UE7 Sant Socit Humanit

Histoire de la Pharmacie
Chapitre 1 :

Aux origines de la pharmacie

Professeur Patrice Trouiller
Anne universitaire 2011/2012
Universit Joseph Fourier de Grenoble - Tous droits rservs.

Plan du cours
- Chapitre I
Aux origines de la pharmacie
1. Introduction lhistoire de la pharmacie
2. Emergence de la pharmacie : la boutique des
remdes et lapothicaire
- Chapitre II
La pharmacie lge moderne
1. Structuration de la pharmacie moderne : le
mdicament, le pharmacien, le laboratoire
2. La pharmacie du XXIe sicle et ses perspectives

Chapitre I : Emergence de la pharmacie

1re partie - Introduction lhistoire de la pharmacie

2me partie - Emergence de la pharmacie : la boutique des

remdes et lapothicaire
1. Lart de gurir dans les socit primitives
2. La thrapeutique dans les socits de lantiquit
(Sumer, lantiquit grecque et la mdecine hippocratique, lantiquit
grco-romaine, la pratique mdicale et le remde)
__________________________________________________________
________
3. La thrapeutique dans les socits arabo-musulmanes
(institution hospitalire et pharmacie, la mdecine arabe)
4. Le mtier dapothicaire
(lUniversit mdivale, les Constitutions de Melfi, les communauts
dapothicaires)
5. La thrapeutique au Moyen ge
(la mortalit/morbidit, les moyens thrapeutiques, laccs la
thrapeutique, la monte en puissance de lapothicaire, lalchimie point
de dpart de la chimie mdicinale)

Priode chronologique gnral : du nolithique (-8500 ans) et antiquit (-3000 ans) au haut
Moyen ge (an mille de notre re)

1. Lart de gurir dans les socits primitives

La sdentarisation du nolithique (8500 ans av. JC) a deux consquences
sanitaires :
- Lvolution de la pathocnose
- Lmergence de lart de gurir
Art parital du nolithique :
il peut tre vu comme un tmoignage culturel
et religieux de cette priode, lart de gurir
appartenant au mme paradigme

Sdentarisation du nolithique :
(1) Evolution de la pathocnose en lien avec :
1. Les modifications alimentaires : apparition de caries, prsence de parasitoses
2. Llevage et la domestication animale : maladies infectieuses passant de
lanimal lhomme (tuberculose, rougeole, variole, etc.)

Caries dentaires (Zambie,

Nolithique), tmoignage
des changements de rgime
alimentaire

Tuberculose :
traces visibles de destruction
osseuse dorigine
tuberculeuse (colonne
vertbrale)

La palopathologie osseuse est source

de donnes relatives la prsence de
certaines maladies, notamment la
tuberculose :
lsions dos enfant du nolithique (A:
surface endocrne lsion, et B-C:
fragment os long avec remodelage
d'osto-arthropathie typique de la
tuberculose

 Evolution de la pathocnose en lien avec :

3. Les transformations de lorganisation sociale : traumatismes des violences
belliqueuses, traumatologie de la vie courante

Les principales causes de

morbidit et mortalit au
nolithique :
la sdentarisation du
nolithique (rapprochement
homme/animal,
concentration population,
accumulation dchets, etc.)
explique la part prise par les
maladies infectieuses et
parasitaires.

Sdentarisation du nolithique :
(2) Emergence de lart de gurir

Amputation dhumrus :
tmoignage et dmonstration de
lmergence de lart de gurir au
nolithique

Crnes prsentant des trpanations

cicatrises, rsultant dune
intervention humaine intentionnelle
(grotte de Merdeplau - Aveyron)

Sdentarisation du nolithique :
(2) Emergence de lart de gurir
- Usage de dcoction vgtale (eg, pavot, valriane, camomille)
- Usage dextraits animaux (eg, glandes surrnales)

Capsule de pavot
incise pour
rcolter la rsine
riche en drivs
opiacs vertus
analgsiques,
constates
empiriquement

Valriane rouge : les racines

taient utilises pour les proprits
calmantes (toujours inscrite la
Pharmacope, 2008)

Sdentarisation du nolithique :
(2) Emergence de lart de gurir
- La maladie est identifie un corps tranger quil faut chasser ou extirper
(une conception dite archaque qui subsiste durant le Moyen ge)

Lextraction de la pierre
de folie :
lopration est ralise
par un chirurgien-barbier,
lextirpation est sense
permettre de supprimer la
cause de la maladie, ici la
folie
(Jrme Bosch 1485
Muse du Prado).

