Darstellung Et Vorstellung - Les Représentations Mentales
Darstellung Et Vorstellung - Les Représentations Mentales
Darstellung Et Vorstellung - Les Représentations Mentales
Communication
Information mdias thories pratiques
CLAUDE MEYER
p. 9-31
Rsums
Franais English Espaol
Dans cet article, lauteur se propose de discuter de la lgitimit scientifique des reprsentations
mentales en organisant son argumentation autour des thses hrites de la querelle des
universaux. Il sagit tout dabord de suggrer que les reprsentations seraient le produit de
notre entendement. Puis, dessayer de prouver leur existence, pour sassurer quelles sont bien
des choses. Pour terminer, lauteur est amen constater que les reprsentations nont, peut-
tre, aucune existence, quelles ne sont qu mission de la voix . Ce texte sera ainsi loccasion
dessayer de faire une synthse de ce que lon sait aujourdhui des reprsentations en allant
interroger dautres disciplines que la communication et de tenter de suggrer que cette
interdiscipline pourrait trouver grands profits souvrir aux apports des neurosciences et des
sciences cognitives.
In this article, the author proposes a discussion of the scientific legitimacy of mental
representation and organizes his argument around the inherited theses of the quarrel of
universality. In the first place, it is suggested that representation are the product of our
understanding. And, the try to prove their existence in order to assure ourselves that they are
indeed things. In concluding, the author ascertains that representation may indeed have no
existence and are mere emissions of the voice. This text will also attempt a synthesis of what
we know today about mental representations by questioning disciplines other than
communication studies and try to suggest that this interdiscipline would do well to open itself
up to the contributions of neuroscience and the cognitive sciences.
En este artculo el autor expresa sus comentarios sobre la legitimidad cientfica de las
representaciones mentales, situando su argumentacin alrededor de las tesis provenientes de
las disputas sobre los universales. En primer lugar, se trata de sugerir que las representaciones
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Entres dindex
Mots-cls : reprsentations, interdiscipline, neurosciences, sciences cognitives, universaux
Keywords : representations, interdiscipline, neuroscience, cognitive sciences, universals
Palabras claves : representaciones, interdisciplina, neurociencias, ciencias cognitivas,
universales
Texte intgral
1 Depuis plusieurs dcennies, les reprsentations ont t lobjet de nombreux et
importants travaux dans la plupart des sciences humaines et sociales alors quelles
commencent seulement tre prises en compte dans notre champ disciplinaire. Cest le
cas, par exemple, lorsquil sagit de tenter de comprendre la construction des usages, la
dimension symbolique de la technique, les processus de partage de significations et de
construction du sens Si ce concept est aujourdhui utilis dans la plupart des sciences
humaines et sociales, est-il pour autant un concept scientifiquement consistant ?
2 Je me suis pos cette question la suite dune rflexion sur mes propres travaux,
dune part, et, dautre part, dune comparaison de ceux-ci avec des travaux publis par
des collgues. Prenons un premier exemple. Lorsque, en 1985, jai tudi la
reprsentation de lordinateur chez lenfant, est-ce que je parlais bien de la mme chose
que des collgues qui, comme D.Frau-Meigs et S. Jehel (1997), travaillaient sur la
reprsentation de la violence la tlvision ? Prenons un second exemple. Lorsque, en
1996, jai analys la reprsentation dInternet dans la presse spcialise, jai prsuppos
que cette reprsentation tait susceptible davoir un effet observable en termes de
comportements sur le lecteur. Mais comment une reprsentation pouvait-elle avoir un
pouvoir causal ? En fait, il ma sembl que ce que nous dsignions sous le terme
gnrique de reprsentation ne possdait pas un statut scientifique trs clair et serait
susceptible dalimenter une nouvelle querelle des universaux si les temps sy
prtaient.
