narmada, il entre
dans la caverne o Govindpadacharya vivait. Et le Guru, Govindapadacharya demande,
Qui est l ? . Et le garon dit, Votre rflet . Pourquoi tes-vous venu ici ? Le rflet
veut voir l'original . Je ne parle pas de mythologie. Je parle de l'histoire, il y a peine 1200
ans. Ainsi, l'histoire raconte que Govindapadacharya sort et se prosterne devant Shankara et
lui dit, En venant ici pour apprendre, vous m'avez bni.
Le Guru et le Shishya ainsi que la runion de ces deux nergies est quelque chose de trs
sacr, mme si cela a t vulgaris bon march ou plutt commercialis dans les 30 ou 40
dernires annes. J'ai voqu ce sujet ce matin afin de prciser qu'une personne qui commence
le plerinage, le voyage intrieur vers sa propre Ralit, sa propre essence existentielle, n'est
jamais seule. Les Gens sont remplis de crainte, que nous arrivera-t-il si le connu et le pass
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sont balays, mis de ct doucement, si ce n'est plus rudement. Que nous arrivera-t-il si nous
ne regardons pas le prsent avec les yeux du pass, o est la vision qui fonctionnera par les
yeux, est-ce que ce sera avec le cerveau ? Ils estiment que le connu peut tre galit avec le
Tout de la Vie. Or le connu est seulement une partie mineure de la totalit de la Vie. Ce que
vous considrez comme inconnu, occulte, ou transcendantal n'est encore qu'une partie
mineure de l'Inconnaissable. L'Infini, l'ternit, le sans temps, le Tout, ne sont pas que de
simples mots. Ce ne sont pas des dfinitions, mais ce sont des indicateurs.
Ce matin, j'ai voulu partager avec vous tous que le plerinage de la qute, s'il est fait dans la
nudit de la conscience et dans l'humilit de l'audace, n'est pas lourd de dangers. Vous n'tes
jamais seul dans ce cosmos. Si l'Intelligence cosmique, si votre Parabhrahman, si votre Chiti,
si la Conscience Supramentale, si le divin de Ramakrishna est toute imprgnation, si le
Samvid de Sankaracharya imprgne tout, alors vous n'tes jamais isol. La solitude est cre
par nous, parce que nous voulons que la vie nous rponde avec nos conditions. La forme
physique, la forme visible, les mots, la parole, l'organisme entier auquel nous sommes
habitus, la Ralit, la Vrit devrait nous apparatre selon nos conditions, notre demande.
Mais la vrit c'est que la Ralit, la Divinit ne peut pas tre commande, ne peut pas tre
dicte. C'est le simple fait d'tre dans un tat de disciple qui fait que l'on rencontre alors l'tat
de Guru ou de Matre. La runion a lieu et la transmission se produit. Les professeurs peuvent
enseigner avec des mots parls, avec des mots crits, mais les relations de Guru et de Shishya
sont des relations d'une transmission holistique. La recherche du shishya, du disciple, du
sadhaka, active l'nergie de l'amour et de la compassion. Le dynamisme de la comprhension
est activ. Ainsi, c'est vraiment la recherche du sadhaka qui pntre la comprhension du
Matre et revient lui sous forme de Grce. La transmission est le sous-produit de l'interaction
entre la recherche vritable et la comprhension vritable. Ce n'est pas un effort de volont,
parce que le Matre, le Guru n'a aucune volont. Il n'y a aucun esprit dans le sens que nous
connaissons ce mot. Il est sans ego, il est le Tout. Il n'y a aucune division, aucune dualit de
sujet et d'objet, d'acteur et d'action. Alors il n'y a plus qu'un Tout, non divis, non fragment,
condens dans un corps humain. C'est quelque chose de trs sacr, car la recherche est sacre.
Ce n'est pas un exercice intellectuel, un jeu avec des mots, des ides, les lanant, les discutant,
les dbattant, argumentant leur sujet.
Quand on en vient au point o on ne peut pas vivre sans la rencontre, sans le contact de la
signification de la Vie ou de la ralit de la Vie, alors la Vie rpond.
Un point de plus avant que nous concluions cette session. La rencontre a lieu mais il n'y a
aucune relation entre le Guru et le Shishya. C'est un autre aspect dsagrable de la ralit.
Nous voulons des relations au niveau psychologique. C'est mon Matre, je suis son Shishya ou
son disciple, mon Guru, votre Guru. C'est un tat d'tre. La Gurut est un tat vibratoire dans
la vie d'une personne. Ma recherche! Il n'y a rien l de priv ou de personnel. C'est l'volution
de la psych humaine et la recherche vous traverse. Donc il n'y a aucune relation. Les
Relations exigent que l'on soit deux. L'investigateur peut tre au niveau de l'ego, au niveau de
la conscience du "je", mais l, dans la vie de l'autre personne, il y a une structure physique et
il y a un vocabulaire qui n'utilise les termes "je" et "moi" que pour les fonctions physiques.
Mais ce sont des mots sans signification au niveau psychologique. Comment une personne
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peut-elle avoir des relations quand il n'y a aucun "je" et aucun "ego" comme centre ou source
de perception ou de rponse ? Ainsi, la runion se produit, la transmission se produit et elle a
une fin. Une bougie est allume et la bougie brle, elle donne de la lumire partout o son
destin l'emmne.
Une recherche vritable s'panouit en comprhension
Nous avons commenc ce matin par nous demander si nous tions des investigateurs
authentiques ou simplement des chercheurs. Nous avons analys la spcificit de
l'investigation, de l'tude, de la dcouverte sans aucune destination prdtermine, aucune
dfinition prdtermine et mme aucune description. C'est une histoire d'amour avec
l'Inconnaissable. Nous nous sommes demands si nous tions vraiment en recherche ou si
nous cherchions simplement le connu, si nous voulions arriver le connatre, l'prouver.
Chercher, arriver, obtenir, la ralisation, vous maintiennent dans la dimension du connu. Peuttre est-ce sur une trs vaste chelle, une chelle globale, une connaissance de l'humanit
entire, mais c'est toujours le connu, l'expriment. Nous pouvons continuer tourner en rond
sur cette orbite, mais le saut quantique de la dimension de la connaissance celle de
l'inconnu, l'Inconnaissable, ne se produit pas par le fait de chercher, arriver, obtenir la
ralisation. Nous avons analys cela assez longuement. Nous avons regard le contenu de la
recherche, le caractre global, holistique de la recherche. Pourquoi notre recherche n'a-t-elle
pas de vitalit ? Parce qu'au niveau subconscient nous avons nos convictions, nous avons nos
dfinitions, les prfres, les familires, et nous recherchons tout cela au nom de la qute.
Nous recherchons quelque chose de prdtermin, nous cherchons cela. C'est pourquoi au
niveau intellectuel et conscient, ce mouvement n'a pas en nous de vitalit, de passion, d'lan et
de dynamisme, alors que nous nous sommes hypnotiss et croyons que nous sommes des
investigateurs. Et puis, l'automne de notre vie, nous nous disons, Bien, c'est le privilge de
quelques uns. Nous nous sommes enquis mais nous en sommes encore l o nous en tions.
C'tait en 1966, en Italie, Rome. J.Krishnamurti avait invit certains d'entre nous pour un
repas. J'tais Rome pour m'adresser aux participants de la Confrence des Rsistants de la
Guerre. Krishnaji tait justement l. Ainsi, aprs notre repas, nous tions assis ensemble.