Trpanation
thrapeutique avec
cicatrisation matrise

Le chirurgien (ou tailleur

de pierre ) porte un
entonnoir lenvers
comme chapeau, ce qui le
caractrise comme
mdecin des fous

Repre chronologique - dveloppement de lcriture : 3200 ans av. JC (Sumer et Egypte)

2. La thrapeutique dans les socits de lantiquit

Sumer - Recueil, codification et transmission de recettes thrapeutiques avec
:
. Ebauche des premires pharmacopes
. Formes pharmaceutiques (potions, lavements, lotions, pommades, cataplasmes)
Tablette dargile
criture
cuniforme
(Sumer) sur
laquelle taient
colliges des
recettes
thrapeutiques et
des
prconisations de
soins

Tablette remdes (Msopotamie) tmoignant des

acquis de la pharmacie au temps de Sumer

Repre chronologique - civilisation gyptienne : de 2900 30 av. JC

2. La thrapeutique dans les socits de lantiquit

Egypte - Papyrus dEberth (lcrit permet la transmission des connaissances)

Bouteille
mdicinale
(Ancienne
Egypte)

Etui khl et son

btonnet pour
farder les yeux

Fard gyptien
base de
plomb
permettant
une prvention
des
ophtalmies

Papyrus dEbers : trait mdical comportant

des recettes thrapeutiques et des remdes
(Thbes - Egypte, vers 1552 av JC)

Repre chronologique Hippocrate : priode du sicle de Pricls (Ve sicle av. JC)

2. La thrapeutique dans les socits de lantiquit

Grce - Naissance de lart mdical occidental (antiquit grecque)
. Cause naturelle de la maladie (eg, pilepsie) : une approche rationaliste et
naturaliste (vs. approche magico-religieuse )
. Thorie des humeurs (Hippocrate) : sang, phlegme, bile jaune, bile noire
Lpilepsie nest
pas une maladie
plus sacre que les
autres, elle a une
cause naturelle, et
sa nature
prtendument
divine nest due
qu lignorance
des hommes.
Chaque maladie a
sa propre nature, et
provient de causes
externes
(Hippocrate La
maladie sacre)

Les Aphorismes
dHippocrate (cest
dire une formule
brve qui rsume
lessentiel dune
pense) tait un
moyen pdagogique
denseignement.
eg, Dans une
fivre continue, la
difficult de respirer
et le dlire sont
mortels ; Aux plus
grands maux, les
plus grands
remdes .

- La mdecine hippocratique repose sur :

. La natura medicatrix (cest la nature qui gurit, la mdecine laccompagne)
. Les 4 humeurs
. Les remdes (principe des contraires) : les bains, la saigne, les cholagogues,
les diurtiques, les purgatifs, et le rgime alimentaire

Peinture murale reprsentant Galien et Hippocrate (XIIe

sicle - Anagni, Italie) : selon la reprsentation
hippocratique de la natura medicatrix , le mdecin est
l, par ses prescriptions, pour accompagner le corps
malade dans son retour naturel la sant (cest la
nature qui gurit)

Seringues (clystres) pour lavement

purgatif vise thrapeutique selon les
principes hippocratiques (Pompi - Ie
sicle av JC)

Repre chronologique antiquit grco-romaine : jusquau Ve sicle ap. JC

2. La thrapeutique dans les socits de lantiquit

Antiquit grco-romaine - Galien
. Evolution de la mdecine hippocratique : Galien tablit des correspondances
entre les 4 humeurs, les 4 tempraments et les 4 lments (Aristote)
. La thrapeutique centre sur lorgane devient moins expectative et plus active

Reprsentation des 4 tempraments, (miniature

du XVIIe sicle) : le sanguin ; le flegmatique ; le
cholrique ; le mlancolique.

Selon la physique dAristote tous les corps

sont une combinaison de 4 lments en
plus ou moins grande quantit (expliquant
ainsi les qualits de la matire : volatile,
chaud, froid, sec, humide). Galien tablit
une correspondance gnrale (ce modle
sera la rfrence jusqu la Renaissance)

 Antiquit grco-romaine - Dioscoride

. De materia medica (ouvrage de rfrence jusquau XVe sicle)
. Thorie des signatures (concept de similitude entre la structure/forme et les
fonctions dun lment vgtal, animal ou minral)

Dioscoride : De materia Medica

ou la Matire Mdicale (VIIIe sicle)
Monographie illustre de De
materia Medica

Dioscoride : la thorie des signatures

- A : plantes action cardiaque: pche, citron, bulbe
- B : plantes et animaux agissants sur les ruptions
cutanes (desquamante): oignon, poisson , serpent

Chlidoine
(Chelidonium majus)

Teinture de
chlidoine
(utilise dans la
pharmacope
homopathique)