3 Cette grande controverse avait nourri, du XIIe sicle au XIVe, la quaestio et la
disputatio dans lUniversit naissante. Il sagissait alors de savoir si les universaux,
sujets ou attributs relis par une copule dans un jugement logique, ne sont que le
produit de notre entendement ou sils ont une existence dans une certaine rgion de
ltre. Les nominalistes, conduits par R. de Compigne (v. 1050-1120), soutenaient que
les universaux ne sont quune mission de la voix, un flatus vocis . Cette thse fut
rcuse par P.Abelard (1079-1142), car, si tel tait le cas, la logique serait rduite la
grammaire, rendant strictement quivalents deux jugements tels que Socrate est
homme et Socrate est la tour de Notre-Dame . Ce qui est impossible. Pour Abelard,
il nexiste donc pas duniversel homme , mais seulement un tat commun que nous
isolons par la pense. Les universaux expriment simplement la fonction logique de
certains termes. Ils sont dans lentendement. D. Scot (1266-1308), quant lui, soutenait
que les universaux sont des ralits, ils sont res1 . Produit de lentendement, ils
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trouvent leur fondement dans les choses (nous pouvons raisonner en gomtrie sur des
figures idales, mais le savoir vritable ne peut porter que sur des objets particuliers).
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qui peut tre une personne, une chose, un vnement extrieur ou intrieur, une ide
Ce qui suppose une double mtaphore : la reprsentation thtrale dune part (mise en
prsence devant le spectateur de la situation signifiante) et la reprsentation
diplomatique de lautre (la vicariance, la place de). Il y a dans la reprsentation
comme une superposition de deux types de prsence : dune part la prsence effective,
directe dune personne, dun objet, dune action ; dautre part la prsence indirecte,
mdiatise par la premire dune ralit qui nappartient pas au champ de
lapprhension directe (Ladrire, 1973 : 88).
7 Connatre une chose, cest donc lintrioriser, se lapproprier, la rendre prsente au
systme cognitif tout en la considrant comme distante, extrieure ce systme. La
connaissance apparat alors comme un processus de ddoublement du monde (la
vicariance) qui met en scne (la mtaphore thtrale) celui-ci devant le systme
cognitif, entendu comme le processus intellectuel dadaptation au rel. Les
reprsentations, hritires du courant idaliste, sont bien le produit de notre
entendement.
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9 Depuis un sicle, les psychologues ont en effet identifi trois grands types de
reprsentations mentales : les procdures, les images mentales et les concepts. La place
et le rle des reprsentations internes dans la pense ont t lobjet de controverses en
fonction des thories labores sur le fonctionnement mental, mais rarement la
question de leur assise biologique a t pose6. Par exemple, pendant longtemps,
limage mentale a t considre comme simple prolongement de la perception. Elle a
ensuite t rejete radicalement par J. B. Watson, le fondateur du bhaviorisme, parce
que relevant de lintrospection. Puis, lcole gestaltiste a soulign son rle dans le
fonctionnement mental avant quelle ne soit totalement rhabilite, dans les annes
cinquante, par les travaux relatifs la prise de drogues psychotropes. Peu de temps
auparavant, J. Piaget (1946) avait soutenu que limage mentale nest pas un simple
prolongement de la perception, mais un processus symbolique au mme titre que le
langage. Elle nest donc pas une simple copie du rel, mais une construction active
ralise par le sujet. Les travaux de Paivio et ceux de M. Denis (1989) ont confirm cette
importance de limage dans les processus cognitifs7. Les images mentales peuvent avoir
un aspect actif, opratoire, que ne possdent pas les images perceptives. Elles
conservent linformation, mais elles la transforment dans le sens dune schmatisation.
Elles possdent essentiellement deux fonctions : une fonction rfrentielle
(reconstruction de lenvironnement) et une fonction laborative (mise en relation des
contenus imags). Dans notre champ disciplinaire, nous sommes souvent confronts,
par exemple dans les recherches exprimentales sur la rception, linteraction entre
les images matrielles dune part et les images mentales dautre part. Certaines
pratiques craniques pourraient mme conduire la perte du rel (Baglin, 1998) ou
lmergence de la figure du tautisme dveloppe par L. Sfez (1988, 1990), cest--dire
cette croyance dtre dans lexpression immdiate, spontane alors que lunivers de la
reprsentation rgne en matre8. Mais, comme le rappelle C. Belisle (1999 : 353), nous
savons encore trop peu de choses sur ces processus complexes.
