Gobineau La Renaissance
Gobineau La Renaissance
Gobineau La Renaissance
Savonarole, Csar
Borgia, Jules II, Lon X,
Michel-Ange, scnes
historiques, par le Cte
de Gobineau
Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France
Gobineau, Arthur de (1816-1882). La Renaissance : Savonarole, Csar Borgia, Jules II, Lon X, Michel-Ange, scnes historiques, par le Cte de Gobineau. 1877.
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LA
RENAISSANCE
SAVONAROLE
CESAR
BORGIA
JULES
II LEON
MICHEL-ANGE
SCENES
HISTORIQUES
PAR
LE
COMTE
DE
GOBINEAU
PARIS
E. PLON
ET Cie,
RUE
IMPRIMEURS-DITEURS
10
GARANCIERE,
M DCCC. LXXVII
Tous
droits
rserves
LA
RENAISSANCE
L'auteur
tion
et les diteurs
et de reproduction
dclarent
TYPOGRAPHIE
leurs
droits
de traduc-
l'tranger.
PARIS.
rserver
au ministre
DE
E.
PLON
de l'intrieur
ET
Cie,
RUE
(section
GARANCIERE,
de la
8.
LA
RENAISSANCE
SAVONAROLE
CSAR
BORGIA
JULES
II LON
MICHEL-ANGE
SCENES
HISTORIQUES
PAR
LE
COMTE
DE
GOBINEAU
PARIS
E. PLON
ET Cie, IMPRIMEURS-DITEURS
RUE
M DCCC
Tous
10
GARANCIERE,
droits
LXXVII
rservs
LA
MADAME
LA
tre
presque
esprit pntr
la puissance
de Rome,
choisir
COMTESSE,
voulu
de ce livre.
composition
assur
me permettez
tre
Dcrire
quelque
natre
Parler
Stockholm,
janvier
1876.
DE
dans
on ne pouvait
d'Italie.
ces pages,
mon
un
et de
de Florence,
mieux
Vous
et je le fais
bien respectueux
dvouement.
COMTE
c'tait
de la grandeur
cout la Lgation
l'intrt
de la gloire
et de Venise,
la
plaisir
la Renaissance,
est le vtre
de l'Art.
pour
prendre
de faire
comme
de Milan
TOUR
DE BRIMONT
NEE
MADAME
LA
DE
COMTESSE
GOBINEAU.
PREMIERE
PARTIE
SAVONAROLE
SAVONAROLE
BOLOGNE
1492
Minuit.
Le ciel
Le jardin du couvent des Pres de Saint-Dominique.
le clair
de lune
les toiles
est pur, serein,
scintillent;
profond;
l'espntre jusque sous les arcades des clotres carrs, entourant
Sur les
pace plant de grands arbres et de plantes odorifrantes.
des peintures
fresque;
robes
s'aperoivent
bleus, visages ples, mains jointes, ttes nimrouges et manteaux
Au milieu
du prau,
bes des saints, des saintes, des bienheureux.
un crucifix
de marbre,
de pierre,
sur cinq six marches
sculpt
murailles
claires
FRRE
JRME.
!
Il s'agit
les temps sont rvolus. L'heure
sonne
ou jamais de relever la parole de Dieu et d'en remplir le
renaissante
monde. Les tnbres reculent.
La lumire
Oui!
sur l'antique
perversit. Que
de nos misres!
Ils les atti-
LA
Rendons
RENAISSANCE.
honteuse
que sa devancire!
Secouons la somnolence de nos aeux, mais non pour y
substituer
du mal ! Eclairons les peuples ! guil'agitation
dons-les ! menons-les ! forons-les ! Ah ! frre, me direz pareille
vous, comment un avorton tel que toi suffirait-il
oeuvre? Vous avez lu David et connaissez les actes
de ce misrable
berger?
LE
Sans doute!
PRIEUR.
d'en
Haut
vous appelle
si haute entreprise?
FRRE
me parle, Dieu
les transports
m'treint,
me tromper!
Dieu
me pousse!
que j'en
FRRE
C'est vrai!
JRME.
La
conviction
prouve
qui
ne sauraient
SYLVESTRE.
Il a raison!
Je ne nie rien.
peut-on procder
vous prtendez,
Mais pourquoi
avec mesure?
Frre
tant d'emportement?
En somme, qu'est-ce
Ne
que
Si je vous comprends
et ramebien, ce n'est rien moins que rformer l'glise,
ner les grands et les petits l'observation
des lois vanTenez-vous
cette tche pour facile? Oubliezgliques.
vous
Jrme?
comment
les docteurs,
les conciles viennent
tout
rcemment
sans compter que nous vivons
d'y chouer,
sous la houlette d'Alexandre
VI ? Quel moment allez-vous
choisir,
grand Dieu!
SAVONAROLE.
FRERE
JEROME.
Je
il a tous les moments!
n'a pas de moment;
vous le rpte : l'heure a sonn ! il faut agir ! Tout change
l'poque actuelle, dj si dissemblable des ges qui l'ont
l'univers
dsorprcde; tout cume et tourbillonne;
Dieu
efforts
continuellement
tendus
le
draciner.
sans frein,
regorge d'aventuriers
princes par
accident, soldats mercenaires,
tyrans des villes,
despotes
des chteaux, paysans insurgs,
et
hargneux,
bourgeois
tous les hritages,
grands, petits, sont en proie cette
les loups qui nous arrivent
tourbe, auxquels s'ajoutent
au
de France.
Et nanmoins,
par bandes d'Espagne,
milieu
de ces calamits,
ils se frottent
s'veillent;
matin,
ces affams
regardez
les yeux;
demandent
donc!
pour
la libert
Les
leur
peuples
repas du
et la paix; la
et la justice dont
et surtout la paix
libert, vous dis-je,
leurs pres n'ont jamais got, jamais connu la saveur !
Et moi, je leur crie : Demandez
surtout
la foi! Sans
elle, le reste est insipide et tourne en poison. Mais la foi,
o est-elle? o en retrouver la source? Le clerg l'ignore...
Les cardinaux
la dchirent...
Le Pape... ah! le Pape, je
ne vous dirai
LA
RENAISSANCE.
pline
en venin.
Les apercevez-vous,
et les tournant
nissent,
ces monstres cherchant leur cure travers les royaumes
que trop, pour les aider, ces autres,
de savoir lire aux
les savants, ivres de l'orgueil
retrouvs de la Grce et de Rome. N'entendez? Et ils n'ont
chrtiens
vipres,
volumes
c'est ce misrable
Martial,
et les Lucain,
et les Apule,
Anacron,
et les Bion,
cet obscne
Ovide,
et les Ptrone,
et les
et les Catulle,
et vous
les
Je
jamais ou parler de ce qu'ils appellent l'amour de l'art , et qui n'est, en ralit, que la honteuse
s'est glisse dans
apptence du vice? Cette monstruosit
nos glises devenues ainsi,
du
quoi ? les synagogues
diable!
Une
sainte
un Sbastien ne sont
Madeleine,
dvoiler la forme humaine
tout aussi
SAVONAROLE.
impudemment
et Vnus!
qu'Apollon
Et moi,
moi, moi,
comprends l'abomi-
accumuler
pas en
!
repos devant une telle leve de forces de l'archimchant
Je dfendrai le monde ! Je dfendrai l'poque o je vis, et,
et les lui veux
surtout,
je forgerai les armes de l'avenir
ment?
Non!
mille
mettre
la main!
fois non!
Je ne me tiendrai
Le sicle
PRIEUR.
Ainsi
JRME.
prisse, pourquoi
Mais si je russis
dshonor, cras, mort, l'Italie,
la foi resplendissante,
la libert
la vertu joyeuse,
LE
Rien.
O commencent
qu'aurez-vous
plaindre?
PRIEUR.
LA
RENAISSANCE.
FRRE
Venise
viendra
JRME.
la
sagesse mondaine.
Elle
PRIEUR.
A Rome?
FRRE
JRME.
Rome.est le pilier du salut noy dans une mer de pestilence. Mais Florence, on peut agir. La mort de Laurent de Mdicis me laisse le champ libre;
il et tout
de Pierre,
empch, car c'tait un paen; mais l'autorit
son fils, est sape par la base. Le peuple et les grands ont
souffert; ils savent au moins parler d'quit et de bonnes
ils
moeurs, ils ont quelques notions de l'indpendance...
et bien qu'ils vaillent peu, c'est avec eux
pourtant qu'il est possible de tenter une rforme. D'aille peuple m'aime,
il m'coute, et je
leurs, Florence,
suis attendu.
rflchissent,
LE
PRIEUR.
Partez
Embrassez-moi
j'ai rv
autrefois, dans mes jeunes annes, et qui me
quelquefois,
Peut-tre avez-vous raison... Je me
parat bien difficile...
sens envahi par une tristesse profonde.
FRRE
Je suis inond
suis donc,
JRME.
d'une
esprance
Frre Sylvestre ?
FRRE
Dans la vie,
vous.
ce que
sans bornes.
Tu
me
SYLVESTRE.
dans la mort.
Je ne m'carterai
jamais de
SAVONAROLE.
FRRE
JEROME.
la porte. Comme
la campagne
s'largit vaste devant nos yeux ! C'est l'image de l'oeuvre
personne sur
que nous allons entreprendre.
N'aperois-tu
Alors
Ouvre
viens!
FRRE
Non,
Jrme,
SYLVESTRE.
je ne vois personne!
FRRE
Eh bien!
JRME.
moi,
je contemple
deux grandes figures !
FRRE
O donc,
clairement
les traits
de
SYLVESTRE.
frre?
FRRE
JRME.
PREMIER.
Lche !
LE
tourneau!
ne vois-tu
LE
Eh bien!
SECOND.
pas qu'ils
sont deux?
PREMIER.
Aprs?
LE
SECOND.
il faut toujours
tre deux
contre
un,
LA
RENAISSANCE.
LE
Bah!
je vous
aurais
PREMIER.
assn une
bonne
coutelade
Allons
au
de
SECOND.
la nuit
SAVONAROLE.
MILAN
1494
que
Ptrarque;
Bernardino
Luini,
peintre;
LUDOVIC.
Lonard,
est-ce pour
de
LONARD.
Monseigneur,
je ne mrite pas tant
Altesse sait bien que je suis affectionn
de svrit.
Votre
son service.
LUDOVIC
Oui, vous me faites, en ce moment, les plus belles protestations du monde, je n'en disconviens
pas; et fatigu
de Florence, dgot des prdications fanatiques du Frre
Jrme Savonarole, indign de l'engouement qu'elles exci m'inventer
des
tent, vous tes prt, m'crivez-vous,
des mcaniques de toutes
canons, des pices d'artillerie,
sortes, me btir
des ponts,
LA
RENAISSANCE.
nos villes
teresses, creuser des canaux, enfin embellir
par des palais, des glises, des statues et des tableaux. Je
sais trs-bien que vous tes en tat de tout faire; mais
aussi contraindre
votre humeur inconstante?
pouvez-vous
Que de fois vous avez chang d'avis et d'amitis ! Ce ne
sont pas des reproches, cher Lonard,
mais, franchement,
vous tes mobile
comme
une coquette.
, secouant la tte.
LONARD
Je ne saurais
Cependant,
non,
je ne suis pas
mobile!
Voyez,
monseigneur,
j'aurais
pass peut-tre
ma vie entire Florence,
mais il y a tant voir dans le
monde et tant apprendre!
Si j'avais constamment
habit
les mmes lieux,
j'ignorerais
plus des deux tiers de ce
que je sais, et' cependant je n'atteins
pas la centime
partie
de ce que je voudrais
ANTOINE
Peut-tre
apprendre.
CORNAZANO.
de vous
Lonard,
consacrer une seule occupation que d'en poursuivre
tant
et de si diverses. Par exemple, vous tes admirable dans
la peinture,
chercher ailleurs votre gloire?
pourquoi
feriez-vous
matre
mieux,
LONARD.
Bernardino.
BERNARDINO
Ah!
LUINI.
SAVONAROLE.
LEONARD.
Je ne saurais
pourtant
renoncer
la gomtrie,
ni aux
mathmatiques.
GASPARDO
VISCONTI.
le nombre
plus raison d'augmenter
musicales si ravisde vos posies et de ces compositions
santes ! Ne vous namourez donc que du thorbe invent
Vous auriez
bien
par vous !
LONARD.
La musique
est
et le perfectionnerai.
J'y reviendrai
dans sa premire enfance, et elle a beaucoup
maintenant
grandir. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
ACHILLINI.
C'est du trait
sur l'optique?
LONARD.
pas mme.
Non
LUINI.
BERNARDINO
Alors,
quelque
Au
c'est de l'anatomie.
butin
moins
y a-t-il
en ceci
pour la peinture.
LONARD.
L'anatomie
est une
science entranante.
Mais
je suis
surtout
mon
adopter
pein qu'on n'ait pas voulu, Florence,
projet relatif au canal de Pise; il en ft rsult les
LUDOVIC.
Matre
Lonard,
un
homme
comme
vous,
il faut
LA
14
RENAISSANCE.
de crer sa guise; il ne saurait produire que des effets admirables. Mais, je le sais d'avance :
et vous me quitterez
une lubie vous prendra,
encore.
laisser toute libert
et appel par tous les princes. Le mane cherchait qu' vous retenir au milieu
gnifique Laurent
de ces hommes illustres
et c'est un concurrent
dont
il s'entourait;
il est mort,
de moins ; mais le gonfalonier
Sode-
ne vous a laiss partir qu' grand'peine ; Galas Bentivoglio vous fait les offres les plus larges pour vous attirer
Bologne,
et je n'ignore pas que M. de Valentinois
vous
rini
a nomm
finirez
son ingnieur
gnral
par vous laisser sduire.
et son architecte.
Vous
LONARD.
O mes amis,
la voir
pouvait
ces infortuns
SAVONAROLE.
pure que dans les
peuples. Je n'prouve de joie vraiment
instants trop courts o je me vois seul avec vous !
LONARD.,
vritable.
GASPARDO
VISCONTI.
Quel malheur
ce moment
d'tre
gouvern en
condamn
nous
mes amis.
la duchesse
J'aime
mon
Isabelle,
neveu
et je ne
je ne puis
CORNAZANO
sous le noble et
Monseigneur,
j'ai servi longtemps
valeureux seigneur
et j'ai vu se
Coleone,
Barthlmy
faire et se dfaire bien des mnages politiques.
Si je ne
me trompe pas aux signes du temps, le duch a plus
LA
16
RENAISSANCE.
par un
besoin
coeur viril
et
LUDOVIC.
Antoine;
je reconnais
votre langage le guerrier prouv, le ngociateur habile,
Mes amis, avec vous
non moins que le lettr et l'rudit.
des grands intrts qui nous
je peux parler librement
il n'y a plus ici de secrets.
occupent; d'ailleurs,
Vous
voyez
juste,
seigneur
LONARD.
Vous
allez nous
monseitrs-grand,
m'intresse
plus que tous les
en dvoiler
un
la faon
dont
les mes
jugent
LUDOVIC
Ecoute-moi
VI
de l'glise.
Vous baissez tous la tte d'un air soucieux?
Je le conois; mais je connais le Pape, je le connais
fond, et je vous dirai ceci : C'est un homme dou de
sagesse, de prudence, d'une raison majestueuse. Son loaussi invincible
quence est, l'occasion,
que son art de
Quant sa pers'emparer des esprits et de les assouplir.
svrance imperturbable,
c'est celle d'un dieu, et par
cette vertu, l plus dangereuse chez un adversaire, il est,
en presque toutes rencontres,
assur du succs. Voil
SAVONAROLE.
17
savons
loi, ni
monde
reprmerveilleux.
se tient
dans sa ville
LA
18
RENAISSANCE.
qui
Assurment,
que vous,
trs-sainte
non!
Mais
monseigneur,
de l'esprit
profondeur
GASPARDO
de Dieu !
VISCONTI.
Le seigneur Ludovic
est tellement
fait pour la couronne que la couronne viendra certainement
d'elle-mme
se poser sur sa tte.
Un gentilhomme
LE
Monseigneur,
j'arrive
servant.
GENTILHOMME.
Il m'tait
SAVONAROLE.
dfendu
de m'attarder
19
la dpche que
le cardinal
Ascanio m'a
une minute.
seigneur rvrendissime
ordonn de vous remettre.
mon
Voici
LUDOVIC
Donne.
Voyons
ce que m'crit
mon frre.
Sancia
d'Aragon,
Goffredo
tent,
Borgia,
qui
il doit l'tre.
son fils
est con-
LONARD.
monseigneur.
LUDOVIC
Nullement.
J'avais
honneur.
LA
RENAISSANCE.
FLORENCE
La
de la petite maison
de Louis
Un toit de
de Buonarotti.
sous lequel Michel-Ange
dans un coin,
travaille
une
planches
statue d'Hercule,
haute de quatre brasses. Sur un cuvier renvers
cour
son pre,
et le visage
soucieux.
LOUIS.
Tu
as maintenant
enfant
inutile
toi-
MICHEL-ANGE.
Je travaille
ce que j'avais
Laurent,
Depuis la mort du magnifique
Bon! voil encore
prvu est arriv. Tu ne gagnes rien...
que tu pleures?
s'essuyant les yeux.
MICHEL-ANGE,
celui
qui
LOUIS.
Si cet homme-l
ne t'avait
SAVONAROLE.
verrais pas constamment
dans la boue.
couvert
MICHEL-ANGE.
Lorsque mon dfunt matre eut cette bont.de m'admettre l'atelier de sculpture de ses jardins de San-Marco
il m'assigna
avec Franois Granacci,
cinq ducats par
mois, et ce que j'ai excut, il me l'a toujours gnreusement pay. En outre, si vous avez reu cet emploi dans
la douane, qui vous fait vivre et toute la famille, c'est
ma considration.
LOUIS.
dans sa fureur de
De plus, ton camarade Torrigiani,
t'a bellement
te voir trop adroit,
cras le visage; tu
oublies ce point-l.
le sublime
Voil
avantage que t'a
valu le magnifique
Laurent!
Tu me fais piti.
MICHEL-ANGE.
Et mme
il
Belle occupation
t'a fait
construire
! honorable,
une
en vrit!
de neige.
Cet homme use
statue
LA
de toi comme
d'un
RENAISSANCE.
bouffon.
Il t'abandonnera,
de ces barbouilleurs
au premier
de toiles au
la malveillance
jour,
milieu desquels tu as choisi de vivre. Je te dirai encore
que je ne vois pas avec plaisir ta grande amiti avec ce
c'est un vaurien.
Je suis encore plus
Granacci;
Franois
fch de ce que tu frquentes le jeune Nicolas Machiavel.
la vrit, est de bonne naissance, je ne le nie
Celui-ci,
pas ; mais on le dit sans moeurs, et il a t se marier la
un ge o il n'aurait d songer qu' se faire
Il ne s'occupe que des anciens Romains ! Aussi
sans ressources, et avant peu il voudra t'emprunter
Marietta,
un sort.
est-il
de l'argent,
L'a-t-il
fait?
MICHEL-ANGE.
Puis-je
ce point
conspire
Ils vont
pas que je me soucie beaucoup des Mdicis.
tre chasss incessamment,
et dcidment
nous sommes
dgots d'eux. Je n'ignore
pas non plus que le digne
Frre Jrme est favorable au gouvernement
du peuple,
et Dieu
quand
ensemble.
Qu'est-ce
qui te prend?
Es-tu
malade?
SAVONAROLE.
23
MICHEL-ANGE.
C'est l'oisivet
quelque
Entre Nicolas
Machiavel.
MACHIAVEL.
Messire Louis,
jour,
Bon-
Michel-Ange.
LOUIS.
jours.
MICHEL-ANGE.
Amis?
ennemis?
MACHIAVEL.
LA
24
RENAISSANCE.
MICHEL-ANGE.
Je dois tout
ennemis
au pre et ne veux
des enfants.
pas compter
parmi
les
MACHIAVEL.
Tu
patrie
bouillante.
chaude, brlante,
met en motion furieuse.
Ah!
population
entire
se
quel beau
Michel-Ange,
moment!
Je vais voir la libert, l'ordre rgulier,
un gouvernement
sage ailleurs
que dans les pages mortes des
vieux livres, et sous les abstractions
de mes rveries! Ce
qui existe Florence
d'hommes
Il
agir,
il
MICHEL-ANGE.
Viens
dans ma
chambre.
J'ai
m'habiller
et faire
mon paquet.
MACHIAVEL.
O vas-tu
donc?
MICHEL-ANGE.
A Bologne,
auprs du seigneur
Galas Bentivoglio;
et
SAVONAROLE.
25
jusqu'
la porte de la ville.
...
MACHIAVEL.
Auparavant,
je te dmontrerai
que tu as tort.
coute.
MICHEL-ANGE.
dans la maison.
LA
26
RENAISSANCE.
PLAISANCE
Un palais servant de rsidence au roi Charles VIII.
Deux capitaines franais.
Une salle d'attente.
PREMIER
Te voil,
CAPITAINE.
mon compagnon?
SECOND
CAPITAINE.
Le bon visage!
Trs-volontiers.
PREMIER
oui,
par
viens-tu?
, que je t'embrasse!
ma
foi,
nous
SECOND
Tudieu!
quelle sant!
CAPITAINE.
menons
bonne
vie!
D'o
CAPITAINE.
lances
De Lyon en droiture. Je vous amne vingt-cinq
Il m'en a cot bon pour les lever! C'est fleur
fournies.
de gendarmes !
PREMIER
CAPITAINE.
Tu trouveras
Raconte-moi
Sais-tu
CAPITAINE.
Ne m'entends-tu
CAPITAINE.
SAVONAROLE.
SECOND
27
CAPITAINE.
Tu m'amuses.
PREMIER
CAPITAINE.
douze mille
C'est donc
vrai
paradis
PREMIER
CAPITAINE.
et terre promise
que ce pays ?
CAPITAINE.
Je te le jure. D'ailleurs,
nous sommes bien
Gnes, o les troupes milanaises nous donnent
tablis
la main.
L'eau
m'en
vient
CAPITAINE.
la bouche.
Que
ne suis-je
arrive
plus tt !
PREMIER
CAPITAINE.
VIII,
petit, dbile, mais de grande mine ; il est ple et
dfait, par suite de la maladie gagne peu de jours auparavant Asti, et
dont il a failli mourir. A sa suite, nombre d'officiers,
le sire Philippe de
Commines, seigneur d'Argenton ; le sire de Bonneval, le sire de Chtillon,
tous deux grands favoris du Roi ; le mdecin Thodore de Pavie.
Charles
LA
28
RENAISSANCE.
LE
ROI.
dites, Thodore,
que Galas vient
que cette fin subite n'est pas claire ?
Vous
et
d'expirer,
THODORE.
Je crains,
au contraire,
Sire,
qu'elle
ne le soit
trop.
Il y a poison.
LE ROI.
Ludovic
le Maure
Isabelle
duchesse
va trop loin.
fait
Qu'a-t-il
et des enfants de son neveu ?
de la
THODORE.
Ils sont
obscure
et assez malsaine.
ROI.
pourquoi
retourner
LE
Voil
qui nous
SIRE
Il
n'y
BONNEVAL.
les Mdicis,
et surtout le cardinal Jean,
leur cause.
pressent fort de ne pas abandonner
pourtant
PHILIPPE
Il
DE
de m'en
DE
COMMINES.
est naturel
d'embarquer
gent rentrer
mdiocrement
que ceux-l se soucient
le Roi dans de mchantes affaires ; ils sondans leur ville
et se venger.
CHATILLON.
SAVONAROLE.
20.
ROI.
Sinon prcisment
ruine.
DE
les Florentins
COMMUNES.
btie,
LE
Alors
mes
de la
ROI.
sont
PHILIPPE
et les douze
DE
sujets;
m'oblige
ce sont
les punir,
des
et
COMMINES.
mieux
amener ces gens de meilleurs sentiments que nous les aliner. Puisque Votre Altesse a
dcid qu'elle irait Naples par la Toscane, nous avons
besoin de tenir la route libre derrire nous.
LE
SIRE
DE
BONNEVAL.
Le seigneur d'Argenton
a toujours
que nous pourrions tre battus.
LE
l'air
de supposer
ROI.
C'est vrai.
DE
Le
Roi
n'est
SIRE
DE
messire;
COMMINES.
et fort avis.
trs-haut.
CHATILLON,
pas descendu
en
Italie
pour
faire
le
LA
30
RENAISSANCE.
ROI.
bien !
LE
SIRE
DE
CHATILLON.
Sans quoi,
a n'tait
LE
DE
BONNEVAL.
Horions,
batailles,
amours,
a autre chose, je m'en retourne!
LE
ROI,
si loin !
ftes et triomphes!
S'il y
souriant.
31
SAVONAROLE.
ROME
chambre
La
Le Pape,
VI.
du pape Alexandre
matre des crmonies.
Burchard,
LE
Giorgio
Bosardi,
PAPE.
un peu derrire
mon ami, tiens-toi
Burchard,
et veille ce que personne ne vienne nous interJ'ai parler ce garon-l.
Matre
la porte
rompre.
BURCHARD.
Oui,
Trs-Saint
Pre.
Il passe derrire la porte.
LE
PAPE.
extrme diligence.
BOSARDI.
Oui,
Trs-Saint
Pre.
LE
coute-moi
lui-mme,
tends-tu?
PAPE.
bien.
Tu
BOSARDI.
LA
RENAISSANCE.
LE
Et tu ne seras tout
PAPE.
fait explicite
qu'avec
le sultan
Bajazet en personne.
BOSARDI.
C'tait
l ma pense, Trs-Saint
LE
Pre.
PAPE.
Je n'ignore
Ne fais pas l'entendu.
pas que tu n'es
qu'un sot; mais dans certaines occurrences on ne sait
qui se fier, et les gens d'esprit ne sont jamais srs.
BOSARDI.
Oui,
Trs-Saint
Pre.
LE
PAPE.
apostolique.
BOSARDI.
Oui,
Trs-Saint
Pre.
LE
PAPE.
Tu
par
BOSARDI.
Trs-Saint
SAVONAROLE.
LE
33
PAPE.
frre
du Sultan,
de mes
'OSARDI.
La saintet
sure. Je ferai
de mon
LE
PAPE.
effrne du roi de
l'ambition
Ceci rgl, tu signaleras
de
du royaume
France. Tu exposeras qu'en s'emparant
la pense d'aller attaquer ConstanNaples, il a surtout
afin de prendre la couronne
des empereurs. bytinople,
Il n'est pas encore Florence l'heure qu'il est,
et
il va venir chez moi pour combattre
les Aragonnais,
il ne cache rien de ses vises ambitieuses
dj, pourtant,
zantins.
Il m'a dit
qui menacent la solidit du trne ottoman.
ses projets, il les a dits aux Vnitiens,
au duc de Milan,
ce n'est pas un secret ; mais ce qu'il
m'a confi moi en
et que je rvle Bajazet, c'est sa volont de
le prince Zizimi,
afin de s'en servir en l'opposant en temps et lieu au Sultan. Ce dernier doit craindre
particulier,
m'enlever
LA
RENAISSANCE.
roi de France, aussi longtemps que rsister me sera possible, et si enfin, n'tant pas le plus fort, il me faut laisser
de faon le livrer
aller mon prisonnier,
je m'arrangerai
dans un tel tat, que le Sultan n'aura pas d'inquitudes
Tu
tourneras
ces confidences
ne soit
pas compromettante.
d'une
faon
qui
BOSARDI.
et la
PAPE.
Trs-Saint
et des Turcs
Pre, la pension
en Italie.
LE
de quarante
mille
ducats
PAPE.
diligence ! dorme-moi
promptement
Burchard ! Oh ! Burchard !
bonnes nouvelles...
Allons!
fais
de
BURCHARD.
Trs-Saint
Pre ?
LE
PAPE.
35
SAVONAROLE.
Trs-Saint
un camrier.
CAMRIER.
de
Milan.
LE
PAPE.
bien!
c'est le petit!...
L'intime!...
Qu'est-ce? Ah!
Entre, mon ami. Comment se porte le seigneur Ludovic ?
Son neveu Galas lui est donc mort de maladie subite
entre les mains,
lement ?
et le petit garon
du susdit
Galas ga-
L'ENVOY.
Oui,
Trs-Saint
Pre.
LE
Ton
PAPE.
Que dit-il?
L'ENVOY.
Il dit que Votre Saintet ne lui tient pas parole dans
l'affaire du Frre Jrme. Vous mnagez ce fanatique, et
ses prdications vont toujours. Outre que les Florentinsseraient plus mutables et abandonneraient
la cause franaise de tout coeur, si ce moine ne leur tournait l'esprit,
le nord de l'Italie
Les princes sont fort
est boulevers.
mcontents ; le clerg l'est plus encore ; il va perdre ses.
domaines ; Savonarole ne parle de rien moins que de livrer aux malingreux
vases sacrs.
La sollicitude
et jusqu'aux
PAPE.
du duc de Milan
pour
la sainte
glise
LA
36
RENAISSANCE.
assez. Je ne m'occuperai
pas de Savonarole tant
Pourque j'aurai sur les bras de plus lourds fardeaux.
quoi ton matre, malgr ses promesses, n'a-t-il pas encore
m'amuse
? Au
rompu lui-mme avec les Franais ? Se moque-t-il
n'ont point agi, ils se prparent
moins, si les Vnitiens
et moi
et nous ont donn des gages. Les Napolitains
faits pour attendre indfiniment
votre bon
sommes-nous
et ton matre
plaisir ? Il n'y a plus que les Florentins
?
ne veuillent pas se dcider. Quand cela finira-t-il
qui
L'ENVOY.
Donnant,
donnant.
Agissez
avec
franchise
Voil
ce
ce
LE
Va causer de tout
qui
est possible.
contre
PAPE.
SAVONAROLE.
PRES
37
FLORENCE
DE
gourdes.
au paysan.
JACQUES LAMY,
ta femme ?
Quel ge avait-elle,
LE
PAYSAN
, pleurant.
ans.
DE
JEAN
BONNEAU.
PAYSAN
se tordant
les bras.
LAMY.
Non!...
non!...
Ah ! mon Dieu !
JEAN
Tu
comprends,
PAYSAN.
mon
DE
BONNEAU.
pauvre
bonhomme,
ce qui
est
LA
38
RENAISSANCE.
s'amuse un peu.
LE
PAYSAN.
femme !...
LAMY.
JACQUES
Tu ferais
Tout
mieux
d'teindre
va brler !
LE
PAYSAN.
Ca m'est gal.,
JEAN
Allons,
JACQUES
DE
BONNEAU.
bonjour.
LAMY,
Console-toi.
Viens-
au paysan.
Tiens, mon
deux oignons...
dment,
en chantant
Bonneval,
royal.
tue-tte
SAVONAROLE.
FLORENCE
le palais Mdicis. La place est couverte de peuple. Cris,
subites. Aux portes du palais sont
clameurs
vocifrations,
tumulte,
et de piquiers
d'arquebusiers
ranges des bandes d'arbaltriers,
d'ordonnance
en bataille;
deux compagnies
et suisses;
franais
Devant
UN PORTEFAIX,
Ah ! les sclrats !
UN
BOUCHER.
mont
amis ? Ils
Sarzane; gorg
a vu des horreurs
hommes,
!
CRIS
Nous
ont pris
SUR
d'assaut,
femmes,
LA
pas le
petits
de ce qu'on
! Eux, nos
ils
ont
brl
enfants!
On
PLACE.
!
BOURGEOIS,
gesticulant.
avons chass Pierre de Mdicis ! Il est all reses coquins de frres le cardinal et l'autre ! Et
joindre
ces trangers
veulent
pas un
LA
40
RENAISSANCE.
lche ? n'est-il
pas un tratre ? Nous avons tran ses cussons dans la boue, et il faudrait les rtablir ? Nous avons
dmoli de fond en comble son palais ; il nous faudrait le
relever ? C'est une honte !
CRIS
JEUNE
VIOLENTS.
! mort
les Franais
sur une
sautant
HOMME,
autre
borne.
Oui, mort ! Ce sont des misrables ! ce sont des barbares ! Aprs qu'ils nous ont fait rvolter Pise et menac
d'un sige, nous les avons reus dans la ville ! Nous
avons laiss faire l'entre du roi Charles, sous un dais
comme un saint Sacrement ! Nous leur avons laiss traverser les rues en grande ordonnance,
la lance sur la
cuisse comme
des triomphateurs
des compliments,
! Nous leur
avons
fait
des amitis,
jou l'Annonciation
LA
FOULE.
agitation
; le peuple
LE
CAPITAINE
les Franais
commence
TERRIDE
! Les btons !
s'armer.
son lieutenant.
Monseigneur,
n'est-ce pas ?
une
les
ce
LIEUTENANT.
charge fond
sur
cette canaille,
SAVONAROLE.
LE
TERRIDE.
CAPITAINE
mais attendez
Oui,
41
l'ordre.
Pas d'tourderie.
de Savoie, comte
Une salle du palais Mdicis. Le Roi, Mgr Philippe
de Bresse, M. de Piennes,
M. de Bourdillon,
M. de Bonneval,
officiers en grand nombre;
M. d'Argenton;
messire Gino Capponi
et trois commissaires
florentins.
LE ROI,
Je suis le matre
! Qu'on
MESSIRE
Votre
qu'elle
Altesse
prtend,
frappant du pied.
obisse !
GINO
Soit!
CAPPONI.
coutez-moi
ROI.
en cuira.
M.
DE
PIENNES.
Bien parl !
LE
ROI.
votre prince,
Applaudissements
CAPPONI.
J'coute.
LE
Le reprendrez-vous
ROI.
parmi
messire Pierre
les Franais.
LA
42
RENAISSANCE.
CAPPONI.
J'coute,
et quand
je r-
pondrai.
LE
ROI.
CAPPONI.
ROI.
Oui,
ROI.
je le veux.
CAPPONI.
Et bien,
nous,
nous ne voulons
LE
pas.
ROI.
Non,
nous ne voulons
pas !
LE
ROI.
je vous trouve
CAPPONI.
En ce moment,
il le faut tre.
bien hardi !
SAVONAROLE.
LE
43
un de ses officiers.
ROI,
Donnez-moi
la
les mchants,
signez !
patience
arrachant
CAPPONI,
le trait
Signez,
m'chappe.
des mains
de celui qui
le tient,
signez,
le dchire
en quatre.
comme
Voil
rannie
en agissent
les Florentins
avec la
ty-
!
LE
Faites
ROI,
hors de lui.
Et nous,
sonnons
les cloches !
Il sort avec ses collgues.
LE
CAPITAINE
TERRIDE
se prcipite
dans la salle.
Rappelez
ROI.
Capponi.
vient lui
dans la salle; M. de Bourdillou
Le Roi se promne avec agitation
du peuple sur
parler bas; silence; on entend les cris et les vocifrations
la place.
Entrent
LE
Ah ! Chapon,
chant tour !
ROI,
les dputs
prenant
mauvais
florentins.
Capponi
Chapon,
par la main.
LA
44
RENAISSANCE.
CAPPONI.
Je suis le serviteur
en ce qui
de Votre
et prt la servir
est de raison.
LE
Mon
Altesse,
serviteur
ROI.
!
CAPPONI.
Le plus fidle.
LE
ROI.
pour
CAPPONI.
non
de vos prdcesseurs, celui-ci,
glorieux
et protecteur des liberts de
moins clatant : restaurateur
Florence.
aux titres
LE
ROI.
Je le veux.
CAPPONI.
ROI.
Je l'accepte ; et aprs ?
CAPPONI.
SAVONAROLE.
LE
Maintenant
Soit!
au milieu
45
ROI.
bons amis,
je resterai
de vous.
CAPPONI.
ROI.
de ma vie ! messire
?
Entre
Savonarole.
CAPPONI.
ROI.
On n'a nul
n'es qu'un
ou je te fais...
FRRE
JRME.
pas partir
? Vous
prtendez
encore
fouler
cette
LA
46
RENAISSANCE.
LE
Qu'on
Moi,
je
ROI.
le mette dehors !
CAPPONI.
du
l'amour
et la colre
au Frre
mugissent
Jrme, vous
Croyez-moi,
croyez-moi!
sans quoi les pierres ellescoutez-le au lieu de l'insulter,
mmes se lveront contre vous ! Vous ne savez pas ce que
c'est qu'une nation en dlire !
pays.
LE
Que veux-tu,
ROI.
moine ?
SAVONAROLE.
pas, n'allez pas, Sire, pour une mesquine colre, perdre le rang que Dieu vous rserve et
les trsors de gloire dont il vous comble ! Marchez o
chrtient!
N'allez
SAVONAROLE.
selle!
les choses
Laissez
47
saisissez-vous
minimes;
des
SAVONAROLE.
Et qui donc, il y a quatre ans, a prdit que vous descendriez chez nous et seriez irrsistible?
Qui donc a rvl la chute des Aragonnais
LE
Oui,
ROI.
dans Rome;
j'entrerai
tu dis vrai !
SAVONAROLE.
Allez donc,
Sire,
L'OFFICIER.
CAPPONI,
Avec l'ordre
du Roi,
venez et empchons
une horrible
catastrophe.
M.
Sire,
DE
BOURDILLON.
faudrait
je crois qu'il
cder; nous n'avons, en
rien faire en cette ville.
Nous nous revanche-
ralit,
rons plus tard.
LE
Tu crois ?
ROI.
LA
48
RENAISSANCE.
l'oreille
SAVONAROLE,
du Roi.
Tiendrez-vous
des-
Capponi.
ROI,
vos conditions?
CAPPONI.
Dans l'instant,
l'argent
LE
son entourage.
ROI,
FLORENTINS.
Vive le Roi !
de peuple.
BOURGEOIS.
TAILLEUR.
SERRURIER.
et le pauvre
SAVONAROLE.
UN
49
MAON.
de Dieu
LA FOULE.
en doute, ce quelqu'un,
il faut l'ventrer !
Si quelqu'un
assommons le chien d'iniquit
! Vive JAssommons,
rme! vive le prophte de Dieu!
Un
vnitienne.
Prs de la frontire
camp de six mille aventuriers
couverte d'arbres,
de vignes,
italiens. Vaste campagne,
fertile,
des villages;
une rivire
coule au
de moissons;
l'horizon,
sont ranges sur les
centre du paysage, et les tentes militaires
de la berge, une baraque de planches,
coubords. Au penchant
verte de festons verts, o l'on vend boire. Des valets d'arme
l'abreuvoir;
hommes d'armes,
passent, menant leurs chevaux
piquiers,
cranequiniers,
paysans, paysannes,
archers, arbaltriers,
les uns se promnent,
les autres se quefilles de joie, mendiants;
sont assis devant le cabaret,
causent,
rient,
rellent;
beaucoup
jouent
UN
HOMME
D'ARMES.
je l'ai
que de mauvaises
servi!
vrai.
Parlez-moi
chez
Ce butor
paroles !
UN
C'est
mon
ARBALTRIER.
UN
Je le connais!
del
TROMPETTE.
de
Battista
di
Valmontone
!
4
LA
50
UN
Trs-excellents
RENAISSANCE.
le bonnet
PAYSAN,
Tu ferais mieux
seigneurs,
UN
PIQUIER.
d'tre riche
la main.
et de me tenir
deux bons
des ds.
LE
PAYSAN.
trs-excellent
Excusez-moi,
seigneur
le jure par la Madone et le saint Enfant!
piquier,
je vous
Je suis un extr-
mement
m'ont
emmene.
UN
TAMBOUR.
Combien
gagnes-tu
Le paysan
ainsi,
s'loigne
UN
son bonnet
sur la tte.
ARBALTRIER.
qui dpouillent
chemise et le font mourir
UN
le pauvre soldat
sur" la paille.
de sa dernire
TROMPETTE.
Mais
qui
nous
SAVONAROLE.
51
NOUVEAU
ans !
VENU.
Seigneurs soldats,
connaissance.
D'ARMES.
L'HOMME
de faire votre
la vtre quand
VENU.
Je ne m'en
en change de la mienne.
L'ARBALTRIER.
et les nuits
LE
Mon
blanches.
NOUVEAU
VENU.
bon
les cris; ni la
j'aime le grand air, le tumulte,
ni l'orage ne me font peur, et si les Sforzas et tant
LA
52
RENAISSANCE.
d'autres
LE
PIQUIER.
LE
NOUVEAU
VENU.
Tu plaisantes, vieux drle! J'ai dans ma pochette cinEn trois tours de bassette,
quante florins d'Allemagne.
veux-tu?
LE TAMBOUR.
Dcidment,
c'est un brave!
UNE
DEMOISELLE,
COMPAGNE.
SAVONAROLE.
53
sur
un
chevalet.
de
ANGUILLARA.
vous qui
Cariteo,
Voyons,
seigneur
dlicat, un grand vertueux en fait d'art,
vez-vous ce tableau ?
tes
un
comment
grand
trou-
CARITEO.
Il est du Barbarelli,
si je ne me trompe?
ANGUILLARA.
et de ses meilleurs,
du Giorgione,
sur mon me!...
Mais je ne veux pas vous influencer...
Prononcez librement !
Bien devin!
C'est
CARITEO.
Voil
une peinture
magnifique!
ANGUILLARA.
Je suis
m'arrive
Ce trsor
CARITEO.
LA
54
RENAISSANCE.
! quelle franchise!
Puis, au fond, quelle originalit
quel
feu ! C'est un homme que ce Giorgione,
et une des gloires
du sicle !
LE
CAPITAINE
BRANDOLINO.
Je prfre pourtant
leur dessin
Venise;
touche a quelque
CARITEO.
le Giorgione
et le Bellini
sont des tres
Croyez-moi!
divins!...
M'est-il permis de remarquer
ici que monseigneur Diphobe n'a pas voulu que l'artiste allt contempler dans le ciel la beaut incomparable
Il la lui a montre sur la terre.
de cette Junon?..
souriant.
ANGUILLARA,
pas
CARITEO.
Sans doute,
le modle
LE
CAPITAINE
est heureux
Le seigneur
Diphobe
LE
BARTOLOMMEO
CAPITAINE
Puis-je
parler
BRANDOLINO.
en toutes choses.
FALCIERA,
monseigneur?
ANGUILLARA.
Que demandez-vous?
pourtant...
Qu'y a-t-il?
Je suis occup,
capitaine.
Entrez
SAVONAROLE.
55
FALCIERA.
Sur l'accusation
meilleurs
cavaliers
de misrables
un de mes
contadins,
a t saisi par les prvts, et l'on dit
de le pendre.
ANGUILLARA.
J'en
FALCIERA.
Considrez
pourtant,
vous me causez. Depuis
le prjudice que
monseigneur,
quatre ans je forme cet homme,
pas moins
de quinze
ducats...
Je vais
les
perdre.
ANGUILLARA.
fort
Je n'aime
pratiques
; il y faut
LA
56
RENAISSANCE.
lement
Nous faisons notre mtier; faisons-le tranquilet sans molester les autres qui font le leur. Votre
homme
sera pendu.
renoncer.
FALCIERA.
Est-ce
que l'ennemi
se serait
permis
de le tuer,
par
hasard?
FALCIERA.
Personne n'y peut; mais consolez-vous, capitaine Falciera. Il faut de temps en temps supporter quelques traits
et Snque vous le dirait mieux que moi.
d'adversit,
Asseyez-vous
vin du Fripul
avec
un soupir.
seigneur!
Anguillara.
mon illustre
SAVONAROLE.
ANGUILLARA
courant
lui et le serrant
fli-
quelle
QUIRINI.
Je salue de tout
mon
coeur le seigneur
Cariteo
et les
excellentissimes
Sans plus de
seigneurs que j'aperois.
la srnissime seigneurie
me dpute vers vous.
paroles,
Nous voudrions
savoir
si vous accepteriez
notre solde.
ANGUILLARA.
dans un
expire
QUIRINI.
Douze mille
tout pay.
ANGUILLARA.
Nous
ne conclurons
mille en ce moment,
des Franais les plus
Sanseverino
est venu
ce qui vous
agre.
Ne me voulez-vous
me les apporter.
Voyez
Me voulez-vous?
payez ce qu'il faut.
pas? j'irai
ailleurs.
En
attendant,
asseyez-vous donc.
QUIRINI.
Dieu!
le dlicieux
tableau!...
Junon
embrassant
JupiLui seul
Du Giorgione,
Admirable!...
c'est clair!
ter!...
est capable d'un pareil chef-d'oeuvre!...
Ah! mais,
dez donc!...
Mille
ami,
Il
me semble
compliments,
si vous veniez
grandement
atten-
c'est le portrait
de la...
Ma foi, mon
seigneur
Jupiter!...
nous, pour mon compte, j'en serais
aise; mais,
que
avant tout,
vos intrts,
cela va
LA
58
sans
dire.
Nous
RENAISSANCE.
des condottieri,
toujours
mais plus accommodants.
trouverons
ANGUILLARA.
bon
march
n'oubliez
sont
la
du petit
rien.
BRANDOLINO.
C'est parfaitement
rest terrifi.
exact,
j'ai
ANGUILLARA.
hommes de pied,
qu'en demandant
sonne.
la fleur
de l'infanterie.
seize mille
ducats,
Il
me semble
SAVONAROLE.
59
QUIRINI.
sans doute...
Sans doute...
trop
langues
ne vous
par crainte
taxaient
de ne jamais
de les gter.
vivement.
ANGUILLARA,
opinion,
pareille celle de tous les vritables
hommes de guerre, est de gagner les batailles et de dcider les campagnes en manoeuvrant.
Je n'ai nul besoin
Mon
de massacrer
du monde
sans ncessit.
Un
tel principe
quelle brutalit
des
QUIRINI.
Malheureusement
Tant
que je vivrai,
je mnerai
la guerre
selon
les r-
gles.
QUIRINI.
des bataillons
sanglants ?
CARITEO.
le
LA
60
RENAISSANCE.
ANGUILLARA.
c'est un brave,
pourtant,
il
Et
QUERINI.
Nous
ne lui refusons
ni honneur,
ni argent; nous
et le territoire
de Pordenone...
lui
ANGUILLARA.
littraau loin.
en tat de mener une vie si lgante et si noble, je vous servirai tout aussi bien que lui.
Mettez-moi
QUERINI.
Vous
Franchise
entire
!.. .
Contre
d'autres
condottieri,
de causer des pertes
! Jamais,
vous
compte
SAVONAROLE.
61
QUERINI.
Nous commenons
nous entendre.
ANGUILLARA.
de-
BRANDOLINO.
Je vous avertis
que la Morella
est ici.
QUIRINI.
Vraiment
?
ANGUILLARA.
Sans compter que nous avons des sonneurs d'instruments du plus rare mrite,
et ce danseur incomparable
Gian-Pagolo ! De plus, le seigneur Cariteo et Sraphin
vont nous lire leurs dernires posies.
Aquilino
ANGUILLARA.
Allons,
table !
QUIRINI.
Je maintiens
vous pouvez
vous
62
LA
RENAISSANCE.
demandez au seigneur
D'ailleurs,
Falciera,
capitaine ici prsent, messire Bartholommeo
ce qu'il en pense. Il l'prouve en ce moment.
en remettre
moi.
QUIRINI.
Assez d'affaires
pour aujourd'hui;
qu' nous distraire; allons souper !
ne songeons
plus
SAVONAROLE.
63
VENISE
Une salle dans le palais ducal.
en sance ; table couverte
PREMIER
Les trois
d'Etat
inquisiteurs
de dpches et de papiers.
INQUISITEUR,
courent
Aragonnais
harclent. Ils vont
les Apennins.
INQUISITEUR.
?
INQUISITEUR.
les derniers
quarante mille
sept mille.
hommes,
DEUXIME
Si Frre
Jrme
sagesse dans
et les Franais
INQUISITEUR.
Savonarole
sa tte de
RENAISSANCE.
LA
64
malais
de creuser devant
l'ennemi
mais au lieu
ne pourrait
franchir;
il rve aux bonnes moeurs !
PREMIER
convois
de
INQUISITEUR.
de Padoue.
du chef de l'arsenal
nos
destins
munitions
Les
l'quipement
troupes
gnral. Les
INQUISITEUR.
de
Nous pouvons tout esprer. Il importe maintenant
certaine.
d'une
victoire presque
au lendemain
rflchir
celles de
Rendrons-nous
notre alli, le duc de Milan,
ses forteresses que nous occupons
TROISIME
INQUISITEUR.
nous serait
pr-
INQUISITEUR.
restituer
Ludovic.
de prvenir
?
provditeurs
propos
Ne
pensez-vous
de nos rsolutions
TROISIME
INQUISITEUR.
DEUXIME
INQUISITEUR.
serait
pas qu'il
les illustrissimes
Assurment.
Je me range naturellement
rons de l'opinion
du conseil
Dix.
Occupons-nous
informe-
prince
et les
65
SAVONAROLE.
FLORENCE
La maison
ducteur
Nicolas
traMarsile
du seigneur
Ficin,
Vespuccio.
Vespuccio,
Baccio della Porta,
de Platon;
le peintre
Franois
Valori,
Machiavel.
VESPUCCIO.