2. La thrapeutique dans les socits de lantiquit

La pratique mdicale et le remde
. Le mdecin : la fois homme de science, philosophe, praticien, prparateur de
remde, et entour de nombreux autres acteurs

Le Rhizotomi ( gauche) : le cueilleur de racines vgtales vise

thrapeutique. Il fait partie de tous ceux qui interviennent autour de la gurison :
medici, servi medici (pour le soin) pharmacopolae, vendeurs de substances
toxiques (pour le remde), sagae (pour la naissance)

Timbres pour le
marquage de
btonnets de
pommades oculaires
(Rome I ap. JC)

Repre chronologique de 622 (lhgire) 1258 (prise de Bagdad par les Mongols)

3. La thrapeutique dans les socits arabo-musulmanes

Un empire culturel (eg, califat des Abbassides, Bagdad) et un lieu :
. Dchanges interculturels (Perse, Indus, Orient chrtien)
. Dappropriation et approfondissement des savoirs des Anciens (Hippocrate,
Galien, Dioscoride, Aristote, Euclide, Ptolme) via la traduction
. De productions originales (mathmatique, astronomie, mdecine/pharmacie)

De materia Medica ,
Dioscoride (illustration
Bagdad, 1224)
Ltendue gographique et culturelle du monde arabo-musulman au
temps des Abbassides (750-1258) : de la Perse au sud des Pyrnes

Savants arabes coutant

lenseignement de Dioscoride

 Lhpital et la pharmacie
. Lhpital (le bimaristan ) : un des premiers lieux de soins et denseignement
mdical (clinique)

Ibn Hindu Les cls de la

mdecine et le livre de
ltudiant : lhpital est un lieu
de soins et denseignement
Bimaristan ( la maison du malade ) Nour al-Din, 1154
- Damas (aujourdhui muse de la mdecine et des
sciences arabes)

 Lhpital et la pharmacie
. Mdecine et pharmacie se sparent fonctionnellement (Rhazs)
. Pharmacie dans les hpitaux, boutique de pharmacie
. Encadrement des pratiques autour du remde : inspection (qualit, falsifications)
. Antidotaire ( grabadin ) : collection de recettes

La pratique de la
pharmacie :
explication de la
Materia Medica

Bagdad: 2 mdecins en discussion

dans une pharmacie ( sayadila )
(miniature arabe 1273)
Pharmacie orientale, 1200
(miniature, muse Topkapi).

 Mdecine et pharmacie arabe

. Avicenne : Canon de la mdecine
= Un tat des connaissances mdicales qui restera influent jusqu la Renaissance
Canon de la
Mdecine,
dition
hbraque
(1491) :
mdecins
coutant la
description
dune
maladie
dans une
pharmacie

Le Canon de la
Mdecine :
traduit par
Grard de
Crmone (XII e
sicle)

Blason de la Royal
Pharmaceutical
Society avec les
effigies de Galien
(gauche) et d Avicenne
(droite)

 Mdecine et pharmacie arabe

. Al-Kindi : essai de quantification mathmatique de leffet des simples
= Ebauche dune pharmacologie du remde

Al-Kindi (801-873) :
essai de quantification
de leffet
thrapeutique

 Mdecine et pharmacie arabe

. Alambic pour la distillation des simples
= Amorce dune approche chimique du remde

Chapiteau dalambic en
verre, les arabomusulmans en ont t
lorigine (Iran XII-XIIIe
sicle)

Alambic arabe pour

lopration de
distillation (utilise par
les alchimistes arabes)

Appareil distiller (daprs un

manuscrit arabe Xe sicle)

 Mdicine et pharmacie arabe - Un apport fondamental :

1. Sur un plan gnral : les Arabes ont t les matres et les ducateurs de
lOccident latin (A. Koyr, 1966) eg, Avicenne, Rhazs
2. Sur le plan mdical : dveloppement de lhpital (bimaristan), spcialisation
de la pharmacie, dveloppement doutils pdagogiques (herbiers,
antidotaires) et dinstruments (alambic)

Hommage allgorique du
Moyen ge arabo-musulman
lantiquit : Aristote en
discussion avec des rudits
musulmans (XIIIe sicle)
En Europe, ds le XIe sicle la
plupart des manuscrits arabomusulmans des textes des
anciens (Galien,
Dioscoride, Avicenne) sont
traduits en latin.