Aldous Huxley tait l et Yehudi Menuhin tait l. Je ne me rappelle pas des autres. Ainsi,
Aldous dit Krishnamurti, Krishna, nous sommes ensemble depuis 1940. J'ai cout tant de
vos entretiens, mais j'en suis l o j'en tais en 1940. Et on put voir la profondeur et
l'intensit de la peine devenue compassion dans le regard que Krishnamurti a port sur Aldous
Huxley. Ils taient de grands amis. Et Krishnaji demanda, Pourquoi en est-il ainsi ? Aldous
dit, Parce que, Krishna, d'un ct j'ai tout refus et de l'autre vous m'avez port. J'ai mis de
ct la vieille autorit parce que j'tais sr que je vous tenais. Oh, est-ce cela? Aldous,
coupe moi en morceaux et jette moi par la fentre Mme alors que je relate ce fait, je peux
encore voir la scne entire se produire devant mes yeux. L'humilit, la non autorit, et
seulement l'intensit de la compassion taient l. Et Krishnamurti dit, Coupe moi en
morceaux et jette moi par la fentre. Mais que diable, sois libre. Vous voyez ce que la
recherche exige ?
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CHAPITRE 8
MOURIR AU PROCESSUS DE DEVENIR
Nous rendons-nous compte de la nature de nos relations avec notre demeure et de nos
responsabilits envers elle ? Je me demande si ces questions de : o je suis n et o je vis,
n'attirent jamais votre attention. O est n l'tre humain? Dans un village, dans une ville, dans
un pays, sur une plante, o est-on n ?
La Vie est un Tout homogne
Vous pouvez natre dans une petite pice d'une maison ou d'un appartement quelque part en
Inde. Alors vous dites : je suis n en Inde, je suis un Indien. L'Inde est une partie minuscule de
la plante. Ainsi vous pourriez trs bien dire je suis n sur la plante terre. Le sentiment
d'appartenance est prolong de la pice, la maison, le village ou la ville, le pays, la plante.
Mais o est-elle la plante ? La plante terre est une trs minuscule goutte dans le vaste
cosmos. Est-ce que cela ne vous a jamais frapp que nous sommes ns dans le cosmos, nous
appartenons au cosmos, et le cosmos n'est-il pas notre demeure ? C'est un cosmos de
multiples univers. Il y aurait des douzaines de systmes solaires dans ce cosmos. Ainsi cela ne
vous a-t-il jamais frapp que nous sommes ns dans le cosmos et que nous appartenons au
cosmos ? Et encore le cosmos n'est qu'un mot pointant le Tout de la Vie, une intgralit
homogne de la Vie. Savez-vous ce que l'homognit implique ? N'implique-t-elle pas une
inter-parent organique ? Ainsi nous sommes organiquement relis au cosmos tout entier,
toutes les expressions de la Vie dans le cosmos. Le cosmos n'a pas t assembl. Il n'a aucune
pice. Il n'a pas t assembl comme votre voiture, un avion ou un missile. Ce n'est pas une
somme. C'est un tout, comme le tout de votre corps. Les mains et les pieds n'ont pas t
cousus au torse. Vous tes un tout organique. De la mme manire, la Vie dont le cosmos est
une manifestation, est un tout homogne organique, dont nous sommes ns, auxquels nous
appartenons, auquel nous sommes organiquement relis, envers lequel nous avons des
responsabilits. moins que ces relations organiques fondamentales ne soient vcues avec le
parfum de la Conscience, il ne semble pas possible d'avoir un quilibre et une paix ou un
bonheur intrieur. Malheureusement, ces relations organiques, ne serait-ce qu'avec la plante,
ne font pas partie de notre ducation et personne ne nous l'enseigne la maison ou dans les
coles. On ne nous enseigne pas les bases de notre appartenance au cosmos et on ne nous
enseigne pas que le cosmos est notre demeure.
Maintenant, dans ce cosmos et plus spcifiquement sur la plante terre, l'espce humaine est
seulement une des nombreuses espces. Nous ne sommes pas les matres de toutes les autres
espces non-humaines. L'humanit s'est hypnotise en croyant tre matresse de la plante,
comme si les ocans, les terres, les forts, et mme l'espace des cieux lui appartenait. Cette
illusion de proprit a eu comme consquence la violence, l'avidit, la convoitise, de vraies
misres et souffrances humaines.
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cette socit humaine et le Tout de notre tre comprend la partie physique, la partie
psychologique et ce qui dpasse le psychophysique. La complexit de l'tre humain n'est pas
moindre que la complexit cosmique. La complexit est la splendeur de la vie. Si nous ne la
convertissons pas en complications, la complexit est la beaut, la splendeur de la vie. Ce
n'est pas une vie cellulaire primitive et simple. C'est une vie multicellulaire, chaque cellule
ayant la mme crativit que le cosmos entier peut avoir. Vous savez, nous parlons de la
science de la vie, de la physique de la conscience. Nous regardons les expressions les plus
petites de la vie pendant que les scientifiques regardent les particules les plus petites de la
matire, l'lectron, le proton, le neutron. Ils sondent l'espace entre deux atomes. Ils sondent les
nergies contenues dans le vide de l'espace, essayant de dcouvrir la relation de ces nergies
l'nergie contenue dans l'atome. La science de la physique est galement dans une crise
aujourd'hui, tout comme la science de la conscience est dans une crise. Le contexte de la vie a
produit ce fait : la ncessit que les sciences se regardent elles-mmes d'un point de vue
nouveau et peut tre, s'intgrent les unes les autres, synthtisent leurs points de vue, de sorte
que la ligne de dmarcation entre la physique et la mtaphysique soit limine compltement,
compltement balaye. On voit ceci se profiler.
Maintenant, dans cette socit humaine, une fois que je suis n, la structure physique, la
structure biologique se dveloppe et j'ai la responsabilit de l'alimenter correctement, de la
vtir, de la laisser dormir correctement, de sorte que le corps soit sain et devienne fort. Le
processus de devenir s'applique au physique. Vous duquez votre discours, votre
verbalisation. Ainsi, vous instruisez votre corps et vous l'aidez se dvelopper. Vous ne
dveloppez pas le corps, vous l'aidez seulement. C'est la crativit dans le corps qui s'panouit
dans le phnomne de la croissance. Un enfant devient un jeune garon puis un gracieux
jeune homme ou une belle petite fille devient une jeune fille mignonne. Vous savez, c'est un
processus. Il fleurit de lui-mme. Vous donnez seulement un coup de main. Dans ce processus
de devenir, le devenir est le mot employ. Je veux devenir physiquement fort, avoir un beau
corps symtrique. Alors vous allez instruire l'nergie conditionne, vous allez instruire le
cerveau. Donc vous allez l'cole, au lyce, l'universit et vous devenez cultiv. La socit
a besoin de vos services dans diffrents domaines. Ainsi selon vos inclinations et vos talents,
vous tudiez les arts, ou la science, le commerce ou la gestion de l'entreprise, ou encore
l'ingnierie et ainsi de suite. Donc vous tes non seulement diplm, mais vous devenez un
ingnieur ou un homme d'affaires, un mdecin ou un professeur. L le processus de devenir
est impliqu.
C'aurait t simple si ce processus seulement tait impliqu. Mais cette socit humaine a
dvelopp un mode de vie, une culture de comparaison, de concurrence, d'valuation. Par
consquent, dans le simple processus de devenir, le facteur de l'ambition est apparu. C'est un
lment tranger. Le processus de devenir ne l'exige pas, mais les parents veulent que l'enfant
soit le premier de la classe, pour tre ensuite sur la liste de mrite l'Universit et ainsi de
suite. Ainsi nous enseignons aux enfants se comparer. Regardez la racine de la souffrance,
la souffrance que les parents sment dans la psych des enfants parce qu'elle a t seme dans
leur propre psych par leurs parents. L'enfant est compar sans cesse. Il est plus intelligent
que sa sur, elle est brillante, il est lent, elle est belle, il n'est pas gracieux. La comparaison
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est continuelle. Cette comparaison souille la psych avant mme que l'enfant n'ait 5 ou 6 ans.
Pourrions-nous garder le processus de devenir libre de toute comparaison, de toute ambition ?