Les Franais
ont si mal men leurs affaires que les
dans les Rovoil chasss de Naples, menacs tellement
doit vacuer ces provinces, et
magnes que M. d'Aubigny
de lever des troupes
le duc de Milan n'a pas fait difficult
contre eux, lui qui les avait appels.
FRANOIS
VALORI.
de la manire
dont
messire
Gino
Capponi
douteux
seront
ces amis
les a pousss dehors. Vaincus,
ils nous rendront Pise, ce qu'ils
plus traitables;
jours refus jusqu' ce jour.
ont tou-
MACHIAVEL.
l'intrieur.
FRANOIS
Pourquoi,
I.
je vous en prie,
VALORI.
messire
Nicolas ? Le gou5
66
LA
RENAISSANCE.
vernement
peuvent
aller.
VESPUCCIO.
Et elles doivent
vons
bien aller, par cela seul que nous n'ales Mdicis. Je suis prt accepter tous les
plus
malheurs
sauf celui
imaginables,
rtablir sa sclrate influence.
FRANOIS
de voir
cette
famille
VALORI.
question.
MACHIAVEL.
Je souhaiterais
fort
SAVONAROLE.
67
et les cerveaux
exalts ne s'imaginaient
le bon Frre ouvre le paradis et qu'il est en train
pas que
de rfor-
qui se soucierait
peu du bien que nous lui
et qui mme prfrerait
de beaucoup la vie
procurons,
d'un
rgle et sage d'un honnte homme la fainantise
protg vicieux
des Mdicis.
FRANOIS
J'ai
VALORI.
meilleure
de nos concitoyens,
messire
opinion
et je tiens pour assur que la majorit des
Vespuccio,
hommes sont bons de nature et suivent
volontiers
la
droite voie quand
on la leur indique.
MARSILE
FICIN.
LA
68
RENAISSANCE.
et
remplies,
tandis
que
les
MACHIAVEL.
Je suis comme
peut durer.
VESPUCCIO.
Et pourquoi,
je vous prie,
en doutez-vous?
MACHIAVEL.
qu'en
tenant
d'exagrer
compte
ses dsirs,
J'aimerais
le dmontrer.
teau
mieux
les partis
hostiles
notre
Les Arrabbiati
tablissement
sont plus
laissent mme percer,
SAVONAROLE.
69
et d'tre
un
et multiplie
un, et Frre
ses prdications.
VESPUCCIO.
Jrme
n'en
MACHIAVEL.
Il
faudrait
moins
peut-tre demander aux Florentins
de perfections,
et tendre les gouverner
non comme on
mais comme on peut.
voudrait,
BACCIO
DELLA
PORTA-
LA
70
et l'avenir
venables,
RENAISSANCE.
s'annonce
excellent.
Voil
quoi
il
faut songer.
MARSILE
Vous raisonnez
en vritable
du seigneur
l'opinion
FICIN.
fait de
Baccio.
VESPUCCIO.
Il
est d'autant
comme
elles sont,
de traiter sans piti
plus
ncessaire
Peut-tre
moins
aussi y aurait-il
des inconvnients
zl que les multitudes.
paratre
MACHIAVEL.
Je commence
ne plus tre aussi persuad de notre
succs final.
Le feu de paille est une belle chose, il
mais qu'on regarde ailleurs
il est
une minute,
flambe;
teint.
complte.
SERVANTE,
entrant.
l'heure du sermon!
N'entendezSeigneur docteur!...
Si vous ne voulez pas aller
vous pas les cloches?...
SAVONAROLE.
l'glise, dites-le! Je vous ai dj averti
vous sourd? H! seigneur docteur!
quatre
fois!
tes-
L'HELLNISTE.
Qu'y
mon
a-t-il,
enfant?
LA SERVANTE.
LA
Je ne
SERVANTE.
dire?
Que voulez-vous
Comment,
pas d'inconvnients?
Vous me la baillez belle! Si vous ne venez pas au sermon,
cuire votre soupe vousvous pourrez
bien dsormais
mme. Je ne resterai
certainement
L'HELLNISTE.
Tu
aurais
bonne fille!
ments.
parfaitement
Je me rjouis
Pars!
suis.
LA
SERVANTE.
avant toi !
La servante
sort.
LA
RENAISSANCE.
rons
l'accent!...
time,
que
L'antpnultime?...
bien, mais alors...
j'entends
j'aille m'hbter
aux
sottises
cette
SAVONAROLE.
LES
APENNINS
M. de Bourdillon,
M. de Bonneval,
LE
M. de Piennes.
ROI.
une heure !
COMMINES.
Il
vaudrait
mieux
temporiser
et entendre
raison.
Si
LA
74
RENAISSANCE.
nous ne dcidons
aider,
LE
nous
ROI.
c'est uniquement
Que ces misparce que j'ai t trahi!
rables confdrs m'affrontent,
et, par la foi de mon corps!
ils me feront plaisir !
COMMINES.
menace.
c'est
l ce qui
sont quatre
comme-, d'ailleurs,
LE
Je n'couterai
fourbes,
en avions
ROI.
des coquins!
nous
Je les pilerai
COMMINES.
Nous ne sommes
ROI.
peur de tout !
pour menacer !
SAVONAROLE.
75
COMMINES.
On
nous,
Milan
tre prudent
des Vnitiens
pourrait
l'arme
qui nous a convis
moins.
Voici
l, devant
et celle de ce mme duc de
Nos
Ma
pes suffiront!
Gnes l'heure qu'il est.
ROI.
flotte
a. certainement
repris
COMMINES.
Je suis
fch d'annoncer
Votre
Altesse
que la flotte
gaou
on ne sait o.
LE
ROI.
de Gi.
MARCHAL
DE
cheval,
couvert
de son
Officiers
de sa suite.
GI,
l'pe la main.
ses ordres.
ROI.
?
LE
Se voyant
ordonnance.
armure,
MARCHAL.
LA
76
RENAISSANCE.
LE
Monseigneur
me fie vous.
ROI.
rude
chevalier!
Je
de valoir
quelque chose; pour commander,
je ne vaux rien; or votre guise, j'obirai
donnez, prenez les dispositions
tout le premier.
LE
Hol!
cuyers,
tcherai
MARCHAL.
ROI,
haute
voix.
mes armes!
Les cuyers attachent le heaume du Roi et s'assurent que les diffrentes pices
de son armure sont bien laces ; on lui amne son destrier
bard de fer. Il
saute en selle. Aux chevaliers,
:
capitaines et soldats qui l'entourent
Allons, messieurs,
son mieux!
COMMINES.
MARCHAL.
Au moment
ne signifie
pensez-vous
le reste
Si le feu Roi peut voir de sa place dans le benot paradis le dsarroi de son successeur, il doit tre bien marri.
C'en est fait de nous. Cet enfant mutin sera prisonnier
ce
soir, et moi je Je serai avec lui : que de chevance il me
faudra dpenser pour payer ranon ! Mais j'entends le
SAVONAROLE.
matre
fou qui
peut leur
77
Qu'est-ce
parle ses hommes d'armes.
dire?...
Il n'a pas t lev aux lettres...
qu'il
fort incohrent
dans ses propos...
Il est, son ordinaire,
le vent porte de ce ct... on attrape quelques phrases...
LE
Trs-forts
ROI,
dans
le lointain.
et hardis
chevaliers,
jamais je n'eusse entresans ma confiance dans votre vertu et
pris ce voyage...
grandes dpouilles
ment combattre...
vous retirer,
COMMINES.
Voil
fique Fierabras.
cher avant qu'il
patissant
Seigneur
Jsus,
78
LA
RENAISSANCE.
LA
BATAILLE
bruit
sourd des dcharges
s'lvent de toutes parts;
poussire
de canon; on voit et l des morts, des blesss, en tas, en lignes,
tombs au hasard.
BOURDILLON,
Monsieur
ROI.
comme
Franchement,
Bourdillon,
parle-moi
de ton coeur. Me suis-je bien tenu ?
l'ami
BOURDILLON.
qu'Amadis
LE ROI.
belle
SAVONAROLE.
UNE
AUTRE
DU
PARTIE
LE
CAPITAINE
79
DE
CHAMP
en gros bataillon.
DE
RUTTIMANN
LUCERNE.
Oh ! mes enfants,
est faite ! les Albanais
C'est vrai,
BATAILLE
pris le meil-
SOLDATS.
en avant !
c'est vrai,
LE
CAPITAINE.
DU
COTE
DES
ALLIES
marquis de Mantoue,
gnral de l'arme
et de Stradiotes,
les deux provnitienne;
capitaines d'aventuriers
nobles de leur suite. Dans la plaine,
les diffrents
vditeurs,
commencent
lcher pied.
corps milanais et vnitiens
Sur une
hauteur.
Le
PREMIER
PROVDITEUR.
pas ce qui
je ne comprends
seigneur marquis,
se passe ! La srnissime seigneurie
a pay la solde des
hommes jusqu'au dernier sou ! Vous avez eu tout ce que
Mais,
LA
80
RENAISSANCE.
MARQUIS.
je n'ai
pondre.
Il parle plusieurs officiers,
qui s'loignent
Passe de l'artillerie.
directions.
DEUXIME
C'est intolrable
que les arbaltriers
prennent
dans diffrentes
PROVEDITEUR.
! Je ferai mon
PREMIER
rapport
la fuite !
! Il me semble
PROVDITEUR.
chose de trs-grave.
LE
Assurment,
rapidement
MARQUIS.
mal.
PROVDITEUR.
Seigneur marquis, nous avons le droit de vous interroger, et vous avez le devoir de nous rpondre !
LE
MARQUIS.
Ne trouvez-vous
froidement
PREMIER
Faites-le
PROVDITEUR.
arrter !
DEUXIME
PROVDITEUR.
Rflchissez,
seigneur collpour Dieu, rflchissez,
!
gue ! Pareil cas n'est pas prvu dans nos instructions
Votre proposition est trs-ose !
SAVONAROLE.
LE
81
MARQUIS.
Marc ! ce que je craignais arrive ! Les Stradiotes se dbandent pour piller les bagages ! Nos gens de
pied ne sont plus couverts sur leur droite ! Ils sont craPar saint
ss par la cavalerie
LES
Tout
!...
Ils fuient
DEUX
PROVDITEURS.
est perdu ?
LE
MARQUIS.
Ma
82
LA
RENAISSANCE.
FLORENCE
Immense
salle trs-lev. Foule
dans des costumes pittoresques
d'artistes
et quelques-uns
assez
dbraills;
plusieurs,
occups de grandes toiles, sont monts suides chafaudages;
d'autres terminent
des tableaux ou en bauchent
sur des chevalets. Sandro Boticelli,
Luca Signorelli,
Domenico
Fra Benedetto,
il porte l'habit
de
miniaturiste;
Ghirlandajo,
et est pench sur un missel plac sur une petite
Saint-Dominique
L'atelier
de Sandro
Boticelli.
table
et qu'il enlumine,
en prenant
dans les godets dont il est entour.
SANDRO,
minutieusement
des couleurs
Le Cronaca,
architecte.
FRA
BARTOLOMMEO
DI
SAN
MARCO.
Le salut
tu feras, bien nous ferons de t'imiter.
vaut mieux que le talent et la palme des lus que la couronne du gnie. Amen.
Bien
LES
Amen
ARTISTES.
! amen !
LUCA
SIGNORELLI.
Il y a
Mes enfants, je crois que vous allez trop loin.
du bon dans la sainte doctrine de Frre Jrme. Mais se
comme des pauvres, ainsi que plusieurs d'entre vous
renoncer toutes les joies de la vie, gmir du
l'affectent,
matin au soir et, surtout,
surtout retourner
aux formes
vtir
SAVONAROLE.
83
et n'admet
LUCA
Le bien,
CRONACA.
c'est l'infini
pas la dissipation.
SIGNORELLI.
; il n'admet
pas l'troitesse.
enfonce
TORRIGIANI.
BOTTICELLI.
Tu seras damn,
Torrigiani
TORRIGIANI.
antiques,
dans la terre o ce qu'ils
doivent-ils
arroser
la
Je vous le crie,
je vous le hurle
: vous
tes des
LA
84
RENAISSANCE.
LE
CRONACA.
que faire de me regarder en roulant tes gros yeux de spadassin ! Je ne me laisserai pas aplatir le visage comme le
petit
Buonarotti
! Et
si tu as le
malheur
en pleine
de m'approvil espoitrine,
TORRIGIANI.
barvous
emptait
BOTTICELLI.
Florence
n'en est pas moins
Dis ce que tu voudras,
devenue le royaume de Dieu ! Jsus tient le sceptre ; la
trs-sainte
Vierge nous conseille par la voix de Jrme ;
les riches nourrissent
admirable
les pauvres,
et il n'y
a rien de plus
!
TORRIGIANI.
Et tu trouves
admirable
aussi de brler
les bons
ta-
peindre,
comme il y a cinquante ans, des bonnes femmes en faon de fuseaux, sans
poitrines et sans ventres ! Tu trouves trs-beau d'tre en
bleaux
et de recommencer
SAVONAROLE.
85
guenilles et de pleurer du matin au soir comme une gouttire, sans que personne puisse s'imaginer
pourquoi ?
FRA
BARTOLOMMEO
DI
SAN MARCO.
TORRIGIANI.
De mes frres ?... de mes frres ? Est-ce vous tous, cade vous intituler
mes
nailles,
qui auriez l'impudence
frres ? Attendez un peu de savoir dessiner un torse comme
moi et, comme moi, de comprendre et de rendre un raccourci pour vous poser comme mes cousins ! D'ici l, il
se passera du temps ! Mes frres sont morts ! C'taient
artistes de l'ancienne Rome !
DOMENICO
les
GHIRLANDAJO.
pures,
chas-
TORRIGIANI.
Va te faire
vers la porte.
CRONACA.
de la ville
le roi Jsus,
qui, runis en bandes sacres, proclament
dchirent les habits des gens vtus comme toi et arrtent
avec des horions les malpensants
pour les conduire la
gele ! Vas-y ! vas-y !
TORRIGIANI.
enrags ne me toucheront
pas
86
LA
RENAISSANCE.
! Adieu
! Je quitte
que lorsqu'on sera
libre
Tu
tu
TORRIGIANI.
Nous
exterminerons
d'Aragon
UN
ensuite!...
PEINTRE,
Adieu...
se laissant
les
d'abord
Maladroit
! Je te revaudrai
du haut d'un
glisser
!... Tiens
TORRIGIANI,
et ceux
vermine!
rapidement
Franais
! voil
chafaudage.
pour toi !
sortant.
ans !
SAVONAROLE.
87
L'intrieur
saintes
sont revtues
de brocatelle,
plit l'difice;
font onduler
de leurs
des coliers,
la multitude;
des enfants,
des jeunes
des fentres et au sommet des
sur les rebords
gens, sont grimps
la Seis'accrochent
aux frises des colonnes;
retables;
plusieurs
gneurie
occupe
LE
FRRE
JEROME,
Profond
silence.
en chaire.
! Florence
! Dieu
!
dans l'auditoire.
des Mdicis
aux griffes
ouarriv ? L'as-tu
et t'arracher
bien ! qu'est-il
bli dj? Les Mdicis mangent le pain de Venise, et les
les Franais, trop heureux d'avoir pu, malgr
Franais...
se
toute vraisemblance,
se creuser une issue Fornoue,
LA
88
sont enfuis,
RENAISSANCE.
provinces,
dront plus !
Emotion profonde.
Ainsi,
pour peu qu'il nous reste une lueur de raison,
vous rappelant que je vous, ai toujours bien avertis,
que
jamais mes paroles ne se sont trouves vaines, vous me
croirez
pulaire
par ma
personne
permettez
c'est
de l'attaquer ; celui qui l'attaque
insulte Dieu,
il insulte au roi Jsus, c'est haute trahison,
impit;
un tel misrable,
c'est lse-majest;
se ruant dans des
crimes
main
! Gardez-le
si normes,
Ne
pardonnerez-vous
?
Cris de fureur.
Seigneurs Huit,
je vous dis, moi, que de tels sclrats
la concorde
doivent tre chtis ! Ceux qui troubleront
comme autrefois Blancs ou Gris,
publique et s'appelleront
n'hsitez
d'amende ! S'ils rcidivent,
pas ! dix florins
le cachot, et
nourris tes pauFlorence,
perptuit ! Et, maintenant,
vres ; ce sont les membres du roi Jsus ! Il ne convient
quatre
tours
de corde ! S'ils
s'obstinent,
pas que le peuple ait faim quand les riches sont repus. Le
bl, dsormais, ne cotera que vingt sous la mesure pour
ceux qui ne peuvent le payer davantage.
Attendrissement gnral.
avons le gouvernement
de Dieu,
nous
avons
la
SAVONAROLE.
charit de Dieu,
nous avons...
89
Vous
Cris
de terreur.
Je
:
n'exige
Frre,
qu'exigez-vous?
rpliquez
frivoles !
C'est Dieu qui ne veut plus d'amusements
Vous
rien.
pas assez gaspill votre vie ? Plus de promenades o les femmes coquettent ! Plus de bals, c'est la
N'avez-vous
Plus
perdition ! Plus de cabarets, c'est l'abrutissement.!
de jeu, c'est... ah ! cela vous inquite ? Vous renonceriez
plutt votre part de paradis qu' cette honteuse habitude ! Eh
qu'il
bien!
de misricorde!...
Jouez, puisj'userai
le faut ! mais quittez
les ds ! Prenez des osselets !
Jouez,
90
LA
RENAISSANCE.
!
Le sermon
continue.
SAVONAROLE.
SUR
LA
PLACE
DEVANT
L'GLISE
d'enfants.
Groupes
LE
Oh!
l!
JEUNE
BONI,
criant et pleurant.
l!
UN
Qu'est-ce
91
GARON.
que tu as ?
Les autres enfants l'entourent.
LE
JEUNE
BONI.
Pourquoi
t'a-t-il
battu ?
LE
JEUNE
lui
LES
Ah! le maudit!
GARON.
BONI.
arracher
ENFANTS.
Courons
TROISIME
aprs! Mettons-le
en pices !
GARON.
les entourent.
le
la
LA
92
RENAISSANCE.
PREMIER
GARON.
Nous
vous obirons
Laissez-nous
rentrer
DAME.
de suite,
mon
aimable
enfant!
au logis.
QUATRIME
GARON.
DAME.
GARON.
tout !
Arrachons-leur
SIXIME
GARON.
en courant
! des bracelets !
d'autres
enfants.
ENFANT.
PREMIER
Qu'est-ce
vous compre-
GARON
DE
DOUZE
ANS.
la vertu.
SAVONAROLE.
93
L' ENFANT.
des harpes, je
profanes, un chiquier,
crois aussi un miroir,
mais je n'en suis pas sr. Venez !
venez tous ! Allons nettoyer cet enfer!
LES
Allons!
allons!
UN
Oh!
ENFANTS.
Nicolas!
BOURGEOIS.
Viens ici,
mon fils!
NICOLAS.
Que voulez-vous,
pre?
LE
BOURGEOIS.
Maudit
polisson,
les pcheurs.
BOURGEOIS.
Il vaut mieux
obir Dieu
qu'aux
hommes!
Venez,
camarades !
Grand mouvement dans la foule, qui sort de l'glise.
UN
Voici
ENFANT,
le Pre ! voici
le Pre !
LA
94
RENAISSANCE.
ENFANTS.
LES
! l'hymne
L'hymne
! Entonnez
l'hymne
!
Ils chantent.
Lumen
Isral
ad revelationem
gentium
et gloriam
plebis
tuoe
!
Frre Jrme s'loigne, ador par la foule.
de Tana
de Nerli ; sa femme,
son fils.
NERLI.
En ce qui
dmon.
FEMME.
me concerne,
je ne subirai
pas le joug
du
NERLI.
Qu'appelez-vous
dmon,
LA
l'esprit
qui vous possde.
livre que le prophte a
conserver cet horrible
Pourquoi
fait brler en place publique?
N'avez-vous
pas un exemfaut le nommer?
plaire de ce Dcamron,
puisqu'il
Aucunement,
mais
FEMME.
bien
NERLI.
pour un ouvrage
des sicles est dans les mains de chacun.
qui
depuis
SAVONAROLE.
FEMME.
LA
Depuis longtemps
cesser.
95
chacun
se damne,
et il est temps de
NERLI.
Je veux la paix,
sement.
Vois-tu,
maman, il a le livre et d'autres encore que le
Frre Jrme a dfendus ! Je le sais, moi ! Brlons , brlons ces livres!
LA
FEMME.
Je ne souffrirai
pas ce
NERLI.
Il est inutile
FEMME.
de chercher m'intimider
L'ENFANT.
Oui,
salut,
maman,
maman!
fais ton
LA
Oui,
salut,
je t'en
prie!
Fais
ton
FEMME.
LA
96
LA
RENAISSANCE.
FEMME
Ah!
ne blasphmez
engage !
hors d'elle-mme.
pas le Frre
Jrme,
je vous
NERLI.
J'enverrai
me plat,
le Frre
Jrme
si cela
FEMME.
Et moi, monstre,
je cours vous dnoncer aux Huit
et demander un chtiment
exemplaire
pour une telle
sclratesse !
L'ENFANT.
Oui,
maman,
oui!
tous !
SAVONAROLE.
97
ROME
JUIN
1500
Une salle de
Alexandre
VI ;
l'appartement
pontifical.
madame Lucrce Borgia,
duchesse de Bisaglia.
Elle est en grand
et le visage
deuil de veuve et assise dans un fauteuil,
trs-accable
plein de larmes.
Le Vatican.
ALEXANDRE
Eh bien!
pable.
Il
VI.
oui, c'est vrai. Votre frre Csar est le couest entr dans la chambre o le malheureux
votre mari,
tait couch avec ses blessures
Alphonse,
on vous le
bandes; il l'a trangl...
je vous l'avoue...
dirait...
vous ne feriez pas quatre pas dans la ville sans
J'aime mieux que vous l'apprequ'on vous le racontt...
niez de moi, afin que nous puissions rflchir ensemble
ce qu'il convient de faire en de pareilles conjonctures,
auxquelles
Le caractre essentiel
de tout
chagrin,
ma fille,
si grand qu'il
et si lgitime
Ah!
Trs-Saint
de tout
LUCRCE.
Pre!
ALEXANDRE
Je vous parle
raisonnablement
VI.
LA
98
RENAISSANCE.
sans quoi
raisonnables,
ils deviennent plus mesquins que les autres. Les chagrins,
les dsespoirs les plus amers, tout ce qui nous vient secouer
ces fcheuses svet nous arrache un bien quelconque,
dition
doivent
tre constamment
et peut-tre le
en ce moment
LUCRCE.
VI.
pas de vous
LUCRCE.
un mari
veuve pleurant
cent , gorg par le plus infme des tratres !
ALEXANDRE
inno-
VI.
voyons,
SAVONAROLE.
Lucrce...
Vous
99
aime,
et du fond de
mon coeur?
MADAME
LUCRCE.
Aussi
je ne me soucie
VI.
les contes les plus absurdes. Dans l'impuissance d'en comprendre les vises, ils n'y aperoivent que
de l'trange,
ils n'en sauraient
les ressorts,
analyser
moins encore en apercevoir la porte, et ils croient dmler au sein
de cet inconnu
des turpitudes
mystrieux
niaises dont ils parviennent
du moins trouver les noms.
autour de votre tte
Que ces bouffes d'inepties tournent
sans y entrer. Ne parlons ici que de choses effectives.
Il vous faut sortir de cet accablement.
Votre situation
vous ne devez pas, je ne vous laisserai pas vous
l'exige;
enfermer dans la solitude;
je n'admets
pas que vous
retourniez
Nepi,
o vous prtendez
en ce moment
ensevelir
LA
RENAISSANCE.
vous tes
Nanmoins,
coup vous pargner cette douleur.
madame Lucrce Borgia ; votre sang est des plus illustres
qui se connaissent ; vous tes duchesse de Bisaglia et de
Sermoneta,
de Spolette;
gouvernante
princesse d'Aragon,
perptuelle
on vous voit presque l'gale des ttes coude rgir les peuples,
vous tes ne avec l'instinct
ronnes;
et votre esprit, dont je connais
mettra jamais de vous soustraire
MADAME
ne vous
l'tendue,
cette tche.
per-
LUCRCE.
Il se peut qu'autrefois
j'aie pris plaisir considrer la
marche des grandes affaires et toucher aux fils qui les
Ce temps est pass. Je suis dcide ne
font mouvoir...
de rien que de mon
m'occuper
de ma vengeance.
pourrai,
plus
ALEXANDRE
fils
et,
quand
je le
VI.
Prenez
qu'
qu'il
et tant d'autres...
MADAME
Don
vous,
LUCRCE.
et
SAVONAROLE.
ALEXANDRE
VI.
ncessit
mieux
et fait
une
combinaison
irrprochable.
Bien que votre poux ne ft que le fils naturel du roi de
avec lui une grande alliance,
Naples, nous acqurions
il tait impossible
d'atteindre
rien de
et, ce moment,
Depuis
ont
chang.
beaucoup
L'indomptable
Csar, son adresse, son esprit de ressources, les circonstances trs-favorables
qu'il a saisies, dont il a exprim
tout le jus, nous donnent en ce moment la faveur, l'amiti
troite, la tendresse mme du successeur de Charles VIII.
de don
au plus souponneux
MADAME
des princes,
Louis
XII.
LUCRCE.
a t assassin?
LA
RENAISSANCE.
ALEXANDRE
Pour
VI.
ce motif
Il aurait
LUCRCE,
sanglotant.
VI.
Ne revenons
LUCRCE.
Je l'en dispense.
ALEXANDRE
VI.
Pour
naturelle
nous entrane
vers
SAVONAROLE.
103
LUCRCE.
pas demand pouser don Alphonse d'Aragon. Sous prtexte de ma grande jeunesse, on ne m'avait
mme pas consulte, pas plus qu'on ne l'avait fait auparavant pour former et rompre mon premier mariage,
et,
Je n'avais
Et aprs
mes premires fianailles.
encore,
auparavant
tout, vous parliez de ma gloire, de ma puissance, de mes
ces mots gonfls de vent? Penseztats? Que signifient
vous me faire illusion
sur les oripeaux dont vous m'avez
surcharge?
Du chef de mon
vous
l'avez
autre me le
pour
de mre et d'pouse
ALEXANDRE
Votre
sau-
VI.
avenir...
dpeindre,
outrage
LA
104
RENAISSANCE.
on s'avisa
riche,
d'un
gentilhomme
et l'on crut
qu'il pouvait
le vent ayant enfl
vous convenir.
nos voiles,
diatement on vous dbarrassa de ce bonheur
mer,
imm-
mdiocre, et
A ce moment,
c'tait
vous
d'un
trne
sont
macon-
Que
souverain?
rellement
souverain,
une des maisons les plus illustres
un des
beau, brave, intrpide,
gnraux de l'Italie,
appel
plus vastes, qui vous aime l'adoration
votre main?
meilleurs
MADAME
aux
destines
et qui
les
demande
LUCRCE.
et ne m'en
soucie aucu-
VI.
En
ce moment,
LUCRCE.
d'entendre
de
SAVONAROLE.
pareilles propositions
vent avoir de juste.
et de raisonner
ALEXANDRE
VI.
vritables.
MADAME
Je suis curieuse
LUCRCE.
Les affaires
VI.
quitter
Rome pour quelque
temps. Vous y resterez; vous y tiendrez ma place. La
conduite du gouvernement
sera remise vos mains ; vous
seule aurez le droit d'ouvrir
et de lire les dpches, de
m'obligent
utile.
Le bien, le mal,
dans un autre milieu,
diffrent.
haut,
se transportent ailleurs,
plus
et les mrites qui se peuvent
LA
106
RENAISSANCE.
deviendraient
chez
approuver dans une femme ordinaire
vous des vices, par cela seul qu'ils ne seraient que des
de ruine.
causes d'achoppement,
Or, la grande loi du
ce n'est pas de faire ceci ou cela, d'viter ce
monde,
point ou de courir tel autre; c'est de vivre, de grandir
et de dvelopper ce qu'on a en soi de plus nergique et de
plus grand, de telle sorte que d'une sphre quelconque
on sache toujours
s'efforcer
SAVONAROLE.
107
VENISE
Une salle dans un palais sur le grand Canal. Pierre de Mdicis; il
se promne d'un air soucieux, de long en large, les mains derrire
le dos; son frre, le cardinal
Jean de Mdicis,
plus tard le pape
Lon X, alors g de dix-neuf ans; son cousin, Jules de Mdicis,
de Saint-Jean et
plus tard le pape Clment VII, alors chevalier
de Capoue; Bernard. Dovisi
de Bibbiena,
prieur
maison
du cardinal
et ancien secrtaire
intime
Laurent.
intendant
de la
du magnifique
BIBBIENA.
dire!
Mais
me peine
LA
108
davantage;
fautes.
comme
RENAISSANCE.
je vous le dis,
LE
CARDINAL
ce sont
mes propres
JEAN.
CARDINAL
JEAN.
de cette foule
suis enfui
irrite
au travers
de laquelle je me
religieux : une masse de
en pauvre
vocifrant,
coquins hurlant,
enfonant les portes des prisons et embrassant,
mesure qu'ils les faisaient sortir,
les voleurs et les assassins !
dguis
BIBBIENA.
le populaire
se mle
aux affaires
SAVONAROLE.
109
PIERRE.
et de son frre,
seigneur Laurent Popolani,
l'autre honorable seigneur
digne de lui en tous points,
Jean Popolani.
Quelle drision!
quelle misre! que d'infamies dans ce monde !
LE
CARDINAL
JEAN.
mdailles,
livres,
gnral a fait disparatre
pierres graves! Il y avait l telle pice que je me rappellerai toujours et dont je ne saurais me consoler.
PIERRE.
ainsi?
LA
RENAISSANCE.
BIBBIENA.
Les intrts
de l'Italie,
ils changent
la pointe du balande place encore plus rapiintrts. Pour moi, j'en suis convoil
CARDINAL
et y
JEAN.
La France obit
J'y vois, en effet, des vraisemblances.
un nouveau Roi, ce Louis XII,
est
qui, me dit-on,
encore plus possd de la soif des conqutes que le dfunt
Charles VIII;
ce qu'il veut, ce n'est pas Naples seuleOn pourra peut-tre s'entendre;
ment, mais le Milanais.
d'ailleurs,
commence
Savonarole
ne saurait
durer
ternellement.
Il
fatiguer
PRIEUR
DE
CAPOUE.
Jean,
voulez-vous
venir
SAVONAROLE.
LE
CARDINAL
JEAN.
Avec plaisir.
Je vous ferai remarquer
livres pour les gens de nos gondoles.
mes nouvelles
PIERRE.
Allez
Bibbiena,
vous
amuser.
J'crirai
quelques
lettres
avec
LA
RENAISSANCE.
FLORENCE
Une arrire-boutique.
PREMIER
Deux marchands
MARCHAND.
attables.
Les Piagnoni
de Frre
MARCHAND.
MARCHAND.
en a tir
bon parti.
J'accorde
volontiers
crdit
aux
Anglais.
SECOND
MARCHAND.
Pourtant
marchands
MARCHAND.
Entre nous,
Anvers
est peupl de
MARCHAND.
que d'ailleurs
je
SAVONAROLE.
113
MARCHAND.
avis.
injures.
SECOND
Il faut avouer
MARCHAND.
lui
incorrigibles
cau-
MARCHAND.
Nicolas.
N'y venez-vous
point?
SECOND
MARCHAND.
et ne
; car,
entre nous, j'ai ici d'assez belles choses et ne tiens pas
attirer l'attention.
PREMIER
MARCHAND.
Prcisment
MARCHAND.
bon
air.
Voyez!
8
LA
114
RENAISSANCE.
PREMIER
MARCHAND.
avec vous.
Ils rient et sortent.
FRRE
Mon
mon
Dieu,
JRME.
Dieu,
pourquoi
m'avez-vous
aban-
donn?
FRRE
SYLVESTRE.
vous
Et mme,
vos forces.
ne
de
DOMENICO.
je ne comprends
FRRE
Je suis bout.
nous
abandonnez;
JRME.
Que mon
Seigneur
Jsus me rappelle
lui !
Il se cache le visage sur l'oreiller et pleure haute voix.
FRRE
Quel
pareille
malheur
de voir
DOMENICO.
un pareil
homme
en
proie
faiblesse !
FRRE JEROME,
Voulez-vous
se levant sur ses pieds, croise les bras et regarde ses amis.
SAVONAROLE.
115
FRRE
Eh!
donc? N'avez-vous
matre, que vous faut-il
pas
russi au del de toute esprance? Florence fait chaque
jour un pas de plus dans la voie des perfections ; vous tes
l'unique seigneur, on ne croit qu'en vous, on n'aime que
vous, on ne veut que vous seul ! Le reste viendra de luimme. Le Pape menace,
FRRE
JRME.
sauver.
dans mes
la fermet
font
mes
SYLVESTRE.
Ils semblent
JRME.
116
LA
RENAISSANCE.
FRRE
Le roi
David
avait
DOMENICO.
des Philistins
pour
gardes de son
-,
corps!
FRRE
JRME.
mon
FRRE
Et l'oeuvre,
SYLVESTRE.
que deviendra-t-elle
PRRE
Ce qu'elle pourra,
que
si tu meurs ?
JRME.
La nuit.
Un jardin.
LA
Une
jeune
JEUNE
femme.
Un amant.
FEMME.
de quel-
L'AMANT.
Non ! Ton
gnoni.
tente;
frre court
N'aie
pas peur!
je pars! M'aimes-tu,
LA
JEUNE
au moins?
FEMME.
Je crois...
SAVONAROLE.
117
L' AMANT.
LA
JEUNE
quoi
pas
FEMME.
grandes
Pauvre
Pouraffaires?
L'AMANT.
Je me soucie autant
Ma seule affaire
tenant,
pourrai
est de t'aimer.
sans te voir!
LA
Cinq
des Mdicis
JEUNE
FEMME.
jours?...
peut-tre
dans la rue; je
L'AMANT.
Si l'on me voit?
LA
Tout
JEUNE
FEMME.
m'est gal !
L'AMANT.
Il n'existe
si gracieux,
de si attrayant,
de
LA JEUNE FEMME.
Adieu!
n'aie
pas de chagrin.
veux-tu?
L'AMANT.
Encore
un baiser!
Pense
un peu
moi,
118
LA
RENAISSANCE.
LA JEUNE FEMME.
Non!
demain!
Donne-moi
la main,
L'AMANT.
M'aimes-tu?
LA
JEUNE
FEMME.
Je ne sais pas.
L'AMANT.
de dsespoir,
tu le sauras
SAVONAROLE.
119
ROME
La chambre
du Pape. Alexandre
Piccolomini
; l'envoy
LE
VI; le cardinal
de Milan.
Franois
CARDINAL.
Et moi
PAPE.
contre
ce bavard.
malheur
Le beau
CARDINAL.
Trs-Saint
LE
PAPE.
qui
me fatigue
ou me donne
LA
RENAISSANCE.
L' ENVOYE.
Ce ne sont pas des paroles en l'air que je vous transmets. Nous avons des faits et des preuves.
LE
Gardez-les
pour
PAPE.
vous.
L'ENVOY.
Savonarole
un concile
a crit
toutes
; il demande
et votre dposition.
LE
C'est
les couronnes
la vrit
CARDINAL.
et plusieurs
pure,
princes
sont
dj
gagns.
LE
Billeveses
et calomnies
PAPE.
L'ENVOY.
Voici
un
courrier.
Elle
Nous l'avons
Jrme,
saisie sur
et vous
PAPE.
Le chien,
Sang de la Madone!
le voleur, l'infme!
C'est pourtant
ruine!
don
fois-ci,
le misrable,
le lche,
vrai ! Ah! tu veux ma
conseil...
qu'on prvienne
et dona Vanozza!
Cette
CARDINAL.
SAVONAROLE.
PAPE.
LA
RENAISSANCE.
FLORENCE
Une place. Un groupe
d'artisans
UN
rencontre
une foule
qui
revient.
OUVRIER.
Lui?...
Ma foi,
non!
UN
Comment?...
BOURGEOIS.
AUTRE
non!...
ARTISAN.
Alors
les Franciscains
se sont
dmentis?
SECOND
Pas du tout.
sont
braill
BOURGEOIS.
Franciscains
et Pres de Saint-Marc
se
de loin
force injures,
et ni les uns ni les
autres, aprs une journe de dbats, n'ont os se jouer
au feu, comme ils s'en taient si fort vants. J'ai attendu
depuis ce matin avec bien d'autres pour voir le spectacle.
Mon avis est que nous sommes dupes. Frre Jrme ne
vaut pas grand argent !
UN
Je commence
TISSERAND.
FEMME.
SAVONAROLE.
UN
Je rentre souper;
l'univers.
BOULANGER.
Frre
GONFALONIER.
Jrme
a eu compltement
tort de s'avancer
comme il l'a fait dans cette affaire du bcher. Puisqu'il
n'tait pas sr de lui, il ne devait pas se mettre en ncessit de reculer
misrablement.
extrme embarras,
PREMIER
Et les lettres
PRIEUR.
de Rome
deviennent
orateur Domenico
menaantes ! Notre
pargne pas. Il semblerait que le Pape est rsolu en
notre tablissement
et le gouverfinir. Que deviendront
nement populaire
PRIEUR.
de se voir
prive
en imagination
dchir en lambeaux.
musait
LE
par le capitaine
la populace tait
d'un
GONFALONIER.
124
RENAISSANCE.
LA
Il faut
rpandent de l'argent partout : j'en ai la certitude.
Les choses ne peuvent se soutenir
aviser...
longtemps
ainsi. Les Arrabbiati
et les Compagnacci
courent les rues
en armes.
Prenons
nous-mmes
un
Il
parti.
s'agit
de notre
salut
et du salut public.
TROISIME
PRIEUR.
S'il
se peut,
ne nous compromettons
avec personne,
avec aucun parti. Mon avis serait d'envoyer au Frre un
ordre de quitter la ville.
En agissant de la sorte,
Suivez
bien mon
nous sauvons
raisonnement.
la vie du moine,
ainsi qu' ses amis,
pas contre
nous sem-
Devons-nous
GONFALONIER.
en dlibrer,
LES
Sans doute,
sans doute.
messires?
PRIEURS.
SAVONAROLE.
La campagne
L'Arno
auprs de Florence.
des prs et des arbres.
UN
JEUNE
dans le fond;
GRAVEUR.
Cette nouvelle
oeuvre d'Albert
Durer me proccupe au
dernier point !, J'ai peur que nous Italiens
nous ne
sachions pas encore tirer tout le parti possible de l'invention de Finiguerra.
C'est pourtant la gloire ds Florentins! J'tudierai la manire allemande;
j'en dcouvrirai
les procds, et si je ne fais pas mieux,
ou tout le
moins aussi bien, j'en mourrai de dsespoir.
126
LA
RENAISSANCE.
FLORENCE
Le couvent
Le choeur
de Saint-Marc.
de l'glise.
Grande
foule
des hommes
o la plupart
sont arms; moines,
arms galement;
Frre Sylvestre,
Frre Sacromoro,
Frre Jrme,
Frre BuonviLuc degli Albizzi,
cini, Franois
Valori,
Vespuccio.
FRRE
JEROME.
SACROMORO.
Pre!
mon
tranquille,
que de vous abandonner.
Nous
Soyez
plutt
FRRE
C'est Dieu
qu'il
tous
JRME.
faut servir,
FRRE
mourrons
SYLVESTRE.
L'ennemi
entre
BUONVICINI.
dans l'glise.
Foule
terrible!
Atroces
Jrme,
donnez
figures !
LUC
DEGLI
ALBIZZI.
Y pensez-vous?
Frre
JRME.
SAVONAROLE.
LUC
Vous voulez
DEGLI
127
ALBIZZI.
rire? Vaut-il
mieux y tre massacr? Attaquons avant qu'on nous attaque, et je vous promets que
nous serons encore les plus forts.
VALORI.
FRANOIS
DEGLI
ALBIZZI.
Montrez-vous
de ses amis.
NOMBREUSES.
de mousqueterie.
Un homme
arrive
en courant.
L'HOMME.
Frre Jrme!
JRME.
Me voici !
L'HOMME.
La seigneurie
vous exile! les Compagnacci apportent
l'ordre! Ah! mon Dieu! ah! mon Dieu! Ils ne veulent
que vous assassiner! Ils sont plus de huit cents! plus de
LA
trois mille!
hommes!
RENAISSANCE.
Ils accourent!
Les voil!
gorg deux
sauvez-vous!
Cachez-vous!
FRRE
aux moines.
JRME,
c'est l!...
Grand tumulte
UN
COMPAGNACCO.
La seigneurie
canailles!
Sauvez-vous,
les biens des laques qui resteront ici !
Est-il
vrai,
tous
un officier.
VALORI,
FRANOIS
confisque
messire?
L'OFFICIER.
Parfaitement
vrai!
Les Seigneurs
le bon ordre,
donc la mort
d'autre
n'ont,
et je vous
engage
VALORI.
FRANOIS
Vous voulez
Huit
de Frre Jrme?
L'OFFICIER.
Au contraire,
nous voulons
nous sparons les combattants.
FRRE
la paix,
et, dans
SACROMORO.
Tais-toi,
gros moine,,
COMPAGNACCO.
ou je t'ventre
FRRE
JRME.
ce but,
SAVONAROLE.
FRERE
129
SACROMORO.
notre monde!
VALORI.
Dfendons-nous
BUONVICINI.
! Aux armes !
Les moines entranent avec peine Frre Jrme dans le couvent et ferment
les portes. On se bat dans l'glise.
Une chambre
dlabre et meuble peine. Ser Bernard
un enfant malade endormi
dans un berceau.
femme,
SER
Nerli,
sa
BERNARD.
FEMME.
a moins
SER
de fivre.
BERNARD.
Le ciel t'entende,
ma colombe!...
il est moins
Oui,
Douze, sous sept deniers! Je te
rouge... Je reprends!...
dirai encore que notre voisin, le tailleur, m'a promis une
mesure de bl pour le sonnet que je dois lui
soir, l'occasion des fianailles de sa nice.
I.
donner
9
ce
LA
RENAISSANCE.
LA
C'est
moiti
un
grand
du quartier
FEMME.
et il nous
bonheur,
de chevreau.
SER
reste encore
la
BERNARD.
FEMME.
Mais
je te le disais hier;
je ne suis pas autrement
si seulement le petit allait mieux!
inquite;
SER
Oh!
ma chrie!...
BERNARD.
Dieu
Que
nous
le conserve!...
Ah!
parler,
tu as bien raison!
ils feraient
FEMME.
Au
mieux
SER
BERNARD.
Et l'enfant?
FEMME.
Il va mieux.
SER
Embrasse-moi
BERNARD.
SAVONAROLE.
Devant
la
maison
de
FEMME
. Vincent
Valori.
Franois
foule
de
buoni,
compagnacci
redoubls
sur la porte
pour
LA
131
et d'arrabbiati;
l'enfoncer.
DE
Torra-
Ridolfi,
ils
coups
frappent
une fentre.
VALORI,
n'est
RIDOLFI.
se cache-t-il?
Rponds,
coquine!
est-il,
le
lche?
LA
Seigneur
FEMME.
par piti !
Ridolfi,
TORNABUONI.
Jetez-moi
Aurez-vous
Victoire!
L'entre
DES
ASSAILLANTS.
est libre!
Pillage!
pillage!
dans la maison.
RIDOLFI.
Amenez
cette crature !
TORNABUONI.
Pas de piti
Mdicis !
pour
Grce! grce!
FEMME.
des
LA
RENAISSANCE.
RIDOLFI.
misrable,
Que font-ils,
mon neveu!...
accourant.
VALORI,
FRANOIS
Que faites-vous?
assassin!
mon Dieu?
Ridolfi!
RIDOLFI,
genoux!
Ma femme!
Tiens,
du couvent
L'intrieur
Frre
Jrme;
et la populace,
de Saint-Marc.
la foule
envahit
FRRE
Les
en criant,
clotres.
la clture
Les moines;
en hurlant.
JRME.
Que veulent-ils?
FRRE
Te prendre!
BUONVICINI.
Je ne te quitterai
FRRE
pas.
JRME.
FRRE
veux-tu?
SACROMORO.
le couvent
FRRE
Soit!
hier!
m'aimaient
Tu dis vrai.
J'irai
JRME.
la mort.
Peuple
ingrat,
que
SAVONAROLE.
133
OPTIMISTE.
UN
vous demande
uniquement
Seigneurie
rendre. On ne prtend vous faire aucun mal!
La
Prophtise
COMPAGNACCO
du poing.
AUTRE.
voil du pied!
Un troisime
UNE
Ah ! le lche,
Marche
FEMME.
ARRABBIATO.
te demandent
FRRE
JRME.
Je marche ! Ne maltraitez
! Tout
; il pousse un cri.
il pleure !
UN
Florence
le frappant
est fini !
Les commissaires
Une salle dans le Palais-Vieux.
Iino et le Pre Turriano,
gnral des Dominicains;
Pierre
Popoleschi.
PIERRE
Nous
Frre Jrme.
qui te frappe !
UN
Tiens!
de vous
avons tout
que Sa Saintet
POPOLESCHI.
fait pour
sera contente
le mieux,
de nous.
ROMOLINO.
C'est ce qu'il
faudra
voir.
et nous
esprons
LA
134
RENAISSANCE.
PIERRE
Nous
avons
POPOLESCHI.
fait condamner
Frre
Jrme
au bcher
revenir
de vos erreurs,
sei-
gneur gonfalonier.
PIERRE
POPOLESCHI.
l'oeuvre!
Nous
de procder dans le
et nous ferons un beau feu,
Qu'on
introduise
les tmoins.
On amne des moines de Saint-Marc.
Bonjour,
le coupable.
Est-il justement
dsign
moro,
condamn?
le plus
approchez !
comme
savez ce qu'a os
Expliquez-vous.
celui qu'on m'a
J'interroge
honnte.
Pre Malatesta
Sacro-
SAVONAROLE.
FRERE
SACROMORO.
Monseigneur,
pendant sept ans nous avons cru ce que
Frre Jrme nous enseignait.
Il tait notre vicaire gnral. Il a abus de son autorit sur nos esprits.
ROMOLINO.
Au
moins,
dsormais?
SACROMORO.
Profondment.
ROMOLINO.
un
FRRE
Certainement,
SACROMORO.
monseigneur.
ROMOLINO.
Suivant
complices
SACROMORO.
Je loue
anime.
votre
et l'esprit
de vrit qui vous
mon cher ami, et qu'on introduise
candeur
Retirez-vous,
les coupables.
Les soldats amnent Frre
lis avec des cordes.
Jrme,
Frre
Sylvestre
et Frre
Buonvicini
ROMOLINO.
Frre
gnral
LA
136
RENAISSANCE.
JRME.
ROMOLINO.
un
est
JRME.
souffrance
est faible
et ne soutient
m'a arrach.
ROMOLINO.
Allez!
allez!
Nous
BUONVICINI.
un saint!
FRRE
JRME.
SAVONAROLE.
Mes illusions
137
sont dissipes.
Il est mieux
que je meure,
J'ai poursuivi
et je le souhaite
depuis longtemps.
ROMOLINO.
BOURGEOIS.
en avons
son illustre
famille
!
SECOND
Je pense qu'il
faudra
quelque
PREMIRE
Ah!
le joli
enfant!
Est-il
SECONDE
Oui,
BOURGEOIS.
jour en revenir
l.
FEMME.
vous,
Monna
Theresa?
FEMME.
FEMME.
chrubin!
Voyez les beaux cheveux
Embrassez-moi,
noirs !... Que fais-tu l, avec tes jolis camarades?
LA
RENAISSANCE.
L'ENFANT.
Nous rendons
SECOND
Ah!
BOURGEOIS.
On rit.
PREMIRE
FEMME.
PREMIER
Heureux
sympathiser
apprend
SUR
Le Frre
BOURGEOIS.
Jrme,
publics
de bonne heure
!
L'ECHAFAUD
le Frre
Niccolini,
FRRE
le Frre Buonvicini.
Sylvestre,
confesseur
du Frre Jrme.
NICCOLINI,
Frre Jrme.
de rsignation
vous, mon
qui avez tant pri pour ce malheureux peuple !
Je n'oserais
parler
FRRE
Bnissez-moi
Frre
Pre,
JRME.
!
BUONVICINI.
Puiss-je souffrir
SAVONAROLE.
Mon
ami,
rien faire,
139
JRME.
fils, n'oubliez
pas que nous n'avons
sinon la volont de Celui qui est aux cieux!
mon
FRRE
SYLVESTRE.
abuse !
JRME.
nous fait-on
Pourquoi
LE
CAPITAINE
attendre
Pauvre
les sau-
ainsi?
GIOVACCHINO.
La foule
devant
le bcher
bourgeois,
UN
Il a t rudement
qu'on
moines,
HOMME.
le coquin!
tortur,
UNE
Qu'est-ce
FEMME.
lui a fait?
L'HOMME.
