Aussaresses Paul - Services Speciaux Algerie 1955-1957
Aussaresses Paul - Services Speciaux Algerie 1955-1957
Aussaresses Paul - Services Speciaux Algerie 1955-1957
Avertissement de lditeur
Avant-propos
Du ct de chez Soual
maintenir
lordre
rpublicain, envoya son directeur de cabinet au
ministre de la Dfense nationale pour y
requrir la troupe et dclara sans ambigut ce
mme 12 novembre, devant les dputs : Je
nadmets pas de ngociations avec les ennemis
de la Patrie. La seule ngociation, cest la
guerre !
Cest ainsi que le conflit fut officialis, mme
si lon ne parla jamais que de maintien de
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lordre.
Des renforts furent dirigs vers lAlgrie.
Parmi eux, des soldats du contingent.
Mais cette guerre, nous les hommes de
lombre savions bien quelle tait commence
depuis longtemps. Le gouvernement dont nous
dpendions le savait aussi. Depuis prs dun an,
le Service Action du SDECE dont javais au
printemps assur la direction par intrim, alors
que Jacques Morlanne2 se trouvait en mission,
commenait prparer des actions visant
empcher la rbellion de sapprovisionner en
armes. Si jtais rest la crmerie (cest
ainsi que nous appelions le SDECE), jaurais sans
doute t amen prendre part lune ou
lautre de ces missions. Mais les circonstances
me conduisaient sur le terrain pour participer
directement aux oprations militaires.
Morlanne disait quil ne sagissait que dun
bref passage dans une unit rgulire de
larme, destin faciliter ma carrire et
favoriser mon avancement. Ctait un
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diplomate.
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rejoindrait bientt.
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Philippeville, 1955
problme.
Et lequel ?
On a d mal vous informer : je ne suis
pas du tout un spcialiste du renseignement. Je
viens du Service Action.
Je suis parfaitement au courant de vos
tats de service et je suis sr que vous allez trs
vite vous adapter. Et de laction, je vous garantis
que vous en aurez, car si la ville est calme, du
ct de la campagne cest beaucoup plus agit.
Dailleurs, mes bataillons sont en oprations.
O cela, mon colonel ?
Lun est dans lAurs, lautre la
frontire tunisienne.
Les bataillons de la demi-brigade
participaient en effet des actions ponctuelles
contre des rebelles qui attaquaient les villages et
les fermes isoles, pillaient et assassinaient les
pieds-noirs.
Cest ainsi que je devins officier de
renseignements. Ce type de poste, qui na pas
de raison dtre en temps de paix, navait pas
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Le 18 juin
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Lattaque
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Mais pourquoi ?
Vous me demandez pourquoi ! Alors que
les fels risquent dattaquer Philippeville dans
moins dune heure !
Mais on nen a pas pour une heure, je
vous assure.
Filiberti, ce nest pas le moment daller
grenouiller l-bas pour leur mettre la puce
loreille et se faire tuer en plus.
Mais il y en a pour deux minutes. Vous
ne pouvez pas me refuser a !
Jai fait venir Issolah et Misiry.
Accompagnez ces messieurs la Carrire
romaine, vous cravatez les types et vous
revenez toute allure. Bien entendu,
interdiction de vous laisser accrocher !
Une demi-heure plus tard, Filiberti revint,
loreille basse.
Mauvaise nouvelle. Jai t appel par les
CRS qui sont au poste sud de Philippeville. Nos
types sont accrochs par au moins cinq cents
fels.
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El-Halia
plage de Philippeville.
Deux ouvriers pieds-noirs de la mine
parvinrent schapper et arrivrent, perdus,
hors dhaleine, au camp de Phau. Ils criaient et
disaient en pleurant que des hommes tuaient
avec une frocit inoue, quils staient empars
des bbs pour les craser contre les murs,
quils tripaient les femmes de tous ges aprs
les avoir violes.
Phau, nous ne disposions que de deux
cents jeunes recrues commandes par le
capitaine Perret, qui revenait de Din Bin Ph,
et le lieutenant Nectoux, un Bourguignon.
Mayer, en apprenant la catastrophe, dcida
de reprendre la mine au plus vite. Utiliser des
soldats du contingent qui navaient pas termin
leur instruction et savaient peine recharger
leur arme ou comprendre un ordre tait
extrmement risqu. Mais ils se trouvaient sur
place et Mayer, quand il le fallait, prenait ses
responsabilits. Il ordonna donc Perret de les
faire attaquer sans manuvrer, comme les
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Emmne-le,
il
faut
lexcuter
immdiatement ! Pour les autres, va me
chercher Bb.