Priode chronologique - du Moyen ge (XIe-XIIe sicle) la Renaissance (XVe)

4. Le mtier dapothicaire
LUniversit mdivale : le savoir docte universitaire soppose au savoir
technique des mtiers manuels
. Le mdecin exerce un art libral structur par le discours universitaire autour
des Anciens : il abandonne la confection des remdes lapothicaire
= Amorce dune autonomisation de la pharmacie dans lOccident chrtien

Universit de Bologne: tudiants

en cours (XIVe)

Frontispice du trait
de mdecine
Fasciculus
Medicinae (1495)
: le mdecin en
tenue de robe et
bonnet, est entour
des ouvrages des
anciens (encadr
en jaune) :
Hippocrate, Galien,
Avicenne,
Rhazs et
procde la
lectio (lecture)

. Les corporations de mtiers sorganisent (eg, drapiers, piciers, gantiers,

apothicaires)
. Les mtiers relvent des arts mcaniques (considrs comme des arts
secondaires) : chirurgien-barbier, matrone (sage-femme), apothicaire

Lapothicaire, ses outils de

prparation : le mortier (triturer,
pulvriser les simples), lalambic
(distiller) et ses instruments :
la balance (peser)

Le chirurgien-barbier
tenant boutique : sa
pratique et ses outils
et instruments
(scalpel, lancette)

La matrone
(sage-femme) :
un
accouchement
au Moyen ge

 Les Constitutions de Melfi : un cadre fonctionnel et rglementaire

. Le mdecin nest pas apothicaire et inversement
. Lapothicaire prpare les remdes
. Une prfiguration du cadre moderne dexercice de la pharmacie

Frdric II (XIIIe) : il a
promulgu en 1241 les
Constitutions de Melfi (dans
cette miniature : Jrusalem
durant la VIe croisade 122829)

Le mdecin (mirant les urines) diagnostique

et soigne ; lapothicaire prpare les
mdicaments ( Des proprits des
choses Barthlmy lAnglais, 1475)

Lapothicaire prpare les

mdicaments suivant les
prescriptions du mdecin
(incunable 1497)

. Encadrement rglementaire et surveillance des apothicaires se ressent car :

- Remdes vs. poisons (le remde soigne mais peut tre galement poison)
- Risques de falsification des remdes (le qui pro quo )
= Emergence de la scurit sanitaire

Apothicaire : livre dinspection des

apothicaireries, inspection conduite par
une commission officielle (UK Royal
College of Physicians, 1728)

Dictionnaire des proverbes franais (1823) illustrant la

mauvaise rputation de certaines professions : De trois
choses Dieu nous garde : des qui pro quo dapothicaire

 Les communauts dapothicaire

. Les mtiers artisanaux (eg, piciers, apothicaires, drapiers, chirurgiens-barbiers,
etc.) : regroupement en communauts ou corporations

Blason de la Compagnie des apothicairespiciers de Paris (1742) mentionnant la

devise : Lances et Pondera Servant ( Ils
ont la garde de la balance et des poids ) en
rfrence la tche des apothicaires davoir la
garde des poids talons, en labsence jusquau
XIXe sicle de poids talon reconnu
internationalement

Catalogue gnral des marchands piciers et

des marchands apothicaires-piciers de Paris
(1749) : apothicaires et piciers ont des intrts
communs pour lapprovisionnement en drogues
et pices

Lapothicaire et
ses outils
(Cathdrale de
Chartres, dtail
dun quatrefeuilles) : la
notabilit et le
positionnement
social de
lapothicaire se fait
au travers de
divers signes
extrieurs
ostentatoires
Lapothicaire : Cathdrale
dAmiens (dtail des
sculptures des stalles)

Chteau
d'Issogne (Italie,
Val dAoste),
une des
fresques des
mtiers: l
apothicairerie
(vers 1400)

Maison de
lapothicaire
Jean Lefvre
(Angers,
1491)

 La formation de lapothicaire :
Apprentissage puis compagnonnage auprs dun maitre apothicaire
(une formation en dehors de la facult), avec progressivement lmergence dun
besoin de connaissances formalises (eg, Jardin du Roy)

Le Jardin du Roy (Illustration

de 1636), ou jardin des
apothicaires o sont cultives
les plantes mdicinales
(simples) : cest l (hors de la
facult, sauf Montpellier) que
commence sexprimer le
besoin dun enseignement
structur de la pharmacie

Affichage de
soutenance
du Chef
duvre dun
apothicaire :
excution
publique dune
prparation de
sirop de
chicore Codex
(cerclage
jaune) et dun
empltre de
mucilage, de
tablettes de
citron modifi
(Rouen, fin
XVIIIe)

 La formation de lapothicaire
Le premier pas vers une formation acadmique avec la Dclaration Royale de
1777 :
- Lapothicaire devient pharmacien
- Matrise de pharmacie (au sein du
Collge de Pharmacie)
=> Un savoir-faire + un savoir