Si nous permettons cette contamination, cette pollution, alors il n'y aura aucune fin la
souffrance. Puis, exactement comme vous avez voulu devenir premier de la classe ou sur la
liste des mrites, vous voudrez galement devenir la personne la plus riche du village, de la
ville, et gagner de plus en plus. Si gagner honntement n'est pas possible, si vous ne pouvez
pas devenir riche honntement, alors vous essaierez de contourner la loi habilement, d'une
manire clandestine, sans vous faire attraper. Bien qu'obtenir un moyen de subsistance soit
une ncessit dans la socit humaine, si dans ce processus du revenu interfre cet lment
tranger de la comparaison, de l'ambition, alors le processus de devenir devient sale. Bien
qu'il n'ait pas besoin d'tre sale, pourtant il devient laid, minable, inhumain certains points
de vue.
La comparaison est la racine de la souffrance
Ainsi vous et moi qui vivons dans la socit, nous devons passer par tout ceci : s'instruire,
gagner un moyen de subsistance et ainsi de suite. En tant qu'investigateurs spirituels,
personnes intresses la Religion avec un "R" majuscule, la religiosit ou la spiritualit,
pouvons-nous vivre dans cette socit humaine sans jamais nous comparer n'importe qui
d'autre ? Une approche non-comparative de notre propre vie est la base d'une vie religieuse,
parce que la comparaison gnre l'ambition, et l'ambition risque de nous rendre impitoyable,
dur, peu sensible. L'ambition risque de nous rendre autoritaire, et c'est le dbut de l'agression,
de l'agression dans la pense, puis de l'agression dans les mots et peut tre mme l'agression
au niveau physique.
Je voudrais que vous regardiez le phnomne avec moi pour le voir, regardez la racine de la
violence, la racine de toute la souffrance et de toute douleur, la racine de la jalousie, de la
haine, des guerres. Que se produira-t-il si vous ne comparez pas ? Alors je pourrai vivre
raisonnablement dans cette socit telle qu'elle est, gagnant mon moyen de subsistance en
menant une vie convenable et raisonnablement confortable, pas pour amasser de l'argent, pas
avec l'inquitude d'avoir prendre soin des trois gnrations suivantes lorsque je partirai.
Laissez les gnrations venir prendre soin d'elles-mmes.
Donc, le processus de devenir est ncessaire et garder ce processus de devenir simple, pas
compliqu, c'est la responsabilit d'une personne religieuse. Sauf si le processus de devenir est
maintenu au minimum avec une approche non-comparative, je ne pense pas qu'il puisse y
avoir de paix et d'quilibre, un quilibre spontan l'intrieur de vous, c'est un autre nom pour
dsigner la paix invincible, c'est un autre nom pour dsigner l'tat de mditation. Qu'est-ce
que la mditation si ce n'est un quilibre spontan et sans effort en vous au beau milieu du
mouvement des relations ? Ce n'est pas tre en quilibre que de s'tablir quelque part dans un
isolement physique, que ce soit dans une pice ou dans une caverne, dans ce rseau
psychologique des retraits et des vasions. Si jamais on trouve quelque paix dans un tel
isolement, c'est sr qu'elle est morte. Elle n'aura aucun dynamisme. Une paix dynamique,
vibrante de crativit, n'est possible qu'au beau milieu des relations.
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rancune ou de problme, vous pouvez vous dtendre et travailler. Dans cette situation
dsagrable o vous devez tre quotidiennement, pendant 7 ou 8 heures, au moins votre
systme neurochimique sera exempt de torture, de pression, de tension.
On peut galement tre amen vivre la trahison par ses amis. L'expression trahison par ses
amis me rappelle l'exprience amre du Mahatma Gandhi. La plupart d'entre vous savez
qu'il tait contre la sparation, la division de l'Inde, la partition de l'Inde. Mais il n'tait plus
membre du Congrs, l'organisation qu'il avait dirige. Cette organisation du Congrs et ses
chefs, discutaient cette question de la partition avec Mountbatten et d'autres, ils n'ont pas
estim que le Mahatma Gandhi devait tre consult. Je ne donnerai pas les noms des chefs,
mais quand ils taient avec Mountbatten, ils lui ont dit qu'ils taient prts accepter la
sparation. Mountbatten dit alors : Qu'en pense Bapu ? Et un des chefs dit : Nous nous
en chargeons. Mountbatten crit ensuite une petite note Gandhiji pour l'informer que cette
discussion avait eu lieu. Ensuite la note resta sur le petit bureau de Gandhiji. Aprs quelques
heures, les trois chefs sont arrivs et ont essay de convaincre le Mahatma Gandhi de
l'invitabilit d'accepter la sparation et Gandhiji a alors pos une question suggestive :
Vous tes-vous engags ? Non, Bapu. Non, non, non. Comment pourrions nous nous
engager sans vous ? Gandhiji avait su qu'ils s'taient engags et ils lui ont dit : Non, non,
nous ne nous sommes pas engags. Ainsi, Gandhiji dit, Vous n'avez pas besoin d'attendre
mon approbation. Je ne suis mme plus membre de votre Congrs. Il ne leur a pas montr la
note de Sir Mountbatten. La non violence n'est rien sans amour et sans compassion, mme
lorsque l'on est trahi par ses amis ou ses collgues. Peut-il y avoir une plus grande trahison
que ceci dans votre vie ou dans ma vie ? Et nous fabriquons des problmes partir de petits
vnements.
Jsus de Nazareth avait demand ses douze disciples de rester veills avec lui la dernire
nuit aprs le dernier dner. Il savait ce qui arriverait et il a commenc prier, mais ses
disciples se sont endormis. Ils ne pouvaient pas rester veills ne serait-ce qu'une nuit. Et
Jsus le savait et il dit : Pierre, je sais que tu me renieras trois fois avant que le soleil se
lve . C'est la ralit basique de la vie. Vous ne pouvez rien exiger ni commander la vie. Il
peut y avoir du plaisir, il peut y avoir de la douleur. Il peut y avoir des amis fidles, des amis
loyaux, et des amis affectueux et aussi des amis qui vous trahiront. Vous devez traverser de
telles trahisons.
Gandhiji n'a jamais rien dit. Aprs que les trois chefs soient partis, il ne s'est jamais plaint
personne. Ce sont des faits rapports par ses proches autour de lui. Quant- Jsus, il a
seulement dit : Pre, pardonne leur. Ils ne savent pas ce qu'ils font. C'est un mode de vie.
Mourir l'amour-propre alors que cela aurait pu crer de la rancune.
Ainsi je disais qu'on doit d'abord s'asseoir avec soi-mme et discuter avec soi. Si vous allez
dans un petit village, vous n'aurez pas les quipements d'une ville, et si vous vivez dans une
ville, vous ne pourrez pas viter des irritations dsagrables. Si le travail vous rapporte plus
d'argent, alors vous aurez plus de complications aussi, et il faudra vous y faire.
Donc, quelle est la priorit ? Je vous suggre de dcouvrir les priorits de la vie afin de vous
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relier au monde artificiel, aux structures fabriques au nom de la socit humaine. Vous ne
pouvez pas vous chapper. Vous devez vivre au milieu. Alors, vous devez vous asseoir avec
vous-mme, ne pas vous raconter d'histoires, ne pas tricher. Si vous voulez la richesse et les
biens, vous devez vous l'avouer. Vous devez galement en payer le prix. Donc, le mode de vie
alternatif exige l'limination des facteurs de comparaison, de concurrence, d'ambition,
d'agression, et l'limination des facteurs d'apitoiement, de rancune et de douleur. Vous voyez,
ceci est une ncessit. Si ce point est suffisamment clair, voulez-vous aborder avec moi un
autre point ?
Responsabilits de famille
Nous devons couvrir un vaste sujet en peu de temps. Le troisime genre de responsabilits ce
sont les rles que nous acceptons volontairement en raison des nos besoins ou de nos
conditions psychophysiques. Le mariage est une ncessit psychophysique. Il n'y a pas lieu
d'tre timide ce sujet. Il n'y a pas avoir honte ce sujet. Si on en a envie, alors on doit se
rendre compte des implications de la vie marie qui est une aventure partage. Les tres
humains ne peuvent pas tre des copies carbone les uns des autres. Ils vont tre forcement
diffrents, au niveau du temprament, des conditionnements, et mme physiquement. Alors,
est-ce que je veux me lancer dans cette entreprise commune et vivre avec un(e) associ(e)
dans la vie ? On doit faire le tri pour soi-mme et ne pas accepter quelque chose parce que
c'est une tradition, une convention, parce qu'alors vous seriez passif, vous n'estimeriez pas que
vous tes responsable de ce que vous faites, et vous smeriez les graines de nombreuses
douleurs et souffrances.