On lui
allez!
On rit.
LA
140
RENAISSANCE.
UN
ENFANT.
L'ENFANT.
Ma foi ! on m'avait
UNE
VIEILLE
FEMME.
Etions-nous
voil
en haut...
btes!...
Est-ce
UNE
ARTISAN.
Ah!...
qu'on
Il monte
ne va pas le brler
JEUNE
Ma charmante,
JEUNE
seigneur
soldat,
FILLE.
pour voir!
SOLDAT.
est-ce
auparavant.
Ah ! c'est dommage!
Je suis venue de si loin
Merci, seigneur soldat!
LE
vif?
SOLDAT.
il sera pendu
LA
Le
FILLE.
l'chelle!
avancer
encore,
l... vous serez
SAVONAROLE.
LA
JEUNE
141
FILLE.
Non! Je vous
Approche donc, Marianne!...
en prie, ne me prenez pas la taille comme ca !... Qu'est-ce
que c'est que ces deux autres qui montent ct de Frre
Jrme?
C'est vrai.
UN
SERRURIER.
LA
Comme
JEUNE
Dame!
juste!
FILLE.
c'est qu'ils
.
BOUCHER.
ont
LA
t torturs
JEUNE
aussi,
comme
de
FILLE.
SOLDAT.
Serait-il
VIEILLE
vrai
DAME
que le Rvrend
Pre Jrme
et t
tenaill?
UN
Il y aurait
tout
lieu
BOURGEOIS.
de le supposer.
Cependant,
il se
LA
142
RENAISSANCE.
Je suis
bien
de vos bonts.
reconnaissante
mon
pas.
BOURGEOIS.
de quadrupdes
madame.
Je ne suis pas offens,
L'ordinaire
mes-
Pardonnez-lui,
bijou.
connat
LE
ainsi.
DAME.
VIEILLE
de ces sortes
est d'en
agir
Il s'loigne.
SUR
Les trois condamns,
L'CHAFAUD
l'vque de Vaison,
bourreaux.
moines
dominicains,
L' EVEQUE.
Frre
Sbastien,
Otez
Est-ce
Bien!...
te spare
de l'glise
ne lui
tout!
cet homme!...
fait?...
le saint
enlevez
Et
militante
habit
de votre
laissez
maintenant,
que
Ordre
la chemise!
Savonarole,
et de l'glise
triomphante
je
!
SAVONAROLE.
Ce dernier
point
surpasse
votre
pouvoir
L'VQUE.
A-t-on
dpouill
ses complices?
FRRE
Oui,
monseigneur,
SBASTIEN.
les voici,
en chemise,
comme
lui.
SAVONAROLE.
143
L'VQUE.
Il les verra supplicier.
FRRE
In
Bourreaux,
SYLVESTRE.
A mon tour,
Frre Jrme!
SAVONAROLE.
Dans un instant,
veux-tu
dire.
On pend Buonvicini.
L'VQUE.
Et, de ce coup,
vous,
l'hrsiarque
LA
SUR
PLACE
UN BOURGEOIS,
sa femme.
Oui,
mon agneau,
La maison
de messire
FEMME.
rentrons!
Nicolas
!...
Machiavel.
Une
salle.
couverte
de monceaux
assis auprs d'une table,
C'est le soir. Crpuscule.
papiers.
Machiavel
de livres
est
et de
MACHIAVEL.
Pauvre Jrme!...
Ils
LA
144
RENAISSANCE.
l'ont
chafaud,
de puret,
qu'il
fantaisies
il l'admettait
comme rel, et
possible,
ne voyait pas que le monde en parle d'autant
plus qu'il
en sait moins...
,
tait innocent
de toutes
Pauvre Jrme ! Parce qu'il
comme
ni joueur,
ni voluptueux,
ni avare,
passions extrmes,
ni vain,
ni bouffon,
il supposait les huni prodigue,
autour de lui, parfaitement
mains circulant
capables de
s'affranchir
de tout
il voyait
mal, et enfin
il ne concevait
la vrit,
grande partie de ses concitoyens,
nous pouvons bien
ah! mon Dieu!
Jrme!
est
supposer que la candeur
mieux qu'une abstraction
facult spciale de quelpure,
ques mes isoles !... Et c'est de l, et c'est en consquence de cette faute, de cette trs-grande
faute, qu'il a
cherch fonder
le rgne de la paix,
de la
de la justice,
ce que nous payons par la guerre
libert,
des droits, les massacres, le sang sur
civile, la violation
le pav des rues et ta mort toi, et, pour le reste, le
retour
certain
parmi
nous
des Mdicis!
Voil
SAVONAROLE.
145
Pierre Soderini
Gonzaga?...
un
Baglione...
Pas davantage!...
Bentivoglio?
moyen de quelques douzaines
ginent rien de plus beau!...
Un
Malatesta...
un
une ville au
Tyranniser
ils n'imade coupe-jarrets,
Assassiner,
empoisonner,
trahir, monter, tomber... c'est leur sort! Toujours mme
jeu... Mais, au milieu de cette bande impudente et froce,
Il dpasse le reste de toute la
j'en aperois un pourtant...
Il a d'autres vises et plus hautes. Il n'est pas moins
et c'est l un
il veut infiniment
davantage,
pervers;
tte...
I.
10
146
immense
ture!...
comme
RENAISSANCE.
LA
mrite!...
Intelligent
le lopard,
pas de crier
d'pouvante
tout
haut
: Aut
FIN
DE
LA
PREMIRE
PARTIE
Je sors
chose
DEUXIME
CESAR
PARTIE
BORGIA
CSAR
BORGIA
CESENA
1502
Des tentes
devant la citadelle.
mili; des baraques
L'esplanade
Don
taires ; hommes
d'armes
et italiens.
franais
Michle,
d'aventuriers
et familier
de don Csar Borgia, cause avec
capitaine
Mgr Burchard,
mnent de long
matre
des crmonies
en large,
du Saint-Pre.
derrire le dos.
les mains
DON
Ils se pro-
MICHELE.
Mgr
Nous sommes
BURCHARD,
fort bien
ici.
Ces Franais
n'entendent
MICHELE.
Mgr
BURCHARD.
LA
150
RENAISSANCE.
Le duch d'Urbin
s'est rvolt;
avec les accla-
son
Vous oubliez
MICHELE.
un point
capital.
D'o
nous vient
notre
force?
Mgr
BURCHARD.
VI est
Dieu, vous me direz qu'Alexandre
Mais consivous, et que sa main vous soutient.
Ah!
mon
derrire
drez...
DON
Un
mot seulement!
dinal;
MICHELE.
Alexandre
VI nous avait
fait car-
BURCHARD.
roi de France;
mais il vous retire sa proXII,
il se tourne contre vous, il vous menace mme,
tection,
nous dit-on!
Louis
DON
MICHELE.
A cause du cardinal
Nous
XII
BURCHARD.
d'Amboise.
DON
A merveille!
Louis
MICHELE.
avons
promis
continuons
celui-ci
la succes-
sion d'Alexandre;
promettre.
D'ailnous
leurs, nous sommes gens utiles ; nos services ont quelque
poids, et, sans aller plus loin, les rcentes expditions du
CESAR
BORGIA.
gens d'nergie!
Mgr
BURCHARD.
sem.
MICHELE.
Vous vous trompez. Je reviens de Milan avec monseigneur. Nos affaires sont rajustes ; nous sommes en plus
a si bien parl
grande faveur que jamais; monseigneur
et si bien agi, qu'il n'y avait pas moyen de nous tenir
rigueur
BURCHARD.
mais elle et
Pape sera charm de cette nouvelle,
d venir plus tt. Il ne vous reste rien sauver. Pendant
droite, il gagnait gauche
que vous teigniez l'incendie
Le
MICHELE.
mon bon
Burchard,
Voyons ! voyons ! monseigneur
ami! ne mettez donc pas ainsi toutes choses dans le noir!
Mgr
BURCHARD.
MICHELE.
BURCHARD.
Les Orsini,
Avec quoi? Vous n'avez plus de troupes!
leurs
le duc de Gravina
vous louaient
avec Pagolo,
152
LA
RENAISSANCE.
bandes;
brouill
vous voil
MICHELE.
DON
Je regrette
surtout Vitellozzo Vitelli ; c'est un grand homme de guerre !
Je ne me console pas non plus aisment de la dfection
C'est fcheux.
da Fermo !...
rien n'est perdu.
d'Oliverotto
rpte,
Mais,
Mgr.
Vous
n'ignorez
contre vous?
je vous
le
BURCHARD.
Hlas!
nanmoins,
se sont dclars
MICHELE.
je le sais.
Mgr
Les Aragonnais
BURCHARD.
sus.
MICHELE.
BURCHARD.
Nous
pourrons
toujours
n'est pas
MICHELE.
nous
arranger
messes.
Mgr
Les
Florentins
BURCHARD.
ne manqueront
pas de s'unir
vos
adversaires.
DON
MICHELE.
CESAR
Mgr
BORGIA.
BURCHARD.
Je l'ai
reu
153
vu ce secrtaire?
MICHELE.
et lui
moi-mme
Vous
servir,
me
bien
BURCHARD.
Au
charmez!...
mais
fond,
rien
ne peut
vous
Laissez - moi
aspect moins
donc
MICHELE.
vous
montrer
dsolant.
Mgr
BURCHARD.
mais
tes le sang-froid
incarn,
doute que le Saint-Pre
vous tienne pour infaillible.
Dcidment
vous
DON
MICHELE.
considrer que
Si, comme vous, je ne m'attachais
bon vouloir de Louis XII,
les cent lances fournies de
brave Mgr de Candalle,
que je vois l-bas mangeant
gousse d'ail en vrai Gascon qu'il
est, une poigne
italiennes
compagnies
qui nous restent,
tions des Florentins
et autres broutilles,
Ce que c'est?...
sa
de
moi,
BURCHARD.
MICHELE.
L'indomptable
ce
pas,
Et qu'est-ce donc ?
DON
le
je
nergie du Valentinois!
LA
154
RENAISSANCE.
Tant
BURCHARD.
MICHELE.
Dites mieux!
contagieuse
BURCHARD.
Pour
fin politique,
il l'est, et, parmi les plus fins, c'est
le plus fin! Je vous concde que vous avez raison. Mais,
ses affaires vont si mal, si mal, qu'il ferait
nanmoins,
peut-tre mieux de venir se rfugier Rome que de prtendre lutter
contre le sort.
MICHELE.
BURCHARD.
CESAR
BORGIA.
Une chambre
une table avec
155
servant de retrait.
des dpches et des
lettres.
LE
4 haute voix.
DUC,
monseigneur.
LE
DUC.
Avec la permission
je suis charg.
j'exposerai
ce dont
auprs
de Votre
LE
Altesse,
DUC.
Je vous coute.
MACHIAVEL.
Monseigneur,
du roi Louis.
pendant
LE
Je vous
dirai, d'abord,
prtes de ce ct-l ont
devant mes explications.
DUC
qu'on m'avait
un brouillard
MACHIAVEL.
Cependant,
Votre
LA
156
RENAISSANCE.
C'est
militaire
DUC.
un point important
de bonnes mains.
que de confier
la puissance
MACHIAVEL.
celles-ci n'taient
Malheureusement,
pas aussi fidles
Pousss de la crainte de vous voir trop granqu'habiles.
vos chefs de
dir et de n'avoir
plus qu' vous craindre,
la nouvelle
notre Seigneurie
guerre ont fait parvenir
de
Pandolfo
de Bologne,
qu'allis Jean Bentivoglio
seigneurs exils, ils s'taient rsolus
armes contre vous. Ils nous demandent
offrant de nous remettre tels territoires et
Sienne et d'autres
tourner
leurs
notre
alliance,
telles villes qu'il
nous plairait
LE
de dsigner.
DUC
assez
m'apprend
prsence ici, messire Nicolas,
ne s'engage pas dans des
que la sagesse des Florentins
la bonne foi des Orsini
piges aussi grossiers. D'ailleurs,
et de la maison Vitelli vous est assez connue.
Votre
MACHIAVEL.
Je suis charg de vous assurer, Altesse, que la Rpublique n'a pas coutume de trahir ses allis ; elle est pleine
et vous poude respect pour le Saint-Sige apostolique,
elle espre que vous ne
vez compter sur elle. D'ailleurs,
venant des Vnitiens.
vous prterez aucune proposition
LE
C'est un point
dlicat
DUC
CESAR
BORGIA.
au dernier
dsarm,
tout
fait dsarm;
que
peu de
LA
158
RENAISSANCE.
et Orsini.
Vous
croyez
tre bien
des maisons
avec les Alle-
mands,
simplement
empars de votre personne
il
pendant que vous tiez seul, dnu, surpris Imola,
n'est pas facile de voir comment vous vous seriez tir
s'taient
tort,
DUC.
Nous parlerons tout fait coeur ouvert! Rien ne pouvait m'tre plus agrable que votre venue, et vous en
remercierez
ceux qui vous ont envoy. Je n'tais pas
l'autre
Imola,
aussi embarrass
jour,
sez le croire.
je ne le nierai pas,
je l'eusse souhaite.
le matre,
c'est moi!
CESAR
BORGIA.
159
volont d'un
lerie italienne
MACHIAVEL.
trouvera
le chtiment
Seigneurie
parjures trs-mrit,
pour svre qu'il puisse tre.
La magnifique
LE
des
DUC
matre
de chambre.
Qu'on lui
plaire. Messire
BAUTISTA.
Oui.
Altesse.
MACHIAVEL.
Adieu.
DUC
donne
Nicolas
bon
est
LA
160
RENAISSANCE.
LE
Ils
Les Florentins!...
aide!...
tordre
DUC,
seul.
viennent
bien
propos mon
ils auraient
tt fait de
Si je n'y prenais
ce service en licou,
et lieu.
Leur
contre
les Orsini.
garde,
et j'en serais trangl en temps
amiti n'est que l'envers de leur haine
subite
me croient
moins
solide,
partant
moins dangereux que cette vieille famille...
Un champignon n'a pas de racines, et ne pousse jamais si haut qu'un
! A dater
chne... et ils me prennent pour un champignon
d'aujourd'hui,
par le pass!...
Ils
j'aurai me dfier
Hol! Giovan-Maria!
de Florence
plus
que
GIOVAN-MARIA.
Altesse?
LE
Va voir
viennent
DUC.
et Mgr
Burchard.
Qu'ils
me parler.
GIOVAN-MARIA.
attendent
LE
Qu'ils
entrent
DUC
donc !
Entrent don Michle et Mgr Burchard.
Les Florentins
assur de ce ct?
BURCHARD.
Altesse.
tes-vous
CESAR
BORGIA.
LE
161
DUC
de la ligue.
Ne marchande
pas; offre ou
accorde. Nous verrons plus tard tenir ou ne pas tenir
tes engagements. Toi,
vas auprs des condotMichle,
et... voici les instructions
tieri,
que je venais d'crire
est arriv. Tu ne manqueras pas de
quand ce Florentin
faire miroiter cette nouvelle alliance, et tu en tireras tout
le parti possible.
DON
Altesse,
j'agirai
MICHELE.
de mon mieux.
LE
DUC.
L'un
et l'autre,
crivez-moi
russi vous faire seulement
discute
m'ait
jamais
aussitt
Romagne.
DON
Non,
monseigneur,
MICHELE.
de toute l'Italie
LE
DUC
ce qui me serait le
C'est possible. Je ne sais vraiment
chasser jusplus agrable, rgner sur un si bel empire,
qu'au dernier de ces misrables barbares gaulois et tudesques, ou bien pendre ces ducs, princes ou podestats
de l'ancienne
Ils ne comprennent
rien aux
fabrique!
I.
11
LA
162
RENAISSANCE.
ncessits
Tout
bonheur
comme
la flicit
MICHELE.
vous viendra
seul coup,
Je baise les mains
cleste!
d'un
et parfait
de Votre
Altesse !
Mgr
Et moi
BURCHARD.
de mme.
LE
Allez!
l'autre
Ne me mnagez
!
DUC
ni
l'un
ni
CSAR
163
BORGIA.
SINIGAGLIA
La tente du conseil
des chefs. Autour
Le camp des condottieri.
sont assis Vitellozzo,
Oliverotto
da
d'une grande
table
Vitelli,
le duc de Gravina,
Fermo, le seigneur
Pagolo Orsini,
capitaines
des aventuriers.
GRAVINA.
tuer ! Mais
diviser
maintenant
serait
une
faute
Et moi,
Par Dieu!
et ce ne sont pas quelques mchantes lances franaises qui feront peur un homme de ma maison !
guerre,
OLIVEROTTO.
Voil
bien
des rodomontades!
La vrit
LA
164
RENAISSANCE.
au lieu d'agir, et l'ennemi se moque de nous. Le Bentison aide, fait le mort; Guivoglio, qui nous promettait
et n'agit pas.
Urbin,
dubaldo reoit des flicitations
Pour
ne nous ont pas. mme rpondu!
Les Florentins
moi,
je vous le dclare,
j'augure
PAGOLO.
avec tes
que je sois franc? Tu m'assommes
jrmiades ! Quand des aventuriers ont la cuirasse au dos
et l'pe au flanc, de tels airs pleureurs sont faire piti!
Veux-tu
VITELLOZZO.
Toutes
tes violences
la ralit
ne changent rien
tu seras pendu, rou ou
et tes vantardises
des choses.
empoisonn,
Quand
il te sira bien d'avoir
fait le fou!
GRAVINA.
prendre?
VITELLOZZO.
travers
la salle en levant
Par le ciel!
courent
nous
de coeur dans
OLIVEROTTO.
CESAR
BORGIA.
165
ner. C'est ainsi que nous avons compris les choses! Nous
il leur faut une solde, il
nos hommes;
commandons
Rien de plus simple!
Mais les matres
nous la fournit!
vrais, c'est nous ; je ne lui permets pas de se donner les
et voil qu'il prtend jouer au souveairs de l'oublier,
rain ? Allons
donc !
PAGOLO.
C'est mon
rotto.
prince,
avons
eu mille
du vrai prince?
VITELLOZZO.
Il est certain
ils pillent
qu'il
le manant
du moins,
!
gentilhomme
Celui-ci,
tait condottiere,
s'il n'tait
pas
166
LA
RENAISSANCE.
OLIVEROTTO.
Ah!
vous
tes loin
lexandre
n'est
ni
VI ! D'ailleurs,
pas! Ni sceptre,
assez ! Nous
ferons bien
bon plaisir,
c'est
de ne pas renoncer nos plans !
loi!
Notre
VITELLOZZO.
Quels sont-ils,
vos plans?
PAGOLO.
Eh bien, mort-Dieu!
nos plans... ce sont toujours nos
au rle de valet, rien de
plans! Rduire le Valentinois
plus. S'il rsiste, il est cass, voil nos plans !
VITELLOZZO.
Vous
n'avez
eu ni
OLIVEROTTO.
Le diable t'trangle
!
GRAVINA.
Excellences,
du Valentinois.
le capitaine
Il voudrait
don Michle
tre introduit
du camp
auprs de vous.
arrive
PAGOLO.
le petit Michle?
garon !
VITELLOZZO.
Oui,
C'est un brave
CSAR
BORGIA.
167
GRAVINA.
Je suis curieux
de savoir ce qu'il
VITELLOZZO.
Si fait,
Michle
moi!
Introduisez
entre et embrasse
le seigneur
les quatre
capitaines
don Michle!
les uns aprs les autres
MICHELE.
Merci,
CAPITAINES.
don Michle
DON
ce semble?
MICHELE.
Ah!
bien tourment,
je vous jure! Depuis que vous et
lui. avez l'air de ne plus vous entendre, monseigneur
est
fort triste
votre
DON
En quoi donc,
monseigneur!
C'est
un
MICHELE.
je vous prie?
PAGOLO.
N'est-il
LA
168
RENAISSANCE.
MICHELE.
Comme je ne suis pas venu ici pour vous bercer d'illuimagisions, ni rpondre en l'air des incriminations
nes, mettons de l'ordre dans nos discours, je vous prie.
par vous, que signiSeigneur Pagolo, en commenant
fient vos plaintes ? Votre solde n'est-elle pas paye rgulirement et mme avant les termes ?
PAGOLO.
Je
DON
MICHELE.
vritable
de coeur! Non,
parler d'abondance
Pagolo, non, mon compagnon, le duc ne vous a pas fait
il vous a singulirement
le moindre tort; au contraire,
et c'est aussi ce qu'il fait l'gard de la
chri et honor,
ce que je
maison Orsini et de la maison Vitelli.
Ainsi,
laissez-moi
vous
CESAR
vous
atteste
pour
autres
BORGIA.
vous, je le jure
Vous n'avez rien
capitaines.
matre quant au pass !
169
galement
pour ces
reprocher
mon
OLIVEROTTO.
Je vous demande
mille
fois pardon,
DON
Michle,
mais...
MICHELE.
Laissez-moi
finir!
Dans le pass,
patience!
mais l'avenir?
je vous le rpte, rien ne vous a offusqu;
Ah ! vous craignez l'avenir ? Vous croyez le duc tellement
de
lui arriver
de rgner seul, qu'il pourrait
ambitieux
Patience!
mconnatre
vos services?
GRAVINA.
Pour moi,
je ne m'en
tonnerais
DON
pas.
MICHELE.
A part la question
je m'en tonnerais beaucoup.
absurde et maladroit...
ce serait tellement
d'ingratitude,
Moi,
Raisonnons
OLIVEROTTO.
Ce sont eux
soutenu?
Comment,
limon comme Dieu a fait Adam !
DON
qui
l'ont
cr du
MICHELE.
LA
RENAISSANCE.
VITELLOZZO.
Pour
se dfendre
DON
Et
sur
Alexandre
vivra-t-il
MICHELE.
du
l'immortalit
VI
des Franais,
Pape,
aussi?
compte-t-il
Nous garantissez-vous
toujours?
suivant vous,
nous comptons
PAGOLO.
Voil
du neuf.
DON
MICHELE.
pour l'heure
QUATRE
prsente.
CAPITAINES
l?
Que nous racontez-vous
Florentins?
En tes-vous sr?
DON
Ma foi ! Un
Vous
la fois.
tes bien
avec les
MICHELE.
chiavel,
vous en assurer,
et...
CSAR
BORGIA.
171
PAGOLO.
pas de
MICHELE.
QUATRE
CAPITAINES.
MICHELE.
Dieu!
C'est par
que j'ai eu tort de me laisser aller!...
messire Nicolas que nous avons appris vos propositions
d'alliance aux Florentins.
Ils ont envoy au Valentinois
vos lettres mmes, et offert
ont crit Jean Bentivoglio
vous
lui.
tenir
Voil
ils agiraient
parole,
ce que je vous confie...
immdiatement
Vous
contre
saurez pas
demain. D'ail-
n'en
LA
172
RENAISSANCE.
d'armes ;
MICHELE.
Vous allez,
Et dans six mois, que deviendrons-nous?
sur les bras, tre
avec tant d'adversaires
sans doute,
anantis d'ici quelques jours. Toutes les villes vous
les cheEspagnols,
dtestent, et, dussiez-vous tourner
devemins vous sont coups. Mais nous? qu'allons-nous
nir entre les mains de tant de protecteurs? Ah! vous avez
eu bien
tort
de vous
citer l'apologue
mutiner.
C'est justement
le cas de
de Mnnius.
PAGOLO.
Enfin,
Si l'on m'avait
cout!
OLIVEROTTO.
Vous plaisantez,
acharn!
messire Vitellozzo!
VITELLOZZO.
avec moi
de
GRAVINA.
De la douceur!
querellons
de la concorde!
Je vous prie,
ne nous
pas !
DON
MICHELE.
Ce qu'il
fau-
VITELLOZZO.
aurions
peut-tre
agi plus
CESAR
BORGIA.
173
Il
les connais!
entier
ne voit
mais seulement
dans
le monde
des marion-
en mouvement
par
MICHELE.
eh ce cas, faites-lui
la
raison;
guerre! D'un ct, voil le Pape, le Roi, les Florentins;
toutes les villes,
les Bolonais;
demain,
aprs-demain,
toutes les communauts,
toutes les factions,
tous les seiPeut-tre
avez-vous
gneurs de la Romagne,
y compris votre associ Petruccio
de Sienne, et mme Giampagolo
de Prouse. De
Baglioni
et Orsini;
encore
l'autre,
j'aperois les maisons Vitelli
faut-il
Rome,
jours,
DON
Alors,
continuez
nous
avons
battu
vos gens
MICHELE.
nous battre.
OLIVEROTTO.
En supposant un
composer, aurais-tu
instant
que nous
quelque
fussions
proposition
nous faire?
l'abri,
rancune
Je ne comprends
enclins
raisonnable
nous
l'abri
quel
danger
vous
mettre
de la
MICHELE.
pas bien
pourriez
LA
174
RENAISSANCE.
GRAVINA.
Certainement
non!
Mais
vous
MICHELE.
envers
votre conduite
vos familles.
comme
Au
une franche
il considre
fond,
tourderie de braves
Je t'emmne
mon quartier,
DON
si tu veux.
MICHELE.
CESAR
BORGIA.
175
GRAVINA.
me bout;
DON
MICHELE.
Sois tranquille,
QUATRE
CAPITAINES.
nous ne dirons
rien,
vieux
renard!
LA
176
RENAISSANCE.
CESENA
Le cabinet de don Csar Borgia. Le duc, plusieurs
riers et secrtaires. Quelques-uns
crivent rapidement
les autres sont debout et entourent
leur matre.
LE
Pas de courriers
Altesse,
SECRTAIRE.
pas encore !
LE
Qu'on
perdons
DUC.
?
UN
Non,
couraffids,
des dpches ;
m'avertisse
DUC
aussitt
en viendra
qu'il
tu es prt?
pas de temps. Antonio,
un.
Ne
ANTONIO.
Oui,
Altesse,
mon
DUC
Va trouver
de l'Apennin.
Tu
naturellement
Oui,
monseigneur..
LE
Promets
de l'argent,
DUC
promets
des liberts,
promets
des
CSAR
BORGIA.
177
ANTONIO.
Oui,
villes.
Le
monseigneur.
LE
Sers-le
piller
les
et amnes-en
bien
DUC
Aie
sa fantaisie.
aime
paysan
cause
le plus
ANTONIO.
Je les connais
tous,
et en leur
faisant
esprer la ruine
des aventuriers...
DUC
LE
Fais pour
Alfonso !
le mieux,
je t'avoue
dans tout;
pars.
A toi,
ALFONSO.
Me voici,
monseigneur.
LE
DUC.
les Guelfes,
Il faut m'y concilier
et, pour
contre' les Gibelins.
Comme
cela, offre-leur ma protection
nous ceux qui ont
ceux-ci sont les plus forts, attirons
le plus besoin d'alliance.
Tu feras de mme en passant
Va Forli.
mais
et Ravenne,
o les Guelfes dominent.
L,
les Gibelins.
Va maintenant!
Fanza
tu travailleras
Rimini,
chez
surtout
Vous autres,
tout
au rebours
instructions?
PLUSIEURS
Oui,
AFFIDS.
monseigneur!
I.
12
LA
178
RENAISSANCE.
LE
DUC
Toi, Martino,
je vais t'envoyer Urbin. Voil ce qu'il
te faudra faire pour qu'on me tue ou me chasse Guidubaldo. coute bien.
et les archers
avec deux
Burchard.
L' HOMME
D' ARMES.
archers
franais
la mme
jouent
place
PREMIER
ARCHER.
de la ville.
Les
tre anciens,
mais les Colomb
le
encore davantage. C'est ce que j'ai toujours entendu
mon pre.
sont
DEUXIME
Ils
ARCHER.
peuvent
TROISIME
dire
ARCHER.
D'ARMES.
l un bon temps
que
CSAR
BORGIA.
179
des Anglais!
La ville ne payait point d'impts,
il
n'y avait point de gabelles, et le vin ne cotait quasi rien
du tout !
celui
DEUXIME
ARCHER.
Anglais
maintenant?
D'ARMES.
ce qu'on voudrait,
Par le cap Saint-Fort ! je tournerais
o j'ai laiss
pourvu qu'on me laisst rentrer Milan,
une petite demoiselle assez contente de ma moustache.
TROISIME
ARCHER.
ARCHER.
mon garon!
Hoh, Jeannot, amuse-toi,
pour te remettre en bonne humeur !
Tiens!
voil
Il lui jette son chaperon par terre ; les archers et l'homme d'armes se
poussent et se battent en riant aux clats.
180
LA
RENAISSANCE.
SINIGAGLIA
La tente de
Pagolo
Orsini.
Pagolo vient de souper avec don Michle. Des valets desservent et se retirent.
DON
Vous
MICHELE.
avez tous
la tte monte,
elles sont. Le duc
et aucun
ne voit
les
le
pas l'homme
c'est vrai; mais il n'en est pas
plus tendre du monde,
il ne se soucie
non plus le moins sage, et c'est pourquoi
de perdre ce que vous
pas, en vous traitant la rigueur,
lui valez.
choses comme
n'est
PAGOLO.
Si nous
nous prissons!
Tu ne me proul'coutons,
veras jamais le contraire.
Vitellozzo
n'a pas tort l-dessus.
DON
MICHELE.
PAGOLO.
Oui,
je le crois !
DON
En voici
la preuve.
MICHELE.
Il t'envoie
cette chane.
BORGIA.
CESAR
PAGOLO.
Rubis
Peste!
tin!
et saphirs!
jolie
travail
monture!
floren-
Me trompai-je?
DON
MICHELE.
Vous
bien, vous autres gens de cour!
croyez que vous seuls avez le droit d'aimer les muses
le vrai beau! Si cette chane
divines et de comprendre
ce qui m'tonnerait
n'est pas l'oeuvre du Robetta,
bien,
Vous
voil
MICHELE.
PAGOLO.
Comment
Toujours
MICHELE.
fidle serviteur
de la maison Orsini
PAGOLO.
Mais je n'en
pour de tels sentiments.
puis plus. Toute une journe cheval, visitant les postes!
Allons nous couQuel ennui que ces msintelligences!
cher, veux-tu?
Nous
l'aimons
DON
MICHELE.
LA
RENAISSANCE.
PAGOLO.
MICHELE.
Je lui
Allons, grand enfant!
comme il est le tien. Bonsoir!
dirai
CESAR
BORGIA.
183
CESENA
du Valentinois.
Le cabinet
Don Csar
Borgia;
Bautista.
Machiavel;
BAUTISTA.
Monseigneur,
LE
Eh bien!
donne-la!...
DUC
Messire
Voici
ce que
don
m'crit.
Il donne la dpche Machiavel,
qui la lit.
Vous voyez
et de ramener
tant,
les autres...
je l'aurai,
comme
les autres!
MACHIAVEL.
ils viendront
Altesse ! il y viendra!
tous!... A chaque minute leur coeur tombe plus bas, et
leur tte... ah ! leur tte est dj partie ! Je vois qu'ils vous
Je le vois
proposent
bien,
de vous unir
DUC
De prendre
et de vous donner
Sinigaglia?
mon-refus,
ils
LA
184
RENAISSANCE.
LE
DUC.
MACHIAVEL.
assez de monde
Avez-vous
les mains
pour
tre en sret
entre
de ces gens-l?
LE
Assez de monde?...
DUC
Je leur
ai fait
dire (car
c'taient
vous risquer,
LE
monseigneur?
DUC
o l'endroit
le plus sr de la terre,
du lion ! Un jour vous le com-
Je suis curieux
ces tratres
des sentiments
!
LE
Toute
douceur,
messire
DUC
Nicolas,
toute
mansutude!
Vous riez?
MACHIAVEL.
Les affaires
DUC
CESAR
185
BORGIA.
BAUTISTA.
un billet!
Monseigneur,
LE
Le
jeu marche bon train!
son amiti et une alliance de famille.
Ma foi!
m'offre
lisant.
DUC,
notre
Bentivoglio
MACHIAVEL.
C'est un homme
une nuit
la meute
de main.
cependant,
pas trs-port
aux
DUC
Il a bravement
de son adversaire.
Deux
dcousu en
cents chiens
MACHIAVEL.
cette semaine !
DUC
MACHIAVEL,
C'est trs-probable...
trs-probable...
assez fous pour vous attendre.
LE
Comment!
DUC
s'ils m'attendront!...
Ils vont
venir
ma
LA
RENAISSANCE.
dans ma main.
minute
leur
Michle
les travaille
nements,
Vitellozzo
prsents,
Oliverotto
; il tourdit Gravina avec des raisonavec des caresses, Pagolo avec des
avec des menaces sourdes et des
tous ensemble,
il les embobeline
promesses fourres;
dans des protestations,
mais,
et, ce qui est miraculeux,
dmontr en
certain,
assur, raisonnable,
croyez-moi,
pareil cas , bien que ces quatre sacripants sachent point
nomm
MACHIAVEL,
le menton.
Allons,
arrterons
m'implorer
intressante.
DUC
A vos ordres,
monseigneur.
BORGIA.
CSAR
187
SINIGAGLIA
La tente
des Orsini.
Pagolo,
Vitellozzo,
Vitelli.
VITELLOZZO.
La ville
ne consent
Veux-tu
se
que je
PAGOLO.
Je t'coute.
VITELLOZZO.
Le coquin de gouverneur
a t avis par le duc
mme d'en agir ainsi. Il s'entend avec le Borgia.
lui-
PAGOLO.
nous ne pouvons
discuter
des dclarations
sem-
VITELLOZZO.
Le rsultat
va tre qu'ayant
stipul avec Michle que
nous resterions dans notre camp et lui dans le sien, nous
il
allons nous trouver sous sa griffe, car, certainement,
va venir.
PAGOLO.
C'est
situation
vident.
critique
188
LA
RENAISSANCE.
je suis inquiet;
j'aime mieux savoir tout de suite quoi
m'en tenir. Le duc, j'espre, n'a que de bonnes intentions.
VITELLOZZO.
tout de bon
veux-tu qu'il aille se brouiller
Pourquoi
Notre
de l'Italie?
avec les quatre premiers condottieri
appui, notre protection vaut de l'or! Nos ttes , une fois
rien. Puis, nous avons derrire
coupes, ne vaudraient
nous ces deux grandes, illustres,
puissantes maisons des
les plus clatantes du pays romain
Vitelli et des Orsini,
et, partant, du monde entier. Que de cardinaux , d'vques, de seigneurs qu'il ne ferait pas bon d'irriter !
VITELLOZZO.
Suivons-le
de biais et
VITELLOZZO.
Je ne saurais
sinon
que j'ai
frapp.
PAGOLO.
Alors
tu priras,
Trompettes.
Gravina,
Oliverotto
et don Michle.
GRAVINA.
l'esprit
CESAR
BORGIA.
189
PAGOLO.
Qu'y a-t-il?
GRAVINA.
Le duc arrive.
ses coureurs.
On voit
VITELLOZZO.
Michle!...
Michle!
Tu nous trahis,
DON
Comment!
Je vous
infme!
MICHELE.
trahis?
Expliquez-vous,
messire!
Il a raison.
Gravina
le boute-
OLIVEROTTO.
t'emporte!
Tu
s'asseoir tranquillement
croyaient, comme des nigauds,
la rencontre du Valenmon souper? Vous irez poliment
tinois , et moi, je me tiendrai devant la porte de la ville
avec mes compagnies.
Si quelqu'un
fait
mine
de vous
LA
190
RENAISSANCE.
DON
PAGOLO.
C'est vrai.
Allons!
cheval!
Le duc arrive!
A
au fond, la
devant Sinigaglia.
La campagne
quelque distance,
Escaporte de la ville occupe par les fantassins des aventuriers.
leur tte, avec ses officiers.
Oliverotto
drons rangs en bataille,
infrieure
en nombre aux
Sur le devant, la troupe du Valentinois,
le duc,
des condottieri
masses la droite;
compagnies
don
Balthazar
Castiglione,
vel, le seigneur de Candalle,
da Fano, Leniolo,
don Ugo, Marcantonio
Mgr d'Allegri,
tous cheval.
capitaines,
LE
MachiaMichle,
et autres
DUC.
Michle!
DON
MICHELE.
Monseigneur!
LE
DUC
Tu
m'entends
bien?...
Et vous
ne les quitterez
CSAR
BORGIA.
DON
Non,
MICHELE.
monseigneur.
LE
Qu'est-ce
DUC.
dire? Oliverotto
DON
MICHELE.
nous, prends
rotto et, tout prix, amne-le.
prends et tu m'en rponds ?
un dtour,
rejoins OliveA tout prix! Tu me com-
MICHELE.
DON
Mais,
Ils
DUC.
Passe derrire
monseigneur...
LE
Tu
191
DUC
ne m'entends
part au galop.
Les capitaines
LE
s'approchent
rponds!
Ne
et saluent.
DUC
Nous
avons pch,
monseigneur,
en oubliant
que tels
LA
192
taient
RENAISSANCE.
vos sentiments.
Nous saurons
nos fautes
rparer
DUC
courtisans.
Eh ! seigneur
entourent
o restiez-vous
Oliverotto,
les trois
capitaines;
donc ?
un peu ple.
OLIVEROTTO,
Monseigneur,
j'tais mon devoir;
je n'aurais
voulu que quelque trahison des gens du chteau
troubler
pas
pt
Quand
ne crains
et si
DUC.
pass.
OLIVEROTTO.
Merci,
monseigneur.
LE
DUC.
Tout
et nous voici, ce me
dois une jolie ville,
GRAVINA.
Nous
voudrions
belles. Altesse !
vous
en donner
mille
autres
plus
CESAR
BORGIA.
LE
DUC.
pas de raliser
au logis.
Les occasions
voeu. Mettons
ne vous manqueront
pied terre, et entrons
et toute la suite
descendent
messires!
De l'ordre,
Quel bruit!
ainsi!...
de Candalle,
Monseigneur
prie!
de cheval.
ce
Grande
Ne vous htez
un
mot,
pas
je vous
Il le tire part.
Vos hommes
Monseigneur,
DE
CANDALLE.
oui.
LE
de don Michle.
DUC
Monseigneur,
DE
CANDALLE.
j'y vais!
Il sort.
et qu'on
Qu'on
les dsarme !
OLIVEROTTO.
Ah!
sclrat!
Il est renvers d'un coup de poing.
sur les autres et les garrottent.
LE
Les courtisans
et les soldats
DUC.
ct et gardez-les
ce que fait Mgr de Candalle.
dans la chambre
savoir
se jettent
13
RENAISSANCE.
LA
194
DON
MICHELE,
une fentre.
n'ont
LE
DUC
Michle
(Don
sort en hte.)
est
bourreau.
MICHELOTTO,
Me voici,
monseigneur.
LE
As-tu
Michelotto?
DUC
Toutes
neuves;
ma hache,
LE
Entre
l!
Je vais
te voir
trangls ! Je te regarderai
Michelotto
droule
chambre.
Allons,
messieurs,
Il franchit
mon coutelas
et mes aides.
DUC.
oprer.
L'un
aprs l'autre
lui
font ceinture,
un peu de plaisir
et entre
dans la
des cris
CESAR
BORGIA.
195
La maison
LE
J'aime
DUC.
beaucoup
dans un grand
velle. On m'a lu, l'autre
fort
soir, un morceau de Virgile,
beau comme la moindre
de cet esprit divin,
production
et j'y ai remarqu
cette phrase : Un ordre majestueux
Il parat que c'tait ainsi dans ce
prend naissance.
temps-l. A quel point c'est vrai de nos jours ! Cet air
de la mlancolie
la
que l'on vient d'excuter est empreint
Allez, mes enfants,
plus suave.
je n'ai plus besoin de
vos services pour ce soir. Qu'on leur donne un cu d'or
chacun. Michle,
es-tu bien assur qu'on a pendu les
Sinigaglia
?
pillards franais qui s'attaquaient
DON
MICHELE.
Peut-tre
monseigneur.
Vous aviez dit une
exagration.
Oui,
a-t-on
mis
douzaine,
quelque
et je crains
La plaisanterie
Arrt
l'instant
DUC
?...
MICHELE.
mme,
monseigneur
LE
le point intressant.
les supplicis.
On les coupera
C'tait
Et le pillage
DUC.
Tu
en quatre,
et l'on
en accro-
LA
196
RENAISSANCE.
MICHELE.
monseigneur,
LE
votre
et ils couvrent
DUC
barbares,
Va, Michle!
Don Michele
venons
Nous
de rsoudre
notre
difficult,
sort.
messire
Nicolas.
MACHIAVEL.
Je m'enhardirai
prsenter
jusqu'
une
observation
Votre Altesse.
LE
Parlez!
DUC.
je vous prie.
Parlez librement,
MACHIAVEL.
n'y
Puisque vous avez prfr justice misricorde,
des deux
l'excution
a-t-il pas quelque inconvnient
Orsini ? Leur maison est puissante.
LE
DUC
traner
Ce matin,
de Florence
crit Rome.
BORGIA.
CSAR
197
MACHIAVEL.
Ds lors,
me semble irrprochable.
la combinaison
LE
DUC
parti,
leur
nement!
servant
dvorant
leur substance
votre oeuvre.
LE
DUC.
LA
198
RENAISSANCE.
de la volont;
ils poussent,
puis ils clatent. Ne
sans quoi elle avorte.
ils bourgeonnent,
ils se dveloppent,
pressons pas la rcolte outre mesure,
Du temps, de la patience ; pas de langueur,
pas de som-
Tenir
en bride
c'est le mrite
LE
que soi-mme,
DUC
effet produit
par la
Voyez l'admirable
de la lune au travers de ces flots mus sous
La belle nuit!
rverbration
un si vaste horizon
! Il nous faudrait
de
ici quelques-uns
nos sens
expliquer
MACHIAVEL.
J'imaginerais
des aventuriers
LE
pars
DUC
reptiles
cherchent
des
dvorant
des
MACHIAVEL,
Votre
un dragon
serpents.
LE
DUC.
de franchise?
Oui
certes,
un
CSAR
BORGIA.
199
LA
RENAISSANCE.
FERRARE
est assise
loggia dans le palais ducal. Dona Lucrce
Borgia
crpines
d'or et regarde
la campagne;
dans un fauteuil
auprs
contre une des colonnes
le toit,
d'elle,
appuy
qui soutiennent
son mari.
don Alphonse
d'Est,
Une
ALPHONSE.
comme
Alexandre.
MADAME
LUCRCE.
Il est maintenant
Ne trouvez-vous
LUCRCE.
Assurment,
il
commencera
par
se fortifier
dans la
CESAR
BORGIA.
LUCRCE.
Je crois
Que voulez-vous
que je le
qu'il essaye ? Si infatigable
suppose, encore faut-il
qu'il prenne le temps d'asseoir
son quilibre.
D'ailleurs,
je n'ai rien craindre de lui,
par cette simple raison que notre point d'appui tous
deux est le mme; c'est la France,
et,
Louis XII ne me laisserait pas attaquer.
MADAME
certainement,
LUCRCE.
acquiert
le rend
LA
RENAISSANCE.
mais sa
vous [pouvez beaucoup pour lui ou contre lui;
M. d'Amboise,
faiblesse sans bornes pour son ministre,
et l'ambition
maladive qui entrane ce favori vers la tiare,
a eue de lui persuader que
l'adresse que M. de Valentinois
lui seul en disposerait la mort d'Alexandre
VI, en voil
plus qu'il n'en faut pour que mon frre domine l'esprit
me direz-vous,
une grande
des Franais.
Ils feraient,
outre mesure ; mais, les
faute en se prtant le grandir
fautes, il me semble que les affaires humaines n'ont gure
d'autre
contexture.
ALPHONSE.
Votre
en effet,
me frappe. J'entrevois,
Toude don Csar devient dangereuse.
raisonnement
que la grandeur
tefois , je ne devine pas dans quel ordre de prcautions
devrais m'engager. Montrer de la dfiance...
MADAME
je
LUCRCE.
le plus mauvais parti prendre. Tout au contraire , vous tes l'alli naturel de don Csar, il n'est pas
propos de paratre l'oublier.
Serait
ALPHONSE.
pour le fliciter
LUCRCE.
CSAR
203
BORGIA.
Vous
voyez juste,
et c'est le parti
MADAME
En tout
je n'oublie
LUCRCE.
De qui est-elle?
MADAME
LUCRCE.
Vous connaissez
de Mantoue.
Michel-Ange
florentin,
tant parler?
Buonarotti,
ALPHONSE.
MADAME
et j'ai
grande
envie
de
LUCRCE.
bien!
ALPHONSE.
C'est un ignare
et un sot confirm.
MADAME
LUCRCE.
mais
il ne vous
donne
pas tort
en
LA
204
cette circonstance.
RENAISSANCE.
Il
a achet la statue.
Le hasard
lui
l'oeuvre
il achte immdiateprsent
et en est au comble
d'en faire
Il
il faut attirer ici Michel-Ange.
Oui, certainement,
est jeune, c'est un brave artiste, et il deviendra un des
vertueux de l'Italie!
MADAME
LUCRCE.
notre cour
Je pense tout fait comme vous. D'ailleurs,
et maintenant
sur les autres,
doit l'emporter
que les
tous les hommes de gnie
Franais sont tablis Milan,
et de science rassembls tant de frais par Ludovic Sforza
ici
n'ont plus d'asile. Ne voudriez-vous
pas accueillir
Antonio
Cornazano, qui m'a ddi ses deux pomes sur
Vierge et celle de Notre-Seiqui m'a
gneur ? Et encore Georges Robusto d'Alexandrie,
offert ses posies?
la vie
de la trs-sainte
ALPHONSE.
Favorisez-moi
de joindre
possdons dj.
CESAR
BORGIA.
MADAME
LUCRECE.
et
LUCRCE.
et l'pithalame
les loges les plus complets,
latine qu'il crivit pour nous, lors de notre mariage, est
une des plus belles choses de ce temps.
Il mrite
ALPHONSE.
Je n'en doute pas, puisque vous me le dites. Certainement , vous avez l'entente de la posie et des lettres mieux
ce que je sais, et ce que je rpte, c'est qu'il
importe que notre Ferrare ne le cde aucune des villes
italiennes pour le respect aux grands talents, et je vous
que moi;
mme
MADAME
entendre
LUCRCE.
LA
206
RENAISSANCE.
Quel dommage,
Lucrce,
que vous ne compreniez
pas
ces choses-l aussi bien que vous comprenez la posie!
en causer avec vous. Savez-vous
J'aurais plaisir
que
rien
n'est
intressant
des mathmaticiens
au monde
comme
et des ingnieurs
MADAME
LUCRCE,
les explications'
en souriant.
Je vous
de planter.
ALPHONSE.
Allez,
Lucrce;
CESAR
DE LA
UN VILLAGE
Runion
d'une
BORGIA.
de ces socits
secrtes
PREMIER
Beati
pacifici
ROMAGNE
appeles
Bravi.
deux
arms;
207
BRAVO,
Pacifici.
Paysans
saluant.
!
LE
CHEF
DES
PAYSANS.
remercions
d'tre
BRAVO.
Nous n'avions
trissimes
aussi respectables
LE
Merci
de vos bonnes
CHEF.
paroles.
Ainsi,
vous
nous
tes
BRAVO.
et nul
En effet, don Csar Borgia,
duc de Romagne,
autre, nous adresse vous. Voici un anneau qu'il nous
a remis comme signe de reconnaissance.
LE
C'est
messires,
bien
CHEF.
Prenez
place,
208
S'asseoir
venons
RENAISSANCE.
LA.
est une
de fournir
PREMIER
BRAVO.
bonne
chose.
Ce
cavalier
et moi
une traite
et quelque habitu
guerre, il est permis, en pareil cas, d'avoir
peu roides.
arrter,
LE
savez peut-tre
mande ici ?
Vous
CHEF.
pour
PREMIER
quelle
cause on vous
de-
BRAVO.
les jambes un
mots.
CHEF.
Sans vous offenser, tes-vous aussi sr de votre compagnon que de vous-mme? Il s'agit d'une affaire dlicate,
et l'on est aise de savoir qui l'on a affaire.
PREMIER
Je loue
des vaillants
BRAVO.
votre
quer le mot
Histoire
romaine,
quand,
parlant d'un excellent capitaine, il en disait : Il n'oserait, demeurer dans une chambre
venons
Maintenant,
finir avec le Malatesta.
notre
LE
CHEF.
BRAVO.
affaire.
Il
s'agirait
d'en
CESAR
BORGIA.
LE
Mais
savez-vous
une longue
troupe
209
CHEF.
ne marche jamais
qu'il
de buli ses talons ?
LE
sans traner
BRAVO.
Je ne vous comprends
vous dsirez.
CHEF.
pas.
LE
BRAVO.
Vous suffit-il
en faut
vous satisfaire,
dites-le.
LE
Nous aimerions
mieux
CHEF.
en finir.
PREMIER
A merveille!
Pousser
Ce point
parfait!
aux moyens. Avez-vous
haitez-vous
BRAVO.
que votre
prfrence? Comment
homme soit expdi?
une
LE
Le plus tt possible
so-
CHEF.
et le plus srement.
PREMIER
BRAVO.
Je l'entends
14
210
LA
RENAISSANCE.