Dclaration Royale sur

les professions de la
pharmacie et de
lpicerie (avril 1777,
Louis XVI) :
les apothicaires
deviennent des
pharmaciens et sont
dfinitivement spars
des piciers

2. La thrapeutique au Moyen ge
Les causes de mortalit et morbidit
. Peu de donnes sur les causes de mortalit /morbidit, tablies sur la base des
registres paroissiaux, et dinterprtation difficile (cadre nosologique variable et
imprcis)
Registre paroissial (glise
St Agnan 1605-1656) o
sont colligs par les curs
les actes de naissance et
de dcs, et parfois les
causes prsumes de
dcs : seuls documents
disponibles pour une
pidmiologie balbutiante
(jusquau XIXe sicle)
- Exemple du registre du
16 septembre 1629 :
Ledict jour a este
enterre en nostre
cimetiere Pierre Mace filz
de Simon Mac aage de
six ans mort de la peste

Les flaux de lhumanit (A. Cabans,

1920 : page de couverture) donnant une vision
calamiteuse et pestilentielle du Moyen ge
sanitaire, thtralise sous forme dun dragon
sur ses ailes figurent les mots peste, lpre,
cholra, variole, grippe - enserrant une
femme

 Les causes de mortalit et morbidit - Un tat de sant prcaire :

Hygine dfaillante, malnutrition, intoxications alimentaires, pidmies
rcurrentes, et maladies infectieuses infantiles prdominantes

Tentation St Antoine, lergotisme ou le mal des

ardents (dtail) : malades recueillant le
Millsime sacr, un des nombreux remdes
utiliss (triptyque, Jrme Bosch, 1506, huile
sur bois)

Couvent des
Antonins
dIssenheim
(dtail du retable
de Saint Antoine
- Grunewald,
1515, huile sur
bois) : en bas
droite du tableau
sont figures les
herbes destines
la confection
du baume de
Saint Antoine
pour traiter le mal
des ardents
(ergotisme)
appel
galement feu de
St Antoine en
raison de sa
symptomatologie

 Les moyens thrapeutiques au Moyen ge - Une coexistence pragmatique de :

. La mdecine officielle : celle de la facult (Hippocrate et Galien) reprsente par
les mdecins, chirurgiens patents, matre apothicaires
. La mdecine populaire : les empiriques, gurisseurs, charlatans, plerinages
thrapeutiques, et les saints gurisseurs
dans un contexte dinefficacit thrapeutique

Le Charlatan (gravure du
XVIIIe, Angleterre): My
drops and my pills will
cure all your ills

Le
Charlatan :
celui qui vend
des drogues
sur les
marchs
publiques
remdes
vants pour
gurir toutes
les maladies
(L. Doomer,
1668)

 Le Malade Imaginaire
(comdie de Molire,
1673) :
satire des pratiques
thrapeutiques de la
mdecine savante.
Illustre par lchange
entre les matres de la
facult et lapprenti
mdecin Argon qui
rpond aux examinateurs
toutes les questions sur
le soin dans des
situations cliniques
varies : clysterium
donare, postea saignare,
ensuita purgare ce
qui vaut finalement
Argon le titre de
docteur en mdecine

 Les moyens thrapeutiques au Moyen ge - La saigne [1]

. Incision avec une lancette ou pose de sangsues : une pratique ancienne et
rpandue mais risque qui perdure jusquau XIXe sicle

Aryballe attique (Ve

sicle av JC) :
mdecin pratiquant
la saigne
Coupe en faence (Iran XIIIe sicle) :
reprsentation de la saigne dans le monde
arabo-musulman

Les outils de la saigne :

lancette et coupe

. Une pratique rpandue depuis lantiquit qui ne disparait quau XIXe sicle avec
les travaux de PCA Louis, montrant sa iatrognicit et inefficacit laide des
donnes de la mdecine numrique (future statistique mdicale)

Recherches sur les effets de la saigne (PCA Louis 1835)

: outre le fait de dnoncer les effets dltres de la saigne
(morbidit et mortalit), le mdecin Louis pose les jalons de
lessai contrl (comparaison numrique du groupe
saigne versus le groupe sans saigne), mthodologie telle
quelle sera formalise en thrapeutique par B. Hill avec la
streptomycine (1947), la comparaison tant devenu le
fondement moderne de lvaluation du mdicament

 Les moyens thrapeutiques au Moyen ge - La purgation [2]

. Une mdecine vacuante (par irritation ou amollissement des intestins laide
dmtiques et laxatifs)

Le clystre
(apothicairerie de
Chteau-Thierry) qui
sert administrer par
voie rectale un purgatif
pour provoquer une
vacuation lavement de
lintestin