Bb le garagiste ?
Exactement.
Bb, ctait un adjudant de la Rsistance.
Son surnom lui venait de son air juvnile. Ctait
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sachant
quil
sagissait
dlments
irrcuprables, chacun prfrait me les laisser
pour que je men occupe. Ce ntait pas dit
ouvertement, mais on me le fit assez clairement
comprendre.
Pourtant, jai insist tant que jai pu pour
que les prisonniers ne me tombent pas entre les
mains :
Allons, commissaire, cet homme est pour
vous. Prenez-le !
Vous ne pouvez pas me le garder ?
rpondait le commissaire. Jessaierai de le
rcuprer demain.
Mon cher commissaire, a membte
beaucoup, mais je ne sais plus o les mettre. Et
vous le gendarme ?
Moi ? Je ne peux pas lemmener la
brigade. Je nai pas de place.
Oh, vous commencez vraiment
memmerder, tous autant que vous tes !
Le lendemain, jai recommenc mais ils
taient toujours aussi fuyants.
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sa pharmacie.
Nous avons ramass les morts du FLN qui
se trouvaient dans les rues et les avons rangs
au stade municipal. Cent trente-quatre
cadavres taient ainsi aligns sur une piste du
stade, gards par des soldats du bataillon du 18.
Ceux qui taient tombs dans les buissons, on
ne les a retrouvs que les jours suivants.
lodeur, car nous tions en plein mois daot.
Au total, il y avait peu prs cinq cents
morts du ct du FLN, en comptant ceux qui
avaient attaqu les forts dfendant Philippeville
et staient fait recevoir la mitrailleuse.
Le journaliste local est venu rder autour
du stade. Il a ngoci avec la sentinelle et a
russi entrer pour prendre des photos, quitte
dplacer quelques corps pour faire plus vrai.
Les clichs ont t vendus prix dor Life. Les
cent trente-quatre morts sont de ce fait
devenus, grce aux commentaires amricains,
cent trente-quatre malheureux prisonniers
excuts par les parachutistes franais. La
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obtenir le renseignement ?
Jai fait ce quil fallait et jai t aid.
Par qui ?
Notamment par la police.
Massu poussa un grognement et remonta
dans son hlicoptre sans commentaires.
Jignorais, ce jour-l, quel point il mavait
repr.
Nous avons reu peu aprs un message du
gnral Lorillot,
commandant
suprieur
militaire en Algrie. Il voulait rencontrer les
officiers proposables pour lavancement, mais
aucun de nous ne fut promu. Il ny eut aucune
rcompense pour aucun des hommes de la
demi-brigade. Nous avions arrach des milliers
de civils un sort funeste mais la Rpublique ne
nous connaissait plus.
Brigitte Friang, une journaliste, par ailleurs
ancienne des services spciaux, vint faire un
reportage. Elle connaissait bien Prosper et
Monette.
Mayer et moi nous avions confiance en elle,
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La vrit ?
Oui, la vrit. Je lui ai dit que la
population musulmane approuvait notre action
et nous soutenait massivement.
Mayer se tordit de rire. Mais lorsque
larticle parut, force fut de constater que le
papier nous tait trs dfavorable. Brigitte
envoya un mot Mayer pour sexcuser : on
avait trafiqu son reportage, du coup elle
dmissionna du journal.
Pendant les neuf mois qui suivirent, nous
fmes peu prs tranquilles Philippeville.
Comme la plupart des dlinquants de droit
commun taient aussi membres du FLN, bon
nombre dentre eux avaient trouv la mort le
20 aot et les jours daprs. De ce fait, la ville
devint tellement calme que le juge Voglimacci
put prendre un peu de repos.
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Le petit Messaoud
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Ventral, ventral !
Je croyais avoir le temps. Au dernier
moment, jai agripp le ventral et je lai jet
devant moi pour louvrir. Malheureusement, le
ventral aussi sest mis en torche. Je lai rattrap
et jai essay de lcarter pour le dplier puis je
lai lanc de nouveau et il sest ouvert. Au mme
moment, jai ressenti une terrible secousse : je
venais de toucher le sol. Je ne sentais plus rien.
Ctait magnifique, presque surnaturel, de voir
tous ces hommes qui descendaient du ciel. Jai
entendu des cris lamentables. Ctait mon
chauffeur. Jessayai vainement de me tourner
vers lui. Jtais paralys, mais je ne perdis pas
conscience.