Qu'est-ce
voici,
ce que je
CHEF.
Ah!
d'abord,
se pressent
pour regarder.
BRAVO.
mon Dieu!
un petit chef-d'oeuvre!
Et pourtant,
en apparence, une fourchette de table, et rien de plus!
tout en argent
Voyez comme elle est jolie, ma fourchette,
bruni et cisel ! N'admirez-vous
pas cette figurine place
au-dessus du trident?
sur la tte...
Regardez!...
PAYSANS.
Eh bien!
BRAVO.
dans ce creux,
serviteur
que
CHEF.
CESAR
bonne
main
BORGIA.
sans rien
notre argent.
qu' vous.
BRAVO.
assez... Du reste, je verrai !... Tenezsoit fini d'ici une poque fixe ?
LE
CHEF.
J'entends!...
voil
Nous
BRAVO.
le 5 mai.
Mon
compagnon
d'armes et moi devons nous trouver le 20 juin Vicence,
o la srnissime seigneurie
de Venise nous a honors
d'une mission. D'ici l, votre discussion avec le seigneur
Malatesta
sera termine;
vous
pouvez
compter
sur
ma
parole.
LE
! Voici
LE
Laissez
donc!...
CHEF.
laissez
BRAVO.
donc!...
Bagatelle!...
Merci, nanmoins.
se retirent.
Entrent
PREMIER
Bonsoir,
compres!
des gentilshommes
romagnols.
GENTILHOMME.
Dj runis
et d'accord?
Tout
Nous
LA
RENAISSANCE.
LE
CHEF.
Nous n'attendions
GENTILHOMME.
LE
tous campagnards,
tous bons
nous voici,
ligus pour tablir et
amis, bons voisins, tous Pacifici,
maintenir
le bon ordre contre les factions et les tyrans,
Eh
bien!
comme il convient
d'agir.
UN
PAYSAN.
qu'il
GENTILHOMME.
Bien pens.
Murmure
LE
Illustrissimes
sommes-nous
PAYSANS.
Avec qui
L'ASSEMBLE.
nous en sauve !
LE
Alors,
d'approbation.
entendons-nous!
seigneuries,
allis? Avec les condottieri?
TOUTE
Dieu
DES
CHEF
gnral
CHEF.
l o le seigneur
est
CESAR
Avec
Gibelin?
Est-ce
BORGIA.
213
l o le prince
les Gibelins,
est Guelfe?
cela?
Murmures violents.
Pas davantage
excellents
Pacifici,
? En
ce cas,
vous,
donnez
vous
la
purs,
main
honntes
don
et
Csar
Borgia?
PLUSIEURS VOIX.
!
Assurment
LE CHEF.
Ds lors,
ne touchez
Le
pas Rimini!
l o il le maintient,
mette l'ordre
pas qu'on
ce qu'il
nous fait
plutt
en Toscane,
maintenant,
cits
romagnoles.
espces, abaisser
nous ?
dire.
Il
duc
n'entend
et coutons
se propose
d'excuter
vient
d'achever
dans les
ce qu'il
les tyrannies
de toutes
les
Dtruire
En sommesrelever les petits.
les grands,
L'ASSEMBLE.
LE
Faut-il
crire
le Valentinois
au duc
CHEF.
qu'il
peut
compter
sur nous?
L'ASSEMBLE.
crivons
! Vive
dans Florence!
le Valentinois
! Beati
pacifici!
Le feu
LA
214
RENAISSANCE.
MILAN
On chante la
de la cathdrale.
nombreux
grand'messe;
clerg dans le choeur ; grande foule dans la nef et les bas cts.
L'intrieur
DANS
UN
LE
CHOEUR.
CHANOINE,
genoux.
! Mon
Dieu,
soutenez-moi
!
Il se prosterne.
DEUXIME
Dnez-vous
CHANOINE.
CHANOINE.
CHANOINE.
A un enfant
coute,
de choeur.
petit!
L'ENFANT
Oui,
monseigneur
DE CHOEUR.
de Frre
CESAR
BORGIA.
DEUXIME
Va dire Frre
CHANOINE.
de se presser.
Laurent
L'ENFANT
216
DE
CHOEUR,
l'officiant.
De quoi
Attention,
se mle-t-il?
imbcile!
LAURENT.
Je ne dne
pas l'archevch!
vobiscum!
Dominus
LES
Et cum spiritu
vite.
CHANTRES.
tuo.
Jeu des orgues.
DANS
UN
LA
FRRE
NEF.
QUETEUR.
UNE
Mon
Dieu ! quelle
FEMME
chaleur
TRS-PARE.
!
Elle s'vente.
DEUXIME
FEMME.
Avec plaisir,
sclrat !
le voici!
Que
PREMIRE
FEMME.
ce Felipe
FEMME.
pour que
RENAISSANCE.
LA
216
FEMME.
QUATRIME
les femmes
se mettent
Madame...
et se frappent
la poitrine.
qui lit
son missel.
dame en lunettes
une vieille
HOMME,
genoux
acheter
Voulez-vous
madame...
l'lvation!
Voici
des chape-
Laissez-moi
tranquille
DAME.
VIEILLE
!
L'HOMME.
voulez-vous
Madame...
saint Ambroise?
authentiques
acheter
relique du grand
avec les
pas cher!...
une
Un os du coude!...
!
LA
VIEILLE
DAME.
tranquille
L'HOMME.
du savon fin ou des gants d'Espagne?
Voulez-vous
LA
VIEILLE
DAME,
hors
d'elle-mme.
je vais appeler
L'homme
s'loigne.
les
CESAR
DANS
Deux bourgeois,
BORGIA.
LES
BAS
COTES.
PREMIER
Et benedictus
leurs
chapelets,
BOURGEOIS.
ventris
fructus
tui...
Dominus...
SECOND
BOURGEOIS.
es in coelis, sanctificetur...
quante fois! Quelle bte tes-vous
tudiants ? Voyons,
Ser Guglielmo,
Qui
Je vous l'ai
de faire
dit
crdit
cin des
Voyons,
une vieille
CAVALIER,
chre Laurentienne,
LA
VIEILLE
voici
Prends
le billet!
FEMME.
femme.
CAVALIER.
encore ce sequin !
LA
VIEILLE
FEMME.
218
LA
RENAISSANCE.
LE
CAVALIER.
Le
DEUX
Pour
croisade!
la croisade!
la croisade!
Pour
Dlivrez
le saint
commence.
tue-tte.
criant
QUTEURS,
Sanctus
tombeau!
Donnez
Pour
pour la
la croisade!
Seigneurs et mesdames, prenez piti des pauvres chrtiens massacrs tous les jours par les Turcs farouches!
Pour la croisade !
Trois
garons
de mauvaise
PREMIER
C'est ce gentilhomme
GARON.
DEUXIME
Celui-l
avec le teint
GARON.
basan et la petite
moustache
noire !
TROISIME
Prcisment...
GARON.
et le pourpoint
DEUXIME
GARON.
noir.
droite
couverte
d'un
gant
GARON.
GARON.
Il est de taille
m'assommer,
s'il se retourne.
lance le stylet dix pas, et je dcampe.
PREMIER
S'il
te poursuit,
et nous le jetterons
nous
GARON.
ferons
terre.
Je lui
semblant
de passer vite,
CESAR
BORGIA.
DEUXIEME
219
GARON.
Sr .?
PREMIER
Quand
GARON.
on te le dit, bltre!...
la hanche, en travers!
Ne va pas te tromper!
Il ne s'agit que d'une
Nous sommes pays d'avance.
Frappe
coutelade de cinq points.
DEUXIME
Attendez
un
peu
que
GARON.
allum
j'aie
un
cierge
saint
Nicolas.
PREMIER
Va vite
ruelle
et reviens...
derrire
GARON.
Nous
Tu
l'glise.
suivrons
le galant dans la
l'angle du
t'embusqueras
mur.
DEUXIME
GARON.
de mon
Explosion
coup.
d'un
gar-
ptard.
FOULE.
Ah!
Il
DANS
LA
nous
FOULE.
Non ! non ! non ! Ne craignez rien ! Ce sont des polissons qui s'amusent!
Jsus! on m'a vol ma bourse! Voulez-vous
FEMME,
genoux
!
dans
un coin.
mon
pauvre frre,
pauvre frre! Il ne mourra pas'! Vous ne l'avez pas voulu !
Vous me le rendez, je vous le dois! Tous les jours de ma
Je ne m'acquitterai
bien!
jamais
vie, je vous prierai
Merci,
mon
Dieu!
merci!
Mon
LA
RENAISSANCE.
je vous vois
ne m'oubliez
vous m'avez
rendu !
Elle
UN
En
avez-vous
pleure.
sa femme.
NOTAIRE,
Si nous ne sor-
FEMME.
NOTAIRE.
Dites donc que vous faites des mines pour qu'on vous
Monna Pomponia,
Pensez-vous,
remarque!
que je ne
connaisse pas ces manigances? Est-ce ,qu'on me trompe,
moi?
LA
FEMME.
Que faites-vous
Me permettez-vous,
Bien
encore?
si je peux;
mais il y a
CAVALIER.
madame,
LA
encore
FEMME.
dire
NOTAIRE.
Laissez-moi
de vous en offrir?
FEMME.
volontiers,
(Trs-bas.)Viens
seigneur...
heures... Il sera sorti toute la journe. Viens !
deux
CESAR
BORGIA.
CAVALIER.
LE
O?
LA
FEMME.
il se retourne
Allons!
NOTAIRE.
ou demain? Quel
aujourd'hui
qui vous a donn de l'eau bnite?
nous en finirons
est ce gentilhomme
LA
FEMME.
ESTAFIERS,
repoussant
la foule en grande
hte.
LA
RENAISSANCE.
ROME
La Vigne du cardinal Corneto. Une salle donnant sur les jardins,
de grandes fentres garnies de pampres. Le pape Alexandre
don Csar Borgia.
LE
par
VI;
PAPE.
C'est vrai!
lvent
nos vues.
Nous
ma volont.
touchons
Tout
se dispose
un moment capital,
suivant
et non-
seulement
russir
en profitent.
moyens. Nous
le dissimule
Demain,
cardinaux
inertes
la
allons
des petits
ncessit des
pas.
son rveil,
Rome
apprendra
succomber.
Je ne me
que moi.
les noms des
cette nuit,
vont
Je le rpte,
c'est un coup hardi; il est ncessaire. Il faut terrifier
nos
des biens que
ennemis,
et, par une large incamration
les dfunts cardinaux
vont nous laisser vacants, pourvoir
aux
qui,
CESAR
BORGIA.
DON
223
CSAR.
Le navire de
plus souci de personne.
marnos esprances, anim par son propre mouvement,
chera mme si aucun vent ne le pousse. Pour moi, je
Nous
n'aurons
de briser
dfie la Fortune
la chane
dont
je lui
ai li
les bras.
LE
Nos convives
vont
PAPE.
arriver...
Mais je m'aperois
n'ai pas... Non! je ne l'ai pas!... C'est singulier!...
ment ai-je pu oublier cela ?
DON
Qu'avez-vous
CSAR.
oubli?
LE
Peu importe!...
l'avoir...
Appelez
que je
Com-
Mais
PAPE.
il ne faut
Caraffa !
DON
CSAR.
Entrez,
Caraffa;
le Saint-
Caraffa,
chambre...
retourne
vite
PAPE.
au Vatican...
Cherche,
apporte-moi
tu sais?
qui contient...
CARAFFA.
Va !
PAPE.
Entre
cette petite
dans
bote
ma
d'or
224
RENAISSANCE..
LA
CARAFFA.
Comment
Que veux-tu?
PAPE.
figure-toi
CARAFFA.
Comment
ainsi
ngliger
peut-on
ce qui
met l'abri
de
tout pril ?
LE
Tu as bien raison...
PAPE.
Va me chercher
ma bote, ne perds
? Je ne serai pas tranquille
entends-tu
pas une minute,
que je n'aie ma bote dans ma poche.
CARAFFA.
Je cours !
Il sort.
LE
PAPE.
Avez-vous
don
Csar,
pour
que
CSAR.
Sans doute.
PAPE.
prenez
N'ayez
aucune
CSAR,
crainte.
LE
J'aime
Hol!
votre
quelqu'un!
souriant.
esprit
PAPE.
rsolu...
Mais
qu'il
fait
chaud
CESAR
UN
Trs-Saint
BORGIA.
DOMESTIQUE.
Pre!
LE
Dites Matthias
PAPE.
de nous apporter
du vin;
je meurs de
soif.
DON
CSAR.
sur un plateau
LE
PREMIER
Trs-Saint
un
nos con-
de vin.
PAPE.
ne vient-il
Matthias
Pourquoi
le commande?
ferons
pas lui-mme
je
quand
VALET.
la ville
pour chercher
Trs-Saint
Pre,
sur le buffet.
DON
Auriez-vous
Mais
des inquitudes
Matthias
riant.
CSAR,
LE
Non!
VALET.
?
PAPE.
aurait
mieux
fait
de rester
ici.
Je vous remercie;
et glorieuse !
I.
CSAR.
florissante
Ils boivent.
15
LA
226
RENAISSANCE.
LE
La chambre
VATICAN
coucher
du Pape.
CARAFFA.
que j'ai ? Est-ce que je deviens fou ?... Mes cheveux se dresMes dents claquent!...
Mon Dieu! mon Dieu!...
sent!...
Que je voudrais tre loin !... Je deviens fou!...
je meurs!...
Ici!...
Le Pape lui-mme!...
pas possible!...
oh! tous les Saints!...
O Jsus!...
Qu'est-ce que cela
tendu sur son lit!...
Le pape Alexandre
Et,
signifie?...
Ca n'est
l-bas, je viens
est tout noir!...
son visage
de le quitter!...
Il est livide!
Il est mort! mort! mort! Sortons!
CESAR
LA
DU
VIGNE
BORGIA.
227
CORNETO
CARDINAL
des Flandres,
riches tapisseries
La salle manger.
Statues, tableaux,
Une vaste table coupav de mosaque.
grands buffets sculpts,
sur un grand plat, au milieu,
verte de vaisselle d'or et d'argent;
de
la queue tale; pyramide
un paon rti, revtu de ses plumes,
Le
don
pape Alexandre,
fruits; grands vases pleins de fleurs.
Sodeles cardinaux
Csar Borgia;
Castellar,
Romolino,
Franois
Iloris, Casanova,
Sprata, Corneto,
rini,
Copis, Nicolas de Fiesque,
camriers,
Valentin;
faction aux portes.
LE
Voici
une
valets,
sommeliers,
gardes
en
pontificaux
s'asseyant table.
PAPE,
bonne
soire!
possible, spirituels.
en bonne et brillante
compagnie.
LE
CARDINAL
CORNETO.
CARDINAL
COPIS,
Ne trouvez-vous
LE
que de plaire.
de table,
pas le Saint-Pre
CARDINAL
J'allais prcisment
de M. de Valentinois.
PAPE.
DE
FIESQUE,
la fois ses
le cardinal
trangement
de Fiesque.
ple?
de mme.
les traits
tirs
LA
228
LE
CARDINAL
RENAISSANCE.
ROMOLINO
bas au cardinal
Valentin.
Si j'avais pu m'excuser,
je ne serais pas venu.
mfie de ces sortes de ftes !
LE
Je me
PAPE.
SavoRomolino,
depuis l'affaire de l'hrtique
vous n'avez jamais cess de nous donner des mar-
Cardinal
narole,
ques de votre excellente
amiti.
Vous
voyez
que je m'en
suis aperu.
LE
Trs-Saint
mon
Pre,
CARDINAL
ROMOLINO.
dvouement
votre
personne
sans bornes !
CARDINAL
SODERINI,
bas au cardinal
Le
ce soir.
livide,
Pape est vraiment
nous prpare? Je voudrais ne pas tre ici.
LE
CARDINAL
Castelar.
Qu'est-ce
qu'il
CASTELAR.
CSAR
BORGIA.
PAPE.
Ah!
que je souffre !
coute...
premier
sommelier
qui le relve.
coute...
tous !
loignez-vous
m'a donn tout l'heure ?
LE
C'tait
veut
a-t-on
SOMMELIER.
BORGIA.
CESAR
LE
PAPE.
Il s'vanouit.
DON
entrant
MICHELE,
brusquement
mal?
DUC
LE
ton oreille...
Approche
Don Michle
s'agenouille
ct de lui.
Je suis empoisonn...
Le Pape l'est aussi... Fais-nous
Toutes mes troupes sur pied... Emporter au Vatican...
Si on
Sauve le Trsor!
pare-toi du fort Saint-Ange!...
nous attaque,
dfends-toi
comme
un tigre!
dfends-moi!
Il perd connaissance.
LE
CARDINAL
CORNETO.
Ne nous
vous ! Nous
LES
CARDINAUX.
avec vous!
de faire !
Ils sortent
DON
Prenez
MICHELE,
les premires
aux domestiques
litires
qui bronche,
chez
tous.
et aux soldats.
LA RENAISSANCE.
DU PEUPLE
LA PLACE
Grand
de gens, bourgeois,
enfants,
bateliers,
femmes,
concours
portefaix,
aux coins
LA
Il est mort!
FOULE.
d'Alexandre!
en a peur! Le monstre!
Il voulait
empoisonner
tous les cardinaux ! Il s'est empoisonn lui-mme ! Il n'a
Sont-ils morts? Ils
pas oubli son fils! C'est bien fait!
Le Vasont morts! Non! Si! On les enterre cette nuit!
L'enfer
lentinois
dterrer!
Tibre
Aux
BANDE
accourant.
NOUVELLE,
armes!
sons ! Aux
Trompettes,
UN
Les Orsini
pillent
HOMME,
tambours,
enfoncent
les mai-
!
arquebusades.
exaspr.
d'en
FOULE.
Grondements
du canon.
L'AUTRE
BOUT
DE
LA
PLACE.
fort
CESAR
BORGIA.
UNE
Aux barricades
VOIX.
FOULE.
! Dfendons-nous!
A l'eau,
le Pape!
FOULE.
UN
Fabio
Orsini,
PALAIS
DES
ORSINI
le comte de Petigliano,
Barthlmy
autres Orsini,
tous arms.
Alviane,
FABIO.
Michle
vient
d'incendier
notre
maison
de Monte-
Giordano.
PETIGLIANO.
sans retard.
quera de mme,
nous les Borgia,
les Espagnols...
n'en
faites
doute.
Nous
avons
contre
le peuple,
les cardinaux,
les Colonna,
Gagnons nos ennemis de vitesse!
RENAISSANCE.
LA
L' ALVIANE.
Le Valentinois
nous lui
donnons
quartier
pour quelques
l'incendie
de notre maison
terais , malgr
gerons plus tard.
nos places si
jours.
UN ORSINI.
Non!
crasons
le Borgia,
et entendons-nous
avec les
autres !
FABIO.
c'est impossible,
avec la canaille !
et avec le peuple,
PETIGLIANO.
Traitons
avec le Borgia!
ne le sauveront
de rpit
dj souleve
l'heure
ORSINI.
C'est dit!
PETIGLIANO.
Aux
armes,
donc!
dans la rue!
Descendons
LA
MAISON
DU
CARDINAL
CORNETO
Runion
des cardinaux;
officiers
des secrtaires,
des moines.
CARDINAL
COPIS.
Ces monstres
pr-
CESAR
BORGIA.
nous empoisonner,
tendaient
mmes !
LE
233
DE
CARDINAL
eux-
FIESQUE.
plong
esprant qu'il
les entrailles
tout
entier
y reprendrait
LE
LE
tombeau,
la force !
CARDINAL
CASTELAR.
n'oserait
commettre
sur la gurison
CARDINAL
tant
de vio-
de son matre.
CORNETO.
Pourtant
Messeigneurs,
sembls ici pour
malheureuse
CARDINAL
SODERINI.
messeigneurs, nous ne sommes pas rasraisonner, mais bien pour sauver cette
ville.
Tous
les dmons
qui possdaient
ne s'tre chapps de son cadavre
Alexandre
semblent
que pour se dchaner contre nous plus l'aise ! Meurtres,
rien ne manque!
pillages, incendies,
crimes, infamies,
Et nous qui reprsentons en ce moment la seule autorit
lgitime, ne dcidons-nous rien? Allons-nous
passer notre
pleurer? Allons ! qu'ortemps deviser, trembler,
donnez-vous
? Je vous
en conjure,
ouvrez
vos esprits,
234
LA
RENAISSANCE.
gide pour
couvrir
Il faut lever
arme!
sorte de
Donnez-nous
une
et le monde !
la Ville
LE
virile
rsolution
CARDINAL
VALENTIN.
des troupes
immdiatement
et les opposer
aux factions !
LE
CASANOVA.
CARDINAL
J'adopte cet avis, et si le sacr Collge veut m'en charun prompt rsultat.
Pluger, je me fais fort d'obtenir
sieurs
des capitaines
Rome
prsents
accepteront
mes
propositions.
TOUS.
Bien dit!
Agissez!
LE
CARDINAL
Je cours m'acquitter
zle !
CASANOVA.
de ma mission.
Comptez
Il sort
LE
CARDINAL
sur mon
avec sa suite.
ROMOLINO.
mandons
devant nous les ambassaImmdiatement,
deurs. Sinon, les Colonna vont s'entendre avec l'Espagne et
les Orsini
mettons
l'Empereur
dans
l'impossibilit
sera pour nous.
de nuire.
Assentiment
LE
Dans la hte,
CARDINAL
j'avais
prvu
D'ailleurs,
gnral.
VALENTIN.
l'opinion
de notre
vn-
CESAR
235
BORGIA.
entrent
Qu'ils
! qu'ils
entrent !
de l'Empire,
de Venise,
Entrent les ambassadeurs
de France, d'Espagne,
sous les
de Florence,
de Milan,
des Ligues suisses. Grand tumulte
continuent.
On entend le canon du Vatican
fentres. Les arquebusades
et du fort Saint-Ange.
CARDINAL
LE
CORNETO.
ambassadeurs,
soyez les bienvenus.
du Christ a besoin de ses enfants ! Nous vous
les
Messieurs
L'glise
DE
FRANCE.
Un outrage?
CARDINAUX.
de notre
part?
L'AMBASSADEUR D'ESPAGNE.
Je rtablirai
la vrit.
DE
L'AMBASSADEUR
de mon
vient
matre
d'arriver;
FRANCE.
priv,
pareille
passe avant
je n'en
veux
Votre
Grce ne se
Mais
expression.
le mien. coutez
pas dguiser
mon
indignation.
LE
Monsieur
CARDINAL
l'ambassadeur,
CORNETO.
la ville
brle,
la sdition
est
LA
236
RENAISSANCE.
surseoir
ne pourrait-on
flagrante;
un moment plus convenable ?
DE
L'AMBASSADEUR
Si l'on
ne m'coute
de ce palais avant
Ses gentilshommes
vos plaintes
jusqu'
FRANCE.
qu'on tirait
Eh quoi!
messeimoi et pris le pas. C'est l le fait!
de prcder
gneurs, est-ce le droit d'un prince d'Aragon
le Roi Trs-Chrtien?
Quand il s'agit de vous approdoit-il
marcher
cher, le fils an de l'glise
aprs les
autres? Je demande,
Entrent
l'instant,
les cardinaux
une rparation
Julien
de la Rovre
clatante!
et Piccolomini.
L'AMBASSADEUR DE L'EMPEREUR.
Il
est au moins
Couronnes
singulier
que, devant
prtendent la prsance.
L'AMBASSADEUR
Comment
qu'une
d'autres
avec emportement.
FRANCE,
monsieur?
l'entendez-vous,
L'AMBASSADEUR
Je n'ai
DE
moi,
D'ESPAGNE,
mettant
manire
de parler
CARDINAL
DE
la main
l'pe.
et une manire
de
rpondre.
LE
LA
ROVRE.
BORGIA.
CESAR
237
France!
DE
L'AMBASSADEUR
FRANCE.
CARDINAL
DE
LA
ROVRE,
marchant
droit
vers lui.
cette
Vous reconnaissez
lisez donc!
lisez
lettre,
bien
Il vous
du conclave,
les troupes franaises la disposition
conclave vous ordonne de les faire sortir de la ville!
DE
L'AMBASSADEUR
Monsieur
le cardinal,
CARDINAL
LE
DE
ROVRE,
Toute
difficult
vont quitter
FRANCE.
bas
complte
DE
et le
son
quand
vrai
que...
oreille.
le moment
FRANCE.
est aplanie.
la place...
terai, cependant,
que le duc de Valentinois
dfendre votre autorit.
PLUSIEURS
CARDINAUX.
s'offre
pour
LA
238
LE
RENAISSANCE.
CARDINAL
PICCOLOMINI.
CARDINAL
COPIS.
DE
FRANCE.
de ne pas se brouiller avec M. de Valentinois. Il a bien de l'esprit; il tient les plus fortes positions; son artillerie est nombreuse, et ses coffres regorgent
Je conseillerais
d'argent.
L'AMBASSADEUR
Si l'on
D'ESPAGNE.
au nom
entre
nos troupes et nos allis,
Colonna et tous ceux de sa maison.
L'AMBASSADEUR
Alors,
c'est admettre
DE
l'anarchie
L'AMBASSADEUR
autres
don
Prospero
FRANCE.
D'ESPAGNE.
par nous !
LE
Voici
la dcision
CARDINAL
DE
LA
ROVRE.
du sacr Collge.
Le
conclave
va se
la
le plus promptement
possible pour remplir
vacance du trne. Jamais la prsence salutaire d'un souverain pontife ne fut plus souhaiter que dans cette crise
terrible o les mes et les corps sont galement en pril !
runir
CSAR
BORGIA.
239
tout
Orsini,
Colonna,
M. de Valentinois
gonais,
sortira;
ne demeurera
L'AMBASSADEUR
Monsieur
mon matre
pontificales
FRANCE.
le cardinal,
j'ai peine croire
approuve de pareilles mesures.
LE
CARDINAL
DE
que
le Roi
ROVRE.
LA
m'a
dit
ce vritable
grand
de l'glise
romaine,
apparence que j'entends violenter
le conclave ; le conclave doit tre libre dans son choix !
va s'loigner des murs de
L'arme du Roi Trs-Chrtien
Rome ! Voil les propres paroles de ce gnie admihomme, j'aurais honte,
si je donnais la moindre
rable ! Vous
moi,
prince
tiendrez
lui
oui,
messeigneurs,
compte,
et je ne
vous lui tiendrez compte de tant de magnanimit,
vous dicte ce qu'il faudra
doute pas que le Saint-Esprit
faire pour rcompenser tant de vertus !
Les ambassadeurs
LES
Assurment!
LE
et de Florence
de Venise
trs-tonns.
CARDINAUX.
assurment!
CARDINAL
se regardent
CASANOVA,
vient de faire
Quelle bonne diablerie
voil dbarrasss du Pape franais!
Romolino.
Julien ! Nous
LA
240
LE
Je tremblais
pour Julien
RENAISSANCE.
ROMOLINO
CARDINAL
de mme.
Pensez-vous
l'viter!
de ne pouvoir
voter
?
LE
Jamais ! Il
CASANOVA.
CARDINAL
est trop
et trop
retors
dur.
Ce qu'il
nous
faut,
CARDINAL
LE
Que penseriez-vous
LE
Pas mauvais.
ROMOLINO.
du vieux
Piccolomini
CASANOVA.
CARDINAL
Nous en reparlerons.
coutons
ce qu'ils
disent.
LE
CARDINAL
DE
LA
ROVRE.
auprs du duc de
se retirer;
et vous, monValentinois
pour l'engager
sieur l'ambassadeur
d'Espagne,
que dcidez-vous?
Un secrtaire
L'AMBASSADEUR
D'ESPAGNE.
la place, le Roi
que les Franais quittent
mon matre ne le cdant personne en respect pour le
conclave, nos gens de guerre et nos allis vont s'loigner
Du moment
galement.
LE
Vous remercierez
Bas l'ambassadeur
Ecrivez
tout
CARDINAL
DE
LA
le Roi pour
ROVRE.
nous.
de France.
de suite
Sa Saintet...
trompe ! je veux
dire, au rvrendissime
boise, que, grce son habile modration,
trne pontifical est chose conclue !
L'AMBASSADEUR
Tout
cela me confond !
DE
FRANCE.
pardon!
cardinal
je me
d'Am-
son lection
au
CSAR
BORGIA.
LE
Une chambre
dont
VATICAN
les rideaux
couch,
maigre,
DON
sont
ferms.
dfait;
don
CSAR
Je ne saurais
Approche...
DON
Vos
hommes
Don
Csar Borgia
Michle.
BORGIA.
haut...
parler
fait ?
Qu'as-tu
MICHELE.
241
sont fermes
et fidles.
du
Je les ai
Ils savent
CSAR.
Les cardinaux
trois jours.
vous
MICHELE.
font
Les Franais
le cardinal
d'Amboise
de la Rovre
glorieusement
lui
en laissant
touffe
la gloriole
la gloire.
DON
Vous verrez
I.
sous
MICHELE.
DON
J'avais oubli
la ville
CSAR.
DON
Julien
de quitter
sont partis.
DON
Ainsi
dire
que Julien
MICHELE.
va se faire lire.
16
LA
242
RENAISSANCE.
DON
CESAR.
J'en doute.
On a trop peur de ses talents et de ses violences. Je n'ai pas de moyens de me maintenir
ici. Cdons
de bonne grce, pendant que nous pouvons encore ngode me laisser partir
avec
cier. Demande aux cardinaux
mes troupes,
mes coffres, et sous la gamon artillerie,
rantie que je ne serai pas attaqu.
DON
Mauvaise
MICHELE.
affaire !
CSAR
DON
BORGIA.
A cette
Si j'tais debout, j'agirais
autrement.
je n'ai d'autre souci que de gagner du temps.
DON
Alors,
dessus !
MICHELE.
Tant
heure,
que j'existe,
CSAR
BORGIA.
le monde
est moi!
J'ai
le pied
CSAR
BORGIA.
243
FLORENCE
Un
de' Tintori,
Sant-Onofrio.
grand
les uns bauchs,
les autres finis, d'autres
marbres,
atelier;.des
encore bruts; des bancs, des escabeaux. Michel-Ange
Buona un vaste carton. On frappe la
travailler
rotti, trs-appliqu
Le couvent
et hpital
et ouvre.
MICHEL-ANGE.
Toi,
tu peux entrer.
FRANCESCO
GRANACCI.
est complte.
Il l'embrasse.
MICHEL-ANGE
Raconte-moi
comment
vulgaires
MICHEL-ANGE.
ne soupon-
LA
244
RENAISSANCE.
GRANACCI.
Tu
feras pourtant
Lonard
GRANACCI.
Ridolfo
Ghirlandajo.
MICHEL-ANGE.
le mconnatre!
BORGIA.
CESAR
245
GRANACCI.
Baccio
Puis,
MICHEL-ANGE
Qu'est-ce
qu'il
levant
vivement
le Be-
Bandinelli,
la tte.
celui-l?
a dit,
GRANACCI.
Ah!
celui-l...
comme
il
entendait
ignares
dclarer un raccourci trop dur ou un nez trop long, il les
a pris un escabeau, s'est assis, et,
a regards froidement,
plaant devant lui un carton, il a commenc copier.
Michel-Ange
se mord
la lvre,
quelques
et continue
travailler.
GRANACCI.
ce petit
jeune
Raphal...
homme... ce n'est pas un enfant de Dieu ! Je ne l'aime
Pourtant,
pas
je ne voudrais
pas beaucoup,, Granacci...
dire... la vrit, ce qu'il cherche,
je n'en veux pas et...
Je ne dirai pas de mal de lui !
n'importe!
Celui-l...
celui-l...
ce
Il se remet
l'ouvrage.
GRANACCI.
Il te faut
aussi inventer
quelque
chose de toi-mme.
LA
246
RENAISSANCE.
GRANACCI.
mieux
tre un amoureux
qu'un
MICHEL-ANGE,
peintre.
avec emportement.
finalement
dans un coin,
Dieu ! tu me fais honte !
Par
GRANACCI.
MICHEL-ANGE.
Si tu es mon ami,
ne les souffre pas.
tu sais que je
GRANACCI.
Mais, srieusement,
que veux-tu
rte devant tes oeuvres. Tiens!...
CESAR
BORGIA.
247
MICHEL-ANGE.
Es-tu jaloux
de moi?
GRANACCI.
Pas le moins
du monde !
MICHEL-ANGE.
le mal.
Comment!
Mais
sucre as-tu
fade liqueur
de sang? Ne
elle-mme,
LA
248
RENAISSANCE.
MICHEL-ANGE.
aux nouvelles.
GRANACCI.
On a lu un
nouveau
pelle maintenant
Pie III.
Pape,
le Piccolomini.
Il
s'ap-
MICHEL-ANGE.
Puisqu'il
est Pape,
il faut le respecter.
GRANACCI.
Je ne me soucie ni des Borgia, ni des Sforza, ni de personne. Je suis un artiste, et ne vois dans le monde que
et surtout la sainte Religion.
mon travail,
Je ne recherle Seigneur Dieu, que son nom soit
che pas pourquoi
bni ! a mis sur la terre tant de princes, de capitaines et
de podestats qui se mangent
les uns les autres. Ils
devraient
n'avoir
d'autre
occupation
que de faire des
le vice et protger les arts. Ils
Il
les supprimer.
dans les mains de la popu-
Dieu
devrait
Si ma famille
n'tait
CESAR
BORGIA.
249
et je voudrais qu'il ft
ces parvenus
d'oser
ciseau
ou
un
crayon.
Je me perds dans
est horrible.
Crois-moi ! le monde
l'amertume de mes penses, quand je viens l'envisager...
Le jour baisse; on n'y voit plus clair. Allons nous promener au bord de l'eau,
et nous passerons ensuite la
soire lire Dante.
LA
250
RENAISSANCE.
NAPLES
Une salle trs-orne
de peintures
et de
Le palais du Vice-Roi.
dorures.
Devant une table, couverte de velours rouge crpines
de brocard dossiers sculpts,
le
d'or, et assis sur des fauteuils
don Gonsalve de Cordova et don Csar Borgia,
Vice-Roi,
l'un de l'autre. Ils se serrent les mains.
CSAR
DON
vis--vis
BORGIA.
en Votre
Excellence.
GONSALVE.
CSAR
BORGIA.
la gloire de ce sicle.
tes un grand capitaine,
L'honneur
de votre nom me garantit votre sincrit.
Vous
DON
GONSALVE.
CSAR.
Je n'ai
le Vatican
Saint-Ange,
qui me renet j'ai fait preuve ainsi d'une
de Rome,
si clatante que mes ennemis
daient le matre
modration
et le fort
ne sauraient
la
promesses
qu'on
pas t tenues.
Le car-
CESAR
BORGIA.
d'Amboise
jours, et ensuite il
qui n'a vcu que vingt-deux
a pris la tiare pour lui-mme;
vous et moi, nous avons
le plus acharn dans cet ambitieux,
l'ennemi
violent,
de cet
faux, perfide et rapace Jules II. Par les intrigues
colomini
se sont insurgs;
homme, mes peuples de la Romagne
les Vnitiens m'ont enlev mes meilleures
places; la fortune des armes m'a trahi;
on m'a emprisonn,
on m'a
relch.
Les
se sont indignement
conduits
Franais
mon gard. Je les ai servis trop bien et trop longtemps.
Aujourd'hui
je suis vous, au Roi votre matre, et vous
devez compter
ai-je sujet ?
sur moi
comme
DON
je compte
sur vous.
En
GONSALVE.
D'ail-
don Csar.
CSAR.
de tant
Mon
intention
GONSALVE.
oblig
de tant de zle.
CSAR.
est de m'embarquer
aujourd'hui
mme
LA
252
RENAISSANCE.
GONSALVE.
vous
Allez
DON
Je remercie
CSAR.
Excellence
encore Votre
d'avoir
t pour
GONSALVE,
C'est un honneur
l'embrassant.
comme
touch.
CSAR.
o
Au moment
qui prcde le cabinet du Vice-Roi.
les officiers,
don Csar sort de chez don Gonsalve,
les courtisans,
les solliciteurs
se lvent
et se
qui remplissent
l'appartement,
La salle d'attente
dcouvrent.
Monseigneur,
DON
Que signifie?...
parole !
CSAR,
reculant
Je suis l'ami
de deux pas.
du Vice-Roi
!...
J'ai
sa
BORGIA.
CESAR
DON
NUNEZ
Voici
DON
perfidie
DON
CAMPEIO.
le parchemin.
regardant
CSAR,
NUNEZ
CAMPEIO.
Votre pe !
CESAR,
les yeux
jetant
On n'a jamais
DON
Hormis
ou faut-il
autour
pratiqu
de lui et ne voyant
infamie
NUNEZ
Sinigaglia.
Votre
vous la prendre ?
pareille
un personnage
CAMPEIO.
pe!
253
vous dis-je,
Altesse,
; on la ramasse.
Que faites-vous
l, seigneur Sannazar
vous aurait-elle
mis en verve de posie ?
Le duc est
? Cette
scne
SANNAZAR.
ce grand coupable, je me suis subitement rappel sa devise : Aut Coesar aut nihil , et je
viens de composer ce distique.
En considrant
LES
Voyons ! voyons
COURTISANS.
!
SANNAZAR,
lisant.
Omnia
Charmant
! charmant
COURTISANS.
! Que d'esprit
LA
254
RENAISSANCE.
ROME
Le palais Borgia. Dona Maria Henriquez,
veuve de Jean Borgia,
duc de Gandia; sa fille dona Isabelle Borgia;
un dominicain.
LE
DOMINICAIN.
un emprisonne-
DUCHESSE.
la vie...
CSAR
BORGIA.
255
Oui, madame,
ne le pensez.
Madame
MOINE.
et vous,
ISABELLE
autre manire
que vous
BORGIA.
envie
de l'apprendre.
Il me suffit d'apercesous une ombre lugubre
une aurole rougetre et
et les larmes
trouble
constantes
pas comme
raison me pousse tre pntre de tristesse. Je ne le suis
pas. Le seul effet produit sur moi par ces misres est de
me dtacher absolument,
mais sans haine, sans mpris,
de telles
sans irritation,
de ce monde o se commettent
conchoses et o l'aspect des chtiments et l'exprience
stante de la fragilit des victoires remportes par le mal
arrter ce mal et le porter rflchir. Je ne
hais pas le monde ; il ne m'effraye pas ; il ne m'est rien !
ne sauraient
256
LA
RENAISSANCE.
aime,
ni avec ce qu'il
LA
veut.
DUCHESSE.
MOINE.
l'effroi et la douleur.
ineffaables,
vous avez entendu raconter, mais,
vous n'avez point ressenti. L'cho de la
par vous-mme,
mchancet a seul agi sur vous. Voil comme les actions
des hommes, dans leur dbilit, ne s'emparent
que d'un
cercle troit; elles ne durent que le temps d'un clair,
laissant
une vibration
et
s'affaiblit
graduellement,
disparat. Leurs ravages gagnent peu, et ce qui reste aprs
l'ternelle
elles..., ce qui reste, c'est..., le savez-vous?...
splendeur de la vie ! Cette clart, il n'est pas d'excs satanique qui parvienne jamais l'teindre! Vous voil toutes
qui,
DUCHESSE.
de quelle
CESAR
LE
BORGIA.
MOINE.
de l'univers
Et c'est l le mystre le plus merveilleux
et l'axe mme de son existence. La thriaque est extraite
du venin de la vipre, et du terreau form de matires
immondes, s'lve la tte exquise des fleurs les plus rares !
Pour moi, pour tout ce peuple de Rome qui, depuis tant
vous admire, vous vnre,
d'annes, vous contemple,
croyez-vous que votre prsence seule ne soit pas un bienfait? En prouvant les impressions si diverses que produit
l'intention
le nom que vous portez, mconnatrez-vous
d'une Providence? Et quand on crie avec rage et horreur :
Csar Borgia , est-il indiffrent
que l'on ajoute avec
dans les yeux :
tendresse, avec des larmes d'amour
Marie et Isabelle Borgia ? Ah ! madame, ah ! ma fille,
il ne manque pas de fous qui, voyant Alexandre VI coiff
dela tiare et Savonarole tran au supplice, s'crient qu'il
n'existe pas de Dieu! Si je leur rpondais, moi, lorsque je
vous contemple : Non ! mais il n'existe pas de mal ! est-ce
ne vaudrait pas le leur?... Il y a
que mon raisonnement
du mal, il y a du bien, et le bien l'emporte;
il ne fait pas
tant de bruit, il ne se pavane pas, il ne s'tale pas, il ne
hurle pas, il ne se guinde
rangs, mais il est prsent,
nier lieu, couvrira
DONA
ISABELLE
se mettant
genoux
devant
sa mre.
LA
258
LA
RENAISSANCE.
DUCHESSE,
s'essuyant
les yeux.
Je donnerai
et nous rpandrons,
ISABELLE.
sa mre, et dtachant
son collier
MOINE.
et
CESAR
BORGIA.
ESPAGNE
EN
VIANA
il
font le sige de la ville. Il est nuit;
Les troupes navarraises
A
vers la place, une senneige; il pleut.
l'angle de la tranche,
peine. Un enseigne,
tinelle; le ciel est si noir qu'on l'aperoit
avec quelques
soldats, relve les postes.
L'ENSEIGNE.
Est-ce fini ?
UN
CAPORAL.
Le voil l-bas.
L'ENSEIGNE.
Diable
de nuit ! Je n'y
vois rien.
Il fait
un froid
de
loup. Avanons.
LA
SENTINELLE.
Qui vive ?
L'ENSEIGNE.
Navarrais
!..,
Halte!...
Arrive
l'ordre!...
Saint
Jacques !
LA SENTINELLE.
Et Pampelune
Michle!
pas, don
L'ENSEIGNE.
Est-ce possible?... Caporal,
Quelle voix!...
lanterne !... C'est donc vous, monseigneur ?
apporte la
LA
260
RENAISSANCE.
LA
Voil
SENTINELLE.
Csar Borgia.
L'ENSEIGNE.
misre
LA
Tant
qu'on
existe,
bas !...
tombs
Et
moi
qui
vous
SENTINELLE.
on marche
L'ENSEIGNE.
SENTINELLE.
Enrag !... On m'a ouvert ma prison, me jugeant inoffensif. Comme on se trompe !... La France m'a abanse vante de me croire
L'Italie
donn et dpouill!...
Ah!
mort!...
sainte vengeance
L'ENSEIGNE.
Pour
moi,
mon
gagner
autant;
LA
plus qu'
Faites-en
SENTINELLE.
L'ENSEIGNE.
Grand
dents...
Voici
bien vous
En attendant,
le petit
jour;
fasse ! Vous
nous.
Un coup de fauconneau parti d'un bastion atteint la sentinelle en plein corps.
CESAR
BORGIA.
261
Don Csar!...
Il est
Sangdieu! Le voil par terre!...
mort !... cras dans la boue comme un ver, lui, le plus
Mille millions
de diables!...
des dmons!..'.
orgueilleux
Ne restons pas l... Allons
nous chauffer!
FIN
DE
LA
DEUXIEME
PARTIE
TROISIME
JULES
PARTIE
II
II
JULES
ROME
1503
Une chambre dans le Vatican. Jules II ; le Bramante.
JULES
II.
souffler
la vie, je te parlerai
comme
mon
gal.
LE
BRAMANTE.
Pre, je comprends
JULES
l'oeuvre
que
II.
Tu comprends la difficult
de mettre l'ordre au sein de
ces ruines accumules sur l'Italie
par des sicles sauvages
et les sclratesses de mon prdcesseur. Ce pays- misrable est plus souill que les tables pour lesquelles
il
fallut un Hercule.
Au milieu des pierres croules, des
ronces, des herbes vnneuses, les serpents et les crapauds
se complaisent,
se gonflent, et pourtant,
ces
Bramante,
ce sont les restes sacrs
dcombres, ces fourrs impurs,
266
LA
RENAISSANCE.
d'un
pass magnifique
! Je le veux transformer
paradis aussi beau que celui des livres saints.
LE
en un
BRAMANTE.
de gloire
JULES
son auteur.
II.
LE
Je m'y donnerai
plains ma peine !
BRAMANTE.
entirement.
JULES
Tandis
Le ciel me punisse
si je
II.
ce qui
que j'exterminerai
de la Romagne et fonderai jamais
oui, tandis que
Sige apostolique,
occasion, je te le jure, de draciner
JULES
II.
267
Un monde
ides me crient
dborde
BRAMANTE.
de votre
: Travaille,
Bramante
JULES
Vos
II.
des chrtiens,
de ce successeur de
et ouvre les portes des mondes. Il me
Pontife
et iront
l toutes
inventions
me chercher le Belvdre.
Tu
accumuleras
une taille
LE
Je tcherai
travail
ct des gran-
BRAMANTE.
de me hausser
long et pnible.
de nain
de mon
mieux.
Ce sera un
LA
268
RENAISSANCE.
JULES
II.
Pnible?
sombres
et infectes.
Tu
btiments.
LE
BRAMANTE.
du Vatican
II.
Quoi ! Trs-Saint
BRAMANTE.
l'oeuvre
JULES
II.
JULES
J'ai
affaire
269
II.
et non
de tes transes.
En
de la Rovre
que moi, oui, moi, ce Julien
si lourd sur les
je ferai peser le pontificat
de
paules des rois et le porterai si haut que l'hritage
ds ce monde,
d'Isral
Saint-Pierre
vaudra,
l'hritage
mme temps
qui te parle,
dans l'autre,
Je vais m'entourer
BRAMANTE.
des plus
Si seulement
grands artistes
voulait
revenir!
Michel-Ange
trop peur de vous aprs l'insulte
JULES
qu'il
de l'Italie.
Mais
il
vous a faite !
II.
BRAMANTE.
d'Urbin,
JULES
Je m'obstinerais
et si le Buonarotti.
II.
ne me le remplaJ'ai d'autres
presse-toi!
sont
aux
prises.
LA
270
RENAISSANCE.
VENISE
d'artillerie
dans
les rues et les glises. Dtonations
remplit
la place
le lointain.
La salle du Snat; des fentres on dcouvre
Les snateurs
des
de peuple.
forment
Saint-Marc
couverte
avec gravit.
la sance, et s'entretiennent
groupes en attendant
La foule
JEAN
La
est telle
situation
CONTARINI,
: la bataille
d'Agnadel
perdue,
six mille hommes rests sur la place, l'Alviane
cruellement bless et toutes nos provinces de terre ferme rivalisant de lchet.
PIERRE
BEMBO.
Rien
D'accord
CONTARINI.
seulement
sont rendues
d'elles-mmes.
Brescia
a fait
et considre
Crmone
mieux.
se
Pour
donner
Peut-tre
faut-il
NANI.
pouvan-
II.
JULES
tables auxquelles
taient terrifis.
se sont livrs.
les Franais
MARC
271
Les peuples
CONTARINI.
le rsultat et
dbonnaires,
Supposez des vainqueurs
t le mme. Nos Etats d'Italie perdus ; l'Empereur
entr
et jetant tout l'envers ; l'arme du Pape
nous menaant de Ravenne ; le Gonzaga matre de Lule duc de Ferrare dans la Polsine et les
nato et d'Asola;
Franais eux-mmes sous nos yeux, Fusine, braquant
dans le Frioul
se serve, voici
les faits.
NANI.
FRANOIS
Par surcrot
De quelques
BEMBO.
de malheur,
Ils se montrrent
perdions la tte.
JEAN
CONTARINI.
C'est le procurateur
un fauteuil.
NANI.
dans
NANI.
CONTARINI.
messire Bembo,
et rpond
par
LA
272
RENAISSANCE.
de Venise
Voici
le srnissime
sont devant
les snateurs
les
de Rome,
CONTARINI.
Prince
et la Seigneurie.
Prenons
SUR
UN
LA
PLACE
arrtant
MARCHAND,
Monseigneur,
SAINT-MARC
au passage un snateur.
Faites
vite, matre
retard la sance.
SNATEUR.
Antoine.
LE
J'ai
peur
d'arriver
en
MARCHAND.
SNATEUR.
Je vous remercie,
matre Antoine,
et la Seigneurie va
de vos offres. Maintenant,
tre instruite
croyez-moi,
rentrez chez vous et engagez vos amis en faire autant.
Il faut laisser les curiosits vaines et les agitations
sans
utilit
II.
JULES
273
Stationner
LE
et le dsordre
BOURGEOIS.
l'tat appartient
Ils sortent.
UN
Allez,
flotte.
SBIRE
Le snateur
vous autres,
l'arsenal
UN
Nous voudrions
entre au palais.
et de bateliers.
! On y enrle
pour
la
MATELOT.
Snat
va dcider.
LE
SBIRE.
! Partez !
PEUPLE.
Comment
ANDR
GRITTI.
PIERRE
BEMBO.
avez-vous
passer.
Quelles nouvelles
II.
CONTARINI.
?
18
pu traverser
LA
274
RENAISSANCE.