Clystre : figurine
en cramique,
lavement rectal
avec seringue
(origine Maya,
rgion du Chiapas,
Guatemala)

Clystre du Congo
(royaume prcolonial
de Bakuba). Son
emploi dans de
nombreuses
civilisations tmoigne
du caractre
polyculturel de la
pratique de la purgation
et de la notion
dvacuation des
humeurs

Gravure illustrant la pratique

du clystre par lapothicaire
(extraite de louvrage
LApothicaire Charitable
- Ph. Guybert 1625, faisant
partie de la littrature de
vulgarisation mdicale qui
apparat au XVIIe sicle)
et permettant de
comprendre le sobriquet de
limonadiers des
postrieurs dont a pu tre
affubl lapothicaire

Il
Farmacista :
carte postale
dun
personnage de
comdie
italienne (dbut
XXe) montrant
la constance de
lassociation du
clystre et de la
pharmacie

Publicit et caricature
voquant lapothicaire et
le clystre (fin XIXe sicle)

 Les moyens thrapeutiques au Moyen ge

. Une varit dingrdients et une multiplicit de formes galniques

Pilulier dcor
polychrome jaune,
orn dun vque
mitr portant la
crosse, comportant la
dnomination latine de
lingrdient  (XVIIe
sicle)

Apothicairerie des hospices de Lyon

Apothicairerie du chteau de Baug (pays de la Loire)

: boite en chtaignier pour la conservation des
simples, piluliers pieds, balance

 Les moyens thrapeutiques au Moyen ge

. Une varit dingrdients mais des compositions mal dfinies, et une
imprcision des mesures du poids mdicinal en labsence dunit de poids et de
mesure reconnue

Tableau de correspondance des poids

mdicinaux (Codex 1638) devant permettre
l'apothicaire de comprendre l'ordonnance
mdicale en l'absence d'harmonisation
universelle des units de poids et mesures

Table dquivalence poids mdicinaux : varits

des units de mesure dans les pays europens
(XIXe sicle)

 Les moyens thrapeutiques au Moyen ge

. Un manque de reproductibilit et de fiabilit des manuscrits de recettes
thrapeutiques (en cause : palimpseste,
ratures) jusquau dveloppement
de limprimerie

Livre des simples de Mattheus Plaetarius (XIIe

sicle), base de lantidotaire Liber Iste :
Exemple de la monographie de la btoine
(manuscrit 6862) o lon observe de
nombreuses annotations (cerclage jaune), des
surcharges et ratures (cerclage rouge) la
marge, pouvant tre, en raison de leur
caractre non contrle - outre l imprcision,
lorigine derreurs de formulation.
Ce type de monographie a pu tre recopi
(avec les erreurs possibles) de multiples fois et
servira de base lantidotaire Nicolas (XVe
sicle) qui sera un ouvrage de rfrence des
apothicaires pendant plusieurs sicles

 Les moyens thrapeutiques au Moyen ge - La thriaque : lillustration du

peu defficacit des remdes du Moyen ge
. Une composition vise polyvalente sappuyant sur le concept ancien de
polypharmacie et se dfinissant comme une panace

La prparation de la Thriaque par

Nicandre de Colophon considr comme
linventeur de la thriaque au IIe sicle av
JC (image de louvrage Theriaca et
alexipharmaca Xe sicle,
Constantinople)

Composition de la
Thriaque telle quelle
figurait dans la
Pharmacope franaise
de 1837 :
on dnombre 39
ingrdients, dont
chaque proprit isole
est suppose
sadditionner pour une
action polyvalente

. La thriaque : une panace devenue un succs commercial objet de

contrefaon et de falsification

Prparation de la Thriaque : elle se fait une ou deux fois par an et

en place publique par les confrries dapothicaires pour en attester
la composition, la qualit et la provenance face la prolifration des
imitations et fausses thriaques , en labsence de protection
commerciale

Le marchand dOrvietan,
concurrent italien et rput
de la thriaque

 Les moyens thrapeutiques au Moyen ge Une impuissance

thrapeutique tempre par :
. Quelques remdes actifs disponibles, mais mal utiliss :
= Le quinquina, mais utilis tardivement car contraire aux canons de la
mdecine galnique dfendue par la Facult
Extrait dun pome
anglais ( The
Remedy worse than
the Disease ,
Matthew Prior, XVIIe
sicle) illustrant
limpuissance de la
thrapeutique : Mort
guri par mon
mdecin !