10 la diffrence de limage mentale, le concept ne possde pas de caractre figuratif. Il
est, pour les cognitivistes, compos dunits lmentaires, supports de
discrimination : les traits smantiques. Il est une reprsentation gnrale et abstraite
dun objet ou dune classe dobjets, ayant des proprits qualitatives communes (forme,
couleur, taille) ou des proprits fonctionnelles communes (les chiens). Cest un objet
logique stable, caractris dun double point de vue en comprhension (lensemble des
caractres qui le dfinit) et en extension (lensemble des objets auxquels le concept
stend). Les reprsentations procdurales, quant elles, sont mises en uvre dans
lexcution dune tche. Elles sont, parfois, verbalises sous forme de recettes et
correspondent la catgorie des connaissances non verbales. Elles sont obtenues au
cours dun apprentissage par laction.
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ci dispose des moyens ncessaires et suffisants pour effectuer des actions intelligentes
puisque ces symboles peuvent tre associs des structures plus vastes et transforms
laide dun ensemble fini de procdures de base. Connaissances et reprsentations sont
ainsi intimement lies. Les spcialistes de lI.A. distinguent deux grandes catgories de
connaissances : les connaissances procdurales et les connaissances dclaratives. Les
connaissances dclaratives sont indpendantes du programme dexcution alors que,
dans le mode procdural, les connaissances sont obtenues au terme de lexcution dune
procdure. Mme si, aujourdhui, lIntelligence Artificielle a perdu beaucoup de son
influence, elle a contribu faire progresser lide quune activit intelligente nest pas
ncessairement solidaire du support biologique quest le cerveau.
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rsultent dune ngociation entre les usagers et lobjet technique. J. Perriault (1989a) a
ainsi montr que lacculturation de la technique repose sur une logique dusage. Une
filiation existe entre les anciens et les nouveaux outils de communication. Cette filiation
peut tre technique, le magntoscope tant utilis en complment de la tlvision par
exemple (Gaudin et Mallein, 1983), mais peut aussi avoir un caractre plus cognitif,
pouvant aller jusqu une empreinte intellectuelle de la technique comme ce fut jadis le
cas avec la machine vapeur (Perriault, 1981 : 131). Dans La logique de lusage (1989b),
cet auteur adoptait une position thorique intressante et novatrice dans la mesure o il
suggrait que lutilisateur doit tre aussi apprhend dans le fonctionnement de ses
processus de pense (projet, instrumentation, fonction propos de Logo10 par exemple)
car les machines communiquer impliquent et simulent ceux-ci . Certains dcalages
peuvent tre observs entre le projet des concepteurs, la prescription dusage et les
usages rels. En effet, lusager procde par ruse pour aboutir des dtournements. Ces
processus dappropriation peuvent conduire un mtissage entre la logique de lobjet et
la logique dusage ou de nouvelles formes de sociabilit (Jouet, 1990). Ces machines
sont-elles porteuses du dveloppement de nouveaux schmas cognitifs ? Cest ce que
suggrent les travaux de S. Turkle et de P. M. Greenfield. Aujourdhui, alors que les
machines rtrcissent la plante, se pose la question de la tlprsence comme
nouveau milieu dexprience (Weissberg, 1999) et apparaissent de nouveaux problmes
telle la gestion de la distance (Wolton, 1997) ou la prise en compte de la distanciation
que la technique instaure dans la communication (Lamizet, 1996 : 15, 25) ; ce qui nous
incite nous demander quel rle les reprsentations jouent dans les processus de
pense.