ANDRE
GRITTI.
des moulins,
je vois
creuser des citernes ; le bl abonde ; les balises des canaux
sont enleves. Si le pril est extrme, la rsolution
n'est
Excellentes!
pas moindre
construisez
Vous
; Dieu
FRANOIS
Le Snat va fliciter
votre
gnral
qui
pr de la fortune.
ANDR
GRITTI.
Les Dix
sont
ambassadeurs
donner
en
auprs
la ligue.
CONTARINI.
sance.
Ils
viennent
du
Pape pour
Que font les Franais
ANDR
des
d'envoyer
le supplier d'aban Fusine
GRITTI.
Des pantalonnades.
Ils s'amusent tirer contre le Campanile, sachant que leurs boulets n'arrivent
pas moiti
route. Ils appellent cela nous insulter.
JEAN
CONTARINI.
Allons
Vive
GRITTI,
les larmes
temps, c'est
aux yeux.
saint Marc !.
Il entre dans le palais avec sa suite.
Les snateurs
s'loignent.
II.
JULES
275
BOLOGNE
La chambre
du Saint-Pre.
officiers
Jules
II, cardinaux,
vques,
suisses et italiennes.
des gardes
JULES
camriers,
II.
l'glise.
Qu'ils tchent de
Dsormais, ils appartiennent
mes paroles...
ne pas l'oublier.
Vous leur rapporterez
Buonarotti...
Ah!
faites entrer Michel-Ange
Maintenant,
te voil!...
Enfin
menac d'aller
!...
C'est heureux!...
te chercher
moi-mme
Si je n'avais pas
Florence,
tu ne
Trs-Saint
Pre,
je supposais
que
vous
n'aviez
pas
besoin de moi.
JULES
II.
est la
LA
276
RENAISSANCE.
JULES
II.
Trs-Saint
II.
Je t'ai paru...
MICHEL-ANGE.
J'avais
demand
des marbres
fallait
JULES
II.
! Explique-toi
!
MICHEL-ANGE.
Trs-Saint
ne rien dire.
Pre,
vous
tes mcontent
; j'aime
mieux
II.
JULES
JULES
277
II.
je t'ordonne
de parler,
tu
MICHEL-ANGE.
II.
Suis-je responsable
MICHEL-ANGE.
Je bois
de l'eau
Je te prends
tinue!
pour...
II.
N'importe!
n'importe!...
Con-
MICHEL-ANGE.
Je suis revenu
un valet
m'a
dit
jusqu' trois
insolemment
fois ! A la troisime
fois,
de monseigneur.
JULES
II.
non ! Enfin,
qu'est-ce
MICHEL-ANGE.
que...
LA
278
RENAISSANCE.
JULES
II.
C'est vrai.
JULES
II.
Je n'ai
rien
continuer.
Vous
Et
aux
II.
trop
sache! J'ai d faire quelque
chose.
MICHEL-ANGE.
En finiras-t
II.
?
MICHEL-ANGE.
de chercher
un
JULES
JULES
II.
279
II.
vrai qu'il
a pouss l'audace jusqu'
pourtant
Mais va, va
m'envoyer ce message en propres termes!...
C'est
toujours!
MICHEL-ANGE.
Pier
Soderini
JULES
II.
de ton chafaudage
toi ! Je te demande
de la Sixtine
maintenant
o j'tais
de me dire
si mou,
si dbonnaire,
si niais, on fera
accepter de pareils outrages, et il ne s'en vengera pas ?
Moment
UN
de silence.
VQUE.
JULES
II ,
se levant
en fureur
! cuistre
Impertinent
d'insulter
mon artiste?
injure,
moi?
approche!
Allons!
et tombant
coups
de bton
sur l'vque.
! idiot ! Pourquoi
te permets-tu
Est-ce que je lui ai dit quelque
qu'on
ce pleutre!
approche donc!...
A genoux!...
Voici
ma
LA
bndiction
plus,
mon
! Baise
RENAISSANCE.
l'anneau
du
pcheur ! Ne te fche
! Je te donnerai
tout l'ar-
va travailler
fils,
Michel-Ange
UN
Les
ambassadeurs
troisime
fois depuis
tet de les recevoir.
de Venise
ce matin.
JULES
On le leur a expressment
m'ont
rduits
Italiens
ont
extrmit
Pre !
Trs-Saint
II.
sans l'tre,
me disputer
prtendu
forc malgr moi m'unir
toute
pour la
Votre Sain-
II.
dit,
JULES
Ils
revenus
CAMRIER.
LE
vouloir!
sont
Ils supplient
Ne savent-ils
Ces Vnitiens!
salue et sort.
chrtiens
sans le
Romagne et
aux Franais ! Les voil
; qu'est-ce
qu'ils
la
veulent
main-
tenant ?
UN
CARDINAL
VNITIEN,
bas l'oreille
du Pape.
sont chargs de
Pre, les ambassadeurs
Trs-Saint
toutes les soumissions
les points que
possibles. Voici
vous avez exigs et qu'ils accordent : Pnitence publique
pour vous avoir offens ; abandon des bnfices dpendant
de l'tat...
Nous vous cdons Ferrare et le droit de naviguer dans l'Adriatique
JULES
JULES
II,
II.
281
de mme.
Oui,
Trs-Saint
CARDINAL.
Pre.
JULES
II.
LA
282
RENAISSANCE.
ROME
Un jardin,
des cyprs, des massifs de rosiers;
au milieu
des herbes et des fleurs;
derrire
une dame.
Raphal,
antique de Vnus.
LA
un banc
de marbre
le banc,
une
statue
DAME.
RAPHAL.
Raphal,
DAME.
moi-mme,
m'tonne pas du peu d'entente
RAPHAL.
pourquoi
LA
parlez-vous
ainsi ?
DAME.
JULES
II.
283
RAPHAL.
Je le pense autant que vous pouvez le souhaiter. Suisje d'un coeur si bas que je n'aperoive en vous que la granla douce rondeur
deur et le feu de vos yeux splendides,
de vos joues,
la grenade entr'ouverte
de vos
lvres et la souplesse de cette taille qui ne se peut comparer? N'en croyez rien! Je comprends de mme sorte et
pour le moins aussi bien quel point votre coeur est grand,
et l'clat
de cette intelligence
compare avec tant de raison par plus d'un pote au vol
au sein de l'Emhardi de l'oiseau qui emporte Jupiter
c'est vous
pyre. Si j'avais peindre une noble Sibylle,
divin contourn
autour de
que je choisirais ; le laurier
vos tempes n'aurait
jamais serr un front plus digne !
gnreux,
et o
monte
l'lvation
de la plus
en vous l'lve brillante
Qui ne reconnat
Ne vous
sublime philosophie,
oui, la fille de Platon?
a-t-on pas contemple,
devant une assemble de sages
transports d'admiration
commentiez
le Phdon
en ce jour o vous
et de plaisir,
avec une loquence digne des
orateurs d'Athnes
savante,
duisante
mconnais ?
LA
DAME.
Peut-tre?
LA
Nulle
naturel
gloire
si parfois
n'est
DAME.
au-dessus de celle-l.
je crains
que ce Raphal
N'est-ce
pas
que voil, en
LA
284
RENAISSANCE.
une ternit
brillant
de
comme
tu sens,
ne songe
incessante
gloire,
finir,
de ma
votre
RAPHAEL.
que je me donne rechercher bien fort ces dons innombrables tals partout devant le fugitif apptit des oiseaux
du, ciel ! ma folie serait trop grande ou plutt ma faiblesse de coeur.
II.
JULES
LA
bien penser,
pas votre avis.
Voil
285
DAME.
Je craignais
Raphal.
que
ce ne ft
RAPHAL.
Vous
d'une
me connaissez
mal,
si vous
troitesse
m'avez
souponn
et de coeur. Souf-
d'imagination
frez que je puisse tre un enfant qui rit et qui rit...
pareille
LA
Comme
un
ruisseau
DAME.
en courant
jette
t'en blmer?
RAPHAL.
tombeau
d'o
et...
le petit pour le grand et le grand pour le difforme
Toi ! ne suppose jamais que je te mconnaisse ! Ne va pas
t'imaginer
que la noblesse de ta nature est une splendeur
mes yeux aveugles. Je connais ce que tu es,
invisible
je sens ce que tu vaux, je touche ce que tu me donnes et
dont je pse juste poids tout le bien qui m'en arrive...
c'est bien ton amant qui te parle...
amant,
mais c'est aussi ton ami ! Oh ! ma chrie ! C'est ton comC'est
ton
pagnon , que
puis-je
te dire?
C'est ton
gal!
Il
coute
LA
286
RENAISSANCE.
ses conseils
comme
ils m-
DAME.
En vrit,
je ne le sais pas.
RAPHAL.
LA
DAME.
et
RAPHAEL.
Les fleurs
valent
mieux
et les fruits
DAME.
C'est vrai.
Le ciel ne m'a pas assign cette tche. Pourtant, ne m'accusez pas non plus de mpriser le par-dessous
des choses. Quand cette science contribue dvelopper la
vie elle-mme, j'en fais le cas que je dois. Mais je ne suis
ces tudes obscures destines
pourtant pas trs-enclin
poursuivre
finale
n'est
JULES
II.
287
DAME.
Que voulez-vous
DAME.
dire ?
RAPHAL.
de
Si je n'tais sorti un jour, pour n'y plus rentrer,
l'atelier du Prugin,
de ma vie je n'aurais
compris que
ce qu'il me montrait.
la vue
Quand je fus Florence,
du Masaccio me rvla ce que je n'aurais jamais devin
sans ce matre;
ce n'tait rien encore. Je n'abandonnai
rellement
les langes de l'enfance
que lorsque je me
trouvai dans l'atelier
vivant tout le
de Baccio d'Agnolo,
avec de grands artistes, Andr Sansovino,
PhilipBenedetto de Majano, le Cronaca,
pino Lippi,
Franois
coutant
de chacun ce qu'il savait, ce qu'il
Granacci,
dcouvrait pour ainsi dire chaque heure, dans le monde
jour
de ses rves,
soit
qu'il
ft
sculpteur,
peintre
ou archi-
LA
288
RENAISSANCE.
du premier
et, ainsi prpar, quand les ligatures
ge, je les eus dtaches, secoues, et que mes membres
mon amie,
se trouvrent
libres, alors je pus comprendre,
mais seulement alors, je pus comprendre les leons offertes
tecte,
DAME.
soit!
On ne saurait s'tonner si
nins, fleurs de l'adolescence.
tu as d couter d'abord les avis de tes prdcesseurs et
tu sais
voir et juger leurs dcouvertes. Mais maintenant,
tout.
Achille
des leons
du Centaure,
ni
Ce
Philosophe.
qu'on t'a remis entre les mains y a fructifi ; tu sais plus
que le Prugin, plus que le Masaccio , plus que Lonard,
plus que tous les autres ensemble, et tu commences la
vie. L'univers
plus
apprendra de toi, et tu n'apprendras
rien de personne.
mon
Alexandre
des admonestations
du
RAPHAL.
et de tout
Tu te trompes encore. J'apprendrai
toujours,
le monde. Veux-tu
que je te confesse en quoi je me considre peut-tre comme plus heureux que mes devanciers?
C'est en ceci : chacun
Il connaissait
les artistes
de sa ville,
et n'en
frquentait
JULES
II.
289
le talent naturel
pas d'autres. Il croyait, comme toi, que
n'a pas de limites et suffit atteindre tous les rsultats.
Rien n'est plus faux. Je serai grand, moi qui suis ton
Raphal, parce que j'apprends partout et de tous; je ne
mdiom'arrte jamais dans ma recherche. Il m'importe
crement de fouiller sous les racines de l'arbre fruit que
chacun possde, mais je veux l'arbre et je veux les fruits,
ma bien-aime, je suis moi...
et voil pourquoi,
LA
DAME.
Tu es la grce, tu es le charme,
tu es tout...
RAPHAL.
pas le sublime.
LA
DAME.
et l'autre?
RAPHAL.
Michel-Ange.
LA
DAME.
de l'archange
de modestie
dont
vous
RAPHAL.
19
j'y trou-
LA
290
verais
bien
tincelant.
RENAISSANCE.
il sait faire
un
or
couvert
difforme,
de suie, vivant dans les scories rougetres de ses forges
de Lemnos.
Mais aucun des dieux promens travers
l'azur,
flte,
Vulcain
dont
vous
DAME.
vous
RAPHAEL.
baisses-tu
nobles
la tte? J'excuterai
de plus grandes,
de plus
soit un plus grand
qu'il
JULES
II.
291
dont tu ne me parles
une prrogative
d'autres,
elle seule, que tout ce qu'ils
pas et qui vaut mieux,
possdent.
LA
Je la connais,
je la vois,
DAME.
je la respire!
RAPHAL.
Et laquelle,
donc,
je te prie?
LA
Oh!
comme
elle
l'est!
Est-elle
si apparente?
DAME.
Comme
elle
clate
dans
tes
au moment
de ta naissance.
LA
292
RENAISSANCE.
l'une
l'autre,
forment ton ge, n'ont eu que des printu as travaill,
tu
temps. Tu as pens, tu as mdit,
travailles toujours ; mais, toujours,
ce qui est peine pour
les autres se transforme
pour toi en plaisir facile. Tu ne
connais
et n'ayant jamais
t dfendu au mal de t'approcher,
comment
serais-tu
vu ni rien connu que l'affection,
frent de ce que tu es? Adieu...
Adieu,
mon idole!
mon amant... Adieu,
mon ami;
rien
dif-
adieu,
RAPHAL.
Tu pars dj?
LA
DAME.
Tes amis
viennent
te chercher.
Je ne veux
pas
me rencontrent.
RAPHAL.
Reste un instant,
mon amour ador; je vais leur dire
de m'attendre dans la maison. Ne pars pas encore, je t'en
Tu m'as fait parler de toutes choses, mais
conjure!...
qu'avons-nous
dit de nous-mmes?
JULES
II.
293
DAME.
LA
RAPHAL.
DAME.
Ingrat!
RAPHAL.
A demain
donc,
O?
du Tibre?...
Non!...
Demain...
chez toi?...
au pont
DAME.
Comment
faire?...
Eh
bien!
ris-
chose ! Viens
quons quelque
RAPHAL.
Adieu!
je t'idoltre!
sort.
Batrice
FRANCESCO
voici
Matre,
grande hte.
PENNI
le Bramante
(IL
FATTORE).
! Il vient
vous
parler
en
RAPHAL.
Apporte-moi
lves ?
un
carton
LE
Plusieurs
et des fusains.
sont
mes
FATTORE.
le plus grand
nombre
LA
294
RENAISSANCE.
ce que vous avez command aux fresques de la salle de la Segnatura, les autres
Plusieurs
aussi
avancent les bauches de l'Hliodore.
au Vatican
chez le seigneur
sont partis de bonne heure, et travaillent
Agostino Chigi aux tableaux de la Psych.
RAPHAL.
Il commence
LE
Bonjour,
les travaux
le portrait
de Batrice
d'Est.
BRAMANTE.
que
un
Avant
tout,
je finirai
elle ne m'chappera
ici, l'ombre de ces lauriers-roses.
fait pour vous.
Bramante !
Qu'on
Voil
un
ombrage
au seigneur
BRAMANTE.
Cette vie,
RAPHAL.
pour
moins,
nos mes !
LE
Tu as peut-tre
BRAMANTE.
JULES
II.
295
pas; mais est-il facile pour luinon. C'est de quoi nous tenir en
mme? Assurment,
bonne humeur.
Voil une esquisse dont je n'aurai pas
rougir,
je pense. Elle palpite dans mon me et se presse
Il ne nous
mnage
le sera promptement.
comme
Le tableau de la Thologie,
je l'ai compos d'accord avec les ides du comte Castiglione et du seigneur
Louis
est fini.
Arioste,
de la Philosophie,
Je laisserai
BRAMANTE.
C'est
ce qui l'irrite,
et lorsque je le lui
prcisment
dis, il se fche en jurant que c'est parce qu'il le sait
qu'il voudrait tirer de nous ce dont nous sommes capables. Il se plaint de toi, il se plaint de Michel-Ange,
du
de tous les artistes
Sansovino, de Sbastien del Piombo,
entier. Il
qu'il fait venir Rome, de moi, de l'univers
ne voit dans tous les humains
que des tortues ; le globe
sur son axe,
terrestre ne tourne pas assez promptement
et partout, et sur tout, et pour chacun, il voudrait
doubler et tripler le mouvement.
En attendant,
prends garde !
LA
296
RENAISSANCE.
Eh bien,
figure !
matre,
toujours
CHIGI.
au travail ! Quelle
ravissante
RAPHAL.
Rvrendissime
mes
seigneur,
seigneurs,
magnifiques
nobles amis, soyez les bienvenus ! Tous gais, frais, contents! Prenez place, je vous prie! Me permettez-vous
de
continuer
ce que j'ai commenc?
Il me faut achever,
aujourd'hui,
me demande.
et je n'ai
gure de temps,
car Sa Saintet
BIBBIENA.
Continuez,
rait seraient
matre.
Les moments
un vol odieux
qu'on
vous
fait la postrit,
enlvecomme
Est-il
tableau
que,
est tellement
contre
toute
ravie de votre
vraisemblance,
II.
JULES
297
elle veut
RAPHAL.
Trs-vrai.
Francesco.
J'ai
fait le carton
cette
nuit.
Apporte-le,
Vous allez le voir et m'en direz votre opinion.
AGOSTINO
CHIGI.
Ah ! voici
les cartons !
Des domestiques
du Fattore.
dposent
les cartons
STGISMONDO
sous la direction
CHIGI.
de ressemblance!
SANSECONDO.
ennemis !
PERUZZI.
Te reconnais-tu
des porteurs
l, Marc-Antoine?
de la chaise pontificale!
MARC-ANTOINE.
Je ne suis pas le seul qui Raphal ait fait un tel honneur. N'avez-vous jamais vu mon compagnon?
LA
RENAISSANCE.
TIBALDEO.
Pietro
de
en est au comble
du
Giovanni
pas le seigneur
de Crmone ?
Pardieu
Foliari
! n'est-ce
BACCIO
Quoi!
PINTELLI.
Le pauvre
et va le racontant
Lui-mme.
bonheur
homme
toute la ville.
BIBBIENA.
ce que
avez fait pour lui, matre,
nous a refus tous; vous l'avez rendu immortel.
Il a raison.
Dieu
Vous
LE
BRAMANTE.
Ce sera le
Emporte avec toi ces cartons au Vatican.
dans ton
vrai moyen de calmer le Pape. Avances-tu
esquisse? Il serait temps de partir; le soleil baisse.
RAPHAL.
fais porter,
je te prie, mon
prt. Fattore,
enfant, cette chre tte dans ma chambre coucher. J'y
travaillerai ce soir en rentrant.
Mon manteau de velours
Je suis
ma barrette au cordon de perles! Dis une douzaine de mes gens de m'accompagner ! Tu viendras avec
nous ! Seigneur Bibbiena,
vous tous, mes amis, restez
La maison est comme le matre, elle vous
vous divertir.
bleu!
CHIGI.
J'ai aussi vous parler des travaux de ma chapelle Santa Maria della Pace. Quand les
commencerez-vous ?
JULES
II.
299
RAPHAL.
Ce sera la semaine
sans faute.
prochaine,
Vous
n'ou-
est la Sainte-Anne!
Johannes
Allemand,
CHIGI.
L'LVE.
Matre,
accourez
au Vatican.
LE
Un
malheur
est arriv!
BRAMANTE.
dire ?
L'LVE.
galerie du Belvdre
et menace ruine.
Le mur de la nouvelle
lzarder tout du long,
LE
Comment
si fort!
en serait-il
Il faut
travailler
vient
de se
BRAMANTE.
autrement
qu'on fait !
RAPHAL.
mon oncle.
LA
RENAISSANCE.
BIBBIENA
A ce soir donc,
RAPHAL,
ET
LES
AUTRES.
chez Goricius.
au Bramante,
en sortant
du jardin.
tout, menez-moi
encore, en passant, la Sixa ralis des
tine. Il faut que j'y entre. Ce Michel-Ange
les bien comprendre m'est ncessaire pour ne
miracles;
Avant
pas rester
Buonarotti
court.
enchanteur!
Quel
quel
matre
que ce
!
LE
BRAMANTE.
RAPHAL.
non
pas nous plaindre
oncle. Les travaux ne nous manquent pas !
Nous
n'avons
LE
plus,
mon
BRAMANTE.
Rappelle-toi-le
bien !
RAPHAL,
Allons
autres,
riant.
Venez,
du Bramante,
de ses lves et de
II.
JULES
DEVANT
BOLOGNE
d'officiers;
d'armes
on allume
restent
des feux
en selle;
de
d'autres
sont descendus
LE
GRAND
MATRE,
un officier.
excuts?
L'OFFICIER.
GRAND
MATRE.
A merveille.
Faites battre la campagne par les chevaulgers. Que tout le monde reste prt !
L'OFFICIER.
Oui,
monseigneur!
LE GRANDMATRE.
Nous le
coquin!
et je consens
tenons, le vieux tratre ! Nous le prendrons,
si nous ne le rduisons
que la fivre m'extermine
demander grce.
Ah!
le vieux
Jules!
Ah!
le vieux
302
LA
RENAISSANCE.
ANNIBAL
Il
n'en
votre
BENTIVOGLIO.
pas! Souvenez-vous
rvrendissime
frre le cardinal
comme
mrite
Pensez-vous
GRAND
il
a trahi
d'Amboise!
C'est
Pape !
MATRE.
que je l'ignore,
le lui pardonner?
ANNIBAL
Et moi
il m'a
BENTIVOGLIO.
vol Bologne,
ami.
IVES
Pas un
Dans
seul ami?
D'ALGRE.
C'est
trop
seigneur Annibal.
qui a un ami et un
dire,
vos villes
d'Italie,
n'importe
compre pour l'aider n'importe
quoi.
ANNIBAL
BENTIVOGLIO.
Tant
GRAND
va nous ouvrir
les portes
MATRE.
mieux.
de Ferrare
Il valait
l'assassinat
mieux.
BENTIVOGLIO.
Celui-ci
et
GRAND
MATRE.
les
JULES
II.
303
A un officier.
L'OFFICIER.
Il arrive
l'instant.
Ses aventuriers
sont
rendus
de
fatigue.
LE
GRAND
MATRE.
LE
MOLARD.
monseigneur.
GRAND
MATRE.
Renard.
BENTIVOGLIO.
BENTIVOGLIO.
Ou la gorge.
LE
Quelles nouvelles
CAPITAINE
de Bayart
LE
Bonsoir,
capitaine
MATRE.
apportez-vous
LE
Voici le seigneur
GRAND
GRAND
Bayart,
de Ferrare?
MOLARD.
soyez le bienvenu.
BAYART.
LA
304
RENAISSANCE.
de Conti,
le baron de Fontrailles
et le brave
Mercurio avec ses deux mille Albanais.
ANNIBAL
Est-il
vrai qu'il
capitaine
BENTIVOGLIO.
ait si bravement
dcousu
son cousin
germain?
BAYART.
BENTIVOGLIO.
sa peau , on a
BAYART.
Pas tout
GRAND
fait.
MATRE.
Nous comptons
peuple de Bologne m'aura livr
Annibal me l'a promis.
ANNIBAL
BENTIVOGLIO.
va tre relev
JULES
II.
et le duc de Ferrare,
des excommunications,
305
moi
et nos
amis pareillement.
UN
OFFICIER.
Une
fait annoncer
grand'garde
que le comte JeanFranois Pico se prsente de la part du Pape pour parler
monseigneur.
LE
Ah!
ah!
on connat
GRAND
MATRE.
donc notre
20
LA
306
RENAISSANCE.
DANS
BOLOGNE
du palais o demeure
le Pape. Jules II, malade,
Une chambre
entour de coussins qu'il renverse
demi couch dans un fauteuil,
et que des domestiques
toutes minutes
relvent.
Le cardinal
Regino,
lgat de Bologne.
LE
Il
ne faut
pas vous
CARDINAL.
laisser
prendre
par
ces sclrats
de Franais.
LE
Je ne me laisserai
PAPE.
Trs-Saint
Pre,
CAMRIER.
les mdecins
l'ont
expressment
dfendu !
LE
PAPE.
m'aller
CARDINAL.
La question
pour
nouvelle
qui
PAPE.
Fais
JULES
II.
307
CARDINAL.
PAPE.
CARDINAL.
PAPE.
de ce qu'on
a sous la main;
mais,
enfin,
LA
308
RENAISSANCE.
matresse de tout,
le jour va luire o la sainte glise,
enfermera sous double clef ces misrables dans les dserts
que le ciel leur a donns pour patrie.
LE
CARDINAL.
est que Votre Saintet a tout prpar merdchan sur les ctes
veille : Henri VIII
d'Angleterre
de France; Ferdinand
menaant les Pyrnes.
La vrit
JULES
II.
avec Louis;
en le
Et je ngocie, je ngocie toujours
frappant, en le harcelant, je l'amuse, je lui fais croire que
nous entendre;
d'une
nous pourrons
je l'excommunie
main, lui et ses allis, les sclrats! de l'autre, je le caresse !... Je l'anantirai
!
LE
Et voil
quinze
mille
CARDINAL.
Et
mon
neveu
II.
Colonna
Marc-Antoine
s'est fait
une
CARDINAL.
Un peu imprudemment.
JULES
II.
pas.
JULES
DEVANT
Nuit
obscure
d'hiver,
maison
de paysan;
Grand mouvement
II.
309
BOLOGNE
et froide;
le jour commence natre. Une
des troupes
franaises
campes l'entour.
de patrouilles
d'infanterie
et de cavalerie;
dominant
le rempart.
Auprs d'un grand feu, une table entre
et le comte Jean-Franois
Pico.
eux, le grand matre de Chaumont
LE
COMTE.
Enfin, monseigneur,
soit, je veux admettre ce que vous
dites. Le Saint-Pre ne s'est pas montr aussi fidle qu'il
l'aurait d la Ligue de Cambray. Beaucoup de choses
seraient objecter,
mais
GRAND
il a...
MATRE.
Il a fait alliance
il les a arrachs
Eh!
barguigner
par la mort-dieu,
!
LE
Comment
qu'il
ferait-il
qu'en ferez-vous
COMTE.
autrement?...
Quand
vous l'aurez,
LA
310
RENAISSANCE.
LE
GRAND
MATRE.
LE
lutions
tes dur.
COMTE.
Le Pape en prison?
que le moindre
prtre
LE
GRAND
Au diable ! Croyez-vous
LE
Je voudrais
au lieu
MATRE.
me faire peur?
COMTE.
vous ouvrir
Que diriez-vous
si,
gnant, je vous amenais
les yeux.
d'un
Pape prisonnier
un Pape ami dvou?
LE
lui refusera ?
GRAND
MATRE.
COMTE.
Je ne refuse rien.
GRAND
MATRE.
Je dis seulement,
et je rpte,
que
JULES
II.
confiance...
Ah!
COMTE.
Nous
vous donnerait
vous-mme
deux
Il y a que vous
MATRE.
GRAND
LE
plaisir
formelle
GRAND
au nom
du Saint-
MATRE.
sans quoi
de me donner tant
avrs...
COMTE.
les Vnitiens...
On
cent mille cus d'or...
abandonnerions
COMTE.
Les voici !
LE
Cela ne me suffirait
MATRE.
GRAND
pourtant
LE
pas !
COMTE.
Je voudrais
encore
GRAND
le
MATRE.
rtablissement
du
seigneur
312
LA
RENAISSANCE.
Annibal
dans sa ville
Bentivoglio
Pape renont la Romagne.
LE
Je vous
avoue
de Bologne,
et que le
COMTE.
franchement
GRAND
MATRE.
Vous plaisantez!
S'il refuse, je serre les doigts. N'est-il
pas pris ? Est-ce qu'il a la libert de vouloir ou de ne pas
vouloir
?
LE
Nous
souffrirons
tout
mais
peut-tre;
Bologne
COMTE.
GRAND
ni la Romagne.
MATRE.
je ne crois pas
j'enfonce
vos portes et
COMTE.
GRAND
Si vous me connaissiez
MATRE.
mieux,
de cette question.
LE
COMTE.
Vous
faites
bien...
GRAND
je cde.
MATRE.
et maintenant
Croyez-moi,
que
nous sommes amis, votre matre va m'ouvrir
les portes
tout de suite. J'ai hte de l'embrasser.
JULES
LE
II.
313
COMTE.
GRAND
riant.
MAITRE,
sous un autre
je ne me d-
COMTE.
Notre
Prsentez-lui
GRAND
vos
MAITRE.
de Chaumont,
Voyons, monseigneur
tre moins dur ?
LE
COMTE.
GRAND
ne pourriez-vous
MATRE.
cus d'or ?
COMTE.
Ce sera trois
de retour ?
GRAND
C'est
impossible.
avec. Nous
minute
bavarder.
MATRE.
Quand
serez-vous
COMTE.
midi.
GRAND
MATRE.
pas une
avons dj perdu beaucoup de temps
Vous
aurez
deux
heures,
314
RENAISSANCE.
LA
LE
COMTE.
je vous en conjure!...
monseigneur!
les trois cent mille cus ! mais ne portez
pas dans cette affaire des souvenirs d'animosit
personnelle !
Monseigneur!
nous donnerons
LE
Vous
m'avez
GRAND
MATRE.
sourdement
Suis-je si diable?
LE
Merci.
Le
COMTE.
Saint-Pre
Allons,
vaut bien
GRAND
MATRE,
mais qui
faut pas secouer la tte de cet air dsespr. Adieu;
pelez-vous d'tre de bonne foi.
LE
Adieu,
monseigneur.
rap-
COMTE.
LE
GRAND
MAITRE,
seul.
Au
le Pape et veut le
cent mille cus d'or sont
contre
JULES
II.
315
Dieu
et...
merci,
IVES D'ALGRE.
Vous
aviez
l'intention
de visiter
les postes,
monsei-
gneur.
LE GRAND MATRE.
J'allais
vous envoyer
chercher.
Allons
Le
le btard du Fay,
capitaine
Bayart,
le
de sa compagnie
le capitaine
d'ordonnance,
Molard,
guidon
chefs d'aventuriers
le
capitaine
Sucker,
franais et allemands;
les Suisses. Une table
Jacob Zemberg,
commandant
capitaine
de
grossire est dresse auprs du feu et charge de jambons,
Prs d'un
feu de bivac.
et de tasses en fer-blanc,
en
de bouteilles
de poulets,
saucissons,
tain, en corne ou en bois. Les convives sont assis sur des bancs
et des escabeaux qu'on a enlevs dans des chaumires.
Autour de
la table, un paravent
construit
par les soldats au moyen de manau bout
teaux jets sur des gaules. Des torches de rsine brlent
de longs piquets plants en terre.
des pages et des laquais les servent.
LE
CAPITAINE
Les gentilshommes
SUCKER.
CAPITAINE
soupent;
Le reste,
BAYART.
LA
316
tout
autant
discipline,
nos armes.
RENAISSANCE.
LE
MOLARD.
les font.
Je suis de l'avis
de Mgr
de Bayart.
BAYART.
Voici
la suite
un rti
de bonne
jourd'hui.
ver ma petite sagesse, je vous dirai que depuis mon
arrive aux guerres d'Italie,
et cela date de l'an 1494,
c'est--dire depuis quelque chose comme dix-sept
ans,
j'ai vu bien des changements notables s'effectuer
choses chez les Italiens comme chez nous.
LE
BATARD
DU
en toutes
FAY.
se raillaient
aujourd'hui
sent rustiques,
de Sucker.
de nous, comme
de nos lansquenets
nous-mmes
qui
nous
nous
parais-
monseigneur
JULES
LE
II.
CAPITAINE
317
SUCKER.
en pices.
LE
C'est
BATARD
DU
FAY.
nous regardons
Aujourd'hui,
comme sauvages et brutes ceux qui le font; ce sont tant
seulement les nouveaux venus de France. Au bout de six
pourtant
vrai!
mois
de sjour,
on commence prendre
belles choses, et l'on devient raffin.
plaisir
ces
BAYART.
or ni
pour argent,
d'armes italien
se battre.
ni pour
homme
je ne connais
Aujourd'hui,
pas plus braves que le seigneur Alviane, le seigneur Andr
Gritti et bien d'autres...
LE
CAPITAINE
MOLARD.
318
LA
RENAISSANCE.
BAYART.
C'est vrai...
Je voudrais
voir
des princes.
CAPITAINE
JACOB
ZEMBERG.
Il me vient
nable!
par-dessous ces manteaux un vent abomiJ'ai les pieds gels! Gredins de soldats! vous ne
cette machine-l
un peu mieux?
pouvez pas m'arranger
Je vous donnerai sur les oreilles, pendards !
Arrivent
le grand
d'armes.
matre
LE
de Chaumont,
GRAND
Ives d'Algre,
officiers,
hommes
MATRE.
A la vtre, monseigneur,
et que le ciel vous
ce que votre noble coeur dsire !
Tous
LE
GRAND
accorde
boivent.
MATRE.
de votre ct?
BAYART.
JULES
DANS
II.
319
BOLOGNE
Le matin;
concours de peuple,
Une rue prs de Saint-Ptrone.
des artisans,
des marchands,
des nobles, des soldats.
UN
BOUCHER.
LE
Vivent
les Bentivoglio
Entrent
Francia
PEUPLE.
! Vive Bologne
Francesco
et ses lves,
! Libert
Caccianimici,
Amico
Aspertino,
peintres.
UN BOULANGER.
Matre
que dites-vous
Francia,
de tout ceci ?
FRANCIA.
Vive Bologne
PEUPLE.
!
CACCIANIMICI.
Non!
non!
Vive Bologne!
PEUPLE.
Vivent
les Bentivoglio!
LA
320
RENAISSANCE.
AMICO
Chacun
Libert!
libert!
ASPERTINO.
Vivent
PEUPLE.
les Bentivoglio!
UN BOULANGER.
et non
glises
LE
les Bentivoglio!
A bas le Pape !
Vivent
pas aux
Romains!
Vive
PEUPLE.
Libert!
libert!
Au
palais!
ASPERTINO.
Allons
Voulez-vous?
PEUPLE.
A bas la statue !
CACCIANIMICI.
LE
Jules II,
Pavie,
comte
PALAIS
Regino?
N'ai-je
de
le
Pico.
JULES
Cette sdition
sous la main;
le cardinal
de Gurck,
Michel-Ange,
continue
II.
fou,
JULES
LE
Trs-Saint
II.
CARDINAL.
REGINO.
Pre,
charg
deux fois
et
ont t repousss.
JULES
II.
Regino
sort..
Trs-Saint
Oui,
COMTE.
Pre.
JULES
II.
Tu lui diras que je consens tout, n'tant pas en situation de rien discuter,
et que, pour preuve de ma bonne
le trait conu et rdig
foi, je le prie de m'envoyer
comme il l'entendra.
Tu auras soin de te rcrier sur
les
chaque article et de traner
le trait
Ensuite, tu m'apporteras
De cette faon, nous avons devant
et mme jusqu' demain matin, si
LE
Votre
Saintet
voix
COMTE,
sait-elle
choses
en longueur.
que je le signe.
pour
nous jusqu'
nous voulons.
ce soir,
basse.
sont
les Espagnols...
les
Vnitiens ?
JULES
II.
Ils arriveront",
les uns et les autres, vers une heure
tche
aprs midi. Caresse ton Grand Matre,
retiens-le;
21
LA
RENAISSANCE.
enfant !
Le comte Pico s'agenouille;
va donc ! Michel-Ange,
Allons,
dessins de forteresses?
mon
o sont tes
fils,
MICHEL-ANGE.
Trs-Saint
les voici.
Pre,
LE
Va sur le terrain,
tions et commence
PAPE.
trace-moi
immdiatement
les travaux.
Il
les fonda-
me faut
et tu t'occuperas
ds aujourd'hui
mines,
la fonderie de canons dont tu m'as montr
aussi
des
de m'installer
le plan.
MICHEL-ANGE.
Si je fais l'ingnieur
et le fondeur,
je ne peux pas faire
et le peintre.
Vous allez vous plaindre,
le sculpteur
au
premier jour, que les travaux de la Sixtine et les statues
de votre
tombeau
JULES
Certes,
plaindre
n'avancent
II,
frappant
pas.
de son bton par terre.
de tes observations,
besogne! Va-t'en!
tu
nuyer
aurais
dj
Michel-Ange
finir
la
sort.
de Pavie,
LE
Oui, Trs-Saint
en tte.
CARDINAL
Pre;
Louis
DE
PAVIE.
XII
JULES
II.
JULES
aux secrtaires
des brefs
Csar . Aussi
comme
universel
droit l'Empereur
la terre.
II.
J'ordonne
dsormais
de m'intituler
323
bien je suis de
Dieu sur
reprsentant
Bon!
les Bolonais
voil
qui
reoivent
ma mitraille
VQUE.
de Votre Saintet
est dans un danger
La personne
cruel. Les Franais,
le peuple,
tout vous menace. Ne
serait-il pas temps d'user de prudence
et de modration?
Je suis incit
vous tenir
un tel langage,
frres ici prsents...
Trs-Saint
Pre,
Considrez
que
nous
en outre,
nous faut subir
d'une
populace
mutine...
JULES
Que veut
II.
cet imbcile?...
biage?... Appelez
au sommet de la cathdrale,
afin de voir ce qui se passe
dans la campagne.
de
Cardinal
attendez...
Mais, non...
Pavie,
proche...
donc !
donne-moi
Ton
le
bras!...
bras...
Ma
foi,
Toi,
ici,
je peux
capitaine,
apaller!...
Allons
LA
324
RENAISSANCE.
ROME
Chez Janus
de Luxembourg.
Corycius
peint d'un
Bernard de Bibbiena;
frre Sigismond
Chigi, prtre ; le Bramante;
le dataire
Bartolommeo
Turini
da Pescia;
Raphal;
l'Imperia;
Toute la
le musicien;
autres invits.
Giacomo
Sansecondo,
socit est rpandue
par groupes dans la vaste salle, les uns caudes pliants
les autres assis sur des fauteuils,
sant et riant debout,
ou des coussins.
LE
BRAMANTE,
Raphal.
Imperia,
et coute ce que
RAPHAL.
Laissez-moi
fatigue
contre
m'amuser
et hbt
moi,
vous
un
de travail.
faites
instant.
Si
Je suis
Michel-Ange
le diable contre
lui,
mort
de
intrigue
partant
quittes.
LE
BRAMANTE.
JULES
II.
325
homme d'humeur
BRAMANTE.
le Buonarotti
est tout - puissant
Malheureusement,
et comme il ne manque pas une
auprs du Saint-Pre,
seule occasion de te nuire, il arrivera un jour o...
avec impatience.
RAPHAL,
Il arrivera
un jour o,
nos meilleurs
contre l'autre,
auront transforms
honte,
exciter
l'un
et j'y rsisterai
de tout
LE
J'aurais
force de nous
mon pouvoir.
BRAMANTE.
voulu
N'avez-vous
Va t'amuser,
puisque
BRAMANTE.
Il
m'est
et surtout
Matre
CORYCIUS.
RENAISSANCE.
LA
326
RAPHAL.
CORYCIUS.
mais
Oui,
sibylle
sera-ce
avec
un
laurier
une
vieille
CORYCIUS.
une sibylle
jeune
ou
?
BIBBIENA.
Fais attention,
cher Raphal,
a la passion de la beaut.
que le seigneur
Corycius
RAPHAL.
c'est tout
Entre
LE
le cardinal.
Il embrasse
Raphal.
CARDINAL.
de mes
je t'aime comme si tu tais l'enfant
et si bien que je suis presque jaloux de ton
entrailles,
amiti pour le seigneur de Bibbiena.
Toi,
BIBBIENA.
Monseigneur,
Raphal aime tant de choses, aime tant
de monde et a le coeur si bien meubl de tous sentiments
JULES
propres l'affection,
son amiti.
II.
327
qu'il
SIGISMONDO
de se disputer
CHIGI.
Jrme Savonarole.
Un
viendra
jour
o tout
le monde
et je bnis matre
justice ce grand homme,
t un des premiers
prparer
son
Raphal d'avoir
rendra
triomphe.
RAPHAL.
Ce mrite
au seigneur
guide, Louis
sur les saints
ne m'appartient
comte Balthazar
pas.
Il
revient
Castiglione
deux m'ont
tous
Arioste;
et les sages docteurs
tout
entier
et mon autre
donn
introduire
des avis
dans ma
composition.
IMPERIA.
Rvrendissime
des yeux aujourd'hui
LE
Ah!
yeux,
cardinal,
que pour matre
seigneur
CARDINAL
DE
n'avez-vous
donc
Raphal ?
MEDICIS.
madame,
que je suis confus!
j'ai de si mauvais
en effet ! Je ne vous avais pas aperue encore!
IMPERIA.
Ne
CARDINAL.
me permettrez-vous
pas, cruelle que vous
m'asseoir au moins une minute ct de vous?
tes, de
LA
RENAISSANCE.
IMPERIA.
Ah ! monseigneur,
vous ne songez qu'aux
tableaux et aux livres !
LE
voix
aux
CARDINAL.
Et jamais, l'Aphrodite
Ils parlent
statues,
vivante?
basse. Sansecondo
commence
chanter
Entre Michel-Ange.
JANUS
Seigneur
CORYCIUS.
soyez le bienvenu.
Buonarotti,
MICHEL-ANGE.
Ne
retire.
vous
drangez pas. Ma
Je salue le rvrendissime
mission
cardinal.
remplie,
Bonsoir,
je me
matre
Qu'est-il
CARDINAL
DE
MDICIS.
donc arriv?
MICHEL-ANGE.
Les Franais
et les Bentivoglio
nous
ont
surpris
Bologne...
TOUS.
pour diriger
le sige de la Mirandole.
JULES
LE
DATAIRE
Le Pape ne revient
II.
329
BARTOLOMMEO
TURINI.
pas ici ?
MICHEL-ANGE.
Aprs la Mirandole,
on verra. Partons.
JANUS
Quel homme
CORYCIUS.
CHIGI.
CARDINAL.
Elle
sera mise
hors
de chez
Partez,
pas attendre.
le Pape n'aime
BERNARD
DE
elle
avec ses
monseigneur
de
BIBBIENA.
Michel-Ange.
bien !
Bonsoir,
Raphal,
RAPHAL.
Bonsoir,
matre
Buonarotti;
MICHEL-ANGE.
Quand
sieurs.
je reviendrai!
Bonsoir,
monseigneur
et mes-
330
LA
RENAISSANCE.
IMPERIA;
CORYCIUS.
JULES
LA
II.
331
MIRANDOLE
ses
Une salle dans le chteau. La comtesse Francesca Trivulzio,
enfants, ses femmes, officiers de la garnison; un parlementaire
du duc d'Urbin, gnral des troupes de l'Eglise.
LA
COMTESSE.
Je vous ai rpondu,
Je ne rendrai pas ma
monsieur.
de mes enfants.
ville au Saint-Pre.
C'est le patrimoine
Je dfends leurs droits
et la justice.
LE
PARLEMENTAIRE.
a de bonnes artilleMadame,
Mgr le duc d'Urbin
ries et plus de troupes que vous. Si vous l'obligez
COMTESSE.
Je suis la fille
se refroidit
Retournez
de Jean-Jacques Trivulzio
; mon sang ne
pas aux menaces. Vous avez mon dernier mot.
auprs de votre matre.
LE
Madame,
daignez
PARLEMENTAIRE.
considrer...
LA
Reconduisez
COMTESSE.
ce capitaine.
LA
332
RENAISSANCE.
MILAN
Le
palais
ducal.
Gaston,
de Foix,
duc de Nemours,
franaises en Italie; le Grand Matre
capitaine
de Chau-
du Milanais;
le seigneur de Clermont-Monles forces auxiliaires
donnes
franaises
au
duc de Ferrare;
le prince d'Anhalt,
gnral des troupes de l'Emcommanpereur; Louis de Brz, grand snchal de Normandie,
de la maison du Roi; les capitaines Ives
dant les gentilshommes
le btard de Clves et autres offiBonnet,
Maugiron;
d'Algre,
ciers. Conseil
de guerre.
GASTON
DE
FOIX.
JULES
II.
333
sret.
guerre outrance
a fait
faute
de le prendre
Bologne,
le lendemain il tait en campagne comme un pauvre aventuturier de vingt ans. Le capitaine Bayart s'est mis sur sa
route pour le surprendre ; il n'y est pas parvenu, et Jules II,
de ses propres mains, a aid lever le pont-levis
du chteau de Saint-Flix
lier.
Maintenant,
Son neveu, le duc d'Urbin,
personne devant la Mirandole.
a pris la Concordia;
avec le vice-roi don
les Espagnols
admirable
s'aet une infanterie
Raymond de Cardonne
vancent contre nous; les Vnitiens
menacent Brescia, et,
LA
334
RENAISSANCE.
un levier
Htonsprenons
Bologne.
LOUIS
Vous
DE
BRZ.
raisonnez
pertinemment,
capitaine
d'Algre;
mais Bologne
n'est pas facile prendre.
Le cardinal
de Pavie; celui-l
Regino a t remplac par le cardinal
est un soldat qui ne se laissera pas enlever. En outre, le
duc d'Urbin
pour
IVES
le temps
assez de tablature
d'accourir.
En ce
D'ALGRE.
et si
Bologne a la rvolte flambant dans les entrailles,
nous faisons mine seulement de donner l'assaut,
l'instant les bourgeois nous ouvriront
les portes ; le cardinal
devra s'enfuir
et gagner pays.
GASTON
DE
FOIX.
Messieurs,
je pense comme le capitaine d'Algre,
vous demande d'tre prts d'ici quatre jours.
et je
JULES
DEVANT
Les
La brche.
LA
fosss
II.
335
MIRANDOLE
sont
Galeotto
della Rovere,
del Carretto,
Riario,
Jean-Paul
et Louis
le capitaine
Francesco
Romolino,
Borgia;
les camriers,
les suisses de la garde ;
Baglione ; les secrtaires,
le Pape et toutes les personnes
de sa suite, couverts de fourrures
et de manteaux
capuchon ; il fait grand froid.
cardinaux
Raphal
JULES
Eh bien!
est-ce fini?
LE
La ville
est rendue.
DUC
D'URBIN.
On
va enfoncer
passage Votre
JULES
Point!
II.
J'entrerai
II.
par la brche.
est la comtesse
Franoise?
LE
Elle attend
DUC.
Votre Saintet
JULES
dans le chteau.
II.
Marchons
! Et,
ce soir,
Entre, un messager.
UN
Trs-Saint
Pre,
MESSAGER.
Bologne
LA
336
RENAISSANCE.
JULES
Le cardinal
a rendu
la place ?
LE
La population
MESSAGER.
s'est insurge
JULES
Vous
II.
aviez
donc
laiss
une
garnison
insuffisante,
Francesco-Maria?
LE
Trs-Saint
Pre,
DUC
D'URBIN.
C'est--dire
II.
LE
Il
plutt
DUC
D'URBIN.
me semble
que si quelqu'un
lui que moi.
LE
J'claircirai
doit
avoir
tort,
c'est
PAPE.
cette affaire...
Elle
m'est
et aucune considration
pouvez le croire,
ma juste colre. O est Michel-Ange?
sensible..;
vous
ne retiendra
MICHEL-ANGE.
Ici,
Trs-Saint
Pre.
LE
PAPE.
Donne
JULES
II.
337
ROME
Des meubles
de belles
Un atelier de petite dimension.
sculpts,
une statue antique
de Pallas;
toffes pourpre,
bleu, or, argent;
de fleurs,
dont l'odeur
un buste
de Psych;
des vases pleins
rafrachit
et parfume
la chambre.
Raphal devant son chevalet
travaillant
de madame Batrice de Ferrare.
au portrait
RAPHAL.
je
je suis moi-mme,
je suis mon seul compagnon...
jouis mon gr, et sans que rien me le dispute, de chaque
de cette volupt de la
bouffe du plaisir qui m'arrive,
solitude si pntrante,
si vive que les sens irrits ne saude l'homme
raient la supporter longtemps. L'imagination
est si faible! Il lui faut constamment
des secours extrieurs pour se soutenir dans les airs, et quand ces secours
sont trop rares et ne se renouvellent
pas sans cesse, alors
la pauvre oiselle retombe alanguie et ne bouge plus. Quel
car elle se sent beaucoup plus vivante dans ces
malheur!...
courts instants
o elle se suffit
elle-mme
! C'est alors
encore
mais
22
que
l'me
338
LA
RENAISSANCE.
si joyeuse et si gaie!
qui la pntre est une flamme
En vain toutes les calamits de la terre et des enfers
psent sur l'homme,
psent sur nous surtout,
Italiens,
tourments par les barbares, les princes, les rpubliques,
les factions et tant de varits de criminels!