Maintenant, si moi j'accepte la vie marie, une vie commune, alors j'accepte le rle d'tre un
mari ou une pouse, avec toutes ses limitations, ses implications, ses difficults, ses dangers,
ses risques. Chaque relation limite la libert mais enrichit la vie au nom de plus de scurit.
Mais vous payez le prix de la scurit en diminuant votre libert. Voyez-vous la danse de la
vie ? On doit donc se rendre compte des implications, de la diminution de la libert, une fois
que l'on accepte d'tre un mari, un pre ou une mre. C'est un besoin psychophysique d'avoir
des enfants, une famille. Rien de mal avec a. Mais d'autre part vous avez le rle du pre ou
de la mre et les responsabilits qu'implique la condition parentale. C'est insens de crer une
rancune et une irritation. Ces enfants se comportent de telle faon et ils me prennent tout mon
temps, ils sont incontrlables... Je n'ai plus le temps pour ma Pooja, mon Japam. Ah ! le
travail humain ! Veuillez voir ceci. Vous voulez tre pratique ? C'est de la religion pratique,
de la mditation pratique que je parle. Alors on doit se dvelopper avec l'enfant. Les parents
qui ne se dveloppent pas psychologiquement avec l'enfant n'voluent pas, ne se dveloppent
pas, parce que les enfants peuvent nous enseigner cent choses. En vous dfiant, ils vous
enseignent l'humilit. En vous insultant parfois, ils vous enseignent la tolrance. L'enfant est
non seulement le pre de l'homme mais le professeur de l'homme, c'est superbe quand les
enfants vous drangent. Mais vous vous nervez, il y a alors friction, rancune et apitoiement.
Voyez-vous, comment nous inventons l'auto-souffrance ? La souffrance, la douleur
psychologique est volontaire, elle est autoproduite. Vous voulez jouer le rle de parent et de
mari, d'pouse mais vous ne voulez pas des responsabilits impliques par cela. Vous ne
pouvez pas avoir les deux. Donc, le processus de devenir par rapport la socit humaine
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peut demeurer simple, de sorte que les dommages que vous subissez dans ce processus,
l'usure et les pleurs, peuvent tre rduits au minimum.
Relations avec la vie cosmique
Laissez- moi maintenant regarder de l'autre cot, les relations organiques avec la vraie
demeure, le cosmos ou la vie cosmique, l o le processus de devenir est compltement
inutile. Le processus de savoir et d'prouver est utile jusqu' un certain degr. Vous devez
regarder le cosmos, les relations entre le soleil, la lune, la terre et les autres plantes, leur
action sur vous quand vous tes n, l'interaction entre votre temprament et le mouvement de
ces plantes et celui des toiles et ainsi de suite. Alors la vie apparait comme admirablement
complexe.
Alors, maintenant, on doit vivre une relation organique avec le cosmos. Les nergies
cosmiques se dplacent. Elles ne dpendent pas de la pense humaine, des calculs humains.
Elles ont leur propre ordre et elles ont leur propre mouvement harmonieux, un mouvement
holistique. Vous pouvez apprendre sur ce sujet avec les mots, c'est l'astronomie, l'astrologie.
Vous pouvez apprendre ce qu'est la matire et l'nergie avec la physique. Vous pouvez
apprendre ce qu'est la structure de l'esprit humain ou de la pense avec la psychologie. Cette
recherche verbale, cette recherche thorique et scolaire est utile la base. Vous jetez les
fondements par la recherche verbale mais la base n'est pas la construction du btiment. Aprs
avoir jet ces fondements, que fais-je ? Je connais thoriquement l'immensit, l'infini du
cosmos, la Vie intemporelle. Alors que fais-je ? Je ne fais rien.
S'il vous plat regardez maintenant. Le mouvement du savoir, c'est--dire le mouvement
thsauriseur du savoir qui prouve l'immensit de la Vie, doit s'arrter. Le dsir de vous
manciper, de vous librer, le dsir d'tre en Samadhi, le dsir d'tre dans un processus de
devenir grce au Tantra, Mantra, Hatha, Rajah, Laya ou Nada Yoga, et ainsi de suite, doit
s'arrter. Le processus de devenir doit cesser. Ils sont inutiles la communion avec ce qui
EST . Chaque effort mental vous loignera de ce qui EST , parce que vous essayez de le
toucher avec des mots, des ides, une technique. Et la Divinit, la ralit basique de la Vie,
lude le contact de vos mots. Ainsi, aucune activit mentale n'est approprie la communion
avec ce qui EST . Vous devez vivre en relation avec le cosmos, une relation organique
avec le cosmos et cette relation peut tre vcue seulement s'il y a arrt des mots, des penses,
des concepts. L'effort est une activit psychophysique. Alors que votre effort tait ncessaire
pour le processus de devenir dans la socit humaine, ici, l'effort est sans aucune pertinence,
parce que tout effort cre une perturbation dans votre systme neurochimique. La pense cre
une tension, les sentiments crent une pression sur votre systme chimique. L'quilibre, mme
l'quilibre mtabolique, est troubl par le plus lger effort. Aussi, est-il ncessaire,
extrmement ncessaire de voir que tous les efforts psychophysiques n'ont aucune valeur ici.
Arrt total. Les processus de savoir, de faire des expriences, de devenir, tout cela doit finir
compltement. La recherche verbale, les explorations crbrales et non-crbrales, doivent
cesser inconditionnellement, si l'on veut communier avec la Vie. C'est seulement quand les
efforts psychophysiques cessent, que le systme mtabolique volue vers une rceptivit ce
qui EST .
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Tant que nous sommes encombrs par les penses, les ides, les concepts, et que nous
sommes occups avec des pratiques, le systme mtabolique est ferm sur lui-mme. Mais
quand l'enqute cesse, quand les explorations cessent, alors le systme mtabolique devient
rceptif ce qui est en dehors du corps, l'espace et aux nergies innombrables et
inconditionnelles contenues dans l'espace. La rceptivit ouvre la porte, et ce que nous
appelons le silence, ce que nous appelons l'arrt de l'enqute verbale, l'arrt du mouvement de
l'esprit conditionn, ouvre la porte pour que l'autre entre. Alors la descente du Supramental ou
de l'Inconditionnel, ou du Divin, a lieu. Pour la runion et le mlange des deux nergies,
l'nergie cosmique contenue dans ce corps humain simple et diffrenci, et l'nergie cosmique
non spcifique et non diffrencie en dehors de vous, le corps humain est le lieu de rencontre.
Tout ce qui est contenu dans le microcosme du corps humain, est contenu dans le
macrocosme du cosmos.
Ainsi le silence devient l'endroit o la runion a lieu et o le mlange se fait. Vous ne le
mlangez pas avec le mlangeur de l'effort humain. Vous n'tes pas l. Le vous , le je
ne peuvent pas se librer. Le je est le moniteur du pass. C'est un concept, c'est une ide
attache au pass. Et tout effort est la continuit du pass.
Alors, quand cet effort cesse, puis que tout effort capitule sur l'autel de la facilit et du naturel
de votre vie. Mme le mot spontanit est suspect d'une certaine manipulation parce qu'il
suppose d'tre le tmoin et d'tre spontan. Vous savez, les mots sont si boiteux, la
communication verbale est si imparfaite, que plus je me livre elle, plus la faiblesse des mots
est manifeste. Et c'est notre destin de communiquer par des mots.