Reprsentation et pense
La question de lintentionnalit
15 Nous avons appris de R. Descartes (1637, 1963) que la pense, intrinsquement lie
au langage, est la source de toute activit mentale : je pense donc je suis. Selon
Descartes (1641, 1979), elle est le privilge de lHomme qui est une chose pensante, une
res cogitans, alors que les animaux ne sont que mcanique sans me. Sans pense, pas
de langage verbal. Mais nous savons aujourdhui, grce lthologie cognitive, que
lide selon laquelle la plupart des animaux obiraient des instructions prcbles est
fausse. Si, avec J. Vauclair (1995), nous admettons que la pense peut tre considre
comme une construction de systmes de reprsentations partir de lexprience,
certains animaux possdent une pense lmentaire ou tout au moins un tat mental,
mme si ces animaux ne possdent pas un langage verbal. En effet, des capacits
dapprentissage base de discrimination ont pu tre mises en vidence aussi bien chez
des mollusques comme le calamar ou le poulpe que chez des oiseaux comme le
perroquet ou le pigeon. Lanimal nest donc pas un automate m uniquement par le
programme de son code gntique. Certains primates non humains possdent mme
des aptitudes linguistiques11. Non seulement ils savent user de symboles arbitraires la
place dobjets quils reprsentent, mais ils sont aussi capables dutiliser des symboles
dans le contexte dune communication instrumentalise.
16 Mais, nous rappelle J. Vauclair (1998 : 34), la limite se trouve dans le rapport que le
signe entretient avec lobjet. Alors que chez lHomme, il sagit dune arbitrarit radicale
selon lexpression de Saussure, cest--dire que cette arbitrarit relie un mot un
concept, chez le singe, il sagit seulement de relier un substitut un objet. Si ces
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animaux possdent des reprsentations, il nest par contre pas prouv quils puissent se
reprsenter quils pensent et ce quoi, ventuellement, ils penseraient. Il semble aussi
quils ne puissent pas accorder des intentions un congnre. De telles capacits
seraient lies la conscience en gnral et la conscience de soi en particulier : les
organismes qui sont conscients de leur propre existence peuvent attribuer des contenus
mentaux autrui. On ne connat les tats mentaux dautrui que si lon connat ses
propres tats mentaux. Il semble bien que la capacit de se concevoir dabord soi-mme
est ce qui rend possible la pense complexe. Et seul lHomme en serait
capable : Descartes sest vraisemblablement tromp, il aurait d dire je suis, donc je
pense .
17 Le point nodal pour traiter cette question renvoie srement aux travaux de F.
Brentano. Celui-ci stait attach comprendre (1874) ce quil appelle lintentionnalit12
(Beziehung) des tats mentaux ou, titre de synonyme relation un contenu ,
orientation vers un objet ou simplement reprsentation (Vorstellung)13. Croire,
cest croire quelque chose. Dsirer, cest dsirer quelque chose. En philosophie de
lesprit, le critre de lesprit-reprsentation considre gnralement que la classe la
plus importante des tats mentaux consiste dans les attitudes propositionnelles, soit les
croyances ou les dsirs quun organisme forme au sujet de son environnement ou son
propre sujet et qui dterminent son comportement (Proust, 1997 : 9).
18 Nous pourrions alors dfinir la pense comme une activit cognitive possdant deux
dimensions : une dimension opratoire, calculatoire dans sa capacit de raisonner,
extraire, stocker et combiner des informations complexes et une dimension
intentionnelle de reprsentation interne du monde extrieur, ces deux dimensions tant
troitement solidaires. Le langage verbal permettrait la distanciation. Il permettrait de
reprsenter ce quoi on pense, sans que limbrication avec la pense soit totale, mme
si le langage est un moyen puissant pour manipuler les concepts et sil nest pas
impossible que, dans une certaine mesure, les catgories de la langue contraignent la
pense.
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29 Selon ces auteurs, le systme nerveux couple les surfaces sensorielles et motrices
travers un rseau de neurones dont la configuration peut changer compltement.