La joie,
la
la fcondit
nous enlvent ; nous nageons,
vie,
nous autres, dans un ther olympique ! Et les savants,
et les potes, et les littrateurs,
et les antiquaires,
et les
et les peintres,
les sculpteurs,
les archiimprimeurs,
les graveurs,
les tailleurs
les enlumid'images,
neurs, tout, tout, tout ce qui dans une forme, d'une
manire quelconque,
est devenu capable d'exprimer
une
pense, une nuance de la pense, un atome tout mince
et tout rduit d'une ide, tout est l'oeuvre, travaille,
ne
tectes,
pas. C'tait son lot! Nous, quelles richesses suprieures nous comblent, et comme une lice bien autrement
vaste est ouverte
comme
II.
JULES
339
Que ce portrait
comme c'est ma Batrice!...
comme
strile?...
prend de ralit!...
le sang circule dans
Ah!
lumire,
te voil
et aperoit
Batrice
toi-mme!
Vous
voil,
ma
chrie!
ma
mon toile!
BATRICE.
Travaille,
Raphal,
t'aime le mieux !
mon
Raphal!
c'est ainsi
que je
LA
340
RENAISSANCE.
RAVENNE
dans le palais. Jules II, le cardinal Riario ; Lonard
des secrtaires. Le Pape dicte des dpches.
de Bibbiena,
Une chambre
II.
CARDINAL
MATTHIAS
SCHEINER.
Un malheur!
JULES
II.
Quel malheur?
LE
Le cardinal
CARDINAL
de Pavie
auprs de Votre
Saintet
SCHEINER.
d'avoir
JULES
Si j'ai
cardinal!
Qu'il
se justifier
Bologne.
perdu
II.
Faites entrer le
perdu Bologne,
je le reprendrai.
Il peut avoir t faible; je ne le crois pas tratre.
vienne!
LE
CARDINAL
le duc
d'Urbin,
rejette la faute sur lui..
Mgr
ici et venait
se rendait
SCHEINER.
craignant
JULES
Pas de pareilles
bourdes!
que
le
cardinal
ne
II.
Suis-je
un barbon
ridicule
JULES
II.
341
Eh bien!
ce silence?...
qu'est-ce
Parleras-tu?...
LE
CARDINAL
DE
SION.
vient de le rencontrer
Mgr d'Urbin
le palais; il est all lui...
JULES
Bon!
Il lui
dans la rue,
devant
II.
C'est un tourdi!
J'arran-
gerai cela...
LE
C'est que,
CARDINAL
Trs-Saint
DE
SION.
Pre,
ce n'est pas...
JULES
II.
Il l'a...
Trs-Saint
CARDINAL
DE
SION.
Pre!...
JULES
II.
Il l'a...
CARDINAL
DE
SION.
il l'a poignard!
JULES
Poignard...
II.
CARDINAL
DE
ce...
SION.
Il l'a poignard,
et le cardinal de Pavie est l, en bas,
mort sur le coup, et la foule autour de lui... J'ai vu qu'on
allait emporter le cadavre.
LA
342
RENAISSANCE.
JULES
Sortez
tous!...
oui,
tous!...
Non...
Reste l...
puis
toi...
Matthias!
Les assistants
s'loignent,
JULES
J'ai
sauf le cardinal
de Sion.
II.
dans ma vie...
J'ai
prouv
et des mal-
LE
CARDINAL
DE
nos afflictions
II.
JULES
II.
343
trelacent
un rseau inextricable.
bien
pour
que le poids
leurs crnes
un paysan
de France, un manant,
l'exemple
du
vulgaire, dira que j'gorge les cardinaux
simoniaque
balay avant moi de la chaire
empoisonneur
pais...
Et ce Louis
des Aptres!
somme!...
abandonner
Que veux-tu que je fasse? Ma perte est conJ'ai envie de me coucher par terre et de tout
la sclratesse de mes ennemis!
LE
C'est un
nergie,
CARDINAL
grand
malheur...
on peut,
cependant,
JULES
Donne-moi
dence...
a rendu
un
verre
DE
SION.
quand on a quelque
se relever de tout.
Mais
II.
de vin...
l...
dans
cette
cr-
LA
344
misrable
RENAISSANCE.
ne m'est
plus de rien!
se dresse contre moi!...
Mon
neveu?
Un
scor-
Quelque considration
pion qui
de l'craser?...
au monde m'empcherait
Non! non! non!
Si le crime pouvante,
le
Je ferai un exemple terrible!
va terrifier bien davantage ! Il ne se sera rien
chtiment
vu de tel depuis la condamnation
nous verrons ce qu'on en dira!
LE
CARDINAL
DE
et
SION.
pas tort.
Cependant,
consi-
II.
Tout prira,
mais non pas moi, ni
Voyons! voyons!
de l'glise...
coute! Je retourne Rome l'inl'intrt
va s'y former. Le duch
inexorable
stant; un tribunal
d'Urbin
au domaine
sera runi
sin...
qu'on
qu'on l'arrte!
dans la prison du, Saint-Office
ecclsiastique.
l'enchane!
qu'on
L'assasle trane
plus vivant!
que je leur donne l'ordre de venir au
! Il n'en sortira
consistoire...
LE
CARDINAL
DE
SION.
Je le ferai.
JULES
II.
France,
Alphonse
d'Est
LE
et leurs fauteurs.
CARDINAL
DE
As-tu
crit?
SION.
C'est fait.
JULES
cris
encore.
II.
Le sige de Ferrare,
il faut le presser!
JULES
II.
345
Florence
note...
Nous aurons
l'arme de l'glise dans cette occurrence...
pour nous les partisans de sa maison... Mais... coute-moi
bien... je ne veux pas que, la seigneurie actuelle une fois
de Laurent reprennent
renverse, les hritiers
jamais le
Florence
et la
On les amusera de paroles...
pouvoir...
Tu diras Bib l'glise...
appartenir
biena de s'entendre avec moi sur ce sujet.
Toscane
doivent
LE
J'ai crit,
Trs-Saint
CARDINAL
DE
Pre.
JULES
Je me sens mieux.
SION.
Hol,
II.
quelqu'un!
Entre un camrier.
LA
346
RENAISSANCE.
BRESCIA
sac.
est prise
et mise
par les Franais
hommes
d'armes,
lansquenets,
soldats,
de fureur,
encombrent
transports
poing,
La ville
Des
aventuriers,
les rues;
bandes
de
l'pe au
une. partie
les cris,
les hurlements,
vacarme,
Gaston
sont incessants.
de Foix,
Molard,
capitaine
de
giron,
chauffs.
Clves,
CAPITAINE
malheur!...
Est-il
DE
FOIX.
sur quatre
D'ARMES
arrivant
s'enfuir
rembarrs
piques,
et on l'a
au galop.
les tenons !
TOUS
Bonne
de Bayart !
Mgr
le capitaine d'Algre
Monseigneur,
a rabattu dans la ville les gendarmes
laient
trs-
HIRIGOYE.
Mau-
mort?
CAPITAINE
UN
le
Hirigoye,
MOLARD.
de blesser vilainement
GASTON
Quel
d'arquebuse
les capitaines
Bonnet,
l'pe la main;
de mme;
tous,
casque en tte et
LE
On vient
les dcharges
le capitaine
prise!
LES
A merveille!
CAPITAINES.
JULES
DE
GASTON
Ayez-vous
quelques
II.
347
FOIX.
prisonniers
de marque?
L'HOMME D'ARMES.
Andr
tenons les provditeurs
des capitaines
le podestat Justiniani,
Nous
Gritti,
Contarini,
de la Rpublique
et le comte Avogadro.
LE
Excellent!
l'homme
qui
CAPITAINE
L'auteur
damn
MOLARD.
de la rvolte
de Brescia,
DE
FOIX.
sera
Dites au seigneur d'Algre que le comte Avogadro
sur la grande place, et son corps coup
dcapit l'instant
en autant de morceaux qu'il y a de quartiers dans la ville.
LE
CAPITAINE
MAUGIRON.
justice!
Chaque quartier aura sa part!
tratre!
le voil rcompens dignement!
Admirable
le double
LE
CAPITAINE
Ah!
HIRIGOYE.
Monseigneur,
je ne peux plus tenir mes Gascons ! Si
l'on ne trouve moyen de mettre fin au pillage, c'en est fait
de mes bandes; je dfie qu'on les rallie!
Arrive
LE
en courant
CAPITAINE
le capitaine
Jacob d'Empser.
JACOB.
Monseigneur,
je ne puis plus
monseigneur,
lansquenets ! Ils se battent avec les Gascons !
LE
CAPITAINE
tenir
mes
HIRIGOYE.
rpon-
LA
348
RENAISSANCE.
GASTON
tes-vous
fou,
vos compagnons
FOIX.
capitaine Hirigoye?
? Vous moquez-vous
LE
CAPITAINE
La vrit
vont
DE
est qu'il
s'entre-dtruire.
faut
JACOB.
sparer
GASTON
un de
Provoquer
de nous ?
DE
ces coquins,
sinon
ils
FOIX.
cuirasses de
Capitaine
Maugiron,
prenez cinquante
ma compagnie,
et faites rage sur les Gascons et les lansquenets jusqu' ce qu'ils lchent prise. Tuez, tuez tout
ce qui tiendra!
LE
CAPITAINE
JACOB.
CAPITAINE
les choses.
HIRIGOYE.
Ventre Saint-Quenet!
Ah!
mille
Cap Saint-Antonin!
millions
de bltres ! Mes Gascons sont en train de tout
dvorer!
Allons
voir
ce que
c'est,
mon
cher
hommes
d'armes
prennent
capitaine
Jacob !
Ils sortent
SERGENT
DE
le galop.
BANDES.
Seigneur
de Clves,
LE
allez-y
BATARD
DE
FOIX.
Il n'y
CLVES.
! J'y
JULES
GASTON
Gendarmes!
II.
DE
349
FOIX.
suivez-moi!
UN
L'glise
COUVENT
pleine
DE
de femmes
LES
RELIGIEUSES
et d'enfants;
cris
de terreur.
LANSQUENETS.
L'INTERIEUR
D'UNE
MAISON
Le capitaine Bayart
Soldats de la combless, pos sur le plancher.
un cuyer du capiMolard qui l'ont apport;
pagnie du capitaine
le btard de Cordon;
la dame de la
taine, son valet de chambre,
maison,
ses deux
filles
en larmes,
toutes
trois
genoux.
BAYART.
Pas de crainte!
Ah!
entrer que je
DAME.
la vie!
sauvez-nous
monseigneur,
l'honneur ! Nous payerons grande ranon !
sauvez-nous
350
LA
RENAISSANCE.
BAYART.
!
SOLDATS
ET
LES
CUYERS.
Merci!
nous
grand merci, capitaine,
rons pas ! Personne n'entrera cans !
LES
Gloire
Dieu!
ne vous
quitte-
FEMMES.
Pas de crainte!...
Ah!
sainte
benote
Vierge,
souffre!
Il s'vanouit.
que je
JULES
II.
351
FLORENCE
Ruccella.
Le palais
Nicolas
Valori,
Une
Nicolas
salle. Le gonfalonier
Machiavel,
Agostino
Pier
Soderini,
Palla
Capponi,
Ruccella.
MACHIAVEL.
RUCCELLA.
CAPPONI.
de nos pres.
MACHIAVEL.
Rendez-moi
de gouverner,
nement !
habitudes.
SODERINI.
Mais
vous n'excitez
aucun
enthousiasme.
nous a conduits,
Tant
que le
notre popula-
LA
352
tion
RENAISSANCE.
s'intressait
de me tromper;
mes seimais, je vous l'avoue,
gneurs , mes amis, je crains que le temps des Mdicis ne
soit revenu.
AGOSTINO
CAPPONI.
doit retrouver
les Tarquins,
MACHIAVEL.
Il faudrait
SODERINI.
Les vnements
VALORI.
le concile
de Milan;
un autre ; il reprend
ment ! Il tient
il discrdite
celui-l!
il en
on ne sait comBologne,
le pied sur la gorge du duc de Ferrare et
et les Franais,
hier triomphateurs,
nous
va le dtrner,
abandonnent
et s'enfuient
chez eux,
JULES
II.
le Milanais.
devient
Jean de Mdicis!
Maintenant,
la tte de l'arme
pontificale.
insoutenable!
MACHIAVEL.
En quoi,
que ceux de
RUCCELLA.
je vous prie ?
MACHIAVEL.
M.
de Valentinois
ne travaillait
son
que pour lui;
oeuvre aurait, dans tous les cas, fini avec son existence,
n'avait
Mais le Pape travaille
puisqu'il
pas d'enfants.
il laissera des tradiet, tout le moins,
pour l'glise,
des tats italiens.
tions trs-fcheuses pour l'indpendance
NICOLAS
Il est dplorable
toyens s'imaginent
le commerce marcherait
avoir
contre
VALORI.
mieux.
les artistes.
nous
Puis
nous
commenons
des
Ces gens veulent
Un coup de poignard
grand bien.
CAPPONI.
bien
plac a souvent
produit
un
MACHIAVEL.
Ou un grand mal.
chez moi fort afflig.
II.
Bonsoir,
messeigneurs.
Je rentre
23
LA
354
RENAISSANCE.
BARBERINO
La ville
dans le fond.
A travers
au
la contre,
pied de l'Apennin,
sont en marche vers
l'arme
vice-roi
Mdicis,
d'Urbin,
de
Naples,
de la
gnral
le
cardinal
en Romagne
et en Toscane,
et Orsini,
d'autres
officiers.
lgat du Saint-Sige
les capitaines
Vitelli
LE
Ligue,
DUC
Jean de
le duc
D'URBIN.
le SaintCertainement,
monseigneur
rvrendissime,
Pre ne demande pas mieux que de voir votre famille
rtablie Florence,
et en possession de ses droits. Mais
vous prtendez aller trop vite, vous prcipitez les choses,
et j'ai l'ordre exprs d'agir avec prudence et circonspection.
LE
CARDINAL
JEAN
DE
MDICIS.
leur
LE
DUC
de personne
UN OFFICIER,
Excellence,
et ce
D'URBIN.
pas dire
prive.
les Florentins
viennent
de renforcer
la gar-
JULES
de deux
nison de Prato
fournies,
mille
sous le commandement
DON
DE
RAYMOND
355
II.
fantassins
de Luca Savelli.
CARDONNE.
et mme
L'artillerie
et cent lances
les vivres
nous
manquent.
LE
DUC
D'URBIN.
Il faut ngocier. J'ai ordre de ngocier avec les Florentins. S'ils veulent renvoyer Soderini et admettre les Mil m'est command
dicis sur le pied de simples citoyens,
de me dclarer satisfait.
LE
CARDINAL
JEAN
DE
MDICIS.
mieux,
envoyons
n'y a pas moyen d'obtenir
un parlementaire,
et, en attendant,
prenons un peu de
repos sous ces arbres.
Puisqu'il
DON
RAYMOND
DE
CARDONNE.
mettons
pied terre,
et
356
LA
RENAISSANCE.
VENISE
Le
palais Gradenigo.
Une
Luigi Gradenigo.
la lagune.
Luigi
grande
Leonardo
Malipiero,
salle dont les fentres
Mocenigo,
donnent
sur
GRADENIGO.
magnifiques
seigneurs. Je m'atSoyez les bienvenus,
de vous recevoir aujourd'hui,
tendais presque l'honneur
car le temps est superbe.
MOCENIGO.
venons
vous
LUIGI
Je vous
proposerai
de notre ami Manuce.
MALIPIERO.
galement
Il a fondu
de visiter
l'imprimerie
de nouveaux caractres
A ce propos,
brigade entire d'hellnistes et de latinisants.
je viens de recevoir une lettre du seigneur Navagier.
MALIPIERO.
Est-il
toujours
seigneur Alviane
Pordenone
?
chez le vaillant
et spirituel
II.
JULES
LUIGI
Sans doute.
de gens polis
capitaine
GRADENIGO.
gnral
Ce beau travail
la lecture
loge de la socit
runis par notre
sanctuaire
des Muses.
MOCENIGO.
LUIGI
a fait
357
GRADENIGO.
dissements.
Mais, illustrissimes
seigneurs,
je crois que
ma gondole est au bas du traghetto,
et nous allons partir.
Rendons-nous
d'abord chez matre Titien,
nous visiterons ensuite le Robusti
et les autres.
MOCENIGO.
A vos ordres,
et trop heureux,
seigneur,
magnifique
pour ma part, de consacrer une si belle journe contemen compagnie
pler des chefs-d'oeuvre
d'un connaisseur
aussi fin que Votre
Excellence
illustrissime.
358
LA
RENAISSANCE.
FERRARE
Une salle
LE
MADAME
Pas absolument...
BEMBO.
LUCRCE,
souriant.
mais
Tenez!
proccupe.
je ressemble assez bien ce qu'on doit penser de l'Italie. Quand
vous tes arriv, je lisais ce manuscrit
ouvert ici sur mes
genoux. Ce sont les premiers chants du pome de Louis
Arioste.
matin.
JULES
II.
359
L'me?...
MADAME
LUCRCE,
souriant.
un peu distraite
et s'en allant
de
L'me, peut-tre,
votre ct... En somme, n'est-ce pas l l'Italie?
De la
posie, de la crainte,
des intrts...
et de l'amour?
BEMBO.
LUCRCE.
BEMBO.
LUCRCE.
360
LA
RENAISSANCE.
BEMBO.
Compromis
chimrique ! Il en rsultera
!
expulsion ou la toute-puissance
MADAME
une nouvelle
LUCRCE.
LE
BEMBO.
Assurment.
LUCRCE.
En ce moment, leur
en somme, je vous le dis en
que
Louis
XII
ne revnt
les Vnitiens
seraient
jamais ; alors, nos compatriotes,
du Saintobligs de prendre garde aux empitements
Pre. Ils rompraient avec lui et s'uniraient
don Alphonse
pour garantir la libert commune. C'est ce que je voudrais
arranger, et les Mdicis
dans cette combinaison.
ne seraient
LE
pas loigns
d'entrer
BEMBO.
Pourquoi
LUCRCE.
cette table.
II.
JULES
361
Je vous expliquerai
par le menu mes ides, ce qui m'est
connu des intrts secrets et des vellits des princes... ce
que j'en devine... Nous allons en raisonner, et, de votre
beau style cicronien, vous rdigerez tout de suite un mmoire que nous enverrons la Seigneurie
cardinal Jean de Mdicis ! Le voulez-vous
de Venise et au
?
BEMBO.
pour l'arbitre
ter de meilleur ?
Travailler
MADAME
BEMBO
aimable
que
lisant.
LUCRCE.
BEMBO.
Vous n'avez pas l'air de vous apercevoir que votre pense va l'encontre des maximes rde
ptes depuis vingt ans? Savonarole voulait l'unit
ne prchait pas
votre frre, M. de Valentinois,
l'Italie;
dans
un autre thme, et le Pape Jules II est peut-tre,
Un mot encore...
LA
362
RENAISSANCE.
LUCRCE.
MADAME
ni aux Florentins,
ni
ni aux Vnitiens,
ni nous, que l'Italie soit jamais runie
aux Napolitains,
tre la
sous une seule main, car cette main ne pourrait
Il n'est utile
qu'on n'a pas su comment le hasard disposerait des choses, vous autres, avec vos entreprises d'agrandissements sur la terre ferme, les Sforza, mon frre et le
ntre. Tant
nous
avons tous
chou.
Devenir
des mendiants
cri-
BEMBO.
Votre
LUCRCE,
Et mme trs-loquemment.
LE
Mais, pensez-y
rester parpilles,
avec un sourire.
Qu'en
concluez-vous
BEMBO.
il
ne pourra
doivent
de
JULES
MADAME
Espriez-vous
Il est vident
363
LUCRECE.
srieusement
LE
II.
y russir
jamais ?
BEMBO.
que je croyais...
MADAME
LUCRCE.
Je vous
croyais
quelque
got
pour
la
BEMBO.
Ne raillez
vous m'avez
pas trop fort... J'en conviens,
comme tourdi...
Si nous ne devenons jamais libres, nous
autres Italiens, si nous devons toujours subir les caprices,
les violences
des trangers,
malheureuse
race que nous
au ciel dans nos prires, sinon
sommes, que dirons-nous
des reproches cruels et des plaintes trop justifies ?
MADAME
LUCRCE.
gale
LA
364
RENAISSANCE.
LE
BEMBO.
dans
unie, forte, dominatrice
sous la rgle et au bnfice du
je m'en accommode et j'en bni-
apostolique,
et aprs tout,
succs? Seulement
que faut-il
pour arriver au
quelques annes encore accordes
LUCRCE.
Rflplus qu'elles!...
chissez pourtant que ce sont des folies dont la ralisation
ne vous rendrait pas heureux ni personne avec vous. Il
Vous
m'aimez
n'existe
JULES
II.
365
LA
366
RENAISSANCE.
ROME
Au Vatican. La chambre coucher du Saint-Pre. Jules II, dans
son lit. Bernard de Bibbiena;
le cardinal de Sion; le dataire
Laurent Pucci.
JULES
C'est fini...
je meurs...
II.
j'ai entrepris.
BERNARD
DE
Trs-Saint
JULES
BIBBIENA.
Plus assez. Je n'ai pas termin le Vatican, ni la reconstruction de Rome, ni mon tombeau, ni rien... Mes artistes vont se disperser quand je ne serai plus l... Voil
les Mdicis
de nouveau matres dans Florence,
et je
Sforza a repris Milan...
perds la Toscane..; Maximilien
Le petit
dsordre
recommence...
Il faudra
ramener
les
Je m'teins...
UN
MDECIN.
II.
JULES
II.
367
MDECIN.
Le pouls de Sa Saintet
tte se prend.
s'affaiblit
JULES
Me voil
et la
sensiblement,
II.
clou...
RaMichel-Ange...
mais l'autre?...
Il est avec quelphal... L'un travaille...
Et le Bramante,
fait?...
qu'est-ce qu'il
que femme...
Tout se brouille dans
Alphonse de Ferrare... le tratre!...
ma tte...
On ne comprend
Saintet...
plus
LE
Ce n'est qu'une
DE
BIBBIENA.
distinctement
ce que
dit
Sa
MDECIN.
affaire de quelques
JULES
minutes.
II.
De l'esprit...
du gnie... de la vie... de la frocit... rien
Que sera la fin?
qui tienne ensemble... c'est l'Italien!...
LE
Donnez-lui
CARDINAL
SION.
gouttes fortifiantes.
quelques
JULES
DE
II,
se dressant
DE
BIBBIENA.
DE
LA
TROISIME
d'Est!
PARTIE
Chas-
QUATRIME
LON
PARTIE
24
LON
ROME
La chapelle Sixtine. D'immenses
une
chafaudages en encombrent
et sur le plafond sont commences
des
partie. Sur les murailles
acheves ; dans plusieurs
fresques. Certaines parties se montrent
le dessin apparat
nu, plus ou moins prpar. Michelendroits,
il travaille
avec ardeur.
Le Granacci assis quelAnge, debout;
au milieu
des monceaux
de
ques pas de lui sur un escabeau,
des poutres et des ustensiles
de tous
chaux, des pots de couleur,
genres.
GRANACCI.
Vos rflexions
matre.
MICHEL-ANGE.
Je ne connais
des paroles
Ce sont
GRANACCI.
Blasphme,
si vous voulez;
LA
372
RENAISSANCE.
d'autres
fabuleux
et tant d'autres,
travaillent,
l'ouvrage
MICHEL-ANGE.
Vous
tes un bavard, Granacci, et un aveugle, incapable de comprendre la mesquinerie de ce qui vous charme,
et la profonde dbilit de ces gens qui vous ravissent et
qui valent si peu.
LEON
X.
373
GRANACCI.
Alors
montrez-moi
dcid blmer
vous
puisque
tes si
tout.
MICHEL-ANGE.
vos folies,
Proposez-moi
et je
GRANACCI.
ne pleuvent
et trs-savoureuse.
MICHEL-ANGE.
Il aime
et lui
le luxe,
attire des
la
aplanir
dans le monde;
commenc
venus
leur place
et le mensonge.
GRANACCI.
Ah!
cher
matre,
comme
vous
aimez
accuser!
Ce
Jules II est le seul vrai prince que mes yeux aient conCe n'tait
des satisfactions
chartempl!
pas l'homme
LA
374
nelles.
Il ne concevait
RENAISSANCE.
et n'admettait
que l'imposant
que
prtendait
que les barbares fussent chasss de
s'il rprimait les rvoltes des barons, des Colonna,
l'Italie;
des Orsini,
il ne souffrait pas davantage
des Vitelli,
que la police de la ville ft trouble, et, de son temps...
ce qu'on n'avait vu jamais! pas un voleur, pas un coupeur de bourses n'osait risquer sa face ignoble dans les
rues de Rome!
des carrefours,
cet art-l
a plus perdu
encore!
GRANACCI.
Je ne vois
nullement
Sadolet,
A vous,
MICHEL-ANGE.
le tombeau
LEON
Elle
X.
375
restera
Crois-tu
mort-n...
GRANACCI.
J'en
prouve
les artistes,
c'est
un
mais cela
grand malheur;
que comme tous les gens qui payent
le Pape a ses fantaisies. Il aime mieux vous
conviens,
seulement
Encore un importun
!... Je vais le rembarrer de la bonne
sorte... Messire, qui que vous soyez, ne prenez pas la
peine de grimper cette chelle. Outre qu'elle est rude et
peu solide,
MACHIAVEL,
levant
Trs-excellent
seigneur
vous pas un ancien ami,
venir vous embrasser?
MICHEL-ANGE,
C'est le seigneur
vous voil.
Vous
la voix
Michel-Ange,
compagnon
regardant
Nicolas
du bas de la chapelle.
du haut
ne permettrezet compatriote,
de
de l'chafaudage.
Machiavel...
Montez,
mon travail,
puisque
souffrirez,
je pense, que je continue
et vous vous pargnerez, ainsi qu' moi, les
compliments
oiseux.
MACHIAVEL.
D'o venez-vous?
je connais
votre
LA
376
RENAISSANCE.
MACHIAVEL.
De Florence...
Je sors de prison;
prendre.
GRANACCI.
En effet...
dans la conspira-
MACHIAVEL.
Par suite
de la calomnie
dvou de la maison
Dvou?...
Hum!...
Je vous en
dvou!...
flicite...
levant
les paules.
de jeunesse.
MACHIAVEL.
Peut-tre
avez-vous
Ainsi
vous
LEON
X.
377
sous la phy-
MACHIAVEL.
Ce serait
bien
de l'honneur
pour moi. En saine thologie, nous devons croire que les plus madrs de tous les
diables travaillant
la gloire de l'enfer ont
aujourd'hui
t, leurs dbuts,
plus loin que le bout
vertis?
L'exprience.
comme Granacci,
comme tant d'autres, la possibilit
de
vivre Florence en gardant l'honntet.
Ce fut un grand
malheur pour moi, et je me suis prpar l une boisson de
disgrce dont, de temps en temps, il me faut avaler des
ce que je viens de faire. Nangorges. C'est justement
acte de ma Mandrale troisime
moins, j'ai termin
gore.
MICHEL-ANGE.
moi-
les jambes
et
LA
378
RENAISSANCE.
Un
dans l'excution,
le gnie dans l'agencement,
assurer le succs, M. de Valentinois
aurait,
sans nul
doute,
notre avenir.
fond un royaume
italien
et dtermin
MICHEL-ANGE.
Dieu le Pre.
MACHIAVEL.
C'est vrai.
MACHIAVEL.
Il n'avait,
LEON
X.
379
MACHIAVEL.
Soit ! Il n'en reste pas moins vrai que le monde continue tourner et s'accommode de ce qu'il trouve. C'est
des sots. Sforza de Milan
le triomphe
ne
aujourd'hui
vaut pas une noix creuse ; Frgose, Gnes, est un intrigant de bas tage, la trahison dans la main, l'oreille tous
ne visant ni haut ni loin. Francesco-Maria
les bruits,
un pauvre plagiaire de M. de Valentinois,
donne
d'Urbin,
le coup de dague aussi lestement, mais c'est tout; il vacillera sur ses jambes jusqu' ce qu'il tombe; les Mdicis
de Florence
ne dureraient
prendre
au del de la rgion
l'atmosphre
rien ne demeure en
moyenne ; de sorte qu'en dfinitive
Italie que trois puissances : le Pape, les Franais et les
pour
s'lever
destines
dans
Espagnols.
MICHEL-ANGE.
Je vous
entends
discourir
satisfaction.
Je vous le rpte, j'ai appris mes dpens que si l'asne l'est gure davantrologie est peu sre, la politique
tage. Je ne tiens pas jouer au prophte. En ce qui est
des Franais, les voil, pour le moment, mats, chasss;
sauf la citadelle de Milan et trois ou quatre bicoques, ils
ont perdu
Leur
nouveau
roi,
M. d'An-
LA
380
RENAISSANCE.
mieux
! Je suis
vaniteux.
Ils
Tant
criards
que pensez-vous
bon
Florentin
et dteste
ces
n'ont
ni
jamais t franchement
ni avec le parti contraire.
Maintedes Espagnols
MACHIAVEL.
Leur
roi
Charles
est tout
il
ses intrts,
un peu diligemment
lui faudra passer sa vie courir d'un lieu un autre.
Encore ne lui sera-t-il pas facile d'arriver toujours temps.
Bruges, il a besoin de la
Pour se rendre de Valladolid
beaux
veut
soigner
LEON
X.
381
ne
ni
MACHIAVEL.
Avec
ces deux
que les
GRANACCI.
avez raison.
MACHIAVEL.
pour le moment, celui qui est le plus prs de tout possder ici, c'est le Pape.
MICHEL-ANGE.
LA
382
RENAISSANCE.
MACHIAVEL.
Ni
moi
grand
comme
et avec tant
Il
MACHIAVEL.
Pardonnez-moi.
Tout
considr,
les vnements
s'ar-
LEON
X.
383
Il
reprendra
Naples,
d'Espagne qui ne sait
pourra manquer, tant
contre
les flancs de la
et le gardera
MICHEL-ANGE.
D'une certaine
pas.
MACHIAVEL.
L'Italie
n'a
Ni moi non plus. Je sens et sais pourquoi!
cet
qu'aujourd'hui.
Cependant,
jamais t si brillante
clat n'est pas pur. Il y a trop de vices, trop de corruption, et si nous tombons dans les mains du plus corrompu
de tous les pouvoirs et la discrtion de la cour la plus
sera sans doute dlivre de
rapace qui fut jamais, l'Italie
en un faisceau ; mais,
d'annes, on la verra aussi puise moralement
Les moines et les prtres l'auront
siquement.
l'tranger
et rassemble
n'en jamais
avant peu
que phynerve
revenir.
MICHEL-ANGE.
LA
384
RENAISSANCE.
souhaite
En rsum,
nous voil
MACHIAVEL.
GRANACCI.
matre
d'tre n dans un pareil temps. Quand je cause avec quelqu'un, il m'arrive de ne pas prendre garde ce qu'il me
et
je considre les traits de mon interlocuteur,
rplique;
je me dis : Voil un personnage dont le nom restera sur
quelque page de l'histoire ! Je sens un parfum d'ambroisie
et d'immortalit
dans les airs ; je le respire de tout mon
Partout
pouvoir.
j'admire,
je me rjouis, et vous, vous
venez l'un
et l'autre
385
X.
LEON
une demi-douzaine
d'cus, je n'aurais pas de quoi dner.
J'en reste sur ce dernier mot, et, l-dessus, matre Michelje vous quitte,
Ange, et vous, mon aimable Granacci,
heureux de vous avoir vus et vous souhaitant tous deux
le maintien
de votre sant.
MICHEL-ANGE.
matre
Adieu,
Mandragore
SUR
LE
MONTE
finir
la
PINCIO
Au milieu
toile
de mon
Vos
regards
Vos
lvres
Votre
Vos
front
cheveux
ciel,
GARON.
divine
enchanteresse,
pur
que
l'bne
l'aurore
du jour,
arrondit
chaque
tour
admirs
main,
pied, votre
les plus
Ce corps dont les sculpteurs
moindre
d copier jusqu'au
Auraient
Votre
II.
tresse,
tour,
fiers
de la Grce
contour,
2 5
LA
386
RENAISSANCE.
en riant;
JEUNE
FILLE.
LE
GARON.
JEUNE
Vous,
moindre
raconter
vous
et
FILLE.
votre rcompense
c'est pour
assurment,
JEUNE
sur la tte.
FILLE.
milio,
coute.
MILIO.
TOUS,
Allons,
pas d'excuses,
des mains.
racontez,
racontez !
MILIO.
Puisqu'il
le faut,
sachez donc
qu'autrefois
vivait
LEON
Vrone un vieux
X.
nomm
marchand,
387
Passent
se promenant
bourgeois
PREMIER
continue.
cte cte.
BOURGEOIS.
Je suis parfaitement
sr de ce que j'avance.
Mon fils
Giulio n'a que dix ans, et il sera une des lumires
du
sicle. C'est l'opinion
du Frre Philippe.
Il ne s'en cache
pas et le rpte tous ceux qu'il rencontre.
DEUXIME
Mon
BOURGEOIS.
fils
neuf
ans et huit
jours,
: Messire
cela, messire
PREMIER
Pompeo, votre
Annibal
?
fils...
me
Com-
BOURGEOIS.
du sicle !
DEUXIME
C'est exactement
et le Pre Roberto
BOURGEOIS.
BOURGEOIS.
PREMIER
Le
Frre
Philippe
BOURGEOIS.
est le
confesseur
de
ma
femme,
388
LA
RENAISSANCE.
C'est absolument
comme
BOURGEOIS.
chez nous.
Quand je me suis
mari, le Pre Roberto tait dj comme le matre de la
maison. Ma femme n'achterait pas un oeuf avant d'avoir
demand
n'tait
BOURGEOIS.
BOURGEOIS.
tout fait!
Pardonnez-moi,
je vous dsapprouve
Pre Roberto lverait les paules s'il vous entendait.
PREMIER
Le
BOURGEOIS.
Et le Frre
fils devnt
mettrait
marchand
ou notaire.
au comble de la fureur
TROISIME
BOURGEOIS.
X.
LON
PREMIER
Ce sont
389
BOURGEOIS.
de sagesse. Mon
fils
sera
peintre.
DEUXIME
BOURGEOIS.
sera sculpteur.
monde.
BOURGEOIS.
TROISIME
BOURGEOIS.
je vous prie,
BOURGEOIS.
TROISIME
Eh bien ! je regarde !
PREMIER
BOURGEOIS.
Que voyez-vous?
DEUXIME
Ah!
oui...
Tiens!...
BOURGEOIS.
c'est
vrai!...
Dites-nous,
que
voyez-vous?
TROISIME
Je ne vois rien...
chevaux
richement
l dedans?
PREMIER
Vous prenez
BOURGEOIS.
ces gens-l
BOURGEOIS.
pour
des seigneurs?
Essuyez
LA
390
RENAISSANCE.
Marc-Antoine
Rai-
DEUXIME
BOURGEOIS.
Savez-vous
BOURGEOIS.
une cathdrale,
PREMIER
on me mettrait
dans
BOURGEOIS.
C'est uniquement
vous manque.
parce que l'habitude
Le Pre Philippe
m'a rpt cent fois que si, dans ma
jeunesse, on me l'avait
d'aussi gros bonshommes
narotti
lui-mme.
DEUXIME
C'est
BOURGEOIS.
et
sera sculpteur
dnera
Il n'est pas un pre de famille un
peu sens qui ne considre aujourd'hui
les choses comme
parfaitement
chez le Pape.
exact.
Mon
fils
LEON
X.
391
et un moine augustin
Assis sous un arbre, deux Dominicains
; passent
et riant,
monts
causant
sur des mules magnifideux cardinaux
ct d'eux,
sur un gent d'Espagne,
un
harnaches;
quement
vtu de velours noir;
force gentilshommes
servants
noble vnitien
avec de belles livres.
et domestiques
PREMIER
Je ne connais
DOMINICAIN.
seigneurs.
Savez-
Vraiment,
et le cardinal
vous ne connaissez
Bibbiena?
Je serais curieux
DOMINICAIN.
de savoir
leurs chapeaux.
L'AUGUSTIN.
Le premier,
mon Pre, il faut lui rendre cette justice,
n'a du moins pas fait grand mal. Il est bon latiniste;
on
admire les rondeurs de sa phrase latine presque l'gal
des lgances du Bembo.
qu'on le laisse s'amuser,
PREMIER
Le Bibbiena,
et sans fiel;
Bonhomme
il ne nuit personne.
pourvu
DOMINICAIN.
je le connais
LA
392
instruits
RENAISSANCE.
m'en
d'tat
DOMINICAIN.
l'office !
L'AUGUSTIN.
mon Rvrend Pre, c'est prcisment
Pardonnez-moi,
ce qu'ils vont faire. Ils vont chanter l'office...
Je dis leur
office. Une brillante assemble de beaux esprits, de potes,
de dames, de prlats et de seigneurs se runit
chez le banquier de Sienne, Augustin
aujourd'hui
Chigi;
et l, on se propose de clbrer un sacrifice la desse
du laitage,
des fleurs, des
Vnus, avec des colombes,
d'artistes,
Merino,
que l'on vient de faire archevque de Bari
pour l'excellence de sa voix, chantera les podes et jouera
LEON
X.
393
est en marbre
Le festin,
dance et d'une
gourmands
crmonie,
maintenant
conclusion
c'est Girolamo
Santa-
a produit
une merde la fte, sera d'une abon-
somptuosit
dignes des plus insignes
de l'antiquit.
Lon X doit tre prsent la
mais
DOMINICAIN.
ce qui
la foi.
est honnte,
et je ne sais ce que va
L'AUGUSTIN.
et qui,
l'toile
nanmoins,
SECOND
obscurcie
plu-
DOMINICAIN.
L'clips,
j'en ai peur, durera des temps bien longs.
Notre Pre Savonarole a voulu combattre le flau ; il y a
l o ce grand saint a trouv la
pri. Qui triompherait
dfaite?
LA
394
RENAISSANCE.
L'AUGUSTIN.
Il ne faut pas se
beaucoup
plus petit.
dcourager ; il ne faut pas cesser la lutte. Le bien ne doit,
pas se taire devant le mal.
Peut-tre
un
PREMIER
Et,
pourtant,
heureux,
personne
il se tait.
DOMINICAIN.
la mort
Depuis
de notre
bien-
l'emporte.
L'AUGUSTIN.
scurit.
SECOND
Avant
de nous
esprances
rien
DOMINICAIN.
dire,
semblez
que vous
je vous prie,
et comme
vouloir
ceux-ci
Si je ne me trompe,
on entend
s'accompagnent?
un de ces infmes religieux clbrer, en rimes aussi grossires que lui-mme,
les mrites du vin de Montefiascone.
L'AUGUSTIN.
du mal rapproche
coutez-moi.
L'excs
SECOND
Mon
l'instant
de la revendication.
DOMINICAIN.
l'esprance.
L'AUGUSTIN.
de singulires
lettres
de
LEON
PREMIER
Qu'est-il
X.
395
DOMINICAIN.
arriv?
L'AUGUSTIN.
Dans
ville
vante)
notre
maison
de Germanie
vit
de Wittenberg
(c'est une grande
o se tient une universit
assez sa-
un docteur,
un certain dom Martin Luther,
en droit canon, un des hommes les plus verss
professeur
dans les saintes lettres que l'on connaisse notre poque.
Ce grand personnage vient de s'lever publiquement
et
avec un courage admirable
contre la vente des indulgences, et, ce qui est fort srieux, il a si doctement cit
les textes et tellement mu ses auditeurs par la hardiesse
de son langage, au sujet des perversits dont nous gmissions tout l'heure, que ses collgues, d'abord, le peuple
leur suite et, ce qui est bien grave, Sa Grce lectorale
le duc de Saxe, se sont mis sous sa conduite.
je voulais vous confier.
PREMIER
Voil
ce que
DOMINICAIN.
collecteurs
Est-ce que les Franciscains,
indulgences, n'ont pas rclam ici ?
du produit
des
L'AUGUSTIN.
Ils l'ont
fait.
soutenu
notre
Pontife,
qu'il pourra
ces esprances me font tressaillir.
PREMIER
Puissiez-vous
Saint-Augustin
l'amener
rflexion,
et
DOMINICAIN.
chers fils de
vos efforts,
! Les liens les plus troits nous unissent
russir
dans
LA
396
RENAISSANCE.
de notre
l'inspirateur
funeste de Savonarole,
saint Thomas,
il nous faut
martyris
par les gens de Saint-Franois,
voir
votre digne Luther
en butte aux malices de ces
mmes perscuteurs,
nos coeurs souffrijugez combien
vous!
ront
glorieux
pre fut
et si, aprs la mort
Votre
l'unisson
des vtres !
SECOND
DOMINICAIN.
Non,
Pre!
ne vous
abandonnez
en songeant
qu'au
moins
L'AUGUSTIN.
Le sang de votre
martyr
PREMIER
L'Anglus
sonne !
L'AUGUSTIN.
comme
Prions
demander
trs-sainte
nous soit
peuple
donne,
chrtien !
Les trois
moines
car,
se mettent
sans ce remde,
genoux
et restent
absorbs
du
LON
X.
397
MILAN
orne de bahuts sculpts,
Le palais ducal. Une salle richement
de
de vases d'or et d'argent;
assis une table somptueuse,
panoplies,
le roi Franois
de son amie
Ier,. en compagnie
soupe gaiement
de Florimond
de Clment Marot,
madame Marie Gaudin,
Robertet,
avec M. de Piennes,
M. de Lautrec
et quelques
autres courtisans.
Des cuyers tranchants,
des pages la livre royale,
circulent
de
ct et d'autre,
les plats aux convives et servant boire.
prsentant
LE
ROI.
Je bois l'invincible
DE LAUTREC
Mars,
LE
au chevalier
des chevaliers
ROI.
Lautrec.
les temps sont autres; je
Merci,
D'ailleurs,
ne veux plus qu'on nous traite, nous autres Franais, de
barbares et d'ignorants.
ne pourrions-nous,
Pourquoi
tout
aussi
bien
que
ces gens
de belles habitudes,
vulgaires et nous accoutumer
prendre
CLMENT
Savoir
une raison
mener
de ce ct des monts,
les faons
nous interdire
l'tude
des lettres?
MAROT.
LA
398
RENAISSANCE.
LE
ROI.
nous aurons
Assurment;
mais, foi de gentilhomme!
du mal faire pntrer cette vrit dans les cerveaux pais
de nos compagnons.
Sauf vous autres, ici runis ce soir,
et quelque
de butors
d'autant
me le disait l'autre
soir,
et il n'avait
FLORIMOND
pas tort.
ROBERTET.
Il n'avait
que trop raison. Votre Majest a-t-elle remarqu le sourire qui a pass sur les lvres de madame la
duchesse de Ferrare, quand vous lui avez prsent, l'autre
jour, ce seigneur de Picardie,
empress lui raconter
le saint Maclou de l'glise de son village tait
pourquoi
beau que le chef-d'oeuvre
bien autrement
de Ghiberti,
offert notre admiration ? Mort-Dieu
! s'cria ce brave
soudard
Maclou
sa moustache,
notre monsieur
saint
peint en couleur de la tte aux pieds, et
en tordant
est tout
votre figure
pierre blanche !
LE ROI.
Je t'avoue, Robertet, qu'en entendant ces paroles et en
voyant la mine de madame Lucrce, je me suis senti roujusqu'aux
yeux. En vrit, nous ne sommes que des
ignares! Mais je changerai tout cela! Foi de gentilhomme!
et
j'entends
que France devienne aussi belle qu'Italie
gir
non moins
dans
LON
X.
399
de nos vieilles
cath-
belles
Dieu!
demi-voix.
GAUDIN,
Sire,
comme Votre
LE
ROI.
Flatteuse!...
qu'on
Tremblez,
Sire,
c'tait
Alors,
GAUDIN.
un ennemi
LE
Je vous le dis...
de Saint-Jean.
ROI.
Ce brave
Vous
prtendez
dangereux...
grande?
Qui
GAUDIN.
Un chevalier
LE
des infidles
ROI.
si bien atourn
de visiter
les
GAUDIN.
LA
400
RENAISSANCE.
LE
ROI.
Foi de gentilhomme!
MARIE
GAUDIN.
de Lautrec!...
Monsieur
LE
Dieu me damne,
Le
ROI.
si je suis jaloux !
M.
On pourrait
l'envers.
DE
l'tre pour
LAUTREC
une moins
MARIE
belle cause.
GAUDIN.
ROI.
GAUDIN.
ROI.
De la part de qui ?
MARIE
GAUDIN,
riant.
Voil
DE
PIENNES.
d'inquitude.
indiscret
raconter ?
LEON
LE
Du
X.
401
ROI.
Je me soucie autant
de l'en-
GAUDIN.
dans sa main
un papier
qu'elle
agite en l'air.
TOUS
LES
la fois.
CONVIVES,
Voyons ! voyons !
LE
prenant
ROI,
la bote.
Vous permettez bien, messieurs, que je regarde le premier? J'y suis un peu intress, ce me semble,
et me
montre dbonnaire.
Pour commencer,
l'crin
est charmant...
ivoire
GAUDIN.
Ouvrez,
LE
J'obis...
Non!
non!
Ah!
Ventre
on vous le permet!
ROI.
Mahom!
C'est
trs-galant!...
faut l'avouer!
non!...
C'est trs-galant,
il
Il
n'y a que les Italiens pour faire les choses de cette faon
et offrir les prsents aux dames d'une manire si fine!
messieurs!
c'est le portrait
Considrez,
entour de gros diamants.
II.
26
du
Saint-Pre
LA
402
RENAISSANCE.
MARIE
GAUDIN.
mais
au portrait;
bronze non plus pour la monture.
Je suis sensible
CLMENT
Soyez certaine,
mon
servent,
quoi
pas de
MAROT.
madame,
prvu!
ROBERTET.
FLORIMOND
je ne suis
Dieu,
les lumires
du
Saint-
Esprit?
LE
C'tait
ROI.
le chevalier
l ce qu'apportait
MARIE
de Saint-Jean
GAUDIN.
ne
Vous mriteriez-qu'on
que voici...
vous le donne pas... Vous n'avez pas mme daign tre
inquiet une minute!
Avec
le billet
LE
Est-ce
qu'on
mal de croire
ROI.
la loyaut
aveuglment
de ce
aime?
MARIE
GAUDIN
A noble
ROI,
ouvrant
de
le billet.
et illustre
Il aurait
pu se dispenser
GAUDIN.
de ce dernier
point.
LEON
LE
X.
403
ROI.
grand'chose.
MARIE
GAUDIN.
les diamants
CLMENT
Hlas ! madame,
moins
bien
n'est-
MAROT.
Veux-tu
sont beaux,
ROI.
te taire,
notre pauvre
serpent?...
Enfin,
au moyen des plus ravisPape cherche raccommoder,
santes mains qui soient au monde, les mailles rompues de
son filet...
Il sait que ces petits doigts-l
tiennent
mes
bras captifs.
MARIE
Vrai?
ont
GAUDIN.
tant
battu
de
l'pe,
l'autre
jour, Marignan?
LE
ROI.
Oui, ce seul petit doigt que je baise avec votre permission pourrait
me mettre plus vite bas et mieux que la
hallebarde des cantons suisses, et pourtant...
MARIE
GAUDIN.
de mon paladin
Et pourtant
j'attends de la courtoisie
qu'il ne voudra pas dsavouer ce que j'ai dclar ce matin
l'envoy du Saint-Pre.
LE
Qu'avez-vous
ROI.
me faites peur.
LA
404
RENAISSANCE.
GAUDIN.
MARIE
: Monsieur,
si le
se sentait disRoi, dans son respect filial pour l'glise,
au voeu du Pape et lui rendre
pos condescendre
ce quoi son prdcesseur, le roi
Parme et Plaisance,
J'ai dit
de Saint-Jean
au chevalier
les reprendre,
et il est parti
CONVIVES.
LES
Trs-bien
rpondu
! trs-bien
agi ! Vive
madame
Marie
Gaudin!
LE
ROI,
tout
bas.
MARIE
GAUDIN.
ROI.
Andr
il
aura
del Sarto
connais-
d'Espagne,
LON
X.
405
la haute
en Italie;
je lui tordrai.le
un renom d'aimer les savants
main
MAROT.
ROI.
GAUDIN.
Vive le Roi !
TOUS.
Vive le Roi !
LE
ROI.
LA
406
RENAISSANCE.
FLORIMOND
ROBERTET.
LE
Nous
l'avons
vu!
ROI.
aucun
J'aime
LAUTREC
mieux
ses serviteurs
DE
mais
voir
FLORIMOND
Pas un homme
raisonnable
MARIE
ROBERTET.
ne pense autrement.
GAUDIN.
non plus.
ROI.
de gentilhomme!
nous sommes tout aussi bons
pour faire sauter les cus de mes peuples que les Borgia,
les Rovre ou les Mdicis ! Mais savez-vous que les Alleaussi se fcher tout rouge contre
mands commencent
Je suis curieux de savoir ce
les collecteurs pontificaux?
de Witque pense mon frre Charles des remuements
Foi
tenberg !
M.
DE
LAUTREC.
LEON
LE
Je ne serais nullement
X.
ROI.
fch de voir
407
l'glise
ramene
par l'vangile.
GAUDIN.
ROI.