Vivre dans l'tat de communion
Alors. s'enraciner dans la facilit, s'enraciner dans l'arrt du mouvement de l'esprit
conditionn, c'est la seule manire d'tre reli ce qui EST , la Divinit, au phnomne
mystrieux de la Vie auto-gnre. Et cette communion est mditation. Vivre dans cet tat de
communion c'est tre en Samadhi, vivre dans cette dimension, y demeurer et travailler partir
de cet tat sur le niveau psychophysique. Alors votre perception a une qualit diffrente et
votre rponse a une saveur diffrente. La perception et votre rponse ne sont pas nes de
l'effort et des contraintes des penses, des ides, des calculs et des conclusions. C'est la
communion qui respire par vous, c'est l'tat de communion qui voit par vos yeux. Et, s'il vous
plat, je ne suis pas en train de faire de la posie, j'exprime juste la simple vrit. Mais la vie
est posie, qu'y puis-je ? La Vie est musique.
Alors vivre dans cet tat de communion, vivre de cet tat de communion et nous relier au
monde artificiel partir de cet tat de communion, c'est possible mes amis, C'est possible
pour chacun de nous. La consommation de la croissance humaine se situe dans cette direction
et pas dans l'extension horizontale de la proprit, de la richesse et de la puissance. C'est peut
tre une condition pour vivre dans la socit humaine, mais si vous oubliez que vous tes un
membre du cosmos, que le cosmos est votre vritable demeure et si vous drangez le principe
cosmique de l'ordre, de l'harmonie et de l'interrelation, alors toute la richesse dans le monde
ne vous donnera pas la paix ni l'quilibre intrieur.
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CHAPITRE 9
ESCLAVAGE ET LIBERT
Dans ce festival de l'amiti, avec votre autorisation, je voudrais rendre hommage au Gnral
B.C.Joshi. Il tait la tte de l'arme indienne, il est mort hier. En ce moment mme son corps
est consum par les flammes Delhi.
Le gouvernement indien a perdu lun de ses dirigeants les plus efficaces, les plus comptents
et essentiels, un tournant trs critique de la vie nationale. Les Indiens ont perdu une
personnalit nationale vritablement religieuse, et j'ai personnellement perdu un ami trs
prcieux. B.C. Joshi tait venu me rencontrer en 1992. Il avait tudi les enseignements de
Ramakrishana, Vivekananda, Shri Aurobindo, Ramana Maharshi et Shri Krishnamurti.
Quelqu'un lui avait justement donner les livres de Vimalaji. Il les a tudis pendant six longs
mois et puis il est venu de Delhi pour me rencontrer. Nous avons pass deux longues heures
ensemble. Il tait venu pour discuter de la faon de prsenter l'tude de l'esprit et la mditation
dans le programme des jeunes recrues de l'arme. C'tait une personne trs brillante, presque
un rudit, un investigateur visiblement honnte. la fin de notre dialogue, il dit : Peut-tre
qu'aprs ma retraite je viendrai passer quelques jours avec vous. Six mois aprs cette
runion, certains d'entre vous ici prsents en ont t tmoins, il m'a envoy son reprsentant
Dalhousie. ma grande surprise et ma grande joie, le programme d'tudes avait t chang et
il m'a t envoy. Mais ainsi va la vie, ces deux dernires semaines j'ai perdu deux amis trs
prcieux. Le 7 Novembre j'ai perdu mon ami Prembhai (de Vanawasi Sevashram, Mirzapur,
U.P.). Lui et son pouse avaient travaill avec moi, et il tait venu Delhi le 16 Octobre pour
me rencontrer, pour discuter de certaines questions. Il est instamment ncessaire d'apprendre
vivre, parce que la mort est imprvisible et elle nous accompagne.
Nous discutions ces derniers jours de la question de la libert, de la vrit, de l'amour et de la
compassion. Ce matin nous regarderons le fait de l'esclavage plutt que l'ide de la libert ou
de la vrit ? La qute de libert ne serait-elle pas base sur la ralisation et la conscience de
la nature de l'esclavage, du contenu de l'esclavage ? Nous rendons-nous compte pourquoi
nous avons un tel besoin d'tre libres ? Qu'est-ce qui nous a priv de la dimension de libert ?
Pourquoi n'y a-t-il pas plus d'amour, d'lgance, de tendresse dans nos vies ?
Le dsir de libert
Mes amis, comprendre la nature de l'esclavage c'est le dbut de la libert. La comprhension
du contenu de l'esclavage se transforme en un besoin effectif de libert. Nous devons tre
vraiment certains de savoir si nous voulons vritablement la libert, la libration,
l'mancipation, Mukti, Moksha, Nirvana, ou quelque chose comme a. Voulons-nous
vraiment cela ? Ou bien nous tournons-nous vers la recherche religieuse parce que nous
sommes ns sur cette terre Indienne et que c'est la mode de faire ainsi dans ce pays, parce que
Mukti, l'mancipation, est une ncessit et que chacun doit se tourner vers elle ? Nous en
avons eu connaissance, nous avons entendu parler d'elle. Alors voulons-nous nous conformer
une tradition et nous tourner vers la libration par dsir de nous conformer la majorit ou
est-ce parce que le discours religieux le plus la mode actuellement est de parler de Nirvana,
d'mancipation, de Samadhi ?
Nous tournons-nous vers la Sadhana ou la recherche par acceptation passive de ce qui nous a
t martel par les parents, par l'cole, par les centres religieux, les livres et les soi-disant
saints ? Est-ce une acceptation passive ? Mes chers amis, si nous nous tournons vers la
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Sadhana par acceptation passive, cause de l'autorit de la tradition, nous n'aurons pas de
vitalit pour notre recherche. La vitalit est prsente quand il y a un vritable besoin
personnel, de premire main, de dcouvrir la libert pour elle-mme, et pas parce qu'elle est
sainte ou sacre, parce que l'on doit ou que cela doit tre fait. L'acceptation de l'autorit rode
toute vitalit. Est-ce que je me tourne vers la Sadhana ou la recherche, parce que mon
mariage a chou et que cet chec me tourmente chaque jour ? Alors je me tourne vers un
certain Ashram, un certain Swami, une certaine Bhagawati, un certain Bhagawan. Est-ce une
raction l'chec de ma vie maritale, un chec dans les affaires ? La recherche religieuse, la
spiritualit n'est pas un refuge. Ce n'est pas un moyen de s'vader. Ce n'est pas un refuge
rechercher en cas d'checs. Car l'lan et la vitalit de la recherche dpendraient alors de l'lan
de la raction. Supposons que vous trouviez ensuite quelqu'un qui, par hasard, vous convienne
psychologiquement, alors vous dvelopperez un sentiment d'autosatisfaction, vous aurez le
sentiment d'tre arriv. Donc une raction ne doit pas tre confondue avec un besoin rel. La
tradition et le conformisme ne devraient pas tre pris pour un rel besoin de dcouvrir la
libert. Ainsi, on doit regarder sa propre vie et dcouvrir ce qui manque, o est l'esclavage,
comment se fait-il qu'il ait vu le jour, comment se fait-il qu'il ait continu ? Ensuite aprs
avoir vu qu'il tait l, pourquoi et comment lui a-t-on permis de continuer ? Nous devons nous
confronter aux ralits de la vie.
Vivre de faon dsordonne
Donc, je me tourne vers moi-mme, ma vie quotidienne, la texture, la nature de mes relations
avec les autres et j'observe afin de comprendre. Je laisse de ct tout discours sur la paix, le
silence, la mditation, la libert. Je me dis : laisse tout cela et regarde les faits. O est
l'esclavage ? Qu'est-ce que j'appelle l'esclavage ? Pourquoi n'y a-t-il aucune libert ? Et est-ce
qu'aprs avoir observ ce qu'est la vie quotidienne, je comprends vraiment que le mode de vie
alatoire, dsordonn, mesquin, c'est cela l'esclavage ? Je fais les choses que j'aime, quand j'ai
envie, comme j'ai envie, que ce soit prendre mes repas, aller au lit, parler aux amis, passer des
vacances. Quelles sont mes relations avec la vie ? Y a-t-il de l'ordre dans ma vie ? Si je
constate qu'il n'y a aucun ordre, c'est que c'est le dsordre, c'est le chaos, c'est l'anarchie au
niveau physique. Est-ce que je justifie cela, ou bien est-ce que je vois que c'est l'esclavage ?