Ecorce de quinquina
(Cinchona officinalis)
importe de la mdecine
traditionnelle prcolombienne
par les Jsuites (do la
dnomination frquente de
poudre des jsuites )

Le quinquina ne simposera en France

comme remde efficace contre les
fivres palustres que tardivement, et
sera longtemps dorigine anglaise
face lopposition de la Facult au
nom des principes hippocratiques et
galniques

. Quelques remdes actifs disponibles :

= lipcacuanha

Racine dipca importe en

Europe du Matto Grosso
brsilien pour son indication
dans la dysenterie (amibe)
et comme mtique
vacuateur

L Ipca dans la Pharmacope Royale

Galnique (Moyse Charas, 1753) : il est
prconis en dcoction dans les pisodes
dysentriques

 Les moyens thrapeutiques au Moyen ge Quelle accessibilit ?

. La densit mdicale : chirurgiens-barbiers > mdecins > apothicaires mais au
en zone urbaine pour une population 85% rurale
Dsert mdical des campagnes
. Accessibilit conomique aux thrapeutiques de la mdecine officielle : mdiocre
Recours aux colporteurs, marchands forains

Htel-Dieu de Paris (XVIe

sicle) : plus lieu de refuge
et denfermement que lieu
de soins (bien souvent les
malades sont plusieurs
par lit)

. La charit comme substitut une assistance maladie (solidarit) inexistante

Le Trsor des
pauvres (A. de
Villeneuve, XIVe
sicle) : premier
ouvrage de
vulgarisation mdicale
o lon y trouve des
recettes et remdes
pour les maux et
maladies de la vie
courante.
Ce type douvrage
outre le caractre
utilitaire (favoriser
laccs aux soins par
une automdication
dirige), constitue un
des premiers outils de
transmission populaire
des savoirs
(vulgarisation
mdicale) au Moyen
Age puis la
Renaissance

La mdecine,
la chirurgie et la
pharmacie des
pauvres (1749)

Les uvres
charitables , P.
Guybert, (Paris,
1627)

 Les uvres charitables (P.

Guybert) : exemple de recettes pour
les pauvres qui sont constips

Le manuel des dames de charit, formules de

mdicaments faciles prparer (1747) : des
recettes de remdes accessibles tous !

. Quelques rares initiatives prives :

1. Le bureau des adresses de Renaudot (consultations gratuites)
= Un exemple dassistance mdicale du secteur priv, mais sans lendemain
(jusqu la philanthropie du XIXe sicle)

Thophraste Renaudot (1640) :

il organise Montpellier un
dispensaire de soins gratuits
auquel est annex un laboratoire
de fabrication de remdes

. Quelques rares initiatives publiques :

2. Les mdicaments du Roy
= Premire initiative dassistance institutionnalise (secteur public) mais sans
suite effective jusqu la fin du XIXe sicle (assistance mdicale et sociale)
= Prfiguration de la notion moderne de panier
de soins (analogie avec le concept de
mdicament essentiel de lOMS)

En 1706, le roi Louis XIV

Touch de compassion par les
pauvres malades de la campagne qui
prissaient la plupart faute de
secours ,
fit organiser une distribution annuelle
de boites de remde dans les
campagnes.
Le mdecin J.H. Helvetius en avait la
responsabilit : chaque caisse de
remde - visant un large ventail de
pathologies, tait accompagn dun
mode demploi

La thrapeutique : un terrain de concurrence entre soignants

. Concurrence entre soignants patents en mal daffirmation : mdecins vs
chirurgiens et apothicaires - chirurgiens vs apothicaires - chirurgiens vs sages
femmes

La concurrence mdecin vs.

apothicaire illustre par le
cas Paul de Violardes :
Chirurgien barbier de
lEvque de Grenoble et
mdecin municipal de la ville,
il fut destitu en 1456 car il
exerait illgalement le
mtier dapothicaire sans
possder la matrise

La boutique de
lapothicaire est
souvent transforme
en lieu de
consultation
mdicale sauvage ,
plus accessible que le
cabinet du mdecin,
o le malade (cerclage
jaune) peut y exposer
facilement tous ses
maux
ce qui nest pas sans
dplaire aux mdecins
qui y voient
concurrence et
exercice illgal
mme si dans
certaines cits
italiennes cette
pratique tait admise
et rglementairement
dfinie

. Concurrence entre soignants patents et soignants du secteur informel (chacun

dfend son pr carr) : empiriques, charlatans, colporteurs, gurisseurs, gens
dglise mais le malade - quelle que soit sa position sociale, passe
indiffremment dun secteur lautre
La concurrence des gens
dglise est permanente,
notamment celle des surs
apothicaires qui, par leur
proximit avec les hospitaliss, en
profitent pour pourvoir leurs
malades en remdes quelles
confectionnent et ainsi affirmer
leur ascendant spirituel.
- Image : un cours de pharmacie
dispens aux surs apothicaires
(XIXe sicle)

Selon lcrivain journaliste Mercier (XVIIIe sicle) :

Il en rsulte que les empiriques gurissent et ne
tuent pas plus de monde que les mdecins
endossant robe fourre .