Nous fmes quatorze nous retrouver
lhpital.
Vous avez de la chance, juste une
fracture de la colonne vertbrale, me dit une
religieuse qui tenait lieu de surveillante. a vaut
mieux que de se casser une jambe.
Ma sur, vous plaisantez, jespre ?
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Alger
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mobilisant
des
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La mission
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La prfecture
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arrts.
Ah bon, et lesquelles ? demanda Le Mire.
Il y a des suspects quon ne garde pas.
On ne peut pas garder tout le monde, tu
comprends ?
Comment a ?
On ne les garde pas prisonniers.
Et ils sont o ?
Ils sont morts.
Ah oui, je comprends.
Alors, pour que tu ne risques pas de te
tromper, pour ceux qui sont morts, on mettra
une indication devant le nom. On ne mettra pas
M : ce serait trop voyant. On mettra L. L
comme librs. Tu comprends ?
Je comprends. Mais ceux qui ne sont pas
morts et qui sont vritablement librs ?
Eh bien, on mettra E. E comme largis.
Le Mire et Graziani sont rests tranquilles
quelque temps, absorbs par leur travail.
Jean Graziani tait dsespr car les
paperasseries ntaient pas son fort. ce
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le turbulent officier.
Cest ainsi que Graziani avait t affect au
2e bureau o, priv daction, il stiolait auprs
de Le Mire.
Le colonel charg de la scurit militaire
revint bientt nous voir la prfecture avec un
air perplexe. Garcet essayait de se cacher pour
mieux rire sous cape.
Dites donc, fit le colonel, je ne comprends
plus rien. Le Mire et Graziani mont apport une
liste de noms. Mais je crois quils sont devenus
fous. Sur cette liste, la plupart des suspects sont
dclars largis. Je me demande bien pourquoi.
Dautant que ceux qui ne sont pas largis sont
librs. Jai demand des explications, mais ils
se sont embrouills. Lun disait que vous aviez
demand de dclarer largis tous ceux qui
taient morts et lautre prtendait que vous
aviez dit de les dclarer librs. Ce nest pas
logique.
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Le bazooka
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La grve
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importance majeure.
Tel tait le cas des gens dont le lien
prsum avec le FLN, de toute vidence, tait
tnu ou qui avaient t recruts par la force.
Ceux-l reprsentaient, fort heureusement, une
large partie des suspects apprhends.
Les autres, dont la nocivit tait certaine,
ou du moins hautement probable, nous les
gardions, avec lide de les faire parler
rapidement avant de nous en dbarrasser.
Tantt je courais dun PC lautre, tantt
jallais avec lun de mes deux groupes procder
des arrestations quand lopration me
semblait dlicate ou risque.
Nous tions moins dune dizaine, rpartis
dans notre grosse voiture, deux Jeep et deux
Dodge. Nous faisions vite. Toujours la course.
Les nuits ne duraient pas.
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La terreur
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Ben MHidi
fouill.
Ce nest pas moi de faire a.
Cest bien ce que je pensais : si vous ne
lavez pas fouill, vous ne lui avez pas enlev sa
pilule de cyanure.
Quest-ce que vous racontez ?
Voyons, fit Brard en appuyant bien
chacun de ses mots, ce nest pas vous que
japprendrai a : tous les grands chefs ont une
pilule de cyanure. Cest connu.
Ce que me demandait Brard, qui
reprsentait la justice, ne pouvait pas tre plus
clair. Je lui rpondis donc sur le mme ton ;
Et supposer quon le fouille, monsieur le
juge, et quon ne trouve pas de pilule de
cyanure : au point o nous en sommes, vous
avez peut-tre une ide de la boutique qui en
vend car, voyez-vous, on a oubli den mettre
dans mon paquetage.
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heure.
Le lendemain, il me tendit une bouteille de
poison denviron 75 cl.
Mais ce nest pas une bouteille quil me
faut, cest une pilule ! Je ne vais pas lui donner
boire !
Dmerdez-vous, cest tout ce que jai.
Vous navez qu bien le tenir : vous verrez, a
ne pardonne pas.
Jai longtemps gard cette bouteille dans
notre bureau de la prfecture qui tait tout prs
de celui du prfet Baret. Ceux qui passaient
savaient quil sagissait de poison et ctait
devenu un sujet de plaisanterie :
Alors, Aussaresses, toujours prt payer
un coup !