Le dsordre produit du chaos. Le dsordre mne l'anarchie motive et au chaos intellectuel.
Il n'y a alors aucun rythme dans la vie. L'ordre et le rythme vont ensemble. Il ne s'agit pas de
faire un vu, de le suivre et d'y obir. Cela n'est pas de l'ordre. L'ordre, c'est le parfum de la
comprhension. L'ordre a l'lgance de la spontanit, sans effort. Alors est-ce que je
comprends que cette vie chaotique, mesquine, dsordonne, au niveau sensuel, verbal, mental,
c'est cela l'esclavage ? Est-ce que je vois vraiment par moi-mme, non pas parce que les livres
religieux l'ont appele esclavage, mais est-ce je vois par moi-mme comment tout cela me
prive d'initiative spontane dans la vie ? Vous savez, la libert c'est avoir l'initiative, de faon
intacte, non mutile. Mais la force des habitudes, le mode de vie dsordonn, produit ses
propres contraintes, stimule ses propres impulsions, et mon comportement devient impulsif.
L'impulsivit produit de l'impatience. L'impatience mne au dsquilibre des comportements.
C'est trs simple.
Alors, est-ce que je ralise que cette impatience, que ce dsquilibre, c'est cela l'esclavage ?
Ou bien, est-ce que je justifie cela ? Veuillez bien voir ceci. Parce que la simple observation
ne sera pas une aide, sauf si nous en ralisons le contenu et en comprenons vritablement les
implications. moins que l'esclavage, la piqre de l'esclavage, ne vous blesse profondment,
il n'y aura pas de relle aspiration la libert. Car vous direz seulement, "Oui, je l'ai vu, c'est
l'esclavage." Et c'est fini. Les gens ont toujours vcu ainsi. C'est notre mode de vie. Nos
anctres ont aussi vcu de cette faon. Vous savez, la dfense et la justification sont prsents
chaque instant. Nous dfendons ce que nous faisons, nous justifions ce que nous faisons, la
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manire dont nous parlons, les mots que nous employons, les attitudes, les approches que
nous avons. Si nous continuons justifier l'esclavage, dfendre l'esclavage, et si nous avons
un sentiment de scurit dans l'esclavage, comment peut-il alors y avoir une recherche ou une
exploration digne de ce nom ? Alors que si, lorsque j'ai compris la nature de l'esclavage, cela
me blesse d'avoir ces chanes et ces entraves sur ma psych, si ces dsquilibres et ces
impatiences, qui s'expriment dans mon comportement, blessent mon sens de la dignit et de la
dcence, alors partir de cette belle peine, de l'acuit de cette peine, naitra un rel besoin de
Sadhana, un rel besoin de partir en qute. Autrement, ce ne sera qu'une soudaine flambe
motionnelle, une ralit verbale ou une tension neurologique supplmentaire au nom de la
Sadhana. Voyez bien s'il-vous-plat. Nous ne voulons pas en ajouter aux tensions et aux
pressions que nous avons dj. Dieu ne devrait pas tre un problme supplmentaire. Et nous
crons nous-mmes un problme. Quoi que nous touchions, nous en faisons un problme.
Donc, le dernier jour, avant que nous ne partions, en signe d'amiti, on doit poursuivre par la
Sadhana si, et seulement si, il y a un dsir personnel, de premire main, et non pas une
raction quelque chose qui s'est produit, parce que la libert est une chose trs dangereuse.
C'est la vulnrabilit la vie, dans tous les sens du terme. On laisse alors tomber tout sens
d'appartenance exclusive aux cltures, au nom de la famille, de la communaut, d'un pays,
d'une idologie. C'est un tat sans dfense. C'est la vulnrabilit. Vous pouvez alors appartenir
la Vie toute entire ou vous n'appartenez rien. Il n'y a aucune exclusivit dans ce sens
d'appartenance qui vous ouvre au lieu de vous enfermer.
Ainsi la libert est une chose dangereuse. On ne peut pas jouer avec, en passant. La Vrit est
crative et destructive. Elle illumine votre conscience. Elle dtruit vos illusions au sujet de
vous-mme. Elle dmolit toutes les images que vous aviez construites sur vous-mme. Ce
n'est pas toujours agrable, ce n'est pas toujours confortable. Natre de la vrit peut tre
douloureux.
Qu'est-ce que je fais ?
Supposons que je ralise que c'est une exploration dangereuse, que cela brisera toutes les
images que je me suis faites de moi ou que les gens autour de moi se sont faites de moi, alors
que fais-je ? Nous vivons dans les cages de nos images, construites par d'autres, admises par
nous et construites par nous galement. Supposons qu'il y ait un vritable dsir et aucune
crainte de la vulnrabilit ou de l'tat sans dfense, l'innocence est sans dfense, alors que
fais-je ? Par quoi est-ce que je commence ? Si tous ces points sont pris en compte, si je suis
dans cette position, alors je ne me tracasse pas de la libert, de la mditation ou du Samadhi.
J'aborde chaque fil de l'esclavage chaque moment. C'est--dire que je m'duque un mode
de vie ordonn, une manire ordonne de parler, une faon de penser ordonne.
L'limination du chaos, l'limination de l'anarchie, est ce qui gnre l'ordre. L'ordre ne peut
pas avoir un modle, mais je peux suivre le dsordre la trace et dire : bien, aujourd'hui ce ne
sera pas ce dsordre minable, je ne remettrai pas plus tard. Je veillerai ce que les choses
appropries soient faites le moment venu, de faon approprie. Qui dcidera de ce qui est
appropri ? Je dciderai par moi-mme, parce que je connais la situation dans la famille, parce
que je connais mon travail et ses contraintes, et parce que je connais mes petites manies.
Donc, je dois dcouvrir ce qui est appropri, les choses justes qui doivent tre faites et la
manire approprie de les faire.
La Sadhana est une aide
Chaque personne doit creuser le chemin de sa propre Sadhana partir de son histoire. Il ne
peut pas y avoir une Sadhana rouleau compresseur universellement applicable. C'est possible
quand vous tudiez les Mantras, parce que vous traitez l'nergie des sons. C'est possible
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quand vous pratiquez le Tantra, parce que vous traitez l'nergie sexuelle. Donc quand il s'agit
du Hatha Yoga, du Tantra, des Mantras et d'autres pratiques et disciplines, l c'est possible,
parce que la discipline vous est donne par le Shastra, la science et vous devez la suivre. Mais
ici, pour chaque personne, le pass est diffrent. Les conditionnements sont diffrents, les
conceptions diffrentes. Ainsi chacun doit creuser le chemin de la Sadhana partir de son
propre tre, comme une sculpture. Cela dpend du matriau, si c'est de la pierre ou pour un
bronze ou quoi que ce soit d'autre. Quand vous connaissez le matriau, vous pouvez l'aborder
correctement.
Alors, je dcouvrirai ce que sont mes conditionnements, n dans une famille hindoue, une
famille visnouites, une famille jan, une famille musulmane, une famille bouddhiste. Quel est
le sol sur lequel je suis ? Quelle est la nature de mon conditionnement ? J'ai vu le dsordre,
maintenant je veux liminer ce dsordre, le chaos. Donc je me tourne vers mes
conditionnements, ceux qui ont caus le dsordre, les tendances, les stress, l'hritage,
biologique et psychologique, les habitudes hrites et aussi celles cultives par moi. Ainsi Je
me tourne vers tous ces conditionnements. Je me tourne galement vers mon temprament et
tout ce que je me suis fabriqu. supposer que j'ai un temprament trs motif, alors peuttre que je peux m'aider de l'nergie du son. Je pourrais chanter quelque chose, exposer
quelque chose de sorte que les motions, disperses dans diverses directions, soient
rassembles et que l'esprit agit et impulsif se trouve calm et apais. J'emploie l'nergie du
son sous la forme qui me convient et selon mes conditionnements. Je peux jouer du sitar, et en
jouant du sitar toutes les agitations et instabilits de l'esprit peuvent se trouver immerges
dans la musique du sitar ou de la flte. Si je ne peux pas en jouer, je pourrais en couter.