La thrapeutique : un terrain de concurrence entre soignants

. Luroscopie (mirage des urines)
= Une illustration de lopposition constante entre savoirs doctes (ceux des
mdecins forms la Facult) et savoirs techniques (ceux de lapothicaire ou
du chirurgien forms sur le terrain )
Uroscope : cartographie urinaire (selon le Fasciculus
Medicinae , Johannes De Ketham, 1493) permettant le
diagnostic de nombreuses maladies selon les caractres
organoleptiques de lurine examine (dtail droite) : couleur,
odeur, got, aspect
Le trio
mdecin +
patient +
apothicaire
et lexamen
de lurine
( Des
proprits
des choses ,
Barthlmy
lAnglais,
XIIIe)

. Luroscopie : lapothicaire en revendique une comptence pour affirmer son

savoir-faire et un savoir, en empitant sur les domaines du mdecin

La pharmacie rustique :
le mirage des urines en pharmacie
(gravure 1775)

Luroscopie destination de lapothicaire dans le Thesaurus

aromatariorum
(Paulus Suardi, 1536): il dcrit les lments simples d'analyse
des urines (encadr jaune : description des qualits
possibles des urines selon la condition du malade)

La thrapeutique Lalchimie : un des soubassements de la future chimie

pharmaceutique
. Alchimie = une philosophie de la nature non distinguable de la chimie jusqu
Lavoisier, dont les aspects sotriques sont marginaux et tardifs

Lalchimiste (Breughel l'ancien, gravure de

1558) : selon la vision classique, le
laboratoire alchimiste est reprsent
comme un capharnam dont aucune
connaissance ne peut raisonnablement
sortir

Traditionnellement, lalchimiste et son laboratoire sont

reprsents pjorativement : laboratoire sombre,
poussireux, et dsordonn pour accentuer et enjoliver
la rupture qua constitu le sicle des Lumires
(les Lumires de la raison vs. la tradition hermtique et
confuse de lalchimie) - Lalchimiste dans son laboratoire
(Eugne Isabey XIXe)

. Lalchimie = une pratique courante des apothicaires et des chirurgiens qui va

sopposer la mdecine galnique (Paracelse iatrochimie : subversion du
savoir des Anciens )

Lalchimiste :
sculpture de lEglise
Notre-Dame (Paris)
tmoignant de
lintgration dans la
socit de la pratique
alchimiste

Le portrait (prtendu) du
mdecin Paracelse (14931541), copi par Rubens
Autodaf des uvres des anciens (Galien, Hippocrate) que - selon la
lgende, Paracelse aurait conduit Ble en signe de rupture avec la
doctrine galnique de la facult Paracelse qualifiant ses confrres
mdecins d ne pouilleux , et clamant avec provocation que les
boucles de (ses) chaussures sont plus doctes que () Galien et
Avicenne

. Lalchimie
= Ne sera jamais une science, mais elle lgue deux apports essentiels :
1. La pratique de lexprimentation : pour montrer, mais pas (encore) pour
dmontrer ni pour vrifier

Alchimie : illustration raliste dun

laboratoire (atelier dessayeur, fin du XVIe
sicle daprs Lazarus Ercker,1580)

Laboratoire
dalchimiste :
grce aux
progrs dans la
fabrication du
verre, les
alambics se
perfectionnent
et la distillation
devient une des
oprations
principales des
alchimistes, et
fera lobjet
denseignement
(manuscrit du
XIVe sicle)

2. La banalisation de lusage du laboratoire (lieu dexprimentation) et le

dveloppement de nombreux instruments de laboratoire qui seront utiliss ensuite
par la chimie/pharmacie
Cest dans le laboratoire des alchimistes que vont tre dvelopps, empiriquement et artisanalement,
des instruments que lon retrouvera plus tard utiliss couramment par la chimie pharmaceutique

Appareil de distillation gradu,

cucurbite verre, alambic verre

Bain marie dans un baquet,

appareils de distillation

Balances, poids

. Avec Lavoisier : de lalchimie la chymie

= On passe dun savoir bricol et dogmatique un savoir reposant sur une
approche scientifique
= La chimie devient la science pivot de la pharmacie

Fourneaux en fonte avec 2 alambics pour

lopration de distillation (XVIe - apothicairerie
Htel-Dieu Bourg en Bresse)
Pharmacope Royale Galnique et Chymique
(Moyse Charas, 1676) :
pour la premire fois sont associes dans un
mme ouvrage des monographies de remdes
dorigine vgtale et chimique

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