Foi de gentilhomme!
je ne garderais jamais
moi ! Tout vous, ma belle ! et mes amis !
MARIE
rien
pour
GAUDIN.
et mille
annes ! et davantage!
LA
408
RENAISSANCE.
ROME
Lon X assis
le
Une salle dans le Vatican.
prs d'une fentre;
de Bibbiena,
le cardinal Bembo, le cardinal Sadolet. Dans
cardinal
le fond de la salle, prs de la porte, le seigneur Charles de Maltitz,
gentilhomme
saxon, attendant
qu'il lui soit dit d'approcher.
LON
Je me mlerai
moi-mme
X.
de cette
affaire
de Witten-
eux.
Il
a de l'esprit,
du savoir, de la raison.
Il
m'a crit sur le ton le plus convenable,
et je le soutiendrai contre les Tetzel,
les Eccius, et cette bande de fanatiques ridicules ! De telles gens voudraient
en Allemagne!
Je ne l'entends pas ainsi !
mettre
le feu
BIBBIENA.
Votre
Saintet
de la justice
et
de l'-propos.
LON
X.
l'argent
qu'il
reliNos
nous
SADOLET.
Si les prdcesseurs
de Votre
Saintet
avaient
toujours
LON
X.
409
LON
Et,
surtout,
celle de Savonarole.
Soyez-en sr, je ne
la recommence.
Ce Frre Jrme,
admirable.
X.
J'prouve le dgot le plus complet pour les susceptibilits de couvent et de sacristie. Le Pape est un grand
dans quelques
prince, ne perdez pas de vue cette vrit;
annes, il n'y aura sur la terre, en fait de puissances,
les rois de France et d'Angleterre,
que lui, l'Empereur,
et le Turc. Les autres souverains ne seront que de riches
Il importe donc que le Pape ne
seigneurs sans autorit.
dirige plus sa conduite d'aprs les avis et les prventions
des moines. Dites M. de Maltitz d'approcher.
SADOLET.
Approchez,
demande !
seigneur
LE
de Maltitz,
SEIGNEUR
DE
Seigneur
X,
faisant
de Maltitz,
sur lui
nous
vous
MALTITZ.
Sa Saintet
le signe
et sollicite
la faveur
de la croix.
sommes
d'anciennes
con-
LA
410
RENAISSANCE.
de l'glise m'ont
et de votre fidlit, des rapports si avantageux que, dans
une occasion importante
comme celle dont je vais vous
raux
entretenir,
je n'ai pas jug convenable
autre dvouement que le vtre.
LE
Trs-Saint
Pre,
tous mes mrites.
SEIGNEUR
DE
ce moment
LON
d'employer
un
MALTITZ.
me rcompense
au del de
X.
il me
que je vais vous donner,
faut un homme de guerre et, en mme temps, un courtisan dli et un savant. Je rencontre ces trois personnages
Pour
en vous,
la commission
Ce que je puis
Saintet.
SEIGNEUR
DE
MALTITZ.
est assurment
LON
au
service
de Votre
X.
LON
X.
411
se fasse aisment.
le bon
continuent
Il
nuire
ne
la
mon
L'lecteur,
d'une reconnaissance
SEIGNEUR
sera
matre,
sans bornes.
LON
Ne manquez
dom Martinus,
ni
querelles,
Pre est instruit
opinions
docteurs
tout
MALTITZ.
DE
certainement
pntr
X.
ainsi que
pas de le persuader fortement,
que je n'entends pas soulever de sottes
de controverses
malsonnantes.
Le Saint-
blme.
Arrangeons
dans un esprit de charit
LE
nos dissentiments
sans bruit
et
mutuelle.
SEIGNEUR
DE
MALTITZ.
les
est probable qu'en s'y prenant de cette faon,
difficults vont tomber. Votre Saintet souffle dessus avec
Il
tant de douceur
que la moindre
irritation
ne saurait
tenir.
LON X.
Cardinal
Sadolet,
sur cette table.
donnez-moi
SADOLET.
Les voici,
Trs-Saint
Pre.
LA
412
RENAISSANCE.
LON
Je vous
les remets,
X.
de Maltitz.
seigneur
L'une
est
Ils mritent
SEIGNEUR
peut-tre
DE
dont il convienne
MALTITZ.
un tel honneur
envers le Saint-Sige
apostolique
votre personne sacre.
X.
LON
ne s'y trompent.
Sans doute, on a un
et surtout,
dans
peu abus de la vente des indulgences,
la faon dont on procde, je ne serais pas surpris qu'il se
ft gliss des irrgularits.
Qu'on me propose les remdes
et je suis prt les appliquer.
convenables,
L'important,
c'est que l'argent dont la Chambre apostolique
ne saurait
et ne voudrait
naire.
se passer nous
Les moyens
LE
importent
SEIGNEUR
arrive
ici
comme
d'ordi-
peu.
DE
MALTITZ.
X.
LEON
X.
413
les embarras
srieux
commenceraient.
sincrit,
Autant je suis facile pour les autres questions,
autant,
on me trouverait
Vous avez
rigoureux.
pour celle-l,
avec
tre diminus
sans amener
pays chrtiens ne sauraient
dont il est de mon honneur
des inconvnients
de ne pas
Ainsi donc,
grever l'glise.
dispos rester conciliant
Je sollicit
voil
de Maltitz.
SEIGNEUR
la bndiction
DE
MALTITZ.
de Votre Saintet.
Il s'agenouille
LON
X,
Benedico
levant
la main
droite
et faisant
te in nomine...
Je vous
enverrai
d'excellent
vin de Sicile
Maltitz.
Et vous,
petit concert.
ensemble aujourd'hui?
LE
J'en meurs
d'envie,
CARDINAL
est excellente;
pas
BEMBO.
Trs-Saint
LON
Suivez-moi
ne chasserons-nous
Bembo,
Pre.
X.
Cher Maltitz,
vous comprenez que nous ne tenons
ce que l'argent arrive par la route des indulgences
pas
; ou
LA
414
RENAISSANCE.
mais rappelez-vous
autrement;
qu'en tout tat de cause,
nous ne voulons que l'argent,
nous voulons l'argent,
et
il ne faut pas aller s'imaginer
que nous cderons une
obole de cet argent.
LE
Je suis
ne tienne
SEIGNEUR
DE
MALTITZ.
un
peu embarrass,
craignant
que l'lecteur
comme vous cette question plus qu' toutes
les autres.
BIBBIENA.
Mon
SEIGNEUR
DE
MALTITZ.
rvrendisAdieu,
simes seigneurs ; il me faut achever mes prparatifs polir
me mettre en route demain matin.
Je vous baise les
mains,
loquence
et me recommande
S'il allait
Il est difficile
qu'il
y russisse.
tout
craque
lever notre
difice
Du
reste,
Et,
cependant,
jusqu'au ciel.
nous
travaillons
BIBBIENA.
de notre
mieux
LEON
X.
415
et, chaque
gent, de gros blocs d'argent,
est plus poignant.
de ces matriaux
jour,
le besoin
BIBBIENA.
extraire.
montent,
murmurent
et
montent!
montent,
Bourgeois et paysans
et le commerce
menacent. On les rduit la mendicit,
tourment
s'teint.
Les privilges
des villes sont atta-
nous
qus , et travers les fissures que nous pratiquons,
allongeons tous les doigts des deux mains pour nous emNous vendons les offices,
parer du peu qui se trouve.
nous vendons les cures, nous vendons les vchs, nous
vendons les patriarcats,
nous vendons
le cardinalat ;
nous inventons
ont
SADOLET.
on a battu
monnaie
de cette lugubre
sur
quipe.
BIBBIENA.
Les trente-quatre
la suite de cette affaire, sous prtexte
faites
promotions
de nous procurer
LA
416
Nous
regardons
RENAISSANCE.
l'embarras
du moment,
et, malgr
tranchons le mot, de
tant de fatigues, de proccupations,
nous ne russissons pas
rapines, rien ne nous suffit,
combler le vide, et chaque jour qui passe nous pousse
dans une plus lamentable misre. Force nous est de crier
l'aide; notre indigence nous harcle, nous
piteusement
crase; nous savons de moins en moins comment en sortir,
et, soyez-en bien persuad! nous finirons par nous attirer
violente
protestation
va nous ahurir d'un toile
une
de la chrtient
indigne;
on
universel
; les gouvernements,
grands et petits, nous feront entendre cet arrt suprme
vous n'aurez plus rien!
c'est assez nous appauvrir,
SADOLET.
On
pour
se demande
dvorer
dj
la sub-
BIBBIENA.
Ils servent
la glorification
et
aussi, convenez-en,
de la mollesse, du vice et de la perversit.
l'engraissement
BIBBIENA.
Je l'admets;
mais il n'est pas d'toffe sans un envers.
Toute socit cultive est une socit corrompue.
Faut-il,
LON
X.
417
la barbarie? Celle-ci,
peut-tre,
pour cela retournera
est insensible aux agaceries payes des belles courtisanes ;
de guerre, et
mais elle ouvre le ventre aux prisonniers
de sang la figure hideuse de ses idoles... Pardonnez-moi
si j'interromps
ici notre entretien. J'ai donn
barbouille
rendez-vous
cher Raphal;
je veux le
gronder sur un certain chapitre. Si vous n'avez pas d'occupation bien pressante, vous viendrez avec moi et joindrez votre morale la mienne. Qu'en dites-vous?
SADOLET.
Volontiers,
mon ami;
descendons.
Considrez
ce bariolage
de figures et de costumes !
SADOLET.
II.
27
LA
418
RENAISSANCE.
ni leur rapacit.
orgueil,
se considre comme un petit roi.
leur
d'entre
Le dernier
eux
SADOLET.
tranant
l'pe,
raillant
et
BIBBIENA.
qu'
moiti
ivres,
SADOLET.
aussi vivant!
SADOLET.
Je me demande combien
LEON
X.
419
d'origine
BIBBIENA.
des mois.
SADOLET.
Il ne s'en doute
prouvent
conventionnels,
superstitions
serves du paganisme
met bien
du temps
BIBBIENA.
cette
Je vous en prie, accordez donc votre bndiction
vieille femme genoux qui vous prsente ses deux enfants !
SADOLET.
Volontiers!...
monde...
Qu'on
Elle
lui
LA
420
savants
nous
engouement
RENAISSANCE.
occasionnent
immodr
pour
un
mal
extrme
avec
leur
le pass.
BIBBIENA.
il faut en convenir
Vous avez raison; cependant,
: le
et quant celui des Dcrstyle des Pres est pitoyable,
il me couvre de confusion.
tales, franchement,
SADOLET.
rons du matin
pas du tout?
BIBBIENA.
Savez-vous
un remde?
SADOLET.
Le
Il y a des maladies qui viennent
du temprament.
de l'glise
est de vivre d'abus. Il faudrait
temprament
! et de si profondes ! Je me suppose rforet consentant
me faire tapissier
mateur
comme saint
Paul, pour souper d'un oignon cru dans une taverne sale!
tant de rformes
BIBBIENA
souriant.
Jugez
autant,
ce que rpondraient
Lon X et chacun
la proposition
d'en
de nos rvrendissimes
faire
col-
LEON
X.
421
des anachortes
de la Thbade,
successeurs des
honntes Corybantes et de tous les Isiaques qui se sont plu
se fouetter eux-mmes depuis que le monde est monde,
cela sert plus
en porphyre,
tard
de raison
en
marbre,
et faire en son honneur
d'admirables
homme,
peintures,
des statues de beaut merveilleuse,
crer de
et, finalement,
riches bnfices pour des ecclsiastiques qui n'ont rien
de commun
avec leur saint. Mais d'autres rsultats? Je
n'en peux pas apercevoir.
BIBBIENA.
LA
422
RENAISSANCE.
de surprises amusantes ! Et
voil les Franais qui prennent comme nous l'amour des
ce
Charles-Quint,
arts, et le nouveau Csar germanique,
jeune homme dont on ne sait rien encore, comme il est
pleine
curieux
d'observer
L'OFFICIER INTERPELL.
c'est un voleur ! Les
Monseigneur
rvrendissime,
sbires le poursuivent,
et il cherche s'chapper...
Nous le
tenons !
SADOLET.
Laissez-le
Arrtons-nous.
Raphal.
RAPHAL,
suivi
Excellences
de
lves et de serviteurs,
quelques
les deux cardinaux.
rvrendissimes,
s'approche
et salue
BIBBIENA.
Salut,
je suis charm
de te voir.
SADOLET.
Salut,
cher matre,
donnez-moi
la main.
Les cardinaux
mettent pied terre. Ils entrent dans le palais,
des compliments.
Raphal les suit, et, en causant tous trois,
le large escalier. Leur suite s'arrte dans une vaste galerie ;
dans une salle, orne de peintures
et
plus loin et entrent
avec d'immenses
portires en toffes du Levant.
changeant
ils montent
ils poussent
de dorures,
LEON
X.
423
BIBBIENA.
Mon
ami,
Assieds-toi,
bouret ; tu viens ici pour tre chapitr.
souriant.
RAPHAL,
d'hier
de votre billet...
Est-ce
confrres?
BIBBIENA.
Qu'est-ce
des Aptres et prtendaient que saint Pierre et saint Paul taient trop rouges.
Je leur ai rpondu qu'ils ne pouvaient
tre autrement,
voyant l'glise gouverne comme elle l'est. Je vous assure
Ils taient
devant
mon tableau
seigneurs
sont partis
sans en demander
da-
vantage.
BIBBIENA
Vous
entendez?
Sadolet.
C'est le commentaire
notre conver-
Maintenant,
Raphal, il s'agit d'autres affaires...
de tes intrts,
mon enfant ! Le cardinal Sadolet te veut
sation.
et nous pouvons
parler ouver-
RAPHAL.
et l'autre,
vous me comblez de bonts. Je serais
le dernier des ingrats si je le mconnaissais.
L'un
BIBBIENA.
LA
424
RENAISSANCE.
devant
unique.
toi,
solide,
sereine , calme et telle qu'il te la faut pour produire librement les chefs-d'oeuvre qu'on est en droit de te demander,
SADOLET.
et Michel-Ange,
Horace fait les Dioscures
Toi
on
peut
: Lucida
vous
appeler
comme
sidra.
RAPHAL.
Batrice...
N'en
parle pas...
RAPHAL.
il m'ennoblit.
Cette crature adore m'a
S'il m'afflige,
fait ce bien de me donner connatre ce que l'affection la
LON
X.
425
et de bont;
plus noble peut atteindre de dsintressement
elle m'envoie encore ce ressentiment
du sein de la mort,
source pure que je n'aurais
d'une cleste mlancolie,
d'un
jamais connue sans elle. Sa mmoire
m'enveloppe
voile de crpe dont les plis n'ont rien de lourd et que je
ne voudrais pas rejeter. L'affection
qui nous a unis brle
en moi
comme
une
aux flambeaux
de
lampe allume
l'immortalit.
Pour vous plaire,
j'avais consenti une
alliance laquelle vous saviez bien que ma volont ne
me portait pas... Le ciel ne l'a pas permise...
plus de rien de semblable.
Ne parlons
BIBBIENA.
de
est pas moins vrai que tu consens rester l'homme
et ne jamais connatre
cette
de l'aventure,
l'imprvu,
maturit d'existence qui seule conduit la considration
civile
dont
le gnie lui-mme
ne saurait
se passer.
RAPHAL.
SADOLET.
et bien quilibre
apporte celui qui la possde des consolations ncessaires dans les misres de la vie.
RAPHAL.
Il me semble
tre atteint
sans qu'il
LA
426
soit
ncessaire
RENAISSANCE.
de
femme.
Le dsordre
des
prendre
moeurs et des habitudes m'est en horreur ; c'est une cause
de strilit pour un artiste et le pire des esclavages. Mais
les moyens d'y chapper ne me manquent pas plus que la
volont. Je suis assurment le plus riche des artistes, et,
que je mne et qui
malgr le train un peu dispendieux
de mes gots et la
me parat oblig pour la satisfaction
esprit, je ne laisse pas que de porter l'attention convenable ce genre d'intrt.
En ce moment,
dans la ville
de Rome,
de
je possde une proprit
libert
de mon
deux mille
quante
Pierre m'a t confre par le Pape depuis la mort du Braannuel de trois cents
mante; elle me vaut un traitement
et je suis en voie d'obtenir
avantages de mme sorte. Sa Saintet,
ducats,
inspecteur
de larges
des monuments
bnfices, et,
des tableaux pour lesquels
me plat. Dans
gr de serviteurs
charge qui
antiques,
de toutes parts, on me
mes travaux
prendre
Saint-Pierre,
des sorbets ma vigne.
et ensuite
nous
SADOLET.
Il ne raisonne
? En vrit,
il
LEON
est prtre
comme
vous,
bien
et ce que j'apprcie
ecclsiastiques, c'est le bonheur
profane,
X.
427
du clibat.
BIBBIENA.
tu te consumes
RAPHAL.
Jamais
si libre
de mes
ou quatre
t ravi de cette matine!
Maintenant,
BIBBIENA.
LA
428
froid
Rduit
RENAISSANCE.
L'ATELIER
DE
et obscur.
La nuit
sur
MICHEL-ANGE
est profonde.
Une statue peine
d'une petite lampe de
la lumire
tombe
laquelle
le serviteur
de l'arcuivre,
Urbino,
que tient la main Antonio
tiste.
Ce dernier
est occup terminer
une sorte de casque en
dgrossie
carton
dont
le cimier
et dispos
est ouvert
de faon
servir
de
rcipient.
MICHEL-ANGE.
Elle
ne tiendra
incendier
MICHEL-ANGE.
Je te dis qu'elle
qu'elle tienne?
tiendra!
Pourquoi
ne veux-tu
pas
URBINO.
Ce n'est
tienne,
c'est
MICHEL-ANGE.
Allons
! obstin ! donne-moi
ment
fois...
Bon!
j'attache
Maintenant,
j'introduis
le fil ici... Bon ! vois-tu?...
la machine
l dedans;
a tient.
URBINO.
En remuant
LEON
X.
429
MICHEL-ANGE.
URBINO.
quand
vous
vous
fatiguez
trop.
MICHEL-ANGE.
matin
430
LA
et elle me montre
un bout
la main
RENAISSANCE.
de feuille
verte qu'elle
a dans
de parler
en mourir.
qui
ne vous empchent
MICHEL-ANGE.
De longtemps,
je n'avais t aussi heureux ! Il fait nuit
et la lueur de cette petite- lampe, j'aperois
profonde,
des mondes d'ides... Quelle heure peut-il bien tre?
URBINO.
J'imagine
qu'il ne doit pas tre loin
feriez bien de vous coucher.
de minuit.
Vous
MICHEL-ANGE.
de la vitre.
entier
possder,
tr'ouvre;
Urbino?
parlent!,..
URBINO.
Matre
LON
X.
431
MICHEL-ANGE.
ferais
bien
URBINO.
vous
dormirez,
je dormirai,
MICHEL-ANGE.
Voil
une trange
obstination
URBINO.
nous verrons
ser-
viteur.
MICHEL-ANGE.
Accorde-moi
encore quelques
instants;
il y a l une
chose terminer.
URBINO.
Madame
la
MICHEL-ANGE.
Raconte-moi
une histoire
pour
URBINO.
MICHEL-ANGE.
N'en
parlons
pas.
URBINO.
avez dotes
LA
432
RENAISSANCE.
MICHEL-ANGE.
J'en suis aise, Urbino. Je voudrais qu'elles fussent heureuses; ce sont d'aimables enfants, bien que fort laides.
URBINO.
que vous
tiez sorti.
MICHEL-ANGE.
Trs-bien...
Il pense, et il a raison, que son occupation la plus pressante est de vous remercier des trois mille cus que vous
lui avez donns, et vous n'tes pas riche.
MICHEL-ANGE.
Matre,
l'heure
sonne...
MICHEL-ANGE.
J'ai fini...
N'as-tu
rien
man-
URBINO.
Je vais voir...
Ah!
votre
maison
L'homme
LON
X.
433
URBINO.
de
MICHEL-ANGE.
C'est excellent
! Apporte-moi
tout cela.
cette heure?
Regarde
debout,
par le guichet.
URBINO.
Qui frappe ?
UNE VOIX.
Mon
lve,
malheur ?
Antonio
Mini!
ANTONIO
Ah ! matre,
un grand
Ouvre!
S'agit-il
d'un
entrant
MINI,
malheur
MICHEL-ANGE.
Qu'as-tu?...
Tu es tout ple!
ANTONIO
Raphal se meurt
est.
MINI.
qu'il
MICHEL-ANGE.
Raphal
! Dieu du ciel !
ANTONIO
et le Garofalo.
II.
MINI.
LA
434
RENAISSANCE.
serviteur
se trouvait
mal.
MICHEL-ANGE.
Depuis
de complexion
dlicate, moiti
tine. Il passe trop de temps au travail et beaucoup trop
il y a quatre jours, faisant
ses plaisirs. Je l'ai rencontr,
des fouilles
MINI.
Lon X pleurait
et s'essuyait
les yeux.
MICHEL-ANGE.
donne-moi
mon bonnet,
mon manteau.. Il
Urbino,
faut que j'y aille! Raphal... Raphal... Mourir!
Ah! mon
Donne vite, partons!
Dieu! est-ce possible!...
URBINO.
Voici,
voici, matre ! Laissez-moi
une lanterne,
je viens vous clairer.
le temps
d'allumer
MICHEL-ANGE.
Tu
dis qu'il
n'y
a plus de ressource?
En
es-tu
sr
X.
LEON
les mdecins?
Avait-on
prvenu
fait ? Partons !
ANTONIO
435
dit?
Qu'ont-ils
qu'ont-ils
MINI.
la tte, faisant
science
tait bout.
MICHEL-ANGE.
Allons!
es-tu prt?
Urbino,
URBINO.
Matre,
me voici
!
MICHEL-ANGE.
Marche
devant,
vite !
?
URBINO.
Nous le saurons
Avanons
! Prenez
l'angle
de la ruelle !
MINI.
Michel-Ange
d'eau,
matre.
par le bras.
de
et en dsordre une troupe nombreuse d'officiers,
rapidement
dont les torches jettent
et de porte-flambeaux,
soldats, de serviteurs
une lumire
rouge sur les maisons; au milieu de ce cortge, la litire
avec les rideaux ferms.
pontificale
Passe
MICHEL-ANGE,
Que signifie
cela, monsieur?
un camrier.
LA
436
RENAISSANCE,
LE
C'est le Saint-Pre
CAMRIER.
qui rentre
au Vatican.
MICHEL-ANG.
est mort,
et Michel-Ange
MICHEL-ANGE.
ciel crateur!
au milieu
Comme
qu'on pt envier...
s'il tait quelque chose de pis que d'tre seul sur la terre!...
Je quePendant des annes, je n'aimais pas Lonard..:
rellais Raphal dans le fond de mon coeur... Je me rpadmirable
part
de bonheur
ne les estimais
pas...
tu n'as
Michel-Ange,
courte et circonscrite,
pas semblable toi, et, je te le dis, parce que c'est vrai, ce qui
valait tout autant que toi et peut-tre mieux ! J'ai mainqui
n'tait
LEON
X.
437
Il y a pourtant
encore le Titien;
c'est
un grand gnie, c'est un grand esprit...
Il y a Andr del
hlas! ce ne sont pas, si
Sarto... Il y a... Mais non,
mon isolement!...
monde, tandis que sa noble et charmante figure m'apparat au sein de Dieu, resplendissante
des clarts clestes,
je vois combien j'tais peu sincre et combien j'tais petit !
Non...
se ternit
qui
la figure.
Que deviendront
avons tant espr, tant voulu,
les
tant
LA
438
RENAISSANCE.
en dfinitive,
quoi aurons-nous
tant travaill,
la postrit qui nous suit?
russi, et que laisserons-nous
Pas mme le quart de ce qu'il aurait fallu faire !
imagin,
Venez,
matre,
Donnez-moi
froid.
MINI.
le bras, et rentrons
chez vous.
MICHEL-ANGE.
C'est juste.
longtemps
LA
Un gentilhomme
PLACE
NAVONE
un gentilhomme
franais,
anglais,
flamand.
Un cicrone.
LE
aussi
un
franciscain
CICERONE.
d'aller
FRANAIS.
LEON
LE
Mon
bonheur
X.
439
CICERONE.
est au comble
d'avoir
aussi flatteuse
Rome dans
tout ce que je suis; je vous ferai contempler
de
ses dtails les plus prcieux,
et vous en expliquerai
point en point les agrments.
L'ANGLAIS.
Ce sera fort agrable;
rez-vous trs-cher?
mais,
LE
peut-tre,
nous
demande-
CICERONE.
de vous rendre
service.
L'ANGLAIS.
Rien
CICERONE.
FRANAIS.
y aurait
telle
LA
440
RENAISSANCE.
LE
crainte.
aucune
N'ayez
CICERONE.
Nous commencerons
l'instant
s'il
L'ANGLAIS.
de suite !
LE
CICERONE.
l'instant
Pompe...
LE
Pre Jean,
crivez
FRANAIS.
visiter
le Vatican,
o un de mes
fort avant dans la confiance du Saint-Pre,
nous
cousins,
promnera
pour une bagatelle.
Ensuite,
nous
CICERONE.
irons
LE
Je veux
voir
FRANAIS.
les tableaux
C'est matre
Raphal
de ce peintre
mort
si bel enterrement...
l'autre
Com-
CICERONE.
dire.
FRANAIS.
Ah!
oui,
c'tait
un
homme
que
j'aurais
bien
aim
LEON
X.
441
LE
CICERONE.
Illustrissimes
FRANAIS.
Est-ce
que vous ne nous procurerez pas aussi la connaissance de quelques aimables dames?
LE
Je le mdite!
CICERONE.
J'en connais
auxdeux, en ce moment,
vous amener ds ce soir, et vous en
quelles je prtends
serez charms. Nous
un concert
elles aiment
plaisir
je me donne le
L'ANGLAIS.
Mettons-nous
en route,
l, droite et gauche,
CICERONE.
LA
442
RENAISSANCE.
venir
FRANAIS.
De qui est-il?
LE
CICERONE.
Il est de l'Ammirato.
LE
crivez,
d'Amurat...
FRANAIS,
au moine.
Pre
Prcisment,
magnifique
vu
un
CICERONE.
seigneur!
Ils passent.
palais
LON
X.
443
FERRARE
dans le palais ducal. Madame Lucrce est assise prs d'une fentre ouverte qui donne sur une cour
intrieure.
Elle est vtue d'une robe simple de tabis noir, et ses
manches et son collet sont en mousseline
trs-peu brode. Ses
Le cabinet
cheveux
de madame
Lucrce
noirs
le titre De Imitatione
Christi.
elle
instants,
Aprs quelques
marche vers une
pose le livre ouvert sur le bord de la fentre,
elle une feuille de papier, et,
grande table, s'assied en attirant
trempant
sa plume
dans l'encre,
crit
la lettre
suivante
A Son Excellence
Rvrendissime,
Monseigneur
cardinal
Bembo, Rome.
En me servant
le
de la langue latine,
seigneur trsrespect et bien cher, soyez sr que je ne cde pas un
vain dsir de faire parade, vos yeux , de mes humbles
connaissances.
ici
Encore
bien moins
devez-vous
penser que
avec le gnie suprieur qui a
j'oserais lutter d'loquence
fait revivre parmi nous le beau style et l'honnte langage
de celui qui crivit jadis sur la Vieillesse et sur le Devoir.
je fus peut-tre esclave de si frivoles penses ;
le latin par cette double raison
aujourd'hui,
j'emploie
nos ges,
que c'est une langue grave et convenable
Autrefois,
parce qu'elle vous est chre et que je veux toujours apparatre devant votre esprit d'une faon propre
me faire bien accueillir.
ensuite
444
LA
RENAISSANCE.
se fait
cruellement
sentir
devant
LEON
X.
445
et il me semble par
esprer aussi dans sa misricorde,
instant que mes fautes, en me rendant
plus soumise
la
l'effet de sa bont, me servent du moins redoubler
ferveur
de mon amour
pour lui.
Ne manquez
mon ami.
Sa
Adieu,
pas de remercier
Saintet des paroles affectueuses dont il lui a plu rcemment d'honorer
sa servante, et, encore une fois, priez
pour celle qui en a tant besoin.
Donn Ferrare,
FERRAR.
LA
446
RENAISSANCE.
BRUGES
Une salle lambrisse
en chne
des provinces
belgiques
le blason de l'Empire;
contre la muraille,
en face de la
chemine,
fentre verres de couleur,
un grand tableau
de l'cole allemande
le Jugement
dernier.
Il fait nuit. Sur une table, une
reprsentant
UN PAGE,
Le
rvrendissime
ordres de Votre
entrant.
cardinal
d'Utrecht
se rend
aux
Majest Impriale.
CHARLES-QUINT.
Qu'il
entre !
ADRIEN.
subite de Lon X. Je
ADRIEN.
Lon
quarante-six
est mort?
C'tait
inattendu.
Il
n'avait
que
les dtails?
CHARLES-QUINT.
Mes ambassadeurs
m'crivent
LEON
X.
447
On aurait
N'avait-il
Petrucci
Lon
et
X est
Que penses-tu
de cet vnement?
ADRIEN.
La chrtient
demeure
dans un triste
tat.
Les Fran-
la charge.
CHARLES-QUINT.
Tu as raison.
une nature
Il voulait
la couronne
Je
qualits craindre.
impriale.
il veut la Flandre ; tout
l'ai prise. Il veut la Bourgogne,
ce qu'il veut, il faudrait qu'il me l'arrache,
et, avec l'aide
de Dieu, je ne le permettrai
pas.
ADRIEN.
vide comme
la voil,
encore. Jamais
je
la
pour
ne fut
LA
448
RENAISSANCE.
CHARLES-QUINT.
tient
ce pouvoir,
la Religion,
le ciel et la terre ; et si ce pouvoir
tout doit s'crouler sans merci. Je ne le laisserai
priclite,
pas s'crouler.
ADRIEN.
avez dj accompli
de grandes choses dans le
maniement des questions religieuses de l'Allemagne.
Vous
CHARLES-QUINT.
Il est trange
que ni le Pape ni
Franois
Ier n'aient
LEON
X.
449
et de l'anarchie.
contre
moi,
aux
leurs
aux
pas plus de mal que de permettre
de se griser le dimanche
soir. Mais il arrive un
vilains
moment
o l'ivrogne
est assez malade pour tomber dans
la frnsie, et, je le vois clairement,
il est temps d'trangler la licence... Le monde se remplit des pamphlets insolents d'un Ulrich
de Hutten,
sans compter
les autres.
Es-tu de mon avis ?
ADRIEN.
et la tolrance
impie,
CHARLES-QUINT.
29
LA
450
RENAISSANCE.
d'couter
vie
mortelle
terribles
par la
le sauver des flammes
des convulsions
excites
Pape austre et saint, un Empereur rsolu partager ses travaux et ne jamais faiblir dans la dfense et
de la Foi, penses-tu que ces deux puisla glorification
Un
l'une
l'autre,
pourraient
russir
ADRIEN.
Il existe ici-bas
une somme
de domination
; elle n'est
mais les diffrentes
jamais
la distribuent
universel
LEON
X.
451
CHARLES-QUINT.
Tu es le Pape, te dis-je,
Il joint les mains et les tient presses contre sa poitrine. Ses yeux sont ferms,
et ses lvres murmurent une prire voix basse. Un moment de silence.
Je me suis recueilli.
davantage
moi ; qu'il
la volont
sainte. Je ne sais,
votre sagesse mondaine
Il n'est plus
temps de le scruter. Je n'ai pas voulu, je n'ai pas souhait
la tiare. Avec vous ou malgr vous, Dieu fait bien ce
sans naissance,
qu'il fait. Je suis un pauvre homme,
des villes du
perdu jusqu' ce jour dans les brouillards
et j'entrerai dans le Vatije n'ai jamais vu l'Italie,
can, pareil un vagabond dguenill dont la prsence est
juge insultante
pour la splendeur du palais des Rois. En
Nord;
Je la frapperai
avec
cette splendeur!
effet, j'insulterai
svrit ! Et s'il plat au matre qui m'appelle,
je mettrai
LA
452
RENAISSANCE.
et la frugalit
sa place l'humilit
avons un si grand besoin !
chrtiennes
dont
nous
CHARLES-QUINT.
en avant, et si
pas !... Car, moi, j'irai toujours
flchit ou hsite, je la tranerai
malgr elle !
FIN
DE
LA
QUATRIME
PARTIE
CINQUIME
PARTIE
MICHEL-ANGE
MICHEL-ANGE
DEVANT
ROME
1527
Le
camp
longues
des troupes
impriales.
lignes de feux indiquent
Trois
heures
de la
nuit.
De
l'tendue
gardes sont
sur la terre;
une
instants;
marquis
gnral
LE
espagnol.
CONNTABLE.
Quesuis-je,
aprs tout?... Que,suis-je pour un si grand
telle que les sicles futurs ne
une monstruosit
forfait,
ni moins encore la pardonni la comprendre,
pourront
ner ! Prendre Rome d'assaut ! prendre Rome, la dshonola violer!
Rome!...
Les plus brutaux des
rer, la piller,
os ! A eux seuls, le ciel rserva cette horOui,
reur; moi, il me faut la renouveler?
que suis-je
pour accoupler mon nom pareille infamie? Je suis le
qui fut jamais ! le
rejeton de la souche la plus illustre
barbares
l'ont
descendant
des rois,
des saints,
des conqurants,
des vie-
456
LA
RENAISSANCE.
MARQUIS.
Csar me crie :
aussi malheu-
CONNTABLE.
Que pouvais-je?
Qu'essayer pour sortir de l'tau o,
depuis des annes, je me sens pris ? Le plus commode et
t de me laisser glisser dans les bras de Madame de
Savoie et de vivre de ses bonnes grces. On m'et combl
on et daign... daign!...
me payer de mes
dfaveurs;
peines en m'accordant pour un si vil mtier le patrimoine
MICHEL-ANGE.
457
familiers,
flicit!...
marquis,
et l'on m'et
tremp dans les dilapidations,
n'a pas voulu...
L'Honneur
Concevez - vous,
quelle mchante bte est cet Honneur ? contra-
l'cart,
reau , teindre,
vit et de dsir
vivre
Enfin,
je me rsignais ne
que pour un
compter dans la gnalogie de ma famille
louables
de ces bons seigneurs
fainants,
uniquement
du bien...
royaut!...
me souffrir
J'avais
l'air
d'un
m-
repos? J'tais
et, suivant la jurisharcel, menac, traqu; je m'enfuis,
un monstre, et ce
prudence actuelle, tout de suite je devins
vu mourir
sous
pauvre honnte homme que nous avons
assez fortun
ce M. de Bayart,
nos yeux,
marquis,
pour avoir reu du ciel le bonheur insigne d'une existence
Par mon
m'a maudit
en expirant.
toute simple et unie,
de maudire mon tour
me ! il me prend des tentations
et le ciel, et les anges, et Dieu, qui m'ont entran l o,
d'aller ne me ft jamais
de mon plein gr, la tentation
venue!
content!
Pouvait-on
LE
dans mon
MARQUIS.
458
LA
RENAISSANCE.
LE
Je vous dis,
CONNTABLE.
pour l'avoir prouv depuis de trslongues annes, qu'il n'y a pas de justice ! C'est un mot
Il n'y a que des ncessits
creux, une odieuse tromperie!
dont nous ne concevons pas la raison; la
sanguinaires
moi,
a plus de gentilshommes,
pour tout dire, il n'y a
car les qualits de gentilhomme
et de
plus d'hommes,
autrefois,
prince ne servaient,
qu' dsigner des hommes
plus hommes que les autres. Il y a des matres, il y a
des laquais, il y a des chiens qu'on fouette, et quand les
laquais ne sont pas bien, bien, bien rampants devant les
matres, on les fouette comme des chiens! Voil ce qu'il
y a et ce qu'il y aura dornavant dans l'univers ! Le roi
Louis XI en a invent la mthode;
elle ira se perfectionnant.
LE
MARQUIS.
Le pape Clment s'est-il soumis la volont de l'Empereur? Ne voit-il pas son pril? Rien ne peut le sauver,
hormis l'obissance la plus complte !
LE
CONNTABLE.
MICHEL-ANGE.
LE
La fortune
lui
MARQUIS.
sans piti,
le coup de grce;
et ne pardonne pas.
donnera,
459
CONNTABLE.
Elle
MARQUIS.
Vous
il
se
jamais.
CONNTABLE.
venez d'arriver
voil
Csar a reu
MARQUIS.
LA
460
RENAISSANCE.
pourrait
porter le regard jusque dans les dessous tnbreux des raisons qui le font agir !
LE
CONNTABLE.
Je ne le saurais
dans ma propre
sens de l'intelligence
comme
l'habitude
de l'oppression
et
j'apprcie ce qui se fait
du malheur.
Je sens, je devine,
contre
moi ; j'en dmle les motifs.
Csar me traite
comme on msuse du cheval qui ne vous appartient pas.
Ses gnraux espagnols, allemands,
flamands, il ne veut
pas leur imposer des charges accablantes qui brisent les
reins et souillent
; mais il en met
que ma mauvaise
lui
sont de
! Sans me rien
confier, il me jette la tte de son arme, et c'est seulement quand j'ai pris langue, quand j'ai regard autour de
et mes soldats,
moi, quand j'ai considr mes lieutenants
c'est seulement
alors que je reconnais
dans les uns des
du genre humain.
Oui,
marquis,
je suis, par la grce de Csar, un capitaine de
C'est l le sort et la profession du conntable;
bandits.
trouvez-vous
du seigneur de Bayart
que la maldiction
ait assez bien port son fruit ?
espions,
l'cume
LE
MARQUIS.
France;
il abaisse,
il humilie
tant qu'il
peut le rang de
MICHEL-ANGE.
son rival.
Oui,
461
monseigneur,
du ciel. Le sort n'avait pas droit de vous
vous plaindre
traiter ainsi. Vous
cule marionnette
de bois. Elle
de misrables
Un homme
donne ; si la patrie
et le souverain
CONNTABLE.
LA
462
RENAISSANCE.
et marcher
LE
sur Naples
cette
nuit
MARQUIS.
LE
CONNTABLE.
Vous ne le pouvez pas, vous ne le devez pas. L'Empereur est pour vous un matre magnanime.
Obissez-lui.
Adieu !
LE
MARQUIS.
CONNTABLE.
Madame
MARQUIS.
Vittoria
connat, bien
vu souvent les larmes
me, et j'ai
les inonder au rcit de vos peines.
LE
la grandeur
de votre
monter ses yeux et
CONNTABLE.
de
! Jusqu' la fin de ma vie, je me souviendrai
ton amiti
toi, noble Fernand d'Avalos. Je me rappellerai
ton courage sans pareil dans
dshrit...
pour l'homme
Adieu
Embrasse-moi...
LE
MARQUIS.
de
MICHEL-ANGE.
LE
Peu importe!...
cheurs de l'aube
463
CONNETABLE.
Adieu...
ne doivent
Pars...
la main ; le marquis
sort.
Entrent
le capitaine Georges de Frundsberg,
commandant
les lansquenets
luthriens
zl du Rformateur,
vrai soldat, grand pillard ; il
; partisan
porte une longue barbe blanche qui pend sur sa cuirasse ; le capitaine
Alessandro
Vitelli
et Pierre-Maria
de' Rossi, commandant
les chevaude Leyva,
commandant
les tercios ; Alarlgers italiens ; don Antonio
con et Lannoy,
gnraux espagnols.
FRUNDSBERG.
Monseigneur,
S'il vous plat,
nous sommes
nous allons
votre
tenir
conseil
dernires
jour,
et convenir
au point
des
du
CONNTABLE.
commandement.
ANTONIO
DE
et asseyez-vous.
J'ai
LEYVA.
Nous coutons.
LE
Si vous
CONNTABLE.
ou le plus grand'
capitaines,
d'entre vous, acceptez mon avis, nous enverrons
au Pape.
prsentement, un parlementaire
tous,
nombre
encore,
FRUNDSBERG.
et
faire ? Nous irons tous en parlementaires,
Pourquoi
quand nous serons en prsence de Clment VII, et Clment VII eh prsence de nous, on s'entendra plus vite.
LA
464
RENAISSANCE.
LE
CONNTABLE.
et il est
LANNOY.
Notre
Monsieur
de Lannoy,
CONNTABLE.
Je suis franc
niment;
comme
une
infi-
FRUNDSBERG.
Parfaitement
AUTRES
parlez, Lannoy
GNRAUX.
; ce que vous
MICHEL-ANGE.
465
LANNOY.
Tenez!
J'y suis!
Entendez-vous
les
et clairons?
En
trompettes
A l'assaut! Si vous ne venez avec
Entendez-vous
monseigneur!
si vous hsitez vous mettre
LE
notre
tte...
CONNTABLE.
ordres
Qu'on
donner
vous-mme!
Les rideaux
de la tente sont tirs violemment.
Le jour parat ; on entend
les appels militaires
clatant de toutes parts ; les troupes s'branlent
;
se prcipitent
vers les murailles
de Rome. Le
cavalerie,
infanterie,
se mlent aux
canon tonne vers la gauche, et des acclamations
terribles
Des compagnies
tumultueuses
entourent
la
dcharges
multiplies.
tente.
LES
A l'assaut!
se hte!
l'assaut!
En avant!
de Bourbon!
venez!
SOLDATS.
Le conntable!
O est-il?
Qu'il
en avant!
Mort
Monseigneur!
monseigneur
au Pape! Mort aux cardinaux!
A sac ! sac !
FRUNDSBERG.
Dcidment,
monseigneur,
que voulez-vous?
tardez, je ne rponds de rien !
LE
Je demande
II.
mon
Si vous
CONNTABLE.
cheval!
30
LA
466
RENAISSANCE.
LES
Montez!
Le voici!
SOLDATS.
montez!
Venez!
Vive
Bourbon!
l'pe
se mettent
la main.
Valeureux
Voici
LES
SOLDATS.
accourant
OFFICIER,
Qu'on
les pende ! A
au galop.
FRUNDSBERG.
Hardi!
monseigneur!
d'entrer
le
premier!
Les gnraux
lansquenets,
luthrien.
les
partent au galop, suivis par les hommes d'armes et
un psaume
qui poussent de grands cris et entonnent
LES
Chantez
avec nous,
SOLDATS.
conntable ! Chantez !
FRUNDSBERG.
! Ces gaillards-l
Chantez, monseigneur
que plus vite !
LE
CONNTABLE.
moi !
n'en courront
MICHEL-ANGE.
467
FRUNDSBERG.
chantons,
monseigneur
ngliger
pour
en brandissant
son pe, et
Il se met chanter d'une voix de tonnerre,
d'artillerie
se rpondent
sur toute
continue
sa course ; les dcharges
s'en mle ; les dfenseurs de Rome
l'tendue des lignes ; la mousqueterie
mais faiblement.
rpondent,
LES
SUR
Quelques
REMPARTS
et des Suisses,
les uns
italiens
arquebusiers
en petit
des bourgeois
mal arms.
nombre;
PREMIER
BOURGEOIS,
avoir
aprs
feu
DEUXIME
Tiens ! je coucherai
BOURGEOIS.
celui-ci
ct !
Il tire.
TROISIME
BOURGEOIS.
peu de soldats!
nous faire gorger !
Comme
On veut
avons
en courant
Arrivent
de son arquebuse.
un par terre !
En voil toujours
nous
fait
Mort
hrtique
BENVENUTO
un
Christ!
tous arms.
ROSSO.
!
Dcharge
voir
du
une troupe
LE
Mort
et les autres
gnrale.
CELLINI.
Dieu ! Tte
coup
rat !
Il ajuste
UN
Manqu
ARTISTE.
et fait
feu.
LA
468
RENAISSANCE.
BENVENUTO
CELLINI.
Aveugle!
regarde
est tomb;
j'en
BOURGEOIS.
et les arquebusiers
aussi!
si vous emmenez
officier,
Ma foi! il a raison!
CELLINI.
Les Allemands
paraissent au bout
de la rue! Ils tapent comme des sourds! Sauve qui peut!
ce n'est pas le moment de s'asseoir !
Il saute en bas de la muraille ; les assistants se dispersent ; les derniers
sont atteints par les hallebardes des lansquenets.
DANS
LE
CHATEAU
PAPE,
SAINT-ANGE
VII,
don Hugo
de Moncada,
imprial.
trs-agit.
! L'Empereur,
cette fois,
s'attaque Dieu mme en osant attenter notre personne ! Il en rpondra sur son salut ternel !
MICHEL-ANGE.
469
MONCADA.
Je ne doute
PAPE.
Trs-Saint
calmer...
en ce moment,
de vous
risque...
du moins.
CLMENT
VII.
Vous
peu nombreux.
de Moncada?
sont
Que
MONCADA.
Nous
vous
avons
suppli de repousser l'alliance fallacieuse et dbile de la France. Nous vous avons conjur de
ne pas faire cause commune
les
avec les Vnitiens,
LA
470
RENAISSANCE.
ce ramas de gens
Suisses, les Florentins,
et sans puissance pouss contre l'immuable
fortune
de l'Empereur
par la main de ce
notre prisonnier
d'hier, un homme sans foi
rien cout ! Vous soutenez les mchants
objet unique est de sauver la Religion,
et de pacifier l'Italie,
vous, Trs-Saint
risez le dsordre et maintenez l'tendard
vant
les faux
rience aurait
sans honneur
et invincible
Ier,
Franois
! Vous n'avez
! Et quand notre
de rtablir la paix
Pre, vous favodu crime en sui-
errements
d,
de vos prdcesseurs!
L'expvous en dvoiler les dangers.
pourtant,
LE
PAPE.
non!
non!
oui, ne l'avons-nous
la chaire pontificale,
longtemps
MONCADA.
Csar veut
MICHEL-ANGE.
et quand l'un
tient l'autre
471
des deux
il apparmanque sa mission,
de runir
en ses mains les deux sceptres
ce que notre sainte religion
exige. Jadis
et d'accomplir
les empereurs
de Souabe trahirent
les peuples du
les grands papes Innocent
III et Grgoire VII les frapprent justement de la puissante houlette;
depuis le commencement du sicle, et mme ds avant, ce sont les Papes,
lurent
loigner
du Rdempteur
!
LE
Est-ce en jetant
luthrien ?
PAPE.
sur la ville
de l'gout
L'VQUE.
C'est vous, Trs-Saint
Pre, c'est votre prdcesseur Lon, qu'on doit d'avoir vu natre et se dvelopper
Vous n'aviez pour
le chancre dans le flanc de l'glise!
de Wittenberg
que des complaisances et les plus
ruineuses faiblesses ! Vous laissiez les princes de l'Empire
des paroles de ce tratre,
et il est bien connu
s'infatuer
l'homme
que s'il n'avait dpendu que de vous, pour un peu d'argent, mon Dieu! pour quelques sommes auxquelles vous
scandaleux
vous et
borniez vos dsirs, un compromis
mis d'accord
Vous calomniez
PAPE.
la mmoire
de Lon !
LA/RENAISSANCE.
472
MONCADA.
Il
PAPE.
MICHEL-ANGE.
473
atteindre
contre la tradition,
je vous le dis franchement,
avec une
nous traiterons
de ct Clment VII,
en rvolte
laissant
juste et imperturbable
jusqu'
poursuivrons
rons des paules la pourpre
pontificale,
s'il nous
nous le
arrache-
PAPE.
o vous m'avez
conduit!
me contemplez,
de mon peuple op-
Vous
au milieu
confiant,
prim, de la Ville sainte ravage, de mes glises brles,
des flammes et des cris, et du dsespoir, et du sang! Et
voil ce que Csar appelle servir la cause catholique !
avec un sourire
MONCADA.
C'est la servir
profan
LA
474
RENAISSANCE.
LE
PAPE.
de moi? Laissez-moi
sortir!
Enfin,
qu'attendez-vous
faites-moi traverser vos bandes sclrates!
Laissez-moi,
Prenez tout, pillez tout, triomphez,
et que je me retire
dans un lieu
Mes ordres sont premptoires ; je ne saurais m'en carter sur le plus minime dtail. Vous resterez ici, TrsSaint Pre, aussi longtemps que vous n'aurez pas souscrit
nos justes demandes.
LE
Exposez-les.
PAPE.
Que souhaitez-vous
MONCADA.
de la
PAPE.
Ce sont des mots. Formulez vos exigences. Dites expressment ce que Csar commande.
Ce que je n'aurais pas
consenti hier, ce que j'aurais refus il y a deux heures,
peut-tre suis-je assez humili pour le cder maintenant.
MONCADA.
Nous demandons
l'alliance
des
des Suisses, de
Franais,
tous les malintentionns.
Nous demandons que vous
deveniez uni nous et pour toujours,
et aussi troitement que la chair l'est l'os et que la crosse doit l'tre au
sceptre.
LE
Ah!
malheureuse,
PAPE.
Italie!
C'en
MICHEL-ANGE.
serait
donc
fait
de toi!