J'emploie cela. Si je suis peintre, alors je prendrai la brosse et les couleurs et m'assirai de
sorte que l'esprit soit concentr sur ce point. L'nergie disperse, l'nergie disperse dans
diverses directions se retrouve concentre sur un point. Ainsi, ce qui aide pacifier l'esprit et
devenir non-actif, diffrera d'un individu l'autre.
Mes amis, toute Sadhana est une mesure d'aide. C'est sa valeur, parce que intrieurement il
n'y a rien faire disparatre et rien raliser. Intrieurement il y a seulement comprendre ce
qu'est la vie, ce que vous tes, et vivre cette comprhension. La spiritualit n'est pas un champ
de devenir, de ralisation, quelque chose auquel on parvient. C'est tre qui vous tes. Ainsi les
mesures d'aide sont choisies partir de mes conditionnements. J'emploie le pass habilement,
Je convertis l'esclavage en mesure d'aide. C'est l'art de la rvolution, de la rvolution
psychique.
Nombre d'entre vous peuvent se rappeler ce que le Mahatma Gandhi disait. Il avait l'habitude
de dire : Je suis un artiste en rvolution. Je convertis des difficults en occasions. Si le
pass est la substance de mon tre neurochimique et qu'il ne peut pas tre jet, la seule option
pour moi est de l'employer pour la libert. Alors, je dciderai quelle mesure d'aide va pouvoir
m'aider me calmer, apaiser mon esprit tortur, me dtendre l'esprit, rassembler mes
nergies, et les concentrer sur la non-action.
Quel prix est-ce que je suis prt payer ?
Si ce point est clair, je voudrais continuer et me demander jusqu'o je suis prte aller sur ce
chemin de la libert, de la vrit et de l'amour ? Quel prix est-ce que je suis prt payer ?
Vous payez toujours le prix. Vous allez l'cole et l'universit pendant 10, 12, 15 ans pour
avoir un examen, pour trouver un travail. Vous payez un prix quand vous vous mariez. Pour
le confort et la scurit de la vie marie, vous payez le prix en diminuant votre libert : tous
les ajustements, les adaptations aux tempraments des autres membres de votre famille.
Qu'est-ce que cela veut dire de payer le prix et qui ? personne d'autre qu' vous-mme!
Mais quel est le prix ? Le prix est de vivre la vrit au moment o vous la comprenez,
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indpendamment des consquences et des dsagrments immdiats que cela peut provoquer,
indpendamment des malentendus et des erreurs d'interprtation de mon comportement par un
proche ou un tre cher, parce que la vrit doit tre vcue. Ce n'est pas une simple description
verbale d'une ide. C'est votre relation avec la vie. Elle doit tre vcue. Suis-je dispos vivre
la vrit dans la vie quotidienne, dans le "travail" quotidien de la vie ?
Laissez-moi prendre un exemple. J'ai eu un ami qui lui aussi n'est plus. C'tait une personne
trs honnte, un dirigeant du gouvernement. Votre amie Vimala a eu des relations amicales
trs troites avec des dirigeants et des politiciens du gouvernement, des musiciens et des
chanteurs, des saints et tant d'autres. Alors toutes les fois qu'il me rencontrait, il se plaignait,
de la corruption de la socit, combien il souffrait et tait bless de ce qui arrivait aux valeurs
morales de ce pays, de ce qui est arriv ce soi-disant pays religieux. Il se plaignait chaque
fois. Et je lui disais : Mon ami, le mieux, le meilleur que vous puissiez faire est de vivre ces
valeurs. Pourquoi regardez-vous les autres ? Pourquoi voulez-vous les amliorer et les
changer ? Pour maintenir la bonne sant de votre esprit, vivez les valeurs que vous voudriez
que les autres vivent. Et notre discussion aurait pu continuer. Malheureusement, un de ses
fils a dtourn de l'argent pour un montant de plusieurs centaines de milliers de roupies,
quelques lakhs, et son fils est rentr la maison. Ainsi, le pre, qui se plaignait de la
corruption, de la dtrioration des valeurs morales, n'a pas vu son fils en tant que citoyen de
l'Inde, et n'a pas refus d'assumer sa corruption. Il a essay de l'aider en vendant les bijoux de
la maison, en encaissant les dpts non chus et ainsi de suite. Il n'a pas vu dans ce jeune
homme un citoyen de l'Inde. Il n'a pas vu la dtrioration morale. Il a vu le fils. Il n'a pas vcu
la vrit dont il parlait pendant tant d'annes avec moi. Voyez-vous qui paye le prix ?
Si vous voyez les frontires nationales, les frontires des tats qui sont faites par des hommes,
pouvez-vous vous identifier avec ce pays qu'est l'Inde et dire : Je suis un nationaliste, je suis
un Indien . Ou bien direz-vous ? : Je suis Indien par naissance, mais j'ai dpass ces
identifications et je suis dsormais un tre humain appartenant la totalit de la famille
humaine Si je dis que je suis nationaliste, vivrai-je ce nationalisme dans ma vie, dans ma vie
quotidienne ? Ou bien quand il s'agit de marier ma fille ou mon fils, me tournerai-je vers la
caste ? D'un ct je critiquerai les castes, le communautarisme, mais quand il s'agit de marier
mon fils ou ma fille, je regarderai la caste. Voyez-vous ? C'est une sorte d'hypocrisie, mes
amis, si vous me pardonnez. Vivre la vie d'un hypocrite dans diffrents champs, conomique,
social, familial, religieux, etc., et puis parler d'une recherche spirituelle n'a aucun sens.
Donc, au moment o je comprends la vrit, je dois la vivre, et en payer le prix. Sinon, la
vrit est une force trs destructive. Car la lumire du soleil dtruit l'obscurit, l'nergie
pntrante de la vrit dtruira les illusions l'intrieur, bien que vous ne puissiez pas
accepter cela extrieurement. Elle vous piquera et elle vous rendra la vie malheureuse.
Voulez-vous en ajouter la misre de la vie. La religiosit est la fin de la souffrance et de la
douleur psychologiques. Nous ne voulons pas en ajouter. Ainsi, on peut parler de la libert
absolue sans conditions, on peut parler de la mditation, du Samadhi et ainsi de suite, mais
est-ce que je suis prt pour vivre cela ? Je serai rduit ntre rien ni personne. La mditation
ne me prcise-t-elle pas que la vie n'est rien d'autre quespace vide? C'est un vaste vide, et
vous tes organiquement une partie de ce vide, de ce rien. Est-ce que je veux tre quelqu'un
dans la socit ? Alors la vrit me tombe dessus : il n'y a personne, cette identification avec
le nom, le corps, cette identification avec les qualits, les actions, leurs rsultats est juste un
jeu de socit. Elle n'a aucune ralit. Elle n'a qu'une utilit sociale mais aucune ralit. Si
cela est prcis, alors qu'arrive-t-il la substance intrieure de la conscience ? La substance
intrieure de la conscience est l'veil au rien, la conscience du nant. Un silence vtu de chair
et d'os. Pas trs agrable, n'est-ce pas ?