Comme ils le notent avec humour (Maturana et Varela, 1994 : 124), traiter des
reprsentations revient naviguer dans lodysse pistmologique, entre le monstre de
Scylla du reprsentationisme et le tourbillon Charybde du solipsisme . Or, pour
Maturana et Varela le systme nerveux nest ni solipsiste, car il participe aux
interactions de lorganisme avec son environnement, ni reprsentationnel, du fait que,
dans chaque interaction, cest ltat structural du systme nerveux qui spcifie quelles
perturbations sont possibles et quels changements elles dclenchent (Maturana et
Varela, 1994 : 160). Nous serions modifis par chaque exprience, mais nous ne
trouverons jamais denregistrement, dengrammes de ces expriences, tout au plus des
images de scanographe. Toute connaissance dpendrait de la structure de celui qui
connat et de son organisation mais le sujet nimposerait pas ses catgories
transcendantales a priori toute exprience (Maturana et Varela, 1994 : 160). La
signification mergerait de lhistoire de laction, elle ne serait pas donne extraire
comme le soutient le cognitivisme. Dans cette optique, la cognition ne serait pas
reconstruction dun monde extrieur prdonn (position raliste), ni celle dun monde
intrieur (idalisme). Elle serait action incarne. Ce qui, selon Varela, signifie que,
dune part, laction dpendrait des types dexpriences lies au corps et que, dautre
part, les capacits individuelles sensori-motrices sinscriraient elles-mmes dans un
contexte biologique, psychologique et culturel.
Conclusion
30 Les reprsentations appartiennent bien au domaine du mental et seulement celui-
ci. Mais son statut est loin dtre clair. Coinc entre le rel observable de la
neurobiologie et le rel observable des comportements, il sagit dun domaine postul
par les psychologues, dans une sorte de dmarche no-idaliste qui ne correspond
aucune ralit actuelle des neurosciences. Cette question des reprsentations mentales
oppose donc, nouveau, comme au XIXe sicle17, deux espaces scientifiques : lespace
popprien des sciences exprimentales monologiques, capables de formuler leurs
connaissances sous forme de lois universelles, et lespace non falsifiable des sciences
humaines, sciences du singulier pour lesquelles il convient de dfinir les limites de leur
objectivit. En fait, pour que les reprsentations puissent rellement tre tudies du
point de vue scientifique, il faudrait en avoir une approche naturaliste, une science des
choses de lesprit comme il existe une science des choses du vivant. Mais tout effort
pour aligner les sciences humaines (qui seraient positivement et historiquement en
retard) sur le modle des sciences de la nature est demeur vain. Nous savons,
aujourdhui, quun souci dobjectivit risque de conduire une Science de lHomme
sans Homme. Notre mmoire collective a conserv le souvenir, encore vivace, de la
vise hgmonique du structuralisme qui pensait, en empruntant la notion formelle de
structure lalgbre, donner enfin une scientificit aux sciences humaines. Mais cette
dmarche a conduit un savoir sans sujet. Inversement, la psychanalyse, en mettant
jour un involontaire psychique, a fait voluer en profondeur les connaissances que nous
avions du fonctionnement de lhomme. Pourtant, les noncs de la psychanalyse sont
toujours placs dans limpossibilit dtre dmentis. Ils ne sont pas falsifiables.
31 Faut-il alors brler les reprsentations mentales ? Je me suis bien gard de
donner ce texte une coloration inquisitoriale. Dans ltat actuel de nos connaissances,
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les reprsentations nous fournissent un outil pour problmatiser nos recherches et les
partager avec dautres disciplines. Elles possdent aussi, dans certains dispositifs
exprimentaux, une valeur de prdictibilit qui est un critre de scientificit. Par contre,
jai tent de suggrer que leur consistance, leur existence en tant que fait
scientifiquement tabli, laisse dsirer et je ne cache pas mon intrt pour les travaux
de Maturana et Varela. Les reprsentations me semblent tre un moyen dexplication
dat, inscrit dans un paradigme et susceptible dvoluer si un nouveau paradigme
merge, peut-tre sous la pression des neurosciences. Mais celles-ci se gardent bien de
tout triomphalisme, conscientes de ne pouvoir, sur des bases biologiques, comprendre
les processus cognitifs dans un avenir prvisible.