Garcet avait pris un malin plaisir la poser
ct dun des flacons de scotch quil avait
rapports dgypte. Pour sa plus grande joie, un
visiteur, quon avait laiss se servir boire,
choisit la mauvaise bouteille et Garcet ne le
prvint quin extremis.
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au prisonnier :
Et pourquoi ne pas travailler pour nous ?
Si tu te rapprochais de la France, tu ne crois pas
que a pourrait tre utile ton pays ?
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Matre Boumendjel
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intervenir
activement dans la fabrication de bombes qui
exploseraient srement un jour. Par ailleurs, le
journal clandestin La Voix du soldat poursuivait
la diffusion de son insidieuse propagande.
Massu, en accord avec les rgiments, avait
dcid dallger le dispositif militaire en place
dans la ville. Il ny aurait plus dsormais quun
seul rgiment la fois, et chaque unit
assurerait son tour de permanence. De ce fait, le
secteur Alger-Sahel, command par Marey, prit
une certaine importance.
Vers le mois davril, Suzanne Massu
effectua un voyage Paris. L-bas, elle avait
accs aux milieux influents de la socit civile et
on lui ft comprendre que son mari serait bien
avis de moins perscuter le FLN. son retour,
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moccuperais du PCA.
Je me voulais dautant plus nergique que
je commenais envisager le terme de cette
mission. Dans mon esprit, tout devait tre fini
pour moi avant lt. Jen touchai dailleurs deux
mots Massu. Il ne voyait pas dinconvnient
mon dpart, condition que je me sois trouv
un remplaant. Ce ntait pas simple car tout le
monde savait que ma mission tait trs difficile.
Le moins que lon puisse dire, cest que je ne
faisais pas de jaloux. Si lon avait battu le
tambour dans les rgiments pour me chercher
un successeur, je suis sr quon nen aurait pas
trouv. Cest donc le plus discrtement du
monde que je me mis en campagne pour
solliciter quelques camarades. Tous refusrent.
Nous tions au mois de mai 1957. Je passais
beaucoup de temps la prparation minutieuse
des actions que jentendais mener dans
lHexagone. Nous en discutions avec Trinquier.
Javais mont dans les moindres dtails une
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Charbonnier
dinterroger ces deux hommes pour savoir sils
appartenaient au Service Action du PCA et
dexploiter les papiers et les carnets dadresses
qui se trouvaient chez eux pour voir si le nom
dAndr Moine ny figurait pas. Comme on sait,
Audin disparut le 21 juin. Cette disparition fit
scandale et donna lieu une enqute trs
pousse. Quant
Alleg, il raconta son
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Le Dserteur
Baden-Baden
en
qualit
dinstructeur dappui arien.
Je suis cependant revenu plusieurs fois en
Algrie, sous le prtexte dorganiser des stages.
LALN avait concentr des forces importantes
dans des camps tunisiens implants prs de la
frontire algrienne. Ctait astucieux, puisque
lautonomie de la Tunisie avait t reconnue par
la France ds le printemps 1956. partir de ces
camps, des coups de main taient lancs contre
nos positions frontalires. Au dbut de lanne
1958, deux avions franais avaient t abattus
par des tirs de DCA et des appels avaient t
massacrs. En reprsailles, un raid arien fut
organis de lautre ct de la frontire le 8
fvrier 1958. Cest cette occasion que le village
tunisien de Sakhiet Sidi Youssef fut bombard.
Cet
incident
eut
des
rpercussions
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55 - Depuis, An Oussera.
56 - Dev enu snateur-maire de Puteaux .
57 - Cest en mars 1 957 que Bollardire dev ait
demander tre relev de son commandement. Outre
un contentieux personnel, Bollardire av ait mal admis
que Massu lui reproche un manque de rsultats dans la
lune contre le FLN.
58 - Le 30 janv ier 1 956, le socialiste Guy Mollet tait
dev enu prsident du Conseil, en remplacement dEdgar
Faure, Franois Mitterrand av ait t nomm ministre
de la Justice et Maurice Bourgs-Maunoury , ancien
ministre de lIntrieur dEdgar Faure, tait dev enu
ministre de la Dfense, assist de Max Lejeune,
secrtaire dtat. Le gnral Catroux , fav orable l a
dcolonisation, nomm ministre rsidant en Algrie la
v eille de la formation du gouv ernement Mollet,
dmissionna le 6 fv rier. Mollet le remplaa par le
socialiste Robert Lacoste, adepte dune position dure
face au FLN.
59 - Une de ces oprations, mene au centre dAlger,
tout prs de ltat-major, fera un certain bruit au dbut
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