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Relations et solitude
Maintenant, allons vers une approche encore plus pragmatique de la vie quotidienne. Je vis en
relation. La vie est relation. Donc chaque jour, je dois assumer divers types de relations,
comme mari, comme pre, comme mre, comme client, en tant qu'avocat, comme industriel,
en tant qu'homme d'affaires et ainsi de suite. Les relations. Et il y a une dynamique des
relation. Je les gre raisonnablement, rationnellement, logiquement, sans aveuglements, sans
fraude d'aucune sorte. Je vis trs raisonnablement, en tant que personne responsable. Je vis
tout cela. Mais si les relations sont une dimension de la vie, la solitude est l'autre dimension
de la vie, parce que quand je suis n, je n'tais ni un mari ni un pre, ni une mre, ni un
homme d'affaires, ni un professeur, ni un agriculteur. Il y a une partie de mon tre qui n'est
absolument pas relie tous ces rles que je dois jouer dans la vie, ni toutes ces relations par
lesquelles je dois passer. Ces rles et ces relations, c'est une crote externe, une crote
protectrice. Mais il y a la solitude : Qui suis-je, moi quand je ne suis pas un Indou, un Indien,
un mle ou une femelle, une mre, un enfant ? Quand tous ces rles ajouts ma vie et toutes
ces relations sont mises de ct, qu'est-ce qui reste de moi si ce n'est l'humanit qui est la
forme que le Divin a volontairement prise ? La divinit s'est revtue d'une forme humaine,
une belle forme humaine, la complexit la plus volue de la vie.
Alors, les relations sont un aspect, une dimension et la solitude en est un autre. Le fait de se
dnuder du relationnel est solitude. Est-ce que je vis cette solitude ? Puisque la libert est
quilibre spontan. La solitude et le mouvement des relations devront tre quilibrs, un
quilibre harmonieux entre les deux. Pas une contradiction, pas un conflit, pas une
chamaillerie entre les deux. Ils ne devraient pas tre incompatibles. Ils devraient tre
supplmentaire et complmentaires entre eux. Est-ce que je passe un peu de temps dans cette
solitude ou bien est-ce que je dis n'en avoir pas le temps ? Nous sommes habitus parler,
dpendant de la verbalisation. Nous parlons mme dans le sommeil. La parole qui est sculpte
partir des sons est elle-mme une extension de silence. Vous dessinez un point sur un papier
et vous l'tirez. Cela devient une ligne. Le son est l'extension du silence et la parole est la
manipulation de l'nergie sonore. Mais si maintenant je parle toute la journe et que j'entends
les autres parler galement toute la journe, qu'en est-il du silence, de la source des sons et de
la parole, c'est aussi la substance du mon tre ? Est-ce que je vis la source ? Ai-je une
relation avec le monde sans mots, des sons libres de mots et le silence sans sons ? Ou bien
n'ai-je jamais le temps pour cela, car je suis toujours en activit physiquement, au niveau des
sens, au niveau verbal et au niveau mental. L'activit, le mouvement, est une dimension de la
vie et l'immobilit en est une autre. Nos vies sont dsquilibres, unilatrales. Nous sommes
intresss par la parole, par le mouvement, par des relations et pas par le non-mouvement, le
silence et la solitude. Ds que ces deux dimensions seront quilibrs harmonieusement, la
libert en sera le sous-produit, la paix en sera le produit driv. La paix ne peut pas tre
recherche. Elle ne vit pas dans le vide. La libert non plus ne vit pas dans le vide. Ce sont
toutes les deux des produits drivs de nos relations avec la vie.
Vivre la priorit suprme
Je vais donc m'duquer en me mettant en relation avec le silence, la solitude, le nonmouvement : physique, verbal, psychologique, intellectuel. Ai-je le temps de faire cela ? J'ai
un travail, je dois prparer les repas, je dois prendre soin de mon mari et des enfants. Je n'ai
pas le temps. Ou bien, je dois prendre soin de mon pouse et des enfants. Il y a une priorit
intellectuelle mais c'est la vie quotidienne qui a le dernier mot. C'est notre condition
pathtique. Si la priorit intellectuelle devient une priorit motionnelle, puis sensible alors
cette priorit est vcue. Mais s'il ne nous apparait pas urgent de vivre cette priorit, alors la
recherche ne s'panouit pas dans la comprhension. La priorit doit tre vcue. Si vous vous
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dites que la mutation est votre priorit suprme, que Mukti, Moksha est votre priorit
suprme, et puis que seize heures par jour vous grez de l'argent et que vous tes soucieux,
inquiet ce sujet. Ou bien que vous tes inquiet de votre famille. Donc, pour vivre cette
priorit, on doit organiser sa vie.
Laissez-moi dvelopper ce dernier point. On doit organiser sa vie, on doit l'organiser tous les
jours. La priorit suprme doit tre vcue chaque jour. Vous la vivez comme vous vous lavez,
vous vous habillez, vous mangez. Vous vivez quotidiennement en relation avec votre famille,
votre travail, votre usine, vos affaires. Alors vous vivez en relation avec le divin tous les
jours, aucun ajournement, aucune temporisation. Ce sera aujourd'hui, demain, aprs demain,
jour aprs jour. Sinon, aujourd'hui j'ai un invit, demain j'ai un mal de tte ou je suis trop
fatigu, et ainsi de suite. Nous trouvons des excuses et alors la soi-disant recherche demeure
purement intellectuelle, mentale, un idal. Elle reste prisonnire au niveau intellectuel, de
temps en temps au niveau motionnel, mais rien ne se produit. Si nous sommes rellement
proccups par son avnement dans notre vie, alors la recherche doit tre vcue chaque
niveau de la vie, corrl avec tout ce que nous faisons. C'est la corrlation de la connaissance
l'acte de la vie qui apporte des rsultats dans le phnomne de comprhension et alors, quoi
que vous fassiez, tout porte le parfum de la conscience.
Pour finir, mes amis, il y a demain, aprs demain, le mois prochain, l'anne prochaine pour
organiser la vie au niveau matriel, au niveau physique. Vous le ferez avec le temps
chronologique. Il vous faudra galement du temps psychologique. Mais quand il s'agit de
dcouvrir la nature de la Ralit, le mystre de la Vie ou la signification de la Vie, l il n'y a
pas de demain. Les relations avec le lendemain sont au niveau psychophysique, mais au
niveau de ce qui dpasse l'esprit, ce qui dpasse la connaissance, dans cette dimension de
notre vie, la mesure du temps psychologique n'a aucune valeur. Le "demain" n'a aucune
valeur. L dans le domaine de la recherche, au moment o je me dis : "je le ferai demain",
ce moment prcis, je cautionne le modle d'habitude pour le prolonger jusqu' demain. Je le
ferai demain signifie que je continuerai ce que je fais jusqu' demain. Voyez bien ceci. Vous
cautionnez la continuit du pass. Vous lui fournissez le carburant quand vous dites demain.
Pour toutes les choses matrielles la maison, les achats, les provisions et ainsi de suite, pour
accomplir ses responsabilits sociales, il y a un demain. C'est peut tre ncessaire pour de
telles fonctions. Mais pour le fonctionnement psychique, pour mener cette recherche, pour
l'nergie de cette recherche, il n'y a aucun demain, parce que c'est seulement une ide.
Quoi qui doive tre fait, ce doit tre fait dans le prsent intemporel, c'est seulement
l'manation de l'ternit.
Je ne sais pas ce qui a t dit travers moi et par moi depuis une semaine. Ceux d'entre vous
qui sont venus pour la premire fois, ont pu prouver une intensit inconfortable de ma part et
peut-tre une acuit dsagrable ou une hardiesse directe. Mais chaque runion avec des
Sadhakas, des Mumukshus, de vritables investigateurs est traite par moi comme si c'tait la
dernire runion. Je n'ai jamais compt sur demain. Alors, quand j'ai vu que bon nombre
d'entre vous, issus des divers secteurs de la socit, venaient de loin, du Mahrshtra, de
Bombay, ou de diffrentes rgions du Gujart, je n'ai eu aucun dsir de vous pargner.
Je vous suis reconnaissante de m'avoir donn l'occasion de partager le noyau le plus secret de
mon tre, dans la mesure o cela tait possible par des mots. Si la sensibilit de quiconque a
t blesse, c'est la Vrit qui en est responsable, pas moi !
Merci tous, merci tous.
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