32 Pourtant les sciences cognitives, les neurosciences, la philosophie de lesprit
progressent alors que les SIC sont confrontes de nouveaux dfis. Nous sommes
amens essayer de comprendre comment le dveloppement dInternet, de la ralit
virtuelle, de la tlprsence, du cyberespace peut modifier notre construction de la
ralit et, plus particulirement, la reprsentation de lespace et du temps qui sont lune
des bases sur lesquelles se construisent la plupart des processus cognitifs. Du point de
vue du temps, nous pouvons nous demander quelles nouvelles horloges sociales ces
nouvelles technologies induisent ? quels vcus subjectifs correspondent ces
machines ? Va-t-on devenir des tres polychrones ? Comment vont se construire les
rapports complexes distance/proximit, local/global ? Ne risque-t-on pas dassister
un glissement des contraintes du rel aux contraintes de la machine ? Quels seront
demain, ct des facteurs biologiques et psychologiques, les lments constitutifs de
notre identit ou de nos identits multiples ? Quelles sont les habilets, les comptences
techniques et cognitives ncessaires lappropriation de ces technologies ? Quelle place
les raisonnements par infrence et plus particulirement le raisonnement abductif
vont-ils prendre ?
33 Cest aux SIC, je crois, quil appartient de tenter dapporter une rponse la plupart
de ces questions. Nest-il pas grand temps de donner, paradoxalement, aux
reprsentations une place plus importante dans notre champ disciplinaire ? Peut-on le
faire sans souvrir aux sciences cognitives, aux neurosciences, la philosophie de
lesprit ? Il est de notorit publique que de nombreux chercheurs en Infocom montrent
une forte rticence entrer en contact avec ces disciplines. Par exemple, B. Miege
(1995 : 103) reprend son compte la mise en garde svre que L. Sfez a adresse P.
Levy. Il va mme au-del en affirmant que
34 Comment alors tablir un pont avec les sciences cognitives sans pour autant rduire
lensemble des activits communicationnelles des processus cognitifs ? Remarquons
tout dabord que, si le paradigme computationel a t dominant jusquau dbut des
annes quatre-vingt-dix, des ouvrages comme Penser lesprit18 ou Cognition et
information en socit19 tmoignent, aujourdhui, dune volution indiscutable des
Sciences cognitives qui les rapproche de nos propres problmatiques. Les travaux sur la
nature de la croyance et la psychologie populaire (Engel, 1994 : 49, 70) apporteraient
certainement un clairage nouveau aux travaux relatifs lattribution de contenus
intentionnels par les mdias. Louvrage de J. R. Searle (1995) va aussi dans ce sens. Les
travaux de J. Proust (1996) sur lespace et lintentionnalit posent des questions
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Notes
1 Citons notamment : Critique no 456 (mai 1985) ; Michle Lamont (1987) ; Jean-Philippe
Mathy (1993 : surtout le chap. 5) ; Nathalie Duval (1992) ; Ieme van der Poel, Sophie Bertho et
Ton Hoenselaars (dir.) (1999) ; Stanford French Review, 15(1-2) (1991) ; et Sylvre Lotringer &
Sande Cohen (dir.) (2001).
2 Chose en latin.
3 Nous considrerons, dans cet article, les termes de savoir et de connaissance comme
synonymes dans la mesure o, comme le rappelle J. Brunschwig (1996 : 118), la langue
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franaise est lune des rares langues faire la diffrence entre savoir et connaissance. Les
expressions courantes distinguent ainsi une connaissance de type objectal et un savoir de type
prpositionnel. On dit connatre quelquun mais on ne dit pas savoir quelquun (
lexception de savoir quelque chose). Par contre, on dit savoir que quelquun . En grec
ancien, les verbes cognitifs ne sont pas spcialiss.
4 Difficult logique qui met en cause le raisonnement.
5 Pour C. S. Peirce, il existe, ct des raisonnements classiques que sont linduction et la
dduction, un troisime raisonnement, labduction, qui est le processus de formation dune
hypothse explicative.
6 lexception notoire, bien sr, de J. Piaget.
7 Dans notre civilisation, nous avons tendance ramener une image mentale llaboration
dune image visuelle. Ceci est, bien entendu, rducteur puisque limage mentale peut tre
construite partir dautres images perceptives provenant des sens du toucher, du got, de
loue et de lodorat.