475
Tes
tes communes
ne
princes,
seraient plus que les esclaves des Flamands ! Est-ce
cette ignominie
efforts accumuls depuis
que tes glorieux
Mais parlez, continuez,
prs d'un sicle devaient aboutir!
je vous coute !
MONCADA.
Civita-CasOstie, Civita-Vecchia,
ce que vous tenez
Plaisance,
Modne,
tellana,
Parme,
encore ; des garnisons impriales y disposeront les peuples
sentir la volont
de Csar. Enfin,
quatre cent mille
ducats nous seront compts comme ddommagement
aux
troupes employes en ce moment dans Rome et que j'en
ferai sortir. Pour dernier mot, nous occuperons
le chteau Saint-Ange.
LE
Le Pape se cache un instant
PAPE.
la tte dans les mains
et la relve.
Je refuse.
MONCADA.
ce qui se passe.
Il ouvre
une fentre
votre ouvrage
Contemplez
voulez que cela continue !
LE
donnant
sur la ville.
! Regardez
et dites
si vous
PAPE.
Oui ! je regarderai,
je verrai vos sacrilges ! tout ce que
tram depuis des
vous avez ordonn,
arrang, mdit,
mois ! Oui ! je regarderai ! Ne croyez pas que je sois une
LA
476
RENAISSANCE.
on rventre
!...
UNE
Des piquiers,
RUE
des arquebusiers,
PREMIER
des Suisses.
PIQUIER.
SUISSE.
mieux
PREMIER
C'est toujours
de quelqu'un
Il nous aurait
ARQUEBUSIER.
MICHEL-ANGE.
DEUXIEME
D'ailleurs,
les Romains
nous
l'ont
477
PIQUIER.
Enfonons
SUISSES.
et de hampe
le frappant.
SOLDATS,
ROSSO.
ARBALTRIER.
Trs-bien
SOLDATS.
! Nu comme
LE
Messieurs
ROSSO.
! je vous en supplie
TROISIME
Oui,
je suis peintre.
PIQUIER.
?
ROSSO.
LA
478
RENAISSANCE.
TROISIME
PIQUIER.
qui a tu le conntable.
SUISSE.
portera les
la maison
SOLDATS.
Bien dit !
Tandis
L'OFFICIER.
Que faites-vous
cet homme?
LES
SOLDATS.
Rien.
Monsieur,
un peintre,
ouvrages !
ROSSO.
dlivrez-moi!
Je suis
je vous en conjure,
je suis le Rosso! Je viens de perdre tous mes
L'OFFICIER.
Lchez ce malheureux,
taine Georges Frundsberg
rendez-lui
vous
retourner
LANSQUENET.
en-
MICHEL-ANGE.
tends-tu?
Non ! Qui
dguis ?
479
Es-tu
mon capitaine?
Non! Mon lieutenant?
est-ce qui me rpond que tu n'es pas le Pape
LES
SOLDATS.
nous chanter,
celui-l?
L'OFFICIER.
J'ai l'ordre
des gnraux...
LES
SOLDATS.
Que le diable emporte tes gnraux et toi aussi ! Entends-tu, monsieur? Dcampe, ou il va t'arriver malheur!
L'officier
UN
PIQUIER,
se retire.
au Rosso.
le Rosso et le frappent
coups redoubls.
LA
480
RENAISSANCE.
FLORENCE
Une place publique.
CELLINI.
Eh bien!
qu'est-ce
VOIX
Nous
florentine
chassons
NOMBREUSES.
encore
les Mdicis
Vive
la
libert
!
CELLINI.
Pour
moi,
j'arrive
de Rome,
et j'y
ai
vu
de belles
choses !
LE
PEUPLE.
infinie.
les Impriaux
LE
Vous l'avez
ils meurent
Bref,
PEUPLE.
vu de vos yeux ?
CELLINI.
J'en arrive.
J'ai vu sur les places dsertes, que traversent d'un pas chancelant des soldats ivres et dbands, les
MICHEL-ANGE.
481
tas de morts
droite,
les tas de morts gauche;
un
homme expirant au coin de cette borne, une femme tombe sur elle-mme, les bras ballants, au coin de cette autre.
Ce que j'ai vu, ce sont les portes des glises enfonces,
les surplis,
les toles, les dalmatiques
tranant
en haillons souills sur le pav rompu des basiliques,
ou s'accroaux pointes des grilles dans
chant, lambeaux misrables,
les chapelles des bas cts, et les luminaires
briss, et les
lampes des autels teintes, et les autels eux-mmes renverss , avec des dbris de verres, des tessons de bouteilles,
des os de jambons, restes sordides de la ripaille
des Aventuriers;
j'ai vu encore les statues brises, les toiles les
plus prcieuses lacres par le fer des piques ; et quant
aux avanies,
aux insultes,
les plus
insi-
gnes cardinaux,
archevques,
vques,
dataires,
protonotaires sont accabls, il ne vaut pas la peine de vous en
parler. C'est chose si courante que, lorsque, dans la solitude
des carrefours,
passe un
de ces
rvrendissimes
seigneurs
d'autrefois,
houspill
par quelque
d'archer en goguette,
et que l'cho
vagabond
le bruit du soufflet
qui vient de tomber sur
on ne dtourne
vnrable,
savoir davantage.
LE
Quelle
l'avarice
fallait-il
seulement
mchant
rpercute
une joue
en
PEUPLE.
laires s'crasassent
vils!
Que dit
CELLINI.
Csar,
II.
dans
son palais
lointain
d'Espagne,
pleure,
31
dit-on,
RENAISSANCE.
LA
482
et se lamente
du successeur
des
ceci,
un renom
a maintenu
la gloire
qui ne prira
et s'est acquis
jamais.
LE
Quel
italienne
PEUPLE.
dont tu parles?
CELLINI.
PEUPLE.
le saint,
parmi
Toutes
ressuscitent,
et, cette fois, il ne sera
plus possible personne de nous aveugler ! Ce que Savonarole a ordonn,
nous allons l'excuter,
et rien dsormais ne le dfera.
Nous
connaissons
nos
pertinemment
veut pas de bien;
un pape Mdicis
ne nous
ennemis;
mais que peut-il ? Csar va tourner contre nous son visage
il y verra les Turcs
irrit;
mais, qu'il regarde l'Orient,
MICHEL-ANGE.
483
CELLINI.
n'y mettra
dsormais
LE
Vive
PEUPLE.
Florence
A
Machiavel,
le pied ,
L'ANGLE
les mains
derrire
qui pousse
D'UNE
RUE
le dos, regarde
des cris de joie.
passer la foule,
MACHIAVEL.
l'air,
! Comme
le poisson
dans l'eau,
et la canaille
dans le tapage.
Passe une bande tranant par le ruisseau, au bout d'une corde, un cusson aux armes des Mdicis. Tambours, trompettes; la foule chante
et suit Benvenuto Cellini, qui agite un drapeau.
LA
484
RENAISSANCE.
criant
CELLINI,
Vive
Florence !
TOUTE
Vive
du haut de sa tte.
Florence
! Mort
LA
FOULE.
aux Mdicis !
CELLINI.
Seigneur Machiavel!
ami de Savonarole !
LA
Vive Savonarole
! un
FOULE.
! vive Machiavel
! vive Cellini
CELLINI.
FOULE.
MACHIAVEL.
!... Je me demande
CELLINI.
allons
mes enfants!
LA
FOULE.
le Jeu de paume!
MICHEL-ANGE.
MACHIAVEL.
ide ! Allez
ne pourrait
Cellini agite son drapeau, et toute la foule s'loigne, avec les mmes cris,
les mmes vocifrations,
battements de tambours,
sonneries de tromun cusson au bout d'une corde.
pettes, et tranant
toujours
MACHIAVEL.
met le plus de
en mouvement.
A chaque minute,
un incident
imprvu ! On respir une incommensurable
esprance de
choses indfinissables;
on parle, on crie, on s'agite, on
ne pense rien au monde, et l'on boit, l'on boit, l'on
hasard,
facults
boit
sans s'arrter
une
dans
celui
coupe
qui
d'motions
dont
la
varie!
cet
Voyez ce Benvenuto,
insigne bavard, ce fanfaron sans pareil ! Il n'a pas une
vertu ; mais il est plein d'esprit ; il s'amuse en ce moment
comme un dieu; il ne croit pas le moindre
mot de ce
vocifre, et se soucie autant de la libert de Florence
mais il s'amuse, c'est l'imque de celle de l'Abyssinie;
qu'il
portant.
Entre
Michel-Ange.
MICHEL-ANGE.
Vous voil,
matre
Nicolas?
Je suis bien
aise de vous
ne m'avait
depuis des annes, ce plaisir
donn; vous me semblez ple et dfait.
voir;
pas t
MACHIAVEL.
je suis comme
un instrument
LA
486
RENAISSANCE.
quelque
MICHEL-ANGE.
tue, on tue...
de mme...
ans on tuait
MACHIAVEL.
Oui...,
peu prs.
MACHIAVEL.
MICHEL-ANGE.
487
et rcolsment, labourent
les barbares l'aide, bien
les Impriaux
qui dirigent,
on appelait
tent. Autrefois,
tort, sans doute! mais on les considrait comme des auxiliaires dont un jour ou l'autre,
aprs la dfaite et la desdu compatriote
se dbarennemi, on comptait
rasser. C'est ainsi que les Sforza, le Pape, les Vnitiens,
ont tour tour invoqu les rois Charles VIII,
Louis XII
truction
et Ferdinand
M. de Valentinois
n'avait pas
d'Aragon.
une autre pense. Les adversaires les plus opposs de vues
et d'ambitions
s'entendaient
sur ce point,
et c'tait de
le Pape, les MilaMaintenant,
quoi leur faire honneur.
les gens de Naples, ne sont que des
nais , les Florentins,
dont Franois Ier et Charles remuent les fils,
mannequins
et notre valeur
grands
n'est qu'un
appoint
la valeur
des deux
monarques.
MICHEL-ANGE.
Nous
sommes
devenus
des provinciaux
conquis
ou
conqurir.
MACHIAVEL.
un jour
MACHIAVEL.
Je raisonnais
alors suivant
les probabilits
et croyais
le
LA
488
RENAISSANCE.
et le triomphe
de cette incapacit
a rsolu d'assurer.
qu'il
Mais,
: nous prirons
Michel-Ange,
croyez-moi
sous
comme
d'indiscipline,
saurait repousser
les eaux
des torrents
par-dessus
des
pentes dj descendues.
MICHEL-ANGE.
Cependant,
voyez ! En ce qui concerne
l'tat des choses ne vous donne pas raison!
encore, les Mdicis
ancienne
religion
Jrme se rallume
les tabernacles.
on se rappelle
aujourd'hui,
Alexandre,
bien trop
sont renvoys,
Florence,
Une fois
et la cit retourne
. son
Frre
! Le souvenir
du
rpublicaine
comme la lampe sacre brlant
devant
On
nous
Il a
Ne
avec l'Empereur
et lui devoir le
si peu menaant pour lui, de ce pass que nous
maintien,
faisons revivre ?
pourra-t-on
s'entendre
MACHIAVEL.
Je vous
jamais.
Le Pape est
MICHEL-ANGE.
assurment
bien
tourment
489
le flagelle
C'est qu'ils servent tous deux
voyez-vous pas pourquoi?
la mme cause, et que Csar trouve son compagnon dfil'affame,
captif,
cient
Quand il l'aura assoupli ses vorien que de bon pour ce pauvre ponla cause de ce pauvre pontife est prcisment
la
et paresseux.
lonts , il ne voudra
tife;
sienne!
Il
aimerait
mieux
voir
en sa place
l'Adrien
VI
avait fait lire, prtre ignare, fanatique comme luimme, affam de despotisme dans tous les genres; mais
il ne l'a plus, et, bon gr, mal gr, il lui faudra s'accomqu'il
moder
du Mdicis.
C'est pourquoi
de Clment VII,
d'une
joui,
il vous ramnera, un
et afin qu'ils ne tomautorit
et alors,
matre Nicolas;
vous-mme,
parlez rudement,
vous serez de ces gens que vous mprisez si fort.
Vous
MACHIAVEL.
les crier,
cervelle!
ces misrables,
Regardez-les
molcules du sang-courant
senti
rouler
n'a jamais
cru rsolu-
LA
490
RENAISSANCE.
doivent
MACHIAVEL.
leur
valeur
s'est rvle
au
dirai, cette dvergonde : Florence, sois maudite
nom des hros que tu as fait sortir de tes flancs, et dvore
comme une brute sauvage! Aimer Florence, moi! Je la
hais ! Et vous devriez en faire autant, car ce n'est pas une
seule fois qu'elle vous a contraint fuir de ses murs ! Si
eu qu'elle pour prendre soin de vous,
vous et trangl dans votre propre gnie !
vous n'aviez
elle
MICHEL-ANGE.
Et pourtant
je l'aime
et je la servirai.
MACHIAVEL.
mais d'ail-
MICHEL-ANGE.
leurs,
plus
491
: Comme
Vous
trait
avez t trs-malheureux,
selon votre mrite.
et l'on
ne vous a pas
MACHIAVEL.
MICHEL-ANGE.
Vrai...
vrai...
s'est enfonce
ma,jeunesse
dans les livres;
j'ai, pour ainsi dire, suc avec le lait de
tant j'tais
l'enfance
la sagesse de l'antiquit,
press
J'avais
appris
beaucoup;
LA
492
RENAISSANCE.
Que suis-je
d'apprendre...
taire, et rien davantage.
devenu?...
un pauvre
secr-
MICHEL-ANGE.
Matre
on a us de grande injustice
votre
de votre coeur.
gard, et je comprends l'amertume
Nicolas,
MACHIAVEL.
moment,
je me sentais l'paule froisse : on me
jetait de ct... C'tait le premier drle venu, un coquin,
un ne bt, un homme sans talent,
sans conscience,
sans naissance, press et qui passait devant. Cependant
on m'accablait
de compliments
; je remplissais des missions tantt difficiles,
tantt dangereuses;
je les remplissais bien, on ne s'en tonnait
pas; mais le flot des
laquais passait toujours, et d'autres laquais me disaient :
Restez o vous tes! J'y suis rest toute ma vie, et je crois
que l'humiliation,
l'coeurement, le dgot, l'indignation
qui m'ont griff dans tous les coins du coeur, m'ont t
encore plus sensibles que la pauvret.
MICHEL-ANGE.
ignorance,
je comprends
ce que vous
MACHIAVEL.
MICHEL-ANGE.
493
de la raison
l'Italie;
je croyais la possibilit
et celle de la vertu. J'ai puis tous mes efforts afin de
leur btir un nid. Quel fut le succs de ces esprances?
N'en parlons pas. Comme,
j'avais encore un
pourtant,
certain fonds de crdulit,
qu'un habile homme
j'imaginai
mais
crer un noble
pourrait
y mettre de sages lois et de bonnes ordonroyaume,
chez eux les trangers, et qu'en somme
nances, renvoyer
M. de Valenc'tait l encore une chose dsirable.
tel
que
M.
de
Valentinois
a chou. Aujourd'hui,
comme le plus pouvantable
tinois
de cruauts
la moiti
Quint,
sement
particulires
des inutilits
le sac de Rome,
de l'Inquisition;
le moins
de dfense,
dpecs et trangls,
est lche.
ceux que
parce qu'avant
les
chiens
tout,
ont
dj
il
lui-mme,
MICHEL-ANGE.
Vous
larmes
il est vrai
que
vous
avez des
MACHIAVEL.
couvrant
la plus irrmdiable
LA
494
RENAISSANCE.
plus plaindre
mais parfaitement
vivra,
dshonor.
Vous
autres, vous
tes des grands hommes,
je dis vous et vos amis; mais
ce qui sera bientt,
il ne resquand vous aurez disparu,
tera que vos copistes, qui vous copieront mal; et puis
les singes ; ceux-l transformeront
vos" lans
et tout sera dit de ce
vers le ciel en gambades ridicules,
viendront
la maison.
Rentrons
MICHEL-ANGE.
Oui, rentrons. Je vous donnerai le bras et vous ramnerai chez vous. Parmi les grands hommes dont vous
parlez, vous avez votre place, Nicolas.
MACHIAVEL.
vous
est donn
des formes
enchanteresses;
restez dieu et vous vivez.
votre monde
Mais,
de modeler
duire;
excuter? Non ! Que reste-t-il de moi? Un pauvre homme
et tout sera dit! Tant
courb en deux qui va disparatre,
mieux! Rentrons la maison.
MICHEL-ANGE.
MICHEL-ANGE.
495
MACHIAVEL.
Adieu!
Machiavel entre dans la maison et referme la porte.
Ce pauvre
je n'ai pas,
aurai
pas moins
496
LA
RENAISSANCE.
PARME
Le couvent des Franciscains. La coupole de l'glise; le Pre gardien; des moines, un marguiller de la cathdrale, le Corrge.
LE
PRE
GARDIEN.
Vous ne vous
J'ai vous dire quelque chose, Allegri.
fcherez pas, j'espre; je n'entends vous adresser que des
paroles paternelles et tout fait bonne intention.
LE
CORRGE.
Pre;
je sais
MARGUILLIER.
qui lui
LE
PRE
GARDIEN.
entendu,
parfaitement
entendu.
MARGUILLIER.
donc,
CORRGE.
Je m'appelle Antonio
et comme je suis natif du
Allegri,
quelques milles d'ici, et que j'y
village de Correggio,
on me donne ordinairement
le nom de ma rsihabite,
dence.
MICHEL-ANGE.
LE
497
MARGUILLIER.
que
que vous sachiez, matre Correggio,
vous n'tes pas un peintre. Je n'en veux pour preuve que
de couleurs
dont vous avez cru devoir
cette confusion
revtir la coupole de cette glise.
donc
Il faut
LE
Je me permettrai
CORRGE.
messire...
MARGUILLIER.
je prfre
ne rien dire.
Quant
LE
coutez
homme
avec attention,
fort au courant.
un
CORRGE.
mon
avec attention,
LE
PRIEUR.
Allegri
LE
J'coute
la couleur...
Rvrend
Pre.
MARGUILLIER.
clatent
de rire ; le Corrge
rougit.
PRIEUR.
de
esprer, en tout cas, que ses sentiments
une ide pareille.
pit ne lui auraient pas permis d'avoir
Je veux
LE
Permettez-moi
CORRGE.
de me retirer.
LE
MARGUILLIER.
de ma franchise
32
LA
498
RENAISSANCE.
LE
suivant
Puisque,
peintre, il est mieux
CORRGE.
et, en consquence,
LE
Vous ne continuerez
PRIEUR.
CORRGE.
mon Rvrend
Non,
qui vous plaira.
Pre,
LE
Voil
le donnera
PRIEUR.
un procd inou
LE
vous pouvez
MARGUILLIER.
Savez-vous
CORRGE.
PRIEUR
ET
LES
MOINES,
tous la fois.
Alors,
LE
Dieu
m'est
car le
j'ai besoin d'argent,
dnment
est grand
J'aime
maison;
n'importe!
pourtant mieux tout perdre et m'en aller. Je vous rappellerai seulement que vous me devez le prix de mon tableau
du Christ
tmoin
CORRGE.
au jardin
que
la
des Oliviers.
LE
Mon
opinion,
MARGUILLIER.
mes Rvrends
MICHEL-ANGE.
nullement
LE
499
pour le
PRIEUR.
Matre Allegri,
MARGUILLIER.
Donnez-moi
rmunr.
CORRGE.
PRIEUR.
Frre Honorio,
emmenez-le avec vous, et comptez-lui,
en monnaie de cuivre,
bien entendu,
la somme qu'il
exige. Je suis pein, mon fils, fortement pein, et, vrai
dire,
j'ai
l'me
compltement
dchire
par
vos
faons
d'agir.
LE
CORRGE.
Honorio.
MARGUILLIER.
Il ne faut pas vous tonner de ce scandale, mes Rvrends Pres. Ces gens talents sont des tres violents,
colres, enrags, dont le contact est des plus dsagrables.
Sous prtexte qu'ils sont suprieurs aux autres, ils se
croient au-dessus; ce n'est pas tolrer !. Et pour peu
LA
500
qu'on
leur
RENAISSANCE.
fasse entendre
des vrits
qui
ne leur
plaisent
PRIEUR.
Extraordinaires...
choses, on favorise
verons, sans nulle
votre
glise,
MARGUILLIER.
C'est
aussi
mon
avis.
En
toutes
et qu'on
Je m'en
pourra traiter sans tant de crmonies.
charge, et rponds que votre coupole n'en sera que plus
agrable pour tre excute d'aprs mes ides, car je ne
MICHEL-ANGE.
501
BOLOGNE
Une rue. Des bourgeois et des artisans tristes et chuchotants
sont rassembls devant une maison. Passent deux voyageurs
cheval.
PREMIER
Que
VOYAGEUR.
affligs?
Qu'arrive-t-il
SECOND
VOYAGEUR.
Un
Voil
ces visages
Pourquoi
Messieurs,
s'il
vous
plat,
VOYAGEUR.
Demandons-en
la cause!
VOYAGEUR.
Ma curiosit
menuisier
PREMIER
Messire,
VOYAGEUR,
arrtant
son cheval
et se penchant
sur l'encolure.
pardon!
LE
MENUISIER
au milieu
d'un groupe.
messire ?
PREMIER
VOYAGEUR.
si telle question
nous apprendre,
se faire, la cause de ce rassemblement,
et pourquoi
de personnes dsoles ?
Voudriez-vous
peut
tant
502
LA
RENAISSANCE.
LE
Vous connaissez,
Rossi?
MENUISIER.
sans doute,
PREMIER
le nom de Properzia
de'
VOYAGEUR.
Entendez-vous
qui a sculpt
deux anges de marbre,
Ptrone ?
honneur
LE
Celle-l
mme!
de la cathdrale
de Saint-
MENUISIER.
Sa renomme
remplit
l'Italie.
Properzia
se meurt.
SECOND
Mon
Dieu!
VOYAGEUR.
que dites-vous?
PREMIER
Si jeune !
VOYAGEUR.
et nous comprenons
la juste
VOYAGEUR.
Mon
FEMME,
Si heureuse!
qu'elle
qu'elle
n'est
se frappant
le front
si heureuse!...
pas heureuse
aimait l'abandonne !
avec violence
C'est prcisment
parce
L'homme
qu'elle va mourir!
MICHEL-ANGE.
DANS
LA
MAISON
503
DE
PROPERZIA
Une vaste chambre. Les rideaux baisss devant les fentres. Il fait
sombre.
est couche sur un lit demi voil par
Properzia
l'obscurit
elle est trs-ple;
ses chequi remplit
l'appartement;
veux noirs inondent
ses bras sont hors du lit et tendus
l'oreiller;
sur les couvertures;
les tentures,
de damas blanc et vert, sont
tournes et noues autour des colonnes. Une table porte des fioles
de mdicaments,
une aiguire d'argent,
Le
des linges
mouills,
sanglants.
Un mdecin.
Properzia.
LE
Parle-moi,
pre,
MARI.
PRE.
ne veux-tu
Quoi!
Regarde, regarde
vois-tu? Le chagrin
pas ?
Venez...
dire...
un bassin
homme...
courage...
Elle
mot!...
est l,
le sais bien,
n'est-ce
au mdecin.
MARI,
Venez l...
entende...
Tu
seul
parlons
bien sincrement
Avouez-moi
la vrit.
Je suis
Voyons
ami !
MDECIN.
! voyons ! calmez-vous,
LE
comme il faut...
Luigi,
mon
MARI.
messire
Combien,
combien
fau-
LA
504
RENAISSANCE.
dra-t-il
Hlas!
MEDECIN.
mon
MARI.
Messire
Luigi,
votre femme.
MDECIN.
homme!...
pauvre
Le mari
PROPERZIA
Pourquoi
d'une voix
Je n'entends
sens-tu
vers le lit.
trs-faible.
retourne
pas ?
PRE.
pas ce que
tu me dis,
ma chrie...
Te
mieux?...
PROPERZIA,
indiffrente.
Oui.
LE
se penchant
MARI,
Je ne te demande
me quitter...
qu'une
M'entends-tu?
sur elle;
seule chose...
c'est de ne pas
PROPERZIA.
Oui.
LE
Tu
me laisseras t'aimer...
MARI.
Tu ne m'aimeras
pas,
si tu
veux.
le regarde,
Properzia
regarde
demi vers la muraille.
Entre
Frre
Bento.
ses parents
Il s'assied
et la chambre,
au chevet du lit.
et se retourne
MICHEL-NGE.
FRERE
505
BENTO.
Non.
FRRE
cartez-vous,
de l'appartement.
BENTO,
Faites vite,
aux assistants.
MDECIN.
BENTO.
Ma fille, ma chre fille... ma glorieuse fille ! tu as beauDis-moi que tu te repens... tout te sera
coup souffert...
pardonn ! Parle vite, parle, au nom de ton salut ternel... je t'en conjure!...
Elle
Ah! trs-sainte
Vierge!
n'aura pas le temps... ses yeux se troublent !
Properzia
s'agite,
Ma Properzia,
tu te repens?...
mon enfant,
semblent
chercher
quelque
chose.
PROPERZIA.
LA
506
RENAISSANCE.
VENISE
L'atelier
de
Titien.
Des
L'ARTIN.
TITIEN.
Vous
avez invent
l un merveilleux
mtier,
matre
pu recueillir
en trente
MICHEL-ANGE.
507
LARETIN.
Savez-vous
pourquoi
?
TITIEN.
aiment
la louange.
L'ARTIN.
TITIEN.
Dix
cus d'or.
L'ARTIN.
ami, et vous
ne froncerez pas le sourcil,
par-dessus le march. Que
diable ! il me semble que je vous vaux assez de belles
commandes, assez de portraits ! Je ne vous cote pas cher.
Vous
m'en
donnerez
vingt,
messire,
mon
TITIEN.
Soit ! Mais
vous
me ferez plaisir
du Tintoret,
que les noms de Veronse,
en cette occasion, sous
doivent se trouver,
entours d'pithtes qui ne leur feront pas
508
LA
RENAISSANCE.
TITIEN.
Assurment!
au dtriment
vol
pas l'intention
n'est, cependant,
de leur
Mais
communiquer.
qu'il
s'agit
ce
surtout.
L'ARTIN.
Je ne vous cacherai
c'est Paris
L'autre,
sult par ce vagabond.
Bordone.
Je suis positivement
in-
L'ARTIN.
Insult?
Comment
l'entendez-vous?
TITIEN.
Comment
MICHEL-ANGE.
509
LARETIN.
ct de la vtre.
TITIEN.
si je puis,
m'aider,
aucun
oui
con-
ou non?
L'ARTIN.
que vous tes un homme terrible et vraiment
Que de chagrins n'avez-vous
pas causs au
impitoyable.
Giorgione ! Il en est mort ! Pendant votre existence, heubien des chefsreusement fort longue, vous avez produit
Convenez
d'oeuvre, mais non moins de mchants tours vos adversaires. Et qui sont vos adversaires? Vous venez de le dire :
tous ceux qui tiennent un pinceau Venise.
LA
510
RENAISSANCE.
TITIEN.
Je vous donnerai
deux
dessins
dans ce portefeuille,
dis-je,
moins, quarante cus d'or. Je vous les donnerai,
mais vous me servirez, ma guise, dans cette affaire de
sont
l,
Paris
Bordone.
Je veux
qu'on
lui
retire
la chapelle
des
Frres Mineurs.
L'ARTIN.
Vous me donnerez
et j'estime
L'ARTIN.
mdiocrement
que ce Bordone
Aprs tout, il m'importe
fasse ou ne fasse pas son chemin. Ce n'est pas mon affaire. J'crirai contre lui, et, de plus, je parlerai aux procurateurs.
TITIEN.
l'oeuvre tout
arrange. Mettez-vous
de suite. Pour moi, je m'adresserai au doge, et si je peux
ce sera une excellente
faire chasser ce petit prsomptueux,
Voil
une affaire
affaire.
L'ARTIN.
Ce que j'aime en. vous, c'est qu' votre ge, vous tes
aussi rsolu, aussi imptueux
qu'un jeune homme. Il ne
fait pas bon vous dplaire, et j'ai dj song crire,
votre sujet, un parallle
la manire
de Plutarque.
TITIEN.
je vous prie ?
MICHEL-ANGE.
511
L' ARETIN.
Avec Michel-Ange.
TITIEN.
quelques
tableaux
de plus.
L'ARTIN.
Je ne sais si ma pense est uniquement
votre avanvous devenez plus
tage. A mesure que vous vieillissez,
haut la main et plus acerbe. Il ne fait pas bon vous
vous dire vos vrits,
messire mon ami;
approcher,
c'est tout ce que je puis oser de plus hardi, moi dont chacun a peur, et vous-mme comme les autres. Michel-Ange,
au contraire, que j'ai connu, il y a encore peu d'annes,
la plus
le plus morne et l'humeur
avec le temprament
rebelle, devient chaque jour plus doux, et, mesure
qu'il avance en ge, il tourne presque la saintet. Un
mais
autre point me frappe : je connais fort Michel-Ange,
j'ai connu aussi Raphal; j'ai connu le Bramante, le Sansovino, Andr del Sarto, et j'ai beaucoup entendu raconTous ces
ter la vie et les actions du grand Lonard.
hommes avaient, et ceux d'entre eux qui vivent encore
de maximes vraiillumine
ont toujours l'imagination
mais
ment sublimes. Ce sont des peintres admirables,
aussi des philosophes ; ils aiment considrer le fond des
de la Beaut
questions les plus abstraites, et parlent
comme
des amants
assez heureux
pour
l'avoir
contem-
Pour
ple sans voiles au sein de l'azur pur du ciel.
vous, je ne vous ai jamais vu dans une extase quelconque.
Vous tes, assurment, le peintre le plus admirable que
LA
512
RENAISSANCE.
et Michel-Ange
ne vous
jamais produit,
refuse un rang son ct qu'en allguant chez vous certaines dfaillances
dans le dessin ; mais vous tes un
le monde
ait
peintre
vivante
s'envoler
d'un
idal.
TITIEN.
fait davantage s'ils n'avaient perdu une considrable partie de leur temps des rveries sans objet. Un
peintre doit peindre et non pas divaguer comme un professeur dans sa chaire. Il doit peindre des torses, des bras,
des jambes, mettre sur les visages qu'il reproduit
l'animation voulue,
caresser la couleur d'un brillant
rayon
du jour, l'entourer
habilement
des ombres chaudes qui
les font ressortir, et il n'a pas besoin, pour arriver au plus
heureux
de savoir ce qu'a dit Aristote,
mais
rsultat,
seulement ce que reprsente un modle qu'il payera quelet il lui
ques morceaux de cuivre,
lumire entre convenablement.
faut
un atelier
o la
L'ARTIN.
Raphal
madones,
d'images,
quels il choisissait,
lui semblait
le meilleur
des guides.
TITIEN.
Je prfre,
moi,
trouver
513
MICHEL-ANGE.
leur
faire
et il n'y a rien
de suprieur.
L'ARTIN.
Pardonnez-moi.
Vous
vous
je ne suis cependant
pas
refuser aux artistes de Florence et de Rome
qui ne leur est pas moins d. Vous le savez
du dessin
TITIEN.
et je dessine
L'ARTIN.
C'est prcisment l ce que les matres vous reprochent;
vous dessinez aussi bien que la nature, et vous ne dessinez
ce qu'il faut
pas mieux. La nature indique compltement
rendre pour exprimer la beaut. Elle ne le donne pas toud' peu prs; elle abonde en ides
sont dfectueuses par un ct queldont
conque, et ne serait-ce que le caractre de vulgarit
33
II.
LA
514
RENAISSANCE.
Voil
TITIEN.
rsultat
de leur
mieux
que la nature,
donnent des avortons
insolence.
au-dessus
En
voulant
produire
ils nous
de la nature,
et des tres contorsionns,
aux-
la louange.
L'ARTIN.
MICHEL-ANGE.
515
TITIEN.
Vous
que je suis infrieur.
vous trompez. Je ne le cde personne, et c'est trs-justement que Csar, et avec lui tous les rois du monde, tous
Vous
me faites
entendre
de cette folie.
Ils tiennent
fort
aux ducats et
comme
moi,
et
je les approuve.
L'ARTIN.
Les ducats sont beaux et bons ; runis en grand nombre
dans une bourse, ils excutent la plus jolie musique dont
l'oreille puisse tre caresse. Mais il est agrable de raiEn somme, il y a plus de gens
sonner sur les principes.
dans le monde en tat d'apprcier votre mthode que de
prendre got celle de vos rivaux.
TITIEN.
La gloire
mations.
ne fait de bruit
des accla-
L'ARTIN.
Michel-Ange
516
LA
RENAISSANCE.
Passez-moi
de papier;
MICHEL-ANGE.
517
BRUXELLES
1555
Le cabinet
de l'Empereur.
l'Infant
don
Charles-Quint,
roi d'Angleterre
et de Naples, debout devant son pre;
Philippe,
celui-ci
assis dans un fauteuil
de cuir noir.
Le palais.
CHARLES-QUINT.
Infant
don
L'Infant
Philippe,
obit.
et vous transmettre
PHILIPPE.
de concluantes
raisons
CHARLES-QUINT.
L'Empire,
les Flandres,
la Bourgogne
et l'Artois,
LA
518
RENAISSANCE.
les royaumes de l'Espagne, enserrent dans un mme faisceau Naples, le Milanais, la Sardaigne; par votre mariage
avec la reine Marie, j'ai joint l'Angleterre
cette proie
flotte sur les forteresses de l'Amon pavillon
immense;
infini
des Nouvelles-Indes
obit
frique, et le continent
sans rsistance
faire
avancer
qu'un
mes lois.
Pour
maintenir,
machine,
all neuf
ternel
Je suis
voyage.
six fois dans mes domaines
consolider,
ma vie n'a t
fois
en Alle-
magne,
espagnols,
quatre
fois en France, sept fois en Italie, dix fois dans les Payset onze
autant en Afrique,
Bas, deux fois en Angleterre,
fois mes navires m'ont fait traverser les espaces de la mer,
moins orageuse pourtant que les flots de ces interminables
surveiller.
Je vous
affaires qu'il m'a fallu constamment
le rpte, je suis las, et vous allez prendre ma place.
DON
PHILIPPE,
Vous
avez raison
de prendre
pour
votre
rgle l'obisobissance.
MICHEL-ANGE.
seoir la domination
le silence
alentour
519
et faire rgner
de ces deux principes,
le plus absolu ; mais j'ai gagn beau-
ordonnaient,
refusaient,
villages,
leurs avis ! L'Italie,
plus indiscipline que le reste, infatue de sa science et de la beaut
menait grand bruit, et plaquant
de ses travaux,
criait,
sur les folies les plus
les noms les plus retentissants
de justice, de libert, et
absurdes, elle parlait de vrit,
paysans
daient donner et maintenir
du luthranisme.
elle-mme
et luthriennes
LA
520
arrire,
je n'ai
minute
RENAISSANCE.
la Pninsule
entire.
Continuez
mon
oeuvre.
et le salut
de votre
me.
DON
PHILIPPE.
Je peux lui
maintien
inflexible
de l'obissance,
la fin
je n'aurai,
de ma vie, que peu de reproches me faire. Vous me
remettez, sans doute, une tche facilite par la soumission
de l'Italie;
mais ce que j'apprcie surtout,
ce sont les deux
MICHEL-ANGE.
521
pas
CHARLES-QUINT.
Le travail
dvorera
de la terre.
522
LA
RENAISSANCE.
que nul pays, nul sicle, ne les avait vues. J'ai mis
le pied sur l'Italie;
encore une fois, vous ferez de mme
sur tout ce qui lui ressemble ou voudrait lui ressembler.
haut
Le monde
PHILIPPE
avec un sourire
Ne
triste.
qu'il s'agit de
un divertis-
CHARLES-QUINT.
Laissez-moi
de Flandre
j'ai
se runiront
dcid de rendre
Les tats
Philippe.
Don Philippe
salue et se retire.
523
MICHEL-ANGE.
ROME
1559
L'atelier
Siciolante,
travaillent
Taddeo
et Federigo
Girolamo
Zucchero;
Orazio Sammacchini,
d'autres
Tous
jeunes peintres.
avec une. extrme
les uns brossant
des toiles
activit,
des Zuccheri.
des dcors
de diverses
monts
sur
des char-
grandeurs.
FEDERIGO.
Emportez cette figure, elle est prte! A propos, savezvous o en sont le Barroccio et Durante del Nero pour la
Farnse?
faade de palais que leur a commande le cardinal
LE
SAMMACCHINI.
FEDERIGO.
LA
524
de vertueux
RENAISSANCE.
d'intrpides
architectes, peuvent
jouer dans le monde, est devenu brillant ! On ne regarde
plus que nous, on ne se soucie, comme autrefois, ni de
la politique,
ni de la religion;
il n'est question que des
arts!
J'ai
l'Italie
vtille;
sculpteurs,
entendu
jourd'hui,
grce l'Empereur,
grce l'ordre admirable
on gagne de
que ses armes ont tabli, on vit tranquille,
l'argent, et l'on n'a plus rien dsirer !
TADDEO.
Ma foi ! je dsirais
employ
couleurs,
laissant mourir
de faim.
FEDERIGO.
Il faut commencer
et Dieu
MICHEL-ANGE.
prsents de l'histoire
donns pour peu !
de Mercure,
525
tu ne les lui
as pas
SICIOLANTE.
Et quoi,
je te prie?
SICIOLANTE.
Et
mme
on leur
donne
souvent
arriv!
LA
526
RENAISSANCE.
SAN
Bonjour,
matre Taddeo.
GALLO.
Federigo,
je te salue.
TADDEO.
Bonjour,
matre.
et je m'en
rjouis.
FEDERIGO.
On en aurait
moins.
Est-ce que tu as de
GALLO.
Ce vieux
Buonarotti
ne me
Il prendra le temps
coupole de Saint-Pierre.
GALLO.
de ruiner
de fond
en comble
la
On a peur de lui ! Il est tellement oppresseur et insolent! Et quel esprit court et obtus! J'ai voulu lui faire
ma nouvelle
mthode de dessin qui doit
comprendre
rendre l'art accessible toutes les intelligences : il a affect
d'en rire.
comprendre.
La vrit
est qu'il
rien
MICHEL-ANGE.
527
SICIOLANTE.
On devrait
Il se peut
chose en leur temps. Mais la
GALLO.
est un
; ce sclrat de Buonarotti
que depuis
tyran, je le maintiens ! Il rpte constamment
!
la coupole de Saint-Pierre
dix-sept ans il travaille
Comme si c'tait une raison !
C'est, incontestable
FEDERIGO.
pour
un compas !
Entre
PIRRO
Pirro
Ligorio,
architecte.
LIGORIO.
tout le monde,
par en convaincre
malgr le Vasari, malgr le Salviati, malgr les quelques
vieux penauds qui nous restent de sa vieille secte !. J'ai
une affaire vous proposer. Le cardinal m'envoie cherNous
finirons
bien
des tableaux
flamands
SICIOLANTI.
Vous l'entendez
cardinal
LA
528
RENAISSANCE.
PIRRO
LIGORIO.
Bravo,
Ligorio
LES
ARTISTES.
LIGORIO.
En
votre affaire
route, Federigo;
j'arrangerai
pas plus tard que ce soir, avec l'honnte Tudesque
tous,
!
1560
Une
salle
dans
le
Colonna.
Dona
de
Vittoria,
marquise
sur
Pescaire, vtue de noir, lit auprs d'une petite table d'bne,
est pose une lampe d'argent.
Deux demoiselles
d'honlaquelle
neur et une dugne en grandes coiffes travaillent
l'aiguille
au
fond de l'appartement.
Le feu est allum dans la chemine,
et les
bches
ptillent
palais
avec bruit
au milieu
de la flamme.
Entre un gentilhomme
LE
le seigneur
Madame,
ment l'escalier.
servant.
GENTILHOMME.
Michel-Ange
monte
en ce mo-
MICHEL-ANGE.
LA
clairez-le
C'est bien,
529
MARQUISE.
de Michel-Ange;
Elle se lve et se dirige au-devant
haut du palier, prcd par des pages la livre
torches.
celui-ci
d'Avalos
parat sur le
et tenant des
vous trouvez-vous
par
MICHEL-ANGE.
de Votre
vieillard
qu'un
Excellence.
ne devrait
LA
Je me porte
s'y attendre.
MARQUISE.
seul, j'espre?
MICHEL-ANGE.
Non;
depuis que vous m'avez dfendu d'aller mon
m'a
gr et sans compagnon,
je ne le fais plus. Antonio
clair avec sa lanterne jusqu' la porte du palais, et, l,
j'ai trouv
Venez
vous
mettre
dans
ce fauteuil...
servir
Michel-Ange...
trait
en grand
seigneur.
MARQUISE.
Tenez...
prs de la chemine.
ne bougez pas ; je veux
Catherine,
Bien ! Approchez
vos pieds du feu.
l,
MICHEL-ANGE,
assis.
et ce sommet,
LA
Ce serait
utile
c'est la bont.
MARQUISE,
souriant.
vrai,
34
LA
530
laver
servir
RENAISSANCE.
de quelques
mendiants.
poudreux
ce n'est pas trop s'humilier.
Michel-Ange?...
les pieds
Mais
MICHEL-ANGE.
Qui ne croirait,
la vrit? Ouvrez
un
encore?
des cheveux
rares,
les teintes de
qui prend
des joues fltries et tombantes...
des yeux qui ne
l'ivoire,
disent plus ce que le coeur ressent...
Vous voyez une
une ruine humaine,
la plus dplorable,
ruine, marquise,
la plus irrmdiable
de toutes les ruines.
LA
MARQUISE.
fcondit
de
votre
MICHEL-ANGE.
Oui ! vous
Il me semble voir,
MARQUISE.
ct de moi,
en ma prsence,
dans
MICHEL-ANGE.
531
vivants,
toujours,
comme
plus thre,
gences humaines,
guide sr et irrfragable
du monde.
MICHEL-ANGE.
de rappeler
son serviteur.
LA
MARQUISE.
LA
532
RENAISSANCE.
MARQUISE.
la
distance
n'avait
et des expressions
qu'elle
qu'est-ce que j'ai fait? J'ai beaucoup
jamais eues. Moi,
Je vous ai beaucoup
aim
aim celui qui n'est plus...
de nouvelles
vous-mme,
formes
et c'est tout.
MICHEL-ANGE.
de son
le ciel nous
Aussi
que
longtemps
cet incompad'Avalos,
votre noble poux, vous l'avez
gnie guerrier...
a laiss ce Fernand
de se sentir,
de se connatre
heureuse.
Croyezet les vertus que
moi : c'tait l une noble occupation,
les tressaillements
d'un tel amour dveloppaient
graduelfemme
MICHEL-ANGE.
lement
en vous-mme
d'oeuvre
de la valeur
devenaient
533
certainement
le chef-
humaine.
LA
MARQUISE.
en lui-mme,
jouit de lui-mme, et ne respire que
dans un cercle et dans une atmosphre,
en dfinitive,
troits et peu accessibles ce qui n'est pas de lui. Je comprends , depuis que je suis reste seule, quel point la flicit rapetisse. Faut-il
sance de cette vrit
l'avouer
jamais fait.
MICHEL-ANGE.
travaille
sur lui,
ou que,
Que l'homme
uniquement
il lui souffle
rpandant son activit sur la matire inerte,
le mouvement
et la vie, dans les deux cas, son oeuvre est
pareille : il propose ses semblables des exemples, et l'on
en rflchissant
cette galit de
peut dire avec vrit,
des hommes sont ds
rsultats,
que les plus vertueux
des Zeuxis,
des Polyclte,
des Phidias,
tanPolygnote,
dis que les plus perfectionns
des artistes sont d'aussi
et les saints.
grands convertisseurs
que les philosophes
LA
534
RENAISSANCE.
MARQUISE.
Parlez,
je vous en prie.
LA
On assure communment
et mcontente;
MARQUISE.
que tout,
nuage sombre, et que la plus douce humeur s'aigrit avec les
est arriv pour vous.
annes. Le contraire,
exactement,
irritable.
Vous
Je vous ai connu morose, impatient,
tellement possd par votre propre pense, que le
vous restait lettre morte. Je vous ai vu ne
d'autrui
de
A mesure qu'autour
prendre que vous-mme...
tiez
gnie
comvotre
de la vie,
la nettet,
la prcision,
l'tendue
du
MICHEL-ANGE.
connaissance
535
de vous-mme
et
MICHEL-ANGE.
en est ainsi,
dou en naissant
Il
m'avait
mon
que j'avais peur de manquer. Cependant, je sentais redoubler et mes esprances d'arriver au triomphe et ma crainte
de faillir,
en m'apercevant que chaque pas, si pnible, si
qu'il pt tre, m'en rapprochait
dur, si fatigant
pourtant. Je passais ma vie entre le travail et l'exaspration
des efforts : je voulais saisir la nature par toutes ses anfractuosits la fois, et j'escaladais ses sommets en me
des mains,
des doigts,
des pieds,
des
cramponnant
genoux, de tout le corps, ce qu'ils me prsentaient de
un peintre,
un
J'ai t un sculpteur,
points d'appui.
un ingnieur,
un anatomiste;
j'ai
pote, un architecte,
taill des colosses dans la pierre et cisel des figurines dans
l'ivoire;
j'ai trac les remparts de Florence et de Rome,
tabli des bastions, dfil des fronts, mesur des contrescarpes, et, non loin de l'difice dont j'ai marqu la muraille
du Jugement dernier, j'ai russi dresser
jusqu'au plus haut de l'atmosphre l'immense coupole du
prince des Aptres. En somme, si je n'ai pas accompli
par la rvlation
LA
536
RENAISSANCE.
Les
plus haute que je ne l'avais pu rver, ni souhaiter.
les princes, m'ont honor.
papes, les rois, l'empereur,
Les artistes m'ont proclam le premier d'entre eux, et je
n'ai plus eu rien demander ni moi-mme,
qui savais
ce que je pouvais faire, ni au monde, qui me donnait plus
que je n'avais attendu de lui. Alors, tout en travaillant,
coeur s'est repos; le doute, la crainte de perdre le
des
chemin se sont carts de moi. Je me suis trouv
mon
loisirs
pour
regarder,
L'irritation
pour apprcier,
et l'impatience
au vent de leurs incertitudes,
pour
aimer.
pousser
bien ou mal,
pour natre,
la vieillesse.
pour approuver,
ont cess de me
et je suis devenu,
et qui,
l'homme
que je suis aujourd'hui
avait besoin de l'ge et se trouve jeune dans
LA
MARQUISE.
en vous, Michel-Ange,
que toujours occup du
misrable que mne dsormais le gnie de nos con-
J'aime
train
Il m'inspire
une profonde
et tendre piti. Ce monde
est un compagnon
avec lequel j'ai acque je contemple
compli une longue route, et, au rebours de moi, il s'est
il trbuche et va tomber sur
lass, il a perdu sa vigueur,
le bord du chemin, tandis que, moi, l'esprance de la vie
o je vais entrer m'excite et m'enivre de la plus adorable
quand nous sommes
tait florissant de jeupartis ensemble, mon compagnon
nesse, exubrant de sant, et toutes les esprances attisaient les flammes des regards orgueilleux
qu'il portait
esprance ! Au
matin
du sicle,
MICHEL-ANGE.
sur l'horizon.
537
Tandis
que moi je doutais, mon compagnon ne doutait de rien; je lui dois cette justice; jeune,
imptueux,
gt par les sicles farouches et pervers des
mains desquels il s'chappait, sa premire pense fut de
rpudier leurs exemples, et, tout amoureux de l'art dont
il entrevoyait
les charmes, ce fut la religion et la vertu
il songea d'abord. J'ai connu le Frre Saque, pourtant,
vonarole, madame, et jamais l'aspect de cette physionomie auguste n'a disparu de ma mmoire. J'ai vcu de ses
soit que la
leons. Soit qu'il nous ait demand trop,
Italie
leurs
ressources
et elle le savait.
ses fins ;
Elle se con-
est fini.
Il n'existe
plus d'Italie.
nos matres. Les
de la sainte
as-
MARQUISE.
Je souffre de
LA
538
RENAISSANCE.
qui reviendra
?
LA
Vous semblez
fatigu,
MARQUISE.
mon
ami. Votre
tte s'incline...
MICHEL-ANGE.
Oui,
Adieu
!
LA
A demain,
MARQUISE.
n'est-ce pas?
MICHEL-ANGE.
oui...
Il se lve ; la marquise
LA
sur mon
Appuyez-vous
jusqu'au bas de l'escalier.
le soutient
et si
MARQUISE.
bras...
MICHEL-ANGE.
539
MICHEL-ANGE.
Et quoi,
Vous
me...
MARQUISE.
mon ami?
que j'aime
tant,
je vous
Adieu!
Il
FIN
DE
LA
CINQUIME
ET
DERNIRE
PARTIE.
TABLE
DES
MATIERES
. .
I
147
263
369
PARIS.
TYPOGRAPHIE
E. PLON
453
ET Cie,
RUE GARANCIRE
, S.