8 L. Sfez utilise cette figure pour tenter de rendre compte de la circularit induite, selon lui, par
le monde des mdias qui reprsente lhumain et sexprime sa place et qui fait que rien ne
communique.
9 Expression que lon peut traduire par informationnellement cloisonn .
10 Logo est un langage informatique procdural interprt destin faciliter le dveppemment
cognitif de lenfant. Il avait t mis au point par S. Papert, la fin des annes soixante-diz, dans
lesprit de lpistmologie piagtienne. J. Perriautl est lorigine de sa diffusion en France,
notamment dans le cadre de la RCP/CNRS LOGO quil a anim lINRP de Montrouge de la
fin des annes soixante-dix au milieu des annes quatre-vingt.
11 Voir ce sujet les travaux de D. Premack (1983, 1988, 1995) et de K. Pinker (1994) par
exemple.
12 Brentano utilise le terme intentionnel dans le sens de la scolastique comme, par exemple,
chez Thomas dAquin pour qui ce terme signifie mental par opposition au rel. Inexistenz,
dans le sens dtre lintrieur de en est un synonyme. Prcisions apportes par J. P. Dupuy
(1994 : 103).
13 Cette question a aussi t largement dbattue par des philosophes comme Husserl, D.
Dennett et J. Searle. Lexpos de ces thories dpasse le cadre de ce texte.
14 En fait, le cerveau est en grande partie un automate non-conscient. Il serait dailleurs
impossible de vivre si le cerveau tait totalement conscient. La vie consciente est trs coteuse
en nergie et en temps.
15 peu prs la mme poque, Frege introduira la diffrence entre Gedanken (pense) et
Vorstellung (reprsentation).
16 Rosenblueth, le mentor de N. Wiener, estimait que des notions comme intelligence,
conscience, mmoire, apprentissage, anticipation, intentionnalit, contenu, qui renvoient ce
qui se passe dans lesprit des sujets et qui ne peuvent faire lobjet daucune mesure nont
aucune pertinence pour le problme de la communication (Dupuy, 1994 : 40). La
cyberntique qui stait donn pour objectif ddifier une science gnrale de lesprit vacue
totalement les tats mentaux de sa problmatique. Renouant avec le vieux projet de La
Mettrie, les cybernticiens voulaient assimiler lhomme la machine qui est le modle, un
modle imiter. Lune de ces machines sera lordinateur, qui peut tre considr comme une
occurrence du programme universel de la machine de Turing. Le cerveau, dans sa fonction
(lesprit) et dans sa structure (la biologie) peut tre assimil un ordinateur. Puisquun
comportement cognitif peut tre dissoci de son conditionnement, rien ne soppose ce quil
soit excut sur des supports multiples : cerveau humain, animal ou machine (rseau neuronal
ou ordinateur symbolique qui reste inventer). Avec cette conception, la cyberntique a t
lorigine de lIntelligence Artificielle symbolique, du connexionisme et de la Thorie des
Systmes auto-organisateurs. Elle entretient aussi des liens de parent avec la philosophie de
lesprit.
17 Ce dbat avait t ouvert, ds le XIXe sicle, par la publication peu prs simultane, en
1883, de deux ouvrages. Tout dabord, celui de C. Menger qui tait partisan de la mthode
scientifique pure et dure, intitul Recherches sur la mthode des sciences sociales. Puis,
louvrage de W. Dilthey, Introduction aux sciences de lesprit. Dans ce dernier, Dilthey
prsente lopposition entre sciences de la nature et sciences de lesprit . Il soutient la
ncessit dlaborer une autre mthode que celle des sciences naturelles, une mthode qui
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Rfrence lectronique
Claude Meyer, Les reprsentations mentales , Communication [En ligne], vol. 21/1 | 2001,
mis en ligne le 25 janvier 2016, consult le 10 fvrier 2017. URL :
http://communication.revues.org/5445 ; DOI : 10.4000/communication.5445
Auteur
Claude Meyer
Claude Meyer est professeur lUniversit dOrlans. Courrier : meyer.claude@wanadoo.fr
Droits dauteur
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